SEANCE DU 13 NOVEMBRE 2001


FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale devrait être l'occasion pour le Parlement, qui a obtenu d'en être saisi après de nombreux combats dont j'ai quelques souvenirs, de débattre des objectifs et des moyens de la politique de protection sociale de notre pays. Depuis le début de l'application de cette nouvelle procédure en 1997 et en dépit d'une connaissance accrue, grâce aux travaux des commissions parlementaires et de la Cour des comptes, des problèmes concernant chaque branche de la sécurité sociale, le fonctionnement du régime général et des régimes annexes, le débat parlementaire n'est pas satisfaisant et a débouché sur un certain nombre d'impasses.
M'exprimant au nom de la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, je limiterai mon propos aux quatre problèmes majeurs qui, cette année comme les années précédentes, obscurcissent le débat et empêchent d'avoir une vision claire et précise de notre politique de protection sociale.
Le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale aurait dû être l'occasion, pour le Gouvernement, de préciser les axes de sa politique pour les différentes branches et, pour le Parlement, de fixer des objectifs précis en matière de recettes et de dépenses. Or quatre difficultés compliquent le débat, difficultés auxquelles je consacrerai mon propos, après les excellentes explications des trois rapporteurs de la commission des affaires sociales et du rapporteur pour avis de la commission des finances.
Tout d'abord, l'historique des comptes depuis 1997 fait apparaître une incapacité chronique à respecter les objectifs de dépenses en matière de santé. En effet, l'ONDAM, ou objectif national de dépenses d'assurance maladie, fameux concept qui comporte à la fois l'objectif de dépenses de santé et les frais de fonctionnement de la caisse d'assurance maladie, n'a été respecté qu'en 1997, première année d'application du nouveau système. Et, de 1998 à 2001, soit en quatre ans, il a connu un dérapage de 54 milliards de francs, ce qui est assez important, même si le montant paraît relativement faible par rapport aux sommes en jeu. Ce déficit, qui a d'ailleurs tendance à s'accélérer compte tenu tant du fait que le problème du fonctionnement des hôpitaux n'est pas saisi de manière globale, que du caractère insuffisamment précis de la politique du médicament et des divers problèmes auxquels est confrontée la médecine de ville, explique un certain nombre de difficultés.
La dérive de l'ONDAM s'est produite malgré des excédents de recettes constants depuis 1997.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. Le Parlement, comme l'a très bien noté M. Vasselle, a voté chaque année des prévisions de recettes comportant à la fois l'évolution des cotisations et le produit des recettes fiscales, parafiscales ou de la CSG affecté aux différentes caisses. Les quatre années dont les comptes sont connus - de 1997 à 2000 - font apparaître, selon les chiffres de M. Vasselle, un excédent de 41 milliards de francs, et les excédents de recettes par rapport à ce qui a été voté par le Parlement sont inférieurs aux excédents de dépenses de la seule caisse d'assurance maladie. (M. Gournac acquiesce.) Tel est le premier problème qui gouverne l'ensemble de la matière.
Bien sûr, le remplacement des cotisations patronales par la CSG a permis d'accélérer l'évolution des recettes. Toutefois, alors que nous sommes entrés depuis quelques mois dans une période de ralentissement conjoncturel, nous risquons, en l'absence de mesures gouvernementales visant à freiner l'ensemble des dépenses de santé, d'assister à un accroissement du déficit. Pour l'année 2002, ce dernier, en dépit de l'augmentation relativement respectable de l'ONDAM, pourrait d'ailleurs dépasser les 15 milliards de francs. Je reconnais, madame la ministre, que l'action en ce domaine est délicate et qu'il est plus facile d'annoncer des mesures que de les réaliser. Mais convenez avec moi que, à l'heure actuelle, selon que l'on s'occupe de l'hôpital, de la médecine de ville, de la politique du médicament ou du secteur médico-social, secteur qui dérape lui aussi, on s'aperçoit que la technologie mise en place en 1997 ne donne pas toute satisfaction.
La deuxième difficulté qui complique le débat tient à la tendance irrépressible du Gouvernement à réaliser l'équilibre du régime général au détriment de la branche accidents du travail et surtout de la branche famille. Comme M. Lorrain l'a parfaitement rappelé, et ainsi que le note le rapport de la Cour des comptes, notamment celui qui porte sur l'année 2000, les déficits de la branche maladie et les quelques difficultés de financement de la branche vieillesse sont compensés par les excédents de la branche accidents du travail et de la branche famille. Par conséquent, depuis plusieurs années, les dispositions de la loi Veil, notamment celles qui concernent les jeunes adultes, particulièrement touchés par le chômage et la précarité - et ils vont l'être encore davantage dans les prochains mois ! -, ne sont pas mises en oeuvre complètement.
En outre, madame le ministre, je suis très choqué que, pour 2002, l'objectif de dépenses de la branche famille soit égal, à epsilon près, à celui de 2001. Un renouveau de la natalité a été enregistré dans notre pays, ce dont tout le monde se félicite, et la France sort ainsi du lot des pays européens touchés par une crise de la natalité. Voilà qui va créer des prestations et des allocations nouvelles. Or, le fait de stabiliser les objectifs me paraît très dangereux pour le fonctionnement de la caisse famille ; cela risque en effet d'aggraver ses résultats, d'autant plus que le projet de loi qui nous est proposé opère une modification rétroactive des comptes de l'exercice 2000, ce qui - vous en conviendrez, mes chers collègues - ne fait pas partie des mécanismes financiers convenables.
La troisième difficulté qui complique le débat est liée à la tergiversation continue en matière de régimes de retraite. La réforme est toujours reportée : on va de commission en rapport, de rapport en commission. Que le système de la retraite par répartition doive rester la base de notre régime, personne ne le conteste dans notre pays, et surtout pas moi !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ah ! C'est très bien ! C'est nouveau !
M. Jean-Pierre Fourcade. Non, je l'ai toujours dit ! Relisez mes interventions, madame le ministre !
Mais à force de temporiser, et même si la revalorisation proposée de la retraite de base cette année nous paraît satisfaisante, les déficits vont s'accumuler à partir de 2005 ou de 2006. C'est donc une véritable bombe que l'actuel gouvernement laissera à son successeur, quel qu'il soit.
Il y a bien le fonds de réserve pour les retraites. Ce fonds devrait atteindre 1 000 milliards en quelques années. Personne ne sait si c'est en 2010 ou en 2020. Je rappelle que l'objectif de dépenses de la caisse vieillesse pour 2002 est de 900 milliards de francs. En conséquence, prévoir d'équilibrer le mécanisme dans dix ou quinze ans me paraît, au rythme des dépenses actuelles, intéressant pour l'esprit mais problématique dans la réalisation.
Bien sûr, le Gouvernement a eu une mauvaise surprise avec les licences UMTS. Je reconnais qu'il était astucieux d'affecter le produit de la vente de ces licences au fonds de réserve pour les retraites. Mais il se trouve que l'évolution technologique n'a pas permis de récolter tout ce qu'on en attendait et qu'il faudra se contenter d'une recette inférieure.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous ai dit le contraire. Pour le fonds rien n'est changé. Si vous aviez été là tout à l'heure, vous l'auriez entendu.
M. Jean-Pierre Fourcade. Vous n'avez pas dit le contraire : le produit des recettes UMTS a bien été divisé par dix par rapport à ce qu'on escomptait.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cela ne changera rien pour le fonds de réserve.
M. Jean-Pierre Fourcade. Peut-être, mais ce ne sera pas grâce aux licences UMTS.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Peu importe d'où viennent les recettes !
M. Jean-Pierre Fourcade. Non, madame, en matière financière, on ne peut pas dire cela.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si, monsieur.
M. Jean-Pierre Fourcade. Cela me paraît dangereux pour l'équilibre de la loi de financement de la sécurité sociale. On ne peut pas accepter une telle assertion, quelle que soit la provenance des fonds.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ils proviendront du produit de privatisations !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ce n'est pas raisonnable !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cela peut vous déplaire, mais les fonds sont là.
M. Jean-Pierre Fourcade. Vous allez donc vendre quelques autoroutes, Très bien ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Sur la réforme des régimes de retraite, en commission, nous avons entendu avec intérêt Mme Moreau nous expliquer quels étaient les problèmes posés, mais nous en sommes restés là et aucune amorce de solution ne nous a été proposée.
Enfin, le quatrième problème, le plus grave, celui que je dénonce avec le plus de force, et vous me reconnaitrez avoir quelques notions en matière financière, madame la ministre,...
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je n'ai pas d' a priori. Ce n'est pas parce que l'on a été ministre des finances que l'on est compétent !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... c'est la frontière trop fluctuante entre le domaine d'application de la loi de financement de la sécurité sociale et celui de la loi de finances. Et ce côté « fluctuant » - vous voyez que j'emploie un terme aimable - entre les deux domaines me paraît cette année particulièrement mouvant.
En proposant un exercice de vérité, la commission des affaires sociales et son rapporteur ont fait apparaître que 35 milliards de francs se promènent d'un texte à l'autre et que, selon les répartitions, les affectations, les transferts que l'on décide, ou bien c'est le régime social qui est en déficit ou bien c'est le budget.
Ainsi, en suivant ces 35 milliards de francs, on s'aperçoit qu'après une série de transferts et de combinaisons financières c'est la loi de financement de la sécurité sociale qui, en 2002, comme elle l'a fait en 2001 et en 2000, financera une partie du coût des 35 heures.
Toutefois, ce n'est pas pour moi le problème le plus grave. On peut en effet conceptuellement estimer que, les 35 heures améliorant l'emploi - on verra dans quelques années ce qu'il en sera effectivement - il n'est pas anormal que l'ensemble des régimes sociaux participent à son financement. Ce qui me paraît le plus grave, cette année, dans cette fluctuation, c'est ce que vous avez accepté pour la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale.
Pourquoi a-t-on créé la CADES ? Pour financer les dettes en s'appuyant sur l'assiette la plus large possible et en étalant le remboursement sur une certaine période.
Dès que les premières difficultés sont apparues, voilà quelques années, on a prolongé la période de cotisation pour que la CADES puisse rester en équilibre.
Et cette année, pour participer à l'équilibre du budget de l'Etat, vous acceptez que la CADES verse au budget de l'Etat une certaine partie de ses recettes, lui ôtant ainsi la possibilité de remplir sa fonction de remboursement de la dette sociale !
Croyez-moi, madame la ministre, vous êtes victime d'un arbitrage que je déplore, parce que le remboursement de la dette sociale va être difficile à assurer alors qu'il est bien regrettable que l'on n'ait pas mis à profit les excédents de recettes constatés depuis 1997 pour améliorer ce remboursement au lieu de le reporter sans arrêt.
Ainsi, utiliser la CADES comme supplétif du budget de l'Etat pour éviter que le déficit ne soit trop fort est, à mon avis, le défaut le plus grave du projet de la loi de financement que nous avons à examiner.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, le texte qui nous est présenté après son passage à l'Assemblée nationale comporte, certes, quelques dispositions intéressantes - je pense notamment au congé de paternité, à la revalorisation des retraites et à la création du fonds de financement des maladies professionnelles pour les accidents du travail ; voilà trois mesures qui pourraient recueillir l'assentiment général - mais les défauts qu'il comporte sur les quatre points que j'ai évoqués ne peuvent que témoigner de l'irrésolution et du manque de rigueur qui ont présidé à son élaboration.
Pour cette raison, nous voterons les amendements que nous proposera la commission des affaires sociales, tout en réclamant de nouveau un débat d'orientation budgétaire couvrant à la fois le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale. Depuis quelques années, l'imbrication des deux lois rend, en effet, impossible une claire appréciation des comptes et des perspectives des deux masses financières : il s'agit de 1 600 milliards de francs pour l'Etat et de 2 000 milliards de francs pour la sécurité sociale. Nous devons, en effet, avoir une vision globale de l'ensemble de ces éléments, car c'est finalement nos concitoyens qui sont appelés à payer l'ensemble des cotisations et des impôts qui les alimentent.
Bref, madame la ministre, pour toutes ces raisons et principalement à cause de la modification du fonctionnement de la CADES, nous ne pourrons pas donner notre accord sur ce projet de loi de financement, qui ne corrige aucun défaut des précédents et qui, au contraire, en ajoute un certain nombre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, pas plus que le précédent, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ne comporte de mesure de nature à infléchir les dépenses de santé, à garantir l'avenir des retraites ni même à assurer le financement des 35 heures.
Pas plus que le précédent, il ne renonce à un solide optimisme sur la croissance économique, à l'espoir que les dépenses d'assurance maladie finiront par décélérer et à la facilité de « faire les fonds de tiroir » pour présenter des comptes du régime général en équilibre. Après nous, le déluge !
Les chiffres avancés par le Gouvernement n'ont jamais été si différents de la réalité : cela provient de l'omission de l'exercice 1998, qui accusait un déficit de 9,7 milliards de francs, de « l'oubli », pour l'exercice 2002, de l'annulation de la créance sur le FOREC, soit moins 15,1 milliards de francs, et de la non-prise en compte de l'impact des mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 sur les résultats du régime général tant de 2001 que de 2002.
Avec des chiffres irréalistes, manipulés, triturés, il n'y a plus de débat possible. Permettez-moi, madame le ministre, de ne pas partager votre optimiste ni l'autosatisfaction que manifeste le Gouvernement alors même que l'obscurité des comptes de la sécurité sociale reste totale, comme l'a magistralement démontré notre excellent rapporteur, Alain Vasselle.
Les mesures disparates et extraordinairement complexes de vos lois de financement de la sécurité sociale font illusion, mais les différentes branches sont proches du dépôt de bilan.
Je n'insisterai pas sur le caractère précaire de l'équilibre financier de la branche vieillesse, qu'a démontré Dominique Leclerc, ni sur l'absence de maîtrise des dépenses, qui conduit très logiquement la branche maladie du régime général à enregistrer des déficits répétés. Je ne reviendrai pas sur l'impasse du Gouvernement sur le dossier de la réforme des retraites, qui est toujours renvoyée au lendemain, c'est-à-dire après les échéances de 2002, alors que le devoir des responsables politiques consiste précisément à apporter des réponses rapides aux grandes questions que se posent les Français. Je soulignerai simplement deux points.
A l'égard de la branche famille, le projet de loi est particulièrement choquant puisqu'il détourne ses excédents pour le financement des retraites et des 35 heures.
Pour la troisième année consécutive, grâce à la croissance, la branche famille est excédentaire et, pour la seule année 2001, le solde positif s'établira à 9,2 milliards de francs. Or, au lieu de consacrer les excédents de la branche famille à des opérations d'investissements répondant aux besoins des familles, tout particulièrement en matière d'accueil de la petite enfance, d'aide aux enfants handicapés et alors que nos voisins allemands prévoient l'augmentation des allocations familiales dès le premier enfant, le Gouvernement ponctionne la branche famille pour financer les 35 heures.
En effet, en 2000, le FOREC a accusé un déficit de 13 milliards de francs laissé à la charge de la sécurité sociale. Pour faire disparaître cet arriéré et présenter un bilan électoraliste, vous n'avez pas trouvé d'autre solution, madame le ministre, que d'annuler cette dette. C'est cette créance de l'Etat effacée qui vient plomber les comptes du régime général en 2001 et qui grève la caisse nationale des allocations familiales d'un manque à gagner de 2,8 milliards de francs.
Madame le ministre, quels que soient les artifices du Gouvernement, les contribuables finiront toujours par payer, au bout du compte, cette politique de gribouille.
Ce n'est pas tout. Si à cela on ajoute le transfert de charges du fonds de solidarité vieillesse vers la CNAF, qui n'a fait l'objet d'aucune négociation lors de la Conférence de la famille de juin dernier et qui génère un prélèvement de 3 milliards de francs, mais aussi une nouvelle ponction sur la branche famille de quelque 5 milliards de francs pour abonder le fonds de réserve des retraites, on s'aperçoit qu'il s'agit d'une véritable démarche de déviation de fonds discrétionnaire, sur laquelle il faudra bien dans quelques mois vous expliquer.
Que dire également de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire ?
Fin août, le Gouvernement a annoncé que l'allocation de rentrée scolaire, ARS, serait définitivement fixée à 1 600 francs et que la totalité du débours correspondant - 9 milliards de francs - passerait à la charge de la branche famille. Par ce tour de passe-passe budgétaire, celle-ci perdra environ 5 milliards de francs de ressources. En apparence, il n'y aurait rien de véritablement choquant dans cette mesure si la partie financière de cette décision ne faisait, en réalité, qu'ajouter une ponction supplémentaire aux importants détournements de fonds dont la CNAF a déjà fait l'objet depuis trois ans. Cette décision, qui s'inscrit, hélas, dans le droit-fil de ce qui fait office de politique familiale en France, ne consiste qu'à détourner l'argent de la branche famille pour financer les autres dépenses sociales.
Outre qu'il contrevient au principe de séparation des branches, le Gouvernement dénature sciemment le rôle de la branche famille, qui est de financer des mesures en direction des ménages avec enfants, comme l'a rappelé tout récemment le chef de l'Etat. Comme le Gouvernement ne donne, d'autre part, aucune souplesse aux collectivités territoriales pour dynamiser leur politique familiale et lutter face au fort écart de fécondité qui existe entre les régions, les familles sont doublement lésées. Dans ma ville de Brive-la-Gaillarde, j'ai institué un dispositif d'aides pour ces familles qui entrera en vigueur le 1er janvier 2002.
Je ne vous rappellerai pas, madame le ministre, que la première mesure du Gouvernement en la matière a été de pénaliser 500 000 familles par la réduction des aides : mise sous condition de ressources des allocations familiales, puis plafonnement du quotient familial, diminution de l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui !
M. Bernard Murat. La politique familiale du Gouvernement, madame le ministre, n'aide pas les couples à avoir le nombre d'enfants qu'ils désirent.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Elle pénalise les familles nombreuses !
M. Bernard Murat. Alors que la qualité de vie des familles de trois enfants ne cesse de se dégrader, il ne faut pas perdre de vue que les familles nombreuses sont les consommateurs d'aujourd'hui et leurs enfants, les cotisants de demain.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Bernard Murat. Les familles attendent mieux. Les familles méritent mieux. Mieux que les deux mesures inscrites dans votre projet de loi, relatives l'une à la mise en place d'un congé de paternité, qui est effectivement une avancée, l'autre au nouveau fonds d'investissement pour les crèches.
La première mesure, particulièrement emblématique du renforcement du rôle du père, sera malheureusement source d'inégalités. Alors que certains verront leur traitement intégralement maintenu, les salariés ne percevront que 80,2 % du leur, dans la limite du plafond de la sécurité sociale : ce sera à l'entreprise de contribuer, si elle le veut et si elle le peut, à la politique familiale. Quant aux non-salariés, leur indemnité journalière sera fixée forfaitairement à un soixantième du plafond.
Pour ce qui est du nouveau fonds d'investissement pour les crèches, il est regrettable que la politique du Gouvernement ne prenne en compte que les modes de garde collectifs. Outre que la multiplication des fonds de ce genre rend les finances publiques opaques, son utilisation dépend des possibilités des collectivités locales et des associations, qui devront prendre en charge les coûts de fonctionnement des nouvelles crèches.
Une politique équilibrée en matière d'accueil des enfants doit promouvoir aussi les modes de garde individuels, qui offrent plus de souplesse et sont mieux adaptés au milieu rural, notamment. Seulement 9 % des enfants de moins de trois ans sont accueillis en crèche. Pour répondre aux besoins des familles, il demeure donc indispensable de renforcer l'aide à la garde individuelle des enfants.
Les deux mesures qui nous sont proposées aujourd'hui ne sont pas suffisantes pour considérer qu'est mise en place une vraie politique familiale, permettant de concilier vie professionnelle et vie familiale. Les familles ont besoin d'un véritable signe. Pourquoi ne pas le leur donner à l'occasion de ce débat au Sénat, madame le ministre, en suivant les propositions de la commission ?
La prolongation des allocations familiales jusqu'à vingt-deux ans, le versement des allocations familiales dès le premier enfant et une ravalorisation des prestations familiales supérieure à l'inflation auraient aussi pu être envisagés. Ne pas s'engager dans cette voie est d'autant plus injuste pour les familles que des moyens existent et que le renouveau démographique amorcé depuis 1995 appelle un accompagnement.
Madame le ministre, votre politique familiale est d'une tiédeur qui illustre bien la différence philosophique entre les socialistes et nous, qui voyons en la famille à la fois le creuset et l'un des piliers majeurs de notre société.
En tant que président de la fédération hospitalière du Centre et président du conseil d'administration du centre hospitalier de Brive, je souhaiterais m'attarder quelques instants sur la situation préoccupante des établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés.
L'hôpital, nous le savons, est gravement menacé : insuffisance de personnel soignant ou non-soignant, surcharge de travail, en un mot diminution du service au public, augmentation des risques, en particulier, opératoires et post-opératoires.
L'hôpital public doit passer aux 35 heures le 1er janvier 2002 sans que les moyens nécessaires à cette mutation aient été dégagés. Le Gouvernement a choisi de créer 45 000 emplois spécifiques en quatre ans, financés par l'assurance maladie, et non par l'Etat, pour compenser la réduction du temps de travail. Mais comment pourront s'effectuer ces recrutement massifs, alors même qu'un grand nombre de postes sont aujourd'hui vacants et ne seront pas pourvus au 1er janvier 2002 ? Comment les directeurs, les chefs de service, les surveillants vont-ils gérer cette pénurie le 1er janvier 2002 ?
