SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2001


M. le président. « Art. 67 ter . - A la fin du quatrième alinéa (a) de l'article 1601 du code général des impôts, le montant : "630 F" est remplacé par le montant : "99 EUR". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-24, présenté par M. Cazalet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 67 ter :
« Dans le quatrième alinéa de l'article 1601 du code général des impôts, le montant : "630 F" est remplacé par les mots : "0,379 % du plafond annuel de sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l'année d'imposition". »
L'amendement n° II-9 rectifié, présenté par MM. Mouly et Delfau, est ainsi libellé :
« Dans l'article 67 ter, remplacer la somme : "99 EUR" par la somme : "107 EUR". »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-24.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Chaque année est proposé, par le biais d'un article additionnel aux crédits du ministère de l'économie et des finances, le relèvement du droit fixe de la taxe additionnelle pour frais de chambre de métiers. Cet article est bien souvent d'origine parlementaire.
Il est temps de fixer ce droit à un niveau qui permette d'éviter une paupérisation des chambres de métiers. Il est également nécessaire de déterminer un mode d'indexation de ce droit fixe pour éviter chaque année des négociations qui ne satisfont ni les chambres de métiers ni leurs ressortissants.
Le montant du droit fixe a crû de 1,61 % entre 1999 et 2001, passant de 94,52 euros à 96,94 euros. Cette augmentation n'a pas été à la hauteur de la hausse des charges des chambres de métiers, la valeur du « point » des salaires du personnel des chambres ayant progressé de 3 % pendant la même période.
Le montant de 99 euros adopté à l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement n'est clairement pas à la hauteur des enjeux. Les résultats nets des chambres de métiers ont connu une forte diminution, de 41 %, entre 1998 et 1999. Enfin, six des huit classes de chambres de métiers étaient en déficit d'exploitation en 1999.
Dès lors, je propose au Sénat de revenir au montant adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale, à savoir 107 euros.
Je propose, enfin, d'indexer le droit fixe sur le plafond annuel de la sécurité sociale, comme l'ont demandé le rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale et l'assemblée permanente des chambres de métiers. Le plafond de la sécurité sociale sera, en 2002, de 28 224 euros. Le montant du droit fixe serait ainsi fixé à 0,379 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 107 euros.
M. le président. La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° II-9 rectifié.
M. Gérard Delfau. Je ne ferai pas un plaidoyer en faveur des chambres de métiers. Le Sénat connaît bien l'apport irremplaçable de cette structure consulaire regroupant les artisans et les chefs de très petites entreprises, les TPE. Pour ma part, une très ancienne implication dans le développement économique local a fait que j'ai créé des liens confiants avec la chambre de métiers de mon département.
Or je constate que cette chambre consulaire fait l'objet de sollicitations croissantes à mesure que s'affirme la place de l'artisan et de la très petite entreprise dans l'économie de notre pays. Le métier de chef d'entreprise subit une mutation rapide, qui est d'autant plus difficile quand il s'agit de toutes petites structures qui, aujourd'hui, ne sont plus à l'abri d'une concurrence sévère. L'exigence en matière de sécurité, d'environnement et de formation professionnelle, notamment, est sans cesse plus forte. L'artisan se tourne naturellement vers « sa » chambre de métiers pour obtenir une formation, une aide technique, voire un réconfort.
Voilà pourquoi la charge des chambres de métiers s'accroît, alors que les moyens stagnent.
Simultanément, les collectivités locales, à travers les communes, les communautés de communes, les communautés d'agglomération et, bientôt, les « pays », se tournent vers les chambres consulaires et, tout particulièrement, les chambres de métiers. Elles apprennent à travailler avec les agents socio-économiques dans le cadre - et c'est ce qui est important - d'un développement économique territorialisé.
