SEANCE DU 3 DECEMBRE 2001


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement : III. - Transports et sécurité routière : transports terrestres, routes et sécurité routière.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentée l'an dernier et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
La parole est à M. Oudin, rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les transports et l'intermodalité. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, toute économie moderne a besoin d'un réseau de transport développé, coordonné et efficace. Les réseaux de transport sont aux sociétés ce que le réseau de veines et d'artères sont au corps humain. En un mot, ils sont vitaux.
De ce fait, la demande de transport croît rapidement, souvent plus vite, d'ailleurs, que la richesse nationale.
L'ouverture des frontières, la mondialisation, la création de vastes espaces économiques, la motorisation de nos sociétés, l'évolution de nos systèmes productifs vers le « juste à temps » généralisé sont autant de facteurs qui entraînent une évolution croissante de la demande en matière de transports. Au cours des vingt prochaines années, cette demande ne faiblira pas, et les experts s'accordent sur cette évolution.
La France, de par sa position géographique au coeur de l'Europe, a un rôle essentiel à jouer dans la politique européenne du transport et dans l'aménagement des grandes liaisons transeuropéennes.
En outre, comme vous le savez, le secteur des transports est confronté à des contraintes très fortes.
Ce sont d'abord les contraintes environnementales : elles sont nécessaires, elles sont légitimes. Cela nous impose des obligations de concertation et d'aménagement. Bien sûr, cela a aussi un coût.
Précisément, le deuxième ordre de contraintes concerne les coûts. Les réseaux de transport coûtent cher et cela sera de plus en plus vrai. Le budget ne pourra pas tout payer. Il faudra donc trouver la ligne du juste partage entre le contribuable et l'usager. Il faudra déterminer les principes d'une juste tarification qui puisse être harmonisée au niveau européen.
Enfin, la contrainte européenne se traduit par l'ouverture de tous nos réseaux à la concurrence. De nombreux secteurs - transport maritime, transport routier, transport aérien - ont connu, à cet égard, de profonds bouleversements. Il reste maintenant à trouver des solutions adaptées pour cet ultime bastion que constitue le secteur du transport ferroviaire.
Dans quelle mesure le présent projet de budget répond-il aux enjeux auxquels nous sommes confrontés ?
Les moyens d'engagement demandés pour les transports terrestres et l'intermodalité en 2002 atteignent 8 milliards d'euros, soit une hausse de 2,8 % par rapport au budget de 2001, abondé par les crédits de l'ex-FITTVN, le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables. Les dépenses ordinaires s'élèvent à 7,3 milliards d'euros et les dépenses en capital à 513 millions d'euros.
J'en ai terminé avec les chiffres et j'en viens tout de suite à mes observations.
Tout d'abord, force est de constater, monsieur le ministre, que, malgré vos déclarations, l'effort de l'Etat en matière d'investissements ferroviaires accuse une diminution incompréhensible.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mais non !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Vous nous donnez vos chiffres, monsieur le ministre !
Le réseau ferré n'a représenté que 13 % des investissements en infrastructures en 2000. On est ainsi passé entre 1997 et 2000 de 23 milliards à 16 milliards de francs d'investissements par an, principalement en raison de la chute des financements sur ressources propres de la SNCF et de Réseau ferré de France.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'était la dette, à l'époque !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Vous êtes donc le ministre qui a sacrifié le rail et non celui qui l'a promu.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Personne ne vous croira !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. C'est ce que dit le rapport du Conseil supérieur du secteur public ferroviaire.
Dans le même temps, vous avez aussi sacrifié la route, comme la Cour des comptes le confirme et comme le simple examen des programmes futurs des sociétés d'autoroutes permet de le vérifier.
Quoi qu'il en soit, pour l'avenir, vous annoncez une relance de l'investissement ferroviaire. C'est bien. Les subventions publiques devraient en effet quadrupler d'ici à 2004. En 2004, les programmes d'investissement atteindraient plus de 5,7 milliards d'euros, soit 37 milliards de francs, rien que pour financer les programmes déjà approuvés : TGV-Est, contrats de plan Etat-région, etc.
Mais ce ne sont là que des prévisions, qui ne semblent pas se traduire par une amorce de concrétisation. Où sont, en effet, les crédits qui doivent financer ces programmes ?
Le projet de budget des transports terrestres pour 2002 ne comprend pas de subventions exceptionnelles pour faire face aux programmes d'investissement. Vous créez donc un établissement intermodal « alpin » financé par des dividendes de sociétés d'autoroutes alpines, lesquelles ne sont pas en mesure de verser des dividendes, et maintenant vous créez in extremis , d'ailleurs contre toute les règles de droit, un nouveau fonds « généraliste » dont on ne sait ni comment il fonctionnera, ni à quoi il servira, ni comment il sera financé sur longue période. Après-demain, vous nous proposerez peut-être un troisième fonds intermodal...
L'an dernier, vous évoquiez l'affectation du produit des licences UMTS : manifestement, elle n'est plus à l'ordre du jour ! Comme vous le savez, l'Allemagne, elle, a effectivement affecté une partie du produit des licences UMTS au développement de son réseau ferroviaire.
Chez nos amis allemands, notons-le au passage, le financement des transports a fait l'objet de débats approfondis : ce n'est malheureusement pas le cas chez nous !
Cela me conduit à ma première question. Le FITTVN a été supprimé en 2001. Or, actuellement, les nouveaux établissements publics ou fonds sont en cours de création. Ce nouveau mouvement de débudgétisation, après la rebudgétisation du FITTVN, va-t-il connaître de nouveaux développements ?
Il existe un établissement public chargé des infrastructures ferroviaires, Réseau ferré de France, RFF, auquel sont versées chaque année sur le budget de l'Etat des dotations en capital pour contenir la dette ferroviaire, dont le total s'élève, je le rappelle, à 258 milliards de francs. Mais il apparaît que RFF ne recevra pas, en 2001, les dotations qui étaient inscrites dans la loi de finances, soit 12 milliards de francs, les recettes du compte spécial du Trésor relatif aux privatisations étant insuffisantes cette année.
Ma deuxième question sera donc la suivante : pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, combien RFF recevra au titre des dotations en capital en 2002 et quel devrait être le montant réel versé en 2001 ?
J'en viens maintenant à la SNCF, qui renouera avec le déficit à la fin de cette année.
Je rappelle dans mon rapport écrit que, déficit ou pas, l'ensemble du secteur ferroviaire reçoit chaque année l'équivalent de 67 milliards de francs de soutien financier public.
Quant au fret ferroviaire, qui est officiellement une priorité, il recule de 8 %, bien que vous promettiez son doublement d'ici à 2010 : les réalités, au moins pour l'heure, sont vraiment éloignées des promesses.
Avec l'application des 35 heures, vous avez accru les charges de personnel de la SNCF, qui redeviennent à nouveau, cette année, supérieures à l'ensemble des recettes du trafic.
Au cours de sa réunion de la semaine dernière, le Conseil supérieur du secteur public ferroviaire a examiné et adopté un excellent rapport sur la situation financière dudit secteur, et c'est sur les chiffres qu'il contient que je me suis fondé. Voici donc ma troisième question : quelles conclusions tirez-vous, pour ce qui vous concerne, de ce rapport ?
Le dernier projet de réforme de la SNCF, « Cap-client », a été abandonné « en rase campagne », au printemps 2001.
D'où ma quatrième question : la réforme de la SNCF sera-t-elle reprise sur les mêmes bases que le projet « Cap client » ou sur de nouvelles orientations ? Dans ce dernier cas, lesquelles ?
Je relèverai ensuite la complexité des comptes de la régionalisation des transports de voyageurs, qui doit être mise en oeuvre au 1er janvier 2002.
Pour 2002, la dotation de l'Etat aux services régionaux de voyageurs s'élève à 1,5 milliard d'euros. Cette dotation doit couvrir le déficit d'exploitation constaté sur les trains express régionaux en 2000, la compensation pour tarifs sociaux et le renouvellement du matériel roulant. Les régions ne sont pas satisfaites - c'est le moins que l'on puisse dire ! - de cette compensation, tant il est vrai que ce secteur a été trop longtemps négligé. Il nécessite donc une remise à niveau.
Nous sommes à la veille de l'échéance du 1er janvier 2002 pour la signature des conventions de régionalisation des transports ferroviaires entre l'Etat et les régions. Les régions contestent les montants des compensations financières envisagées. Ma cinquième question est donc la suivante : quelle sera la position de l'Etat si les régions refusent de signer ces conventions ?
J'en viens maintenant aux transports en Ile-de-France pour dire simplement que, à mes yeux, la création du Syndicat des transports parisiens et de la région d'Ile-de-France, le STIF, est positive, notamment du fait de l'entrée de la région d'Ile-de-France dans cette structure. Les contrats signés entre la RATP, la SNCF Ile-de-France et le STIF vont dans le sens d'une meilleure responsabilisation.
Cependant, je note que la situation financière de la RATP est inquiétante puisque l'endettement net de l'entreprise représente 3,8 milliards d'euros en 2000, soit 7,2 fois sa capacité d'autofinancement : autant dire qu'elle ne peut plus faire grand-chose !
L'entreprise bénéficie aujourd'hui du fait que les investissements du XIIe plan ne sont encore qu'au stade des études, mais il est urgent de définir les moyens d'éviter une nouvelle dérive de comptes de la RATP.
Voici donc ma sixième question : quels investissements prévoyez-vous pour les années 2002-2006, concernant la RATP ? Je souhaiterais avoir un chiffre pour chaque année de cette période.
Je terminerai par le transport fluvial, qui est, à mon sens, réduit à la portion congrue.
La dotation prévue pour 2002, soit 80 millions d'euros, ne permet d'assurer qu'une simple maintenance, sans réhabilitation, sachant que le coût de celle-ci serait bien plus élevé. Les grands projets soit sont abandonnés, soit n'avancent pas. Ce n'est pas ainsi que nous pourrons développer ce secteur !
Septième et dernière question : pour les années 2002-2006, quels investissements l'Etat prévoit-il s'agissant de l'aménagement de la liaison fluviale Seine-Nord ?
En conclusion, je vous rappelle, monsieur le ministre, que la commission des finances a émis un avis défavorable sur l'ensemble des crédits de l'équipement, des transports et du logement, qui, du fait de la nomenclature budgétaire, ne font l'objet que d'un seul vote. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les routes et la sécurité routière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous présente les crédits du budget des routes et de la sécurité routière avant de faire le point sur le nouveau « jaune » budgétaire consacré à la sécurité routière, publié sur mon initiative l'an dernier, au nom de la commission des finances.
Pour 2002, les crédits consacrés aux routes et à la sécurité routière augmentent de 2,5 % en moyens d'engagement, avec une stabilité pour le développement routier et une revalorisation pour l'entretien routier. Les montants en crédits de paiement ne sont pas significatifs en raison de la réintégration des crédits du FITTVN, l'ancien compte spécial du Trésor en 2001. De fait, une forte proportion de ces crédits sera reportée sur 2002.
J'en viens à mes principales observations, qui commencent par un constat : les crédits pour l'investissement routier sont en diminution depuis de nombreuses années.
Ce constat est partagé tant par le ministère chargé des transports que par la Cour des comptes. Selon elle, les dépenses du secteur routier ont diminué de plus de 14 % sur la période 1996-2000. Seule la hausse des investissements des collectivités locales permet de limiter la réduction des programmes d'investissements.
Je rappelle qu'après la mise en oeuvre du XIe Plan, le Gouvernement a décidé d'affecter 5,1 milliards d'euros aux volets routiers du XIIe Plan. Mais les contrats de plan prennent du retard puisque leur taux d'avancement n'atteindra que 38,3 % à la fin de 2002 au lieu des 42,8 % prévus. S'il faut bien constater une chute des investissements routiers ces dernières années, je me félicite, monsieur le ministre, de la revalorisation des crédits d'entretien routier. Ces crédits avaient également été fortement sacrifiés pendant des années - la Cour des comptes l'avait dénoncé - et on constate heureusement pour 2002 une revalorisation des moyens d'engagement qui permettra un renforcement de l'entretien préventif et, surtout, la réhabilitation de certains ouvrages d'art. Il faut bien sûr aller plus loin, mais la direction est positive. A ce sujet, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous exposiez les opérations en cours et à venir relatives à la mise en sécurité des tunnels routiers.
Enfin, toujours sur cette question de l'entretien, je souhaite que des personnels suffisants soient affectés à l'exploitation de la route. J'aimerais donc qu'un tableau de suivi, actualisé pour 2002, soit disponible.
Je poursuis mes observations en vous rappelant la révolution créée par les schémas de service et ses conséquences.
Le schéma directeur routier national de 1992, réalisé à 81,6 % au début de l'année 2001, sera prochainement abandonné, sa fonction étant reprise par les schémas de services voyageurs et marchandises approuvés le 9 juillet 2001.
Monsieur le ministre, vous expliquez que, désormais, il y a non plus un programme routier ou autoroutier, mais une approche « intermodale ». Si la construction de certaines liaisons autoroutières est projetée, les modalités financières ne sont pas précisées, en raison de l'abandon du mécanisme de l'adossement.
Il serait pourtant nécessaire que les parlementaires soient clairement informés des moyens que vous entendez accorder pour l'avenir au développement autoroutier. Vous aviez indiqué que les dividendes des sociétés d'autoroutes financeraient les nouvelles liaisons, mais ils doivent aussi financer le réseau ferroviaire.
Je souhaite donc avoir des précisions sur les liaisons autoroutières que vous envisagez de lancer, à partir de 2003, dans le cadre des schémas de service.
Je relève ensuite que vous annoncez vouloir financer le rail par la route.
La situation des sociétés concessionnaires d'autoroutes s'améliore, en effet, en raison de l'allongement des concessions. Leur endettement total devrait atteindre en 2003 un montant maximum d'environ 22,4 milliards d'euros, puis se résorber rapidement. Dans ces conditions, l'Etat peut espérer dégager des bénéfices importants.
De fait, dès cette année, et surtout en 2002, le secteur routier sera appelé à financer le budget général de l'Etat et, éventuellement, le développement des infrastructures ferroviaires.
Vous avez ainsi proposé au Parlement de créer un établissement public dit « multimodal alpin », dont les ressources seraient constituées par les dividendes de ses participations dans trois sociétés concessionnaires d'autoroutes et, le cas échéant, par des subventions et recettes diverses.
Il faut relever l'ouverture du capital d'Autoroutes du Sud de la France, ASF. Mme la secrétaire d'Etat au budget nous a indiqué en séance publique que, si l'ouverture du capital rapportait plus que les dix milliards de francs prévus, le surplus irait au fonds pour l'intermodalité.
A ce sujet, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer en quoi consisterait ce fonds intermodal ? Comment fonctionnerait-il ? Serait-il amené à remplacer le FITTVN, supprimé l'an dernier ?
Je voudrais également des précisions sur l'avancement des contrats de plan entre l'Etat et les sociétés d'autoroutes et sur l'application de la TVA aux péages autoroutiers. Les contrats de plan doivent être conclus prochainement pour ne pas laisser subsister des incertitudes sur l'ouverture du capital d'ASF, les investissements routiers et les péages.
J'en viens aux dotations affectées à la sécurité routière.
En application de l'article 96 de la loi de finances pour 2001, adopté sur l'initiative de notre commission, le Gouvernement est désormais tenu de présenter chaque année un rapport relatif à l'ensemble des moyens alloués par l'Etat à la lutte contre l'insécurité routière.
Pour 2002, les crédits consacrés à la sécurité routière par l'Etat sont estimés à 1,5 milliard d'euros, en hausse de 4,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001.
La nouvelle présentation des crédits de la sécurité routière est de nature à développer l'efficacité de cette politique qui doit être interministérielle.
Le « jaune » budgétaire relatif à la sécurité routière comporte, comme nous l'avions souhaité, des indicateurs de résultat sur la politique de sécurité routière.
L'année 1998 a été caractérisée par de mauvais résultats, mais, depuis, le nombre de tués sur les routes a diminué de 4,8 % en 1999 et de 5,5 % en 2000. Cette amélioration coïncide avec la mise en oeuvre des nouvelles mesures de prévention et de sanction.
La tendance, plutôt favorable en 2000, semble s'être poursuivie sur les six premiers mois de l'année 2001. Cependant, ces résultats restent fragiles et je pense que l'action interministérielle en faveur de la sécurité routière pourrait être plus efficace si elle prenait mieux en compte les nombreux acteurs de la prévention routière.
Ainsi, les collectivités territoriales sont des acteurs privilégiés pour l'amélioration de la sécurité routière. Par exemple, les contrats de plan Etat-région signés en 2000 comportent pour chaque région un volet sécurité d'un montant total de 305 millions d'euros. Un suivi permanent de la coopération avec les collectivités locales sur le thème de la sécurité routière serait nécessaire et le nouveau Conseil national de la sécurité routière pourrait être l'instrument de ce suivi.
