SEANCE DU 28 NOVEMBRE 2001


M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-90, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :
« Après l'article 25, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« Dans le second alinéa du II de l'article L. 5211-29 du code général des collectivités territoriales, les mots : "175 francs au 1er janvier 2000" sont remplacés par les mots : "250 francs au 1er janvier 2002". »
L'amendement n° I-101, présenté par MM. Miquel, Angels, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Auban et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du II de l'article L. 5211-29 du code général des collectivités territoriales, le montant : "175 francs" est remplacé par le montant : "250 francs".
« II. - Avant sa répartition entre tous les bénéficiaires, il est opéré sur le montant prévisionnel de la dotation mentionnée à l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales un prélèvement abondant la dotation prévue à l'article L. 2234-13 du même code afin de compenser à due concurrence la majoration prévue au I ci-dessus. »
La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° I-90.
M. Gérard Delfau. Je suis étonné, madame le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement n'ait pas inclus cette mesure dans son projet de loi de finances pour 2002. En effet, mon amendement s'inscrit dans le droit-fil de la loi Chevènement sur l'intercommunalité.
Je propose que la dotation globale de fonctionnement des communautés de communes ayant fait l'effort de voter la taxe professionnelle unique soit alignée sur celle des communautés d'agglomération pour lesquelles la TPU est de règle. Cela ferait passer la dotation de 175 à 250 francs par habitant sur la base 2001.
Je rappelle que, en 1999, le Gouvernement avait justifié le montant élevé de la dotation versée aux communautés d'agglomération par les avantages attendus de la mise en place de la TPU. Selon lui, elle assurerait une péréquation entre les communes et éviterait toute surenchère fiscale ainsi que la prolifération anarchique des zones d'activité.
A ceux qui, comme moi, se plaignaient d'une discrimination à l'encontre des villes moyennes et du milieu rural, il était répondu que l'opportunité de choix en faveur de la TPU laissée aux communautés de communes offrait à ces dernières le moyen d'obtenir un traitement préférentiel en matière de DGF. C'est très exactement cette orientation que mon amendement reprend à son compte.
Peut-être m'objectera-t-on que la communauté d'agglomération supporte des charges qui n'incomberaient pas à une communauté de communes. Mais ce serait un mauvais argument. Les dernières statistiques sur les finances locales, et, entre autres, le rapport sur les ressources de Paris, montrent que la grande ville, en général, vit à l'aise et qu'elle multiplie les équipements de prestige.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Vous pensez à une ville en particulier ? (Sourires.)
M. Gérard Delfau. Dans le même temps, la commune rurale et la petite ville ne peuvent répondre aux aspirations de base de leurs habitants. Ici, on construit un opéra, des piscines olympiques, des bibliothèques géantes...
M. le président. A Montpellier, par exemple ! Pas à Marseille.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les oreilles de M. Frêche tintent !
M. Gérard Delfau. J'ai dit « la grande ville, en général », monsieur le président, et je sais de quoi je parle !
Ailleurs, on peine à financer une crèche, des classes, un bureau de poste ou une perception, dont l'Etat refusera d'acquitter le juste loyer.
Bien que, madame le secrétaire d'Etat, vous prétendiez avoir fait un effort important de péréquation, il subsiste une inéquité extrême dans la répartition des ressources entre les collectivités territoriales, et ce depuis longtemps, je vous l'accorde. Dès lors, un vif sentiment d'injustice habite aujourd'hui les maires des communes rurales et moyennes, qui se sentent défavorisés par une croissance mal maîtrisée des dotations d'Etat en faveur de la concentration urbaine.
Je ne prétends pas apporter un remède global à ce déséquilibre tout à la fois ancien et récent. Ma proposition est infiniment plus modeste : mon amendement corrige à la marge cette situation. Il est peu coûteux - 300 millions de francs, selon Bercy, mais il faut en fait diviser l'estimation par deux - et il a le mérite d'encourager, grâce à la TPU, une intercommunalité moderne, cohérente, solidaire.
Ma proposition est un gage donné à toute une partie de la population qui constate une baisse relative de son niveau de vie par rapport à l'enrichissement national. Nous voulons rassurer ces bourgs et ces communes rurales qui se battent pour maintenir sur leur territoire des services publics - La Poste, la perception, l'école, la gendarmerie, entre autres - dont les directions ne cessent de venir frapper à la porte du maire pour demander une contribution, et pas seulement en matière d'investissement.
