SEANCE DU 30 OCTOBRE 2001


M. le président. « Art. 4. - Le premier alinéa de l'article 207-1 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Si, par la mort de l'un des époux, les conditions de vie du conjoint survivant se trouvent gravement amoindries, un devoir de secours peut être mis à la charge de la succession, sous la forme d'une pension alimentaire. Le délai pour le réclamer est d'un an à partir du décès ou du moment à partir duquel les héritiers cessent d'acquitter les prestations qu'ils fournissaient auparavant au conjoint. Le délai se prolonge, en cas d'indivision, jusqu'à l'achèvement du partage.
« Lorsque le conjoint a, durant le mariage, manqué gravement à ses devoirs envers le défunt, le juge pourra, à la demande de l'un des héritiers, décharger la succession de sa contribution à la pension alimentaire. »
L'amendement n° 15, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 4 :
« I. - L'article 767 du code civil est remplacé par les dispositions suivantes :

« Paragraphe 4

« Du droit à pension

« Art. 767. - La succession de l'époux prédécédé doit une pension à l'époux survivant qui est dans le besoin. Le délai pour la réclamer est d'un an à partir du décès ou du moment où les héritiers cessent d'acquitter les prestations qu'ils fournissaient auparavant au conjoint. Le délai se prolonge, en cas d'indivision, jusqu'à l'achèvement du partage.
« La pension est prélevée dans la limite des revenus de l'hérédité si la consistance de la succession le permet. Elle peut s'exécuter par la constitution ou le versement d'un capital.
« La pension est supportée par les héritiers et les légataires universels ou à titre universel proportionnellement à leur part successorale. En cas d'insuffisance, elle est supportée par les légataires particuliers proportionnellement à leur émolument, sauf application de l'article 927.
« Art. 767-1. - Lorsque le conjoint a, durant le mariage, manqué gravement à ses devoirs envers le défunt, le juge pourra, à la demande de l'un de ses héritiers, décharger la succession de sa contribution à la pension alimentaire. »
« II. - L'article 207-1 du même code est abrogé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s'agit du droit à pension de l'époux survivant dans le besoin.
Sur la forme, cet amendement reprend, dans un paragraphe spécifique du code civil, les dispositions de l'actuel article 207-1 du code civil, relatif au droit de créance contre la succession au bénéfice de l'époux dans le besoin. L'actuel article 207-1 serait abrogé.
Sur le fond, l'amendement vise à modifier le texte adopté par l'Assemblée nationale, en revenant à la notion actuelle de conjoint dans le besoin, alors que l'Assemblée nationale avait conditionné le versement de la pension à un grave amoindrissement des conditions de vie dudit conjoint. En effet, il ne s'agit pas d'établir une prestation compensatoire après la mort.
Le texte prévoit, en outre, que la pension peut être exécutée sous la forme d'un capital.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Cet amendement subordonne la pension alimentaire du conjoint survivant à un état de besoin. L'Assemblée nationale le rattache à des conditions de vie gravement amoindries. Ces deux conceptions me paraissent pouvoir être rapporchées. C'est pourquoi je m'en remettrai à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Robert Badinter. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je souhaite attirer l'attention de nos collègues sur ce qui est évoqué là.
Il s'agit, nous dit-on, du cas où le conjoint aurait, pendant le mariage, manqué gravement à ses devoirs envers le défunt. Dans une telle hypothèse, le juge pourrait, à la demande d'un des héritiers, décharger la succession de sa contribution à la pension alimentaire.
Je demande à la Haute Assemblée d'y bien réfléchir parce que cela peut aboutir à faire le procès post mortem du comportement d'un des époux pendant le mariage. Je laisse chacun imaginer par quoi cela peut se traduire dans les faits ! L'un des héritiers viendra demander au juge de dire que le conjoint a manqué gravement à ses devoirs envers le défunt, quand bien même cela ne correspondrait nullement à la réalité de la vie conjugale.
Ainsi, alors que nous sommes en train de faire disparaître le divorce pour faute, c'est après la mort d'un des époux que l'on viendrait plaider un grave manquement aux obligations du mariage ? On ne peut rouvrir le procès de la vie conjugale après son terme ! Pardonnez-moi de le dire, mes chers collègues, mais je crois que nous errons...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Même si le principe du divorce pour faute a été supprimé par l'Assemblée nationale, la notion de faute d'une exceptionnelle gravité demeure !
M. Robert Badinter. Nous aurons l'occasion d'en reparler tout à l'heure !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est vrai que, s'agissant du droit au logement, nous avons supprimé la disposition privant le conjoint de ce droit en cas de manquement grave à ses devoirs envers le défunt.
Cela étant, monsieur Badinter, je comprends parfaitement votre position, une telle clause existant en matière d'obligation alimentaire. C'est bien d'ailleurs pourquoi nous avions maintenu cette référence !
Toutefois, je suis prêt à rectifier l'amendement, monsieur le président, en supprimant l'article 767-1, puisque nous avons fait de même en ce qui concerne le droit au logement. Il n'y a rien de pire, en effet, que les conflits post mortem.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 4 :
« I. - L'article 767 du code civil est remplacé par les dispositions suivantes :

« Paragraphe 4

« Du droit à pension

« Art. 767. - La succession de l'époux prédécédé doit une pension à l'époux survivant qui est dans le besoin. Le délai pour la réclamer est d'un an à partir du décès ou du moment où les héritiers cessent d'acquitter les prestations qu'ils fournissaient auparavant au conjoint. Le délai se prolonge, en cas d'indivision, jusqu'à l'achèvement du partage.
« La pension est prélevée dans la limite des revenus de l'hérédité si la consistance de la succession le permet. Elle peut s'exécuter par la constitution ou le versement d'un capital.
« La pension est supportée par les héritiers et les légataires universels ou à titre universel proportionnellement à leur part successorale. En cas d'insuffisance, elle est supportée par les légataires particuliers proportionnellement à leur émolument, sauf application de l'article 927. »
« II. - L'article 207-1 du même code est abrogé. »
Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.

Article 4 bis