SEANCE DU 12 JUIN 2001


M. le président. Par amendement n° 85, M. Lambert, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 26, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'Etat tient une comptabilité des recettes et des dépenses budgétaires et une comptabilité générale de l'ensemble de ses opérations.
« En outre, il met en oeuvre, par service, une comptabilité destinée à analyser les coûts des différentes actions engagées dans le cadre des programmes.
« Les comptes de l'Etat doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Cet amendement reprend, sous réserve de modifications rédactionnelles, le premier et le deuxième alinéas de l'article 29 du texte qui a été adopté par l'Assemblée nationale.
Ainsi, le premier alinéa du texte que nous proposons établit une distinction formelle entre la comptabilité des opérations budgétaires et la comptabilité générale de l'ensemble des opérations de l'Etat, soulignant le fait qu'il s'agit de deux systèmes différents de représentation comptable, qui portent sur des périmètres distincts.
Le deuxième alinéa vise à ce que chaque service de l'Etat mette en oeuvre une comptabilité destinée à analyser les coûts de ses actions. Cette exigence doit permettre de connaître les coûts complets des actions menées dans le cadre des programmes. Une telle information est essentielle tant pour les gestionnaires que pour les parlementaires chargés de les contrôler et constituera, nous en sommes convaincus, une incitation forte à la réforme de l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je suis tout à fait favorable à cet amendement et aux objectifs qu'il traduit. Néanmoins, je me permettrai de faire une suggestion à M. Lambert.
Il me semble que, en précisant, au deuxième alinéa, que la comptabilité doit être mise en oeuvre par service, on préjuge le périmètre pertinent d'analyse des coûts et des performances que cette comptabilité rendra possible. En supprimant les termes « par service », on permettrait aux administrations de définir le périmètre d'analyse des coûts le plus pertinent.
Je pourrais pleinement souscrire à cet amendement n° 85 s'il était rectifié en ce sens.
M. le président. Monsieur le rapporteur, accédez-vous au souhait que vient d'exprimer Mme le secrétaire d'Etat ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 85 rectifié, accepté par le Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi organique, après l'article 26.
Par amendement n° 86, M. Lambert, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 26, un article additionnel ainsi rédigé :
« La comptabilisation des recettes et des dépenses budgétaires obéit aux principes suivants :
« 1° Les recettes sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont encaissées par un comptable public ;
« 2° Les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont payées par les comptables assignataires. Toutes les dépenses doivent être imputées sur les crédits de l'année considérée, quelle que soit la date de la créance.
« Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, des recettes et des dépenses budgétaires peuvent être comptabilisées au cours d'une période complémentaire à l'année civile, dont la durée ne peut excéder vingt jours. En outre, lorsqu'une loi de finances rectificative est promulguée au cours du dernier mois de l'année civile, les opérations de recettes et de dépenses qu'elle prévoit peuvent être exécutées au cours de cette période complémentaire.
« Les recettes et les dépenses portées aux comptes d'imputation provisoire sont enregistrées aux comptes définitifs au plus tard à la date d'expiration de la période complémentaire. Le détail des opérations de recettes qui, à titre exceptionnel, n'auraient pu être imputées à un compte définitif à cette date figure dans l'annexe prévue par le 5° de l'article 48 septies. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 198, présenté par M. Charasse, et tendant à rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 86 :
« Dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les recettes et les dépenses peuvent être encaissées ou payées et comptabilisées au cours d'une période complémentaire de l'exercice qui s'achève le 20 janvier de l'année suivante. En outre, lorsqu'une loi de finances rectificative est promulguée au cours du dernier mois de l'exercice, les opérations de recettes et de dépenses qu'elle prévoit peuvent être exécutées jusqu'à cette même date. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 86.
M. Alain Lambert, rapporteur. Il s'agit de la comptabilisation des recettes et des dépenses budgétaires.
Cet amendement n° 86 correspond aux dispositions de l'article 6 tel qu'il avait été adopté par l'Assemblée nationale et que, sur la suggestion de la commission, le Sénat a supprimé compte tenu de la réorganisation du texte que j'ai évoquée. Il reprend les trois premiers alinéas de cet article sous une réserve : la prise en compte de toutes les dépenses à la date de leur paiement.
La distinction entre les dépenses payables par ordonnancement et les dépenses payables sans ordonnancement n'est en effet pas nécessaire, au regard de la pratique.