Je voudrais évoquer à cet égard, à titre d'exemple, ce qui se passe dans un département comme la Corrèze, et plus précisément à Brive-la-Gaillarde, ville dont je suis le maire et où le manque de moyens est avéré : même dans le cadre des 39 heures, l'hôpital de Brive est en déficit de quatre-vingt-six postes.
Alors même que le Sénat ne s'est pas prononcé sur les dispositions en question, le chiffre des dotations en emplois pour le Limousin est connu : il s'agirait de 770 postes sur trois ans, dont 140 pour 2002. Sachant que le seul CHU de Limoges a demandé 450 emplois pour le passage aux 35 heures, que restera-t-il, madame le ministre, aux autres établissements pour remplir leur devoir de service au public dans des conditions normales de travail pour les personnels, qui sont astreints à des cadences infernales, d'où un taux d'absentéisme endémique ?
J'ajoute, madame le ministre, que je vous ai écrit, en tant que président du conseil d'administration, le 20 avril et le 31 août derniers, pour vous entretenir de nos difficultés et vous demander un rendez-vous. N'ayant toujours pas, à ce jour, reçu de réponse, je me permets de vous interpeller ce soir.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'accorderai un rendez-vous à M. Nauche.
M. Bernard Murat. A moins que le conseil d'administration de l'hôpital de Brive, que je représente, doive considérer les annonces diverses et variées de votre ministère, par voie de presse locale, au député socialiste de la circonscription - M. Nauche, justement - comme une réponse à mes courriers. Vous avouerez que c'est une étrange pratique de la démocratie républicaine.
Etant particulièrement attaché à la spécificité française du choix entre public et privé, je voudrais maintenant revenir sur les cliniques privées, à un moment où l'avenir de beaucoup d'entre elles paraît pour le moins incertain.
Pour mettre fin à la grève des cliniques privées, vous avez, madame le ministre, débloqué 1,7 milliard de francs sur deux ans, portant l'enveloppe qui leur était destinée à 3,1 milliards de francs. Elles avaient réclamé 6 milliards de francs pour assurer leur avenir et rémunérer, à travail et horaires égaux, leurs infirmières au même niveau que celles du public.
Mon collègue Georges Mouly et moi-même avons rencontré des infirmières et elles nous ont expliqué qu'en Limousin, où l'on compte onze établissements privés, employant 1 301 salariés et 282 médecins, le salaire du personnel de ce secteur était de 30 % inférieur à celui du secteur public...
M. Robert Bret. A qui la faute ?
M. Bernard Murat. ... et que l'on assiste à une fuite du personnel vers le public, compte tenu de salaires plus attractifs : cela a concerné environ 10 % des infirmières l'an passé.
Si ce phénomène de vases communicants devait perdurer, ce serait une catastrophe pour les patients, en particulier en chirurgie et en maternité.
Savez-vous, madame le ministre, que ces onze établissements sont, cette année, tous déficitaires ? Les dispositions prises ne répondront donc certainement pas aux besoins exprimés.
Surtout, se pose la question de la redistribution des crédits alloués.
En effet, au sein de l'hospitalisation privée, il existe des disparités régionales importantes, et le Limousin est une région tout à fait sous-dotée. Ces écarts considérables, appellent une prise en compte beaucoup plus radicale et rapide de la règle du rééquilibrage des ressources entre les différentes régions. La sous-dotation du Limousin, proche de 33 millions de francs, représente simplement 0,47 % de la dotation des cliniques privées d'Ile-de-France, région la plus surdotée.
Comptez-vous aller plus avant dans la correction des inégalités interrégionales et intrarégionales, madame le ministre ?
Si j'ai volontairement pris des exemples locaux et concrets, c'est pour mettre en regard de votre autosatisfaction les réalités du terrain et les difficultés concrètes rencontrées par les Français qui souffrent comme par ceux qui les soignent.
Je vous le dis solennellement ce soir, notre système de santé a besoin d'une grande loi d'orientation. Aucune économie ne pourra être réalisée sur le volume et la technicité des soins. Si nous ne prenons pas, tous ensemble, ce problème à bras-le-corps, c'est tout le système qui explosera.
Madame le ministre, ne sous-estimez pas le malaise des professionnels de la santé, médecins et dentistes, qui ont d'ailleurs été profondément blessés par les propos de M. le secrétaire d'Etat à la santé, infirmiers, surveillants, formateurs, en soins infirmiers, étudiants. Tous aspirent à plus d'attention, de concertation, de reconnaissance.
Cette reconnaissance passe par la suppression préalable du dispositif des lettres-clés flottantes, faute de laquelle vous ne pourrez restaurer un dialogue de qualité.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Bernard Murat. Toutes les professions de santé sont concernées. Toutes attendent cette reconnaissance de l'Etat.
La profession des formateurs en soins infirmiers, pour ne prendre que cet exemple, est « sur le pied de guerre », au moment où elle doit faire face au surcroît de travail et de responsabilité occasionné par la multiplication des places supplémentaires d'élèves aides-soignantes. Leur malaise est profond et symptomatique de l'inquiétude quant à l'avenir du système de santé à la française.
Aucune réforme efficace ne pourra être menée sans le dialogue et le respect des personnels de santé, qui acceptent la responsabilisation individuelle, l'évaluation, la formation continue, mais certainement pas les sanctions collectives car celles-ci, en contingentant les soins, pénalisent le plein exercice de leurs compétences, lesquelles sont au service exclusif de la santé publique, facteur de bonheur et d'équilibre économique.
Je le redis avec force : la France a impérativement besoin d'une grande loi d'orientation relative à la santé publique, qui rendrait plus lisible le budget que vous nous présentez.
Madame le ministre, le premier secrétaire du parti socialiste a déclaré hier, lors de la présentation du bilan de votre gouvernement : « Nous traversons une période difficile, et ce qui est exigé des politiques, c'est d'être sérieux. Il faut de la crédibilité et de la fermeté d'âme. » Non seulement votre projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 n'est pas crédible mais il manque étrangement de fermeté d'âme, autant que de sincérité budgétaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les analyses chiffrées de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Nos rapporteurs, MM. Vasselle, Lorrain, Leclerc et Joyandet, ainsi que le président de la commission, M. About, l'ont fait avec beaucoup de précision. Je tiens à les remercier de la qualité de leur travail. Le groupe de l'Union centriste et moi-même souscrivons tout à fait à leurs critiques et à leurs propositions.
Cependant, j'insisterai sur plusieurs éléments fondamentaux de notre politique de protection sociale : système de santé publique, politique familiale et retraites.
Des professionnels libéraux désabusés, des hôpitaux en déficit et des cliniques privées récemment en grève : en cette fin d'année, notre système de santé connaît une crise profonde, que nous annonçons malheureusement, au Sénat, depuis plusieurs années.
L'échec de notre système de santé, c'est aussi l'échec de l'ONDAM. Le vote d'un objectif « rebasé » en cours d'année n'a plus aucune signification. Il suffit de constater le montant du dépassement depuis 1998 : plus de 54 milliards de francs !
Dans ces conditions, l'ensemble de la procédure d'examen du projet de loi de financement devrait être revu et amélioré.
C'est le sens des demandes réitérées de notre commission des affaires sociales - et encore aujourd'hui par M. About - en faveur de la mise en place de lois de financement rectificatives.
L'organisation, au printemps, d'un débat d'orientation sur le modèle du débat d'orientation budgétaire est une première amélioration, je vous l'accorde, madame la ministre. Toutefois, il convient d'aller plus loin, afin de redonner tout son sens au pouvoir de contrôle du Parlement sur une politique de protection sociale de plus en plus complexe et évolutive.
Que faire face aux dépassements de l'ONDAM ?
La régulation par la contrainte a indiscutablement échoué. C'est vrai dans le secteur pharmaceutique, mais aussi dans celui de la médecine de ville, et ce malgré la délégation à la CNAMTS de la gestion de l'objectif de dépenses par la loi de financement de cette année.
Les sanctions, qu'elles soient collectives - notamment avec le système des lettres-clés flottantes - ou catégorielles, entraînent des effets pervers qui devraient inciter le Gouvernement à changer de politique. Il n'en fait rien, apparemment, puisque votre projet de loi prévoit en particulier d'accroître la taxation de l'industrie pharmaceutique.
Ce faisant, le Gouvernement va à l'encontre du principe d'une cogestion du système de soins avec les professionnels. Or, sans cette cogestion, il ne peut et ne pourra y avoir de maîtrise durable des dépenses de santé.
Il me paraît donc nécessaire de mettre en place un système reposant sur quatre principes : une véritable concertation, une contractualisation, une réelle évaluation et, seulement en dernier recours, lorsque cela est indispensable, la sanction. Il s'agit d'un système évidemment plus aisé à développer à l'échelle régionale, d'autant que les outils de la régionalisation de la politique de santé, sous réserve qu'ils ne soient pas trop technocratiques, existent depuis 1996 avec les agences régionales d'hospitalisation, les unions régionales des caisses d'assurance maladie, les unions régionales des médecins libéraux et les conférences régionales de santé.
Dans ce contexte, et à condition que soient donnés des moyens suffisants aux observatoires régionaux, une juste évaluation des besoins de la population en matière de santé pourrait être enfin réalisée.
En outre, afin de contenir l'explosion des dépenses de santé, nous devons donner plus d'ampleur à la politique de prévention et d'éducation à la santé. Pour cela, nous avons besoin, au sein de l'ONDAM, d'une enveloppe spécifique affectée à cette mission.
Je dirai maintenant quelques mots de la situation fort préoccupante des établissements de soins publics et privés. Les problèmes des hôpitaux ne sont pas nouveaux : inadéquation des moyens par rapport à la demande et gros problèmes de personnel.
En outre, le passage aux 35 heures à partir du 1er janvier 2002 n'est pris en compte que partiellement par ce projet de loi de financement. On peut regretter, à cet égard, madame la ministre, que les mises en garde, notamment de notre assemblée, sur la difficulté à concilier financement des 35 heures et évolution raisonnable des dépenses de santé, n'aient pas été entendues par votre Gouvernement, ce qui vous conduit aujourd'hui à opérer des ponctions hasardeuses et opaques pour tenter d'équilibrer des budgets.
Nonobstant la rallonge de 3,9 milliards de francs annoncée récemment par le Gouvernement, la part de l'augmentation de l'ONDAM réservée aux hôpitaux n'augmente dans le projet de loi de financement que de 4,8 % en 2002. Or, afin de tenir compte du seul passage aux 35 heures, l'augmentation devrait être deux fois supérieure d'après les responsables des établissements hospitaliers. On en est encore loin et l'année prochaine risque d'être particulièrement douloureuse pour ces établissements !
Sur ce dossier, le Gouvernement se garde de prendre des mesures structurelles. Il se contente de décisions de circonstances. Or, une politique alternative est possible : elle passe par la mise en place d'un véritable système d'accréditation des hôpitaux et par une relance d'une régulation contractuelle des dépenses hospitalières.
Concernant les cliniques, l'année dernière, la commission avait très justement regretté le niveau très modeste du fonds de modernisation qui leur était réservé : 150 millions de francs ! Malheureusement, nous faisons le même constat cette année.
Chacun connaît la situation très précaire du secteur privé : 60 % des cliniques sont déficitaires.
La conjugaison d'une enveloppe moins importante que celle de l'hôpital public et du passage aux 35 heures les a fortement fragilisées. Les cliniques souffrent par ailleurs de pénuries de personnel importantes du fait de la faiblesse relative des salaires par rapport aux hôpitaux.
M. Roland Muzeau. Il n'y a qu'à les augmenter !
Mme Annick Bocandé. Nous prenons acte, évidemment, de la rallonge pour 2001 et 2002 de 1,7 milliard de francs, tout en doutant, là aussi, de l'efficacité de ce genre de mesures, ponctuelles et sans lendemain.
Venons-en à la branche famille.
Comme le note très justement le rapport de la commission, sur la période 1998-1999, du fait de la sous-indexation des prestations par rapport à la richesse nationale, les familles ont été privées de 31 milliards de francs de pouvoir d'achat. Parallèlement, les excédents de la caisse famille sont régulièrement ponctionnés. Le principe de la séparation des branches est remis en cause de façon systématique, là comme ailleurs, et sans aucune concertation vis-à-vis des responsables de la CNAF et des partenaires sociaux.
En 2000 et 2001, ce sont plus de 13 milliards de francs d'excédents qui ont déjà été détournés de la branche famille au profit notamment du FOREC et du financement des 35 heures. En 2002, ce sont près de 14 milliards de francs qui vont être amputés à la branche famille.
Je déplore que le Gouvernement ne développe pas plutôt une réelle politique familiale, qui est indispensable pour l'avenir de notre pays.
Il serait utile, par exemple, d'améliorer les dispositifs permettant une meilleure conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Il faudrait aussi adapter plus rapidement les prestations familiales aux évolutions de notre société et prendre en compte le dernier enfant à charge des familles nombreuses, comme je l'avais d'ailleurs proposé en déposant un amendement qui avait été adopté par notre assemblée lors de la discussion du projet de loi de financement pour 2001, et qui est représenté cette année.
Plus généralement, il serait nécessaire de simplifier le système d'aides, qui compte actuellement vingt-trois prestations et quelque 15 000 références familiales difficilement gérables et explicables aux bénéficiaires.
Dans cet esprit, comme le propose très justement notre commission, il serait bon que la Caisse nationale d'allocations familiales puisse faire chaque année, avant le 15 juillet, des propositions de réforme de prestations familiales en rapport avec la capacité financière de la branche, ces propositions étant transmises au Gouvernement et au Parlement.
M. Serge Franchis. C'est une bonne idée !
Mme Annick Bocandé. Enfin, concernant les retraites, je regrette que rien de réellement concret ne soit proposé alors que les Français attendent une réforme en profondeur dans la transparence et l'équité.
Par ailleurs, l'annonce récente par le Gouvernement d'une réduction sensible du prix de vente des licences UMTS compromet durablement l'équilibre du fonds de réserve.
On voit mal comment on pourra atteindre les 1 000 milliards de francs annoncés pour 2020. Or nous savons tous que les problèmes vont commencer à se poser à partir de 2005. L'heure des choix ne pourra donc pas être indéfiniment reculée.
Au fond, le problème est non pas de savoir s'il faut plus ou moins dépenser, mais comment dépenser pour renforcer la qualité des soins et garantir une meilleure couverture sociale à nos concitoyens. A cet égard, il nous appartient de fixer des priorités, priorités que vraisemblablement, madame la ministre, nous ne partageons pas avec votre gouvernement.
Pour l'ensemble de ces raisons, vous ne serez pas surprise, madame la ministre, que le groupe de l'Union centriste ait décidé de soutenir les propositions de la commission des affaires sociales et de rejeter, comme la plupart des partenaires sociaux, le texte tel que vous nous le présentez. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, d'ailleurs à la même époque, le Sénat est saisi du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Depuis cet après-midi, s'ouvre donc un débat d'autant plus important que les masses financières en jeu sont énormes - elles s'élèvent à plus de 2 000 milliards de francs pour 2002, soit plus que le budget de l'Etat - et que des questions essentielles sont abordées.
La protection contre les risques maladie, vieillesse, accidents du travail ainsi que la politique familiale touchent le quotidien de nos concitoyens et contribuent, par conséquent, à cimenter la cohésion de notre société. Paradoxalement, le législateur dispose, dans le domaine de la protection sociale, de trop peu de marges de manoeuvre. Alors même que les choix faits concernent les besoins fondamentaux des Français, notamment en matière de santé, le débat pourtant nécessaire demeure, cette année encore, tronqué, limité à la validation d'objectifs de recettes et de dépenses, d'enveloppes prédéfinies.
Cette année, le débat s'ouvre dans un contexte particulier. Le départ du MEDEF des caisses de sécurité sociale nous amène à nous interroger sur la démocratisation de la gestion de ces dernières et sur le partage des responsabilités des acteurs.
Le MEDEF pratique la politique de la terre brûlée.
Son entrée en politique n'en devient que plus explicite. La pétition des cinquante-six grands patrons français contre la loi de modernisation sociale avait ouvert la voie.
Cette année, le débat s'ouvre alors que la situation catastrophique des hôpitaux marque tous les Français et, plus particulièrement, les personnels des hôpitaux.
M. Bernard Murat. Très bien !
M. Guy Fischer. Nous demandons toujours l'organisation d'un grand débat au Parlement permettant, en amont du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'arrêter les orientations de la politique de santé publique.
Partir des besoins sociaux à satisfaire est la seule voie efficace pour rompre réellement avec la démarche autoritaire et la logique de maîtrise exclusivement comptable des dépenses engagées par le plan Juppé, cher à nos collègues de droite. (M. Godefroy s'exclame.)
MM. Alain Gournac et Bernard Murat. Très bien !
M. Guy Fischer. Dans ses propos introductifs devant la Commission nationale de la santé, M. Kouchner a insisté sur la nécessaire démocratie sanitaire, « véritable moteur d'une politique de santé où chacun serait acteur ».
Le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, apporte un début de réponse. Désormais, chaque année, sur la base d'un rapport du Gouvernement, députés et sénateurs devraient débattre, pas simplement de manière comptable, des problèmes de santé.
Si nous souhaitons associer pleinement les Français et inverser la démarche en partant des besoins, il est impératif que les parlementaires disposent du pouvoir d'amender les exigences de santé qui doivent être définies en se référant au travail de la conférence nationale de la santé, lieu d'échange entre les professionnels de la santé et les usagers. Nous attendons une évolution sur ce point, madame la ministre.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 étant le dernier de la législature, un minibilan s'impose.
On ne peut pas dire que le Gouvernement ait réussi à changer d'approche en matière de financement de la protection sociale. A ce propos, je regrette vivement que les tentatives de rééquilibrage de son financement, qui pèse fortement sur les revenus du travail, n'aient pas pu se concrétiser, s'amplifier.
A nos propositions destinées à asseoir durablement les ressources de la sécurité sociale, qu'il s'agisse de la réforme de fond des cotisations patronales modulées selon la taille de l'entreprise et sa politique de l'emploi, de la contribution des revenus financiers des entreprises, ou de l'augmentation du rendement de la contribution sociale sur les bénéfices, ont été préférées la fiscalisation croissante des recettes, notamment la substitution de la CSG aux cotisations salariales, ainsi que l'accentuation de la politique des exonérations de cotisations patronales, dont le bilan coût-avantage est, selon nous, très loin d'être positif pour l'emploi, mais également pour les comptes de la protection sociale.
Incontestablement, la commission des affaires sociales est obligée d'en convenir, les comptes sociaux se sont nettement redressés. Selon le rapport de la Cour des comptes de septembre 2001, le régime général devrait être excédentaire de plus de 6 milliards de francs.
Ce constat recouvre certes des réalités différentes selon les branches, l'assurance maladie reste déficitaire et la branche accidents du travail et maladies professionnelles est excédentaire, alors que tout le monde s'accorde à dénoncer la sous-déclaration des accidents du travail et l'absence de reconnaissance des maladies professionnelles. Mais une chose est sûre : ce retour à l'équilibre mérite d'être souligné tant le gouffre laissé par les gouvernements de droite était grand.
M. Claude Domeizel. Oh oui !
M. Guy Fischer. Je vous rappelle tout de même, mes chers collègues, qu'entre 1993 et 1997 le déficit cumulé de la sécurité sociale s'élevait à 265 milliards de francs !
M. Claude Domeizel. Incroyable !
M. Ivan Renar. Les chiffres sont cruels !
M. Guy Fischer. Pour l'essentiel, cette situation est à mettre au crédit du dynamisme de la situation de l'emploi salarié et du taux de croissance soutenu, ainsi que du maintien de la pression pour maîtriser les dépenses.
A l'instar de vos collègues députés, vous dénoncez le « hold-up » sur l'argent de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait ! Les partenaires sociaux aussi !
M. Guy Fischer. Le FOREC est mis à l'index.
Considérant que ce projet de loi souffre des mêmes faiblesses que le projet de budget de l'Etat pour 2002, à savoir qu'il repose sur des hypothèses de croissance trop optimistes,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est vrai !
M. Guy Fischer. ... sur une sous-évaluation des dépenses, notamment de l'assurance maladie,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est aussi vrai !
M. Guy Fischer. ... la commission des affaires sociales se livre à une « opération vérité des comptes ».
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Guy Fischer. Mais à vouloir trop convaincre, vous convainquez peu !
Vous avez mis l'accent sur le coût du financement des 35 heures. Mais nous avons déjà eu l'occasion de dire combien les solutions retenues pour compenser la RTT ne nous satisfaisaient pas.
Par conséquent, je n'entends pas ici défendre les règles impliquant la sécurité sociale dans le financement politique de l'emploi. Toutefois, je dois préciser, même si toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, que vous omettez de mettre en avant le fait que le FOREC, qui existe désormais officiellement, n'assume pas uniquement le financement des aides incitatrices au passage aux 35 heures, mais que ces dépenses sont aussi liées à des allégements de charges, consentis notamment au titre de la ristourne dégressive Juppé, portée par ce Gouvernement, il est vrai, à 1,8 fois le SMIC.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous ne m'avez pas écouté, monsieur Fischer, je l'ai dit tout à l'heure.