Par ailleurs, je rappelle que les sociétés concessionnaires d'autoroutes développent d'importantes actions en faveur de la sécurité routière puisqu'elles sont évaluées à 423,2 millions d'euros pour 2002.
Compte tenu des moyens mis en oeuvre, je souhaiterais, monsieur le ministre, savoir s'il serait possible, dans les prochains contrats de plan qui seront signés avec les sociétés d'autoroutes pour plusieurs années, d'identifier clairement les moyens consacrés à la sécurité routière et de les revaloriser.
La commission des finances a donné un avis défavorable sur l'ensemble des crédits de l'équipement, des transports et du logement, qui, du fait de la nomenclature budgétaire, ne font l'objet que d'un seul vote.
Mais à titre personnel, monsieur le ministre, je voterai le budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Eric Doligé. Il en faut un !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Messieurs les rapporteurs spéciaux, je vais, avant de répondre à vos questions, revenir en quelques mots sur le budget du ministère des transports. Il est en augmentation, cette année, de 6,8 % en moyens de paiement et de 2,6 % en moyens d'engagement. Encore faut-il y ajouter la dotation à Réseau ferré de France pour une année supplémentaire et les 150 millions d'euros de dividendes des sociétés d'autoroutes, ayant pour vocation de contribuer au financement de la politique intermodale, et qui sont désormais inscrits en loi de finances rectificative, ainsi que 760 millions d'euros provenant de l'ouverture du capital d'ASF et qui viendront alimenter un fonds intermodal.
Deux priorités principales s'expriment dans ce budget : le développement équilibré de tous les modes de transport et la sécurité.
Monsieur Oudin, vous avez cité quelques chiffres. Sans polémiquer, je tiens à les mettre en perspective. En 2000, dites-vous, les investissements ferroviaires ont été à un point bas, mais vous oubliez de rappeler que cela correspond à la fin des contrats de plan que vous avez signés. A l'inverse, les contrats de plan actuels consacrent une multiplication par huit des montants des projets par rapport aux précédents contrats. De plus, entre 1997 et 2002, les crédits d'investissements ferroviaires ont doublé.
La dette, dites-vous, est à un point haut en 2001, mais, à peu de chose près, elle est ce niveau depuis 1998, alors qu'elle avait augmenté de presque 50 % entre 1993 et 1997.
L'Etat a apporté à RFF, sous forme de dotations en capital, un montant total de 5,6 milliards d'euros sur la période 1999-2001 et continuera à apporter 1,83 milliard d'euros en 2002.
La conjoncture dans le domaine du transport aérien a conduit le Gouvernement à choisir de reporter l'ouverture du capital de la SNECMA, qui devait fournir les recettes nécessaires pour boucler le financement des 1,83 million d'euros que l'Etat versera à RFF au titre de l'exercice 2001.
La SNCF, dites-vous, enregistrera l'année prochaine un déficit de 160 millions d'euros. C'est possible mais, en 1996, ce déficit s'élevait à 2,4 milliards d'euros, alors que le trafic était en baisse continue, sans perspective de développement. Aujourd'hui, celui-ci, notamment le trafic voyageurs, connaît une hausse telle que des investissements importants en matériels sont nécessaires.
Vous avez parlé des grèves, mais pensez-vous pouvoir donner des leçons en la matière, vous qui n'avez pas su éviter la grève de 1995, expression de la crainte des cheminots devant la stratégie de déclin ?
Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Oudin, l'avis du Conseil supérieur du service public ferroviaire, adopté par treize de ses trente-sept membres et repoussé par les élus de droite, est contrasté. Vous vous en êtes servi, vous avez dit que c'était un bon avis.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. J'ai dit que le rapport était bon et je vous ai demandé ce que vous en pensiez !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Les élus de droite l'ont repoussé, comme il en ont le droit, cela ne fait aucun doute.
Ce rapport contrasté, je le répète, et bon selon vous, relève les changements importants introduits par la « réforme de la réforme » engagée par le Gouvernement depuis 1998. Il souligne qu'elle a mis fin à une logique de déclin et a engagé une logique de développement, une politique de l'emploi, avec notamment l'embauche de 26 000 cheminots sous statut entre 1999 et 2001, des aides accrues de l'Etat au désendettement, un engagement clair sur l'unicité du système ferroviaire.
J'en viens à la question du désendettement. Convenons-en ensemble, la dette du système ferroviaire est un héritage du passé. « Avant, l'Etat payait. », dit-on. En fait l'Etat ne payait rien ! C'était en aggravant la dette de la SNCF qu'on finançait des réalisations. Voilà la vérité ! Et la SNCF a failli mourir de cette politique passée !
Sur cette question du désendettement - question majeure, en effet, vous avez raison de le souligner - l'avis du Conseil supérieur du service public ferroviaire précise que la dette est quasiment stabilisée depuis 1998 - cela figure en toutes lettres dans le texte - après des années d'accroissement important, mais qu'elle s'élève encore à 200 milliards de francs.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Le problème, c'est qu'on doit la rembourser !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'en sais quelque chose et je pense qu'il faut contribuer à sa résorption massive : 200 milliards de francs, hors service annexe d'amortissement de la dette. Quand vous parlez de 258 milliards de francs, vous cumulez la dette de Réseau ferré de France, la dette de la SNCF et la dette du service annexe.
Je peux vous assurer, monsieur Oudin, que je m'opposerai avec force à toute solution susceptible de conduire à une privatisation partielle ou totale de la SNCF et de RFF et que je partage l'avis du Conseil supérieur du service public ferroviaire selon lequel un désendettement massif du système public ferroviaire est nécessaire.
J'en viens au budget lui-même. Afin d'accompagner cette politique de développement équilibré des transports, les crédits d'engagement en matière d'investissement ferroviaire augmenteront de 20 % cette année au profit des dotations pour le TGV-Est européen et pour la réalisation des contrats de plan.
Au-delà, il nous fallait trouver des moyens importants pour financer le programme ferroviaire concernant l'acheminement aussi bien des marchandises que des voyageurs. Cet effort, engagé déjà depuis 1997, s'est traduit non seulement par le doublement sur cinq ans de l'enveloppe pour le ferroviaire, mais aussi par la mise en place prochaine d'un fonds de développement de l'intermodalité, que vous avez évoqué, messieurs les rapporteurs spéciaux.
Ce fonds, créé et géré par un nouvel établissement public spécialisé, sera financé à partir d'une part significative du produit de l'ouverture du capital d'Autouroute du sud de la France, à hauteur de 760 millions d'euros. Il contribuera notamment au financement de grands projets ferroviaires, passagers ou fret, comme la ligne Perpignan - Figueras, les contournements de Nîmes et de Montpellier, le TGV Lyon Satolas - liaison alpine, ou encore le TGV Rhin - Rhône.
Puisque vous avez posé la question en ces termes, monsieur Oudin, je précise que ce fonds ne viendra pas remplacer le FITTVN. En effet, les crédits du compte d'affectation spéciale ont été intégralement budgétisés et j'ai obtenu que les dotations ainsi budgétisées, augmentent au minimum de l'évolution des recettes qui relevaient initialement du FITTVN. En fait, ce fonds viendra s'ajouter aux anciennes ressources du FITTVN pour soutenir, dès 2002, la politique intermodale des transports.
Puisque M. Oudin a évoqué le sujet, je traiterai maintenant de la décentralisation à l'ensemble des régions des services ferroviaires régionaux de voyageurs. Je me suis attaché à mettre en place les moyens de cette grande réforme prévue par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Avec 1,5 milliard d'euros, les dotations versées aux régions pour assurer cette nouvelle compétence augmentent de plus de 30 %. Elles intègrent en particulier une contribution nouvelle de plus de 205 millions d'euros pour la modernisation du matériel roulant.
Au début du mois de juillet, j'ai reçu une délégation des présidents des régions de France qui m'avaient interrogé sur la dotation de régionalisation. Il en résulte une augmentation de 50 % de la dotation pour le matériel roulant, que ces représentants trouvaient trop basse.
Je rappelle que le montant total que l'Etat consacrera aux TER sera, en 2002, en augmentation de 30 % par rapport à 2001 et en hausse de 70 % par rapport à ce qu'il était lors du dernier exercice du précédent gouvernement, en 1997.
Le décret d'application relatif aux services ferroviaires régionaux est paru la semaine passée, après avoir reçu l'avis favorable du Conseil d'Etat. Par ailleurs, les arrêtés fixant les montants des dotations par région sont en cours de communication aux régions.
Il est désormais indispensable que les régions et la SNCF concluent au plus vite les conventions pour que le service régional se déroule dans les meilleures conditions dès le début de l'année 2002. Si tel n'était pas le cas, la décentralisation aurait quand même lieu en dehors de toute convention. Mais je ne doute pas que l'absence de convention sera très transitoire, dans l'intérêt de toutes les parties.
S'agissant de la suspension du projet Cap client, je peux vous informer, mesdames, messieurs les sénateurs, que le président de la SNCF a récemment organisé un débat sur la production à l'intérieur de l'entreprise et qu'il a retenu l'idée de créer la fonction de directeur des opérations, qui lui sera directement rattaché. Cela permettra de renforcer l'efficacité de l'entreprise dans le domaine des transports de marchandises sans remettre en cause le caractère intégré de l'entreprise publique.
S'agissant de la RATP, le total de ses investissements pour la période 2002-2006 sera en augmentation de 715 millions d'euros en 2002 et de plus de 1 milliard d'euros en 2006, soit une progression prévisible de l'ordre de 40 % en cinq ans. Cette hausse résulte de deux facteurs essentiels. Il s'agit, d'abord, de la montée en puissance des dépenses d'infrastructures nouvelles inscrites dans le contrat de plan Etat-régions. Il s'agit ensuite du paiement des nouveaux matériels roulants dont la livraison permet de renouveler le matériel ancien et d'améliorer la qualité du service.
Je voudrais maintenant traiter de la sécurité dans les transports terrestres.
M. Miquel a évoqué la sécurité routière. A cet égard, force est de constater que si les progrès continus enregistrés depuis 1997 sont fragiles, ils peuvent être à tout moment remis en cause, comme le montrent les chiffres enregistrés en septembre dernier. Heureusement, ces progrès sont confirmés en octobre.
A la fin du mois d'octobre, et sur une période de douze mois, près d'un millier de vies ont été épargnées par rapport à la même période de 1998.
Pour poursuivre cet effort en 2002, la sécurité routière disposera d'un budget en augmentation de 8,3 %, soit près de 100 millions d'euros en moyens d'engagement. Il faut ajouter que l'année 2002 verra l'embauche, pour la deuxième année consécutive, de soixante-dix-sept nouveaux inspecteurs et délégués du permis de conduire.
Je présenterai maintenant quelques remarques à propos du « jaune » budgétaire.
Il est effectivement indispensable que les parlementaires puissent disposer d'une vision plus large de l'action de l'Etat contre l'insécurité routière, une vision qui ne se limite pas au seul budget de la DSCR, la délégation à la sécurité routière de mon ministère.
Ainsi, ce sont bien 10 milliards de francs - 1,5 milliard d'euros - qui y sont consacrés, avec un périmètre qui devra être encore précise pour bien tenir compte de l'ensemble des ministères concernés après ce premier exercice.
Monsieur Miquel, j'ai bien entendu votre souhait quant au suivi des réalisations. Je suis tout à fait favorable au fait de tenir la représentation parlementaire informée régulièrement de la situation et de voir comment on peut agir de manière interactive pour favoriser ce combat.
Pour ce qui est des bilans, on peut effectivement noter une baisse très soutenue entre 1998 et l'été 2001, une baisse moins prononcée depuis cette date et une hausse inquiétante en septembre, à laquelle j'ai immédiatement réagi.
Effectivement, le partenariat entre tous les acteurs de la sécurité routière - professionnels, associations, collectivités locales et services de l'Etat - est et doit être plus encore au coeur de la politique mise en oeuvre depuis 1997.
Je citerai les programmes Label Vie, qui permettent de subventionner les projets réalisés par des jeunes, premières victimes de l'insécurité routière, ou la grande cause nationale 2000 retenue par le Gouvernement.
Mais la sécurité passe aussi par l'évolution des infrastructures. Après la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, le diagnostic des trente-neuf tunnels de plus de un kilomètre de long a été réalisé sous l'égide d'un comité d'évaluation, pour assurer la sécurité là où cela s'est avéré nécessaire.
Dans le même temps, la réglementation applicable à l'ensemble des tunnels a été entièrement revue pour prendre en compte les recommandations du député Christian Kert.
Aujourd'hui, dans la grande majorité des tunnels, des études ou des travaux sont en cours. Les travaux engagés concernent de nombreux ouvrages dont mes services pourront vous fournir la liste. Pour l'année 2002, les besoins sont estimés, sur le réseau non concédé, à 27 millions d'euros pour la poursuite des opérations déjà engagées en 2000 et 2001, et, sur le réseau concédé, hors tunnel du Mont-Blanc, à 53 millions d'euros.
Sur le même sujet, vous avez évoqué, monsieur Miquel, les contrats de plan entre l'Etat et les sociétés autoroutières. Je peux vous confirmer que la sécurité routière fait bien partie des problématiques traitées par ces contrats. Leur négociation est en cours. Ils devraient être signés avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes avant la fin du premier trimestre de l'année 2002.
Ces contrats prévoiront aussi de nouveaux investissements. Ainsi, sur les 3 000 kilomètres d'autoroutes prévus dans le cadre des schémas de services de transports, près de 1 000 kilomètres seront financés par les concessionnaires actuels sans contribution publique.
Par ailleurs, 370 kilomètres d'autoroutes déjà lancés et non concédés sont actuellement en cours de programmation dans le cadre des contrats de plan - par exemple, l'A 84 Caen-Rennes - ou des grands programmes d'aménagement du territoire financés par l'Etat seul -, par exemple, l'A 75 entre Clermont-Ferrand et Béziers, hors viaduc de Millau.
Enfin, les schémas identifient 1 600 kilomètres de liaisons nouvelles. Les nouvelles concessions correspondant à ces liaisons nouvelles seront lancées au fur et à mesure de la disponibilité des dossiers et après appel d'offres. Deux concessions signées cette année permettront un lancement des travaux en 2002 : l'A 28 Rouen-Alençon...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Depuis le temps !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous l'avez tous rêvé, je l'ai fait ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Avec l'argent des contribuables !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Pas seulement avec l'argent des contribuables, puisque c'est en concession !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Si on l'avait fait plus tôt, cela aurait coûté moins cher.
M. Gérard Larcher. Cela a coûté plus cher !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Selon vous, monsieur le ministre, les collectivités locales ne paient plus rien ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Si ! Elles paient leur part à 50/50.
M. Gérard Larcher. Elles paient énormément !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous connaissez la formule aussi bien que moi, monsieur Lambert !
Une autre concession signée cette année permettra le lancement des travaux en 2002 du viaduc de Millau pour lequel les collectivités locales ne paieront rien.
M. Eric Doligé. L'Etat non plus !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Absolument !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Deux poids, deux mesures !
M. Gérard Larcher. C'est la parité !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. L'Etat ne paiera pas lui non plus, parce qu'il s'agit d'une concession, contrairement à ce que certains de vos amis voulaient. Mais je ne vais pas faire la mauvaise langue !
Il ne m'est pas possible de préjuger les nouvel-les concessions qui pourront aboutir en 2002 et les années suivantes. Cependant, un certain nombre de projets sont en cours d'étude. Le plus avancé est probablement l'A 19 Courtenay-Arthenay. Je peux aussi citer l'A 41 Genève-Annnecy, l'A 150 Croix Marc-Barentin, qui bouclera la liaison Rouen-Le Havre, ou encore Langon-Pau, l'A 89 Balbigny-Lyon, le contournement ouest de Lyon et l'A 45.
S'agissant enfin de l'application de la TVA aux péages autoroutiers, celle-ci est entrée dans les faits depuis le 1er janvier 2001, cette disposition ayant été votée dans la loi de finances rectificative pour 2000.
Voilà, messieurs les rapporteurs, les premier éléments de réponse que je pouvais apporter à vos interrogations. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly, rapporteur pour avis.
M. Bernard Joly, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour les transports terrestres. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits qu'il nous est proposé de consacrer au système ferroviaire et aux autres transports collectifs terrestres s'élèvent à 7,6 milliards d'euros en 2002 contre 6,9 milliards d'euros en 2001, soit une hausse appréciable de 9,7 %. Ils représentent à peu près 80 % du budget global des transports.
Le trafic ferroviaire de voyageurs évolue de manière encourageante, en grande partie du fait des bons chiffres du trafic des TGV, qui ont été en augmentation de 7,4 % en 2000.
