SEANCE DU 3 DECEMBRE 2001


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement : IV. - Mer.
La parole et à M. le rapporteur spécial.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits inscrits au budget de la mer pour 2002 s'élèvent à 940,1 millions d'euros, en diminution de 8 % par rapport au budget de 2001. En fait, cette baisse n'est qu'apparente : elle résulte du transfert de la totalité des crédits de rémunération des personnels sur la section « services communs » du budget de l'équipement, des transports et du logement. Hors personnel, le budget de la mer augmente de 1 % par rapport au budget voté l'année dernière.
Ma première observation concerne la sécurité maritime, qui demeure la priorité de ce budget, comme ce fut déjà le cas l'an dernier.
Au total, les crédits de paiement consacrés à la sécurité maritime augmentent de 20 % en 2002 : c'est une évolution dont on ne peut que se féliciter.
Ainsi, les centres de sécurité des navires chargés de contrôler les navires français et étrangers en escale dans les ports voient leurs effectifs substantiellement renforcés puisque trente-quatre postes d'inspecteurs de la sécurité sont créés, ce qui porte à 104 leur nombre total, seize postes ayant déjà été créés l'an dernier à la suite du naufrage de l' Erika .
C'est un effort important qu'il faut poursuivre pour atteindre l'objectif fixé par le mémorandum de Paris, soit 25 % de navires contrôlés, alors que, lors du naufrage de l' Erika , la France contrôlait à peine 14 % des navires, les inspecteurs n'étant à l'époque que cinquante-quatre.
S'agissant des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, on sait depuis longtemps qu'ils sont débordés, à la fois par l'extension de leurs missions et par la multiplication de leurs interventions. Ils doivent effectuer aujourd'hui, en moyenne, 7 000 opérations de recherche et de sauvetage par an.
Lors du dernier conseil interministériel de la mer, on a beaucoup insisté sur la vétusté de leurs équipements, notamment celle des radars et des moyens de communication.
Depuis, un effort budgétaire a été consenti. Cette année, la dotation dévolue aux CROSS continue d'augmenter de 40 % en crédits de paiement, ce qui permettra de renouveler les radars et aussi d'améliorer la couverture radio actuelle.
Autre aspect de la sécurité maritime : la signalisation. Celle-ci voit, elle aussi, sa dotation progresser fortement en crédits de paiement - de 50 % - ce qui permet de poursuivre le plan de modernisation des phares et des balises. C'est ce plan qui a permis la construction de trois baliseurs : après le baliseur côtier du Havre en 2001, l'année 2002 est celle de la livraison du grand baliseur océanique de Brest ; quant au baliseur océanique de Dunkerque, il sera livré en 2003.
Par ailleurs, afin de développer le dispositif de contrôle et de surveillance des affaires maritimes, qui assure des missions de surveillance et de police ainsi que de contrôle technique de certaines catégories de navires, l'acquisition d'un second patrouilleur de haute mer sera effectuée en 2002.
La sécurité portuaire, qui figure, comme l'an dernier, en bonne place dans le budget de la mer, doit assurer le bon accès des navires et constitue une condition préalable au développement des activités portuaires. L'effort financier consenti l'année dernière pour l'entretien des infrastructures portuaires et les moyens consacrés aux dragages d'entretien des accès maritimes est reconduit cette année.
Le programme de réhabilitation des infrastructures portuaires de base, tel qu'il résulte des nouveaux contrats de plan portuaires entre l'Etat et les régions, sera poursuivi en 2002 avec, par exemple, la réhabilitation de la digue de calibrage du chenal d'accès au port de Rouen, la réhabilitation d'écluses à Dunkerque et à Saint-Malo, la poursuite de la restauration de la digue du large à Cherbourg.
Par ailleurs, sept emplois de surveillants de port sont créés, ce qui représente une augmentation de 14 % des effectifs pour l'ensemble des ports.
