SEANCE DU 27 JUIN 2001


M. le président. L'article 35 AA a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 48, M. Gournac, au nom de la commission, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« I. - Dans la section II du chapitre II du titre premier du livre II du code du travail, le paragraphe 4 et l'article L. 212-4-16 deviennent respectivement le paragraphe 5, et l'article L. 212-4-17.
« Il est inséré un paragraphe 4 ainsi rédigé :

« 4. Travail à temps partagé

« Art. L. 212-4-16. - Le travail à temps partagé est l'exercice par un salarié pour le compte de plusieurs employeurs de ses compétences professionnelles dans le respect des dispositions applicables à la réglementation de la durée du travail.
« Le contrat de travail du salarié à temps partagé est un contrat écrit à durée déterminée ou indéterminée. Il mentionne notamment :
« - la qualification du salarié ;
« - les éléments de la rémunération : le contrat peut prévoir les modalités de calcul de la rémunération mensualisée indépendamment du temps accompli au cours du mois lorsque le salarié à temps partagé est occupé sur une base annuelle ;
« - la convention collective éventuellement appliquée par l'employeur et, le cas échéant, les autres dispositions conventionnelles applicables ;
« - la durée du travail hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle ou annuelle ;
« - la répartition de cette durée entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois ou de l'année ; quand cette répartition ne peut être préalablement établie, un avenant au contrat de travail la définit ultérieurement ;
« - la possibilité de modifier cette répartition ou la durée du travail par accord entre les parties ;
« - la procédure selon laquelle le salarié à temps partagé pourra exercer son droit à congés annuels ;
« - la liste des autres contrats de travail dont le salariés est titulaire ; toute modification de cette liste est portée à la connaissance de chacun des employeurs par lettre recommandée avec accusé de réception ; il en est de même de toute modification d'un contrat de travail portant sur la durée du travail ou sa répartition ou sur tout élément de nature à entraver l'exécution d'un autre contrat de travail ; le salarié à temps partagé doit obtenir l'accord de ses autres employeurs préalablement à la conclusion d'un nouveau contrat de travail avec un employeur concurrent d'un précédent ;
« - l'engagement de l'employeur de ne prendre aucune mesure qui serait de nature à entraver l'exécution par le salarié de ses obligations à l'égard de ses autres employeurs ;
« - l'engagement du salarié de respecter, pendant la durée du contrat comme après sa rupture, une obligation de discrétion sur toutes informations concernant chaque employeur ;
« - l'engagement du salarié à temps partagé de respecter les limites fixées par l'article L. 212-7.
« Art. L. 212-4-16-1. - Les organismes gestionnaires du régime d'assurance chômage, les organismes de sécurité sociale et les institutions de retraite complémentaire adaptent ou modifient, en tant que de besoin, les dispositifs en vigueur afin de faciliter l'exercice des emplois à temps partagé.
« II. - Le 12° de l'article L. 133-5 du code du travail est complété par un g ainsi rédigé :
« g) Pour les salariés à temps partagé, l'adaptation, en tant que de besoin, des dispositions de la convention collective à cette catégorie de salariés. »
« III. - Le deuxième alinéa (1°) de l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même de l'accident survenu sur le parcours effectué entre les différents lieux de travail fréquentés par un salarié répondant aux conditions de l'article L. 212-4-7-1 du code du travail. »
« IV. - Le troisième alinéa (1°) de l'article L. 751-6 du code rural est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même de l'accident survenu sur le parcours effectué entre les différents lieux de travail fréquentés par un salarié répondant aux conditions de l'article L. 212-4-16 du code du travail. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet de rétablir le texte voté par le Sénat en première lecture sur proposition de notre collègue André Jourdain : il s'agit d'établir un cadre juridique précis pour l'exercice du multi-salariat à temps partagé.
Il est proposé de reprendre le contenu de la proposition de loi adoptée le 11 mars 1999 par le Sénat, sur l'initiative de notre collègue André Jourdain, et qui, jusqu'à présent, n'avait pas fait l'objet d'une inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Je confirme cependant qu'une circulaire sera prochainement adressée aux services déconcentrés sur ce sujet, comme je m'y étais engagée lors de la première lecture.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 48.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le travail à temps partagé est un thème porteur et récurrent de la majorité sénatoriale. Notre collègue André Jourdain a longuement travaillé sur cette question et a beaucoup amélioré l'idée de départ, notamment en matière de garanties sociales.
Il convient de reconnaître que le contrat de travail à temps partagé est une meilleure formule que le portage, qui permet à diverses officines de réaliser d'importants bénéfices sur le dos des salariés, souvent des cadres.
Il est vrai que toute formule qui vise à diminuer la précarité, qu'il s'agisse de contrats à durée déterminée ou d'intérim, doit être étudiée. Il est aussi vrai que les difficultés de recrutement de certains secteurs pourraient peut-être se trouver partiellement résolues avec des formules de ce type.
Nous craignons néanmoins que l'on n'oublie, chemin faisant, les réticences bien réelles de nombreux employeurs, essentiellement des artisans ou des petits patrons, à l'idée qu'un salarié serait également employé chez leur concurrent. Les difficultés à créer des groupements d'employeurs ont souvent ce problème pour origine.
Sur le fond, nous sommes très réticents à l'égard de cette formule qui maintient au final le salarié dans une situation de multisalariat, avec de nombreuses sujétions. Nous préférons nettement la formule du groupement d'employeurs, qui ne laisse pas, comme le multisalariat, le salarié seul face à plusieurs employeurs.
Dans cette formule, le salarié n'a qu'un interlocuteur, qui gère son contrat de travail dans tous ses aspects, mais avec lequel il peut dialoguer en cas de difficultés. Quelle pourrait être, en effet, l'attitude du salarié en cas de conflit entre plusieurs employeurs ? Que peut-il faire si l'un d'entre eux exige plus que ce qui est prévu au contrat ?
Il ne s'agit là que d'exemples, mais on voit bien que le multisalariat permet aux employeurs de faire porter le poids des difficultés éventuelles sur le salarié, au lieu de se doter de l'instrument juridique simple qu'est le groupement d'employeurs. Je rappelle d'ailleurs que nous avons soutenu récemment des mesures de simplification, notamment fiscale, de ce dispositif.
Je terminerai en m'étonnant que la majorité sénatoriale ne juge pas nécessaire, à l'instar de ce qui est prévu pour les plans sociaux, d'entendre les partenaires sociaux sur cette question. Il s'agit, en effet, de la création d'un nouveau type de contrat de travail, ce qui n'est pas rien.
Le groupe socialiste votera donc contre cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 48, repousé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 35 AA est rétabli dans cette rédaction.

Article additionnel avant l'article 35 B