M. Guy Fischer. Vous l'avez dit du bout des lèvres.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Non, je l'ai dit clairement.
M. Guy Fischer. Vous avez omis de dire certaines choses !
M. le président. Mes chers collègues, si nous voulons que le débat reste ordonné, laissez s'exprimer l'orateur.
Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. Les exonérations décidées par les gouvernements prédécents - de droite - représenteront, pour 2002, 66 % de l'ensemble des charges du FOREC.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous ne le contestons pas !
M. Guy Fischer. Par ailleurs, vous comprendrez, messieurs de la majorité sénatoriale, que je ne puisse pas cautionner vos arguments tendant à démontrer que ce Gouvernement aurait en quelque sorte dilapidé les fruits de la croissance.
Au contraire, nous lui faisons le reproche de ne pas avoir suffisamment satisfait les diverses attentes sociales et ce, faute d'avoir pu disposer des marges de manoeuvres suffisantes générées par la réforme promise des cotisations sociales. Je pense en particulier à l'augmentation du niveau moyen des remboursements, à l'indexation des pensions de retraite et des allocations familiales sur les salaires.
Pour en terminer avec les recettes, les trois amendements de fond que nous défendrons et qui visent à asseoir durablement le financement de la protection sociale se justifient d'autant plus à l'occasion du débat à l'Assemblée nationale, des moyens supplémentaires ont été dégagés en faveur de l'hôpital public et que, a priori , devant le Sénat, le Gouvernement devrait concrétiser l'accord conclu avec les cliniques privées en augmentant la dotation du fonds de modernisation des cliniques privées.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Avec quels moyens ?
M. Guy Fischer. Lors de la discussion des articles, nous aurons l'occasion de revenir sur les mesures décidées en faveur des cliniques privées. Mais je me permets, dès à présent, de vous livrer, au sujet de l'aide gouvernementale, mon sentiment, partagé par toutes les organisations syndicales que le groupe CRC a rencontré aujourd'hui.
M. Alain Gournac. Ah !
M. Guy Fischer. En quarante-huit heures, les patrons de cliniques privées ont obtenu le déblocage de 1,7 milliard de francs pour l'exercice 2001-2002.
M. Alain Gournac. Tiens tiens !
M. Guy Fischer. Avec les mesures qui ont déjà été prises et qui s'élèvent à 1,4 milliard de francs, cela porte l'effort financier à hauteur de 3,1 milliards de francs.
Outre son montant, nous nous interrogeons sur le ciblage de cette aide. Vous avez répondu sur ce point, mais mieux vaut dire les choses plutôt deux fois qu'une !
Madame la ministre, comment accepter, en effet, que les grands groupes cotés en Bourse - je pense en particulier à la Compagnie générale de santé -...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il est le seul à être coté.
M. Guy Fischer. ... bénéficient de cette manne financière par l'intermédiaire du fonds de modernisation qui a servi à éliminer les plus petites structures...
M. Alain Gournac. Ah ! le grand capital !
M. Guy Fischer. ... qui, confrontées à des difficultés, n'ont pu se restructurer ?
M. Ivan Renar. C'est un scandale !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Et toutes les cliniques privées ?
M. Guy Fischer. Nous sommes conscients des distorsions injustes en matière de rémunération des personnels, notamment des infirmières. Madame la ministre, quelles garanties peuvent être apportées pour que les infirmières, les personnels de base, voient effectivement leur situation salariale s'améliorer et que la transparence de l'utilisation des fonds soit réelle ?
La presse s'est fait écho des engagements pris par le secteur privé de renégocier rapidement une convention collective rehaussant le niveau plancher de la profession.
Toutefois, permettez-nous de douter - comme les syndicats et les salariés d'ailleurs qui, dans ce conflit, sont restés en retrait - de la propension des patrons de cliniques à réduire les inégalités de salaires et à revoir la répartition des bénéfices avec les salariés !
Madame la ministre, nous attendons des réponses et un positionnement clair du Gouvernement,...
M. Alain Gournac. Ce n'est pas clair ?
M. Guy Fischer. ... afin d'éviter toute confusion consistant à mettre sur le même plan la situation des cliniques privées et celle des hôpitaux publics.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est un soutien très critique !
M. Guy Fischer. A l'Assemblée nationale, le débat sur ce texte s'est ouvert sur fond de grogne des hospitaliers, et le terme est faible ! La colère gronde toujours, madame la ministre, les hôpitaux sont au bord de l'explosion ! On ne peut continuer ainsi !
Dans le Val-de-Marne, par exemple, un plan d'urgence a été élaboré par les personnels. Depuis deux ans, les professionnels de santé n'ont eu de cesse de se mobiliser pour dénoncer les conséquences des restrictions budgétaires et des restructurations en cours, cela tout simplement pour défendre le service public hospitalier ! Les personnels sont fatigués, usés de travailler en sous-effectifs.
Dans de telles conditions, l'annonce par le Gouvernement de la création, sur trois ans, de 45 000 emplois pour accompagner la RTT a d'autant moins permis de lever les inquiétudes que l'accord minoritaire signé met à mal les garanties contenues dans l'ordonnance de 1982, qui organise le travail dans la fonction publique hospitalière. Majoritairement, les personnels hospitaliers et les praticiens que nous avons rencontrés considèrent que cet accord, qui aurait dû être un facteur d'amélioration de leurs conditions de travail et de leur vie de famille, et de renforcement du service public, sera en fait la source d'une plus grande flexibilité, en raison de l'annualisation du temps de travail, de la légalisation des horaires glissants et des astreintes.
Ils ne croient pas au compte épargne temps et craignent, en définitive, que cet accord national, sous couvert de contraintes spécifiques liées à la continuité du service public, ne rende impossible la planification de leur vie en dehors de l'hôpital et n'accélère les restructurations.
Les femmes représentant plus de 75 % du personnel hospitalier, vous comprendrez, madame la ministre, notre opposition à l'article 17 de ce projet de loi, qui abroge l'ordonnance de 1982, et notre insistance à demander la reprise des négociations.
Grâce, notamment, à la détermination des députés communistes, qui ont fait, à juste titre, de la question de l'hôpital public un point fort de leurs interventions, et sous la pression des personnels, vous avez consenti, madame la ministre, non à supprimer, comme nous le souhaitions avec de nombreux syndicats et la Fédération hospitalière de France, la taxe sur les salaires sans diminuer les dotations aux établissements, mais à augmenter le niveau de l'enveloppe financière allouée à l'hôpital.
En plus de ce qui était déjà inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit 3,3 milliards de francs au sein de l'enveloppe « hôpital » de l'ONDAM consacrée à la création de postes, le Gouvernement engage 3,9 milliards supplémentaires, qui se décomposent de la manière suivante : 1 milliard de franc de crédits sur la dotation globale 2001 ; 1 milliard de franc au titre du fonds de modernisation des établissements de santé en 2002 ; l'accélération de la consommation des 900 millions de francs disponibles au titre de ce même fonds, mais pour 2001 ; enfin, 1 milliard au titre du fonds de modernisation des hôpitaux, qui relève, quant à lui, du budget de l'Etat.
Nous n'entendons pas prêter le flan aux remarques - aux attaques, devrais-je dire - de la commission des affaires sociales... M. Alain Vasselle, rapporteur. Parlez des AP-CP !
M. Guy Fischer. ... tendant à minimiser les avancées obtenues à l'Asemblée nationale. Toutefois, nous demeurons extrêmement vigilants pour que les aides répondent aux objectifs fixés, qu'il s'agisse tant des personnels, des besoins en formation que des investissements nécessaires à la réhabilitation et à la mise en conformité des bâtiments.
C'est pourquoi, aujourd'hui, nous sommes encore plus demandeurs de garanties quant aux modalités et au calendrier de la répartition de ces moyens. Nous tenons absolument à ce que les parlementaires soient informés, consultés, comme devront l'être d'ailleurs l'ensemble des parties concernées.
Madame la ministre, êtes-vous en mesure de nous faire part des outils dont vous allez user pour que les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation appliquent rapidement ces mesures et qu'ils s'obligent - ce qui est nouveau, car ces derniers sont peu habitués à la concertation - à associer les élus, les représentants des établissements, les organisations syndicales et les usagers ?
M. Bernard Murat. Très bien !
M. Guy Fischer. Pour acter de l'acuité du problème de la formation, particulièrement sensible pour les infirmières, mais valable aussi pour l'ensemble des acteurs de la chaîne santé, et bien que nous ayons pris note de vos intentions concernant les objectifs 2001 et 2002 du fonds de modernisation, nous proposerons d'améliorer les conditions d'études des personnels en préfinançant les années passées à l'école.
Enfin, pour clore provisoirement ce chapitre, n'ayant pu prendre connaissance de l'examen hier par l'Assemblée nationale des crédits de la santé de votre ministère, je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez m'assurer que le milliard de francs en question a été inscrit au titre du FIMHO, les crédits de ce fonds devant, selon les bleus budgétaires pour 2002, passer de 500 millions de francs à 300 millions de francs, faute d'avoir été consommés.
M. Alain Vasselle, rapporteur. D'AP !
M. Guy Fischer. D'autres aspects de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale méritent d'être évoqués, qu'il s'agisse de l'examen bucco-dentaire gratuit, dont pourront bénéficier les enfants âgés de six ans à douze ans, ou de l'extension du bénéfice, durant un an, du tiers payant pour les personnes sorties du dispositif de la CMU.
Nous sommes toujours demandeurs d'ajustement concernant le seuil de ressources. Les titulaires de minima sociaux - l'allocation aux adultes handicapés ou le minimum vieillesse - doivent, eux aussi, pouvoir prétendre à l'accès aux soins, à la prise en charge du ticket modérateur et du forfait hospitalier, notamment. Nous ferons de nombreuses propositions en ce sens.
Parmi les amendements présentés par le Gouvernement et adoptés par les députés, il en est un qui semble retenir toute l'attention des professionnels de santé et des syndicats ; il a trait au renouveau du cadre conventionnel entre les médecins et l'assurance maladie, à la maîtrise contractuelle des dépenses médicales.
Dans un communiqué commun datant d'hier, la CGT, FO, la CGC et la CFTC ont appelé le Gouvernement à retirer cette disposition jugée « provocatrice, inopportune », afin de laisser toute sa place à la concertation.
M. Alain Gournac. C'est dur !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Guy Fischer. Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions ? Si vous n'entendez pas donner satisfaction à la requête formulée, le Gouvernement peut-il, dès à présent, achever la construction du nouveau dispositif ?
Pour faire face à la progression des dépenses du poste médicament de la branche maladie, au grand désespoir des laboratoires pharmaceutiques, le projet de loi de financement de la sécurité sociale traduit un certain nombre de mesures contenues dans le plan médicament.
La disposition ajoutée à l'Assemblée nationale permettant l'information annuelle du Parlement sur la base du rapport du Comité économique des produits de santé contribuera à rendre plus transparente la fixation des prix des médicaments.
Concernant la branche retraite, je n'irai pas plus loin, M. Roland Muzeau devant intervenir sur ce sujet.
Nous présenterons aussi une série d'amendements relatifs aux accidents du travail et aux maladies professionnelles qui permettront, notamment à Mme Marie-Claude Beaudau, de revenir sur ces problèmes. Nous profiterons également de la discussion des articles pour avancer un certain nombre de propositions de nature à améliorer immédiatement la protection sociale. Nous serons donc très attentifs durant les prochaines quarante-huit heures ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les rapporteurs, nos collègues Alain Vasselle, Dominique Leclerc, Jean-Louis Lorrain, Alain Joyandet, et le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, n'y sont pas allés de main morte ! Ils ont dressé un véritable réquisitoire contre la politique du Gouvernement en matière de protection sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela vous étonne ?
M. Gilbert Chabroux. Non, nous ne sommes pas surpris, monsieur Vasselle ; la droite a déjà employé les termes de « manipulation » des comptes, de « détournement » et même de « hold up » de l'argent de la sécurité sociale pour financer les 35 heures, ainsi que de « mise à sac » ou de « pillage » des excédents de la branche famille.
Les rapporteurs sont très négatifs : il n'y a rien dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale qui trouve grâce à leurs yeux. Ils en contestent toutes les dispositions, et d'abord les chiffres. Mais à trop vouloir démontrer, monsieur Vasselle, vous ne ne démontrez rien, vous faites de la démagogie ! (Exclamations sur certaines travées du RPR et des Républicains et des Indépendants.).
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ah non ! De la pédagogie !
M. Gilbert Chabroux. Vous ne proposez rien, vous contestez tout !
M. Claude Domeizel. C'est vrai !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous faisons ressortir la vérité et la réalité des choses !
M. Gilbert Chabroux. S'il est, pourtant, des chiffres incontestables, ce sont ceux des déficits vertigineux laissés par la droite en 1997.
M. Claude Domeizel. C'est exact !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous n'avez que cette réplique à la bouche, mais vous n'avez rien d'autre à nous proposer !
M. Gilbert Chabroux. Je sais que cela ne vous fait pas plaisir qu'on le dise, mais vous avez laissé un déficit cumulé de 265 milliards de francs. Voilà la vérité !
M. Claude Domeizel. Oh oui !
M. Gilbert Chabroux. Pour l'année 1997, ce sont 34 milliards de francs, dont 14,5 milliards de francs pour la branche famille. Le constat qui s'imposait alors, et les Français l'ont fait, était un constat de faillite. Vous avez déposé le bilan ! (Exclamations sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Claude Domeizel. Vous avez été sanctionnés !
M. Gilbert Chabroux. La droite a la mémoire courte ! Elle est bien mal placée pour dénoncer le projet de loi de financement qui nous est présenté. Il a fallu réparer ses erreurs. Elle devrait maintenant plutôt se réjouir que l'équilibre des comptes ait été retrouvé...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Non, il n'est pas retrouvé, c'est faux !
M. Gilbert Chabroux. ... et consolidé.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est faux !
M. Gilbert Chabroux. D'ailleurs, monsieur Vasselle, n'est-ce pas une façon de reconnaître que la situation s'est inversée que de s'interroger, comme l'ont fait pesamment les rapporteurs, sur l'affectation des excédents, particulièrement ceux de la branche « famille » ? De telles questions ne pouvaient évidemment pas se poser en 1997, parce qu'il n'y avait pas d'excédent à répartir : il n'y avait que des déficits à combler !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Et aux dépens des familles, on a retrouvé l'équilibre !
M. Gilbert Chabroux. J'y viens.
On peut donc maintenant s'interroger : sachant que l'argent de la sécurité sociale est l'argent de tous, est-il normal ou anormal qu'il y ait des transferts entre branches, si ces transferts sont fondés sur la solidarité,...
M. Alain Gournac. Des engagements ont été pris !
M. Gilbert Chabroux. ... particulièrement celle qui doit exister entre les générations ? A condition, bien sûr, que les besoins les plus importants de la branche excédentaire soient d'abord satisfaits.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce qui n'est pas le cas !
M. Gilbert Chabroux. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, les transferts d'une partie des excédents de la branche « famille » au fonds de solidarité vieillesse et au fonds de réserve pour les retraites n'obèrent en rien les mesures nouvelles en faveur des familles.
Faut-il rappeler que la politique familiale bénéficiera de mesures particulièrement importantes, avec la création d'un congé de paternité - vous l'acceptez du bout des lèvres -...
M. Alain Gournac. Payé pour la moitié par les entreprises !
M. Gilbert Chabroux. ... avec une nouvelle dotation de 1,5 milliard de francs en faveur de la création d'équipements pour la petite enfance - vous l'acceptez également du bout des lèvres - ...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Dotation financée par la sécurité sociale !
M. Gilbert Chabroux. ... avec l'augmentation de 6 milliards de francs sur quatre ans des crédits du fonds national d'action sociale de la CNAF, avec la majoration importante de l'allocation de présence parentale, qui sera portée au niveau du SMIC, avec la réforme de l'allocation de rentrée scolaire pour les familles dépassant un peu le seuil, sans oublier la revalorisation de 2,2 % de la base mensuelle des allocations familiales. Excusez du peu !
La politique familiale qui a été menée et, bien sûr, la croissance économique et la confiance retrouvée ont permis une hausse sensible de la natalité, de l'ordre de 5 % en 2000, soit la plus forte hausse enregistrée depuis vingt ans.
M. Alain Gournac. C'est bientôt grâce à eux !
M. Gilbert Chabroux. L'indice de fécondité, qui atteint 1,89, place la France au premier rang en Europe, à égalité avec l'Irlande. La droite ne pouvait pas rêver mieux, elle qui appelait de ses voeux une politique nataliste et qui n'avait pas pu obtenir un tel résultat, y compris avec sa loi « famille » de 1994. Mais il est vrai que cette loi avait été financée à crédit !
M. Bernard Murat. C'est la croissance !
M. Gilbert Chabroux. Ainsi, la réduction du quotient familial, qui a été ramené à un niveau plus juste, et la diminution de l'AGED n'ont pas eu les effets désastreux qui avaient été annoncés.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Si, mais vous ne les mesurez pas !
M. Gilbert Chabroux. Contrairement à ce que dit M. Jean-Louis Lorrain, il n'y a rien de mystérieux dans ce renouveau des naissances. Aussi, le rapporteur me paraît bien mal inspiré lorsqu'il déclare qu'« il peut sembler paradoxal que, disposant de toujours moins de moyens, les familles ne soient pas découragées ». Et M. Lorrain d'évoquer un effet « tempête », ce qui ne me semble pas particulièrement sérieux, compte tenu de la gravité des problèmes dont nous débattons aujourd'hui.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. C'est faux, je n'ai pas parlé de cela ici !
M. Gilbert Chabroux. Non, mais vous l'avez fait en commission.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Vous confondez démographie et reproduction !
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, si M. Lorrain souhaite m'interrompre, il pourra confirmer les propos qu'il a tenus !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Les familles ne sont pas découragées, monsieur Lorrain.
Lors de son audition devant la commission des affaires sociales, la présidente de la CNAF a constaté que notre politique familiale « permet aux femmes de travailler, d'avoir des enfants, de s'arrêter de travailler avec l'allocation parentale d'éducation, et de reprendre le travail, de faire garder leurs enfants avec différentes aides », ajoutant que « le système n'est donc pas si mauvais que cela ».
Elle a considéré aussi, d'une manière plus nuancée, à propos du financement du fonds de réserve pour les retraites, que « l'on est dans le cadre d'une solidarité intergénérationnelle » et, plus loin, que certains « admettent qu'il y ait une forme de contribution ».
M. Alain Gournac. C'est pour cela que la CNAF a voté pour !
M. Gilbert Chabroux. Mais la politique familiale peut aller encore plus loin et franchir de nouvelles étapes.
Il serait bon, par exemple, me semble-t-il, d'étudier la possibilité d'attribuer des allocations familiales dès le premier enfant. Cependant, et sans remettre en cause le principe d'universalité, il conviendrait de le faire en fixant certaines clauses restrictives - quotient familial, conditions de ressources - comme pour l'allocation de rentrée scolaire.
Je souhaiterais aussi, comme M. Lorrain, que soit mieux pris en compte le problème des jeunes adultes déstructurés : le temps libre des jeunes est devenu un enjeu important.
M. Joseph Ostermann. Ah !
M. Gilbert Chabroux. La famille est, nous le savons bien, le cheval de bataille du Président de la République et de la droite.
M. Bernard Murat. C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux. Il y a encore des améliorations à apporter, mais mesurons bien ce que la gauche a accompli avec une véritable politique familiale et que la droite n'a pas pu faire ! (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Il est un autre cheval de bataille : le FOREC et les 35 heures ! Nous avons entendu les rapporteurs parler, sans l'ombre d'une nuance, de « détournement de fonds », de « manipulation » des comptes de la sécurité sociale. Or, il se trouve que les comptes de la sécurité sociale n'ont jamais été aussi clairs. La Cour des comptes, elle-même, a souligné l'effort de clarification qui a été accompli. Ainsi, la réforme des droits constatés est entrée en vigueur dans tous les organismes, et il faut apprécier tout particulièrement la clarification du financement du FOREC pour les années 2001 et 2002, l'ensemble des allégements de charges financés par le FOREC étant exactement équilibré par des recettes fiscales.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est pas vrai !
M. Gilbert Chabroux. Est-il nécessaire de rappeler que, sur ces allégements de charges, ceux qui sont imputables aux 35 heures ne représentent que 34,6 milliards de francs sur 102 milliards de francs, soit environ 35 % du montant total, le reste étant à mettre au compte de la ristourne « Juppé-Balladur » et des mesures « de Robien » ? N'oublions pas, de surcroît, qu'il s'agit, dans tous les cas, d'allégements de charges patronales, et que cela fait beaucoup.
La question qu'il faut se poser, monsieur Vasselle, est celle de savoir si vous êtes pour ou contre les allégements des charges patronales. Faut-il les supprimer ou toujours les augmenter ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Très juste !
M. Joseph Ostermann. Il faut les baisser !
M. Gilbert Chabroux. Autre thème favori de la droite, les retraites.
Considérant l'année 2002 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est présenté,...
M. Alain Gournac. Cela vous concerne !
M. Gilbert Chabroux. ... nous constatons une nette amélioration. Chers collègues, nous devrions la constater ensemble.
La branche vieillesse sera excédentaire d'un milliard d'euros alors qu'elle était en déficit en 1997. M. Leclerc, rapporteur, s'est livré à des démonstrations fumeuses pour prouver que, en 1997, le déficit n'était pas au niveau indiqué. Moi, je relève qu'il a été constaté à ce niveau-là et que, pour 2002, en tout cas, nous aurons un excédent et que la situation de la branche « vieillesse » sera saine.