La deuxième priorité du budget concerne la protection et la mise en valeur du littoral. L'augmentation des moyens amorcée en 1998 est donc poursuivie : elle est de 42 % en crédits de paiement et de 40 % en moyens d'engagement.
Un effort financier est également prévu en faveur des zones littorales habitées et soumises à l'érosion marine. Les crédits destinés à la protection des lieux habités contre l'érosion marine augmentent fortement en autorisations de programme, ce qui traduit les engagements pris par l'Etat dans le cadre des contrats de plan littoraux et des avenants consécutifs aux tempêtes de la fin de l'année 1999.
Une autre observation concerne la protection sociale des marins, qui est renforcée grâce à deux mesures.
En premier lieu, est créée une dotation destinée à financer la protection contre une exploitation « sous-normes » des marins. Cette dotation permettra d'apporter une aide aux associations et des avances sur salaire au bénéfice des marins abandonnés dans les ports français, en attendant la mise en place d'un système d'assurance internationale, discuté dans le cadre de l'Organisation maritime internationale sur l'initiative de la France.
En second lieu, l'article 73 rattaché prévoit une disposition relative au régime de la sécurité sociale des marins. Cette année, la dotation de l'Etat à l'ENIM, l'établissement national des invalides de la marine, qui finance le régime de retraite des marins, intègre un nouveau mécanisme de cessation anticipée d'activité pour les marins ayant été fortement exposés à l'amiante. Il s'agit d'étendre aux marins le droit à cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante prévu par la loi de financement sur la nécessité sociale pour 1999.
La dotation de l'Etat à l'ENIM, qui représente les trois quarts du budget de la mer, diminue cette année de 3,5 %. Toutefois, cette baisse est purement mécanique puisqu'elle résulte d'une hausse des transferts de compensation entre les régimes sociaux. Les pensions seront revalorisées en 2002 dans les mêmes conditions que les retraites du régime général.
J'aborde maintenant le soutien de l'Etat à notre flotte de commerce, qui n'a cessé de décliner depuis les deux chocs pétroliers des années soixante-dix.
Aujourd'hui, la flotte française compte à peine plus de 200 navires : 206 au 31 décembre 2000. Sa compétitivité est bien moindre que celle de ses concurrentes.
C'est pourquoi, depuis 1990, la flotte de commerce a fait l'objet d'un plan pluriannuel de soutien. Actuellement, ce système de soutien consiste, d'une part, en des réductions de charges fiscales et sociales pesant sur les entreprises de transport maritime, d'autre part, en une mesure d'allégement fiscal pour les groupements d'intérêt économique qui acquièrent un navire.
Concernant les charges fiscales pesant sur les entreprises de transport maritime, un allégement de la part maritime de la taxe professionnelle a été institué et, depuis 1991, les subventions de l'Etat couvrent 100 % du montant de la taxe. Le dernier CIMER - comité interministériel de la mer -, qui s'est tenu le 27 juin 2000, a levé l'incertitude qui pesait sur le maintien de cette aide : elle a en effet été prorogée, sans limitation de durée.
En matière de charges sociales, c'est un dispositif de remboursement qui a été créé : les charges sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie et accident du travail, versées par les entreprises qui emploient des personnels navigants sur des navires de commerce battant pavillon français, sont remboursées depuis ce même CIMER.
A l'occasion de celui-ci, de ce dernier, il a également été décidé non seulement de pérenniser cette aide, mais aussi de l'étendre aux cotisations d'allocations familiales et d'assurance chômage ; cette mesure a été votée dans la loi de finances pour 2001 mais son effet ne se fera sentir qu'en 2002, ce qui explique la progression de 20 % des crédits destinés à la flotte de commerce.
Concernant l'allégement fiscal pour les groupements d'intérêt économique qui acquièrent un navire, vingt-six dossiers ont été acceptés au 1er juillet 2001, représentant trente-trois navires, pour un montant total d'investissement de 1,3 million d'euros, soit 8,6 millions de francs.