Le TGV que l'on appelait Méditerranée et qui est actuellement qualifié de Sud-Est paraît être un succès. Nous nous en félicitons. Ce sont, au total, 130 TGV par jour qui relient l'Europe du Nord et le sud de la France. Ils devraient, à terme, générer 23 millions de voyageurs, soit 5 millions à 6 millions de voyageurs supplémentaires.
La SNCF fait observer que, depuis l'ouverture de la ligne, le 10 juin 2001, le trafic global sur l'ensemble de l'axe Méditerranée est en hausse de 40 % par rapport à la même période de l'année 2000.
Si l'année 2000 s'est traduite par une progression de 6,2 % du trafic de marchandises, les premiers résultats de l'année 2001 font état d'une inquiétante baisse - 5,1 % au premier trimestre - par rapport à la même période de l'année précédente.
On sait que le ministre chargé des transports s'est fixé pour priorité le doublement du fret ferroviaire sur la période 2000-2010. Cet objectif, inscrit au schéma de services collectifs de transport de marchandises, est-il d'ores et déjà hors d'atteinte, monsieur le ministre ? Je me permets de poser la question.
Quelle est par ailleurs la situation du transport combiné ? Après un trafic de 13,9 milliards de tonnes/kilomètre en 1997, le transport combiné rail-route a connu un recul en 1998 et en 1999. L'année 2000 s'est caractérisée par une certaine reprise.
Mais le premier trimestre de l'année 2001 s'est traduit par de très mauvais résultats : une baisse de 12 % par rapport au premier trimestre 2000.
Ces mauvais résultats ont d'ailleurs moins affecté le trafic national que le trafic international.
Le transport combiné a représenté, en 2000, 25 % du trafic de fret ferroviaire, contre 15 % en 1990. Aujourd'hui, il paraît être retombé entre 12 % et 15 %. C'est inquiétant.
De l'aveu de la SNCF, la qualité du service de transport combiné reste très insuffisante : 20 % à 25 % des trains sont en retard par rapport à l'heure limite de remise dans les terminaux.
Je traiterai maintenant d'un sujet qui me tient particulièrement à coeur : l'électrification de la ligne internationale Paris-Bâle.
Lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, le 30 octobre 2001, vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que le « chiffrage » des investissements nécessaires serait fixé à la fin de l'année 2002.
Je me suis, quant à moi, posé la question suivante : pourquoi ne pas substituer des motrices diesel plus performantes à l'actuel matériel roulant dans l'attente de la mise en service du TGV Rhin-Rhône en 2015 ?
J'en viens à la situation économique et financière de la SNCF.
On le sait, le « retour à l'équilibre » de l'entreprise, obtenu en 2000, fruit d'incontestables efforts de gestion que nous avions salués comme ils le méritaient, aura été, hélas ! de courte durée. Pour 2001, la SNCF devrait enregistrer un déficit de 162 millions d'euros, soit 1,062 milliard de francs.
Au 31 décembre 2000, l'endettement net de la SNCF s'élevait, quant à lui, à 6,3 milliards d'euros, tandis que la dette du service annexe d'amortissement se montait à 8,9 milliards d'euros, ce qui représente un endettement total de 15,314 milliards d'euros, soit 100,4 milliards de francs !
On sait que la loi portant création de Réseau ferré de France a conduit, en 1997, le groupe à céder 20 milliards d'euros de dette, soit environ 131 milliards de francs, en contrepartie du transfert des immobilisations d'infrastructure.
Au 31 décembre 2000, la dette à long terme de RFF s'établissait à 168,9 milliards de francs.
La dette globale de la SNCF et de RFF, ainsi que cela a déjà été dit par la commission des finances, atteindrait donc quelque 270 milliards de francs !
On reste un peu « confondu » par ces chiffres et on peut légitimement s'interroger sur la capacité d'investissement du système ferroviaire à l'heure où l'Etat se désengage et où le ferroviaire reste plus que jamais à l'ordre du jour des programmes européens !
J'en viens à la délinquance.
On a enregistré, en 2000, une inquiétante augmentation des atteintes contre les voyageurs en province - 25,8 % - essentiellement dans les zones les plus urbanisées, et une hausse substantielle en Ile-de-France - 13,1 %. Les atteintes contre les agents ont été en forte progression en province, de 21,3 %.
Les vols simples commis au préjudice des voyageurs ont augmenté en Ile-de-France de 20,3 % alors que les vols commis au préjudice de la SNCF ont, eux aussi, augmenté en Ile-de-France, de 10,3 %.
Au total, 34 881 actes délictueux ont été constatés en 2000, dont 18 024 pour l'Ile-de-France et 16 857 pour la province.
Un certain nombre de mesures ont été prises que je détaille dans mon rapport écrit.
Ces mesures seront-elles suffisantes ?
Certainement pas. C'est un effort financier, juridique et humain d'une autre ampleur qui devra être consenti dans les gares et les trains pour contenir ce fléau que constitue la petite et moyenne délinquance, et qui ne concerne pas, hélas ! que les emprises ferroviaires. Lors de son audition devant la commission des affaires économiques, le ministre chargé des transports s'est déclaré intéressé par une idée émise par votre rapporteur : pourquoi ne pas disposer, dans des endroits appropriés, des gares ferroviaires, voire des trains, des appareils d'enregistrement qui permettraient de faciliter l'identification des délinquants et, partant, de présenter, peut-être, un caractère dissuasif à terme ?
En conclusion, le projet de budget pour 2002 des transports terrestres est plutôt bon pour le système ferroviaire, mais la « fuite en avant » de la dette donne quelque peu le « vertige ».
D'abord, ce budget ne fournit aucun signe d'une réflexion sur le traitement en profondeur d'un problème structurel qu'il conviendrait de prendre « à bras le corps ». L'Etat, c'est-à-dire le contribuable, sera sans doute mis, une fois de plus, à contribution pour l'apurement partiel de cette dette. Mais qui financera les investissements futurs, notamment la poursuite du programme de lignes à grandes vitesse ? Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques indications sur le sujet ?
Ensuite, la multiplication des actes de violence dans les trains et l'effet dissuasif qu'elle génère ne peut qu'aboutir à une situation en totale contradiction avec les ambitions gouvernementales tendant à reporter sur le transport collectif une part importante du transport des voyageurs, qui préfèrent aujourd'hui le mode de locomotion individuel et... la sécurité !
Face à cette contradiction, j'attends de savoir si le Gouvernement a « conceptualisé » une politique ou s'il se contente de réactions au coup par coup.
La SNCF fait son possible en matière de sûreté. Elle fait cependant observer, et elle a raison, que son métier est le transport de voyageurs ou de marchandises et que c'est l'Etat qui, en principe, est chargé de la sécurité des citoyens.
Pourriez-vous également, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur cette question ?
Enfin - j'ai évoqué cette question dans mon exposé - les incertitudes relatives à la possibilité, pour la SNCF, de reconquérir une part significative du fret posent le problème de l'objectif de doublement de ce marché à l'horizon 2010.
Au fait, monsieur le ministre, qu'en est-il de la réforme de la réforme ?
En conclusion, la commission des affaires économiques a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés aux transports terrestres. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gruillot, rapporteur pour avis.
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les routes et les voies navigables. Monsieur le ministre, depuis quelques années déjà, j'ai l'honneur de rapporter devant vous l'avis de la commission des affaires économiques du Sénat sur une partie de votre projet de budget, celle qui concerne les routes et les voies navigables.
Vous savez que notre commission s'intéresse de très près à toutes les politiques de transport. Elle a d'ailleurs été, dans un passé récent, à l'origine d'un certain nombre d'initiatives heureuses dans ce domaine. Les transports de voyageurs ou de marchandises conditionnent, en effet, dans une très large part la réussite ou l'échec des politiques de développement économique, donc des politiques de l'emploi, et par là même la future qualité de vie de nos concitoyens, objectif essentiel des élus que nous sommes.
Dans l'Europe que nous construisons, la France a la chance d'avoir une situation géographique très privilégiée en matière de transports.
Elle a une façade ouest qui est largement ouverte sur l'océan Atlantique, avec des ports mieux placés que la majorité des autres grands ports européens.
Elle a une façade sud, avec Marseille, face à une Afrique du Nord en pleine évolution démographique, qui constituera rapidement un très grand marché de consommation.
Elle est un carrefour de toutes les voies routières, ferrées ou fluviales qui relient les pays les plus puissants d'Europe occidentale.
Elle dispose, de surcroît, de plates-formes aéroportuaires qui sont plus faciles à développer qu'ailleurs en Europe, face au nouveau monde.
Tout nous incite, ou devrait nous inciter, en France, à conduire une politique très volontariste dans la mise en place des grandes infrastructures de transport. C'est la chance de la France, mais c'est aussi son avenir qui se joue là.
Malheureusement, faute de moyens peut-être, mais plus encore, selon moi, d'une véritable volonté politique et de lucidité, nous avons l'impression de tourner en rond.
Le discours convenu, politico-écologiste, oppose les divers moyens de transport, alors qu'ils sont, tous, complémentaires et ont, qui plus est, besoin les uns des autres pour se développer harmonieusement et intelligemment.
Le rôle du pouvoir politique est bien d'apporter l'harmonie et l'intelligence et, à travers vous, monsieur le ministre, c'est cela que la commission des affaires économiques du Sénat attend du Gouvernement. Depuis des années, elle vous adresse le même message par ma voix. N'ayant toujours pas trouvé de réponses crédibles dans votre projet de budget sur les routes et les voies navigables, elle a émis un avis défavorable à leur adoption.
Il est vrai que votre politique est alignée sur la politique européenne en ce domaine. Ce ne serait pas illogique si celle-ci était efficace. On peut la résumer ainsi : désengorger les autoroutes en reportant, chaque fois que c'est possible, le trafic sur fer, moins consommateur d'énergie, moins dangereux et moins polluant, et, mieux, sur la voie d'eau, quand elle existe, plus économe encore dans tous les domaines.
Malheureusement, les résultats ne sont pas là, comme le décrit très bien un récent article de L'Expansion intitulé : « Europe, terre de bouchons ».
On y lit, entre autres : « l'Europe des transports souffre de thrombose et ne se soigne pas. Lentement, le fret ferroviaire perd du terrain ; sûrement, le transport routier gagne des parts du marché, quand tout le contraire est souhaité ».
Cet article met en exergue trois chiffres très éloquents : dix, dix-huit et six cents.
Dix, ce sont les hectares qui sont recouverts chaque jour par de nouvelles routes en Europe.
Dix-huit kilomètres à l'heure, c'est la vitesse moyenne d'un wagon de marchandises en Europe, inférieure à celle d'un brise-glace dans la Baltique.
Six cents, ce sont les kilomètres de voies ferrées qui ont été fermés alors que 1 200 kilomètres d'autoroutes ont été inaugurés chaque année en Europe depuis trente ans !
Ces chiffres, très frappants, ne sont pas inventés.
Ils sont extraits du Livre blanc intitulé La Politique européenne des transports à l'horizon 2010 : l'heure des choix, rédigé par la Commission européenne elle-même.
Une politique se lit, nous le savons tous, essentiellement à travers les budgets. Or, que nous proposez-vous pour 2002 concernant les routes et les voies navigables ?
Je souhaite faire une remarque sur les bleus budgétaires. D'année en année, ils sont de plus en plus difficiles à déchiffrer. S'agissant du projet de budget pour 2002, l'arrivée de l'euro augmente encore la confusion.
M. Jean-laude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. La monnaie unique, ce n'est pas moi ! (Sourires.)
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. Avez-vous conscience, monsieur le ministre, que nous ne sommes pas tous inspecteurs des finances ? A moins qu'il ne s'agisse d'une volonté délibérée d'entretenir un certain flou, mais je ne le crois pas.
Que trouve-t-on dans le budget des routes, dont nous avons suffisamment parlé cet après-midi ?
Les moyens d'engagement affectés aux routes progressent globalement de 2,5 %. Les crédits d'entretien et de maintenance enregistreront une hausse de 3,34 %.
Les crédits d'investissement sur la voirie nationale augmentent.
En 2002, les capacités d'engagement dédiés à la lutte contre l'insécurité routière devraient atteindre près de 100 millions d'euros, représentant une augmentation de plus de 8 % par rapport à l'an passé. Dans ce domaine, nous continuons par conséquent à faire des progrès significatifs.
En cinq ans, le nombre d'accidents corporels a diminué de 3 %, celui des tués et des blessés de 5 %, alors que, dans le même temps, la circulation augmentait de 13 %.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Absolument !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. Il faut nous féliciter de ces progrès.
Comme chaque année, les enquêtes effectuées dans le cadre du programme REAGIR nous permettent de connaître avec précision les différents facteurs qui interviennent dans les accidents de la route. Ils sont, la plupart du temps, comportementaux : alcool, vitesse exagérée, drogue. Je n'insiste pas sur ces choses-là, on en parle suffisamment. En revanche, on parle beaucoup moins du facteur « conception de l'infrastructure », qui se retrouve dans 34 % des accidents, ou du facteur « entretien et exploitation de l'infrastructure, qui se retrouve dans 24 % des accidents. Ce n'est pas négligeable ! En matière de sécurité, il faut donc être extrêmement vigilant sur les dépenses liées aux infrastructures routières.
Malgré les hausses que j'ai évoquées, il convient toutefois de ne pas se faire trop d'illusions sur l'apparente progression du budget des routes. Et il convient d'évoquer deux phénomènes à ce propos.
Le premier concerne le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, évoqué par M. Jacques Oudin.
Monsieur le ministre, vous avez, l'année dernière, pris devant nous l'engagement que la disparition de ce fonds ne serait pas dommageable pour les budgets routiers.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui, je l'ai pris !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. Vous nous avez même indiqué qu'à ce sujet vous aviez reçu l'engagement de Bercy, et vraisemblablement du Premier ministre, que les dotations pour 2002 seraient au minimum équivalentes, voire plutôt augmentées. Or je constate que ce bel optimisme est apparemment battu en brèche et que le compte n'y est pas !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Si !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. En effet, le budget pour 2002 qui nous est proposé s'élève à 1,182 milliard d'euros alors que, d'après nos calculs, la réintégration promise aurait dû générer un montant supérieur à 1,354 milliard d'euros. Et je ne parle pas du reliquat 2000 du FITTVN de 609 millions d'euros réaffectés en totalité dans les comptes généraux de votre budget, mais que l'on ne retrouve pas, ou insuffisamment, en direction des routes. Les chiffres sont donc en baisse.
Je rappellerai, par ailleurs, que le budget pour 2001 accusait, par rapport à celui pour 2000, une baisse de 17,7 % des crédits routiers et, plus spécialement, une diminution de 38,1 % des moyens de paiement destinés au développement du réseau routier.
Il convient donc de relativiser les apparentes progressions des enveloppes routières pour 2002, surtout à l'heure où le Gouvernement présente comme un succès le fait d'avoir réduit de près de dix points la part relative des routes dans le volet financé par l'Etat dans les contrats de plan Etat-région de la nouvelle génération 2000-2006.
J'en viens aux voies navigables.
Globalement, l'enveloppe financière qui leur est consacrée est extrêmement modeste puisqu'elle s'élève à 84,1 millions d'euros en autorisations de programme et à 63,4 millions d'euros en crédits de paiement.
L'essentiel de ces crédits figurant au titre VI, soit 80,79 millions d'euros en autorisations de programme et 60,97 millions d'euros en crédits de paiement, est affecté à Voies navigables de France, qui a la lourde tâche de gérer le transport fluvial et d'exploiter, d'entretenir et de développer le réseau qui lui a été confié, à savoir 6 800 kilomètres sur les 8 500 kilomètres du réseau national.
Une grande partie de ce réseau est dans un état déplorable par manque d'entretien depuis de très nombreuses années. La remise en ordre de l'existant doit intervenir rapidement, mais elle nécessitera des crédits considérables. En reprenant le réseau, Voies navigables de France avait estimé que la somme nécessaire se situerait entre 7 milliards et 17 milliards de francs.
Je sais que vous êtes conscient, monsieur le ministre, de cet état de fait et de l'intérêt que présente pour la France l'augmentation du trafic fluvial, qu'il s'agisse du fret ou du tourisme fluvial. J'ai eu la confirmation de votre volonté en la matière en relisant vos propos du 18 janvier 1999 : « Notre premier grand axe d'orientation est de donner à la voie d'eau la place qu'elle mérite dans un réseau moderne d'infrastructure de transport.
« A cet égard, la première priorité est de fiabiliser le réseau existant pour renforcer l'efficacité du transport fluvial. L'objectif est connu : il s'agit de restaurer et de moderniser en une dizaine d'années le réseau où se concentre la majeure partie du trafic marchandises, constitué par les voies à grand gabarit et une partie du réseau à gabarit Freycinet. »
Mais, depuis 1999, votre volonté ne se concrétise pas. Sans moyens suffisants, Voies navigables de France ne peut réaliser ses objectifs de réhabilitation. Sur un certain linéaire de notre réseau Freycinet, les péniches ne peuvent plus circuler en charge par manque de profondeur, car depuis des décennies, les canaux n'ont été ni dragués ni curés.