Les retraites de base du régime général seront revalorisées de 2,2 % au 1er janvier 2002, ce qui permettra une nouvelle progression de 0,3 % du pouvoir d'achat. Entre 1997 et 2002, les retraités auront gagné 1,4 % de pouvoir d'achat, et même 1,9 % pour ceux d'entre eux qui ne sont pas imposables.
Contrairement à ce qu'a dit M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, je ne vois pas en quoi cette revalorisation pourrait nuire profondément à la lisibilité de l'action publique. Au contraire, il me semble qu'il est juste, équitable que les retraités bénéficient aussi des fruits de la croissance.
Il faut également apprécier qu'un dispositif soit mis en place pour garantir aux chômeurs les plus démunis, âgés de moins de soixante ans et ayant cotisé quarante ans, un revenu mensuel équivalant à une retraite comprise entre 5 000 francs et 5 750 francs, sans tenir compte des ressources du conjoint.
N'oublions pas que certains ont commencé à travailler dès l'âge de quatorze ans dans des conditions difficiles. Je ne comprends pas que la droite veuille supprimer ce dispositif.
Pour le plus long terme, il faut se réjouir de la montée en charge du fonds de réserve pour les retraites, qui disposera déjà de 82,5 milliards de francs à la fin de l'année 2002. La présidente du conseil d'orientation pour les retraites a fait observer, lors de son audition par la commission des affaires sociales, que l'objectif de 1 000 milliards de francs en 2020 n'avait rien d'irréaliste, puisqu'il correspond à un effort moyen d'une trentaine de milliards de francs par an.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Trente-cinq milliards de francs !
M. Gilbert Chabroux. C'est bien ce que je dis, et ce que la présidente du COR annonce n'est pas irréaliste. Certes, cela ne résoudra pas tous les problèmes qui se posent en matière de retraites. On peut, en particulier, s'interroger sur le taux d'emploi des plus de cinquante-cinq ans, qui est le plus bas de l'Union européenne.
Reste que le fonds de réserve pour les retraites doit contribuer à préserver le système de répartition contre le système de capitalisation voulu par la droite. Comment peut-on encore parler de retraite par capitalisation et de fonds de pension à l'anglo-saxonne lorsque l'on observe les fluctuations de la Bourse ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous pouvez en parler !
M. Bernard Murat. Et la fonction publique ?
M. Gilbert Chabroux. Selon l'enquête exclusive réalisée, il y a quelques semaines, par le journal Le Monde ,...
M. Alain Gournac. N'importe quoi !
M. Gilbert Chabroux. ... enquête portant sur 1 730 000 personnes dans quarante entreprises, le patrimoine moyen d'un salarié actionnaire a fondu de 40 % depuis le début de l'année. La droite, qui n'a cessé de dénoncer l'imprévoyance du Gouvernement et de prôner la mise en place de fonds de pension, devrait y réfléchir.
De même, elle devrait faire preuve de plus d'objectivité sur la branche « maladie ».
Certes, des questions se posent, mais il ne faut pas tout rejeter en bloc : la France, tout de même, a été classée premier pays au monde pour son système de santé par l'Organisation mondiale de la santé. Il faut donc sortir d'une appréciation purement comptable, monsieur Vasselle.
D'ailleurs, sur ce point, et uniquement sur ce point, je suis d'accord avec M. About pour dire qu'il n'y a pas que les chiffres qui comptent, monsieur Vasselle, vous n'avez parlé que de chiffres !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je suis chargé des équilibres financiers !
M. Gilbert Chabroux. Vous embrouillez tout le monde, alors que l'on devrait y voir parfaitement clair. Vous ne voyez pas les déficits que vous avez créés ; mais vous en voyez là où il n'y en a pas !
M. Alain Vasselle. rapporteur. Avez-vous maîtrisé le déficit de la branche maladie ? Non ! Alors, ne venez pas nous donner de leçons ! La branche maladie reste structurellement déficitaire.
M. Robert Bret. Quelle mauvaise foi !
M. Gilbert Chabroux. Je vous demande de revoir vos démonstrations, qui n'ont vraiment rien de probant.
Il y a eu, c'est vrai, les années précédentes et cette année encore, un dépassement de l'ONDAM.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux. Il a été nécessaire de le « rebaser » pour partir des dépenses réelles de l'exercice précédent.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est un aveu d'échec !
M. Gilbert Chabroux. L'ONDAM « rebasé » sera de 3,9 % pour 2002. Vous dites qu'il faut le supprimer, mais il faut bien un objectif pour que l'on essaie de s'en rapprocher le plus possible. Et, s'il y a dépassement, cela ne signifie pas pour autant qu'il y a dégradation.
Si l'on regarde la progression des dépenses d'assurance maladie sur une moyenne période - quatre ou cinq ans -, on constate qu'elle n'a pas été plus forte que celle de la richesse nationale ; et il faut bien tenir compte, comme l'a souligné M. Joyandet, du vieillissement, des progrès de la médecine, du coût des nouvelles molécules pour traiter certaines maladies.
L'activité des hôpitaux s'accroît de 2 % chaque année.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Alors, fixez des objectifs réalistes !
M. Gilbert Chabroux. S'agissant des dépenses hospitalières, les protocoles signés par le ministère de l'emploi et de la solidarité en mars 2000 et en mars 2001 avaient nécessairement pour conséquence des dépassements de l'objectif. Qui voudrait aujourd'hui remettre en cause ces protocoles ? Il faut répondre clairement !
Les problèmes concernent beaucoup plus les soins de ville : il faut reconnaître que la « délégation de gestion » confiée à la Caisse nationale d'assurance maladie pour les dépenses de ville n'a pas donné les résultats escomptés. C'est un constat de la Cour des comptes !
Il faut sans aucun doute un autre mécanisme de régulation ; et à ce sujet, madame la ministre, nous portons une attention toute particulière aux propositions que vous avez présentées, notamment celle d'engagements conventionnels dans un cadre pluriannuel pour redonner toute sa valeur au contrat qui doit lier les professionnels de santé aux caisses d'assurance maladie. Nous souhaitons vivement que les négociations engagées sur ce « nouveau contrat » puissent déboucher prochainement sur un accord.
Il faut aussi s'interroger sur la part du médicament dans les dépenses de santé et sur l'augmentation de 7,7 % des dépenses pharmaceutiques en 2001. C'est tout à fait excessif ! L'essentiel du dépassement de l'ONDAM provient de ces dépenses. Les ventes de produits génériques ne représentent que 3,1 % des ventes de médicaments. Nous sommes très loin des autres pays ! Comment comprendre et accepter que la situation soit aussi variable d'un département à l'autre, l'écart pouvant aller de un à trois, et même d'une officine à l'autre, avec un écart qui va de 3 % à 87 % ? Il est bon d'inciter les médecins à prescrire en dénomination commune internationale, mais cela n'est pas suffisant : il faut pouvoir changer les comportements en faisant davantage appel à la citoyenneté.
En revanche, nous considérons que des dépenses supplémentaires sont nécessaires pour mieux rembourser les soins dentaires. Nous pensons en particulier aux soins les plus lourds, qui sont très mal pris en charge et facturés très cher. Il faudrait une tarification de référence de ces actes, telles les prothèses dentaires, alors qu'aujourd'hui règne une liberté des prix quasi totale. La part des honoraires avec dépassement, qui atteint 50 % du total de la dépense, est supportée à 31 % par les seuls ménages.
L'Assemblée nationale a voté des dispositions rendant les examens bucco-dentaires obligatoires pour les enfants à l'âge de six ans et de douze ans ; ces examens seront entièrement pris en charge par les caisses d'assurance maladie. C'est une avancée, importante pour la prévention, qu'il faudrait prolonger en améliorant le remboursement des soins.
Nous nous interrogeons aussi sur l'hôpital public, même si l'ONDAM est porté à 4,8 % - à 3,6 % hors RTT -, donc en augmentation sensible par rapport à l'an dernier, où il était de 3,3 %, et par rapport aux années précédentes. Rappelons-nous qu'en 1997 il était de 1,15 % ! Là aussi, c'est l'héritage ; malheureusement, les efforts accomplis n'ont pas permis de résorber entièrement les effets de la politique de restriction enclenchée par le plan Juppé.
M. Joseph Ostermann. Oh !
M. Gilbert Chabroux. C'est pourtant évident !
L'investissement a pris beaucoup de retard, et les crédits pour les dépenses à caractère médical sont insuffisants. Enfin, il faut le dire, l'hôpital est victime de son propre succès.
Les moyens supplémentaires que vous avez annoncés à l'Assemblée nationale, madame la ministre, sont importants : 3 milliards de francs de crédits supplémentaires et 900 millions de francs d'accélération de crédits déjà existants. Ce qui est important, aussi, c'est qu'une partie de ces crédits pourra être utilisée très rapidement et permettra de répondre aux besoins les plus urgents.
Nous insistons sur les problèmes de personnel. La dotation de 1 milliard de francs supplémentaires au fonds de modernisation des établissements de santé, le FMES, permettra de financer des actions de formation et de promotion professionnelles, ce qui facilitera la montée en charge des 45 000 créations d'emplois liées aux 35 heures. Mais est-ce suffisant ? Quel sera le rythme des recrutements ?
Nous sommes préoccupés par les insuffisances de fonctionnement dans de nombreux services de soins, qui doivent pourtant fonctionner 24 heures sur 24 et 365 jours par an. Il y a, je le redis, un important retard à rattraper.
Le secteur de l'hospitalisation privée ne subit pas les mêmes contraintes ni les mêmes charges que l'hôpital public. Cependant, nous ne pouvons pas être insensibles aux problèmes de rémunérations qui se posent pour les personnels non médicaux, et nous apprécions l'effort réalisé par l'Etat pour une remise à niveau, sous réserve d'une plus grande transparence de la situation des cliniques privées.
Enfin, je ne veux pas oublier, dans ce tour d'horizon du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, les diverses mesures permettant d'améliorer le dispositif actuel de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, ni les dotations au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Nous reviendrons au cours du débat sur cette question très importante.
La politique à l'égard des personnes handicapées, particulièrement des autistes, bénéficie aussi de moyens supplémentaires importants.
D'une manière générale, les avancées sont nombreuses et importantes dans tous les secteurs.
Madame la ministre, le groupe socialiste soutient totalement le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui s'inscrit dans la continuité de la politique engagée par le Gouvernement depuis 1997 pour consolider notre protection sociale.
Ce texte fait de la santé l'une des priorités de l'action publique, tout en contribuant à l'amélioration des conditions de travail des personnels de santé. Ses dispositions prolongent, en affirmant de nouveaux droits, les mesures adoptées avec les quatre lois précédentes et dessinent des perspectives d'avenir.
La politique de croissance et les mesures structurelles engagées depuis quatre ans ont permis de doter la sécurité sociale d'un financement stable et durable. Même en prenant en compte l'année 1998, comme le demande M. Vasselle dans son rapport, on atteint un quasi-équilibre du régime général. Vous avez même fait remarquer, monsieur le rapporteur, que, à un epsilon près, le budget de la sécurité sociale dépassait 2 000 milliards de francs. Vous multipliez par cinq et vous faites une règle de trois !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il y a un écart de 6,7 milliards de francs quand on prend en compte les mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Ce n'est pas moi qui parle d'équilibre, c'est Mme le ministre !
M. Gilbert Chabroux. C'est donc un équilibre retrouvé et consolidé.
Il faut saluer la bonne gestion du Gouvernement, grâce à laquelle il a pu financer des avancées majeures en matière de protection sociale, comme la consolidation du régime de retraite par répartition par la création du fonds de réserve pour les retraites ; la modernisation de la politique familiale, avec l'instauration du congé paternel ; la mise en place d'un revenu mensuel pour les chômeurs les plus démunis âgés de moins de soixante ans et ayant cotisé quarante ans.
Nous approuvons tout particulièrement les financements supplémentaires accordés à l'hôpital public, qui permettent aux professionnels de santé de travailler dans de meilleures conditions au service des patients.
Le groupe socialiste vous apportera donc son soutien total, madame la ministre, tout au long du débat qui va s'engager.
Nous souhaitons vivement que ce texte soit examiné avec beaucoup de lucidité, d'objectivité et de sincérité par l'ensemble des groupes qui constituent notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, qu'a fait le Gouvernement des fruits de la période de croissance économique que notre pays connaît, mais qui, hélas ! faiblit actuellement ? Qu'a-t-il fait du talent des Français et de leurs entreprises ? Oui, qu'en a-t-il fait pour qu'à l'issue d'une telle période la sécurité sociale se trouve dépourvue de toute réserve pour affronter une conjoncture qui s'annonce pour le moins délicate ?
A l'examen de la présentation des recettes et des dépenses du régime de la sécurité sociale pour 2002, il apparaît que les prévisions de recettes sont établies à partir d'hypothèses d'évolution de la croissance économique surestimées. Quant aux dépenses prévisionnelles de l'assurance maladie, elles sont bien souvent sous-estimées.
Peut-on, pour les recettes, se fonder sur un taux de croissance de 2,5 %, alors que le rythme était de 0,8 % au quatrième trimestre de 2000 et de 0,3 % au deuxième trimestre de 2001 ? Encore était-ce avant que le monde n'ait été secoué par les terribles attentats du 11 septembre, qui sont venus bouleverser toutes les données.
Peut-on s'appuyer sur une augmentation de la masse salariale de 5 %, alors que la courbe du chômage est repartie à la hausse depuis le mois d'août dernier ?
Les chiffres présentés dans le projet de loi sont donc fortement sujets à caution.
En ce qui concerne les dépenses, les revalorisations de 1,9 % des prestations vieillesse et de 2,1 % des prestations famille ont été établies à partir de l'évolution prévisionnelle des prix pour 2002, avec correction de l'écart constaté au cours de l'année 2001.
Quant à l'objectif d'un taux de progression de 3,8 % pour l'assurance maladie, il s'avère irréaliste. En effet, les dépenses ont augmenté de 5 % pendant les huit premiers mois de l'année, et on voit difficilement comment les prévisions seront respectées.
Par ailleurs, vous ajoutez le financement des 35 heures dans les hôpitaux, qui représente 45 000 emplois sur trois ans, ainsi que l'enveloppe récemment débloquée en urgence pour venir en aide aux cliniques privées.
L'équilibre annoncé des comptes de la sécurité sociale est donc fortement compromis par l'effet « ciseau » qui ne manquera pas de se produire entre les recettes et les dépenses.
Or, malgré la mauvaise santé financière de la sécurité sociale, la nécessité de trouver des recettes supplémentaires pour le FOREC, qui finance les 35 heures, a conduit le Gouvernement à prélever de nouvelles ressources sur la branche maladie et sur la branche famille.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, la majorité sénatoriale avait dénoncé un système de tuyauterie extrêmement compliqué permettant d'organiser une ponction massive sur la sécurité sociale. Elle avait également dénoncé l'insidieuse transformation des lois de financement de la sécurité sociale en « lois de financement des 35 heures ». (M. Muzeau proteste.) Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 s'inscrit dans la même logique.
Il faut rappeler que le dispositif de financement des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale a été irrémédiablement bouleversé et compromis à compter de l'année 2000, c'est-à-dire à la date d'entrée en vigueur effective des nouveaux « allégements des 35 heures ».
En effet, jusqu'en 2000, ces exonérations étaient compensées à la sécurité sociale par le budget de l'Etat. Le système présentait l'avantage de la transparence et plaçait l'Etat et la sécurité sociale face à leurs responsabilités respectives.
Entraient dans ce dispositif la réduction dégressive sur les bas salaires, dite « ristourne Juppé », l'allégement en faveur de l'incitation à la réduction collective du temps de travail, dite « exonération Robien », l'aide incitative de la loi dite « Aubry I », les exonérations des cotisations d'allocations familiales pour les salariés des exploitants agricoles et de certaines entreprises.
Le Gouvernement a donc trouvé une solution ingénieuse : il a mis la sécurité sociale à contribution par l'intermédiaire du FOREC. Or la direction du budget précise dans une note du 17 février 2001 : « Le dispositif permanent d'aide à la réduction du temps de travail ne doit pas représenter un surcoût net pour les finances publiques. »
M. Alain Vasselle, rapporteur. Bonne référence !
M. Alain Gournac. Aussi, le Gouvernement est allé chercher l'argent ailleurs et a commencé en 2000 à ponctionner la sécurité sociale.
Il a même innové cette année en rouvrant les comptes de l'année 2000, pourtant déjà clos, afin d'annuler une dette du FOREC au régime général, et ce dans un souci de transparence.
Le coût direct cumulé des 35 heures pour la sécurité sociale s'élève ainsi, pour les années 2000 à 2002, à 85 milliards de francs. Ce sont donc 85 milliards de francs qui n'iront pas à l'amélioration de l'offre et de la qualité des soins, qui n'iront pas au relèvement des prestations familiales, qui n'iront pas abonder les réserves indispensables pour les retraites.
Ainsi, le Gouvernement réussit le tour de force de faire supporter aux régimes de base de la sécurité sociale le coût de sa politique pour l'emploi, dont les effets positifs sur la réduction du chômage restent à prouver.
La branche de la sécurité sociale sans doute la plus malmenée depuis trois ans est la branche famille. En déficit jusqu'en 1998, elle a été victime d'une baisse des recettes due à une croissance économique ralentie, mais également à une politique dynamique en faveur des enfants et des familles en général.
Depuis 1999, elle a renoué avec les excédents, mais ces excédents n'ont pas été redistribués aux familles.
Comme l'ont exposé nos différents rapporteurs, la politique du Gouvernement pour 2002 s'inscrit dans la continuité des années précédentes : une diminution des prestations servies aux familles afin de pouvoir réorienter les excédents vers d'autres priorités du Gouvernement.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Bien !
M. Alain Gournac. La politique familiale n'est donc pas une priorité pour la majorité plurielle. Les administrateurs de la CNAF en sont d'ailleurs persuadés, monsieur Chabroux, puisqu'ils ont « voté » massivement contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Les associations familiales - il faut aussi les rencontrer - sont pour leur part ulcérées de ces décisions qui privent durablement la branche famille de moyens financiers. Elles déplorent également le transfert de nouvelles charges : la prise en charge définitive de la majoration d'allocation de rentrée scolaire et la majoration de pension de 10 % pour les parents ayant élevé trois enfants et plus.
M. Bernard Murat. Eh oui !
M. Alain Gournac. Les deux seules mesures positives de ce texte, en dehors de leur caractère emblématique, ne sont guère coûteuses pour le Gouvernement.
Je veux parler, d'une part, du congé parental instauré en faveur des jeunes pères, dans la limite du plafond de la sécurité sociale, à charge pour les entreprises de compléter si elles le souhaitent les salaires au-delà de ce plafond, et, d'autre part, de l'abondement du fonds d'investissement pour les places en crèche à charge - il fallait y penser ! - pour les collectivités locales de compléter les sommes nécessaires pour ces projets aux coûts de fonctionnement notoirement très élevés. Tous les élus locaux le savent. Ce sont de beaux cadeaux, mais ce sont les collectivités locales qui paient !
On déplore que, une fois encore, le Gouvernement ne veuille promouvoir que les modes de garde collectifs. Le choix d'une garde individuelle, que font certaines familles, est totalement ignoré par le Gouvernement.
Au moment où la branche famille renoue avec des excédents, il nous paraît important de lui rétrocéder les fonds disponibles et de mettre en oeuvre une politique familiale innovante.
Celle-ci pourrait emprunter les pistes suivantes : le rétablissement du plafond du quotient familial ; le rétablissement du montant de l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'AGED, à son niveau initial ; l'étude de la création d'une allocation de libre choix de garde permettant aux familles de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale ; la mise en place d'aides en faveur des grands enfants qui font des études, car, je le dis à nouveau ici, cela coûte très cher ; enfin, la reconnaissance de la place des grands-parents dans la famille.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 poursuit malheureusement dans la même voie que les lois précédentes : fragilisation extrême des comptes sociaux dans un contexte désormais dégradé et immobilisme malgré la nécessité de réformer notre système de protection sociale afin de garantir son avenir.
Je ne peux donc qu'approuver les propositions de nos rapporteurs - et je tiens à saluer ici leur excellent travail - tendant à restituer à la sécurité sociale l'ensemble des recettes qui lui ont été, directement ou indirectement, confisquées afin de lui donner les marges de manoeuvres indispensables à l'amélioration de notre protection sociale.
Enfin, je dirai à notre collègue Guy Fischer que je partage ses interrogations car il a exprimé de réelles préoccupations. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - M. le rapporteur applaudit également.)
M. Roland Muzeau. Même sûr l'introduction des cliniques en Bourse ?
M. le président. La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites à ce stade de la discussion.
Je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre : vous ne m'avez pas convaincu, notamment à propos des moyens dont vous disposez.
S'agissant de l'ONDAM, je voterai évidemment l'amendement de suppression présenté par la commission des affaires sociales, car la présentation comptable adoptée par le Gouvernement est tronquée.
Ainsi, le taux de progression annoncé cette année est de près de 5 % alors que, à elles seules, les dépenses de soins de ville augmentent de 6,3 % et que la croissance du poste médicament est de 7,7 %. Comme le démontre M. Vasselle, l'augmentation globale de l'ONDAM en 2001 sera bien supérieure aux chiffres avancés. Que dire pour 2002, ne serait-ce qu'à cause de l'incidence du passage aux 35 heures dans la fonction publique hospitalière...