Cette simplification ajoute par ailleurs de la cohérence à la comptabilité de caisse, qui suppose que les dépenses et les recettes sont prises en compte au moment du décaissement ou de l'encaissement.
Cet amendement reprend également des dispositions relatives aux comptes d'imputation provisoire en remplaçant la date d'arrêté du résultat budgétaire par la date d'expiration de la période complémentaire. Cette date étant, dans les faits, la même, cette modification ne vise qu'à améliorer la cohérence rédactionnelle de l'article.
En revanche, cet amendement s'écarte sensiblement du texte adopté par l'Assemblée nationale s'agissant de la fameuse période complémentaire, dont il conserve la durée maximale de vingt jours, tandis que l'Assemblée nationale ne limite les opérations pouvant être effectuées au cours de la période complémentaire que par les conditions qui pourraient être fixées par décret en Conseil d'Etat.
Il vous est proposé de restreindre ces opérations, d'une part, à la comptabilisation des recettes et des dépenses budgétaires, d'autre part, aux opérations prévues par une loi de finances rectificative promulguée au mois de décembre.
La limitation de la période complémentaire aux seules opérations comptables aurait vraisemblablement empêché la consommation des crédits ouverts par les lois de finances rectificatives de fin d'année, ce qui n'apparaît pas souhaitable.
La solution proposée nous semble donc constituer un bon compromis entre les besoins de gestion de l'Etat et la volonté que le Sénat n'a jamais cachée de limiter les opérations pouvant être exécutées au cours de la période complémentaire.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre le sous-amendement n° 198.
M. Michel Charasse. Il s'agit d'un sous-amendement purement rédactionnel.
Dans la mesure où l'on parlera systématiquement du 20 janvier pour évoquer la date butoir, autant faire figurer cette date dans le texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 198 ?
M. Alain Lambert, rapporteur. La commission ne voit pas là une modification purement rédactionnelle. Elle y voit plutôt la marque du génie rédactionnel de M. Charasse ! (Sourires.)
La commission a souhaité que les opérations autres que les opérations de réglementation et d'enregistrement comptable ne puissent plus être exécutées au cours de la période complémentaire. Nous en avons trop connu, de ces opérations...
Or la rédaction proposée par Michel Charasse étendrait le champ des opérations de recettes et de dépenses pouvant être effectuées au cours de la période complémentaire, ce qui n'est pas conforme au souhait de la commission des finances et contraint son rapporteur à émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 86 et sur le sous-amendement n° 198 ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je m'en remettrai à la sagesse du Sénat pour ce qui concerne le sous-amendement n° 198.
Sur l'amendement n° 86, qui reprend pour une large part les dispositions qui ont été adoptées à l'Assemblée nationale, le président Lambert a souligné qu'il apportait aussi une modification importante. Or il me semble que la suppression de la période complémentaire pour les ordonnateurs, à l'exception des opérations prévues par un collectif, constituerait une règle difficile à appliquer.
Je prends un exemple : lorsqu'un collectif complète les crédits ouverts dans une loi de finances initiale pour une opération déterminée, faut-il considérer que les ordonnateurs pourront engager les crédits nécessaires à l'ensemble de l'opération ou uniquement à la hauteur des crédits qui auront été ouverts dans le cadre du collectif ? Dans un système, en outre, où les crédits ont vocation à être fongibles à l'intérieur d'un même programme, comment distinguer des autres ceux qui auront été ouverts en collectif ? A ce stade, je n'ai pas la réponse.
Je suis donc favorable à l'amendement n° 86, mais je souhaiterais revenir au principe qui avait été posé par l'Assemblée nationale aux termes duquel les ordonnateurs disposent, comme les comptables, d'une période complémentaire de vingt jours pleine et entière.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 198.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Il est vrai que mon sous-amendement n'est pas exclusivement rédactionnel. Mais sa rédaction me paraît plus claire ; du moins, elle dit mieux ce qu'elle veut dire.
D'abord, l'amendement de la commission pose : « Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, des recettes et des dépenses budgétaires peuvent être comptabilisées au cours d'une période complémentaire... » Lesquelles, monsieur Lambert ? Je ne trouve pas la réponse dans votre amendement !
