SEANCE DU 29 MAI 2001


M. le président. « Art. 1er. - L'article 2 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions est ainsi rédigé :
« Art. 2 . - I. - Les entreprises de fabrication ou de commerce de matériels de guerre et d'armes et munitions de défense des 1re, 2e, 3e, 4e catégories ne peuvent fonctionner et l'activité de leurs intermédiaires ou agents de publicité ne peut s'exercer qu'après autorisation de l'Etat et sous son contrôle.
« II. - Toute personne qui se propose de créer ou d'utiliser un établissement pour se livrer à la fabrication ou au commerce, autre que de détail, des matériels de guerre, armes, munitions ou de leurs éléments des 1re, 2e, 3e, 4e, 5e ou 7e catégories, ainsi que des armes de 6e catégorie énumérées par décret en Conseil d'Etat, est tenue d'en faire au préalable la déclaration au préfet du département où est situé l'établissement.
« La cessation de l'activité ainsi que la fermeture ou le transfert de l'établissement doivent être déclarés dans les mêmes conditions.
« III. - L'ouverture de tout local destiné au commerce de détail des matériels visés au premier alinéa du II est soumise à autorisation. Celle-ci est délivrée par le préfet du département où est situé ce local, après avis du maire.
« Cette autorisation est refusée si la protection de ce local contre le risque de vol ou d'intrusion est insuffisante. Elle peut, en outre, être refusée s'il apparaît que l'exploitation de ce local présente, notamment du fait de sa localisation, un risque particulier pour l'ordre ou la sécurité publics.
« IV. - Un établissement ayant fait l'objet d'une déclaration avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° du relative à la sécurité quotidienne n'est pas soumis à l'autorisation mentionnée au premier alinéa du III. Il peut être fermé par arrêté du préfet du département où il est situé s'il apparaît que son exploitation a été à l'origine de troubles répétés à l'ordre et à la sécurité publics ou que sa protection contre le risque de vol ou d'intrusion est insuffisante : dans ce dernier cas, la fermeture ne peut être décidée qu'après une mise en demeure, adressée à l'exploitant, de faire effectuer les travaux permettant d'assurer une protection suffisante de cet établissement contre le risque de vol ou d'intrusion.
« V. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article. »
Sur cet article, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 81, M. du Luart, Mme Heinis, MM. Oudin et Poniatowski proposent de supprimer cet article.
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Schosteck, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 26 tend à compléter le III du texte présenté par l'article 1er pour l'article 2 du décret du 18 avril 1939 par un alinéa ainsi rédigé :
« L'autorisation ne peut être retirée, en cas de troubles à l'ordre ou à la sécurité publics, que si ces troubles sont directement imputables à l'exploitant. »
L'amendement n° 27 vise, dans la seconde phrase du IV du texte présenté par l'article 1er pour l'article 2 du décret du 18 avril 1939, après les mots : « sécurité publics » à insérer les mots : « directement imputables à son exploitant, ».
L'amendement n° 81 est-il soutenu ?...
Dans ces conditions, nous allons examiner séparément les amendements n°s 26 et 27.
La parole est M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 26.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L'amendement n° 26 tend à ce qu'un retrait d'autorisation du commerce de détail d'armes ne puisse intervenir « en cas de troubles à l'ordre ou à la sécurité publics que si ces troubles sont directement imputables à l'exploitant. » Il s'agit en effet d'éviter de pénaliser un exploitant dont le magasin serait la cible de troubles organisés.
