SEANCE DU 9 OCTOBRE 2001


M. le président. « Art. 32 bis . - I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Le comité d'entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les projets de restructuration et de compression des effectifs. Il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application et peut formuler des propositions alternatives au projet présenté par le chef d'entreprise. Cet avis et ces propositions sont transmis à l'autorité administrative compétente.
« Un droit d'opposition est ouvert au comité d'entreprise sur le projet des restructurations de l'entreprise pouvant comporter des effets sur l'emploi. Ce droit d'opposition induit la nécessité de saisir un médiateur selon les modalités prévues à l'article L. 432-1-3. L'opération projetée est suspendue.
« Le comité d'entreprise, lors de sa première réunion en application du deuxième alinéa, peut décider de recourir à l'assistance de l'expert-comptable dans les conditions prévues aux premier, deuxième, troisième et sixième alinéas de l'article L. 434-6. Dans les entreprises soumises aux dispositions des articlesL. 435-1 et L.435-2, dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir du ou des chefs d'établissement concernés ou visent plusieurs établissements simultanément, cette désignation est effectuée par le comité central d'entreprise. Dans ce cas, la seconde réunion du ou des comités d'établissement concernés ne peut avoir lieu avant la tenue de la seconde réunion du comité central d'entreprise.
« A l'occasion de la consultation prévue au deuxième alinéa du présent article, l'employeur est tenu de fournir au comité d'entreprise une réponse motivée à ses propositions au cours d'une seconde réunion qui se tient dans un délai minimal de quinze jours à compter de la date de la première réunion. Lorsque le comité d'entreprise a désigné un expert-comptable, la seconde réunion prévue au présent alinéa a lieu vingt et un jours au plus tard après la première réunion. Le rapport de l'expert comptable est transmis aux membres du comité d'entreprise et au chef d'entreprise au moins huit jours avant la date prévue pour la seconde réunion.
« L'employeur ne peut présenter un plan de sauvegarde de l'emploi en vertu de l'article L. 321-4-1 tant qu'il n'a pas apporté de réponse motivée aux propositions et avis formulés par le comité d'entreprise en application des précédentes dispositions.
« Les dispositions du cinquième alinéa ne sont pas applicables aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaires. »
« II. - Dans le premier alinéa de l'article L. 434-6 du même code, les mots : "à l'article L. 432-5" sont remplacés par les mots : "aux articles L. 432-1 (quatrième alinéa) et L. 432-5". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 184, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour remplacer le deuxième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail. »
L'amendement n° 207, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le I de l'article 32 bis pour remplacer le deuxième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail :
« Un droit d'opposition est ouvert au comité d'entreprise sur le projet de restructuration de l'entreprise pouvant comporter des effets sur l'emploi. Ce droit d'opposition se traduit par la saisine d'un médiateur selon les modalités prévues à l'article L. 432-1-3. Pendant la durée de la mission du médiateur prévue à l'article précité, l'opération projetée est suspendue. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 184.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le droit d'opposition du comité d'entreprise et le recours à un médiateur, qui a été introduit par l'Assemblée nationale au cours d'une seconde délibération, lors de la deuxième lecture, aussi hâtive qu'inhabituelle.
La nouvelle procédure, qui a reçu un accueil mitigé de la part des syndicats auditionnés par la commission, aurait pour conséquence de dessaisir les syndicats et le chef d'entreprise du choix des modalités les mieux appropriées pour débattre du bien-fondé et du contenu du plan de restructuration.
Par ailleurs, ce dispositif n'a pas de véritable effet contraignant. Sa principale conséquence est de retarder la mise en oeuvre de l'éventuel plan social, ce qui peut être contraire à l'intérêt même des salariés, comme l'illustre aujourd'hui l'exemple d'AOM - Air Liberté.
Dans certains cas, le recours à un médiateur n'est pas matériellement possible ; c'est pourquoi il convient de ne pas le reconnaître de droit pour l'une ou l'autre des parties.
Par ailleurs, de nombreuses incertitudes juridiques entourent ce dispositif, concernant en particulier les modalités de détermination du caractère important de la divergence ou le choix du médiateur par le juge en cas de désaccord ; je l'avais indiqué en première lecture.