Et que dire du réseau à grand gabarit, indispensable pour faire vivre nos ports ?
Le projet Seine-Est n'a pas été retenu dans les schémas de services multimodaux de transports de marchandises et de voyageurs. Est-ce définitif ? Personne ne peut le dire !
Le projet Seine-Nord, lui, a eu plus de chance : il est inscrit au schéma directeur transeuropéen des voies navigables.
Il s'agit de réaliser le « chaînon manquant » entre le bassin économique de l'Ile-de-France et celui du Nord-Pas-de-Calais et, au-delà, de l'Europe du Nord, enjeu capital pour notre pays. Nous savons que la décision politique ne pose plus de problèmes, sauf peut-être sur certains détails de tracé, mais nous n'en sommes encore qu'au stade des études, alors qu'il y a urgence, toutes les voies entre le Nord et Paris étant à la limite extrême de saturation.
Et la liaison Rhin-Rhône, ose-t-on en parler ? Officiellement abandonnée pour des raisons en réalité peu avouables, vous le savez, nombreux sont ceux aujourd'hui, de tous bords politiques, qui s'interrogent sur le bien-fondé de la décision prise.
Quand on regarde une carte d'Europe et qu'on prend conscience que seuls 180 kilomètres de voies à grand gabarit manquent aujourd'hui pour relier Marseille aux flux de grands gabarits européens sur le Rhin, avec à hauteur de Mulhouse un accès facile en direction du Nord et de ses ports, et un autre aussi facile en direction des pays du Danube, on croit rêver !
Ne nous objectez pas ici, monsieur le ministre, le manque de moyens. Dans le cas présent, ils étaient à l'époque acquis, et vous le savez bien. Et puis, quand on a besoin de moyens, on sait les trouver. Vous l'avez fait, et nous avons approuvé le choix de l'axe Ambès-Toulouse, puisqu'il s'agissait d'un problème de développement économique national.
Monsieur le ministre, la commission des affaires économiques du Sénat sait que vous partagez un certain nombre de ses analyses. Vous êtes un homme de bon sens. Alors, arrêtons les incantations et concrétisons : le pays en a véritablement besoin !
Permettez-moi, en conclusion, de vous poser deux questions.
En premier lieu, êtes-vous prêt à étudier, en liaison avec le Parlement, et à mettre en oeuvre un véritable schéma national cohérent des grandes structures de communication, tous moyens confondus, pour préparer l'intégration de la France dans l'Europe, puisque les schémas de service sont peu voire non opérants ?
En second lieu, à vos yeux, la liaison fluviale à grand gabarit Rhin-Rhône est-elle définitivement « enterrée » ? Le départ de l'ancien ministre chargé de l'environnement n'a-t-il pas changé la donne en permettant peut-être de reconsidérer le problème ? Quelles seraient, selon vous, les conditions d'une réouverture de ce dossier ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je souhaite tout d'abord remercier MM. Joly et Gruillot de la qualité de leurs rapports.
J'ai relevé avec satisfaction que M. Joly, qui estime que, « fondamentalement, le projet de budget des transports terrestres enregistre des progressions plutôt favorables au système ferroviaire en général », porte, sur les crédits ferroviaires, une appréciation plus nuancée et, à mon sens, plus exacte que M. Oudin.
A vous entendre dire tout ce qu'il reste à faire alors que j'ai dressé un bilan des actions que j'ai entreprises depuis quatre ans, j'ai l'impression que vous mettez l'accent sur les événements qui se sont produits avant mon arrivée au Gouvernement. Je donnerai les chiffres, y compris sur la voie d'eau, de l'augmentation des crédits depuis 1997. Vous verrez d'où je suis parti ! Avant, ce n'était pas moi ! En même temps, cette situation me rassure, car je vois ce qu'il reste à faire et cela me donne des perspectives de travail pour l'avenir.
J'ai déjà exposé la façon dont ce budget met en pratique la priorité au rééquilibrage intermodal et à la sécurité. M. Gruillot m'a demandé si l'on pouvait avoir une vision d'ensemble. Il y a les schémas de services sur les infrastructures, mais je suis d'avis que, pour être pertinente, la réflexion doit intégrer la place de la France au sein de l'Europe. Le Livre blanc qui a été publié en septembre dernier fait état, justement, d'une nouvelle politique des transports à l'échelle européenne.
Les schémas de services et la politique des transports - à la fois le transport voyageurs et le transport de marchandises - permettent déjà d'avoir une vision de l'intermodalité à l'échelon national. C'est cette articulation qu'il faut « mettre en musique », si je puis dire, car elle intègre à la fois le transport ferroviaire, le transport routier, le transport fluvial, mais également le transport maritime. D'ailleurs, s'agissant de ce dernier, beaucoup reste à faire dans notre pays...
M. Charles Revet. Vous avez raison de le dire !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... où les façades méditérranéenne et atlantique, qui sont tout à fait exceptionnelle, ne sont malheureusement pas utilisées comme elles pourraient l'être.
M. Charles Revet. On en parlera tout à l'heure !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. A cet égard, j'ai mis en place, voilà quelques semaines, avec l'Espagne et l'Italie, un groupe de travail pour le développement du cabotage maritime, afin que puisse être conduite une politique plus équilibrée des transports.
Je me suis déjà prononcé sur la question de la dette du système ferroviaire. Nous avons réussi à contenir son évolution, mais elle demeure à un montant toujours élevé. S'il n'y avait pas eu à la fois les aides, la dotation en capital dont j'ai parlé, et cette évolution de la dette, eh bien ! Réseau Ferré de France, RFF, se serait contenté de gérer la dette sans pouvoir procéder à des investissements. Or ceux-ci sont nécessaires.
Puisque vous m'y avez invité, monsieur Joly, je souhaite revenir sur la question du fret ferroviaire. Voilà deux ans, le Gouvernement s'est fixé pour objectif de multiplier par deux le trafic du fret ferroviaire d'ici à 2010. La Commission européenne, dans son Livre blanc, pose le même principe du doublement du trafic de fret ferroviaire sur dix ans. Certains disaient que c'était utopique. C'est bien la question qui se pose. Cela ne peut représenter qu'une étape, puisque l'objectif plus lointain c'est le triplement des schémas de services collectifs de transports à l'horizon 2020.
Il est vrai qu'en 2000 la situation était plutôt satisfaisante, mais que l'année 2001 n'est pas à la hauteur des attentes. Certains ont évoqué la grève du mois d'avril. Ses conséquences ne peuvent être niées - ce ne serait pas responsable - mais il n'y a pas que cela. Doit également être pris en compte l'effet indiscutable sur le fret ferroviaire d'un commencement de ralentissement de l'activité sur certains produits ; les chiffres le démontrent. Il serait intéressant que vous puissiez un jour avoir la communication - je l'ai demandé - des évolutions selon les catégories de marchandises : celles-ci sont plus ou moins différenciées. Pour les produits qui ont un lien direct avec la crise économique internationale, le ralentissement est important pour les autres, on constate, au contraire, une progression.
Les formules « y a qu'à » ne fonctionnent pas ! C'est plus compliqué que cela ! Pendant des décennies - et je n'accuse personne, car cela a malheureusement été le cas de beaucoup de gouvernements - on a considéré que le fret ferroviaire était « ringard », qu'il relevait du passé. Quelques-uns se battaient pour le défendre ; notamment les cheminots, mais ils n'étaient pas entendus.
Il est vrai que le ralentissement de la conjoncture économique, notamment depuis les événements du 11 septembre dernier aux Etats-Unis, freine la croissance. Mais il ne faut surtout pas revoir à la baisse notre objectif et revenir en arrière. Il importe au contraire de le maintenir. J'ajoute même que, pour les zones sensibles que sont les Alpes et les Pyrénées, il convient non pas de doubler le trafic de fret ferroviaire dans les dix ans, mais de le multiplier par quatre, par cinq, ou par six si l'on veut vraiment répondre aux problèmes que pose la société.
Les moyens sont et seront mis en oeuvre par l'Etat, Réseau ferré de France et la SNCF, et ce sur le plan tant des infrastructures que de la qualité du service.
Je tiens d'ailleurs à souligner que, grâce à l'effort que le Gouvernement a consenti dans le cadre des contrats de plan Etat-région, de nombreux investissements sont engagés ou vont l'être prochainement pour améliorer les lignes ferroviaires les plus prioritaires pour le fret, et résorber les goulets d'étrangement dans plusieurs grandes métropoles. Je ne les énumère pas, vous les connaissez.
Il est vrai que cette politique rompt avec celle qui a pu être menée durant trente ans en France, et qui est encore, d'ailleurs, largement répandue en Europe, si j'en crois le Livre blanc sur les transports ; vous avez eu raison de le souligner, monsieur Joly. Cette politique se traduisait, en France, par des fermetures de lignes toujours plus importantes. Quant au matériel roulant, imaginez qu'il a fallu commander six cent quatre locomotives dédiées au fret, ce qui a représenté tout de même une somme de 9 milliards de francs ! Celles que nous avions étaient trop vieilles. La SNCF a donc reçu l'autorisation de passer les commandes et les premières locomotives seront livrées à partir de 2003. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous voyez bien que nous mettons les moyens pour changer la donne !
Vous avez abordé la question, qui vous est chère, de l'électrification progressive de la ligne Paris-Bâle, comportant une première phase d'électrification entre Gretz et Troyes. La mise en service de ce projet se fera avec un matériel roulant moderne présentant une fiabialité renforcée.
La convention de financement des études d'avant-projet a été signée par l'ensemble des partenaires cet été et j'ai demandé à RFF de produire, pour la fin de l'année 2002, un chiffrage précis des investissements à réaliser. Cette étude déterminera également les besoins en matériels roulants à traction électrique.
Ce projet d'électrification ouvre également de nouvelles possibilités en matière de transport de marchandises, avec, notamment, une meilleure utilisation des capacités offertes par cette ligne pour le développement d'itinéraires alternatifs aux axes les plus chargés.
Enfin, l'électrification de la ligne permettra d'en finir avec les émissions polluantes occasionnées par l'utilisation des locomotives Diesel.
Cela étant, ce projet ne doit pas être opposé à un autre, celui du TGV Rhin-Rhône. D'ailleurs, la perspective n'est pas 2015, monsieur Gruillot : nous allons nous atteler au TGV Rhin-Rhône, la réalisation étant prévue entre 2004 et 2008. Nous l'avons déjà dit, nous n'attendrons pas l'achèvement du TGV Est-européen, pour commencer la réalisation du TGV Rhin-Rhône. Nous nous sommes engagés sur cette démarche, et nous tiendrons nos engagements.
Les travaux du TGV Rhin-Rhône pourront donc commencer à partir de 2004-2005, pour répondre à la question un peu polémique de M. Gruillot sur le canal Rhin-Rhône.
Si nous faisons le TGV Rhin-Rhône, comme nous l'avons décidé, monsieur Gruillot, rendez-vous compte de la capacité de transport de marchandises qui sera libérée sur la ligne classique. Comprenez-le ! Car la politique ferroviaire du transport de marchandises passe aussi par la réalisation des lignes à grande vitesse.
Donc, je n'oppose pas le projet d'électrification de la ligne Paris-Bâle au TGV Rhin-Rhône, dont la réalisation est prévue entre 2004 et 2008 et qui bénéficiera directement des nouvelles sources de financement de l'intermodalité dont j'ai déjà parlé.
Je voudrais également souligner l'effort particulier que le Gouvernement met en oeuvre pour développer, entre la France et l'Italie, un service d'autoroutes ferroviaires : les premières navettes circuleront à la fin de l'année 2002.
Dans un premier temps, seuls les camions-citernes pourront les utiliser. Il faut, en effet, mettre le tunnel de Modane au gabarit B 1 pour permettre l'accès au fameux wagon Modalhor, qui a la particularité d'être surbaissé. Moyennant quoi, il est possible de faire passer 80 % du parc de camions qui traversent notre pays alors que, avec les types de wagons qui sont utilisés entre la Suisse et l'Italie, 20 % seulement des poids lourds pourront passer dans les tunnels à gabarit B 1. Je réponds ici à ceux qui me demandaient pourquoi on ne prenait pas les mêmes wagons.
A la fin de 2005, lorsque nous aurons achevé les travaux dans le tunnel, ce sont 300 000 poids lourds qui pourront passer en navette sur la ligne historique. Lorsque nous aurons achevé la ligne Lyon-Turin, à l'horizon 2012, ce sont un million de poids lourds qui pourront passer sur le rail. Voilà les travaux qui sont engagés. On me demande pourquoi ce n'est pas pour demain. Que voulez-vous, il faut le temps de trouver les moyens, de faire les études, de respecter les procédures. Franchement, nous travaillons réellement à cette grande question de l'autoroute ferroviaire.
A l'occasion du sommet franco-italien de Périgueux, le 27 novembre dernier, le gouvernement italien a confirmé son soutien au projet en réaffirmant sa participation, y compris à la subvention d'équilibre du service, qui sera partagée à parts égales entre les deux Etats.
S'agissant plus particulièrement du transport combiné, je tiens à souligner que son développement reste également, plus que jamais, une priorité du Gouvernement.
Je voudrais aussi rappeler que l'Etat ne se borne pas à apporter une aide à l'exploitation, mais qu'il contribue aussi, pour un montant annuel de 120 millions de francs, au développement, dans toute la France, des chantiers de transport combiné et à l'équipement des opérateurs en matériels de transbordement. J'ai d'ailleurs obtenu de Mme de Palacio, Commissaire européenne aux transports, lors d'une réunion à Zurich, il y a quelques jours, qu'elle accepte, y compris dans le cadre du financement des grandes infrastructures de transports européens, d'aider également au financement des chantiers de transbordement. C'est un élément tout à fait positif.
Plus globalement, monsieur Joly, « la réforme de la réforme » du ferroviaire a permis de l'engager sur la voie du développement et de le sortir de la voie du déclin.
Vous avez également évoqué, monsieur Joly, la question de la sécurité dans les transports collectifs.
La lutte contre la délinquance est l'un des axes prioritaires de mon ministère. J'ai pris l'initiative, à la fin de 1997, d'une table ronde - vous vous en souvenez sûrement - avec les entreprises de transport et les autorités organisatrices de transports. A cette occasion, douze mesures avaient été décidées. Certes, tout n'est pas gagné, je le sais bien, et le combat doit être poursuivi dans ce domaine également. Mais nous avons prévu un renforcement de la présence humaine dans les réseaux de transport, un accroissement de l'effort financier pour accélérer et étendre les programmes d'équipement de sécurité, un renforcement des moyens de la police nationale et une répression accrue des atteintes aux agents.
En Ile-de-France, par exemple, deux programmes triennaux d'investissements de sécurité, l'un de 400 millions de francs - intégralement mis en place - l'autre de 863 millions de francs - actuellement en cours - ont permis d'installer, dans les gares, des bornes d'appel, des équipements de radiolocalisation ou de vidéosurveillance et de financer la réalisation de douze postes de police.
Nous avançons donc, mais il faut encore progresser.
Le renforcement de la présence humaine s'est traduit en Ile-de-France par la création de 2 000 emplois à la SNCF et de 2 300 emplois à la RATP.
En province, les efforts des autorités organisatrices et des entreprises de transport ont permis la création de plus de 1 500 emplois-jeunes dans les réseaux. L'Etat a apporté, par ailleurs, 190 millions de francs de subventions à ces autorités organisatrices pour financer des équipements de sécurité.
La loi relative à la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001 contient aussi des mesures législatives destinées à lutter plus efficacement contre la fraude dans les réseaux de transport, à accroître les prérogatives des agents de contrôle, à renforcer leur protection et à conforter les moyens et les pouvoirs des services de sécurité interne de la RATP et de la SNCF.
J'ai également nommé, en juillet dernier, un haut fonctionnaire chargé de coordonner et d'impulser les actions en faveur de la sécurité dans les transports publics.
Je tiens à revenir brièvement sur deux autres volets majeurs de ce budget : le soutien aux transports collectifs et la poursuite de l'effort en faveur de l'entretien routier.
Concernant les transports collectifs, qui contribuent à faire progresser la mixité sociale, l'urbanité et le droit à la ville pour tous, le projet de budget pour 2002 consolide la politique menée. Depuis 1997, j'ai pris en considération dix-neuf projets de transports collectifs en sites propres en province, pour lesquels j'ai déjà attribué près de 470 millions d'euros, ce qui a permis une nette amélioration de l'offre, puisque nous sommes passés de 196 kilomètres à 317 kilomètres de lignes.