Enfin, le soutien à la flotte française prend aussi la forme d'un soutien au cabotage maritime depuis que le dernier CIMER a insisté sur le caractère sûr et non polluant de ce mode de transport. Le Gouvernement a arrêté le principe d'un soutien financier public au démarrage de nouvelles lignes et en a informé la Commission européenne ; la décision de cette dernière devrait intervenir d'ici à la fin de l'année 2001.
Pour conclure sur ces mesures de soutien à la flotte de commerce, je relèverai que, à la suite de la demande formulée par le CIMER du 27 juin 2000, des études sont actuellement conduites par le ministère de l'équipement, des transports et du logement, d'une part, et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, d'autre part, sur les dispositifs de soutien à la flotte de commerce mis en place à l'étranger.
En effet, plusieurs pays ont récemment adopté divers dispositifs de taxation au tonnage : la Norvège, les Pays-Bas, le Danemark, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Il semble que ces pays aisent vu leur flotte augmenter depuis l'adoption de ce mode de taxation.
M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Et voilà !
M. Marc Massion, rapporteur spécial. Appliqué dans notre pays, un tel système aurait un coût budgétaire non négligeable : de l'ordre de 100 millions de francs.
J'en viens aux ports maritimes.
Avec un trafic global de 346,3 millions de tonnes, l'activité des ports français a augmenté de 4 % par rapport à l'année dernière, après avoir connu une légère baisse en 1999. Le trafic des ports autonomes a augmenté de 6,5 %, tandis que celui des ports d'intérêt national a diminué de 4,5 %, en raison d'un recul des échanges à Calais, qui représente à lui seul 45 % du trafic des ports d'intérêt national. Hors Calais, le trafic des ports d'intérêt national s'est maintenu au cours de l'année 2000.
La croissance globale doit cependant être relativisée : le trafic total européen, ports français inclus, a progressé de 7,5 % en 2000 ; certains ports européens ont même connu des taux de croissance à deux chiffres.
L'extension des infrastructures portuaires, l'amélioration des dessertes terrestres, une plus grande sécurité portuaire sont absolument nécessaires pour permettre aux ports français de se placer convenablement à l'échelle mondiale, dans un secteur où la croissance est forte, deux fois plus rapide que celle des autres moyens de transport, et permet donc d'envisager des gains de parts de marché.
Le projet de budget pour 2002 traduit ces priorités. Les dotations aux investissements sont en hausse. Elles financeront, outre Port 2000 au Havre, des opérations prévues au port de Nantes - Saint-Nazaire et dans le port de Marseille.
L'opération Port 2000, dotée à elle seule de 47 % des investissements prévus en 2002, demeure de loin l'investissement d'extension des ouvrages portuaires le plus important du projet de budget pour 2002, comme les années précédentes. Les travaux ont pris du retard, mais il semble qu'on soit aujourd'hui sur la bonne voie. Actuellement, sont en voie d'être achevées les opérations de déminage.
L'avenir des ports français dépend aujourd'hui des mesures prises au niveau européen et, en particulier, de ce qu'il adviendra du projet de directive sur les services portuaires. Ce projet est issu des réflexions menées après la publication en 1998 d'un livre vert sur les ports et les infrastructures maritimes, qui évoquait la réalisation éventuelle d'un cadre communautaire en matière de tarification et de financement.
Le 13 février 2001, la Commission a présenté ses propositions de cadre réglementaire dans un « paquet » portuaire comprenant, d'une part, les résultats d'une enquête effectuée auprès des Etats membres sur les financements dans les ports et, d'autre part, un projet de directive sur l'accès au marché des services portuaires.
Les deux enseignements principaux de l'enquête sont les suivants : en premier lieu, les ports de la façade « mer du Nord » bénéficient de financements publics plus importants, quel que soit le type d'investissement, que les ports des autres façades, notamment la façade sud-ouest de l'Europe ; d'autre part, la Commission reconnaît à la France une transparence supérieure aux autres Etats membres.