Autre thème abordé : le financement du FOREC. Nous pensions que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 avait atteint des sommets en matière d'obscurité avec la multiplication des artifices et des mesures rétroactives avec affectation d'excédents des années passées. Le nouveau projet de loi bat cependant tous les records en la matière, notamment en ce qui concerne le fonds de solidarité vieillesse et l'assurance maladie.
Ces artifices enlèvent toute réalité aux excédents affichés par le Gouvernement, et je crois qu'une réforme des règles présidant à l'élaboration des lois de financement est désormais nécessaire. Nous devons revenir à l'esprit de leurs concepteurs, soucieux de rendre plus lisible le système de protection sociale pour les Français et pour la représentation nationale.
Permettez-moi d'aborder, comme nombre de mes collègues, une autre source d'inquiétude : les grandes difficultés que connaissent à l'heure actuelle les établissements de soins.
Alors que les dépenses de soins s'envolent, on assiste dans notre pays à l'émergence de nouveaux besoins, et tout d'abord de nouveaux besoins en équipements. Ainsi, pour l'imagerie médicale, la France se situe juste devant la Turquie avec trois IRM par million d'habitants, contre quatorze en Allemagne. Même chose pour les soins palliatifs puisqu'un tiers seulement des besoins sont couverts.
Quant à la radiothérapie, une récente enquête de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, constate que moyens matériels et humains font défaut. L'actuelle carte sanitaire de la radiothérapie anticancéreuse a été fixée par un arrêté ministériel du 25 février 1986 sur la base d'un ratio des besoins plus ancien encore puisqu'il remonte à 1973 ! Or les centres de radiothérapie devront prendre en charge, d'ici à cinq ans, 200 000 traitements par an. Ils assurent en moyenne aujourd'hui 500 traitements par machine et par an, alors que les recommandations admises pour garantir la qualité du traitement et le confort des malades sont de l'ordre de 300. Il est donc urgent, et vous l'avez reconnu, madame la ministre, que l'indice des besoins soit révisé.
S'agissant des personnels hospitaliers publics, on peut légitimement s'interroger sur l'opportunité de réduire le temps de travail alors que des milliers de médecins et d'infirmières supplémentaires seraient nécessaires. Si la situation perdure, ne risque-t-elle pas d'avoir des incidences sur la qualité et la sécurité des soins ?
Autre exemple d'insuffisance de l'actuelle politique de santé publique : la lutte contre le cancer. La mission d'information de la commission des affaires sociales, conduite par Claude Huriet et Lucien Neuwirth, a rendu des conclusions qui dénoncent, là encore, le manque de moyens humains et financiers, ainsi que des inégalités dans l'accès aux soins et une insuffisance de l'effort de recherche. Je rappelle pour mémoire qu'une étude fait état d'une progression de 40 % du nombre de cas annuels de cancers entre 1975 et 1995, avec 239 000 nouveaux cas par an, et qu'elle prévoit 300 000 nouveaux cas par an entre 2005 et 2009.
C'est là tout le paradoxe de la situation de la santé : des dépenses d'assurance maladie qui explosent mais des priorités qui restent insatisfaites.
Toujours en matière d'assurance maladie, je me permets, madame la ministre, de vous interroger sur un sujet qui inquiète fortement le monde mutualiste.
L'article 4 de l'ordonnance du 19 avril 2001 portant réforme du code de la mutualité a fixé à un an le délai au cours duquel les organismes mutualistes doivent se mettre en conformité avec les règles de ce code. Or les restructurations internes entreprises à cet effet par les mutuelles, en particulier pour respecter le principe de spécialité, leur imposent des contraintes particulièrement lourdes, qui, de surcroît, sont de nature à entrer en conflit avec les principes statutaires qui règlent leur fonctionnement démocratique.
C'est pourquoi les mutuelles souhaitent obtenir le report du délai qui leur est accordé pour se conformer aux dispositions du nouveau code. Madame la ministre, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur cette question.
Enfin, je rappellerai quelle est la situation des régimes de retraite. Comme l'indiquait récemment le Conseil d'orientation des retraites, les dépenses de retraite pourraient représenter près de 16 % du produit intérieur brut en 2040, soit 4 points de plus qu'aujourd'hui. Des déséquilibres financiers considérables sont à prévoir dans l'ensemble des régimes de retraite. Si aucune mesure n'est prise, le besoin de financement sera d'au moins 300 milliards de francs par an !
Avec des perspectives aussi sombres, il semble peu crédible que le fonds de réserve des retraites puisse couvrir les déficits futurs de la branche vieillesse, d'autant que l'annonce d'une réduction très sensible du prix de vente des licences UMTS compromet sa montée en charge. L'objectif des 1 000 milliards de francs en 2020 semble donc plus que jamais hypothétique.
Quant aux régimes spéciaux, un voile pudique a été posé par le Gouvernement sur leurs difficultés. Les consultations annoncées par M. Jospin avec les syndicats sont restées lettre morte.
En somme, et ce sera ma conclusion, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 n'est pas à même d'apporter des solutions aux deux grands défis des prochaines années : l'augmentation du coût des technologies médicales et les problèmes démographiques.
Une politique alternative est donc indispensable. La majorité sénatoriale y réfléchit, avec méthode et sans a priori . D'ores et déjà, les rapporteurs des commissions des affaires sociales et des finances, que je félicite pour leur excellent travail, font certaines propositions. Je voterai en conséquence le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 tel qu'il sera amendé par le Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais me faire l'écho de la déception des retraités qui ont pris connaissance du modeste contenu du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour ce qui concerne la branche vieillesse.
Certes, sur l'une de leurs légitimes demandes, il y a eu une avancée depuis le précédent budget : l'allocation personnalisée d'autonomie a enfin remplacé la trop inégalitaire prestation spécifique dépendance. Je veux le répéter ici : même si notre groupe attendait plus de l'instauration de l'allocation personnalisée d'autonomie, il n'en a pas moins affirmé à cette même tribune qu'elle constituait un progrès considérable par rapport au dispositif antérieur, en ce qui concerne tant le nombre de bénéficiaires que le niveau des aides.
Nous ne sommes pas des contradicteurs systématiques ; bien au contraire, nous essayons toujours d'être constructifs, comme nous avons su le démontrer à de nombreuses reprises.
Pourtant, madame la ministre, nous sommes perplexes lorsque nous entendons réaffirmer la nécessité d'une réforme en profondeur de notre système de retraites, alors que se perpétue l'habitude d'apporter quelques améliorations ou « coups de pouce » qui ne sont pas en mesure de répondre à la demande de nos anciens.
Le pouvoir d'achat des retraites n'est toujours pas réévalué de façon satisfaisante. Après des années de disette - le mot n'est pas trop fort - marquées par la politique de la droite (exclamations sur certaines travées de l'Union centriste) , l'augmentation de 2,2 % des pensions faisant suite cette année à l'augmentation de 2,2 % du minimum vieillesse intervenue l'an dernier et la suppression de la CRDS pour les retraités non imposables ne suffisent pas.
Les retraités ayant perdu plus de 10 % de pouvoir d'achat en une dizaine d'années, comment ne pas entendre l'une de leurs revendications essentielles : le retour à l'indexation des pensions sur les salaires, et non sur les prix ?
Lorsque l'on sait que les titulaires du minimum contributif perçoivent aujourd'hui 43 % du SMIC - contre 63 % en 1983 -, comment refuser d'accorder un relèvement important de ce minimum, ainsi qu'une augmentation significative des plus faibles pensions ?
Par ailleurs, il nous semble contradictoire de prétendre améliorer les conditions d'emploi des personnes de plus de cinquante-cinq ans tout en maintenant le calcul de la retraite sur la base de vingt-cinq ans, au lieu des dix meilleures années. C'est pourquoi nous confirmons aussi notre volonté de revenir aux trente-sept annuités et demie pour tous.
De la même façon, nous sommes fermement convaincus de la validité de notre amendement - maintes fois déposé - dont l'objet est de permettre aux salariés de moins de soixante ans ayant cotisé cent soixante trimestres ou plus de partir à la retraite à taux plein, quel que soit leur âge. Nous sommes donc profondément déçus d'avoir vu cet amendement rejeté par le Gouvernement à l'Assemblée nationale.
Enfin, mettre à profit l'excédent de la branche famille - domaine dans lequel il reste tant à faire - pour abonder le fonds de réserve pour les retraites nous pose problème, vous le savez. Cette démarche n'est-elle pas pernicieuse, ainsi que l'est, plus généralement, le mode d'alimentation, décidément trop fragile et trop arbitraire, de ce fonds ? Ce manque d'ambition pour ce fonds de réserve ne finira-t-il pas par justifier, voire par imposer, l'instauration d'une retraite à deux vitesses, avec l'introduction d'un système par capitalisation ?
Je conclurai en réaffirmant, comme vous le faites, que la clé de la pérennité de notre système de retraites par répartition est le développement de l'emploi. Il convient donc de s'engager plus volontairement dans une politique de réformes fiscales, de moralisation des placements spéculatifs ainsi que de résorption de la précarité et des bas salaires.
Pour cela, nous ne pourrons faire l'économie de traiter parallèlement le grand débat national sur l'avenir des retraites - promis par le Premier ministre en 1997 - en même temps que la consolidation réfléchie et planifiée d'une politique de l'emploi pérenne.
A l'occasion de ce débat, madame la ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vont donc réaffirmer leur volonté de voir le Gouvernement s'engager dès aujourd'hui dans la vaste réflexion qu'exigent la situation de l'emploi et le taux de remplacement des salaires, à long terme, dans notre pays.
Nous devons également nous positionner au regard des amendements de la commission des affaires sociales dont les membres, dans une large majorité, se soucient bien peu, contrairement aux apparences, des besoins forts en matière de garanties pour l'avenir de notre système de retraite.
Mesdames, messieurs de la droite sénatoriale, obsédés par le désir de brader le système par répartition...
M. Philippe Nogrix. Mais non !
M. Roland Muzeau. ... au profit de la capitalisation, vous critiquez l'attentisme du Gouvernement en ce domaine.
M. Robert Bret. C'est vrai !
M. Roland Muzeau. Déçus et dépités que ce dernier ait osé abroger la loi Thomas instituant les fonds de pension, vous vous gardez bien d'évoquer le désastre boursier dont les retraités sont victimes dans nombre de pays.
M. Philippe Nogrix. Mais non !
M. Robert Bret. C'est pourtant la vérité !
M. Roland Muzeau. Madame la ministre, les salariés ne se font aucune illusion sur la capacité de la droite à rénover le système des retraites ; ils ont tous présent à l'esprit l'épisode du plan Juppé de 1995.
M. Robert Bret. Hélas !
M. Roland Muzeau. C'est donc bien au Gouvernement actuel que revient la responsabilité de répondre aux attentes légitimes des Français.
M. Michel Mercier. En effet !
M. Philippe Nogrix. Cela fait cinq ans qu'ils attendent !
M. Roland Muzeau. Tel est le sens des propositions formulées par le groupe communiste républicain et citoyen. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion au Parlement, depuis 1997, du projet de loi de financement de la sécurité sociale est, du fait de son importance - 1 950 milliards de francs à travers ses branches -, un moment privilégié de la discussion de la politique de santé et d'action sociale.
Ce sera le dernier de la législature. Mais, si j'en crois le projet de loi relatif aux droits des malades, ce pourrait être aussi la dernière décision sur l'objectif de dépense d'assurance maladie qui ne sera pas précédée d'un débat sur les grandes orientations de cette politique. Je m'en félicite, comme, je crois, tous les membres de notre assemblée, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent.
Comme vous l'avez dit, madame la ministre, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit dans la continuité des précédents et, dans bien des domaines, il conforte, voire renforce, des mesures prises précédemment. Nous noterons aussi qu'un certain nombre d'entre elles l'enrichissent.
De manière générale, je me félicite, moi aussi, des comptes sociaux consolidés et durablement redressés, qui, grâce à une croissance bien accompagnée par une politique forte de création d'emplois, dégage un excédent de 6,2 milliards de francs entre 1998 et 2002 en droits constatés, et ce sans augmentation des prélèvements ni réduction de la politique de santé à l'égard de nos concitoyens. Calculé, selon le mode précédent, en encaissement et décaissement, il dégage un excédent de 20 milliards de francs, que l'on peut rapprocher des 209 milliards de francs de déficit de la période 1994-1997.
Limitant mon propos au contenu de la branche assurance maladie, je me féliciterai principalement de trois évolutions caractéristiques de ce budget : la prévention, la politique du médicament et la modernisation des établissements de santé. Je terminerai par quelques réflexions sur le cadre conventionnel.
J'évoquerai, en premier lieu, la prévention. Regretter qu'elle ne soit pas prioritaire est un vieux leitmotiv, et, cette fois encore, les critiques ne sont pas rares à ce sujet.
Je soulignerai l'action menée vers les pathologies cancéreuses et notamment celles qui touchent le plus fréquemment nos concitoyens. Je songe au cancer du sein, avec une mammographie tous les deux ans à partir de cinquante ans. Je songe également au cancer du colon, avec une expérimentation dès 2002 dans vingt départements. Madame la ministre, à quand le dépistage du cancer de la prostate, très fréquent chez l'homme et si souvent insidieux ?
J'y ajouterai l'accélération de la lutte contre les maladies infectieuses - hépatite C et sida - les pratiques addictives et certaines maladies très spécifiques, comme l'asthme et la mucoviscidose, sans oublier l'instauration de la prévention dentaire pour 1,5 million d'enfants.
Tout cela constitue une approche globale et lie le traitement des pathologies à une véritable prise en compte de la prévention tous azimuts.
J'aborde, en deuxième lieu, la politique du médicament. Nous savons que c'est le secteur dans lequel le dérapage est le plus fort : 7,7 % en 2001, après un peu plus de 11 % l'année précédente.
Nous savons aussi combien il est difficile, en France, de faire accepter le générique par rapport à nos voisins européens, notamment allemands. Ainsi, il représente 3 % des prescriptions en France, contre 35 % en Allemagne.
Aussi, le fait d'avoir la possibilité de prescrire en dénomination commune internationale, et non plus uniquement en nom de marque, est une incitation supplémentaire au développement des génériques, si, comme je l'espère, les médecins français qui ne sont pas habitués à cette pratique veulent bien, les prescrire. Il est certain que, dans le domaine de la prescription, la relation médecin-malade est privilégiée et que c'est probablement par la négociation dans le cadre plus général de la convention que l'on débloquera le système du médicament générique.
Enfin, si la gestion du médicament par les prix a montré dans le passé une certaine inefficacité et n'est pas toujours exempte de dangerosité, notamment sur la recherche, un prélèvement sur la publicité souvent excessive et luxueuse tel que le prévoit l'article 11 amendé me semble être une mesure judicieuse.
J'évoque, en troisième lieu, la modernisation des établissements de santé à travers l'action menée à l'égard de l'hospitalisation publique et de l'hospitalisation privée.
L'hôpital public, qui assure vingt-quatre heures sur vingt-quatre la plus grande partie de l'activité médicale et une partie importante de l'activité chirurgicale, tout en dispensant à travers l'université l'enseignement de la plupart des professions de santé, voit ses conditions très améliorées par d'importantes mesures que l'on peut décliner en deux rubriques. La première, c'est la dotation 2002, qui augmente de 3,6 % hors RTT et de 4,8 % avec les 35 heures. La seconde, c'est la création de 45 000 emplois.
Vous nous avez également dit, madame la ministre, que les différents protocoles de revalorisation de la profession hospitalière permettront de doter l'hôpital public de 11,7 milliards de francs supplémentaires en 2001-2002, dont 3 milliards de francs de mesures nouvelles. Ce sera une véritable bouffée d'oxygène, même si, pour certains, c'est encore insuffisant.
Les cliniques privées ne sont pas oubliées puisque leur dotation pour 2002 passe à 3,5 %. Rappelons qu'elle est trois fois supérieure à la dotation de 1997 et que les mesures nouvelles, après le dernier protocole signé ces jours derniers, apporte 3,11 milliards de francs, dont 1,7 milliard de mesures nouvelles, à ces établissements.
J'ai bien noté que la création d'un observatoire tripartite permettra une aide différenciée et transparente et qu'une partie importante de ces sommes ira à la masse salariale des personnels, notamment le personnel infirmier, à travers une nouvelle convention collective.
Il nous reste à évoquer très rapidement la médecine de ville et les relations avec les professions de santé.
Je voudrais tout d'abord saluer, madame la ministre, l'esprit de concertation dont vous avez fait preuve en instituant, peu de temps après votre arrivée, un « Grenelle de la santé » et en demandant à un comité des sages de réfléchir aux mesures qui pourraient permettre un retour à la sérénité, qui, j'en conviens, n'était pas la règle à votre arrivée.
Dans ce cadre, vous venez de faire treize propositions sur les soins de ville réparties en deux grands volets. Le premier concerne la place des professionnels de santé dans l'organisation des soins, le second la réforme du cadre conventionnel.
Je ne m'attarderai pas sur le premier volet qui reprend un certain nombre de propositions du comité des sages, notamment la création d'un observatoire de la démographie médicale ou encore la création d'un haut conseil de la santé. Certaines propositions sont reprises dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'autres le seront dans le projet de loi relatif aux droits des malades.
En revanche, je m'arrêterai un instant sur le cadre conventionnel, qui me paraît être l'acte essentiel, résultat d'une négociation avec l'ensemble des professionnels libéraux, et plus particulièrement les médecins.
L'architecture de la nouvelle convention me semble intéressante, en ce sens qu'elle se décline au moins à trois niveaux : un socle conventionnel commun à toutes les professions, auquel s'ajoutent, profession par profession, des conventions collectives, prolongées elles-mêmes par des accords individuels.
Pour les deux premiers niveaux, cela pourrait être déjà une base d'acceptation forte. Reste le troisième niveau de concertation individuelle qui, lui, pose déjà problème pour un certain nombre de syndicats, notamment de médecins. Cela étant dit, il faudra bien un jour prendre en compte, pour ces derniers, le fossé qui, se creuse de plus en plus entre la pratique généraliste fondée sur la relation médecin-malade et la pratique de spécialité assise sur le plateau technique. Si l'on veut donner à chacune de ces pratiques la place qu'elle espère dans notre système de santé, il faudra bien que les mentalités évoluent.
La maîtrise médicalisée, souvent mise en avant, n'est pas le seul prolongement de ce qui a existé. Elle doit être le fruit non pas de ceux qui s'accrochent désespérément à des attitudes et à des pratiques du passé, mais d'une nouvelle relation dans un cadre conventionnel commun où ceux qui voudront innover auront la possibilité de contractualiser.
Madame la ministre, nous souhaitons que les propositions faites évoluent le plus rapidement possible, ouvrant la possibilité de renoncer aux sanctions, qui ne sont d'ailleurs pas appliquées depuis quelques mois, mais qui sont source d'exacerbation de conflits.
Le soutien que nous apportons tant à votre action qu'à celle de l'ensemble du Gouvernement ne pourra alors que s'amplifier à la mesure de l'énergie que vous y mettez. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues. Mon intervention portera essentiellement sur la branche vieillesse de ce projet de loi dont l'enjeu est important : ce texte représente en effet une masse financière supérieure à celle du budget de l'Etat - 2 000 milliards de francs, soit quelque 305 milliards d'euros - et, surtout, il conditionne de très près la vie quotidienne de tous les Français.
S'agissant de la branche vieillesse, sur laquelle je vais essentiellement intervenir, je suis heureux de constater que, en dépit du déficit important dans lequel le Gouvernement actuel avait trouvé la branche vieillesse en 1997 - 54 milliards de francs -, cette dernière dégagera une capacité de financement d'environ un milliard d'euros en 2002 ; c'est donc un grand soulagement pour nous tous, que l'on approuve ou que l'on critique les mesures proposées, de pouvoir enfin parler d'excédents.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous sommes dans le creux !
M. Claude Domeizel. Je souhaiterais tout d'abord évoquer succinctement, en rapport avec la branche maladie, l'article 18 septies nouveau, résultant d'un amendement du Gouvernement et tendant à favoriser l'installation des médecins et des professionnels de santé dans les zones rurales et difficiles. Je tiens tout particulièrement à en remercier le Gouvernement puisque j'en avais fait la demande l'année dernière, à l'occasion du vote de la même loi ; mais je reviendrai plus en détail sur ce sujet lors de la discussion des articles.
Parlons maintenant de la branche vieillesse.
Le Gouvernement propose, à l'article 26, une revalorisation des pensions de 2,2 % alors que l'inflation prévisionnelle s'élève à 1,5 % ; cela représente un « coup de pouce » de 0,7 point, qui portera à 1,4 % le gain de pouvoir d'achat des retraités depuis 1997. De plus, les retraités non imposables à l'impôt sur le revenu, bénéficiant en 2001 de l'exonération de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, ou CRDS, verront leur pouvoir d'achat, sur la même période, s'élever de 1,9 %. Les retraités imposables bénéficieront quant à eux de la baisse des taux de l'impôt sur le revenu.