Ce partenariat bénéfique impose de nouvelles missions à la chambre de métiers. C'est pourquoi mon collègue M. Mouly, qui n'a pu être présent aujourd'hui, et moi-même avons déposé un amendement visant à relever le droit fixe de la taxe pour frais de chambre de métiers acquittée par les entreprises artisanales.
Nous proposons de faire passer le montant de ce droit de 99 euros à 107 euros. Nous pouvons, si nécessaire, réévaluer notre demande, monsieur le ministre, si vous deviez donner une réponse positive à cette requête légitime. Il est en tout cas indispensable que les chambres de métiers disposent à nouveau des moyens nécessaires pour mener à bien leur mission d'intérêt général.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-9 rectifié ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Cet amendement et celui que j'ai présenté sont très proches. En effet, le montant de la taxe pour frais de chambre de métiers qu'ils prévoient pour 2002 serait identique. Cependant, mon amendement paraît meilleur - cela fait prétentieux (Sourires) - car il permet, pour les années à venir, une indexation sur le plafond annuel de la sécurité sociale. Je propose donc à M. Delfau de vous y rallier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-24 et II-9 rectifié ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. S'agissant de la qualité, le Gouvernement n'a pas à choisir entre ces deux amendements.
Il a entendu les propos de M. Delfau sur le rôle des chambres de métiers. En plus de leur rôle professionnel, elles sont maintenant impliquées dans la démocratie participative à travers les nouveaux territoires, les conseils de développement, les pays. En effet, beaucoup de présidents de chambre de métiers, avec leurs techniciens, avec leurs collaborateurs, s'impliquent au côté d'autres chambres consulaires pour participer, au côté du monde associatif et avec les élus, à l'aménagement et au développement du territoire sur des périmètres pertinents. Nous avons, maintenant, des interlocuteurs capables de participer à la réflexion et à la décision sur les territoires.
S'agissant de la fixation du droit à 107 euros, le Gouvernement ne peut être favorable à une telle hausse.
Monsieur Cazalet, en fin de compte, votre amendement - même si je comprends que vous le trouviez très bon (Sourire) - rigidifie les ressources des chambres de métiers. Ainsi, on peut très bien concevoir une progression plus rapide pour le droit fixe que pour le plafond de la sécurité sociale. Or, parfois, on pourrait aller plus vite. Une progression exceptionnelle peut être nécessaire ! Ainsi, en 1999, cinq francs supplémentaires ont été attribués pour l'organisation des élections.
Il faut plutôt explorer les moyens de manoeuvre du droit additionnel, monsieur le rapporteur spécial, qui reste inutilisé à 75 %.
J'en viens à l'amendement n° II-9 rectifié.
Monsieur Delfau, il ne faut pas demander moins au contribuable et plus à l'impôt ! L'augmentation que vous prévoyez s'élève à 11,5 %. J'entends d'ici les cris d'orfraie de ceux qui diraient que ce gouvernement accorde des hausses de prélèvements obligatoires ! Si l'on ajoute le droit additionnel à votre demande, on atteint presque 18 euros de hausse, soit 118 francs ; nous pensons que c'est déraisonnable.
De plus, il me revient à l'esprit des discussions avec les organismes professionnels, notamment avec l'UPA, l'Union professionnelle artisanale, qu'il faut garder raison et mesure.
Nous avons entendu plusieurs propositions : 99 euros, c'est 3,7 % ; 101 euros, c'est 5,2 %, ce qui pourrait être une position raisonnable à laquelle le Gouvernement ne s'opposerait pas. Mais 107 euros, vous l'avez compris, le Gouvernement ne peut l'accepter.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-24.
Mme Odette Terrade. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Le droit fixe de la taxe pour frais de chambre de métiers constitue, nous le savons tous, une forme de mutualisation des coûts de recherche, de développement et de formation du secteur artisanal.
Le relèvement de ce droit, tel qu'il a été voté en première lecture par l'Assemblée nationale, doit donc être interprété comme la prise en compte de la réalité des missions accomplies par les chambres consulaires.