Quant au projet de directive, il a pour objet de clarifier le régime des droits exclusifs ou des monopoles de droit ou de fait, de nature publique ou privée, concernant l'accès au marché des services portuaires. A l'heure actuelle, aucun Etat membre n'a clairement fait connaître une position officielle sur ce projet de directive.
Selon moi, ce projet de budget affiche de vraies priorités : sécurité maritime et portuaire, aide à la flotte de commerce et meilleure protection du littoral. L'évolution positive de ce budget, trop peu doté au fil des ans, est ainsi confirmée.
M. le président. Mes chers collègues, j'invite chacun d'entre vous à faire diligence pour que nous puissions achever nos travaux dans des délais raisonnables, de manière que, demain, les deux grands budgets que sont celui du ministère de l'agriculture et de la pêche et celui du ministère de l'intérieur soient être examinés selon les horaires prévus.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, je vais m'efforcer de répondre à votre appel.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la mer pour 2002 manque, selon moi, d'ambition, d'imagination et d'audace.
S'agissant des moyens financiers, tout d'abord, c'est surtout l'ambition qui fait défaut. Depuis plusieurs années, le budget de la mer oscille entre 900 millions et 970 millions d'euros, c'est-à-dire entre 6 milliards et 6,5 milliards de francs.
Sur ce montant, la charge des pensions versées aux marins retraités au titre de la solidarité nationale « pèse » à peu près 710 millions d'euros, soit environ 4,8 milliards de francs.
Que représente donc l'effort financier de l'Etat en faveur de la marine marchande française, des ports maritimes et de la pêche, de la surveillance de nos côtes et du contrôle des navires, sans parler des écoles de la marine marchande ? En fait, de 195 millions à 225 millions d'euros, c'est-à-dire entre 1,3 milliard et 1,5 milliard de francs, selon les années.
Me permettez-vous, monsieur le ministre, de vous rappeler qu'en 1997 vous aussi jugiez qu'il fallait redresser sérieusement la barre ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui !
M. Charles Revet, rapporteur pour avis. Cinq ans plus tard, où en sommes-nous ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Nous l'avons redressée ! (Sourires.)
M. Charles Revet, rapporteur pour avis. Ne vous êtes-vous pas borné, en définitive, à reconduire, bon an mal an, les dotations au niveau où vous les aviez trouvées en arrivant ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Non ! (Nouveaux sourires.)
M. Charles Revet, rapporteur pour avis. Vous nous l'expliquerez tout à l'heure !
Manifestement, la vocation maritime de la France n'aura pas été une priorité gouvernementale. Or la France a toujours eu une vocation maritime.
Votre politique manque d'imagination.
Un louable projet, mené sur une base pluriannuelle, tend, certes, à moderniser, sous l'appellation « Port 2000 », notre port du Havre, afin de renforcer la capacité d'accueil des trafics « conteneurisés ». J'en profite d'ailleurs pour signaler que les collectivités ont été largement sollicitées pour apporter leur contribution au financement de ce projet, auquel seront consacrés 27 millions d'euros en 2002, ce dont nous nous félicitons.
Globalement, l'investissement de l'Etat sur ce projet aura été, sur plusieurs années, de 91 millions d'euros, soit environ 610 millions de francs.
Cependant, personne n'a réfléchi au potentiel que pourrait représenter un complexe portuaire composé du port du Havre couplé à celui de Rouen. Sommes-nous donc si puissants et si compétitifs par rapport aux ports d'Anvers ou de Rotterdam, par exemple, pour faire l'économie de ce type de réflexion ou d'expérience ?
Interrogé par moi-même sur ce sujet lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, vous vous êtes, monsieur le ministre, montré intéressé par l'idée de l'« interportuarité ». Mais alors, que n'avez-vous tenté, depuis cinq ans, de mettre en oeuvre ou, tout au moins, d'expérimenter ce genre de formule ?