Je me réjouis de voir ainsi confortée la volonté d'associer les retraités aux fruits de la croissance. Cependant, je me demande si une revalorisation du minimum contributif n'aurait pas pu être envisagée cette année. Ce minimum contributif, qui concerne un certain nombre de retraités, dont 85 % de femmes, a subi une dégradation au fil des ans puisqu'il représentait 60 % du SMIC en 1983 contre 47 % aujourd'hui. Madame la ministre, un effort n'aurait-il pas pu être consenti avec une revalorisation substantielle de ce droit ?
J'en viens maintenant au nouvel article 26 A qui concerne les demandeurs d'emploi ayant épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance. Ceux qui justifieront, avant l'âge de soixante ans, d'au moins 160 trimestres validés se verront reverser une allocation de solidarité spécifique majorée, soumise à des conditions de ressources assouplies, et complétée par une allocation supplémentaire d'attente, ou ASA, revalorisée. Le total de cette garantie, au taux plein, se montera à 5 750 francs par mois. Il faut noter que le total des ressources du bénéficiaire de l'ASA ne pourra être inférieur à 5 000 francs, plancher qui ne tiendra pas compte des revenus du conjoint.
Voilà une mesure ciblée sur les plus démunis qui aidera les 100 000 RMIstes répondant à ces critères à vivre dans des conditions décentes en attendant la liquidation de leur retraite imminente.
Quant au départ à la retraite des salariés de moins de soixante ans ayant cotisé quarante ans, le membre du Conseil d'orientation des retraites que je suis comprend et approuve, madame la ministre, la sagesse dont vous avez fait preuve, en renvoyant une telle mesure dans une réforme globale des retraites. En effet, cette mesure, outre son coût, fait l'objet d'un débat de fond sur lequel « planche » le Conseil d'orientation des retraites.
Comme l'a très bien expliqué, lors de son audition par la commission, Mme Yannick Moreau, présidente du Conseil d'orientation des retraites, la question de l'âge au travail est un préalable à toute réforme.
La France connaît l'un des plus faibles taux d'activité chez les personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans, soit 54 %. Il y a lieu impérativement de promouvoir la prolongation de l'activité par des mesures de reclassement, par exemple pour les emplois dits « pénibles », ou d'envisager de nouvelles missions dans une seconde partie de la carrière. L'idée qu'un salarié de cinquante-cinq ans est un salarié âgé qui n'aurait plus sa place sur le marché du travail doit être combattue, ce qui ne signifie pas qu'il faille supprimer les préretraites.
A ce propos, d'ailleurs, j'ai remarqué que le rapporteur de la branche vieillesse, M. Leclerc, parle du Conseil d'orientation des retraites comme d'une commission ; or il s'agit non pas d'une commission mais d'un conseil permanent, qui s'inscrit dans un travail durable, sur une réforme qui ne sera pas réglée une bonne fois pour toutes. Malheureusement, la réalité est plus complexe et nécessitera une actualisation régulière des données sociales et économiques, nécessaires à la prospective et au réajustement.
Je suis en tout cas persuadé que le COR s'attache à défendre les principes de retraite par répartition affirmés par M. le Premier ministre, qui a déclaré à juste raison que « la retraite par répartition est le patrimoine de ceux qui n'ont rien » ! (Mme le ministre acquiesce.) L'action gouvernementale, guidée par ces principes, s'articule autour de plusieurs axes : concertation et progressivité, équité et solidarité entre les régimes, respect de la diversité et de l'identité des régimes, anticipation et précaution.
En tant que parlementaire faisant partie du Conseil d'orientation des retraites, je peux garantir la qualité et la sérénité des débats, auxquelles, certes, la présidente n'est pas étrangère.
Je regrette bien sûr que le MEDEF soit absent de ce lieu de débat. Faut-il déduire de cette attitude de la chaise vide que le patronat se cantonne dans l'immobilisme, à l'instar de la droite, largement représentée dans cette assemblée ?
M. Michel Mercier. Vous avez mis bien du temps pour en arriver là ! C'est un peu poussif !
M. Claude Domeizel. Pour notre part, nous voulons être offensifs et ne pas nous limiter à des solutions dangereuses pour les générations futures. Nous avons le devoir d'explorer toutes les pistes autres que l'allongement de la durée de cotisation ou l'instauration de formes de capitalisation soumises aux turbulences boursières, néfaste pour le système de répartition. La loi Thomas, portée par le gouvernement Juppé, a été abrogée, ce qui est une bonne chose. Les grandes réformes ne se décrètent pas, comme le gouvernement Juppé en a fait l'amère expérience en novembre 1995. Nous préférons le dialogue et le débat.
M. Bernard Murat. Dans la rue !
M. Claude Domeizel. Les semaines d'auditions, d'études et de débats permettront au Conseil d'orientation des retraites de fournir son premier rapport au Gouvernement en décembre prochain. Et qui dit premier rapport d'orientation sous-entend qu'il sera suivi d'autres rapports, le Conseil d'orientation des retraites étant, je le rappelle, inscrit dans la durée.
Je profite de cette intervention pour vous rappeler, madame la ministre, que j'ai attiré votre attention sur les conséquences de l'arrivée à la retraite des générations issues du baby-boom.
En ma qualité de président d'un régime de retraite, j'ai pu constater que la nature des prestations fournies évoluait, pour s'adapter à la demande tant des préretraités que des retraités et pour satisfaire leurs exigences en matière de besoins nouveaux.
Les retraités des années 2000, très différents de ceux des années 1950, entretiennent avec leur caisse de retraite des relations multiples que les nouveaux moyens de communication ont développées et amplifiées. La caisse des dépôts et consignations, qui gère ce régime, a dû d'ores et déjà procéder à un renforcement substantiel des services d'accueil, de renseignement et de conseil, sur le plan tant quantitatif que qualitatif.
Toutes les caisses de retraite se trouvent confrontées à une augmentation de la demande externe, laquelle se superpose, en interne, au renouvellement du personnel, ainsi qu'à la nécessité de mettre en place une politique avisée de gestion de ressources humaines adaptées à ces évolutions.
Ces quelques exemples montrent que la conduite d'une réflexion paraît indispensable sous l'angle de la gestion et de la prise en compte des nouveaux profils de nos très prochains retraités. Cette réflexion permettrait, en outre, des échanges d'expériences entre les divers régimes et alimenterait le travail du Gouvernement et du législateur en complément du Conseil d'orientation des retraites ou de l'Observatoire de l'emploi public.
Permettez-moi d'évoquer maintenant quelques améliorations importantes qu'il me semble nécessaire de souligner.
Il s'agit, en premier lieu, du nouvel article 26 bis relatif à la prise en compte par le régime général des périodes de service national, même si l'intéressé n'a pas exercé une activité professionnelle avant son service national. Voilà un avantage qui arrive à point nommé pour les nouvelles classes d'âge de retraités, tout particulièrement concernées par cette mesure ; en effet, à partir des années soixante, les hommes étaient souvent incorporés avant leur premier emploi.
En second lieu, je veux évoquer l'article 26 ter relatif à l'assouplissement des conditions d'attribution de la majoration de la durée d'assurance aux femmes ayant élevé plusieurs enfants. Cet article résulte - faut-il le rappeler ? - d'un amendement voté à l'Assemblée nationale. En effet, jusqu'à présent, et de façon très arbitraire, les femmes ayant perdu un enfant avant le neuvième anniversaire de ce dernier ou ayant adopté un enfant de plus de sept ans ne pouvaient bénéficier de la majoration de huit trimestres par enfant. Grâce à cet article, cette injustice va enfin s'éteindre, et j'en suis très satisfait.
Je ne voudrais pas oublier l'article 27, qui traite de l'achèvement de l'intégration financière du régime des cultes au régime général de la sécurité sociale, avec l'engagement du processus d'alignement de la situation des assurés du régime des cultes sur celle des assurés du régime général, s'agissant tant de l'assurance maladie que de l'assurance vieillesse.
J'en arrive maintenant, avec l'article 28, au fonds de réserve pour les retraites, qui - je me permets de vous le rappeler - a été créé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale de 1999 afin d'assurer l'avenir des retraites par répartition et de faire face aux déséquilibres de la période 2020-2040 en constituant une réserve financière s'élevant à 1 000 milliards de francs en 2020. Ce fonds gérera les sommes qui lui sont affectées afin de constituer des réserves destinées à contribuer à la pérennité des régimes obligatoires d'assurance vieillesse des salariés, des professions artisanales, industrielles et commerciales.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout cela figure dans le rapport Teulade !
M. Claude Domeizel. Doté en 1999 de 2 milliards de francs, il disposait de plus de 20 milliards de francs fin 2000 ; il disposera de près de 50 milliards de francs fin 2001 et de 85 milliards de francs en 2002. Cette somme est supérieure aux prévisions, puisque, madame la ministre, vous n'aviez annoncé, l'an dernier, que 65 milliards de francs. Le fonds de réserve pour les retraites - c'était l'objet d'un amendement que j'avais déposé -, érigé en établissement public administratif et géré administrativement par la Caisse des dépôts et consignations, trouvera son autonomie à compter du 1er janvier 2002. J'aimerais d'ailleurs obtenir, madame la ministre, des détails sur cette mise en oeuvre, notamment sur la parution du décret nécessaire.
Certes, le financement du fonds de réserve pour les retraites paraît complexe à certains d'entre vous, même si l'ensemble non exhaustif des ressources affectées à ce fonds sont définies par la loi. Pourtant, l'article 28 modifie clairement l'alimentation du FRR en répartissant le prélèvement social de 2 % assis sur les revenus financiers de la façon suivante : 20 % pour le FSV - c'est inchangé -, 65 % pour le FRR au lieu de 50 % en 2001, et 15 % pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, au lieu de 30 % en 2001.
Cette mesure permet d'abonder de 2 milliards de francs le fonds de réserve pour les retraites.
Par ailleurs, en 2002, le fonds se verra également affecter, entre autres, le produit de l'attribution des licences de téléphonie mobile. Nous ne pouvons qu'en être satisfaits, même si les recettes s'annoncent inférieures à ce qui était prévu.
J'insiste néanmoins sur le caractère pérenne que doivent revêtir les recettes affectées à ce fonds ; elles ne doivent pas se limiter à des excédents fluctuants en fonction de la situation économique.
M. Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, après avoir douté, lors de sa création, du bien-fondé du fonds de réserve pour les retraites, réclame à cor et à cri des financements.
M. Alain Vasselle, rapporteur. On n'a pas remis le principe en cause !
M. Claude Domeizel. Il va même jusqu'à regretter le « coup de pouce » aux retraites, qui serait un manque à gagner pour le fonds. Les retraités apprécieront !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit.
M. Claude Domeizel. Je vous fais dire ce que vous avez dit !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Non, c'est faux !
M. Claude Domeizel. Vous noterez que, si le Gouvernement sait, grâce au fonds de réserve pour les retraites, préparer l'avenir, contrairement à ce que vous dites, il sait aussi préserver le présent.
L'équilibre, certains savent le réaliser, d'autres non.
Paradoxalement, d'un côté vous réclamez des sommes pour le fonds de réserve, de l'autre vous en supprimez ; je pense à votre amendement visant à supprimer l'article 29, qui prévoit le transfert d'une part des excédents de la Caisse nationale d'allocations familiales vers le fonds de réserve.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous n'avez pas été attentif à nos propos, monsieur Domeizel.
M. Claude Domeizel. Allons, mesdames, messieurs les sénateurs de droite, tout cela manque de cohérence et de crédibilité !
Je ne pourrais conclure sans évoquer l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie. Cette nouvelle allocation, créée par le gouvernement de Lionel Jospin, permettra de mieux prendre en charge les actes de la vie quotidienne : 800 000 personnes âgées pourront prochainement en bénéficier alors que, jusqu'à présent, les diverses aides attribuées aux aînés ne concernaient que 135 000 personnes.
M. Bernard Murat. Ce sont les départements qui vont payer !
M. Claude Domeizel. Désormais, la politique de solidarité s'étend au plus grand nombre et, à la différence du système précédent, qui était beaucoup moins avantageux, l'aide sera égale sur tout le territoire.
Favoriser l'aide à domicile où vivent 90 % des personnes âgées de plus de soixante ans, c'est aussi encourager la création des emplois de service dans les lieux d'habitation pour redynamiser le tissu social et favoriser l'emploi, c'est créer de la croissance, donc dégager des excédents pour alimenter par exemple le fonds de réserve.
Vous voyez, mes chers collègues, comme tout est lié !
J'ajouterai un mot sur la revalorisation des retraites agricoles. Un plan pluriannuel, concernant plus de 800 000 personnes, a été lancé par le gouvernement de Lionel Jospin dès 1997. Il permettra de porter en 2002 le minimum de pension des retraités agricoles au niveau de retraite d'un salarié ayant cotisé sur la base du SMIC. Cet effort sans précédent représente une enveloppe de 28 milliards de francs en faveur des retraités agricoles les plus démunis.
M. Bernard Murat. C'est pour cela qu'ils manifestent !
M. Claude Domeizel. Revalorisation des retraites, augmentation du pouvoir d'achat pour les retraités, allocation d'attente pour les chômeurs de moins de soixante ans, préparation de l'avenir avec le conseil d'orientation des retraites et le fonds de réserve des retraites, prise en compte des personnes handicapées, étude sur la politique relative aux conjoints survivants, APA..., je m'arrête !
M. Michel Mercier. Il vaut mieux ! C'est un vrai catalogue !
M. Claude Domeizel. Cela prouve que le Gouvernement a fait beaucoup pour les retraites.
Je m'étonne, et les Français s'étonneront aussi, de voir taxer le Gouvernement d'immobilisme devant un projet de loi aussi large, couvrant les domaines essentiels que je viens d'énumérer, devant un projet de loi aussi rassurant.
Je vous trouve particulièrement négatif, monsieur le rapporteur, quand vous citez les trois conditions d'alimentation du fonds de réserve, les soupçonnant d'être irréalisables. En tout cas, l'une des conditions, que vous n'avez pas citée, est pour moi impérative : c'est que vous ne reveniez pas au pouvoir ! (Rires sur les travées socialistes. Exclamations amusées sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je suis confiant, pour l'ensemble des Français, quant au contenu de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui s'inscrit tout naturellement dans la logique du travail effectué jusqu'à présent, dans un objectif de développement durable : les réformes nécessaires ne peuvent passer par une seule mesure miracle ; c'est un ensemble de dispositions qui permettra de faire face aux défis qui nous attendent, notamment celui des retraites.
Vous n'avez pas le droit de traiter le conseil d'orientation des retraites ou le fonds de réserve des retraites de « piliers de la non-réforme des retraites » car, vous, messieurs de la droite, qu'avez-vous fait pour les retraites ? Vous souhaitez inciter chaque Français à garantir individuellement sa retraite au risque d'amplifier les inégalités sociales devant la vieillesse : est-il souhaitable d'inviter les Français à jouer une partie de leur retraite à la roulette russe ? (Exclamations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Mercier. Ça c'est pour le PC ! (Sourires.)
M. Bernard Murat. Monsieur le président, cela suffit !
M. Claude Domeizel. Nous avons clairement affirmé notre refus de cette dérive individualiste, libérale, mais surtout dangereuse, en abrogeant la loi Thomas sur les fonds de pension initiée par le gouvernement Juppé, gouvernement que vous avez soutenu.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est ringard de parler de tout cela !
M. Claude Domeizel. C'est bien de le rappeler. Cela vous gêne ?
M. le président. Monsieur Domeizel, veuillez conclure.
M. Claude Domeizel. L'immobilisme, messieurs de la droite, c'était avant 1997, alors que sans aucune concertation vous avez mis en place un dispositif qui a précipité la population dans les rues ! Vous avez d'ailleurs été sanctionnés.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Balladur a réformé et personne n'est descendu dans la rue !
M. Claude Domeizel. Alors qu'aujourd'hui nous parlons de répartition d'excédents (Exclamations sur les travées du RPR),...
M. Bernard Murat. Oh !
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Excédents financés par l'emprunt !
M. Claude Domeizel. ... faut-il vous rappeler que vous avez laissé les caisses non seulement vides mais avec un trou de 54 milliards de francs ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous vous servez de la sécurité sociale comme d'une vache à lait !
M. Claude Domeizel. Et c'est vous qui voulez nous donner des leçons !
M. Bernard Murat. Ce sont les Français qui vous en donneront !
M. Claude Domeizel. Mais nous ne parlons pas le même langage ! Nous, nous en appelons à un nouveau contrat social.
M. le président. Monsieur Domeizel, je vous prie de conclure !
M. Claude Domeizel. J'en termine, monsieur le président, mais j'ai été interrompu.
La politique des retraites n'est pas seulement affaire de choix financiers, même si ceux-ci ne sauraient être éludés.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, présidez !
M. Claude Domeizel. La retraite, synonyme de pauvreté voilà trente ans, est aujourd'hui promesse de nouvelles activités ou de nouveaux engagements. C'est une chance à saisir et, je vous le garantis, nous saurons la saisir.
Aussi, m'associant aux propos tenus avant moi par mes collègues Gilbert Chabroux et Bernard Cazeau, je répéterai que le groupe socialiste approuve le projet de loi de financement de la sécurité sociale dont nous discutons aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?... La discussion générale est close.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au cours de ces longues heures de débat, la majorité sénatoriale s'est évertuée à contester l'évidence : oui, les comptes de la sécurité sociale sont revenus à l'équilibre.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Oui !
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Heureusement !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. De 1994 à 1997, nous avons connu un déficit de 210 milliards de francs, au minimum ; pour la période 1998-2002, nous aurons enregistré un excédent de quelques milliards de francs, certes modeste, mais, de toute manière, la différence sera supérieure à 200 milliards de francs.
Je comprends que, dans ces conditions, M. Vasselle ne veuille pas regarder en arrière et qu'il ait intérêt à escamoter le bilan !
Mais les faits sont là et nous n'avons, nous, aucune raison de ne pas, de temps en temps, vouloir rafraîchir la mémoire des Français. Il ne faudrait pas croire que la majorité sénatoriale est comme le nouvau-né sorti de son oeuf et qu'elle n'aurait jamais rien fait ! Vous avez un bilan, messieurs, et je comprends que vous n'ayez pas envie qu'on le rappelle.
Une autre chose m'a frappée au cours de ces longues heures de discussion : la majorité sénatoriale ne parle que de chiffres et n'évoque jamais les politiques sociales, qui semblent être le cadet de ses soucis.
M. Gilbert Chabroux. Absolument !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si nous pouvons parler des excédents de la sécurité sociale et de leur répartition, c'est bien parce qu'ils existent. Et nous ne souhaitons pas qu'ils soient considérés comme une cagnotte sur laquelle il faudrait rester agrippé comme Harpagon sur sa cassette. Ces excédents doivent être utilisés pour mener des politiques sociales de nature à accroître le bien-être des Français.
Notre politique économique a contribué à créer ces excédents. Je ne dis pas que nous avons tout fait. A la fin de l'année 1998, la conjoncture est redevenue porteuse, ce qui n'était pas le cas en 1997, sinon il n'y aurait pas eu de dissolution.
M. Michel Mercier. Faites que cela dure !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais nous avons aidé le sort et, grâce à nos politiques économiques, nous avons réussi à obtenir ces excédents qui nous permettent de mener des politiques sociales.
Messieurs de la majorité sénatoriale, vous pouvez ne pas être d'accord sur le contenu des politiques menées. C'est vrai, nous n'avons pas la même conception que vous de la politique de la famille, de la politique de la qualité des soins, des accidents du travail dont, à part M. Joyandet, personne n'a dit un mot !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous n'avons pas eu le temps !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous n'en n'avez pas eu le temps sur un discours d'une heure et quart ? C'est révélateur !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous en parlerons demain et j'espère que vous serez là pour nous entendre !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous n'avons pas non plus la même conception que vous de la politique à mener à l'égard des handicapés. Bref, des désaccords politiques profonds nous opposent ; ces premiers éléments le montrent assez bien.
M. Vasselle, au cours de son discours fleuve, qui a donc duré une heure et quart,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Soixante-sept minutes exactement !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... n'a pas dit un mot sur la politique sociale.
Mais, malgré ce long discours, il n'est pas parvenu à occulter le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous ne m'avez pas écouté !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui, je le répète, pendant la période 1999-2002 s'est dégagé un excédent cumulé de 23 milliards de francs en encaissement-décaissement. Ce n'est pas moi qui le dis ; je reprends simplement les observations de la commission des comptes de la sécurité sociale.
Ce retour à l'équilibre, nous l'avons opéré sans diminuer les remboursements - on a connu d'autres périodes ; je pense à M. Séguin...
M. Gilbert Chabroux. Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce retour à l'équilibre, nous l'avons opéré en mettant en place la couverture maladie universelle.
Ce retour à l'équilibre, nous l'avons opéré en développant la politique familiale et en associant les retraités aux fruits de la croissance.
Ce retour à l'équilibre, nous l'avons opéré en accumulant des réserves pour l'avenir. Celles-ci constituent un patrimoine, une propriété collective des Français, destinée à garantir l'avenir des retraites.
Je vous rappelle que le fonds de réserve pour les retraites sera doté de 85 milliards de francs à la fin de 2002. Vous, vous nous aviez légué des dettes que la CADES doit encore honorer pendant treize ans !
Ce retour à l'équilibre, nous l'avons opéré en investissant pour l'accueil des jeunes enfants : 3 milliards de francs, 40 000 places de crèche. Ces investissements, dont nous sommes fiers, ne remettent en cause, je le souligne, ni le redressement des comptes ni les excédents futurs de la branche famille.