Cette procédure, qui n'était pas demandée par les partenaires sociaux et qui ne possède pas de caractère contraignant, si elle n'est pas en elle-même dénuée d'intérêt, doit faire l'objet d'un accord entre les partenaires sociaux. C'est pourquoi je propose au Sénat d'adopter un amendement qui tend à supprimer le troisième alinéa du I de cet article.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 207 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 184.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'amendement n° 207 est un amendement rédactionnel qui clarifie le lien entre l'exercice du droit d'opposition et le recours à la médiation. Il précise aussi les conséquences juridiques de l'exercice de ce droit, c'est-à-dire la suspension de l'opération de restructuration envisagée pendant toute la durée de la mission du médiateur.
Je suis évidemment défavorable à l'amendement n° 184, car il porte atteinte à une disposition essentielle et très nouvelle de ce texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 207 ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission ne peut être que défavorable à cet amendement qui porte sur un alinéa dont nous demandons la suppression.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 184.
Mme Evelyne Didier. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Didier.
Mme Evelyne Didier. L'article 32 bis, qui a pour objet le renforcement des droits et des capacités d'intervention du comité d'entreprise lors de la présentation par l'employeur d'un projet de restructuration et de compression des effectifs, est la disposition qui, avec celle qui redéfinit le licenciement économique, a suscité le plus de débats lors de l'examen du texte en deuxième lecture par les députés.
Il figure en bonne place sur la liste des articles que M. Seillière considère comme « particulièrement inquiétants ».
Il ressort des auditions du mois de juin dernier que le dispositif envisagé induit des positionnements beaucoup plus nuancés que ce que certains semblent dire ici.
Concernant la possibilité pour le comité d'entreprise de formuler des propositions alternatives au projet présenté par le chef d'entreprise, de recourir à l'assistance d'un expert-comptable pour déchiffrer les comptes sociaux et aider à la formulation de contre-propositions, vous ne faites pas, messieurs, de remarques particulières dans la mesure où - je cite le rapport de la commission - ces dispositions « n'apparaissent pas de nature à limiter outre mesure la nécessaire marge de manoeuvre du chef d'entreprise ».
En revanche, concernant le droit nouveau d'opposition ouvert au comité d'entreprise sur le projet de restructuration pouvant comporter des effets sur l'emploi, assorti d'une suspension de la procédure impliquant le recours à un médiateur et l'impossibilité pour l'employeur d'engager un plan de sauvegarde de l'emploi tant qu'il n'a pas répondu de manière argumentée aux propositions alternatives du comité d'entreprise, la position de notre commission est beaucoup plus radicale : c'est le rejet.
Comme nous l'avons indiqué dans la discussion générale, nous sommes conscients des limites du texte.
Je partage la réaction d'un syndicat de salariés auditionné par la commission qui, tout en accueillant le droit d'opposition et le recours au médiateur comme une avancée, regrette néanmoins sa portée limitée, le médiateur n'ayant « pas à se prononcer sur le bien-fondé ou non des licenciements envisagés » mais « pouvant seulement rapprocher les points de vue et établir des recommandations ».
Pour autant, nous apprécions positivement les « bougés » du texte rendant plus effectives les attributions du comité d'entreprise, équilibrant davantage le débat entre les salariés et l'employeur.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 184, qui tend, comme tous les amendements de la commission sur cet article, à gommer les entraves au monopole des chefs d'entreprise. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Le deuxième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail a pour objet de rééquilibrer le rapport de forces entre l'employeur et les salariés menacés de licenciement.
Dans un premier temps, le comité d'entreprise aura été informé et consulté. Il aura formulé un avis et, le cas échéant, des propositions alternatives. Il est bien évident que, si rien ne suit cette phase de la procédure, les propositions alternatives pourront être mises au panier.
Il est donc nécessaire de mettre en place une formule qui permet d'aller au-delà, et qui se matérialisera par un droit d'opposition assorti d'un recours au médiateur. L'amendement du Gouvernement apporte sur ce point une précision utile.
Certes, on peut gloser à l'infini sur le choix qui a prévalu de faire appel à une médiateur ; M. Gournac a des citations choisies.
M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui !
M. Gilbert Chabroux. N'aurait-il pas été préférable de recourir à l'inspection du travail ? Les représentants du personnel ne sont-ils pas dépossédés de leurs prérogatives ? Je connais votre réponse à cet égard, monsieur le rapporteur.
A ce stade de la procédure dans l'entreprise, une intervention extérieure apparaît utile et positive. L'intervention de l'administration peut être source d'embarras. Quant aux représentants du personnel, s'ils ont fait valoir un droit d'opposition, c'est qu'ils ont constaté eux-mêmes l'impossibilité de continuer à dialoguer avec l'employeur.