Là encore, je ne mets en cause ni les intentions ni la bonne volonté du Gouvernement. Je pense simplement que son « immobilisme » sur le sujet ne fait que traduire un relatif manque d'intérêt pour notre vocation maritime. Ce relatif manque d'intérêt, je le concède a été, hélas ! partagé par d'autes gouvernements.
D'autres priorités - et même d'autres modes de transport - ont mobilisé et mobilisent toujours, à tort ou à raison, des moyens financiers considérables. Le « maritime » demeure, quant à lui, réduit à la portion congrue. Il constitue manifestement une « variable d'ajustement », comme on dit, dans la gestion du budget des transports.
Mais ce budget manque surtout d'audace.
Si les fonds publics sont rares, du moins pourrait-on « déverrouiller » le secteur afin de libérer les énergies et les vocations. Ce « déverrouillage », en termes de réglementation, de fiscalité et de charges sociales, pourrait avoir un effet multiplicateur sur le niveau général de l'activité, en permettant d'ailleurs à l'Etat de récupérer, à très court terme, sa « mise de départ ».
Ainsi ont agit la plupart des pays industrialisés voisins : Italie, Espagne, Grèce, Portugal, Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Norvège, etc. Or il s'agit de pays européens. Dès lors ce qui est possible chez eux devrait aussi l'être chez nous ! Notre « timidité » en la matière n'a pas été bonne conseillère.
Je proposerai au Sénat, à titre personnel, un amendement qui va dans le sens que je juge souhaitable, celui de la reconquête de la vocation maritime française.
Puissiez-vous, monsieur le ministre, ne plus camper, dans le domaine de la mer, sur ces positions « passives et timorées » qui, en vingt-cinq ans, ont fait rétrograder notre flotte de commerce du cinquième au vingt-huitième rang mondial !
Vous le comprendrez, monsieur le ministre, devant cette situation, la commision des affaires économiques a émis un avis défavorable sur les crédits de la mer inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002. (MM. Le Grand et Oudin applaudissent.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Désiré.
M. Rodolphe Désiré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2002 prévoit de doter le budget de la mer de 6,166 milliards de francs, c'est-à-dire 940,1 millions d'euros, soit une baisse de 8,2 % par rapport à l'an dernier.
Cette baisse n'est qu'apparente, puisque certaines dépenses ont été transférées sur d'autres budgets. On peut davantage parler de stabilité des dépenses, les catastrophes de l' Erika et du Ievoli Sun n'ayant pas eu de réelles incidences sur les masses budgétaires dédiées à la mer. Elles ont eu plutôt une incidence sur leur répartition et leur utilisation.
De même, le bleu budgétaire ne rend pas totalement compte de l'effort de l'Etat en faveur de la mer, certaines sommes étant inscrites dans les budgets de la recherche, de la défense ou de l'économie et des finances. Au total, ce sont donc 10,37 milliards de francs, soit 1,58 milliard d'euros, qui sont consacrés à ce secteur.
Le budget de la mer pour 2002 s'articule autour de cinq axes : le renforcement de la sécurité, la formation, la modernisation des ports, le soutien à la flotte de commerce et la protection sociale des marins.
En ce qui concerne la sécurité maritime, l'une des leçons de la catastrophe de l' Erika est que la course au profit dans le transport maritime peut avoir des conséquences dramatiques pour notre littoral, ainsi que pour les marins.
La Commission européenne a ainsi enregistré, de 1990 à 1998, la perte de 131 navires et de 731 marins.
Protéger des vies humaines et sauvegarder le littoral sont sans nul doute des priorités de ce budget, comme en témoigne la hausse de 24 % des dotations en dépenses ordinaires et crédits de paiement destinées à la signalisation et à la surveillance maritime.
On notera tout particulièrement le renforcement des moyens en personnel, avec la création de quarante-deux nouveaux emplois, dont trente-quatre d'inspecteurs de la sécurité des navires.
Si cet effort est louable, puisqu'il porte à 104 le nombre d'inspecteurs de la sécurité dans notre pays, il n'en demeure pas moins insuffisant. A titre comparatif, nos voisins britanniques ou espagnols emploient environ 200 personnes pour les mêmes missions.