Nous sommes donc tout à fait d'accord pour dire qu'il faut imposer la fermeture d'un magasin en cas de troubles. Notre souci, c'est qu'il ne faudrait pas que la rédaction de l'article 1er permette d'imputer la responsabilité de ces troubles à quelqu'un qui n'en serait pas à l'origine. Il serait injuste qu'un établissement régulièrement implanté puisse faire les frais de troubles à l'ordre public qui ne seraient pas directement imputables à son exploitant. Cela reviendrait dans ce cas à sanctionner de manière illégitime la victime des troubles plutôt que de les prévenir ou d'en sanctionner les auteurs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. L'adoption de l'amendement n° 26 modifierait totalement le sens de l'article 1er. Je rappelle que l'objectif de celui-ci est d'empêcher l'installation de commerces d'armes dans des zones particulièrement sensibles. Il serait donc contre-productif de lier le retrait de l'autorisation au comportement de l'exploitant, qui n'est nullement en cause ; c'est le local qui est visé. Le Gouvernement ne peut donc être que défavorable à l'introduction de cet amendement.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Monsieur le ministre, il y a, je crois, un malentendu entre nous. Je vous invite à étudier attentivement l'amendement n° 26 : il ne vise nullement à empêcher quoi que ce soit ! Nous avons débattu longuement de ce point lors de la préparation de ce débat. Ainsi, prenons le cas de personnes qui sont opposées à l'existence d'un magasin régulièrement autorisé et qui fomentent des troubles : compte tenu du droit commun du régime des autorisations administratives, qui implique la possibilité du retrait d'autorisation si les conditions qui ont présidé à la délivrance ne sont plus réunies, le commerçant pourrait être pénalisé, alors qu'il est la victime des troubles. Cela nous a semblé vraiment inique. Cela constituerait un déni de justice, et c'est la raison pour laquelle je me permets d'insister.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je comprends tout à fait l'état d'esprit de M. le rapporteur. Peut-être y a-t-il un malentendu entre nous. Mais entendons-nous bien : si un local, par sa situation géographique, est générateur de troubles ou, en tout cas, s'il est considéré par le préfet comme mal approprié à la sociologie du quartier, compte tenu des risques qu'il fait encourir, c'est alors bien le local et non pas l'exploitant qui est visé.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit d'un local autorisé !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je comprends bien qu'il a été autorisé ; mais le texte du Gouvernement prévoit que ce qui a été autorisé peut être repris.
Vous savez très bien ce qui a motivé cette décision de réglementer le commerce d'armes. D'autres articles ou amendements ultérieurs porteront également sur ce point. Nous voulons éviter qu'un local ne puisse poser problème, qu'il s'agisse de son ouverture - mais vous ne mettez pas en cause le fait qu'elle soit soumise à autorisation préalable - ou du retrait de l'autorisation, en raison de la localisation.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 26.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Je profite de cette explication de vote pour m'exprimer à propos de l'amendement n° 81, qui n'a pas été soutenu et que j'avais de toute façon l'intention de retirer après avoir soulevé le problème de principe de cet article 1er.
Nous connaissons très bien l'origine de cet article 1er : c'est ce qui s'est passé dans l'Essonne à la suite de l'ouverture d'une grande surface dans un quartier sensible. Je reconnais que cela pose effectivement un problème. Mais ce qui me fait peur, avec cet article 1er, c'est que nous ne savons pas très bien ce que sera l'autorisation administrative telle qu'elle figure dans votre texte, monsieur le ministre. Quels seront les critères pour autoriser ou ne pas autoriser l'ouverture d'un tel commerce ?
Quels seront les délais pour donner l'autorisation et dans quel cas de figure cette dernière sera-t-elle accordée ? A priori , je comprends l'objet de la mesure : il s'agit de s'assurer, par exemple, que le commerce est bien protégé contre des infractions telles qu'un vol d'armes. Il s'agit donc de mesures de sécurité destinées à protéger le magasin.
Mais il existe un danger pour la liberté d'ouvrir un commerce. C'est pourquoi il est un peu gênant de ne pas savoir ce que recouvre cette autorisation administrative.