J'en déduis donc qu'il s'agit de celles que le ministre décidera de comptabiliser pendant la période complémentaire. En utilisant l'indéfini, vous donnez au ministre la possibilité de les retenir toutes.
C'est pourquoi je pense préférable d'écrire : « les recettes » plutôt que : « des recettes ». Vous auriez précisé dans la suite de l'amendement desquelles il s'agissait, j'aurais peut-être été d'accord ; mais, là, on ne sait rien.
Ensuite, je propose de faire figurer la date du 20 janvier au lieu de se référer au vingtième jour de l'année. Cela me paraît plus clair, d'autant qu'en pratique on parlera du 20 janvier.
Enfin, la seconde phrase de mon sous-amendement me paraît moins lourde que la rédaction prévue par l'amendement n° 86.
En dehors du problème rédactionnel, je souhaiterais, pour être convaincu, que M. Lambert me dise exactement quelles sont les recettes et les dépenses qu'il vise, puisque son texte ne l'indique pas.
Je voudrais faire un parallèle avec le budget départemental, ou avec le budget communal, que nombre d'entre nous gèrent.
Pendant la période complémentaire, qui s'achève le 31 janvier, si l'investissement se poursuit, nous sommes en revanche libres de faire ce que nous voulons pour les dépenses de fonctionnement. Cela a au moins l'avantage d'être clair.
Je ne vois pas pourquoi une règle s'appliquerait aux collectivités locales, où tout est possible, et une autre à l'Etat, où il y aurait des restrictions, sachant que, dans la pratique, tout serait néanmoins possible, puisque c'est le ministre qui déciderait du champ exact de l'amendement.
M. Michel Mercier. Il a raison !
M. Yves Fréville. Il vaut mieux mettre les « recettes » !
M. Alain Lambert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Madame la secrétaire d'Etat, vous savez que notre préoccupation est, au fond, que la période complémentaire ne serve plus à ce à quoi elle a servi pendant des années et je ne stigmatise pas tel ou tel gouvernement. Le Parlement n'en veut plus, en tout cas le Sénat et sa commission des finances en cet instant n'en veulent plus.
Cependant, nous restons humbles. Nous savons que, pour les opérations décidées en collectif, aucun problème ne se pose, puisque le Parlement en a débattu. Mais ce ne sont pas toutes les opérations, et le renvoi à des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat permet de viser un certain nombre de recettes et de dépenses qu'il paraît tout à fait légitime de comptabiliser en cours de période complémentaire.
La rédaction que nous proposons devrait donc lever vos soucis et vos inquiétudes sur ce dispositif, qui, si je vous ai bien entendue, vous semble difficile à appliquer. Nous avons cherché une rédaction qui, sans imposer de contrainte inutile au Gouvernement, l'empêche cependant de faire durant la période complémentaire, sinon le contraire de ce qu'il aura annoncé, du moins des opérations qu'il n'aura pas voulu révéler au Parlement quelques semaines plus tôt, à l'occasion du collectif.
Tel est l'esprit de l'amendement, et je pense qu'il est partagé par M. Charasse, car il ne répond à aucune autre préoccupation qu'à celle que je viens d'exprimer.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 198, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 86, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi organique, après l'article 26.
Par amendement n° 87, M. Lambert, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 26, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les ressources et les emplois de trésorerie sont imputés à des comptes de trésorerie par opération. Les recettes et les dépenses de nature budgétaire résultant de l'exécution d'opérations de trésorerie sont imputées dans les conditions prévues à l'article 26 ter. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Cet amendement reprend les dispositions du dernier alinéa de l'article 25 du texte adopté par l'Assemblée nationale, qui prévoyait les règles de comptabilisation des opérations de trésorerie.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 87, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi organique, après l'article 26.
Par amendement n° 88, M. Lambert, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 26, un article additionnel ainsi rédigé :
« La comptabilité générale de l'Etat est fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations. Les opérations sont prises en compte au titre de l'exercice auquel elles se rattachent, indépendamment de leur date de paiement ou d'encaissement.
« Les règles applicables à la comptabilité générale de l'Etat ne se distinguent de celles applicables aux entreprises qu'en raison des spécificités de son action.