S'il ne s'agissait de questions aussi graves, je dirais qu'il est temps de faire ce que l'on appelle en sport un « arrêt de jeu », c'est-à-dire de suspendre la procédure. L'intervention du médiateur a ce mérite. Il est donc important de maintenir cette étape, dont la durée ne peut excéder un mois et une semaine. Cela ne peut mettre en péril la sauvegarde de l'entreprise, comme on voudrait nous le faire croire.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 207 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 208, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par le I de l'article 32 bis pour remplacer le deuxième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail, après les mots : "du deuxième alinéa", insérer les mots : "du présent article".
« II. - Dans la même phrase, remplacer le mot : "sixième" par le mot : "septième". »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 208, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 185, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin de la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par le I de l'article 32 bis pour remplacer le deuxième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail, avant les mots : "comité central d'entreprise", insérer le mot : "seul". »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à rappeler que seul le comité central d'entreprise a la faculté de désigner un expert-comptable, afin de mettre un terme aux hésitations de la jurisprudence.
A défaut d'une telle précision, les entreprises se trouveraient dans l'incertitude s'agissant des délais d'intervention de l'expert, donc du calendrier applicable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Conformément à une jurisprudence de la Cour de cassation relative à la procédure de licenciement pour motif économique, un comité d'établissement peut, lorsque le comité central d'entreprise n'a pas usé de son droit, désigner un expert-comptable pour l'assister dans ses travaux. La mission de l'expert est alors limitée aux questions intéressant le seul établissement.
La modification que vous proposez, monsieur le rapporteur, aurait pour effet de revenir sur cette jurisprudence de la Cour de cassation. Cela pourrait porter atteinte à la qualité de l'information détenue par le comité d'établissement et gêner sa compréhension du projet proposé par l'employeur.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 185, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 186, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de l'article 32 bis pour remplacer le deuxième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail, remplacer le mot : "présenter" par les mots : "mettre en oeuvre". »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à permettre au chef d'entreprise de présenter un plan social alors même que la discussion des propositions alternatives présentées par le comité d'entreprise ne serait pas terminée.
Il s'agit de mieux informer les représentants des salariés des conséquences du projet de restructuration afin qu'ils puissent, le cas échéant, en tenir compte dans leurs propositions.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai déjà donné mon avis à l'occasion de l'examen d'un amendement à l'article 32 A qui prévoit la séparation stricte des procédures de consultation du comité d'entreprise au titre des livres troisième et quatrième du code du travail. Je crois qu'il est très important de permettre à l'employeur d'entamer la consultation au titre du livre troisième avant l'achèvement de la consultation au titre du livre quatrième.
J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement, qui remet en cause la séparation des deux procédures de consultation du comité d'entreprise.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 186, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par le Gouvernement.
L'amendement n° 209 est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par le I de l'article 32 bis pour remplacer le deuxième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail, remplacer les mots : "du cinquième alinéa" par les mots : "des troisième à sixième alinéas du présent article". »
L'amendement n° 210 est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le II de l'article 32 bis :
« II. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 434-6, les mots : "aux articles L. 432-1 bis et L. 432-5" sont remplacés par les mots : "aux articles L. 432-1 (quatrième alinéa), L. 432-1 bis et L. 432-5". »
La parole est à Mme la ministre, pour défendre ces deux amendements.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'amendement n° 209 a pour objet de prendre en compte la situation particulière des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire en matière de procédure de licenciement pour motif économique. Leurs caractéristiques - situation d'urgence et intervention du juge - justifient, en effet, que ne s'appliquent pas dans ces entreprises les mêmes règles de déroulement de la procédure dès lors que celles-ci apparaissent inadaptées à leur situation.
L'amendement n° 210 vise à tenir compte de la modification de la rédaction du premier alinéa de l'article L. 434-6 du code du travail introduit par l'article 95 de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Alain Gournac, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 209, le rapporteur est bien ennuyé, car le troisième alinéa auquel il est fait allusion a été supprimé. Pour être constructif, je m'en remettrai toutefois à la sagesse du Sénat.
S'agissant de l'amendement n° 210, la commission émet un avis favorable.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission. Je crois qu'il faut comprendre désormais que l'on remplace les mots : « du cinquième alinéa » par les mots : « des troisième à cinquième alinéas ». En effet, le troisième alinéa ayant été supprimé, le quatrième alinéa devient le troisième alinéa.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 209, pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 210, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 32 bis , modifié.

(L'article 32 bis est adopté.)

Articles additionnels après l'article 32 bis