SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2001


M. le président. Le Sénat va examiner les dipositions du projet de loi de finances concernant les services du Premier ministre : II. - Secrétariat général de la défense nationale.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le secrétariat général de la défense nationale, ou SGDN, instrument du Premier ministre en matière de direction générale de la défense, en liaison étroite avec la Présidence de la République, est maintenant relancé. Son rôle est conforté par les nouveaux moyens mis à sa disposition et les appels renouvelés à sa compétence.
Les crédits demandés pour 2002 s'établissent à 39,4 millions d'euros, soit 258 millions de francs, en hausse brute de 33 % et, à structure constante, de 12,5 %. Les deux tiers de l'augmentation résultent des nouveaux moyens interministériels pour la sécurité des systèmes d'information, opérations engagées à hauteur de 10 millions d'euros dès la loi de finances rectificative pour 2000, mais reportées sur l'exercice 2001.
Les autres missions du SGDN ne sont pas négligées, à l'instar de la mission de contrôle des matériels de guerre et du programme civil de défense. L'augmentation des effectifs du SGDN sera poursuivie en 2002, avec la création de vingt-trois postes budgétaires, tout en maîtrisant les conséquences de la fin de la conscription.
L'Institut des hautes études de la défense nationale, l'IHEDN, est un fondement essentiel de la culture et de l'esprit de défense. Mais sa dotation propre de 1,5 million d'euros pour 2002, soit cinq années après sa transformation en établissement public administratif, ne semble pas lui assurer une véritable autonomie financière. En effet, avec les moyens mis à sa disposition par d'autres administrations, principalement le ministère de la défense, le coût réel de l'institut s'élève à 7,2 millions d'euros en 2001.
Enfin, l'effort destiné à la défense civile de la nation comprend surtout, je vous le rappelle, les crédits que les ministères civils lui consacrent. Leur montant est récapitulé dans un « jaune budgétaire ». Enregistrant une hausse de 2,6 % pour 2002, il s'établira à près de 1,4 milliard d'euros, dont plus des deux tiers relèveront du ministère de l'intérieur. Je constate d'ailleurs que sa création date de plus de vingt ans et qu'il serait donc nécessaire de revoir son contenu.
Les activités du SGDN sont désormais recentrées sur des tâches de conception et d'impulsion, et son intervention est dynamisée dans les domaines où la coordination interministérielle est nécessaire. Ses agents sont donc sollicités en raison de leurs compétences, le temps d'une crise ou à la suite d'une demande gouvernementale. Je citerai, à titre d'exemple, la gestion du danger présenté par les munitions du site de Vimy.
Si l'importance du rôle du SGDN en matière de synthèse, d'évaluation et de mise en valeur du renseignement dans le processus de décision politique a bel et bien été confirmée, elle est également vérifiée en cette période de crise. L'insécurité internationale plaide d'ailleurs pour des avancées significatives vers une sécurité européenne et une Europe de la défense. Il est permis de souhaiter que l'Union européenne en tire rapidement les conséquences.
Les fonctions du SGDN recouvrent également la coordination de la protection des populations, lesquelles sont exposées à de « nouvelles menaces » : inondations, tempêtes, attentats et catastrophes, telle celle de Toulouse.
Les risques liés à l'entrée de la France dans la société de l'information et à la libération de la cryptologie sont bien appréhendés par le Gouvernement. Mais le médecin que je suis est attentif aux risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique pour lesquels les moyens de protection et d'intervention doivent être assurés. Les nouveaux crédits qui seront proposés dans le prochain projet de loi de finances rectificative pour renforcer cette action méritent une large approbation.
Dans l'attente des comptes rendus concernant l'explosion de Toulouse, il convient d'ores et déjà de s'interroger sur nos procédures d'urgence dans le cas de catastrophe étendue à une grande partie du territoire.
Ainsi, à la lecture du rapport Sanson sur les tempêtes, il apparaît que nos infrastructures doivent être mieux protégées, et les responsabilités redéfinies. Au-delà d'une réforme de nos plans d'urgence, une politique civile de défense assurant encore mieux la protection des populations est tout aussi attendue.
La gestion des crises s'avère de plus en plus complexe, en raison non seulement de la mutation économique et sociale de notre pays, mais aussi - il faut bien le dire - du manque d'implication de la population dans la défense civilo-militaire. Je suggère donc la mise à l'étude d'un dispositif interministériel de gestion des crises et réaffirme que le SGDN, repositionné comme lieu de convergence de la sécurité intérieure et extérieure, s'impose comme un instrument majeur de cette adaptation de notre défense non militaire.
Compte tenu de l'effort en faveur des missions du SGDN, tant traditionnelles que nouvelles, qui ressort à l'évidence de ce budget, la commission des finances, suivant la proposition de son rapporteur spécial, propose au Sénat d'adopter les crédits du secrétariat général de la défense nationale. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'analyse qu'a faite notre excellent rapporteur spécial, M. Michel Moreigne, sur le budget du SGDN. Je partage les conclusions qu'il tire de l'affectation des sommes à cet organisme dans le projet de loi de finances pour 2002. Comme lui, je pense que le budget proposé traduit la volonté du Gouvernement de renforcer encore la coordination interministérielle en matière de sécurité intérieure et extérieure.