« Elles sont déterminées au terme d'une procédure publique d'examen contradictoire des meilleures pratiques, dans des conditions prévues par une loi de finances. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 199 rectifié, présenté par MM. Charasse, Angels et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant à rédiger comme suit le troisième alinéa du texte présenté par l'amendement n° 88 pour cet article :
« Elles sont arrêtées après avis d'un comité de personnalités qualifiées publiques et privées dans les conditions prévues par la loi de finances. Cet avis est communiqué aux commissions des finances des assemblées et publié. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 88.
M. Alain Lambert, rapporteur. Nous en arrivons à la comptabilité générale de l'Etat et aux obligations comptables de l'Etat.
Cet amendement tend à insérer un article additionnel qui reprend, sous la réserve de quelques modifications, le deuxième et le troisième alinéa de l'article 29 du texte adopté par l'Assemblée nationale.
Il prévoit que la comptabilité générale de l'Etat est fondée sur le principe de la constatation des droits et des obligations et que les règles qui y sont applicables ne peuvent se distinguer de celles qui sont applicables aux entreprises qu'en raison - et non pas « à raison », expression qui introduit une notion de proportionnalité dans le texte issu de l'Assemblée nationale - des spécificités de son action.
Le troisième alinéa de l'amendement indique que les règles de la comptabilité générale de l'Etat « sont déterminées au terme d'une procédure publique d'examen contradictoire des meilleures pratiques, dans des conditions prévues par une loi de finances ». Ainsi, il énonce les principes que devra respecter l'élaboration des règles comptables applicables à l'Etat et renvoie à une loi de finances le soin de déterminer précisément la procédure.
Il s'agit de garantir que les normes comptables ne seront établies ni par les seuls services de l'Etat ni par la seule Cour des comptes. Il reviendra donc à une loi de finances de déterminer les modalités d'élaboration des normes comptables applicables à l'Etat et, par exemple, de prévoir la création d'un comité consultatif composé de représentants de la direction générale de le comptabilité publique, de la Cour des comptes, du Parlement et d'experts-comptables du secteur privé.
Tel est l'esprit de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre le sous-amendement n° 199 rectifié.
M. Michel Charasse. Le sous-amendement vise à récrire le troisième alinéa de l'amendement n° 88, que M. le rapporteur vient de présenter.
L'amendement dispose que les règles applicables à la comptabilité générale de l'Etat « sont déterminées au terme d'une procédure publique d'examen contradictoire des meilleures pratiques ». Mais, monsieur le rapporteur, les meilleurs pratiques de qui ? de quoi ? Du secteur privé ? La comptabilité de l'Etat n'est tout de même pas une comptabilité privée ! Elle peut obéir à un certain nombre de règles générales relevant de la comptabilité privée, mais certaines contraintes ou obligations particulières à l'Etat font que ce n'est pas entièrement de la comptabilité privée.
Quant à la « procédure publique d'examen contradictoire », sa diffusion en direct sur les chaînes du Sénat et de l'Assemblée nationale - il n'y a déjà personne qui les regarde ! - fera fuir les derniers téléspectateurs, et, en effet, ce ne sera pas une soirée particulièrement rigolote ! En tout cas, je ne conseille pas de passer cela en prime time. (Sourires.)
Je comprends bien le propos du président de la commission des finances, suivi par la commission. Mais je préférerais une rédaction un peu plus encadrée, qui préciserait que ces règles « sont arrêtées après avis d'un comité de personnalités qualifiées publiques privées » - il faut bien aussi que les services du ministère des finances prennent l'avis de ceux qui pratiquent tous les jours la comptabilité privée - « dans les conditions prévues par la loi de finances. » Par ailleurs, l'avis de ce comité d'experts devra être communiqué aux commissions des finances des assemblées.
Tel est l'objet du sous-amendement n° 199 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Sur le fond, la commission n'est pas en désaccord avec Michel Charasse.
Il est vrai qu'il lui semblait préférable de laisser à une loi de finances le soin de définir précisément la procédure.
Mais je propose que nous entendions le Gouvernement et, s'il partageait l'avis de la commission, celle-ci, qui n'a pas d'orgueil d'auteur, se rangerait à cet avis, l'essentiel étant de parvenir à un texte qui soit le plus adapté possible.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 88 et sur le sous-amendement n° 199 rectifié ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 199 rectifié et, s'il était voté par le Sénat, l'amendement n° 88 ainsi sous-amendé lui paraîtrait tout à fait satisfaisant.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 199 rectifié.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Mon explication de vote prendra plutôt la forme d'une réflexion.