Il s'agit d'une mesure d'équité budgétaire, d'un amendement symbolique, d'un signal politique : autant de raisons qui me font espérer votre soutien, madame le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. Miquel, pour présenter l'amendement n° I-101.
M. Gérard Miquel. Il s'agit d'un amendement d'appel, destiné à sensibiliser les membres de notre assemblée et le Gouvernement à ce qui nous semble être une injustice. En effet, il vise à majorer la dotation des communautés de communes qui bénéficient de la dotation de 175 francs par habitant pour la porter à 250 frans, à égalité avec les communautés d'agglomération, que vous connaissez bien, monsieur le président, pour en présider une d'importance.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne peut comparer Marseille aux autres ! Ce n'est pas possible !
M. Gérard Miquel. Cette somme a été incitative. Elle a permis la création de communautés d'agglomération nombreuses, alors que les communautés de communes, parce qu'elles étaient nécessaires, ont été mises en place beaucoup plus tôt, même si l'incitation fiscale n'était pas aussi forte.
Lors du vote de la loi Chevènement sur l'intercommunalité, les communautés d'agglomération ont été dotées d'une DGF de 250 francs par habitant. En revanche, grâce à nous, les communautés de communes ont vu leur dotation relevée de 25 francs seulement, puisqu'elle est passée à cette occasion de 150 francs à 175 francs par habitant.
Par ailleurs, il a été exigé, et c'est bien légitime, que seules les communautés de communes dotées de la taxe pofessionnelle unique seraient éligibles à cette dotation dite « bonifiée ».
La TPU est en effet un outil utile pour la convergence des politiques fiscales sur un territoire défini. Le problème ne se situe pas là, mais réside dans la différence de traitement financier entre les communautés de communes et les communautés d'agglomération, différence qui n'est pas justifiée à mes yeux aujourd'hui.
Les communes rurales ont toujours fortement adhéré au principe du regroupement intercommunal, ce qui mériterait une juste récompense. Elles ont, elles aussi, des problèmes spécifiques à gérer, comme le maintien des services publics. Ainsi, lorsque nous voulons conserver une perception dans un canton rural, il nous faut réaliser des travaux dont le coût n'est pas compensé par le loyer que nous récupérons. De même, lorsque nous voulons que le service postal continue à être assuré sur le territoire d'une communauté de communes, La Poste nous demande de prendre en charge les installations et les travaux adéquats.
M. Philippe Marini, rapporteur général. D'où un transfert de charges et une confusion des responsabilités !
M. Gérard Miquel. Il nous faut encore mettre la main au portefeuille pour compléter le loyer qui ne correspond pas du tout aux frais engagés.
Autrement dit, lorsque nous voulons mettre en place des services publics pour nos concitoyens dans les zones rurales, ils coûtent plus cher, car la densité de la population y est beaucoup plus faible. Nous devons, là encore, faire des efforts financiers.
M. Jean-Pierre Demerliat. C'est vrai !
M. Gérard Miquel. En outre, ces petites communes rurales et communautés de communes supportent des sujétions particulières liées à leur isolement et à leur taille, sujétions de nature différente de celles des communes urbaines, mais non moins importantes.
Mon propos est non pas d'opposer la ville à la campagne, mais d'éviter que ne se creuse une fracture territoriale dans notre pays. Or, sans un effort financier particulier envers nos campagnes, nous n'y parviendrons qu'imparfaitement.
En conséquence, l'amendement proposé vise à porter la dotation moyenne des communautés de communes percevant la taxe professionnelle unique à 250 francs par habitant. Afin de ne pas peser sur la dotation de solidarité rurale et la dotation de solidarité urbaine, indispensables à la solidarité entre les territoires, la dotation d'aménagement serait abondée par un prélèvement sur la dotation globale de fonctionnement des collectivités territoriales. Cette solution a l'avantage de ne pas augmenter les prélèvements sur les recettes de l'Etat.
En outre, le prélèvement sur la DGF serait limité à 300 millions de francs.
M. Gérard Delfau. Seulement la moitié, je l'ai dit ! Il faut toujours diviser par deux les estimations de Bercy ! (Sourires.)