Je partage aussi son appréciation très positive sur le rôle qu'à tenu le secrétariat général de la défense nationale dans une période marquée par des événements internationaux dramatiques.
Oui, nous disposons avec le SGDN d'une instance assez unique dans l'appareil d'Etat par rapport aux modes d'organisation dans tous les autres pays occidentaux. Chargé spécifiquement de la coordination gouvernementale dans les domaines qui conditionnent la sécurité du pays, il est, de surcroît, placé sous la double autorité du Président de la République et du Premier ministre, aux services duquel il appartient.
Transversalité, interdisciplinarité, ouverture au monde et aux surgissements de nouveaux dangers, telles sont quelques-unes des caractéristiques du SGDN. Sans se substituer aux départements ministériels, scrupuleusement attaché à son rôle de « serviteur » du politique, il est atypique, parce qu'il est en avance : au sein d'une société cloisonnée et trop souvent myope, il cherche à « potentialiser » les moyens de la défense et à anticiper les nouvelles menaces. C'est tout notre appareil d'Etat qui, peu à peu, devrait évoluer dans le même sens pour être au rendez-vous de l'Histoire.
Depuis un peu plus de deux mois, cet organisme dont la discrétion est la règle, avec la compétence et la disponibilité des agents qui le servent, est placé, dans une certaine mesure, sous les feux de l'actualité. Jamais, en effet, depuis le 11 septembre 2001, la nécessité absolue, vitale pour notre pays, d'une prise en compte de l'ensemble des éléments qui concourent à sa sécurité n'avait été aussi évidente. Jamais, depuis cette date, la prévision et la prévention des risques qui affectent notre existence même n'avaient été aussi indispensables. Jamais la programmation et la planification, jamais la veille technologique et humaine n'avaient paru aussi déterminantes pour préserver la paix.
C'est ce qui explique que le projet de loi de finances confirme l'augmentation rapide des moyens mis à disposition du SGDN : entre 1999 et 2002, le budget aura doublé si le Parlement valide la proposition du Gouvernement, et quelque 300 agents civils et militaires travaillent aujourd'hui pour la sécurité des Français au sein de cet organisme. C'est à eux que revient, pour une part, les résultats de collecte, de synthèse et de transmission aux autorités politiques des informations et des renseignements qui nous ont aidés à nous situer dans cette période difficile pour notre pays.
Je dois ajouter - je l'avais d'ailleurs déjà indiqué l'an dernier - que le SGDN avait, très en amont, attiré l'attention des plus hautes autorités de l'Etat sur la réalité des menaces terroristes et des réseaux qui la mettent en oeuvre. Surtout - et cela me paraît beaucoup plus important - il avait souligné les dimensions très différentes et, pour une part, nouvelles de ces menaces : nucléaire, biologique, radiologique, chimique...
Dès l'annonce des attentats du 11 septembre, le secrétariat général de la défense nationale a proposé au Premier ministre, en liaison étroite avec la présidence de la République, un nouveau dimensionnement et une dynamisation de nos capacités de réaction face à la menace terroriste.
Des scénarios de menaces ont été définis. Les ministères concernés ont été mobilisés. La planification en matière de sécurité sur le territoire a été adaptée, et ce d'autant plus rapidement que le travail avait été entrepris dès 1999.
Les résultats sont visibles : notre pays, pourtant placé au milieu de risques de toutes sortes, a été épargné. La sécurité de nos concitoyens face au terrorisme a été assurée. Devant toute menace d'une telle ampleur et d'une telle nature, personne ne saurait évoquer une garantie complète. Mais, au moins, ce qui devait être fait aura été fait, et le secrétariat général de la défense nationale a pris dans cette action une place significative que je tenais à souligner en cet instant.
Le travail conduit par le SGDN a réuni aussi bien des experts, des responsables de l'administration, que les grands opérateurs qui concourent à la continuité de la vie nationale. C'est à l'ensemble de ces acteurs, qu'ils soient civils ou militaires, qu'ils appartiennent au secteur public ou à l'entreprise privée, qu'ils soient universitaires ou chercheurs dans un laboratoire, que la représentation nationale rend aujourd'hui hommage.
Mais, mes chers collègues, nous savons bien que la défense de notre pays ne s'arrête pas à ses frontières. Nous savons bien que les intérêts de la France, si l'on veut bien aller à l'essentiel, sont les mêmes que ceux de nos partenaires, en Europe et au-delà de l'Atlantique. Notre pays défend, en fait, non pas un nationalisme étroit, fondé sur des idées d'autrefois, mais un patriotisme ouvert, fondé sur des valeurs universelles. Le secrétariat général de la défense nationale est un instrument efficace et exemplaire de cette vision politique.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d'abord remercier M. Michel Moreigne de la qualité de son rapport.