Je partage tout à fait les propos et les développements qui viennent d'être tenus : il s'agit d'avoir une comptabilité aussi sincère et exhaustive que possible, reposant sur des normes qui soient admises par tous.
M. Charasse nous a demandé, excellemment d'ailleurs, si nous allions débattre des normes publiquement. Mais nous le faisons déjà, dans certaines enceintes ! Au comité des finances locales, lorsque l'on débat de la M 14, on débat publiquement des normes ! D'ailleurs, on en change tous les deux ans, ce qui signifie que le débat précédent n'était peut-être pas satisfaisant.
Quoi qu'il en soit, tous les amendements que nous venons d'examiner font référence à la sincérité, au principe de la constatation des droits et des obligations, aux meilleures pratiques, etc. C'est parfait ! Mais je pose une question à la fois à M. le rapporteur et à notre collègue Michel Charasse.
La commission des finances, estimant que ce n'était pas le moment, n'a pas retenu un amendement que j'avais déposé et qui visait à établir comment allaient être comptabilisées les dépenses liées aux fonctionnaires mis à disposition. En effet, un fonctionnaire affecté dans une administration ou un organisme mais qui n'y travaille pas est à l'origine de coûts pour cette administration, sans y avoir d'utilité puisqu'il est mis à la disposition d'une autre administration, où il n'est pas comptabilisé mais pour laquelle, en revanche, il produit un certain travail. Globalement, à l'échelle de la fonction publique, il n'y a ni perte ni gain, mais comme nous raisonnons maintenant par objectif et par programme, cela ne marche plus : nous laissons subsister des mécanismes pervers qui mettent à bas l'ensemble de la magnifique construction comptable et intellectuelle que nous venons de monter. Je n'insiste pas.
On m'a dit que cet amendement trouverait davantage sa place dans un texte relatif à la fonction publique. J'estime, pour ma part, qu'il est tout à fait bien venu dans un texte qui porte sur la comptabilité de l'Etat, parce que l'Etat a des pratiques si inadmissibles qu'il ne les tolère pas pour les autres collectivités : plus de 5 000 fonctionnaires sont mis à disposition sans contrepartie financière ! Cela fausse tous les ratios et représente - excusez du peu ! - entre 1 milliard et demi et 2 milliards de francs.
Selon M. Fabius, à qui nous avons exposé le problème, c'est « accessoire ». Je ne le crois pas ! C'est le principe de la sincérité des comptes lui-même qui est faussé, je tenais à le dire.
Je voterai le sous-amendement de M. Charasse et l'amendement de la commission, mais je trouve que nous nous livrons à un exercice un peu irréel par certains aspects.
M. Joël Bourdin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. L'amendement n° 88 précise que « les règles applicables à la comptabilité générale de l'Etat ne se distinguent de celles applicables aux entreprises qu'en raison des spécificités de son action ».
Je ne crois pas que ce soit tout à fait exact : ce n'est pas en raison des spécificités de l'action de l'Etat que nous sommes très mauvais pour la comptabilisation des amortissements et des provisions, c'est parce que nous ne savons pas le faire !
Le dispositif proposé est très sympathique, mais il reste bien en deçà de la vérité.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 199 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 88, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi organique, après l'article 26.
Par amendement n° 89, M. Lambert, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 26, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les comptables publics chargés de la tenue et de l'établissement des comptes de l'Etat veillent au respect des principes et règles mentionnés aux articles 26 bis à 26 quinquies . Ils s'assurent notamment de la sincérité des enregistrements comptables et du respect des procédures. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Pour ne pas faire perdre de temps au Sénat, je n'ai pas repris la parole tout à l'heure. Toutefois, je tiens à préciser à M. Bourdin que sa remarque est justifiée, mais que nous n'avons pas voulu faire figurer l'adverbe « notamment » dans tous les paragraphes.
L'amendement n° 89 a trait au rôle des comptables publics. Sous réserve de modifications rédactionnelles, il reprend les dispositions du dernier alinéa de l'article 29 du texte de l'Assemblée nationale, dont la suppression vous sera proposée, compte tenu de la réorganisation du texte.
Il s'agit de donner un rôle accru aux comptables publics en leur confiant la mission de vérifier le respect des règles et des principes comptables mentionnés dans la présente loi organique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 89, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi organique, après l'article 26.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)