M. Gérard Miquel. Mme la secrétaire d'Etat tranchera et nous apportera les précisions nécessaires.
En tout état de cause, en 2001, seules 287 communautés de communes ont bénéficié de la DGF de 175 francs ; quelque 4 millions d'habitants ont été concernés.
C'est donc, je le répète, un amendement d'appel, pour sensibiliser le Gouvernement à un problème spécifique aux communautés de communes. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-90 et I-101 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est intéressée par ces initiatives.
A titre personnel, je dirai que je suis très attaché à l'intercommunalité, mais que je n'aime pas les chasseurs de primes. Or, dans notre beau pays, il y en a peut-être un peu trop...
Les propositions qui sont faites visent à aligner par le haut, puisqu'il s'agit de passer de 175 francs à 250 francs. Madame le secrétaire d'Etat, bien entendu, personne ne s'interroge sur la vertu d'une telle suggestion.
M. Yves Fréville. On pourrait aussi se situer entre les deux, pourquoi pas ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est d'ailleurs une proposition que vous pourriez, si elle était formulée, examiner, au moins sous l'angle budgétaire, avec sympathie.
Mais venons-en de façon plus concrète à ces dispositifs pour signaler deux points. D'abord, les 175 francs constituent, il faut le reconnaître, une avancée obtenue par le Sénat, puisqu'elle trouve son origine, dans un amendement de sa commission des finances.
M. Roland du Luart. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Grâce à la commission mixte paritaire - celle-là, pour une fois avait bien fonctionné ; elle avait nécessité, il est vrai, plusieurs jours - ces 175 francs ont été incorporés à la loi.
Ensuite, mes chers collègues, quelle que soit votre ingéniosité - et elle est grande - vous ne pouvez pas préconiser, en la matière, de système qui ne prenne pas aux uns ce qui sera donné aux autres.
Donc, inévitablement, puisque c'est un exercice de répartition et quelle que soit la haute et légitime opinion que, à juste titre, vous avez de la nécessaire solidarité entre les collectivités, vous ne pouvez pas proposer de mécanisme qui ne conduise pas à prélever sur les sommes disponibles pour la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale afin d'abonder les ressources de l'intercommunalité.
Madame le secrétaire d'Etat, je voudrais à ce propos vous poser une question technique. Vos services, dont la science est grande et qui disposent de tous les instruments nécessaires, ont dû calculer le montant de la réduction des sommes destinées à la dotation de solidarité urbaine et à la dotation de solidarité rurale résultant des amendements n°s I-90 ou I-101.
Dans son amendement, notre collègue M. Miquel s'est efforcé, au moins dans la présentation, de répondre à l'avance à l'objection. Après une expertise technique, je peux cependant dire que le procédé Delfau et le procédé Miquel sont équivalents.
Ils posent de vraies questions. Certaines communautés de communes se sont en effet dotées de compétences parfois plus larges que celles qui sont exercées par certaines communautés d'agglomération. Ces choix reflétent des projets, des équilibres différents, entre la ville centre et les communes associées.
Pourquoi faudrait-il, dans ce pays, toiser de manière uniforme tout le monde ? C'est, en quelque sorte, la question qui est posée par l'intermédiaire de ces amendements et elle est singulièrement opportune.
Avant d'aller plus loin dans l'exposé de l'avis de la commission, je souhaiterais qu'il vous soit possible, madame le secrétaire d'Etat, de répondre à la question que je vous ai posée il y a un instant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-90 et I-101 ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Messieurs les sénateurs, vous vous livrez à une sorte de reconfiguration de la loi du 12 juillet 1999. Vous savez mieux que personne combien les équilibres ont été construits de manière patiente, en ayant présente à l'exprit la nécessité de prendre en compte, d'un côté, le degré d'intégration fiscale de ces regroupements et, de l'autre, l'intégration en termes de transferts de compétences.
M. le rapporteur général a indiqué que vous aviez contribué au débat puisque, chacun s'en souvient, s'agissant des communautés de communes à taxe professionnelle unique, la bonification moyenne de la dotation globale de fonctionnement qui était proposée était de 150 francs et qu'elle a été portée par le Sénat à 175 francs.
L'alignement que vous proposez sur les communautés d'agglomération a-t-il du sens ?
M. Gérard Delfau. Oui !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Il faut se poser la question dans les mêmes termes qu'en 1999, au moment du vote de la loi, à savoir en termes de niveau d'intégration des communes.