Le projet de budget pour 2002 du SGDN s'élève, en crédits de paiement, à 39,36 millions d'euros. Il augmente, à structure constante, de 12 % par rapport à 2001, après une hausse de 16 % l'an dernier. Par ailleurs, le SGDN bénéficiera en 2002 de la création de vingt-quatre postes budgétaires.
Comme M. le rapporteur spécial l'a relevé, la hausse des moyens dévolus au SGDN accompagne un recentrage de ses missions de conception, d'impulsion et de coordination interministérielle. Les efforts correspondent, pour l'essentiel, à deux axes.
Le premier concerne la capacité de prévention et de réaction des pouvoirs publics en matière de risques liés aux accidents ou actes malveillants dans les domaines nucléaire, radiologique, bactériologique ou chimique, dont votre rapporteur se préoccupait déjà l'an dernier à juste titre.
Le second a trait à l'entrée du pays dans la société de l'information dans des conditons de sécurité satisfaisantes.
Permettez-moi d'insister, à cette occasion, sur le fait que les missions confiées au SGDN et l'orientation donnée à ses actes traduisent de manière particulièrement nette l'adaptation de notre politique de sécurité à des enjeux qui ont été amplifiés depuis les attentats du 11 septembre dernier.
Cette adaptation se traduit par une prise en compte accrue des nouvelles menaces, par une souplesse et une réactivité de l'organisation interministérielle dans tous les domaines de la politique de défense et de sécurité, y compris le renseignement, par une modernisation des instruments de l'appareil d'Etat au moyen des nouveaux outils de communication et d'information, ainsi que par un accroissement des capacités de prévention, de détection et de réaction de l'Etat sur le territoire national et pour la protection des populations.
S'agissant d'abord du programme civil de défense, le Gouvernement a souhaité le renforcer : les crédits d'investissement sont portés à 7,62 millions d'euros en autorisations de programme et à 5,4 millions d'euros en crédits de paiement. Ils sont, en grande partie, consacrés à la mise en place de dispositifs et d'équipements destinés à prévenir les risques liés aux domaines nucléaire, radiologique, bactériologique ou chimique ou à réagir à la suite d'accidents ou d'actes malveillants. Parmi les investissements nouveaux, on peut citer également le renforcement du réseau Rimbaud et la mise en place des salles opérationnelles des préfectures de zone de défense.
Le programme civil de défense n'a pas vocation à couvrir tous les besoins en la matière. Il est un outil parmi d'autres à la disposition du Premier ministre pour susciter des programmes interministériels dans le domaine de la défense civile.
Je citerai, par exemple, le renforcement des moyens locaux d'intervention ou la mise en place au niveau national de moyens d'expertise tels que le réseau de laboratoires « Piratox », des stocks d'antidotes ou des équipements de protection pour des unités d'intervention.
L'actualité - et je fais allusion non seulement aux suites du 11 septembre, mais aussi à Toulouse et à Vimy, où des mesures de précaution ont été prises avec succès - conduira le Gouvernement à poursuivre, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2001 que vous aurez très prochainement à examiner, l'effort déja entrepris.
De même, en réponse aux préconisations de votre rapporteur sur le dispositif de gestion des crises, je tiens à rappeler que le rapport de la mission interministérielle d'évaluation des conséquences des tempêtes demandé par le Premier ministre est suivi d'effet. Je citerai aussi le prochain dépôt, annoncé par le Premier ministre, d'un projet de loi de modernisation de la sécurité civile.
Moins spectaculaires que la menace terroriste, mais particulièrement insidieuses, les vulnérabilités des systèmes d'information, au moment où la France entre dans la société de l'information, ont été placées au premier rang des préoccupations du Gouvernement.
Le SGDN a été chargé de mettre en place un plan de renforcement des moyens de l'Etat permettant de garantir le volet « sécurité » du programme d'action gouvernementale pour la société de l'information.
Un décret du 31 juillet dernier organise la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information, placée sous la responsabilité du secrétaire général de la défense nationale. Ses effectifs seront portés, en 2002, à 91 emplois, essentiellement des ingénieurs et des techniciens.
Cette direction développe son activité dans le domaine du conseil aux services de l'Etat, de l'audit de ses systèmes d'information, de la certification de produits de sécurité et enfin de la recherche en cryptologie.
Au titre du plan de développement des capacités techniques des services de l'Etat, le Premier ministre avait annoncé des mesures de renforcement des moyens à l'issue du comité interministériel pour la société de l'information du 19 janvier 1999. Le projet de budget pour 2002 traduit, en cohérence avec ces décisions, une nouvelle étape dans cette modernisation, avec l'inscription de 22,2 millions d'euros en autorisations de programme et de 6,25 millions d'euros en crédits de paiement, votre rapporteur en a relevé l'importance.
Au total, depuis 1997, le budget du secrétariat général de la défense nationale aura progressé de 63 %, cet effort donnant la mesure de l'ambition du Gouvernement en matière de défense nationale, à la fois dans sa dimension civile et dans celle qui est relative à l'adaptation aux nouvelles technologies de l'information. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le secrétariat général de la défense nationale et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 2 378 458 EUR. »