SEANCE DU 17 OCTOBRE 2001


M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l'article 6 undecies dans cette rédaction.
« Art. 6 undecies . - I. - Après l'article L. 32-3 du code des postes et télécommunications sont insérés deux articles L. 32-3-1 et L. 32-3-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 32-3-1. - I. - Les opérateurs de télécommunications, et notamment ceux mentionnés à l'article 43-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, sont tenus d'effacer ou de rendre anonyme toute donnée relative à une communication dès que celle-ci est achevée, sous réserve des dispositions des II, III et IV.
« II. - Pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, et dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de l'autorité judiciaire d'informations, il peut être différé pour une durée maximale d'un an aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine, dans les limites fixées par le IV, ces catégories de données et la durée de leur conservation, selon l'activité des opérateurs et la nature des communications.
« III. - Pour les besoins de la facturation et du paiement des prestations de télécommunications, les opérateurs peuvent, jusqu'à la fin de la période au cours de laquelle la facture peut être légalement contestée ou des poursuites engagées pour en obtenir le paiement, utiliser, conserver et, le cas échéant, transmettre à des tiers concernés directement par la facturation ou le recouvrement, les catégories de données techniques qui sont déterminées, dans les limites fixées par le IV, selon l'activité des opérateurs et la nature de la communication, par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« Les opérateurs peuvent en outre réaliser un traitement de ces données en vue de commercialiser leurs propres services de télécommunications, si les usagers y consentent expressément et pour une durée déterminée. Cette durée ne peut, en aucun cas, être supérieure à la période correspondant aux relations contractuelles entre l'usager et l'opérateur.
« IV. - Les données conservées et traitées dans les conditions définies aux II et III portent exclusivement sur l'identification des personnes utilisatrices des services fournis par les opérateurs et sur les caractéristiques techniques des communications assurées par ces derniers.
« Elles ne peuvent en aucun cas porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées, sous quelque forme que ce soit, dans le cadre de ces communications.
« La conservation et le traitement de ces données s'effectuent dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Les opérateurs prennent toutes mesures pour empêcher une utilisation de ces données à des fins autres que celles prévues au présent article.
« Art. L. 32-3-2. - La prescription est acquise, au profit des opérateurs mentionnés aux articles L. 33-1, L. 34-1 et L. 34-2, pour toutes demandes en restitution du prix de leurs prestations de télécommunications présentées après un délai d'un an à compter du jour du paiement.
« La prescription est acquise, au profit de l'usager, pour les sommes dues en paiement des prestations de télécommunications d'un opérateur appartenant aux catégories visées au précédent alinéa lorsque celui-ci ne les a pas réclamées dans un délai d'un an courant à compter de la date de leur exigibilité. »
« II. - Il est rétabli, dans le même code, un article L. 39-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 39-3.I. - Est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait pour un opérateur de télécommunications ou ses agents :
« 1° De ne pas procéder aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes les données relatives aux communications dans les cas où ces opérations sont prescrites par la loi ;
« 2° De ne pas procéder à la conservation des données techniques dans les conditions où cette conservation est exigée par la loi.
« Les personnes physiques coupables de ces infractions encourent également l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.
« II. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions définies au I.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
« 2° La peine mentionnée au 2° de l'article 131-9 du code pénal, pour une durée de cinq ans au plus ;
« 3° La peine mentionnée au 9° de l'article 131-39 du code pénal.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-9 du code pénal porte sur l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »
L'amendement n° A1, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le II du texte proposé par le I de l'article 6 undecies pour l'article L. 32-3-1 du code des postes et télécommunications par les mots suivants : "ainsi que les modalités de compensation, le cas échéant, des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées à ce titre, à la demande de l'Etat, par les opérateurs". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il convient de prévoir une rémunération des opérateurs pour les contraintes de stockage qu'ils exposent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le souci du Gouvernement, exprimé par Mme le garde des sceaux, était de ne pas contraindre l'Etat à prendre en charge des coûts qui en tout état de cause, auraient été supportés par les opérateurs de télécommunications pour assurer la conservation des données à des fins qui leur sont propres, en particulier de facturation.
En limitant la compensation de l'Etat au surcoût identifiable et spécifique, l'amendement A 1 répond à cette préoccupation. Je peux donc émettre un avis favorable.
M. le président. Je vais mettre au voix l'amendement n° A 1.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Je tiens à remercier Mme la garde des sceaux et M. le ministre de l'intérieur de leur compréhension dans la discussion que nous avons eue tout à l'heure. Après la décision du Conseil constitutionnel, il me paraissait important d'introduire dans le texte de loi des dispositions permettant d'éviter les conflits entre les opérateurs au moment de la facturation des prestations.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° A 1, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6 undecies, modifié.