Je ne crois pas que l'on puisse considérer aujourd'hui que le niveau d'intégration des communautés de communes à taxe professionnelle unique est équivalent à celui des communautés d'agglomération. En disant cela, je ne porte pas de jugement de valeur, je procède simplement à un constat.
Aujourd'hui, les communautés d'agglomération disposent d'une bonification moyenne de 253 francs, correspondant à des compétences intégrées - si je puis dire - qui sont au minimum de sept à neuf, à comparer, s'agissant des communautés de communes à taxe professionnelle unique, à des compétences intégrées qui sont plutôt de l'ordre de quatre à cinq.
Je répondrai maintenant d'un mot à la question de M. le rapporteur général. En effet, quelle que soit la manière d'appréhender la question, comme M. Delfau ou comme M. Miquel, cela revient, de toute façon, à créer « un appel d'air » sur les ressources de l'Etat.
En effet, quand bien même on passe par le détour de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale, on retombe sur le problème de la progression de ces deux dotations.
Le prélèvement sur ces deux dotations serait de l'ordre de 200 millions de francs, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Deux cents millions de francs !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Voilà le chiffre auquel nous avons abouti.
M. Gérard Delfau. Celui que j'ai cité n'était pas si mal !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Deux cents millions de francs, c'est le montant de la diminution de la DSU et de la DSR. Mais n'oublions pas que nous avons souhaité faire progresser ces deux dotations de 5 % dans ce projet de loi de finances !
J'ai bien conscience que je ne réponds que partiellement à la question. J'ai par ailleurs bien entendu qu'il s'agissait d'amendements d'appel. Mais ils portent sur l'architecture d'ensemble de l'intrercommunalité.
Au-dessus des communautés d'agglomération, il y a des communautés urbaines...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pourquoi au-dessus ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je parle en termes de nombre d'habitants et de bonification de la DGF moyenne par habitant. Je ne porte pas là un jugement de valeur, c'est un simple constat budgétaire, monsieur le rapporteur général !
Hier après-midi, nous avons dit que nous étions désireux de voir évoluer le système de financement de l'intercommunalité et les conditions de financement de la DGF. Je ne voudrais pas que, au détour d'amendements d'appel, nous préjugions les solutions qui seront apportées dans peu de temps, mais qui relèvent d'une réflexion plus globale.
Je souhaiterais donc le retrait de ces deux amendements.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez entendu, mes chers collègues, la réponse de Mme le secrétaire d'Etat : l'enjeu porte sur 200 millions de francs, que l'on peut comparer au total des moyens disponibles pour la DSU et la DSR, soit 7 milliards de francs environ.
Compte tenu de tout ce qui a été dit, du caractère très divers, Dieu merci ! de l'organisation intercommunale, des choix qui sont faits par nos collectivités de base, la commission ne peut que s'en remettre à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-90.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je développerai simplement un argument technique en faveur des deux amendements.
Il est clair que la France a un territoire beaucoup plus riche, beaucoup plus vaste que celui de l'ensemble des pays européens. Or ce territoire est en partie menacé de désertification pour des raisons que l'on connaît.
Par ailleurs, l'évolution des nouvelles technologies avec ce qu'on appelait autrefois le télétravail ou la téléactivité, et qu'on appelle aujourd'hui le e-learning ou le e-travail, doit permettre aux gens de travailler là où ils souhaitent vivre. Dans certains milieux surpeuplés des villes, l'aspiration est forte de s'installer à la campagne.
Si nous faisons la faute, pour des raisons financières qui sont relativement minimes, puisque M. le rapporteur général vient de rappeler qu'il s'agit de 200 millions de francs sur un total de 7 milliards de francs...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Puis-je vous interrompre, monsieur Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon propos comportait une inexactitude : la DSU stricto sensu représente 3,8 milliards de francs et la DSU plus la DSR représentent à peu près 6 milliards de francs. Tels sont les ordres de grandeur.
Cela ne change pas substantiellement le raisonnement, mais mieux vaut que les chiffres soient justes.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je vous remercie d'avoir apporté cette précision, monsieur le rapporteur général.
Si nous refusons, alors que les sommes en jeu sont relativement minimes, de prendre une décision qui permettra au milieu rural de se dire qu'il n'est condamné ni à la désertification, ni à perdre tout le capital investi au cours des siècles pour se doter d'infrastructures correctes, nous aurons fait, sur le plan économique, sinon sur le plan budgétaire, je le reconnais, une action positive.