Pour 2002, le budget prévu s'élève à 300 millions d'euros en autorisations de programme et à 215 millions d'euros en crédits de paiement, notamment par un renforcement des crédits destinés aux projets en Ile-de-France et pour faire face à la montée en puissance des projets inscrits dans les plans de déplacements urbains, les PDU. La circulaire du 10 juillet dernier améliore et simplifie le régime des aides attribuées aux projets de transports collectifs de province et à la mise en oeuvre des plans de déplacements urbains.
Par ailleurs, dès 2002, les crédits versés au syndicat des transports d'Ile-de-France au titre de la contribution de l'Etat à l'exploitation permettront, notamment, de financer les dispositions de la loi SRU prévoyant l'accès aux transports collectifs à coût réduit - 50 % - aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle. Ils permettront également une amélioration de l'offre de services de transport.
S'agissant du budget des routes, dont vous avez longuement parlé, monsieur Gruillot, il s'inscrit dans la ligne que j'ai définie voilà maintenant plus de quatre années. Ainsi, l'entretien et la réhabilitation du réseau bénéficieront, en 2002, de moyens augmentés de 28 % par rapport à ceux de 1997.
Lorsque vous estimez que l'effort du Gouvernement est insuffisant à cet égard, monsieur Gruillot, rappelez-vous ce qui m'a été laissé !
Vous en conviendrez avec moi, cet effort permet de combler progressivement l'insuffisance relevée tant par le Parlement que par la Cour des comptes. Cette forte priorité a été dégagée sans que soit réduit pour autant l'effort de modernisation du réseau.
Ainsi, les dotations d'entretien concernant l'entretien préventif et la réhabilitation des ouvrages d'art augmentent respectivement de 6,8 % et de 7 %, en autorisations de programme, pour préserver le patrimoine. Un patrimoine évalué à 122 milliards d'euros, on ne le laisse pas se dégrader et on l'entretient ! J'ai d'ailleurs tenu à lancer les travaux de réparation les plus urgents et à engager, notamment, un programme de réhabilitation de murs de soutènement.
Nous avons également doublé le montant des programmes régionaux d'aménagement de sécurité, les PRAS, dans les contrats de plan.
En matière d'investissements routiers, l'accent est mis sur les opérations contractualisées dans le cadre des contrats de plan Etat-région.
Seront notamment financés la mise en route express à deux fois deux voies de la route Centre Europe Atlantique, de la RN 10, entre Poitiers et Bordeaux, et de la RN 19, entre Langres, Belfort et la Suisse.
A cette enveloppe s'ajouteront les crédits dégagés en loi de finances rectificative pour 2001 au titre de la contribution de l'Etat à la concession de l'A 28 Rouen-Alençon, que j'ai signée il y a peu avec les élus normands - je crois savoir qu'ils veulent fêter l'événement ! - ainsi que pour les travaux d'aménagement de l'itinéraire à grand gabarit Bordeaux-Toulouse.
Je vous avais promis, l'an dernier, en effet, que la disparition du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, ne serait pas un handicap pour le budget du ministère. Cette promesse a été tenue, monsieur Gruillot. Les reports constatés sur le FITTVN ont été intégralement reversés sur mon budget en début d'année ; vous pouvez le vérifier.
En outre, les autorisations de programme sont en augmentation importante sur le volet transport en général - de 4,2 % - soit une augmentation supérieure au strict engagement de suivre les recettes du FITTVN.
Enfin, puisque plusieurs d'entre vous ont évoqué ce sujet, notamment M. Oudin, rapporteur spécial, et M. Gruillot, rapporteur pour avis, les efforts réalisés depuis 1997 en faveur de la voie d'eau sont consolidés dans ce budget 2002, avec plus de 80 millions d'euros prévus afin que soit poursuivi l'effort de modernisation du réseau pour le transport de marchandises, et il en avait bien besoin !
Au total, depuis 1997, les crédits qui sont consacrés à ce mode de transport auront augmenté de 60 %. Mesdames, messieurs les sénateurs, 60 % ! Si je vous avais présenté aujourd'hui le budget pour 1997, je n'ose imaginer ce que vous m'auriez dit sur son insuffisance ! (Sourires.)
La première étape de réalisation du canal Seine-Nord est en cours, aux termes du contrat de plan et avec la réalisation des aménagements indispensables à la fois sur la Seine, l'Oise et le canal Dunkerque - Escaut, c'est-à-dire aux extrémités de cette liaison Seine-Nord.
La poursuite de l'aménagement progressif de la liaison centrale, inscrite maintenant dans les projets de schémas de services de transport devra se faire dans le même cadre. La décision sur le tracé devrait intervenir rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents, en accord avec l'ensemble des représentants des groupes et des commissions ainsi qu'avec l'assentiment du Gouvernement, a adopté ces modalités nouvelles de débat budgétaire précisément pour nous permettre d'économiser du temps ! (Sourires.)
Mme Odette Terrade. C'est l'inverse !
M. le président. Je lance donc un appel au Gouvernement, aux commissions et aux orateurs pour qu'ils s'en tiennent aux règles qui ont été fixées et qui doivent nous permettre de maîtriser le déroulement de ce débat budgétaire.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Oudin, rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Les deux rapporteurs spéciaux ont parfaitement respecté le temps qui leur était imparti. Cependant, l'objectivité de mon rapport ayant été mise en cause par M. le ministre, je souhaiterais lui apporter des réponses chiffrées.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je répondrai !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Lorsque j'affirmais que les investissements ferroviaires - que nous souhaitons tous voir se développer, parce que le ferroviaire doit prendre sa juste place dans les transports - sont en diminution, je m'appuyais sur les rapports de la Cour des comptes, d'une part, et du Conseil supérieur du service public ferroviaire, d'autre part.
Je cite ce dernier rapport : « Tous financements confondus, le montant maximal pour le système ferroviaire est atteint en 1992 avec 28,1 milliards de francs, dont 13 milliards de francs relatifs au TGV [...]. On est donc passé, pour le TGV, de 13 milliards de francs à 4,8 milliards e francs ! En 2000, point le plus bas avec 16,3 milliards de francs, le TGV représente 4,8 milliards de francs !
Je reprends ma lecture : « Pour le réseau classique, on constate surtout une baisse sensible en 1999 et 2000. Le montant annuel relatif aux infrastructures diminue de 7,4 milliards de francs en 1998 à 6,3 milliards de francs en 1999, puis 6 milliards de francs en 2000 [...]. » Pour « les opérations de développement, qualité, sécurité : 2,5 milliards de francs en 1998, 1,8 milliard de francs en 1999, 1,5 milliard de francs en 2000 [...]. Après EOLE, les investissements en matériel roulant chutent en Ile-de-France - 1,7 milliard de francs en 1998, 0,8 milliard de francs en 1999, 0,6 milliard de francs en 2000 - et baissent fortement pour le TER - 2,4 milliards de francs en 1998, 1,3 milliard de francs en 1999, 1 milliard de francs en 2000 ».
Monsieur le ministre, où voyez-vous une hausse dans tous ces chiffres ? Moi, je ne vois que des baisses !
Le Conseil conclut : « Les investissements du système ferroviaire passent par un point bas en 1999 et surtout en 2000, avec des montants respectifs de 17 milliards de francs et 16,3 milliards de francs. » Nous partions de 28 milliards de francs en 1992 ! Voilà pour le premier point.
Quant au deuxième point, la dette, il est vrai qu'elle s'élève à 258 milliards de francs et qu'elle a été stabilisée. Pourquoi ? La dette augmente lorsque des investissements sont réalisés ; à partir du moment où l'on investit moins, on peut évidemment stabiliser la dette. CQFD.
A l'heure actuelle, on ne paie que les intérêts de la dette ferroviaire : personne ne sait comment en rembourser le capital. C'est la question que je posais, et je n'ai pas obtenu de réponse.
Troisième point, monsieur le ministre, vous avez annoncé un plan en dix ans pour développer le fret, à raison de 12 milliards de francs par an. Compte tenu de l'ampleur du projet, il apparaît, toujours selon le rapport du Conseil supérieur du service public ferroviaire, qu'il serait souhaitable d'engager au total 31 milliards de francs par an, soit 20 milliards pour RFF et 11 pour la SNCF. Mais il n'est pas indiqué où l'on trouvera cette somme !
A titre de comparaison, on note dans le même rapport que, pour les vingt prochaines années, la France s'est engagée à hauteur de 31 milliards de francs, l'Espagne de 35 milliards de francs, l'Italie de 41 milliards de francs, l'Allemagne de 51 milliards de francs et la Grande-Bretagne de 63 milliards de francs, soit deux fois plus que la France.
Ces chiffres se passent de commentaires.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre, dont le propos, je n'en doute pas, sera aussi concis que précis.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, vous avez raison de ne pas douter de ma concision.
M. Ladislas Poniatowski. Ce n'est pourtant pas toujours le cas !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Toutefois, je ne peux pas laisser M. Oudin mettre en cause mes indications relatives à la démarche du Gouvernement.
Premièrement, je maintiens que les investissements budgétaires de l'Etat ont doublé entre 1997 et 2002. Vous avez parlé de l'année 1999-2000, monsieur le rapporteur spécial, période, je le rappelle, à laquelle prenaient fin les contrats de plan : le creux de 2000 s'explique donc par le laps de temps qui s'est écoulé entre deux grands investissements, entre la réalisation du TGV Méditerranée et le début de celle du TGV Est.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Les investissements avaient tout de même diminué !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'entends bien, et je vais m'arrêter un instant sur ce point.
L'achèvement du TGV Méditerranée n'était pas financé, et il a fallu trouver l'argent pour ce faire. Il a fallu rompre avec l'ancienne méthode de financement des investissements ferroviaires.
Le TGV Est, on en parle depuis vingt ans, et je suis bien placé pour le savoir, moi qui ai dû discuter avec les Lorrains, avec les Alsaciens, avec les habitants de Champagne-Ardenne, et même avec les Luxembourgeois ! On en parlait, on en parlait, mais personne ne faisait jamais rien - alors que je vais donner prochainement le premier coup de pioche du chantier : le TGV Est va voir le jour !
Il est bien évident que les nouveaux projets qui sont à l'étude, notamment le TGV Aquitaine vers la Bretagne, mais aussi le TGV Rhin-Rhône, que j'ai déjà évoqué, non seulement sont en passe d'être réalisés, mais en outre seront financés,...
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Vous n'avez pas les moyens de financement !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... et cette fois sans plomber la SNCF, comme cela se faisait précédemment, et c'était la pire des choses !
Vous avez prétendu que l'Etat payait ; mais l'Etat ne payait pas ! (M. Caldaguès proteste.) Même pour le TGV Est-européen, il était prévu de n'investir que 3,9 milliards de francs. On ne risquait pas d'en voir le début ! Il a fallu que l'Etat porte sa contribution à un peu plus de 8 milliards de francs et que les régions se mobilisent - et il faut voir comment elles ont su le faire !
Aujourd'hui, nous sommes en mesure de réaliser cette ligne à grande vitesse ; le financement est là, et la méthode est plus saine que par le passé. Ne niez pas la réalité, monsieur le rapporteur spécial ! Dans le passé, la politique ferroviaire était uniquement axée sur le « tout-TGV » et son financement était assuré par le « tout-endettement » de la SNCF. La politique actuelle est tournée sur le « tout-ferroviaire » - ce qui n'est pas synonyme d'exclusivité du ferroviaire, puisque nous l'envisageons dans le cadre global de l'intermodalité - et elle repose principalement sur les contrats de plan.
Avant 1997, on ne payait que les intérêts de la dette ferroviaire en diminuant le nombre de cheminots ! On en supprimait 6 000 ou 7 000 par an, et c'est ainsi que l'on finançait les intérêts ! Nous, que voulez-vous, nous avons fait le choix de ne pas supprimer de postes de cheminots, ce n'est pas notre politique. Depuis 1998, nous en avons même embauché 26 000 au statut SNCF.
Il est vrai que la dette existe encore et que, depuis 1997, nous en payons les intérêts, que nous la stabilisons. Mais nous devons désormais aller plus loin, je suis d'accord avec vous sur ce point, monsieur Oudin : notre objectif est le désendettement massif du système ferroviaire français. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Et comment ferez-vous ?
M. le président. Nous allons passer aux questions.
Je vous rappelle que les orateurs interviendront pour une durée limitée à cinq minutes.
La réponse de M. le ministre est limitée à trois minutes.
Chaque orateur disposera d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
La parole est à Mme Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 2002 sera l'année de la mise en oeuvre de deux initiatives majeures pour les transports terrestres, à savoir, d'une part, le transfert des services régionaux de voyageurs à l'ensemble des régions métropolitaines - hors la Corse et l'Ile-de-France - et, d'autre part, le lancement de la route ferroviaire dédiée aux poids lourds traversant les Alpes.
Ces initiatives, ajoutées aux dispositions de circulation alternée entre les tunnels du Mont-Blanc et de Fréjus que vous avez déjà prises, monsieur le ministre, contribueront à atténuer les risques liés aux transports routiers et les nuisances subies par les populations de la vallée de Chamonix.
En ce qui concerne la régionalisation des transports, nous apprécions la publication du décret d'application de ce volet de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
La généralisation de l'expérimentation menée par six régions est positive pour l'aménagement du territoire, pour la qualité du transport des voyageurs et pour la SNCF elle-même. Pour ne prendre qu'un exemple, celui de la région Centre, que je connais bien, on constate à une progression régulière - de 10 % à 12 % en moyenne - du nombre de voyageurs utilisant les TER, la modernisation des matériels existants et l'arrivée de nouvelles rames dont l'image correspond à notre époque et à l'attente des voyageurs, même si des défauts de jeunesse restent à corriger.
De plus, le contrat de plan Etat-région a prévu la réouverture d'une ligne fermée depuis de nombreuses décennies. La région Centre a également pris l'initiative de créer des comités locaux d'animation et de développement des lignes régionales qui permettent aux élus, aux usagers et à leurs associations ainsi qu'à la SNCF de débattre ensemble pour améliorer les dessertes. La réussite de l'expérimentation a permis à la région Centre de mieux répondre aux besoins des habitants, sans pour autant accroître la pression fiscale régionale.
C'est une nouvelle compétence qui, pour une fois, a été négociée en prévoyant des ressources prenant mieux en compte la réalité que cela n'avait été fait pour les lycées ou les collèges, par exemple, même s'il reste à actualiser les dotations pour le matériel et à finaliser l'accord pour la rénovation des gares.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen apprécient la progression des crédits destinés aux services régionaux, qui porte l'effort à 1 505 millions d'euros. Il est intéressant de noter qu'en 2002 les apports de l'Etat à la modernisation du parc de matériel ferroviaire des TER s'élèveront à plus de 220 millions d'euros.
Ce soutien à la régionalisation des transports prend place dans un budget des transports terrestres qui progresse de 6,8 %. La priorité affichée pour le mode ferroviaire répond à la volonté affirmée dans les schémas de services de donner une impulsion au développement durable au travers de transports confortables, accessibles à tous, dans un environnement mieux respecté et mieux protégé. Ainsi, les crédits destinés au développement du réseau ferroviaire augmentent de 20 %, ce qui conduit à un doublement de l'enveloppe ferroviaire de 1997 à 2002.
La dotation de l'Etat pour financer le nouveau dispositif d'aide au transport combiné, qui s'élève à 40 millions d'euros, sert le même objectif : réduire le nombre de camions sur la route.
M. Jean-Philippe Lachenaud. La question !
Mme Marie-France Beaufils. Aux termes des propositions formulées lors des états généraux du fret ferroviaire, organisés par le Conseil supérieur du service public ferroviaire, le CSSPF, l'Etat contribue au désendettement de la SNCF, dont il a été largement responsable en d'autres temps, et reconduit pour une année supplémentaire l'apport de 1,8 milliard d'euros en capital à Réseau ferré de France.
Quant au budget consacré au réseau routier, il connaît, lui aussi, une progression de 2,6 %, avec une augmentation de 14,5 % des crédits de paiement. Il consacre un effort prioritaire à l'entretien du réseau national principalement axé sur l'entretien préventif et sur la réhabilitation des ouvrages d'art, les autorisations de programme s'accroissant respectivement de 6,8 % et de 7,1 %. On ne peut que se féliciter de ce souci de la sécurité des usagers, principalement de ceux qui franchissent les tunnels.
Tout en gardant la volonté politique forte de rééquilibrer les investissements en faveur du rail - ce budget, malgré ses limites, l'illustre - vous avez tenu, monsieur le ministre, à dégager les financements nécessaires aux opérations figurant dans les contrats de plan Etat-région.
La priorité accordée depuis 1997 par le Gouvernement à la lutte contre l'insécurité routière a donné des résultats significatifs. En année pleine, 1 000 vies, en moyenne, ont été sauvées. C'est positif, mais 7 400 personnes se sont tuées au cours des douze derniers mois. Le Conseil national de la sécurité routière a bien du travail devant lui ! La nouvelle augmentation de 8,5 % des crédits de la sécurité routière est donc appréciable.