Vous êtes opposés aux 35 heures, nous l'avons compris. Pour ma part, j'évoquerai d'abord les bénéfices procurés par la réduction du temps de travail.
Il y a d'abord le temps libéré pour les salariés qui sont passés aux 35 heures. Il y a surtout les nombreuses créations d'emplois dues aux 35 heures : 370 000 sur 1 500 000.
Il est facile de dénigrer les 35 heures en ne mentionnant que ses « coûts » et en oubliant ses avantages.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Lesquels ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais parlons du « coût » des 35 heures.
M. Bernard Murat. 100 milliards de francs !
Mme Elisabeth Guigou. En vérité, il est paradoxal de parler de « coût », car les 35 heures, ce sont d'abord des charges allégées pour les entreprises. ( Rires et exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. )
M. Bruno Sido. C'est pas vrai ! On rêve !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. D'ailleurs, une partie de notre majorité parlementaire conteste ces allégements de charges en disant qu'ils sont beaucoup trop importants.
M. Michel Mercier. Vous avez raison de rappeler qu'ils sont dans la majorité parce qu'ils l'oublient facilement !
M. Guy Fischer. Nous exprimons notre différence, c'est tout !
M. Robert Bret. Et c'est vrai que ce sont des cadeaux !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il est normal que la sécurité sociale, qui a bénéficié du dynamisme économique induit par les 35 heures, contribue à leur financement.
En outre, vous l'avez vous-même reconnu tout à l'heure, monsieur Vasselle, les 35 heures ne sont qu'une part - 35 % selon moi, 50 % selon vous - des dépenses du FOREC.
Mais vous avez fait des progrès, monsieur Vasselle, et je vous en félicite. En effet, jusqu'à ce soir, dans la majorité sénatoriale ou dans l'opposition à l'Assemblée nationale, on entendait dire que le FOREC servait à financer les 35 heures ; quelqu'un, à l'instant, a parlé de 100 milliards de francs. Non ! C'est soit 36 milliards de francs, soit, comme le dit M. Vasselle, une cinquantaine de milliards, si l'on tient compte des allégements de M. Juppé, qui ne sont pas des allégements dus aux 35 heures mais qui resteront pérennes de toute façon.
Par conséquent, je vous donne acte de cette honnêteté intellectuelle, qui vient après beaucoup d'approximations mais qui finit par venir.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous n'avons jamais contesté ces chiffres !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Certes, les allégements de charges sont contestés par nos amis communistes, mais permettez-moi de vous poser cette question, messieurs de la majorité sénatoriale : qui parmi vous voudrait supprimer ces allégements de charge ?
M. Gilbert Chabroux. Personne !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si vous ne voulez pas les supprimer, alors, soyez cohérents et acceptez que l'on demande à la sécurité sociale d'en financer une toute petite partie, grâce aux recettes fiscales dont elle a bénéficié.
Plusieurs orateurs, dont MM. Vasselle et Joyandet, ont dénoncé l'irréalisme des hypothèses économiques qui sous-tendent les prévisions pour 2002. M. About s'est même risqué à parler d'imprudence ; je lui dirai qu'il devrait d'abord lui-même faire preuve de prudence, car on n'a pas forcément raison en jouant les Cassandre.
Bien sûr, des incertitudes existent, personne ne songe à le nier. De fait, aujourd'hui, nous ne pouvons pas mesurer l'impact des événements tragiques du 11 septembre dernier sur notre environnement économique.
M. Bernard Murat. Cela n'a rien à voir !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais, à l'inverse, peut-on citer un seul indicateur qui démente aujourd'hui les prévisions du Gouvernement ou qui permette de dire qu'il faut les modifier ?
J'ai pris note des dernières données publiées par l'INSEE sur l'évolution de la consommation des ménages : celle-ci a progressé de 0,2 % en septembre, c'est-à-dire après les attentats. La demande extérieure reste dynamique et nous savons que c'est la meilleure garantie du maintien de l'activité et de l'emploi.
Les grands pays développés ont réagi rapidement et fortement au risque économique né des tensions internationales. Pour sa part, le Gouvernement français a, vous le savez, mis en oeuvre des mesures très importantes de soutien de l'activité, en faveur des entreprises comme des ménages.
Les ménages modestes recevront, au début de l'année prochaine, un deuxième versement de la prime pour l'emploi après le premier versement effectué le mois dernier.
De plus, la dernière étape de la réforme des allocations logement entre en vigueur, ce qui soutiendra la demande intérieure.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Et apportera des bulletins de vote !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cela étant, des aléas existent, c'est incontestable. Il se peut qu'il y ait des aléas à la baisse en 2002 ; ce n'est pas une certitude, mais c'est une hypothèse que nous ne pouvons pas écarter. Cependant, d'autres pourraient jouer à la hausse. C'est pourquoi je recommande la prudence dans les appréciations.
Je peux, en particulier, indiquer que, sur l'exercice 2000, les comptes de la sécurité sociale seront meilleurs que prévu et que nous aurons, concernant le rythme d'augmentation de la masse salariale en 2001, une bonne surprise par rapport à nos prévisions.
Nous savons donc aujourd'hui - mais je ne veux pas vous citer les chiffres avant qu'ils soient officiels, c'est-à-dire dans les prochaines semaines - que les comptes des années 2000 et 2001 nous réservent de bonnes surprises par rapport aux prévisions.
Autrement dit, s'il peut y avoir des aléas à la baisse, en 2002, ce que personne en effet ne peut écarter - mais personne ne peut non plus dire aujourd'hui avec certitude ce qui se produira -, il est également permis de penser que, compte tenu des précautions que nous avons prises dans les prévisions pour 2002 en retenant une hypothèse de progression de la masse salariale de 5 % - et nous savons déjà qu'elle est inférieure de 1 à 1,5 point à l'hypothèse de 2001 -, les bonnes surprises que nous apporteront les comptes de 2000 et de 2001 seront susceptibles de compenser ces éventuels aléas à la baisse de 2002.
Voilà ce qu'il en est de l'imprudence du Gouvernement...
Mais que dire de l'imprudence de ceux qui agitent, sans la moindre évidence statistique, le spectre de la récession ? Est-ce bien le rôle des responsables politiques que d'ajouter de l'inquiétude au trouble légitime des Français quand on sait combien la psychologie est déterminante dans les comportements économiques ?
M. Bernard Murat. Il faut leur dire la vérité !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ajoute que la France a mieux tiré parti de la croissance que ses partenaires européens.
Monsieur Vasselle, non content de caricaturer le bilan du Gouvernement et d'attiser les inquiétudes des Français, vous vous êtes essayé à réécrire l'histoire économique de la France sous les gouvernements Balladur et Juppé ! Il est vrai que les évolutions conjoncturelles ont été assez divergentes au cours des deux législatures : 1 % de croissance en moyenne durant la première, 2,9 % environ durant la seconde. Il n'en reste pas moins qu'en termes de croissance et d'emplois, les résultats de la France ont été meilleurs que la moyenne europénne. Faut-il rappeler que, sous les gouvernements que vous souteniez, c'était l'inverse ?
Cela signifie que, dans un contexte certes peu favorable, la situation a été aggravée par les politiques des gouvernements qui avaient votre faveur, alors que, dans un contexte certes meilleur, non pas en 1997, mais à partir de 1998, nous avons su faire mieux que la moyenne de nos partenaires européens.
Je ne veux pas vous assommer de chiffres à cette heure, mais je les tiens, bien entendu, à votre disposition.
M. Bernard Murat. Même pour les derniers chiffres de l'emploi ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ainsi, depuis 1997, les comptes ont été redressés, la croissance a fortement contribué à ce redressement, et cela tient pour une large part - pas uniquement, bien sûr - à la politique économique dynamique conduite par ce gouvernement.
J'en viens à la famille.
MM. Lorrain et du Luart ont dressé un bilan, que je trouve bien noir, de l'action de ce Gouvernement en matière de politique familiale. Certes, la majorité sénatoriale préfère regarder vers l'avenir plutôt que de rapprocher ce bilan de celui du précédent gouvernement. Il est vrai que la comparaison serait cruelle !
Je ne relèverai qu'un exemple, mais il est particulièrement significatif.
Vous nous reprochez de ne pas avoir revalorisé suffisamment les prestations familiales. Dois-je vous rappeler qu'en 1995 vous avez suscité et perdu un contentieux mémorable avec les associations familiales sur ce point...
M. Guy Fischer. Eh oui ! Des promesses non tenues !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... et qu'en 1996 vous n'avez, tout simplement, pas du tout réévalué les prestations familiales ?
M. Robert Bret. Et ça veut donner des leçons !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. D'ailleurs, même pour vous, le bilan de ce gouvernement n'est pas si noir que les propos, que vous avez voulus « tranchés », pourraient le laisser penser. Il n'aura échappé à personne que M. Lorrain, en particulier, a salué, certes de manière timide néanmoins explicite, la plupart des mesures que le Gouvernement a prises en faveur des familles.
Il s'est d'abord félicité du prolongement du versement des allocations familiales jusqu'à vingt ans. Il est vrai que c'était une promesse de la précédente majorité ; mais elle n'avait pas été tenue.
Il a également évoqué la politique en faveur de la petite enfance, allant jusqu'à parler du succès de la première tranche du fonds d'investissement pour la petite enfance, qui remonte à l'année dernière.
Enfin, il a salué le contenu de la convention d'objectif et de gestion que l'Etat a conclue avec la CNAF.
S'agissant du congé de paternité, monsieur Lorrain, je me réjouis de vous entendre citer nos voisins nordiques en exemple, mais je ne partage pas votre pessimisme quant à l'accueil que les pères de notre pays réserveront à cette prestation. Je crois que la société française a évolué plus que vous ne le pensez en ce qui concerne le rôle des pères dans la famille et que cette mesure ne fait que consacrer cette évolution.
Comme vous avez manifestement quelque peine à vous opposer aux mesures prises par ce gouvernement, comme vous ne pouvez nier la réalité du retour à l'excédent de la branche famille - car le déficit dépassait tout de même 14 milliards de francs quand nous sommes arrivés aux responsabilités, et cela après quatre années de déficit considérable -, vous avez préféré centrer l'essentiel de vos critiques, par des considérations passablement complexes, sur l'usage que le Gouvernement a fait des moyens supplémentaires dont il a disposé.
Vous citez, à l'appui de votre démonstration, la fusion de l'allocation de rentrée scolaire, sa majoration et la prise en charge par la CNAF des avantages familiaux de retraite.
Ces deux questions ont déjà fait l'objet de longs débats dans cette enceinte à l'occasion de l'examen des précédents projets de loi de financement et le Gouvernement a pu souligner à quel point ces mesures profitaient aux familles.
Cependant, puisque vous avez évoqué la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, que vous nous reprochez d'avoir pérennisée en en faisant une prestation familiale, je rappellerai que, si elle est, pour la branche famille, la charge que vous avez estimée, c'est uniquement parce que ce gouvernement a décidé d'en relever le montant en le portant de 1 000 à 1 600 francs, quand le gouvernement de M. Juppé l'avait diminué en le faisant passer de 1 500 à 1 000 francs. Cela, croyez-moi, les Français s'en souviennent !
Les amendements que vous avez adoptés font apparaître clairement l'absence de proposition que recèle votre discours. Vous vous concentrez sur des questions de financement et de transfert, en mélangeant d'ailleurs des dépenses de nature très différente, sans jamais développer ce que serait pour vous une autre politique de la famille.
J'évoquerai maintenant l'un des points que vous avez particulièrement mis en exergue dans votre intervention, monsieur Lorrain : la politique que ce Gouvernement mène en faveur des jeunes adultes.
La politique en faveur des jeunes adultes est une politique globale qui recouvre divers aspects, la protection sociale, l'éducation à la formation, la politique de l'emploi.
Comment pouvez-vous dire que ce Gouvernement n'a fait que repousser cette question alors qu'il est celui qui a porté l'âge de perception des allocations familiales à vingt ans, qui a créé 350 000 emplois-jeunes, qui a instauré, puis renforcé, le programme TRACE pour les jeunes les plus fragiles ? Ce gouvernement a sûrement moins à rougir de sa politique en direction des jeunes que les inventeurs du CIP, le contrat d'insertion professionnelle, dont chacun se rappelle le sort qui lui a été réservé.
MM. Gournac et Murat, après M. Lorrain, ont critiqué le fait que le Gouvernement ne favorise, selon eux, que l'accueil en crèche. En fait, contrairement au gouvernement précédent, ce Gouvernement privilégie tous les modes de garde des enfants.
M. Michel Mercier. Mais il n'en finance aucun !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Constatant l'insuffisance des places de crèches dans notre pays - ce que personne ne conteste - nous en avons financé 40 000.
Nous n'oublions pas, pour autant, les assistantes maternelles. Nous avons en effet majoré l'aide à l'emploi d'une assistante maternelle pour les familles modestes, comme cela avait été prévu lors de la conférence de la famille pour 2000.
Nous n'oublions pas non plus l'accueil individuel. Nous n'avons pas supprimé l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile, ni l'avantage fiscal. Nous en avons simplement limité les effets d'aubaine pour les ménages les plus aisés qui en faisaient le mode de garde de loin le plus coûteux pour les finances publiques.
Notre politique est celle de la diversification des modes de garde. La convention d'objectifs que nous avons signée avec la CNAF, 6 milliards de francs sur quatre ans, a justement pour objet de diversifier les modes de garde autres que les crèches que nous finançons par ailleurs. Simplement, nous n'avons pas, nous, pour objectif de n'aider que les familles les plus favorisées.
Sur les accidents du travail, je ne peux évidemment que regretter la pauvreté, voire l'inexistence du discours de la majorité sénatoriale sur cette importante question.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ne vous inquiétez pas : nous en parlerons demain !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. Vasselle ne la jugeait sans doute pas assez importante pour trouver le temps de la mentionner dans son discours pourtant très long.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ne soyez pas provocatrice !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. La vérité, là encore, n'est pas très plaisante à entendre ! La vérité, monsieur Vasselle, c'est que, pendant les quatre années où vos amis ont exercé le pouvoir, pas une seule fois le Parlement n'a eu à se prononcer sur une modification du code de la sécurité sociale pour améliorer l'indemnisation offerte aux victimes d'accidents du travail.
Le Gouvernement actuel, au contraire, a enclenché la plus vaste réforme de la législation des accidents du travail depuis 1946, d'abord avec les mesures sur l'amiante, et maintenant avec la préparation d'une refonte globale du système - pour aboutir à la réparation intégrale - que nous amorçons dès à présent par des mesures d'amélioration immédiate dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Monsieur Guy Fischer, vous avez évoqué longuement cette question. Naturellement, j'ai pris connaissance des amendements que votre groupe a déposés pour améliorer la réparation offerte aux victimes d'accident du travail. Je partage le souci que vous témoignez, à travers eux, de voir évoluer la branche accident du travail vers la réparation intégrale, comme d'ailleurs nous y invite le rapport du professeur Masse.
Une telle réforme nécessite une remise à plat globale du système d'indemnisation des accidents du travail et une refonte des principes de la loi de 1898. Nous sommes prêts à nous engager dans cette voie, mais nous ne pouvons pas improviser.
Aujourd'hui, la sécurité sociale ne saurait pas indemniser le préjudice moral, le préjudice esthétique et le préjudice professionnel. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé qu'un groupe de travail réunisse les partenaires sociaux pour définir les conditions dans lesquelles la sécurité sociale et non pas les assurances privées -...
M. Guy Fischer. Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... c'est ça le danger ! - pourrait prendre en charge une réparation intégrale des accidents du travail.
Ce rapport sera remis avant la fin du mois de mars, mais des mesures permettent déjà d'avancer dans cette voie.
La très belle loi de 1898, qui a vraiment été l'une des premières réalisations sociales, ne correspond plus aujourd'hui aux attentes des victimes d'accidents du travail et doit être profondément modifiée, en recherchant bien évidemment un accord entre les partenaires sociaux.
S'agissant de l'assurance maladie, notre action a été caricaturée et le bilan de la précédente majorité escamoté.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : entre 1994 et 1997, le déficit cumulé - je ne parle plus du déficit global - de l'assurance maladie a atteint 122 milliards de francs et il a été trois fois moins élevé au cours de la période 1998-2001.
J'ajoute qu'en 1993, messieurs de la majorité sénatoriale, le Gouvernement que vous souteniez avait réduit le niveau des remboursements de l'assurance maladie en augmentant le ticket modérateur payé par les assurés sociaux.
Vous ne souhaitez pas qu'on parle de votre bilan, mais avez-vous des propositions à formuler ?
M. Gilbert Chabroux. Non, ils n'en ont pas !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Qui dois-je croire à cet égard ? M. Vasselle qui souligne que nous ne maîtriserions pas les dépenses de santé, M. Joyandet qui considère que nous ne dépensons pas assez pour l'hôpital, les cliniques et la médecine de ville, M. du Luart qui présente l'ONDAM comme une enveloppe fermée ou M. About qui propose tout simplement de revenir à des prévisions par régime, ce qui éviterait d'avoir à voter l'ONDAM ? Avouez que tout cela manque un peu de cohérence !
M. Robert Bret. Pour le moins !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. About propose un « tourniquet » sur le vote des dépenses. J'attends avec impatience le résultat du vote de ses amis sur cette intéressante proposition !
Les dépenses de santé ont augmenté depuis 1997, c'est vrai, mais, au cours de la dernière décennie, la France ne s'est située qu'au quinzième rang en termes d'augmentation de la part des dépenses de santé dans la richesse nationale et les dépassements constatés par rapport aux objectifs fixés concernent principalement le secteur des soins de ville et celui des médicaments. M. Chabroux a été très précis sur ce point et je l'en remercie.
S'agissant du médicament, j'ai annoncé, le 16 juin, une série de mesures portant sur les trois axes majeurs afin de renforcer les instruments de régulation. Ces mesures ont d'ailleurs contribué à réduire le rythme des dépenses.
Ce rythme était de 11 % en 2000 - il était beaucoup trop élevé - de 7 % en 2001 - il était encore trop élevé - mais nous commençons à obtenir quelques résultats et l'impact de ces mesures se fera sentir en 2002.
Je ne reviendrai pas longuement sur les mesures complémentaires que j'ai annoncées sur l'hôpital et sur les cliniques privées, nous aurons l'occasion d'en parler lors de la discussion des articles.
Je rappellerai simplement qu'en 1997 l'objectif d'augmentation de l'enveloppe était de 1,15 % pour l'hôpital et de 1,3 % pour les cliniques. A la fois pour l'hôpital et pour les cliniques, nous avons triplé le taux d'augmentation de ces enveloppes financières.
M. Michel Mercier. Pourquoi ont-ils voté ? (Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. On se le demande !
S'agissant des relations conventionnelles, messieurs de la majorité sénatoriale, vous tentez de nous donner des leçons de concertation. Dois-je rappeler que c'est la majorité que vous souteniez en 1995...
M. Michel Mercier. C'est un cours d'histoire de droit social !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce n'est pas si vieux !
Dois-je rappeler, disais-je, que c'est la majorité que vous souteniez à l'époque qui a habilité le Gouvernement à prendre, par ordonnances et sans concertation, des mesures brutales vis-à-vis des professionnels ? Dois-je rappeler aussi que le mécanisme de reversement de la part des médecins en cas de dépassement de l'objectif non seulement sur les honoraires, mais encore sur les prescriptions de médicaments et d'actes paramédicaux, était prévu par les ordonnances Juppé ?
Dois-je indiquer que c'est le Gouvernement, en revanche, qui a mis fin à ce système inefficace et inadapté ? Depuis la suppression de ce mécanisme, aucun objectif limitatif sur les prescriptions n'est plus opposable aux médecins, et ceux-ci ne sont plus redevables d'un reversement sur leurs honoraires.
Nous sommes actuellement dans une phase de concertation sur le renouveau conventionnel. Nous dialoguons avec les caisses d'assurance maladie, avec les partenaires sociaux et avec les professionnels. Des positions divergentes s'expriment et nous ne parviendrons sans doute pas au consensus. Mais, au moins, nos propositions auront été précédées d'une large discussion qui aura permis de révéler les enjeux.
Le fait que l'amendement que j'ai déposé résulte de la démarche engagée dès le 25 janvier dernier montre bien que nous avons fait le choix de la concertation. J'ai rencontré à plusieurs reprises l'ensemble des organisations professionnelles des caisses d'assurance maladie et les partenaires sociaux et, sur cette base, l'amendement d'orientation que j'ai déposé permettra d'engager le renouveau conventionnel, en liaison étroite avec la CNAMTS.
Nous travaillons donc sur un système de régulation alternatif, qui nécessite des engagements réciproques entre les professionnels et les caisses d'assurance maladie. Il ne faut pas accepter la logique selon laquelle l'abandon de tout système de régulation serait le préalable, comme le proposent certains d'entre vous.
Nous cherchons un nouvel équilibre pour conforter les engagements réciproques des partenaires conventionnels. C'est un lourd travail. Mais, si nous parvenons à mettre au point un nouveau système médicalisé de contrôle, un nouvel engagement réciproque, nous prenons l'engagement de supprimer les lettres clés flottantes instituées par le gouvernement Juppé.
J'aurais souhaité, et je souhaite encore, que le travail parlementaire permette d'avancer sur cette question difficile. Mais je suis très déçue que votre unique proposition soit la suppression pure et simple du mécanisme actuel de régulation, sans aucune alternative.