Je crois, pour ma part, que prélever quelques francs sur les crédits consacrés aux communautés urbaines pourraient facilement nous aider à réunir les 200 millions de francs nécessaires pour soutenir l'ensemble du territoire français.
M. le président. Je ne suis pas sûr que le comité des finances locales partage ce sentiment. Or, c'est lui qui décide souverainement. Mais à la place où je suis, je ne peux intervenir dans la discussion.
M. Michel Charasse. Le comité des finances locales ne partage rien !
M. Michel Moreigne. Il n'a pas de sentiments !
M. Louis Moinard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard. Ces deux amendements visent, dans l'article L. 5211-29 du code général des collectivités territoriales, à remplacer les mots : « 175 francs au 1er janvier 2000 » par les mots : « 250 francs au 1er janvier 2002 ».
Il s'agit d'augmenter la dotation par habitant versée à des communautés de communes qui font un travail remarquable. Si on ne les aide pas, elles demanderont des subventions.
Or M. le rapporteur général lui-même a dit tout à l'heure qu'il n'aimait pas les chasseurs de primes. Pourtant, c'est inévitable, et permettez-moi cette métaphore littéraire : « Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi ».
Si les communautés de communes ne bénéficient pas de financements, elles seront amenées à constituer des unités plus importantes et la dépense sera supérieure aux 200 millions de francs dont il est question aujourd'hui.
Voilà pourquoi je voterai les amendements.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Ce sont des amendements très sympathiques, mais je ne pense pas que cette qualité suffise pour que nous les adoptions.
Il est certain que l'intercommunalité génère actuellement des inégalités très fortes qu'elle prétendait pourtant corriger. Certaines communautés de communes reçoivent 20 francs par habitant alors que certaines communautés urbaines - ce n'est pas nécessairement à celle de Marseille que je songe - peuvent bénéficier de plus de 600 francs par habitant.
M. Michel Charasse. Six cents francs ! Oh ! Bonne mère !
M. Yves Fréville. Cher collègue, comme je l'ai dit, je ne pensais pas à Marseille !
M. Michel Charasse. De toute façon, Jean-Claude gaudin ne le dira jamais !
M. le président. C'est moins ! (Sourires.)
M. Yves Fréville. Le problème est posé : il est tout à fait illogique en effet qu'une zone rurale, à besoins et à potentiel fiscal identiques, soit traitée différemment d'une zone urbaine.
Pour remédier à cette inégalité, il nous faudra un jour choisir entre les pistes envisagées lors du débat sur l'avenir des finances locales.
Première piste : le système de dotation par zones. Une dotation globale serait attribuée à une zone géographique - à définir - en fonction de ses besoins et de son potentiel fiscal et non en fonction de sa forme d'organisation juridique.
Dans mon département, Saint-Malo avait opté pour la fusion, qui est la forme suprême de l'intercommunalité. Mais cette grande commune n'a tiré aucun bénéfice financier de cette fusion. Il est donc clair que les dotations attribuées doivent être indépendantes des structures juridiques.
Seconde piste : réserver, au sein de la DGF, une part à l'intercommunalité. Mais celle-ci ne doit pas venir en déduction de ce que nous attribuons aux départements et aux communes.
Il faudra que nous choisissions entre l'une et l'autre de ces pistes, mais je ne pense pas que c'est un amendement, aussi sympathique soit-il, qui permettra de résoudre le problème aujourd'hui.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Ces deux amendements ne sont pas rédigés de la même manière mais ils ont une inspiration identique, étant entendu que l'amendement dont je suis cosignataire et qui est présenté par mon groupe est plus précis que celui qui est présenté par notre collègue M. Delfau.
En effet, M. Delfau ne dit pas à qui il prend, où il prend et comment il prend, tant et si bien que, comme il ne modifie pas les autres règles de la répartition de la DGF, il en résulte que c'est l'Etat qui doit payer et, à mon avis, cet amendement devrait être gagé.
Mais n'entrons pas dans ce détail. Je ne veux pas engager une querelle technique car, comme je viens de le dire à mes amis en aparté, l'amendement dont je suis cosignataire et un peu corédacteur me paraît également « mal ficelé », pour d'autres raisons.