On se félicitera davantage des efforts effectués pour équiper et moderniser les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage en mer, les CROSS.
Dans le domaine portuaire, l'effort financier consenti l'année dernière est reconduit, avec une dotation de 463,11 millions de francs, soit 70,6 millions d'euros, en direction de l'entretien des infrastructures portuaires et des moyens consacrés aux dragages d'entretien des accès maritimes.
Pour ce qui est du littoral, l'augmentation des moyens, amorcée en 1998, est maintenue. On en attend surtout la poursuite de la remise à niveau des plans POLMAR et un accroissement des actions en direction des zones littorales habitées et soumises à l'érosion marine.
Dans les Antilles françaises, nous sommes particulièrement attentifs à la sécurité maritime et à la protection du littoral, compte tenu de la fragilité de notre écosystème.
Dans nos départements, les risques de marée noire sont d'autant plus importants que les raffineries sont régulièrement approvisionnées par des tankers de 85 000 à 100 000 tonnes.
Plus globalement, l'ampleur du trafic de produits polluants dans la zone Caraïbe nous conduit à déplorer l'absence de remorqueur affecté à l'un de nos ports, Pointe-à-Pitre ou Fort-de-France, les remorqueurs les plus proches se trouvant à Sainte-Lucie et Sainte-Eustache et pouvant être affectés, le moment venu, à d'autres tâches. En cas d'accident, nul doute qu'une telle lacune risquerait d'accroître les délais d'interventions et, par là-même, l'ampleur des dégâts.
Concernant la formation, ce sont soixante-dix-neuf emplois dans les lycées maritimes et aquacoles, dont seize d'enseignants, qui sont créés.
Si l'on veut renouer avec notre marine d'antan, et bien que cet effort ne soit pas négligeable, il n'est pas suffisant. Les crédits consacrés à ce domaine nécessiteraient des moyens humains et financiers plus importants pour faire face aux nouvelles formations maritimes supérieures, à l'augmentation des effectifs dans les écoles nationales de la marine marchande ou au développement du centre de formation des formateurs de Nantes.
S'agissant de la modernisation des ports français, avec un trafic global de 346,3 millions de tonnes hors ravitaillement, leur activité a augmenté de 4 % par rapport à l'année dernière. Ce chiffre est à relativiser quand on sait que le trafic total européen, ports français inclus, a progressé de 7,5 % en 2000, certains ports européens ayant même connu des taux de croissance à deux chiffres.
Pour que nos ports puissent davantage profiter de cette croissance et résister à la concurrence, la qualité des infrastructures et des dessertes terrestres doit être améliorée. Par conséquent, on ne peut que déplorer la baisse de 5 % des moyens de fonctionnement des ports autonomes, que n'atténue pas la hausse de 27 % des crédits des ports d'intérêt national.
En ce qui concerne les départements d'outre-mer, je soulignerai deux points. D'une part, la population attend la création de véritables gares maritimes afin de bénéficier de meilleures conditions d'accueil et de sécurité. Ce sont avant tout des îles. D'autre part, en tant que représentant de ce département, je suis heureux de constater que la Martinique a engagé la modernisation de son outil portuaire par la construction, pour 750 millions de francs, d'un nouveau terminal à conteneurs qui sera opérationnel à la fin de l'année 2002.
Cependant, ce projet doit aujourd'hui être impérativement complété par une réforme de la manutention. Le port de Fort-de-France est, en effet, le dernier port français à ne pas appliquer la loi de 1992 modifiant le régime de travail dans les ports maritimes. Il serait utile que cette réforme, que la Martinique va engager en 2002, soit appuyée, au plus haut niveau, par votre ministère ainsi que par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Il en va de la compétivité du port de Fort-de-France, qui a vocation à devenir l'un des ports d'éclatement de la Caraïbe.
