SEANCE DU 19 JUIN 2001


CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
EN MATIÈRE PÉNALE AVEC L'ARGENTINE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 174, 2000-2001) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine. [Rapport n° 229 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la motivation principale de la signature d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale avec l'Argentine diffère sensiblement de celles qui ont incité à la conclusion des deux conventions avec les pays des Caraïbes qui figurent également à l'ordre du jour de cettte séance.
En effet, c'est l'Argentine qui a, la première, souligné l'existence d'un vide juridique en matière pénale dans les relations judiciaires bilatérales, vide qui conduisait à des difficultés d'exécution des commissions rogatoires.
Afin d'y remédier, les deux pays, qui n'étaient jusqu'alors liés que par un accord d'entraide en matière civile, en date de 1991, ont souhaité conclure une convention d'entraide judiciaire dans ce domaine ; celle-ci a été signée à Paris le 14 octobre 1998.
Elle a été inspirée tant par la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 que par les conventions bilatérales signées par la France avec le Mexique, en 1994, et avec Cuba, trois semaines avant le présent accord. L'obligation d'entraide se substitue désormais à une pratique judiciaire bilatérale fondée jusqu'à présent sur le principe de réciprocité et l'analyse au cas par cas des demandes.
Les vingt-six articles de cet accord reprennent les dispositions classiques en la matière. Il en est ainsi de l'exclusion de son champ d'application des infractions militaires et de l'exécution des décisions d'arrestation ou de condamnation, sauf en cas de confiscation. Un mode de communication directe entre les ministères chargés de la justice est instauré. L'entraide s'applique à la recherche de personnes, à la notification de décisions judiciaires, à la production de documents et décisions judiciaires, aux perquisitions, aux dépositions et interrogatoires, aux citations à comparaître et à la confiscation de biens.
L'entraide peut être refusée dans le cas d'une infraction politique ou encore lorsque la demande est susceptible de porter préjudice à la souveraineté, à la sécurité ou à l'ordre public.
La convention organise également entre les parties la remise des actes de procédure et des décisions judiciaires, la transmission de dossiers ou de pièces à conviction, l'exécution des demandes d'entraide, le transfèrement temporaire, le transit d'une personne détenue et, enfin, l'envoi d'informations sur les casiers judiciaires, la dénonciation aux fins de poursuite et l'échange annuel d'avis de condamnation.
Des dispositions spécifiques fixent également les conditions de comparution de témoins, experts et personnes poursuivies, ainsi que les procédures visant les produits des infractions et la possibilité de restitution de biens à la victime.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert del Picchia, rapporteur. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un projet de loi visant à autoriser la ratification d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et la République argentine, signée le 14 octobre 1998.
Sans revenir sur l'ensemble du dispositif juridique, que vous nous avez déjà présenté, monsieur le ministre, et qui figure dans mon rapport écrit, je m'attacherai à souligner l'intensité de notre coopération avec l'Argentine, qui s'efforce actuellement de surmonter une conjoncture économique défavorable et de poursuivre la consolidation de ses institutions démocratiques.
Candidat de la coalition formée de l'Union civique radicale et du Front pour un pays solidaire, M. Fernando de La Rua a été élu, en octobre 1999, à la présidence de la République, à la suite de deux mandats du président Carlos Menem. Ces élections ont confirmé la consolidation des institutions démocratiques.
Le succès obtenu par M. de La Rua ne s'est cependant pas traduit par la constitution d'une majorité parlementaire, indispensable à la mise en oeuvre des réformes annoncées lors de la campagne. Ainsi, l'Alliance, dont se réclame M. de La Rua, n'a-t-elle obtenu qu'une majorité relative à la Chambre des députés et demeure-t-elle minoritaire au Sénat, qui reste sous la tutelle de l'opposition péroniste. En outre, la majorité des provinces, notamment celle de Buenos-Aires, où le vice-président sortant, M. Ruchauf, s'est imposé face à la candidate de l'Alliance, reste gouvernée par les péronistes.
A cette absence de réelle marge de manoeuvre s'ajoutent des dissensions internes, qui ont fragilisé l'Alliance.
Le pays est, par ailleurs, aujourd'hui en proie à de sérieuses difficultés économiques et financières. Avec près de 15 % de la population active au chômage et treize millions de personnes vivant dans la pauvreté, l'économie argentine souffre de difficultés structurelles ainsi que des conséquences de la parité, décidée en 1991, entre le dollar et le peso : en particulier, les exportations à destination du principal partenaire de l'Argentine au sein du MERCOSUR, le Brésil, s'en trouvent gravement freinées.
Afin de remédier au besoin de financement du pays, désormais estimé à près de 23 % du PIB, l'Argentine avait conclu, le 18 décembre dernier, avec le Fonds monétaire international et les banques privées, un accord prévoyant la mise à disposition de 40 milliards de dollars, destinés à soutenir les réformes structurelles engagées par le président de La Rua. Des mesures budgétaires additionnelles devront cependant être prises par l'Argentine pour atteindre les objectifs fixés par le FMI dans le cadre de ce concours financier.
J'en viens au second point de mon intervention : la coopération entre la France et l'Argentine, caractérisée à la fois par son ancienneté et par son intensité.
Notre coopération culturelle, relayée par les 102 implantations de l'Alliance française et la présence de deux lycées français, représentait en 2000 plus de 12 millions de francs. Cependant, la présence traditionnelle du français, aujourd'hui menacée par les programmes éducatifs fédéraux et par l'influence croissante du portugais et de l'anglais, devra faire l'objet à l'avenir de mesures spécifiques, destinées à conforter sa vigueur en Argentine, qui demeure un véritable « concentré d'Europe ».
Notre coopération scientifique et technique, recentrée sur la formation des élites administratives et commerciales ainsi que sur les domaines médicaux et agro-alimentaires, devrait à l'avenir diversifier son champ d'intervention et répondre favorablement aux attentes de nos partenaires argentins.
En outre, notre pays est aujourd'hui le troisième investisseur étranger en Argentine, avec près de 200 sociétés implantées, sans compter les minorités de contrôle et les sociétés mixtes. Représentant près de 7,3 % des flux cumulés d'investissements directs à l'étranger, la France est également le septième fournisseur de l'Argentine, qui occupe une position centrale dans le MERCOSUR.
En conclusion, l'intérêt de cette convention, qui permettra de combler un vide juridique en ajoutant l'entraide judiciaire aux divers domaines de notre coopération, réside avant tout dans l'approfondissement de notre partenariat avec l'Argentine, avec laquelle la France entend resserrer ses liens.
C'est pourquoi, sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères vous propose, mes chers collègues, d'adopter le présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine, signée à Paris le 14 octobre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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