Mes chers collègues, dans cette affaire, quel est notre but en réalité ? Il s'agit de tenir les promesses et de respecter les engagements qui ont été faites et pris à l'égard des petites communes qui sont en intercommunalité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On a fait des promesses !
M. Michel Charasse. C'est clair : on l'a dit, donc on doit le faire. On doit dire ce qu'on fait ! Plus exactement, on doit faire ce qu'on dit.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !
M. Michel Charasse. En réalité, c'est les deux.
Nous devons cesser, les uns et les autres, de nous mettre dans une situation extrêmement difficile, je le dis d'autant plus volontiers que M. le président a fait tout à l'heure allusion au comité des finances locales ; nous devons régler un problème qui relève non pas d'un clivage politique droite-gauche, mais de la diversité des catégories juridiques des communes et groupements.
M. Marcel Deneux. Oui !
M. Michel Charasse. Que nous soyons de droite ou de gauche, sur le terrain, nous avons souvent des difficultés analogues avec cette affaire.
M. Marcel Deneux. Absolument !
M. Michel Charasse. Sur ce plan, je suis plutôt à l'aise, car je n'ai jamais été un grand « fana » de l'intercommunalité. Mais à partir du moment où le pays tout entier, par un texte voté à l'unanimité dans les deux chambres, s'est engagé dans ce processus, nous avons un devoir collectif de veiller à ce que les choses se passent bien. Le but est clair.
Quel est le moyen ? Il y a deux manières de procéder.
La première, que je qualifierai de méthode « Delfau », même si elle est involontaire, consiste à faire payer l'Etat un peu plus. Il s'agit donc d'une « rallonge » supplémentaire de DGF dont on voit bien les conséquences financières pour l'Etat.
La seconde, la méthode « Miquel », consiste à prélever sur la masse, mais selon quel système ? La philosophie de l'amendement Miquel est la suivante : avant de distribuer la DGF, on prélève d'abord 200 millions de francs, selon le chiffrage de Mme le secrétaire d'Etat, que l'on utilise, après avoir procédé à sa répartition, pour atteindre les 250 francs annoncés ou promis ! C'est en cela, d'ailleurs, que l'amendement est techniquement « mal ficelé ».
En effet, dans la mesure où il ne modifie pas les modalités de calcul de la répartition de la DGF après ce prélèvement de 200 millions de francs, nous nous trouvons coincés car, dans notre idée, ce sont tous les bénéficiaires de la DGF qui doivent contribuer à ces 200 millions de francs. Or, sans modifier les autres dispositions de la DGF, nous laissons les départements de côté et ils ne contribuent en rien à l'effort général de solidarité réclamé à tous les bénéficiaires de la DGF. J'aurais donc aimé que l'on prît cinq minutes pour trouver une nouvelle rédaction, à moins de reprendre cet amendement ultérieurement à l'occasion de l'examen d'un autre texte, car il n'est techniquement pas d'aplomb.
Ce qui compte, c'est le fond, mes chers collègues, c'est-à-dire d'honorer nos promesses dans ce système, en prélevant 0,2 % de la masse à répartir, sachant que la DGF représente de 117 milliards de francs à 119 milliards de francs si l'on tient compte des abondements exceptionnels.
Qui paie dans notre esprit ? Tout le monde ! Sachez que, sur les 200 millions de francs, cela fait à peu près 30 millions de francs de moins affectés à la DGF départementale, ce qui est absolument insensible, surtout sur une masse qui augmente de quelque 4 % cette année, et 168 millions de francs sur les communes et groupements, dont l'essentiel serait prélevé sur la dotation forfaitaire. Mais 135 millions de francs, sur une dotation forfaitaire qui dépasse 80 milliards de francs, c'est absolument insensible aussi.
Si cette solution n'est pas géniale, ni mirifique - ce n'est pas le pactole demain ! - elle a toutefois l'avantage de dégager une solution provisoire jusqu'au moment - que nous attendons tous - où l'on sera en mesure de réformer les dotations selon les pistes ouvertes, devant le comité des finances locales, par le Gouvernement voilà quelques semaines. Si M. Fourcade était présent en cet instant, il vous rappellerait les délibérations que nous avons prises à ce sujet.
Pour toute ces raisons, je pense qu'il faut faire quelque chose, mais je ne suis pas persuadé qu'il faille le faire, comme il est dit au II de l'amendement n° I-102 défendu par M. Miquel, étant entendu que l'amendement n° I-90 de M. Delfau n'est pas financé. Je préfère, par inclinaison naturelle, l'amendement de mon groupe plutôt que celui défendu par M. Delfau.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'est pas très loin non plus !