Que doit-on déduire de vos interventions ? Voulez-vous, en fait, revenir, comme en 1996, aux sanctions du plan Juppé en supprimant l'article de loi qui les a abrogées ?
Voulez-vous, sous le vocable faussement moderne de la « gestion du panier de biens et de services », réduire, comme en 1993, les remboursements de l'assurance maladie ? Voulez-vous plutôt, en instaurant la concurrence entre les caisses, aller vers la privatisation de l'assurance maladie ?
M. Claude Domeizel. Peut-être !
M. Michel Mercier. Elles sont déjà privées avec le patrimoine !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Faites-vous du thème de la régionalisation un moyen de ne pas aborder les questions difficiles ? Plus simplement, avez-vous des propositions cohérentes ?
M. Bernard Murat. On vous en a fait beaucoup !
M. Alain Vasselle, rapporteur. On n'est pas au Gouvernement ! Chacun son boulot !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. S'agissant des hôpitaux, vous évoquez régulièrement l'équilibre comptable, mais vos références et vos remarques ne portent jamais sur le fond des actions publiques.
L'équilibre des comptes est, pour nous, un moyen de mener une politique et non un objectif en soi. C'est au contraire cette volonté unique de la maîtrise des dépenses de santé qui vous a guidés dans les choix que vous avez faits, sur la politique hospitalière en particulier, et nous en subissons, hélas ! encore aujourd'hui, les conséquences.
Notre politique hospitalière clairement affichée depuis 1997 et que nous menons volontairement et en toute lucidité est avant tout tournée vers l'amélioration des soins à la population : promotion de la qualité de la sécurité, réduction des inégalités d'accès aux soins.
M. Bernard Murat. Et les 35 heures ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Justement !
On comprend que la majorité sénatoriale n'aime pas la réduction du temps du travail à l'hôpital parce qu'elle n'aime pas les 35 heures en général...
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. On n'aime pas les 35 heures obligatoires !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais faut-il vraiment que les agents de la fonction publique hospitalière soient les seuls à ne pas bénéficier de la réduction et de l'aménagement du temps de travail ?
M. Bernard Murat. Il faut s'en donner les moyens !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Faut-il ne pas entendre ces infirmières dont le message est clair : nous voulons des jours ? Faut-il négliger ces agents qui accueillent tout le monde n'importe quand et qui assurent des horaires de nuit dans des conditions difficiles ?
M. Bernard Murat. C'est nous qui le disons, pas vous !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons fait le choix d'entendre ces personnels et de leur rendre du temps dans la forme qu'ils voudront, soit en heures chaque jour, soit en demi-journées par semaine, soit en jours cumulés sur l'année.
Au total, il s'agit de mieux concilier un travail hospitalier très prenant et la vie personnelle de chacune et de chacun. Nous considérons que c'est la meilleure voie pour attirer de nouveaux personnels à l'hôpital, pour le bien des malades, comme pour celui des personnels.
Toute autre voie qui laisserait les hospitaliers au bord du chemin des 35 heures conduirait à la détérioration des services et au découragement des personnels. Or la voie des 35 heures, nous voulons la parcourir avec les agents du service public hospitalier.
M. Bernard Murat. Baratin !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce sont les protocoles du 27 septembre 2001 conclus entre quatre organisations syndicales de la fonction publique hospitalière et le Gouvernement, puis du 22 octobre signés par toutes les intersyndicales des praticiens hospitaliers qui ont organisé la mise en oeuvre pluriannuelle de l'aménagement et de la réduction du temps de travail.
Ces négociations ont été l'occasion d'un travail approfondi sur l'organisation du temps de travail, sur les temps de pause, sur la période des repas, sur les astreintes à domicile. A chaque fois, nous avons cherché ensemble à fixer des garanties pour les personnels, dans des conditions égales d'un établissement à l'autre et avec toujours le même objectif final : la santé du patient, la qualité des soins et l'accueil du public.
Les 45 000 emplois mis à disposition en trois ans au service de cette grande ambition permettent, compte tenu des difficultés des métiers hospitaliers, d'aborder en confiance la réduction du temps de travail. La nouvelle organisation qui en découle sera, elle aussi, discutée dans les régions et dans les établissements. Mon ministère a déjà organisé un soutien aux établissements pour l'évaluation et la négociation de ses applications locales.
Il est facile de critiquer cette mesure et de souligner que sa mise en oeuvre n'a fait l'objet d'aucune anticipation, lorsque l'on sait que, sous le précédent gouvernement, des réductions du nombre de places dans les écoles de formation initiale et des fermetures d'écoles ont été décidées ! Heureusement, nous avons tourné le dos à cette politique malthusienne.
Dès 1998, le Gouvernement Jospin a inversé la tendance et, entre 1998 et 2000, nous avons augmenté de 10 000 le nombre de places dans les écoles d'infirmières, places qui sont passées de 16 400 à 26 400. Voilà ce que nous avons fait, tournant le dos aux politiques que vous aviez menées !
Pour terminer sur ce problème de manque de professionnels formés sur le marché, j'espère, monsieur Vasselle, que les remarques que vous avez formulées sur le recrutement des professionnels étrangers ont été un abus de langage et que vos propos ont dépassé votre pensée !
M. Bernard Murat. Pourquoi ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous confirme que, comme la plupart des pays européens, nous allons bientôt signer une convention avec l'Etat espagnol, afin que des infirmières de cette nationalité puissent venir travailler en France dans les différents secteurs de l'hospitalisation.
Pour ce qui est des recrutements en fin d'année 2003, ce sont 80 % des 45 000 emplois, tous métiers et professions confondus, qui seront pourvus, dont 40 % à la fin de l'année 2002. Naturellement, ces emplois seront financés, vous le savez, puisque nous avons chiffré ces financements dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le coût de la RTT est, certes, imputé sur l'assurance maladie, comme d'ailleurs le financement de l'hôpital, évidemment,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous le reconnaissez enfin !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... mais nous revendiquons et nous assumons ce choix car il s'agit, là encore, d'une bonne politique.
Nous ne demandons pas des efforts seulement à la sécurité sociale. L'Etat participe, lui aussi, au financement de certaines actions ciblées, selon des règles claires.
Je prendrai deux exemples : le FIMHO et l'accompagnement de la modernisation sociale. (M. le rapporteur sourit.)
Le FIMHO est un succès !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je ne peux m'empêcher de sourire !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. En effet, depuis sa création en 1998, 277 projets sont financés pour un montant total de travaux de plus de 11 milliards de francs. Je pourrais prendre pour exemples, parmi les décisions de ces dernières semaines, la dotation de 50 millions de francs qui a été accordée au centre hospitalier de Cannes pour lancer l'opération de construction du nouvel hôpital, ou encore, la dotation de 84 millions de francs au CHU de Dijon, pour engager la reconstruction de son pôle mère-enfant.
Le FIMHO est un excellent moyen d'accompagner les constructions hospitalières. C'est pourquoi l'Assemblée nationale a voté hier, dans le cadre de la loi de finances pour 2002, la décision de porter la dotation à 198 millions d'euros, soit 1,3 milliard de francs.
Il existe bien un décalage entre les autorisations de programme et les crédits de paiement, mais ce décalage, vous le savez bien, est réaliste, car il correspond à la durée de réalisation des travaux.
Quant à l'accompagnement de la modernisation sociale, entre 2000 et 2002, l'Etat verse 2 milliards de francs aux hôpitaux pour améliorer le taux de remplacement et, surtout, relancer la promotion professionnelle. Cette enveloppe est inscrite dans la loi de finances rectificative pour 2001.
En ce qui concerne les hôpitaux et les cliniques, tout le monde est d'accord, évidemment - je réponds à nouveau à M. Fischer -, pour considérer que l'hôpital est une pièce maîtresse de notre système de santé. Cette confiance est méritée, et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement, protocole après protocole, a toujours négocié avec les organisations syndicales pour l'amélioration des conditions de travail, le développement de la promotion professionnelle, la reconnaissance du dialogue social à l'hôpital, la revalorisation des carrières et la réduction du temps de travail : 11,7 milliards de francs en plus pour l'hôpital sur deux ans.
Cependant, je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous considérez que les cliniques sont uniquement des établissements commerciaux. Ce sont effectivement des établissements commerciaux, mais pas uniquement, car elles assurent des services nécessaires et très appréciés par la population. Elles participent, qu'on l'approuve ou non, au fonctionnement de notre système de santé.
A Toulouse, par exemple, la fermeture des cliniques a augmenté de 30 % l'activité de l'hôpital. Heureusement, cette grève n'a pas duré trop longtemps.
M. Michel Mercier. Oui !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Une fois de plus, nos hôpitaux publics ont su faire face et prendre le relais. Songez à tout ce qui a été fait à la suite de l'accident de Toulouse ! C'est à l'occasion de telles grèves dans les établissements privés que l'on réalise à quel point nous avons besoin de la complémentarité entre les deux systèmes.
Doit-on alors accepter que les personnels de ces établissements privés, dont les compétences sont reconnues, perçoivent des salaires jusqu'à 25 % inférieurs à ceux de leurs collègues des hôpitaux publics ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La faute à qui ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons décidé d'affecter des moyens spécifiques et ciblés en faveur des salariés des cliniques pour permettre la revalorisation nécessaire des salaires et des personnels non médicaux ; l'amendement que j'ai déposé aujourd'hui traduit cette volonté.
Ces moyens supplémentaires seront attribués en fonction de critères précis - liés notamment à la situation tarifaire des cliniques, à leur place dans l'offre de soins - et, bien entendu, seront conditionnés à la revalorisation salariale des personnels non médicaux.
M. Guy Fischer. Nous y veillerons !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous y serez invités !
Cette aide exceptionnelle suppose que son attribution soit d'une transparence totale. Les cliniques se sont engagées à assurer la transparence de leur fonctionnement. Nous allons mettre en place dans les meilleurs délais - j'espère avant la fin du mois - un observatoire tripartite, comprenant l'Etat et les partenaires sociaux.
J'en viens aux retraites. M. Leclerc a évoqué le système Racine pour dire que les comptes de 1997 de la branche vieillesse auraient peut-être été excédentaires. En réalité, nous savons que ce système n'a modifié en rien l'équilibre général des comptes de 1997. En tout cas, les développements de M. Leclerc ne pourront pas faire oublier que la branche vieillesse était en déficit sur la période 1993-1997 et que le pouvoir d'achat des retraités a baissé de 2,3 % pendant le même temps à cause de l'indexation sur les prix et de la hausse des cotisations sociales.
En revanche, sur la période 1997-2002, l'actuel Gouvernement a su rétablir les excédents, faire profiter les retraités des fruits de la croissance grâce à des coups de pouce qui ont fait progresser le pouvoir d'achat de 1,4 %, voire de 1,9 %, pour les non-imposables.
M. Leclerc nous reproche-t-il les hausses de pouvoir d'achat des retraités au motif qu'elles amputeraient le fonds de réserve pour les retraites ? Je n'ose le penser !
M. Claude Domeizel. Il l'a dit !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais souligner - cela va intéresser particulièrement M. Mercier - la réforme importante de l'allocation personnalisée d'autonomie. C'est une politique qui nous singularise fortement par rapport à la majorité précédente. (Exclamations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Mercier. Pas du tout !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Avec la nouvelle allocation personnalisée d'autonomie,...
M. Michel Mercier. Vous faites payer les collectivités locales !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... le Gouvernement a souhaité inscrire son action dans un cadre le plus large...
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est hors sujet ! Cela ne concerne pas la loi de financement de la sécurité sociale.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si, si, un peu !
Ce sont 800 000 personnes âgées qui vont pouvoir bénéficier d'un plan d'aide lorsque leur état le nécessitera et, au-delà des personnes âgées, toutes les familles. Il est vrai que nous demandons un effort supplémentaire aux conseils généraux, mais pas seulement à eux.
M. Bernard Murat. Douze pour cent !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cela coûtera aux conseils généraux 2,5 milliards de francs de plus que pour la prestation spécifique dépendance. Mais pensez que vous pourrez distribuer à six ou sept fois plus de personnes une prestation ô combien plus gratifiante, ce qui permettra au président de conseil général que vous êtes, monsieur Michel Mercier, d'écrire à six ou sept fois plus de personnes que vous leur accordez l'allocation personnalisée d'autonomie afin qu'elles puissent rester chez elles ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est pas dans la loi de financement de la sécurité sociale. C'est hors sujet !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Avouez que l'équilibre est bien respecté !
Monsieur Mercier, j'aurais bien aimé vous rencontrer lorsque j'étais à Lyon, mais cela n'a pu se faire. C'est bien dommage !
M. Bernard Murat. Il n'a pu y aller, car il était en commission des finances.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il avait sûrement une bonne raison.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. On vous attendait à la commission des finances le même jour !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme je l'ai dit à Lyon lorsque j'y étais, dans le département du Rhône, les comptes montrent que, si la prestation spécifique dépendance vous aurait coûté moins cher que l'allocation personnalisée d'autonomie, en revanche, l'allocation compensatrice pour tierce personne, qui précédait la prestation spécifique dépendance,...
M. Michel Mercier. Que nous avons payée !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... vous aurait coûté plus cher si elle avait été maintenue car, même si elle était moins favorable que l'allocation personnalisée d'autonomie, vous ne perceviez alors aucune aide de la sécurité sociale. Vous ne paierez pas plus pour l'allocation personnalisée d'autonomie. Vous paierez même moins que ce que vous payiez pour l'allocation compensatrice pour tierce personne.
M. Michel Mercier. Heureusement que vous n'êtes pas ministre des finances !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Au total, vous êtes gagnant (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) et, surtout, vos électeurs...
M. Bernard Murat. Les contribuables !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... vous sauront gré...
M. Michel Mercier. J'espère bien !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... de leur accorder cette nouvelle allocation. N'oubliez pas que les organismes de sécurité sociale...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Diversion !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... auraient bien aimé distribuer entièrement cette nouvelle allocation !
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Financée par une hausse d'impôts locaux de 10 % !
M. Michel Mercier. Heureusement que vous n'êtes pas à Bercy !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'en viens au fonds de réserve pour les retraites. Je note avec plaisir que M. Leclerc reconnaît le consensus qui entoure sa création.
Après les critiques sur son existence, nous avons droit maintenant aux critiques sur sa montée en charge, comme les 2 milliards de francs qui auraient fait défaut en l'an 2000. Qu'en est-il en réalité ? M. Domeizel l'a rappelé tout à l'heure. Je vous avais annoncé 65 milliards de francs pour la fin de l'année 2002. Nous aurons 85 milliards de francs, c'est-à-dire 20 milliards de francs de plus, si bien que nous avons toutes les garanties pour pouvoir respecter l'objectif de 1 000 milliards de francs fin 2020.
Je n'ai jamais prétendu que ce fonds suffirait à régler le problème des retraites, contrairement à ce que M. Fourcade a dit tout à l'heure ! J'attendais de sa part un peu plus de rigueur intellectuelle !
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Les absents ont toujours tort !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je lui avais fait remarquer lorsqu'il était présent, vous l'avez d'ailleurs peut-être entendu.
S'agissant de l'allocation équivalent retraite, en attendant la réforme d'ensemble des retraites, - M. Domeizel a eu raison, après M. Chabroux, d'insister sur ce point - de nombreux parlementaires ont souhaité que nous envisagions, dès à présent, la situation des personnes de moins de soixante ans ayant cotisé plus de 160 trimestres.
Le Gouvernement a donc déposé un amendement d'abord au projet de loi de financement de la sécurité sociale, puis au projet de loi de finances, dans lequel il est maintenant à sa place, afin de créer une allocation équivalent retraite. Celle-ci garantit entre 5 000 et 5 750 francs de ressources - indépendamment de celles du conjoint, vous avez bien fait de le souligner - à tout chômeur ou inactif de moins de soixante ans ayant cotisé au moins 160 trimestres.
Je rappelle à M. Domeizel que le minimum contributif a été créé en 1983 pour revaloriser les longues carrières avec de faibles salaires. Il bénéficiera au 1er janvier 2002 de la même revalorisation que les pensions, soit 2,2 %. Mais la plupart des bénéficiaires du minimum contributif ne perçoivent pas un minimum entier à taux plein parce qu'ils n'ont pas cotisé 160 trimestres. Ils touchent donc une pension qui, grâce à la retraite complémentaire, est encore supérieure au minimum vieillesse. Si nous faisions un effort complémentaire, celui-ci devrait porter, me semble-t-il, en priorité sur le minimum vieillesse.
En ce qui concerne l'avenir des retraites, grâce à la politique économique que nous avons menée et aux résultats que nous avons engrangés, nous avons au moins desserré l'étau de l'urgence. La croissance et l'emploi que nous avons su retrouver ont repoussé un peu dans le temps la date d'apparition des premiers déficits, et ils nous ont donné le temps de réaliser un diagnostic réel et complet dans des conditions de confiance et de sérénité. Souvenons-nous comment, par autoritarisme, le gouvernement Juppé avait fait descendre les Français dans la rue, en 1995, sur la question des retraites.
M. Gilbert Chabroux. Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. A l'autoritarisme nous avons opposé la concertation, qui nous a permis d'avancer et de préparer la future et nécessaire réforme des retraites à laquelle nous procéderons après les élections de 2002.
M. Bernard Murat. Maintenant, l'urgence, c'est la police !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons installé le conseil d'orientation des retraites pour organiser la concertation dans la durée, et je constate que tous, ici, ont reconnu la qualité de ses travaux, même si certains font mine de ne pas comprendre ses acquis, alors que son équivalent existe dans tous les pays qui mettent en oeuvre une réforme.
Concertation, respect de la diversité et de l'identité des régimes, équité et solidarité, ces principes ont guidé notre action, car notre objectif est de préserver le système par répartition. Tel est le choix du Gouvernement, gage de la solidarité entre les générations.
Je me réjouis d'ailleurs de constater que, du côté de la majorité sénatoriale ou de l'opposition, à l'Assemblée nationale, les discours de ceux qui prônent la capitalisation comme solution aux difficultés de financement des retraites ont sérieusement baissé en intensité. Bientôt, j'en suis sûre, nous recevrons de tous un satisfecit pour avoir abrogé la loi Thomas ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. C'est sûr !
M. Michel Mercier. Oh !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pas de provocation, madame le ministre !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Souvenez-vous, c'était l'année dernière. Cette loi Thomas menaçait la répartition en ce qu'elle exonérait des cotisations vieillesse les flux concernés et instaurait un système inégalitaire favorisant indûment les plus hauts revenus.
Nous devons donc remettre à plat notre système de retraite par répartition pour le préserver, le pérénniser et garantir un niveau de retraite qu'il faudra fixer par la négociation.
Je constate, là encore, que l'opposition se rallierait presque à notre politique en se référant elle-même au taux de remplacement. Une fois ce niveau négocié et financé, nous pourrons alors organiser plus de souplesse.
Certains voudront peut-être travailler plus longtemps pour acquérir plus de droits ; d'autres, au contraire, souhaiteront partir plus tôt, parce qu'ils ont déjà cotisé depuis qu'ils sont très jeunes ou parce qu'ils ont exercé un travail particulièrement pénible.
M. Bernard Murat. Vous voyez bien que les 35 heures ne sont pas la panacée !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Lorsque, dans le cadre du conseil d'orientation des retraites, nous aurons achevé la préparation, c'est-à-dire lorsque nous serons allés au bout de toute la réflexion sur l'âge, sur le travail - c'est la condition du plein emploi - lorsque le conseil d'orientation des retraites aura travaillé sur la question, très importante aussi, mais qui n'a été encore qu'effleurée, des avantages familiaux au regard des retraites, alors, en effet, nous pourrons, tout de suite après les élections, ouvrir non pas la concertation - cela aura déjà été fait - mais la négociation et faire en sorte que nous puissions, dans la négociation, aboutir à la réforme nécessaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, certains ont tenté de jeter un écran de fumée à la fois sur le bilan des anciens gouvernements et sur la mise en oeuvre de nos priorités. Nous présentons, nous, un texte qui traduit, une fois de plus, un projet ambitieux pour la sécurité sociale.
J'espère que notre débat va porter réellement sur les politiques conduites et sur les propositions que nous avançons pour améliorer la protection sociale de nos concitoyens, et croyez bien que, si la majorité sénatoriale fait des propositions qui permettent d'améliorer encore ce système, je les accueillerai très volontiers. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Pour conclure, monsieur le président, et dans un souci de bonne organisation du débat, le Gouvernement souhaite la réserve de l'article 1er, jusqu'à la fin de la discussion des articles, ainsi que des articles 8 et 9, jusqu'après l'article 29, et des articles 30 et 31, jusqu'après l'article 32 bis.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. A cette heure assez tardive, je n'abuserai pas de la patience et de l'attention de l'assemblée, mais je ne voudrais pas laisser nos collègues sur l'impression que l'ensemble des affirmations qui viennent d'être assénées par Mme le ministre à l'intention de la majorité sénatoriale resteront sans réponse.
Je vous l'annonce dès à présent, j'ai relevé plus d'une dizaine de questions qui nécessiteront, de la part de la commission des affaires sociales, des mises au point et des précisions en réponse à ces propos. Nous allons réagir ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'ai le sentiment, monsieur le rapporteur, que personne ici n'avait de doutes à ce sujet... (Sourires.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

11