Avec l'amendement n° II-9 rectifié, il s'agit de savoir s'il convient d'aller plus loin, en relevant plus sensiblement encore le montant de ce droit fixe, aux motifs conjugués de l'ancienneté du précédent relèvement et de la montée en charge des missions et des obligations des organismes consulaires concernés.
Permettez-nous simplement de nous interroger sur la situation plus globale des chambes de métiers.
Elles sont aujoud'hui largement dépositaires de fonds publics, qu'il s'agisse du montant des droits fixes, de la collecte de la taxe d'apprentissage ou de la taxe à la formation professionnelle continue.
Nous estimons même qu'avant toute mesure spécifique, qui pourrait d'ailleurs trouver son aboutissement dans le cadre de la discussion du prochain projet de loi sur le commerce et l'artisanat, dont nous avons parlé, il conviendrait de procéder à un état des lieux suffisamment précis des capacités financières comme des missions accomplies par les chambres de métiers.
Une évaluation plus fine et plus précise de leur intervention dans le domaine de la formation est ainsi nécessaire avant même toute autre initiative.
C'est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai l'amendement n° II-24 non pas seulement parce qu'il est présenté par mon collègue Auguste Cazalet, mais aussi et surtout parce qu'il est défendu au nom de la commission des finances, dont je connais le sérieux des travaux. D'ailleurs, dans une certaine mesure, M. le secrétaire d'Etat, qui a bien sûr plutôt mis l'accent sur l'amendement n° II-9 rectifié, présenté par notre collègue Delfau, dont je reconnais aussi les qualités, a bien insisté sur le travail réalisé par les chambres de métiers. Par conséquent, c'est de l'argent qui est bien placé. M. le secrétaire d'Etat aurait d'ailleurs pu aussi insister, s'agissant de l'amendement n° II-35 rectifié, sur les qualités des chambres de commerce, qui, elles aussi, font du bon travail sur le terrain.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Jean Chérioux. Mais peut-être y a-t-il une différence d'appréciation que je comprendrais très bien, compte tenu des fonctions qui sont dévolues à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Non !
M. Jean Chérioux. Cela dit, il est trop facile, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avancer toujours le souci de l'opposition nationale de refuser des dépenses ! Mais il y a dépenses et dépenses ! On peut quand même avoir une approche sélective ! Pour ma part, je considère qu'il s'agit, avec l'amendement n° II-24, de dépenses bien placées ; elles le sont certainement beaucoup mieux de d'autres, d'une dimension différente, qui ont été évoquées tout à l'heure et dont le moins qu'on puisse dire est que vous avez du mal à les financer ! J'avoue que l'argument que vous et vos collègues nous avancez toujours - « Vous êtes contre les dépenses, mais vous acceptez telle ou telle » - est facile ; il s'apparente d'ailleurs quelque peu aux leçons que la majorité, vous-même,...
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Pas moi !
M. Jean Chérioux. ... et les membres de ce gouvernement passent leur temps à nous donner ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Ça suffit des leçons, vous nous en donnez tout le temps ! Laissez-nous au moins nous exprimer par un vote qui consiste à choisir, parmi les dépenses, celles que nous considérons les plus utiles !
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai bien écouté ; je vous avouerai que je m'attendais quelque peu à votre objection concernant la progression rapide du droit fixe de la taxe pour frais de chambre de métiers, dans l'amendement que je propose avec mon collègue Georges Mouly.
Mais j'avais fixé ce montant compte tenu des indications fournies lors du débat à l'Assemblée nationale.
Toutefois, ce qui nous importe ici, au Sénat - disant cela, je m'adresse tout particulièrement à notre éminent rapporteur spécial, M. Cazalet, et à la commission des finances -, c'est d'aboutir et qu'un texte, accepté par le Gouvernement soit adopté ; ce qui nous importe, c'est que les chambres de métiers, quand elles prendront connaissance de notre discussion, voient que nous avons fait chacun un pas pour répondre, fût-ce partiellement, à leur demande.