M. Michel Charasse. Ce dernier étant un ami, il n'est pas question de nous « chamailler » !
Mais, à la limite, le mieux serait encore de renvoyer cette discussion au collectif budgétaire, afin que nous ayons le temps de trouver une meilleure rédaction de ce paragraphe II. Je le dis à titre personnel, car je n'ai pas consulté mes amis. Je suis cosignataire de cet amendement, que je voterai s'il est maintenu, mais il serait tout de même préférable de voter un texte qui soit un peu mieux « léché » et techniquement irréprochable. Cela irait tout de même mieux, mais nous n'allons pas « en faire tout un potage », si vous me permettez l'expression, pour 200 millions de francs sur presque 120 milliards de francs.
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Je dois reconnaître que ce débat nous donne raison en quelque sorte !
Avec ces amendements, c'est la question des moyens des collectivités, et donc celle de la dépense, qui nous est posée, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.
M. le rapporteur général a eu l'occasion de rappeler que c'était sur l'initiative de la commission des finances qu'avait été présentée cette demande de 175 francs, cela à l'occasion de la discussion des dispositions afférentes aux EPCI du projet de loi relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
Permettez-moi de formuler, peut-être en style télégraphique, un certain nombre de réflexions.
Même si, sur le fond, à savoir les moyens supplémentaires qui doivent être attribués, je partage le sentiment de notre collègue M. Miquel, je voudrais insister sur un point : prenons garde de ne pas opposer le rural à l'urbain ! Nous devons en effet surtout unir et non désunir, notamment lorsqu'il s'agit des problèmes que rencontrent les collectivités.
En revanche, je ne suis pas d'accord sur la question du financement - je rejoins ici en partie ce qu'a dit notre collègue M. Fréville - à savoir qu'il ne faut pas toujours pomper sur la DGF. Si le Gouvernement se félicitait hier, comme d'autres ici, y compris nous-mêmes, de l'augmentation de plus de 4 % de la DGF, il faudra, au niveau des collectivités locales, de 4,07 %, arriver à un pourcentage d'environ 2 %.
Je ne vais pas revenir sur les financements des collectivités que nous avons proposés à partir des actifs financiers, mais je crois que nous avons raté une occasion. Madame la secrétaire d'Etat, il est urgent de trouver des pistes, notamment à partir de cette question des actifs financiers. Cela permettrait de ne prendre ni sur la DGF ni sur le budget de l'Etat. Cela permettrait surtout de répondre à l'objet des amendements qui sont déposés ici, à droite comme à gauche, sur le financement des collectivités locales.
En conclusion, nous nous abstiendrons sur l'amendement n° I-101, présenté par notre collègue, M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Parfaitement conscients du respect des équilibres budgétaires, nous n'avons pas proposé d'amendement tendant à inscrire des financements complémentaires. Je suis très heureux que nous ayons eu ce débat, car il démontre, s'il en était besoin, que le système de répartition que nous avons aujourd'hui en matière de financement des collectivités locales est quelque peu obsolète et mérite d'être revu.
On nous dit de ne pas opposer la ville à la campagne. J'en suis bien d'accord, mais, l'an passé, les communautés de communes ont vu leur dotation baisser, car nous avons été obligés de financer les communautés d'agglomération et l'appel a été important. Les présidents des communautés de communes de mon département pensent que je les ai trompés quand je les ai incités à mettre en place ces communautés, car leur dotation a baissé de 20 % ! Cela prouve que le système est obsolète.
Cela dit, compte tenu des explications qui ont été données et des précisions qui ont été apportées par M. Michel Charasse - un orfèvre en matière de finances de collectivités locales !...
M. Michel Charasse. Merci.
M. Gérard Miquel. ... j'accepte de retirer cet amendement n° I-101 et d'attendre la discussion du collectif, en espérant que nous parviendrons, d'ici là, à le reformuler et à trouver une solution plus intéressante et parfaitement applicable.
M. Roland du Luart. Tout à fait d'accord.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. L'amendement n° I-101 est retiré.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je me rallie à la position que vient de prendre mon collègue M. Miquel. C'est une bonne solution, compte tenu des incidences financières de la mesure et des difficultés juridiques qu'engendre le fait de ne pas savoir qui paye. Il est effectivement préférable de reprendre cet amendement ultérieurement.
