SEANCE DU 26 JUIN 2001


M. le président. « Art. 14 quater A. - L'article L. 245-6 du code de l'action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les sommes versées au titre de l'allocation compensatrice ne font pas l'objet d'un recouvrement à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 27, M. Seillier, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - La dernière phrase de l'article L. 245-6 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigée :
« Les sommes versées au titre de l'allocation compensatrice ne font pas l'objet d'un recouvrement sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire, ni à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour les départements du I ci-dessus sont compensées par une augmentation, à due concurrence, de la dotation globale de fonctionnement. Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont compensées par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 112, MM. Hoeffel, Jean-Louis Lorrain, Machet, Mme Bocandé, MM. Franchis, Barraux, Bécot, Moinard, Souplet, Huchon, Herment et Nogrix proposent de rédiger ainsi cet article :
« I. - La dernière phrase de l'article L. 245-6 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigée :
« Les sommes versées au titre de l'allocation compensatrice ne font pas l'objet d'un recouvrement sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire ni à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune. »
« II. - La perte de recettes est compensée, pour les départements, par une augmentation à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement et corrélativement par le budget de l'Etat par une majoration du taux de la contribution mentionnée à l'article 235 ter Y du code général des impôts. »
Par amendement n° 141, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit ce même article :
« I. - L'article L. 245-6 du code de l'action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les sommes versées au titre de l'allocation compensatrice ne font pas l'objet d'un recouvrement sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire ni à l'encontre du bénéficiaire, lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune. »
« II. - La perte de recettes est compensée pour les départements par une augmentation à due concurrence, de la dotation globale de fonctionnement.
« III. - L'augmentation du prélèvement sur recettes résultant de l'application des dérogations du II ci-dessus est compensée à due concurrence par l'augmentation du taux prévu au deuxième alinéa de l'article 219 du code général des impôts. »
La parole est à M. Seillier, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 27.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Comme l'a rappelé M. Huriet lors de la discussion générale, l'Assemblée nationale a sensiblement réduit la portée du dispositif que le Sénat avait adopté en première lecture en matière de récupération sur succession des personnes handicapées.
Nous pouvons nous féliciter que la fermeté du Sénat ait permis une prise de conscience, tardive mais salutaire, de nos collègues, prise de conscience qui débouche sur une avancée modeste, mais encourageante.
Il reste que l'Assemblée nationale, en levant le gage à la demande du Gouvernement, ne crée pas les conditions d'un dialogue constructif entre le Gouvernement et les présidents de conseils généraux pour assurer l'équilibre des budgets locaux. Il en est d'ailleurs de même pour l'allocation personnalisée d'autonomie.
Dans ces conditions, la commission ne vous propose pas de rétablir intégralement son texte de première lecture, qui remanie en profondeur le régime de la récupération sur succession. En revanche, elle souhaite que le Sénat continue de manifester une attention soutenue aux spécificités des contraintes que subissent les personnes handicapées.
Cet amendement reprend, en fait, deux dispositions déjà votées.
Tout d'abord, il tend à rétablir la disposition votée par le Sénat en première lecture qui prévoyait une stricte identité de traitement entre les titulaires de l'allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP, et ceux de la future allocation personnalisée d'autonomie. Il est donc prévu qu'il ne peut être exercé de recours, ou récupération, à l'encontre de l'héritier, du donataire ou du légataire du bénéficiaire de l'ACTP. Cette mesure est complétée par le dispositif adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, qui prévoit qu'il ne peut y avoir de recours, en cas de retour à meilleure fortune du bénéficiaire de l'ACTP.
Ensuite, le dispositif proposé par la commission prévoit une compensation des pertes de recettes, notamment pour les départements.
M. le président. La parole est à Mme Bocandé, pour défendre l'amendement n° 112.
Mme Annick Bocandé. Cet amendement vise à aligner les règles de récupération applicables à l'allocation compensatrice accordée aux personnes handicapées sur les règles qui sont prévues en matière d'allocation personnalisée d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes. Il serait en effet tout à fait inacceptable, compte tenu de la fiscalité analogue de ces deux prestations, que les personnes handicapées soient pénalisées par rapport aux personnes âgées.
Or, en l'état actuel de la rédaction de l'article 14 quater, contrairement à l'allocation personnalisée d'autonomie, l'allocation compensatrice serait récupérable premièrement, en cas de donation faite par le bénéficiaire de l'allocation compensatrice ; deuxièmement, lors de la succession, dès lors que les héritiers ne seraient pas le conjoint, les enfants ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge de la personne handicapée ; enfin, troisièmement, en cas de legs.
Les personnes handicapées et leur famille ne peuvent admettre une telle différence de traitement et demandent que, au minimum, les règles de récupération adoptées pour les prestations versées aux personnes âgées dépendantes soient étendues à l'allocation compensatrice.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 141.
M. Guy Fischer. Conscients de la nécessité de faire évoluer et d'harmoniser les règles de récupération des prestations d'aide sociale avant l'examen de ce texte en première lecture par le Sénat, nous avons reçu, comme d'autres, un certain nombre d'associations, dont l'Association des paralysés de France et le Comité national pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes, qui nous ont convaincus de la légitimité de déposer un amendement modifiant en profondeur et dans son ensemble le régime de la récupération sur succession intégrant la problématique particulière des personnes handicapées.