La route est un lieu où se retrouvent les problèmes de notre société : on y trouve des gestes d'incivilité, de la délinquance routière, qui fait fi du respect d'autrui, et souvent même de soi. Un gros travail reste à fournir, là aussi, pour construire ou reconstruire les repères indispensables à la vie en société. Ne faudrait-il pas envisager que, dans la formation des conducteurs, au-delà des gestes techniques, soit inculqué aussi un comportement plus respectueux des règles ?
Le maintien de l'effort de 2001 pour les transports contribuera à l'amélioration de la qualité de vie dans les zones urbaines et participera activement à ce qui s'appelle aujourd'hui le « développement durable ».
Pour mieux utiliser les différents modes de transports, particulièrement ceux qui apportent une meilleure sécurité aux déplacements des voyageurs ou des marchandises, et ce dans des conditions plus respectueuses de l'environnement, des moyens importants sont nécessaires.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez déjà engagé des discussions à l'échelon européen. Pouvez-vous nous dire où en sont les négociations ? L'Europe est-elle prête à s'engager à vos côtés dans ce rééquilibrage des modes de transports ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour trois minutes.
Dois-je rappeler une fois encore les règles que, d'un commun accord, nous devons nous imposer si nous voulons que le débat budgétaire puisse se dérouler dans de bonnes conditions ?...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre appréciation sur la politique que nous avons engagée.
Vous m'avez posé une question capitale qui porte à la fois sur les négociations européennes et sur la place de l'Europe.
J'ai déjà dit à plusieurs reprises, puisque MM. les rapporteurs ont évoqué ce sujet, que le Livre blanc, publié en septembre, montre indiscutablement qu'une démarche nouvelle se fait jour, à l'échelle européenne, à l'égard des transports. Comment cela se traduit-il ?
Si la politique du transport de voyageurs, mais aussi - et surtout ! - de marchandises, n'est conçue qu'à l'échelle d'un Etat, elle trouve tout de suite ses limites. La traversée des zones sensibles que sont les barrières naturelles telles que les Alpes et les Pyrénées en est une bonne illustration. Le transport est au moins binational, et même plus. Ainsi, la moitié des marchandises qui proviennent d'Espagne s'arrêtent chez nous ; l'autre moitié continue au-delà de la France, vers l'Italie, vers la Grande-Bretagne, vers l'Europe du Nord.
Un de vos rapporteurs disait tout à l'heure que nous avions l'avantage d'être à un carrefour. Certes, c'est un atout, mais c'est en même temps un obstacle : puisque nous sommes un pays de transit, tout passe par chez nous ! C'est aussi un élément qu'il faut prendre en compte.
L'Europe a opté en faveur d'une politique davantage fondée sur l'intermodalité et reposant sur un nouvel équilibre favorisant le rail. Elle prévoit ainsi la multiplication par deux du transport ferroviaire de marchandises, mais cette démarche n'a pour objectif que de maintenir les parts de marché actuelles, ce qui m'a d'ailleurs amené à la critiquer comme n'étant pas suffisamment ambitieuse. En effet, si l'on reste sur la lancée des trente dernières années sans consentir d'effort supplémentaire, la dégradation de la part du rail se poursuivra éternellement.
Cette nouvelle politique doit se traduire par de nouveaux concepts. Ainsi, le Livre blanc propose d'internaliser des coûts externes. Vous me direz que c'est du charabia technocratique. En fait, cela signifie que des éléments qui aujourd'hui ne sont pas pris en compte devront être intégrés dans l'évaluation des coûts de transport.
La réalisation des infrastructures n'est en effet pas la seule composante du coût. Il faut, par exemple, intégrer également les effets sur l'environnement.
La politique que nous avons engagée en France vise à conforter l'intermodalité. Ainsi, les dividendes des sociétés d'autoroutes doivent servir non seulement à construire de nouvelles routes et autoroutes, mais aussi à développer cette intermodalité. Les politiques de tarification qui peuvent être initiées à l'échelle du pôle alpin ou d'autres secteurs sensibles ont aussi cet objet.
Les nouvelles orientations européennes en matière de transports concernent également le financement. Jusqu'à présent, pour les grands projets de transport arrêtés à l'échelle européenne, les études ne pouvaient être financées par des fonds européens qu'à hauteur de 50 %, mais, pour la réalisation concrète des infrastructures ferroviaires, le maximum était de 10 %. Il est proposé aujourd'hui de porter ce plafond à 20 %. L'intérêt est évident : un financement européen à hauteur de 20 % peut faciliter les partenariats entre public et privé pour la réalisation de nouvelles infrastructures. A titre d'exemple, le programme « Marco Polo » mis en place pour 2003 et 2004 par la Commission européenne pour les réseaux transeuropéens de contournement des barrières naturelles pourra bénéficier de subventions pour des alternatives à la route.
Les discussions à propos du Livre blanc et des politiques de chaque Etat évoluent. Je ne dis pas que tout est entièrement résolu, mais il s'agit désormais d'une démarche qui converge avec la politique du gouvernement français et les attentes de la société.
M. le président. Souhaitez-vous répondre à M. le ministre, madame Beaufils ?
Mme Marie-France Beaufils. Ayant légèrement dépassé le temps qui m'était imparti, je ne reprendrai pas la parole, monsieur le président. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. Je vous remercie de votre compréhension et de votre contribution, madame Beaufils. Ma tâche, vous le savez, n'est pas toujours aisée !
La parole est à M. Reiner.
M. Daniel Reiner. La décentralisation, il y a ceux qui en parlent et ceux qui la font. Le Gouvernement, monsieur le ministre, est dans cette dernière catégorie et votre ministère nous conduit vers une nouvelle étape très importante de cette révolution tranquille, mais pas simple, décidée en 1982.
Au 1er janvier 2002, en application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui a, je le rappelle, moins d'un an, la région, autorité organisatrice des transports collectifs d'intérêt régional, aura la pleine compétence de l'organisation des services ferroviaires régionaux de voyageurs ou éventuellement routiers, en substitution.
S'agissant de la méthode, c'est l'aboutissement logique de la généralisation d'un processus décentralisé mené très raisonnablement, passant par les étapes des conventionnements régions - SNCF et l'engagement d'expériences par plusieurs régions pilotes volontaires.
Sur le fond, ce rôle nouveau dévolu aux conseils régionaux s'inscrit parfaitement dans une de leurs compétences essentielles : l'aménagement infrarégional de leur territoire. Le TER doit participer, à l'évidence, au développement durable et respectueux de l'environnement, à l'amélioration de la sécurité et au renforcement de la solidarité entre les villes et les campagnes.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, intègre cette nouvelle donne : plus de 1,5 milliard d'euros sont inscrits sur cette ligne, soit 30 % de plus qu'en 2001.
En effet, pour être juste, le transfert de compétence qui induit un transfert de charges implique une compensation ; c'est la loi, et l'article 125 de la loi SRU l'a explicitement prévu.
Cet article définit les grandes lignes de la dotation financière de compensation qui sera versée aux régions en abondement de la DGD. Cette dotation sera constituée, faut-il le rappeler, de la contribution pour l'exploitation des services transférés, de la dotation au renouvellement du parc de matériel roulant - les gares demeureront propriété de la SNCF, mais l'Etat contribuera néanmoins à leur modernisation, souvent nécessaire -, enfin, de la dotation correspondant aux tarifs sociaux décidés par l'Etat.
Les négociations entre les régions et la SNCF sont en cours depuis quelque temps, le plus souvent dans un esprit positif, naturellement un peu plus tendu à la veille de la finalisation des accords, pour pouvoir respecter la date impérative du 1er janvier 2002. Le volet financier de la convention est évidemment un élément essentiel de la discussion. S'agissant de montants élevés, il convient que le cadre national de ces négociations régionales soit clairement fixé.
Le décret en Conseil d'Etat prévu par la loi vient enfin d'être publié officiellement et les régions sont dans l'attente des arrêtés fixant la nature des services transférés et la dotation régionale.
Dans la mesure où un délai de deux mois est prévu pour permettre aux régions de donner leur avis, il est permis de penser qu'aucune convention ne pourra être signée avant le 1er janvier 2002.
Cela ne devrait pourtant pas retarder le transfert de compétences dès lors qu'une solution amiable et intelligente sera proposée : une formule transitoire simplifiée pourrait convenir, cosignée par les conseils régionaux et la SNCF, par exemple sur la base de versements par douzièmes. Cette solution pourrait éviter la mise en oeuvre d'une inscription d'office au budget régional par le préfet de région, nécessairement désagréable dans la mesure où la bonne volonté des uns et des autres ne serait pas en cause. Il serait donc utile, monsieur le ministre, d'apporter cette précision assez rapidement.
Pour autant, et au vu du décret qui confirme le projet ayant déjà circulé, quelques questions de fond demeurent posées concernant le montant de la dotation. L'une d'entre elles mérite une attention particulière. Elle concerne la déduction du fonds de compensation de la dotation aux amortissements facturée par la SNCF sur son matériel roulant existant, et ce sans contrepartie ni réinvestissement, puisque les régions subventionneront ensuite à 100 % le nouveau matériel roulant, dont elles ne seront d'ailleurs pas propriétaires. Cela justifie davantage qu'une explication comptable, car cela paraît souvent assez injuste pour les régions.
Certes, si le matériel est ancien - l'âge moyen est estimé à quinze ans mais, dans certaines régions il peut atteindre vingt-sept ans, comme en Lorraine -, la dotation aux amortissements sera faible mais l'effort financier à consentir pour moderniser le parc sera d'autant plus important. Nous proposerions volontiers que cette question soit réétudiée, en particulier pour la dotation 2003, qui doit être révisée au vu des nouvelles règles comptables en usage à la SNCF.
J'ajoute que les régions apprécient peu d'avoir à supporter un surcroît de taxe professionnelle sur leurs nouvelles acquisitions, surtout celles qui auront à rattraper un retard en investissant beaucoup dès les premières années.
M. Gérard Longuet. C'est bien vrai !
M. Daniel Reiner. Un calcul a évalué cette charge fiscale à 7 % du coût unitaire d'une rame - je préfère ce mot à « caisse ».
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nos concitoyens, usagers du transport public, attendent beaucoup de la régionalisation du transport. Le TER, pour de multiples raisons, n'a pas toujours bonne presse en ce moment. C'est dommage, car ce service public mérite mieux.
La décentralisation ou, plus précisément, la régionalisation devrait y pourvoir. Faisons en sorte qu'elle soit exemplaire et qu'elle soit une réussite pour tous, et d'abord pour les usagers. La qualité du transport quotidien est en effet un élément de la qualité de vie, le temps de trajet étant psychologiquement intégré dans le temps de travail.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Reiner.
M. Daniel Reiner. Je m'achemine vers ma conclusion, monsieur le président.
Ce doit aussi être une réussite pour les conseils régionaux, qui, pour nombre d'entre eux, ont montré ces dernières années qu'ils avaient pris à coeur cette responsabilité et obtenu des résultats probants.
Ce doit enfin être une réussite pour l'entreprise SNCF elle-même et ses agents, qui ont envie de prouver qu'avec des moyens appropriés ils savent et peuvent répondre aux attentes. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire dans votre intervention qu'il s'agit d'une réforme majeure du point de vue de la décentralisation. Nous devons la réussir, sans remettre en cause - c'est très important - l'unicité du système ferroviaire.
Je dois dire d'ailleurs, en complément de ce que j'indiquais à Mme Beaufils tout à l'heure, qu'à l'échelle de l'Europe aussi nous veillons à ce que le caractère public du service ferroviaire ne soit pas remis en cause.
Cela étant, le décret d'application relatif au transfert de compétence en matière de transports collectifs d'intérêt régional a été publié le 27 novembre dernier. Vous regrettez que ce soit un peu tard, mais je dois préciser que les choses se sont déroulées relativement rapidement si l'on compare avec d'autres domaines.
La dotation comprend trois volets : la compensation des déficits d'exploitation, la part régionale des tarifs sociaux et le matériel roulant.
Je vous communique une information : nous transmettons dès aujourd'hui aux régions les projets d'arrêtés fixant le montant du droit à compensation dont elles bénéficieront.
Elles ont un délai maximal - j'insiste sur ce mot - de deux mois pour faire part de leur avis.
Néanmoins, sans attendre les arrêtés définitifs, vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, les régions peuvent envisager la signature de la convention, sachant qu'elles disposent maintenant de tous les éléments et qu'elles discutent du contenu de la convention de service avec la SNCF depuis cet été.
Par ailleurs, vous avez soulevé deux autres questions de fond relatives aux modalités financières de la réforme.
S'agissant de la déduction des amortissements nets du montant annuel de la dotation complémentaire pour le renouvellement du matériel, elle est assez simple bien que technique.
Les amortissements nets du matériel roulant apparaissent dans le compte d'exploitation de l'activité TER comme une charge. Ils participent donc au déficit du compte qui a été constaté en 2000 et qui est intégralement compensé par la contribution de l'Etat à l'exploitation. C'est à ce titre que les amortissements nets sont déduits de la dotation complémentaire pour le renouvellement du matériel roulant.
Néanmoins, pour tenir compte de l'inquiétude des régions quant aux investissements effectifs réalisés à hauteur de la dotation aux amortissements, le décret d'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit qu'une annexe à la convention entre la région et la SNCF indiquera les programmes d'investissement prévus pour le domaine TER par les deux partenaires.
Votre deuxième question de fond est relative à la taxe professionnelle. Elle est plus complexe et a déjà fait l'objet de nombreuses explications aux régions. Je ne vous rappellerai donc que brièvement quelques éléments.
Le débat sur la taxe professionnelle et son éventuelle exonération a eu lieu au moment de l'examen du projet de loi SRU par le Parlement. S'agissant d'un dispositif fiscal pouvant mettre en cause le traitement égalitaire des collectivités territoriales, les amendements proposés à ce sujet ont été rejetés.
Par ailleurs, l'augmentation de la taxe professionnelle consécutive à des commandes de nouveaux matériels sera tempérée par le système d'indexation annuelle de la dotation générale de décentralisation et par la disparition progressive de la taxe professionnelle correspondant à l'ancien matériel.
De plus, il faut se remémorer les mesures que nous avons prises dans ce domaine à l'égard du nouveau matériel roulant : elles permettent de diminuer de moitié les taux de taxe professionnelle s'appliquant à celui-ci.
Pour ce qui concerne la part régionale des tarifs sociaux, la dotation de l'Etat est entièrement transférée aux régions. Elle a été réévaluée cette année de 135 millions de francs. Là encore, il n'y a pas transfert de charges mais transfert concomitant de compétences et des moyens de les assurer.
M. Daniel Reiner. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Reiner.
M. Daniel Reiner. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous avez données. Le décret est relativement récent et nous ne l'avons pas étudié dans le détail. Si des réponses ont été apportées, certaines questions restent en suspens. Chacun a en particulier présent à l'esprit le problème de la participation à reverser à RFF en contrepartie de la location des sillons nécessaires aux TER - mais laissons cela pour demain.
M. le président. La parole est à M. Longuet.
M. Gérard Longuet. En dépit de tout le respect que j'ai pour la compétence de M. Gayssot et de toute l'estime que je porte à l'ancien président de la commission d'aménagement du territoire du conseil régional de Lorraine, M. Reiner, je ne crois pas que l'on puisse trancher les problèmes liés au TER dans les quelques minutes qui nous sont imparties : nous avons écouté les différentes interventions, mais tout n'est pas résolu. Cela étant, j'en viens à ma question, qui sera brève.
Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, qui s'est réuni le 9 juillet dernier à Limoges, a décidé d'annuler le projet de réalisation de l'autoroute A 32, qui avait été approuvé par vos prédécesseurs, monsieur le ministre, et par vous-même, comme vous l'avez indiqué, le 1er février 2001, dans une déclaration à L'Est républicain.
Toutefois, les membres du CIADT ne sont pas complètement fermés aux réalités du terrain et ils nous ont dit que, à défaut d'autoroute, serait construit quelque chose y ressemblant. Par conséquent, j'aimerais savoir, monsieur le ministre, si vous avez l'intention de nous présenter des solutions de rechange, afin que le million de Lorrains concernés par la décision du CIADT puissent savoir quelles sont vos intentions, quel sera le calendrier retenu et comment sera financé le nouveau projet, sachant que la réalisation de l'A 32 devait, elle, être payée par l'usager.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous avez raison, monsieur le sénateur, de dire qu'il n'est pas facile de traiter en dix minutes de problèmes aussi importants. Je tenais cependant à apporter quelques éléments de réponse aux questions qui m'ont été posées.