M. le président. M. Delfau, l'amendement n° I-90 est-il maintenu ?
M. Gérard Delfau. Je suis d'autant plus satisfait d'avoir contribué à lancer ce débat que les communautés de communes ont un sentiment d'injustice, pour ne pas dire d'amertume, devant l'évolution de leur dotation d'Etat.
Les chiffres sont les chiffres, madame la secrétaire d'Etat ! Les communautés d'agglomération s'étant créées plus vite que prévu, il y a bien eu transfert financier d'une strate de communes sur l'autre. Une baisse de 20 % de la dotation affectée aux communautés de communes est loin d'être négligeable et elle doit être compensée.
Et cela pour une autre raison : la population des villes moyennes et du monde rural aspirant à des modes de vie urbains, nous sommes aujourd'hui obligés de doter nos communes d'équipements qui sont, certes, moins grandioses et moins prestigieux que ceux des métropoles régionales, mais qui étaient encore peu fréquents et peu demandés voilà une dizaine d'années.
M. Roland du Luart. C'est vrai !
M. Gérard Delfau. De ce point de vue, les budgets sont donc beaucoup plus difficiles à établir.
Je voudrais maintenant vous livrer un constat à froid : les grandes villes, les villes moyennes et les petites communes n'ont pas le même train de vie ! Chacun comprend bien ce que je veux dire par là : trois sous ici, dix francs là, parfois dépensés mal à propos, comme la chambre régionale des comptes vient de le signaler pour la gestion de Paris.
M. Jean Chérioux. La capitale est fort bien gérée !
M. Gérard Delfau. Si l'on ne dit pas tout cela, on ne parle pas des problèmes tels que les vivent nos concitoyens ! Or il est de notre rôle de parlementaires de mettre à plat les difficultés rencontrées.
J'en viens au fond. Pour Mme la secrétaire d'Etat, il s'agit d'une reconfiguration de la loi. Elle va plus loin en se demandant si ces amendements ont du sens. Bien sûr, qu'ils en ont, madame la secrétaire d'Etat ! En effet, pas plus que M. Miquel je n'ai demandé que la mesure s'applique à l'ensemble des communautés de communes ; je veux seulement qu'elle s'applique à celles qui ont adopté la TPU. C'est la prime au courage et à la solidarité que nous demandons. Ma commune va y consentir prochainement et, puisqu'elle a effectué un gros effort de développement économique, elle risque d'y perdre une partie de ses ressources à venir. La perte d'autonomie se doublera sans doute d'une perte de ressources fiscales, ce qui n'est pas négligeable !
S'agissant des compétences, la communauté de communes dans laquelle je suis, avec le passage à la TPU, aura seulement quatre, peut-être six compétences, mais, finalement, ce seront les compétences essentielles pour l'intercommunalité et la commune. Nous atteindrons un degré d'intégration très important. Je voudrais que Mme la secrétaire d'Etat mesure bien l'importance de l'effort actuellement consenti par le milieu rural et les villes moyennes, car il s'inscrit exactement dans l'esprit de la loi Chevènement, et correspond donc bien à ce qu'a souhaité le Gouvernement. Voilà ce que je voulais vous dire.
J'en viens maintenant à la question que m'a posée M. le président.
Je sais que mon amendement n'est pas gagé. Je n'ai pas voulu, monsieur Charasse, entrer dans la logique qui consiste à prendre aux uns pour donner aux autres, ce qui s'est beaucoup fait par le passé. Je sais aussi que, sur le plan technique, il nécessite d'être étudié plus à fond. Ma position est donc la suivante : je me rallie à la proposition de mon collègue M. Charasse de renvoyer l'examen de cette disposition au collectif.
J'ajouterai toutefois une nuance importante : je souhaite que l'Etat et le reste des collectivités locales, départements compris, fassent chacun la moitié du chemin. Ce serait d'autant plus logique qu'il s'agit de réparer une injustice. Monsieur le président, je retire donc mon amendement, mais, chacun l'aura compris, ce n'est nullement pour renoncer à cette mesure ; c'est pour faire aboutir, dans des délais raisonnables, une demande qui est légitime !
M. le président. L'amendement n° I-90 est retiré.

Article 24