Partageant ces objectifs, la majorité sénatoriale s'est accordée pour voter un amendement visant à réformer les règles de récupération de l'aide sociale applicables à l'allocation compensatrice et aux frais d'hébergement en établissement spécialisé, disposition saluée par le monde associatif, rassemblé devant le Sénat, comme étant une réelle avancée sociale.
Nous regrettons vivement que l'Assemblée nationale, à la demande du Gouvernement, se soit contentée de limiter la réforme des règles de récupération au seul cas où le bénéficiaire de l'allocation compensatrice revient à meilleure fortune.
Notre amendement tend à compléter ce dispositif en le calquant sur celui que nous avons validé pour les bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie. Nous prévoyons donc que, outre le cas de retour à meilleure fortune, il ne peut pas être exercé de recours ou de récupération à l'encontre de l'héritier, du donataire ou du légataire du bénéficiaire de l'ACTP.
Madame la secrétaire d'Etat, nous espérons vivement que vous ne vous opposerez pas à cet amendement de nature à mettre un terme à une inégalité de traitement injustifiable et qui entraîne des incompréhensions tout à fait légitimes.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 112 et 141 ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. A l'évidence, la commission trouve très sympathiques ces deux amendements puisque, à l'exception des gages proposés, ils sont identiques à celui qu'elle a présenté : l'amendement n° 112 prévoit une contribution sur les établissements de crédit, les compagnies d'assurance et les sociétés immobilières ; l'amendement n° 141 propose une augmentation de l'imposition sur les plus-values ; l'amendement de la commission retient le gage très classique d'un accroissement des droits sur les tabacs.
C'est pourquoi je souhaite que les amendements n°s 112 et 141 soient retirés au profit de celui de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 27, 112 et 141 ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat Le Gouvernement a déjà consenti un effort en exonérant le bénéficiaire revenu à meilleure fortune du recouvrement de l'allocation compensatrice, mesure qui profite particulièrement aux personnes handicapées dans le cours de leur vie.
Ces amendements visent à élargir cette exonération prévue pour la succession du bénéficiaire au légataire et au donataire.
L'impact financier d'une telle mesure sur le budget de l'Etat ou sur celui des collectivités départementales n'a pas été mesuré, mais il est probable qu'il se révélerait non négligeable.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite que l'on prenne le temps d'évaluer le plus précisément possible les conséquences d'une telle mesure et considère qu'il est plus opportun d'introduire une telle disposition dans le projet de loi rénovant la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 27.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Seillier, rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. J'avais déjà souligné la nécessité de veiller à ce que, au travers des dispositions que nous adoptons, nous ne donnions pas l'impression d'accorder aux personnes handicapées une considération moindre que celle que nous témoignons aux personnes âgées. En effet, il ne faut pas que le droit des handicapés apparaisse comme un droit subalterne, subsidiaire, voire dérivé, de celui des personnes âgées.
A cet égard, je constate madame le secrétaire d'Etat, que votre exigence d'une évaluation, d'une expertise préalables du coût de la mesure n'a pas été formulée s'agissant de l'allocation personnalisée d'autonomie.
L'évaluation peut, certes, être faite, mais la mesure que nous proposons n'est que justice vis-à-vis des personnes handicapées.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. J'entends bien vos arguments, monsieur Seillier, et je mesure aussi combien la décision prise par le Parlement de supprimer le recours sur succession peut concerner l'ensemble des dispositifs.
J'avais déjà dit, lors de la première lecture, et à l'occasion du débat sur l'APA, qu'il était nécessaire de faire un travail de fond, de poser le problème en termes non seulement de financement et d'effet sur les collectivités locales, mais aussi de véritable choix.
J'avais également précisé que Mme Guigou et moi nous engagions à faire très rapidement un travail d'évaluation et de proposition pour l'ensemble des secteurs. Je ne peux que le répéter ce soir : il est nécessaire de mettre à plat l'ensemble de ces secteurs pour pouvoir prendre les bonnes décisions.
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Madame le secrétaire d'Etat, je m'étonne que vous veniez, une fois encore, invoquer la nécessité d'une évaluation avant toute prise de décision.
Tous mes collègues présents dans l'hémicycle savent que nous nous battons pour la reconnaissance des droits des handicapés. Il est temps de prendre position. En reculant encore une fois sous le prétexte d'une nécessaire évaluation, vous n'êtes pas dans votre rôle.
Il est absolument indispensable, à mes yeux, que vous acceptiez l'un au moins de ces amendements - celui de la commission, si son adoption rend les autres sans objet - car, alors, nos collègues de l'Assemblée nationale nous suivraient, et le monde handicapé nous en serait reconnaissant.
Pourquoi faire une différence entre la perte d'autonomie et le handicap ? Pourquoi tant ergoter sur une mesure qui n'a guère d'incidence sur le budget de l'Etat, alors que tant de fois vous chargez la barque des départements ? Sur quoi fondez-vous votre position ?
Est-ce Bercy qui vous fait reculer ? En ce cas, que Bercy vienne s'expliquer devant nous. Il est des fois où nous aimerions voir Bercy présent lors de nos discussions !
En tout cas, j'attends que vous nous expliquiez pourquoi le Gouvernement s'acharne à ne pas reconnaître le droit des handicapés au même titre qu'il reconnaît celui des personnes âgées.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 14 quater A est ainsi rédigé et les amendements n°s 112 et 141 n'ont plus d'objet.

Article 14 quater