(L'article 6 undecies est adopté.) M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons au terme de la discussion devant le Sénat du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne. C'est désormais à l'Assemblée nationale qu'il appartiendra de se prononcer.
Avant que vous ne procédiez au vote, je voudrais revenir sur ce qui me paraît essentiel dans le travail effectué ces derniers jours.
Tout d'abord, je tiens à remercier la commission des lois, son président, M. Garrec, et le rapporteur, M. Schosteck, de la promptitude, l'esprit de responsabilité et la compréhension avec lesquels ils ont accepté d'examiner les ajouts apportés au projet par le Gouvernement.
Vous savez que ces amendements étaient dictés par la situation qu'ont créée les odieux attentats terroristes survenus le 11 septembre dernier et par la nécessité de nous prémunir contre de telles menaces sur notre territoire.
Il était essentiel, à cette occasion, de faire preuve de cohésion autour des principes républicains et de dépasser nos clivages traditionnels. La sécurité, vous le savez bien, n'est ni de droite ni de gauche.
Ce débat aura connu au moins trois facettes.
Nous avons eu un premier débat sur le rôle des maires et la modification de l'ordonnance relative à l'enfance délinquante au cours duquel nous nous sommes expliqués, et nous avions exprimé des philosophies différentes.
Je reste attaché, pour ma part, à l'unité de la police nationale, à la fois pour des motifs d'efficacité et pour des raisons liées à la cohésion sociale.
Je reste aussi attaché aux principes fondateurs de l'ordonnance relative à l'enfance délinquante : la primauté de l'éducation, mais aussi la possibilité de la sanction. A nous de rendre l'une et l'autre effectives.
Nous avons eu un deuxième débat sur différentes dispositions visant à améliorer la sécurité quotidienne, qui concerne de nombreux sujets concrets intéressant les Français : lutte contre l'utilisation frauduleuse des cartes bancaires, lutte contre les animaux dangereux, contrôle plus strict sur l'ouverture de commerces de détail d'armes, lutte contre l'insécurité routière, enlèvement des épaves...
Sur tous ces sujets, nous avons pu, pour l'essentiel, nous mettre d'accord, ce fut parfois au prix de discussions de dernière minute. Chacun a eu le souci de trouver des solutions pour rendre la vie quotidienne des Français plus sûre.
Enfin, nous avons eu, un troisième débat : sur la lutte contre le terrorisme. En la matière, nous avons pu - grâce en particulier au travail de votre commission - examiner ces dispositions avec rapidité et efficacité.
Face à une situation internationale difficile, chacun a fait preuve de responsabilité. Je voulais vous en remercier.
Sur ce point, je tiens de nouveau à indiquer que le dispositif proposé est équilibré et mesuré.
Ce texte, circonscrit à la lutte contre le terrorisme et les trafics qui l'alimentent, est limité dans le temps, il conforte l'autorité judiciaire dans son rôle de gardienne de la liberté individuelle, il présente toutes les garanties contre les risques de dérive que d'aucuns pouvaient redouter.
Une évaluation sera faite avant que les mesures que vous allez, je l'espère, adopter ne soient pérennisées pour certaines, corrigées pour d'autres.
Par cette loi, par-delà nos divergences, nous aurons montré que la sécurité est et doit être l'affaire de tous.
Avec cette loi, nous aurons montré que nous pouvons nous rassembler autour de valeurs et de principes communs pour lutter aussi bien contre la délinquance au quotidien que contre le terrorisme.
Par cette loi, nous aurons, j'en suis convaincu, fait progresser la sécurité, condition de nos libertés.

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