S'agissant du projet abandonné d'autoroute A 32, pour tenir compte de la concertation régionale ayant souligné l'importance du trafic de transit dans le sillon mosellan et son influence sur les conditions de circulation locales, le Gouvernement a décidé de modifier la rédaction du projet de schéma de services de transports. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, il entend apporter une réponse aussi multimodale que possible au problème soulevé.
Le texte définitif prévoit, outre le développement prioritaire des capacités ferroviaires, la préservation de la possibilité d'aménagements routiers destinés à écarter les trafics de transit des zones urbaines par l'autoroute A 31.
C'est donc un nouvel itinéraire routier fonctionnel - une autoroute A 31 future - qui sera constitué, en intégrant des déviations de zones urbaines comme la jonction Toul-Dieulouard formant déviation de Nancy, les contournements de Metz et de Thionville, ainsi que les sections non urbaines de l'actuelle A 31 dont l'élargissement serait possible.
Les études de mise en oeuvre de cette solution ont déjà débuté, aussi bien pour le volet routier que pour le volet ferroviaire. Les sections urbaines déviées de l'actuelle A 31 seront requalifiées en voies rapides urbaines, et je crois, monsieur le sénateur, que cette évolution sera très bien perçue dans votre région.
Dans l'optique du fort développement du trafic ferroviaire de fret et de voyageurs sur l'axe nord-sud, le sillon mosellan doit également faire l'objet d'aménagements de capacité, afin de garantir la régularité et la fluidité des trafics actuels et à venir. Cette priorité a été confirmée par les schémas de services collectifs de transport, c'est pourquoi les aménagements destinés à améliorer la fluidité sur cet axe sont prévus dans le cadre du contrat de plan Etat-région Lorraine.
Pour la Lorraine, le volet ferroviaire du contrat de plan Etat-région a retenu un programme d'investissements de plus de 800 millions de francs, qui comprend à la fois des opérations d'augmentation de capacité sur la ligne du sillon mosellan Thionville-Metz-Nancy, ainsi que l'aménagement d'un axe de rechange pour le transport de marchandises par Longwy, Conflans-Jarny et Toul.
Ainsi, pour faire face à l'accroissement du trafic, un itinéraire supplémentaire raccordé à l'axe Athus-Meuse sera mis en place, et les réflexions doivent même aller au-delà, afin que nous puissions trouver une solution pour canaliser autant que possible le trafic de fret sur cet axe, comme me l'a d'ailleurs suggéré Mme Evelyne Didier.
M. Gérard Longuet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Longuet.
M. Gérard Longuet. En ce qui concerne le volet ferroviaire, monsieur le ministre, je crois qu'un partenariat pertinent s'est en effet instauré, et tout ce que nous souhaitons, c'est que le calendrier des travaux puisse permettre de consommer les crédits que l'Etat et la région ont mobilisés à cette fin.
En revanche, votre réponse sur le volet routier m'a semblé très partielle, monsieur le ministre : en ce qui concerne la jonction Toul-Dieulouard, il n'y a pas de problème, mais cela ne règle pas les questions relatives aux projets d'aménagement dans le sud lorrain ; en ce qui concerne la métropole nord-lorraine et l'axe Luxembourg - Thionville - Metz - Pont-à-Mousson, qui constitue une zone d'urbanisation continue, je crains qu'il ne faille imaginer un itinéraire nouveau, c'est-à-dire revenir au projet de l'A 32.
Mais le génie est une longue patience, et nous n'en manquerons pas !
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas le jour où des difficultés et des critiques s'abattent sur notre rail, qui est le meilleur, que l'on peut confirmer, à la suite de la prédiction de Louis Armand, que le chemin de fer sera bien le mode de transport du xxie siècle.
Cela étant, il est vrai qu'il peut répondre à la croissance continue du trafic de voyageurs et de marchandises et, en même temps, à notre quête de développement durable, à notre désir de lutter contre les nuisances, à notre inquiétude devant l'insécurité, de plus en plus mal supportée, qu'engendrent la route et le transport routier.
Votre projet de budget indique bien, monsieur le ministre, que le transport ferroviaire est la pièce maîtresse d'une multimodalité en marche. Les financements prévus et nécessaires seront-ils cependant à la hauteur des investissements attendus et pourront-ils l'être aussi longtemps que pèseront la dette et les contraintes liées à celle-ci ?
L'établissement RFF, auquel la loi a donné pour mission non seulement d'être le gérant avisé de la dette transférée, mais aussi et surtout d'agrandir, de moderniser et de régénérer le réseau ferroviaire, est en première ligne devant ces lourdes contraintes.
L'efficacité, la haute technicité et la rigueur de son équipe de très haut niveau, sa crédibilité nationale et internationale lui ont permis de stabiliser une situation dégradée, mais il est évident que sa puissance d'investissement serait singulièrement renforcée si, comme cela fut fait en Allemagne, RFF pouvait être intégralement désendetté. Nous l'avons tous souhaité dans cet hémicycle : est-ce envisageable, est-ce possible ?
Dans cette marche vers la modernisation, l'Europe nous guette, la directive au bout du stylo ! Pour l'heure, les trois directives du « paquet ferroviaire » de février 2001 ont stabilisé les incertitudes en établissant les règles de tarification, de procédure d'attribution des sillons et d'accès aux réseaux. Toutefois, certains ultra-libéraux n'ont pas abandonné l'idée d'ouvrir un accès plus large aux réseaux à d'autres entreprises que les entreprises ferroviaires définies par la directive 2001-13. Monsieur le ministre, d'autres directives sont-elles, à votre connaissance, dans les « tuyaux » ?
Par ailleurs, contrairement au trafic de voyageurs, le trafic de marchandises enregistre une baisse importante. Si, par malheur, un ralentissement de l'économie devait l'aggraver, le doublement du fret ferroviaire, incontournable objectif pour 2010, ne serait-il pas gravement compromis ? Nous risquerions alors de dénombrer, comme le prévoyait M. Claude Martinand, dix mille camions par jour à la frontière espagnole !
Cinquième partenaire du transport ferroviaire européen, les régions participent aux grands projets, « mettent la main au portefeuille », aident à la régénération du réseau classique, jusqu'à présent quelque peu abandonnée.
Ainsi en est-il avec le projet POLT - Paris, Orléans, Limoges et Toulouse -, pour lequel, de Paris à Toulouse, quatre régions se sont mobilisées sur le plan financier. Celles-ci constatent aujourd'hui avec amertume que, en dépit d'un financement assuré, la réalisation prend du retard : l'échéance est repoussée à 2005-2007 au lieu de 2004, comme cela avait été annoncé. Pourquoi ce retard ? Est-il la conséquence de procédures trop lourdes ou bien du manque d'enthousiasme de la SNCF pour le train pendulaire, qui est au coeur de cette innovante régénération ? A ce propos, où en est le train pendulaire, monsieur le ministre ? Dans les esprits, dans les cartons ou dans les ateliers ?
Ce renouveau ferroviaire est inscrit dans la loi de 1997. Cette loi a sauvé la SNCF du naufrage, redéfini ses missions, rendu possible pour elle une nouvelle crédibilité, pour peu bien sûr que, dans une paix sociale retrouvée, elle puisse échapper à ces grèves récurrentes qui transforment hélas ! trop souvent - c'est encore le cas aujourd'hui - le client en galérien du rail et, comme l'a dit son président devant la commission des finances, menacent son équilibre financier.
L'histoire retiendra, monsieur le ministre, que cette réforme n'avait point votre faveur quand elle fut votée. Vous n'avez jamais cessé cependant de la mettre en oeuvre et de la compléter, souvent sans doute malgré l'opposition de certains syndicats et, disons-le, le manque d'enthousiasme d'un grand nombre de responsables de la SNCF.
Après cinq années d'application, il est nécessaire de faire le point, comme cela était prévu. Vous avez demandé au Conseil supérieur du service public ferroviaire de procéder à une évaluation. Des échos ont été rapportés aujourd'hui par la presse sur ce sujet, qui font craindre que le rapport ne témoigne pas de l'objectivité et de l'indépendance que nous souhaitons. Il ne faudrait pas, dans ce débat, monsieur le ministre, que l'on puisse interpréter le rapport d'évaluation du Conseil supérieur du service public ferroviaire comme un plaidoyer en faveur d'une réunification de la SNCF, c'est-à-dire en faveur de la disparition de RFF, laquelle est naturellement tout à fait impossible.
Une instance d'évaluation n'est pas un atelier de repentance, et il serait fâcheux que ressorte du texte cette impression que la SNCF est parfois idéalisée et RFF diabolisé. Nous comptons sur votre naturelle autorité, monsieur le ministre, pour nous épargner de telles interprétations. En effet, pour faire face à tous les défis qui s'imposent à lui, le transport ferroviaire doit fédérer tous ses acteurs, dans une vision dynamique de l'avenir. On a gagné la bataille du rail, ne perdons pas la paix du rail. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, sur la réforme et la réforme de la réforme, j'ai déjà répondu à M. Oudin. Je vous confirme ma détermination et la volonté du Gouvernement de préserver l'unicité du système ferroviaire public. A cet égard, si des idées intéressantes ont été émises à plusieurs reprises par le Parlement européen afin de limiter les risques de dérive dans ce domaine, on sait aussi que des tendances libérales continuent de se faire jour et que nous devons être très vigilants.
Soyez également assuré de ma détermination s'agissant de la mise en oeuvre d'une politique des transports nouvelle, qui ne relèvera ni du « tout-routier », ni du « tout-autoroutier », ni du « tout-TGV », ni du « tout-aérien », mais qui visera à tirer parti des avantages de chaque mode et à instaurer une réelle complémentarité entre eux.
Il s'agit quand même là d'un véritable événement, car cette perspective ne se dessinait pas voilà cinq ou six ans, que ce soit à l'échelon de la France, de l'Europe ou même du monde. Cela répond aux aspirations de nos sociétés et de l'ensemble des populations.
Nous devons donc nous engager dans cette voie nouvelle très positive, en associant à la réflexion, comme j'essaie de le faire avec les comités de pilotage pour l'autoroute ferroviaire alpine, tous les acteurs, qu'il s'agisse des salariés et des directions des entreprises concernées, des élus ou des partenaires économiques.
En ce qui concerne le projet POLT, sa réalisation a effectivement pris du retard, puisque la mise en service était prévue pour 2004. Ce retard tient non pas aux procédures ou à des réticences de la SNCF, qui s'est toujours montrée favorable au projet, mais plutôt à la complexité du dossier. En effet, l'utilisation de trains pendulaires constitue une première dans notre pays. Telle est l'explication du retard constaté, mais les études d'avant-projet détaillées ont confirmé la perspective d'une mise en service progressive à partir de la fin de 2004 ou du début de 2005. J'ai d'ailleurs demandé à RFF et à la SNCF de s'investir encore davantage dans cette opération prioritaire pour l'Etat et les conseils régionaux du Centre, du Limousin et de Midi-Pyrénées.
S'agissant de la section Perpignan-Figueras, la commission intergouvernementale franco-espagnole a proposé le 1er décembre 2001 aux ministres français et espagnol des transports de retenir les candidats - je crois qu'ils sont au nombre de six - et de leur demander de participer à la phase de présentation des offres. Ces candidats devront remettre leur offre avant le 31 mars 2002, l'objectif étant que la mise en service intervienne en 2005.
Enfin, lors du sommet franco-italien de Périgueux, l'accélération des procédures a été confirmée pour l'autoroute ferroviaire et pour la nouvelle ligne Lyon-Turin, de manière que celle-ci soit réalisée avant 2012.
M. François Gerbaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, pour la réponse que vous m'avez apportée, s'agissant notamment du projet POLT. Il n'en reste pas moins que les procédures sont lourdes et que l'exemple de la régénération de la ligne POLT devra nécessairement vous amener à revoir, sinon à remettre en cause certaines d'entre elles.
Cela étant, vous êtes depuis plusieurs années à la tête de votre ministère ; vous détenez un record de longévité, si bien que cette séance ressemble un peu à l'émission Questions pour un champion ! (Rires.)
M. le président. La parole est à Mme Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Monsieur le ministre, mon collègue Daniel Hoeffel présidant la séance, il ne peut vous exposer les deux questions qu'il souhaitait vous poser. Aussi, je me ferai son interprète.
Il s'agit de deux questions très brèves mais importantes. La première s'inscrit dans la perspective d'une réflexion au regard de l'évolution de notre trafic sur le plan européen et sur le plan national ; la seconde a davantage trait à l'actualité.
La saturation de certains axes routiers, la nécessité de ne pas réduire la plurimodalité des transports au rail et à la route ainsi que les exigences d'une vision européenne de l'aménagement du territoire conduisent à poser la question suivante : quand la France va-t-elle relancer un programme de voies navigables à grand gabarit, particulièrement sur l'axe Rhin-Rhône ?
Seconde question : la réalisation de la première phase du TGV Est-européen s'effectuera-t-elle dans les délais prévus, y compris en ce qui concerne la construction du deuxième pont ferroviaire sur le Rhin, dont on parle tant ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Madame la sénatrice, s'agissant de la première phase du TGV Est-européen, les délais seront tenus. Conformément à ce qui avait été annoncé lors du dernier comité de pilotage du projet, à Metz, le 12 novembre dernier, je vous confirme que la mise en service de la première phase du TGV Est-européen est prévue pour l'été 2006. Les premiers travaux préparatoires ont d'ores et déjà commencé, les gros travaux débuteront au printemps 2002. C'est effectivement bien engagé. Bien sûr, nous discutons dans le même temps avec nos amis allemands pour prévoir la suite, c'est-à-dire le pont après Strasbourg et pour que la liaison soit Est-européenne. Telle est la démarche.
Vous avez évoqué les voies navigables. J'ai répondu tout à l'heure au sujet de la liaison Rhin-Rhône, que l'on devrait plutôt appeler Saône-Rhin puisque tel était le projet.
Vous le savez, les projets de liaisons fluviales à grand gabarit Seine-Est et Saône-Moselle ne sont pas assez avancés pour être envisagés à l'horizon des schémas de services collectifs. Quant au projet Saône-Rhin, il a été abandonné en 1997 car les atteintes directes et irréversibles au patrimoine naturel et, plus généralement, au cadre de vie dans les régions traversées n'étaient pas compensées par l'intérêt intrinsèque d'un projet dont le coût d'investissement et le déficit prévisionnel de fonctionnement étaient très élevés. (M. Gruillot est dubitatif.) On se heurtait aussi à des oppositions très fortes, y compris d'élus, dans certains en droits. Le fait que nous ayons comme perspective, avec la réalisation du TGV Rhin-Rhône, de transporter beaucoup de fret par la voie ferrée constitue un élément de réponse sur cet aspect.
Les schémas multimodaux de services collectifs de transports retiennent un projet majeur, celui de la liaison Seine-Nord. Le tracé du futur canal sera arrêté rapidement, pour la partie centrale, et les travaux d'aménagement aux extrémités, Dunkerque-Escaut d'une part, Oise-aval d'autre part, sont d'ores et déjà engagés et programmés.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez au président de séance de remercier Mme Gautier de s'être substituée à lui pour poser ses deux questions.
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le ministre, le budget que vous nous proposez aujourd'hui est un bon budget. Avec ses 25 milliards d'euros, il progresse de près de 3 % et, surtout, il vise - c'est bien là l'essentiel - au développement équilibré des moyens de transport.
Toutefois, vous me permettrez certainement, monsieur le ministre, de dire deux mots sur ce qui intéresse plus particulièrement le département que je représente, la Haute-Vienne.
En ce qui concerne le rail, je me félicite, avec nombre de mes collègues, du fait que les moyens alloués à la régionalisation des transports de voyageurs soient en augmentation importante. J'espère que la liaison ferroviaire Limoges-Poitiers, trop lente et très inconfortable, pourra en profiter rapidement.
Pour autant, il ne faudrait pas oublier les besoins des grandes lignes. Mon collègue François Gerbaud a évoqué tout à l'heure le retard pris par le POLT. Vous ne nous avez qu'à moitié rassurés parce que les retards que vous avez évoqués ne sont pas ceux auxquels il faisait allusion.
Néanmoins, les attentes sont fortes.
L'étude de la liaison TGV Paris-Bordeaux-Toulouse a-t-elle une incidence sur les travaux du POLT ? Je ne le crois pas, mais rassurez-nous, monsieur le ministre, et, surtout, rassurez les usagers.
Vous m'avez dit à plusieurs reprises que la liaison Bordeaux-Limoges-Lyon allait être améliorée. Là aussi, les utilisateurs se plaignent de l'inconfort et de la lenteur du voyage. Cette ligne, qui a un intérêt interrégional évident, doit rester classée « grande ligne ».
En ce qui concerne la sécurité dans les trains, je me félicite avec vous du fait que les progrès soient importants et visibles. En conséquence, la suppression de certains arrêts, la nuit, en gare de Limoges n'est peut-être plus indispensable.