J'avais l'intention de retirer l'amendement n° 81 en vous demandant, monsieur le ministre, de nous préciser les termes de cette autorisation. C'est la raison pour laquelle l'amendement n° 26 me semble bienvenu. Je ne vois en effet pas pourquoi une autorisation d'ouverture d'un magasin accordée par l'administration serait immédiatement retirée dès lors que des troubles à l'ordre et à la sécurité publics se produisent. Aussi la précaution de la commission des lois me semble-t-elle bonne.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Comprenons-nous bien. L'article 1er du projet de loi tend à compléter l'article 2 du décret-loi du 18 avril 1939 en instaurant, à côté des quatre premières catégories, un régime d'autorisation pour l'installation d'un local de vente au détail d'armes des première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième ou septième catégories, ainsi que d'armes de sixième catégorie énumérées par le Conseil d'Etat.
Si le local futur est destiné uniquement au commerce de détail des armes et des munitions qui peuvent être achetées par des particuliers, l'armurier devra s'adresser au préfet du lieu de situation du local pour obtenir l'autorisation d'utilisation.
Le préfet se prononcera sur la demande après avis du maire. Il pourra refuser l'autorisation si les mesures prévues pour assurer la protection du local contre le vol ou l'intrusion sont insuffisantes ou s'il apparaît que l'exploitation du local présente notamment, du fait de sa localisation, un risque particulier pour l'ordre ou la sécurité publics.
L'autorisation sera délivrée sans limitation de durée. Toutefois, le préfet pourra retirer l'autorisation ou prononcer la fermeture du local si l'exploitation de celui-ci est à l'origine de troubles répétés à l'ordre et à la sécurité publics ou si sa protection contre le risque de vol ou d'intrusion est insuffisante. Dans ce dernier cas, la fermeture ne pourra être prononcée qu'après mise en demeure adressée à l'exploitant de faire effectuer les travaux nécessaires.
Les motifs sur lesquels le préfet pourra se fonder pour décider la fermeture sont objectifs - ils sont liés à la protection du local ou à sa localisation - et non subjectifs, c'est-à-dire liés à la personnalité de l'exploitant.
Il existe actuellement, monsieur le sénateur, 550 armureries pour environ 500 à 600 armuriers.
M. Ladislas Poniatowski. Je croyais que les armureries étaient au nombre de 850 !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Les exploitants des armureries existant à la date d'entrée en vigueur de la loi n'auront aucune démarche à faire ; ils continueront d'excercer sans avoir à solliciter une autorisation préfectorale. En revanche, le préfet pourra prononcer la fermeture des locaux existants dans les mêmes conditions que pour les locaux ouverts après l'entrée en vigueur de la loi.
Le nouveau régime d'autorisation d'installation des magasins de commerce de détail d'armes ne s'applique ni aux armureries exclusivement consacrées aux armes historiques et de collection, c'est-à-dire la huitième catégorie, ni aux vendeurs d'armes de sixième catégorie non nommément désignées, et je pense par exemple, à cet égard, aux couteliers, même si, actuellement, les armes blanches sont de nature à nous inquiéter terriblement.
Au-delà de ce qui s'est passé dans un quartier d'une commune de l'Essonne, le problème est réel. Ce régime d'autorisation d'installation des magasins de commerce de détail d'armes vise non pas à limiter le travail des armuriers - d'autres dispositions prévoient en effet que les armuriers sont justement les professionnels habilités à effectuer les transactions ou les ventes d'armes, et ce pour éviter les abus - mais à lutter contre les risques encourus dans un certain nombre de quartiers.
J'ajoute, s'agissant de la liberté d'ouvrir un commerce qui a été évoquée, que, dans la société libérale qui est la nôtre, certains commerces ne peuvent s'ouvrir à moins de telle distance d'un autre commerce, notamment pour des raisons de concurrence. Cette mesure n'est donc en rien dirigée contre les armuriers.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 27.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement de cohérence a le même objet que le précédent amendement s'agissant des établissements déjà ouverts avant l'entrée en vigueur de la loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Par cohérence, il est défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté).

Article 2