Quant au soutien à la flotte de commerce, sa nécessité est illustrée par les différentes mesures mises en place au cours des dix dernières années. Les crédits destinés au soutien à la flotte de commerce pour les navires battant pavillon français augmentent ainsi de 20,9 % par rapport à 2001.
Cette progression est due à une extension du dispositif de remboursement des charges sociales patronales que l'on ne peut qu'approuver. Souhaitons simplement que l'ensemble des mesures en la matière soit étendu aux navires inscrits au registre des terres australes et antarctiques françaises.
Si l'on peut également se réjouir du fait que le soutien de l'Etat aux investissements navals se poursuive, on notera, une fois de plus, le retard de la France qui, contrairement à ses voisins européens, n'a pas mis en place la taxation au tonnage. Notre pays ne peut se priver d'une mesure qui a permis, ailleurs, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Norvège, de relancer les flottes sous pavillon national.
Dans la même optique, à quand un véritable développement du cabotage qui, comme vous le savez, pourrait contribuer à diminuer le trafic routier de marchandises ? La nouvelle dotation de 5,97 millions de francs, destinée à favoriser le démarrage des lignes de cabotage, semble bien trop modeste face aux enjeux actuels.
Concernant la protection sociale des marins, comme chaque année, l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, absorbe 75 % de la dotation globale pour 2002.
On le voit bien, la mer n'a pas, dans notre pays, la place qui devrait être la sienne. La France ayant été l'une des quatre nations qui a initié l'histoire maritime des temps modernes, il convient désormais, sans céder à la logique ultra-libérale qui a fait tant de ravages, de réaffirmer la vocation maritime de la France en lançant une large réflexion sur la place de notre pavillon, la qualification de nos marins, les savoir-faire de notre industrie navale. Cela passe par davantage de dialogue entre l'Etat, les collectivités locales littorales et les représentants socio-professionnels concernés.
Enfin, je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de m'exprimer devant vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour regretter la dilution des crédits consacrés au « monde maritime ». De ce fait, sont occultées des discussions les difficultés, pourtant majeures, rencontrées par les pêcheurs et les professionnels du transport maritime de passagers.
Il est fort dommageable que la présentation annuelle du budget de la mer ne soit pas l'occasion de souligner la pluralité des moyens et des mesures engagés par la France en faveur du développement de ce secteur. De plus, aucune place n'est faite aux départements insulaires français, ceux d'outre-mer et la Corse, pourtant concernés au premier chef par tout ce qui touche au monde maritime.
Nonobstant ces quelques observations, je voterai, monsieur le ministre, en faveur de votre budget.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique maritime de la France est un vaste sujet. Je n'en aborderai que quelques aspects : d'abord, la priorité donnée à la sécurité maritime, ensuite, le dispositif de soutien à la flotte de commerce.
Le naufrage de l' Erika a été un révélateur. Ce n'était pas le premier naufrage, ce ne sera peut-être pas le dernier. Mais, à partir de là, un effort budgétaire réel a été constaté et, comme l'a indiqué notre rapporteur M. Marc Massion, les crédits consacrés à la sécurité maritime ont augmenté de 20 %. C'est important, c'est même spectaculaire, mais c'est finalement assez modeste en comparaison avec l'ensemble des crédits de la mer. En fait, il ne s'agit que d'un rattrapage.
Cet effort budgétaire portera essentiellement sur le contrôle de la sécurité des navires. Dans ce domaine, la France accusait d'ailleurs un retard considérable : les centres de sécurité de navires qui sont chargés, dans le cadre du contrôle par l'Etat des ports, de contrôler 25 % des navires qui entrent dans les ports français, n'en ont contrôlé, en fait, que 14 %.
Ce retard est essentiellement dû à un manque de personnel tout à fait regrettable. On l'a dit, nous n'avions que cinquante-quatre inspecteurs. On a créé seize postes en 2001, et on en créera trente-quatre en 2002. C'est bien, c'est une augmentation, mais nous manquons cruellement de personnel qualifié pour occuper ces postes.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est exact !