Permettez-moi de dire deux mots des liaisons routières.
Le 26 novembre dernier, s'est tenue à Limoges la réunion de lancement de la concertation régionale relative à la mise à deux fois deux voies de la RN 147 entre Limoges et Poitiers et de la RN 145 entre Bellac et La Croisière. Ces itinéraires ont été classés « grandes liaisons d'aménagement du territoire » dans le schéma directeur routier national de 1992. L'aménagement de la RN 147 à deux fois deux voies en route express a été inscrit dans les schémas de services collectifs de transports validés par le Gouvernement lors du CIADT du 9 juillet dernier à Limoges.
L'itinéraire Nantes - Méditerranée est désormais arrêté. Il passera par Cholet, Poitiers, Bellac et Limoges. Cependant, la fin des travaux n'est prévue qu'à l'horizon 2020. A mon sens, il n'est pas convenable d'attendre encore vingt ans pour relier par une route à deux fois deux voies deux capitales régionales proches à l'heure où chacun sait que le développement de réseaux de ville à taille humaine est un des bons moyens d'aménager convenablement le territoire.
Au-delà de son utilité régionale, qui est grande, cette voie express présente aussi un intérêt national et même international. Des crédits importants sont prévus aux deux contrats de plan - Limousin et Poitou-Charentes - mais leur rythme d'exécution est lent.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, attirer également votre attention sur la mise à deux fois deux voies de la RN 141 entre Limoges et la côte atlantique.
Les quatre déviations programmées dans le contrat de plan de Poitou-Charentes, à savoir Chasseneuil, La Rochefoucauld, Jarnac et Bourras, seront en principe terminées en 2006. En revanche, rien n'est programmé pour la mise à deux fois deux voies du tronçon de trente kilomètres entre Saint-Junien, en Haute-Vienne, et Chasseneuil, en Charente, alors que la déviation de Saint-Junien est terminée et que la mise à deux fois deux voies entre Limoges et Saint-Junien se poursuit.
Il serait bon, là aussi, monsieur le ministre, que les travaux puissent être accélérés.
La Haute-Vienne, relativement peu peuplée, a un relief tourmenté. Cela explique sans doute pourquoi les infrastructures modernes se sont fait attendre plus longtemps qu'ailleurs dans ce beau pays.
Il est donc impératif que, aujourd'hui, la solidarité nationale s'exerce de manière plus forte en faveur de ceux qui ont été un peu oubliés par le passé...
Cela dit, monsieur le ministre, je le répète : votre budget est un bon budget. Aussi, le groupe socialiste et moi-même le voterons sans hésitation.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, les questions que vous m'avez posées sont nombreuses et précises. Je vais m'efforcer d'y répondre le mieux possible et, si jamais je ne répondais pas sur tous les points de manière détaillée, je m'engage à vous faire parvenir les éléments qui pourraient m'être fournis ultérieurement.
Le TGV Aquitaine et le projet POLT sont-ils contradictoires, m'avez-vous demandé ? Je réponds : non. Ces deux projets représentent des priorités ferroviaires pour le Sud-Ouest. S'agissant de la liaison POLT, je me suis exprimé lorsque j'ai répondu à M. Gerbaud. Si des retards ont été constatés, c'est simplement parce qu'il convient d'intégrer les problèmes complexes posés par la mise en place de ce premier projet pendulaire pour notre pays.
J'en viens à la liaison Bordeaux-Lyon par Toulouse.
L'amélioration de la liaison ferroviaire Bordeaux-Lyon s'articule autour de trois itinéraires.
Le premier, qui nécessite d'aménager progressivement l'axe Paris-Bordeaux en ligne à grande vitesse, permettra une réduction des temps de parcours d'environ une heure à terme, et déjà d'une demi-heure, grâce à une première étape de réalisation entre Angoulême et Bordeaux, dont les études d'avant-projet sommaire sont en cours.
Pour le deuxième itinéraire, la modernisation des dessertes le long des transversales passant par Clermont-Ferrand est envisagée. Les études ont conclu à un gain d'environ quarante-cinq minutes, grâce à la suppression de quelques arrêts peu fréquentés et à la modernisation du matériel roulant. Il s'agit d'éléments fournis par la SNCF.
J'ai demandé à mes services de suivre l'aboutissement des discussions entre la SNCF et les quatres régions concernées sur les deux itinéraires transversaux existants.
Enfin, il est aussi envisagé de moderniser l'axe transversal Bordeaux-Toulouse-Narbonne - à terme, cette liaison permettra d'améliorer la desserte entre le sud de la France et le nord de l'Espagne - dans le prolongement du projet de contournement de Nîmes et de Montpellier. Les études prévues à cet effet dans le contrat de plan en région Midi-Pyrénées permettront d'évaluer l'intérêt d'utiliser la technique pendulaire sur cet axe et de déterminer les investissements nécessaires à l'amélioration de la desserte.
Avec la liaison Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, le gain de temps entre Paris et Toulouse est de l'ordre d'une demi-heure. Avec une liaision rapide, de type pendulaire, qui pourrait être réalisée entre Bordeaux, Toulouse et Narbonne, il serait également possible de gagner du temps.
J'en viens au réseau routier.
Sur la section A 20 - Bellac de la RN 145 à deux fois deux voies, la concertation a été lancée voilà une semaine, afin de constituer le dossier d'avant-projet sommaire de première phase début 2002.
La RN 141 entre Limoges, Angoulême et Saintes constitue la branche ouest de la route Centre-Europe-Atlantique, la RCEA.
Le taux d'avancement du contrat de plan Etat - région sur la RN 141 est, à la fin de 2001, en avance, par rapport à la moyenne nationale, de dix-huit points en région Limousin et de treize points en région Poitou-Charente, ce qui traduit la volonté de l'Etat d'accélérer la réalisation de la RCEA en général et de la RN 141 entre Limoges et Saintes en particulier.
S'agissant du désenclavement de Limoges vers l'Atlantique et la Méditerranée, je sais l'intérêt que vous portez à cette question. Elle est aussi en cohérence avec l'objectif de relier Limoges à Nantes par une route à deux fois deux voies. Les études avancent à un rythme soutenu sur la majeure partie de l'itinéraire. Sur la RN 149, la déclaration d'utilité publique des trente-huit kilomètres en tracé neuf de la liaison Cholet-Bressuire est intervenue par décret du 24 octobre 2001, et les travaux pourront débuter dès 2003.
Les concertations régionales ont également commencé en novembre dans les deux régions sur l'avant-projet sommaire d'itinéraire - APSI - première phase de la RN 147 Poitiers-Limoges. L'approbation de cet APSI interviendra début 2002. Par ailleurs, la liaison vers le sud de l'A 20 entre Limoges et Montauban sera achevée en juillet 2003 par la mise en service du contournement de Cahors.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je tiens à remercier M. le ministre de ses réponses, qui nous donnent des informations plus complètes que ne le faisait son propos liminaire.
Je souhaite lui faire une suggestion : le Portugal et le Royaume-Uni utilisent une technique de financement des grandes infrastructures routières appelée le péage virtuel. Vos services ne pourraient-ils pas entreprendre une étude à cet égard ? Les grandes liaisons routières qui restent à réaliser sont celles qui n'ont pas encore été faites, comme aurait pu le dire M. de la Palice ! Mais elles n'ont pas été réalisées parce qu'elles sont peut-être moins rentables que d'autres dans la mesure où elles traversent des régions peu peuplées et au relief plus accidenté nécessitant des travaux plus coûteux. M. Radet, député-maire de Limoges, vous a interrogé récemment par courrier sur ce point. Nous serons très attentifs à vos réponses à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Doligé.
M. Eric Doligé. Monsieur le ministre, vos amis vous disent tous, au début de leur propos, que votre budget est un bon budget. Mais ensuite, j'ai le sentiment qu'ils réclament autant que nous-mêmes et qu'ils n'ont peut-être pas tout à fait satisfaction, tant sur les transports routiers que sur les transports ferroviaires.
Vous avez cité des chiffres tous merveilleux,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Non !
M. Eric Doligé. ... puisqu'ils sont en augmentation de 9 %, de 8 %, de 6 % ou de 2 % ! M. Oudin, que j'ai écouté avec beaucoup d'attention, nous a montré que la réalité était un peu différente. Pour être sur le terrain - nous sommes en effet des élus de terrain - je constate quand même un certain nombre de difficultés.
Dans une région située au sud du Bassin parisien, se trouvent le Loiret et la région orléanaise, où nous avons depuis au moins cinq ans un projet multimodal de ferroutage. Vous devez d'ailleurs le connaître, car quelques élus communistes de ce secteur, issus de la SNCF, à Saran ou ailleurs, vous en ont entretenu. Depuis cinq ans, nous sommes tous d'accord pour mettre en place la plate-forme logistique. Mais la guerre qui existe entre RFF et la SNCF maintient ce dossier au point mort.
Le développement du transport routier effectué par la SNCF est important. Je rappelle que la SNCF, à la suite d'une politique de rachat de transporteurs routiers, circule finalement plus sur les routes que sur les voies ferroviaires.
J'évoquerai également la RN 60 et l'A 19, dont nous avons déjà parlé à de multiples reprises dans cette enceinte ou ailleurs, monsieur le ministre.
La RN 60 est l'une des routes les plus fréquentées et les plus mortelles de France : elle est extrêmement dangereuse. Or les choses n'avancent pas vite ! En effet, si 300 millions de francs - un tiers provenant de l'Etat, un tiers du département et un tiers de la région - étaient inscrits au précédent contrat de plan, on constate, deux ans plus tard, que les crédits n'ont pas été engagés en totalité ; et, pour le présent contrat de plan, seuls 60 millions de francs sont inscrits, sur lesquels la première opération devrait démarrer en 2002, pour 2,5 millions de francs. Pour le reste, on nous dit : « Venez discuter à partir de 2003 » ! Par conséquent, il faudra, pour réaliser les aménagements sur la RN 60, deux cents ans au rythme actuel et quarante ans au rythme ancien !
Monsieur le ministre, j'aimerais savoir - je vous ai déjà posé la question, mais n'ai pas obtenu de réponse - si vous accepteriez que les collectivités locales, en particulier le département, qui financent l'opération aux deux tiers - l'Etat y contribue à hauteur de 33 %, mais récupère la TVA, et paie donc environ 15 % - aient la maîtrise d'ouvrage de cette opération, ce qui permettrait d'éviter les délais extrêmement longs que met l'Etat à réaliser les travaux. Je vous rappelle que c'est l'une des routes les plus mortelles de France !
S'agissant de l'A 19, la concession devait être attribuée en 1997. Quatre ans après, rien n'est fait ! Vous m'expliquerez bien sûr, monsieur le ministre, qu'il s'est passé beaucoup de choses sur le plan des appels d'offres européens. On nous annonce aujourd'hui que la concession devra être donnée dans dix-huit mois ; par conséquent, si tout va bien, il aura fallu cinq ans et demi pour avoir une concession ! On nous annonce également - vous l'avez d'ailleurs rappelé - que les collectivités ou au moins les pouvoirs publics participent à 50 % du déficit de financement potentiel, ce qui n'était pas le cas en 1997.
J'aimerais donc, monsieur le ministre, que les règles du jeu exactes nous soient communiquées et que les émissaires, dont la venue nous est annoncée chaque jour depuis cinq ans, viennent discuter avec les collectivités. Nous les attendons, car nous voudrions savoir à quelle sauce nous allons être mangés et quel poids budgétaire peut représenter la participation des collectivités.
Mieux vaut d'ailleurs, monsieur le ministre, que ces émissaires ne viennent pas à Orléans par le train : certes, des trains pour Orléans partent toutes les heures de Paris et font théoriquement le voyage en une heure. Mais les retards et les problèmes d'insécurité sont nombreux, les grèves assez fréquentes. Par conséquent, il vaut mieux qu'ils viennent en voiture, même s'il y a des embouteillages !
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques questions que je souhaitais vous poser.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Du point de vue des grèves, monsieur le sénateur, la majorité précédente était bien placée !
M. Eric Doligé. Je parle d'aujourd'hui !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. En quelle année les grèves ont-elles été les plus nombreuses ? C'était en 1995, sous un gouvernement que vous souteniez !
M. Philippe de Gaulle. Quelle culture de la grève !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Cela a duré des semaines et des semaines ! Les gens ne pouvaient plus se déplacer ! Et quel a été le résultat ? Les dispositions que craignaient les cheminots n'ont pas été mises en oeuvre ! Par conséquent, nous pouvons, si vous le voulez, parler de ce sujet-là, aussi !
M. Michel Caldaguès. Oh oui !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'en viens aux questions plus précises que vous avez évoquées.
Concernant la RN 60, j'ai effectivement eu l'occasion d'en parler avec vous ; vous m'interrogez à nouveau sur des points auxquels j'ai déjà apporté des réponses, notamment s'agissant de la maîtrise d'ouvrage. Je vais donc me répétez : monsieur le sénateur, ce n'est pas moi qui décide ou non si je peux donner la maîtrise d'ouvrage, c'est la loi qui m'autorise ou m'interdit de faire certaines choses !
S'agissant plus précisément de la RN 60 et de l'A 19, Jacques Reboul, que vous connaissez certainement, est venu récemment à mon ministère me parler de ces questions.
J'ai mandaté M. le préfet Lacroix pour entreprendre une mission de financement de l'autoroute A 19. A l'issue de la réforme du régime des concessions, une subvention publique d'équilibre significative devra être rassemblée pour permettre le lancement de l'appel à concession.
L'Etat assumera 50 % de cette subvention d'équilibre ; c'est la règle qui est admise pratiquement partout. L'A 19 a une fonction de contournement par le sud du Bassin parisien. A ce titre, j'entends proposer à la région d'Ile-de-France et aux régions Bourgogne et Pays de la Loire d'y participer aux côtés de la région Centre.
J'en viens à la maîtrise d'ouvrage des travaux prévus sur la RN 60 entre Montargis et Châteauneuf-sur-Loire, que vous souhaitez voir confiée au conseil général. En vertu de l'article 2 de la loi du 12 juillet 1985, relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses relations avec la maîtrise d'oeuvre privée, le maître d'ouvrage est la personne morale pour laquelle l'ouvrage est construit. Responsable principal de l'ouvrage, il remplit dans ce rôle une fonction d'intérêt général dont il ne peut se démettre. L'Etat, affectataire unique du domaine public routier national, est, par nature, le maître d'ouvrage exclusif sur une route nationale.
Concernant les travaux de la déviation de Bellegarde, ils ont débuté en 1998 et ont été arrêtés pendant sept mois entre le mois de novembre 2000 et le mois de mai 2001. La mise en service, initialement prévue en septembre 2001, a été retardée, mais une partie du retard a été rattrapée puisque les travaux de chaussée, commencés dès la fin du mois d'août 2001, sont terminés depuis la fin du mois d'octobre 2001. Les travaux de finition ont débuté depuis le mois de novembre 2001. L'objectif consiste à terminer les travaux à la fin du mois de janvier 2002, avec un risque portant sur quelques semaines, en fonction des aléas climatiques.
Les travaux de la déviation de Tournon ont débuté sur la RN 60, pour une somme nettement supérieure aux 2,5 millions de francs que vous avez cités.
M. Eric Doligé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Doligé.
M. Eric Doligé. Monsieur le ministre, s'agissant de la maîtrise d'ouvrage, je ne suis pas tout à fait certain que vous ayez raison. En effet, pour les universités, la maîtrise d'ouvrage est confiée aux collectivités alors que les universités se trouvent sur le sol de l'Etat et appartiennent à ce dernier. Par conséquent, je vais vérifier ce point et, si j'ai raison, j'espère que vous m'en donnerez acte...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Absolument !
M. Eric Doligé. ... et que vous nous confierez alors la maîtrise d'ouvrage de la RN 60. La discussion est donc intéressante.
Je n'ai pas abordé tout à l'heure la question des grèves pour polémiquer ! Monsieur le ministre, 6 000 personnes par jour prennent le train à Orléans pour aller travailler à Paris, et elles seraient probablement 8 000 ou 10 000 en l'absence de retards et de problèmes de sécurité. Si l'on arrivait à restaurer la qualité du service, je suis persuadé que les densités d'utilisation seraient alors très supérieures. C'est ce point que j'ai voulu évoquer tout à l'heure ; pour ma part, je souhaiterais que les liaisons ferroviaires fonctionnent mieux et que les personnes prenant le train entre Orléans et Paris soient beaucoup plus nombreuses.
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les transports terrestres, les routes et la sécurité routière, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement », seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 41 004 185 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : moins 5 513 942 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 726 595 000 euros ;
« Crédits de paiement : 749 631 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 933 092 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 288 211 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les transports terrestres, les routes et la sécurité routière.

iii. - transports et sécurité routière (suite)
3. Aviation et aéronautique civiles
Budget annexe de l'aviation civile