Telle est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur spécial, le mieux étant l'ennemi du bien, je ne voterai pas l'amendement n° II-24 de la commission ; de surcroît, je vous demande de le retirer, afin que nous aboutissions à un vote unanime qui serait deux fois symbolique de l'attachement du Sénat aux chambres de métiers.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Le groupe de l'Union centriste votera l'amendement n° II-24 de la commission des finances, présenté excellemment par notre collègue Auguste Cazalet.
Je ferai trois remarques.
Tout d'abord, il est heureux que la commission des finances ait déposé un amendement, car M. le secrétaire d'Etat, depuis la discussion devant l'Assemblée nationale, où il s'en tenait aux 99 euros, a évolué. Par conséquent, un pas a été fait et, si nous votions conforme le texte de l'Assemblée nationale, le souhait du Gouvernement ne pourrait même pas être respecté !
Par ailleurs, à quel niveau faut-il établir le droit fixe ? Je constate que la commission des finances du Sénat et la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui ont travaillé sur les mêmes bases, sont arrivées l'une et l'autre au même résultat : 107 euros. Pourquoi ne pas retenir cette base ?
Je ne vois pas du tout quel argument susceptible d'invalider le raisonnement pourrait être avancé puisqu'il s'agit non seulement d'augmenter le droit par rapport à l'année dernière, mais aussi d'opérer un rattrapage nécessaire, comme tous les orateurs l'ont montré.
Il reste évidemment un dernier problème : celui de l'indexation. Monsieur le secrétaire d'Etat, il n'y a pas un projet de budget où la question de la revalorisation du droit fixe n'est pas discutée ! La proposition de la commission des finances de définir une indexation définitive me paraît une bonne solution. Mais si vous préfériez un autre type d'indexation - sur les recettes de l'Etat par exemple -, je n'y verrais pas d'inconvénient.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe de l'Union centriste votera l'amendement de la commission des finances.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, avant de vous donner la parole, je vous indique que je viens d'être saisi d'un amendement n° II-9 rectifié bis , présenté par MM. Mouly et Delfau, et ainsi libellé :
« Dans l'article 67 ter, remplacer la somme : "99 EUR" par la somme : "101 EUR". »
Je tenais à l'indiquer dès à présent afin que vous puissiez vous déterminer en toute connaissance de cause.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. J'avais moi-même proposé, l'année dernière, l'augmentation du droit fixe ; cette question revient encore cette année.
L'année dernière, tous les sénateurs siégeant sur les travées de gauche de cet hémicycle étaient défavorables à mon amendement, et M. Delfau l'avait même brillamment combattu !
M. Gérard Delfau. Il ne faut pas être excessif !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Je me réjouis de constater que, cette année, il a changé d'avis et a pris conscience de la nécessité de soutenir les chambres de métiers.
Mais, par rapport à cette discussion récurrente, il ne faut à mon avis pas jouer les marchands de tapis : 99 euros, 107 euros, et voilà que M. Delfau propose maintenant un montant intermédiaire. Il faut vraiment en finir !
Si l'amendement n° II-24 n'est pas adopté cette année, cette discussion va encore revenir tous les ans ! Par conséquent, votons la mesure proposée par la commission des finances, et nous n'aurons ainsi plus à évoquer chaque année le droit fixe, que, comme tout le monde le reconnaît aujourd'hui, il convient d'augmenter. L'amendement n° II-24 est excellent.
M. Yves Fréville. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances sur l'amendement n° II-9 rectifié bis ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Il reste le même que tout à l'heure : défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-24, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 67 ter est ainsi rédigé, et l'amendement n° II-9 rectifié bis n'a plus d'objet.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les petites entreprises, le commerce et l'artisanat.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques minutes, en attendant l'arrivée de M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.)