M. Jacques Oudin. Et les candidats ne se bousculent pas !
C'est pourquoi il me semble paradoxal que, parallèlement à une volonté affichée de renforcer les effectifs du contrôle de sécurité dans les ports, on diminue les aides à la formation maritime, qui seront l'année prochaine de 1,5 million d'euros contre 2,2 millions l'année dernière.
Il s'agit d'une des baisses les plus remarquables des crédits de la mer. Elle est encore incompréhensible. Elle me semble menacer, à court et à moyen terme, l'ambition de la France de se doter d'une force de contrôle compétente et qualifiée. Sur ce point, une réponse serait quand même intéressante.
Pour rattraper le niveau des pays voisins - la Grande-Bretagne dispose de 250 inspecteurs de sécurité maritime, et l'Espagne, de 200 -, il faudrait que le Gouvernement fasse des choix très clairs, d'une part, pour développer un enseignement attractif, et, d'autre part, pour offrir des débouchés à ceux qui ont bénéficié de ces enseignements.
Pour cela, il faut, tout d'abord, soutenir et développer la flotte de commerce. Tous les orateurs précédents l'ont signalé.
Chacun sait que notre flotte de commerce a subi, depuis un quart de siècle, une véritable hécatombe : elle est passée du cinquième au vingt-huitième rang mondial. Actuellement, elle est stabilisée au niveau le plus bas que nous ayons jamais connu : 206 à 207 navires, alors que certains de nos partenaires ont des flottes de quatre à sept fois supérieures à la nôtre.
Pour pallier cette chute vertigineuse, les pouvoirs publics ont tenté d'apporter des solutions afin de soutenir un secteur qui souffre énormément de la mondialisation et de la concurrence.
Ainsi, un triptyque de mesures a été mis en place au cours des dernières années.
Il s'agit, tout d'abord, de la réduction de charges fiscales et sociales. Je n'en parlerai pas, sinon pour l'évoquer.
Il s'agit, ensuite, du GIE fiscal, qui permet à un GIE qui acquiert un navire de bénéficier d'un allégement fiscal prenant la forme d'un amortissement accéléré et d'une exonération de la taxation sur les plus-values. Le GIE fiscal a, en fait, remplacé le système des quirats, qui n'a vécu que de juillet 1996 à décembre 1997 : un record de brièveté et un véritable désastre sur le plan de la dynamique maritime ! Actuellement, vingt-six dossiers ont été acceptés au 1er juillet 2001 pour le GIE fiscal, mais sans augmenter la flotte d'une unité.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ni moraliser ?
M. Jacques Oudin. Moraliser, pour un désastre ? Et quelle moralisation, dans un monde en compétition ouverte ? Je me le demande !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Attention !
M. Jacques Oudin. Mais ce sont deux approches différentes : vous avez la vôtre, nous avons la nôtre. La vôtre n'a pas réussi formidablement dans ce domaine !
La dernière de ces mesures est le soutien au cabotage. C'est bien. Mais, pour soutenir le cabotage, vous avez inscrit à votre budget 0,92 million d'euros seulement.
Permettez-moi de citer quelques chiffres à titre de comparaison. La France, qui a 5 500 kilomètres de côtes, compte 50 caboteurs. L'Allemagne, qui a 700 kilomètres de côtes, en compte 500.
M. Marc Massion, rapporteur spécial. Avant, il n'y avait rien !
M. Jacques Oudin. Il n'y avait peut-être rien,...
M. Marc Massion, rapporteur spécial. Il n'y avait pas de ligne budgétaire !
M. Jacques Oudin. ... mais il y a une différence entre 50 et 500 caboteurs !
Nous souhaitons reconquérir l'ambition maritime de la France. Nos rapporteurs l'ont souligné : certaines mesures vont dans le bon sens. Mais le projet de budget que vous nous présentez, comme l'a indiqué M. Revet, manque de substance et d'ambition.
Le groupe d'études sénatoriales sur la mer, que j'ai l'honneur de présider, a formulé, le 26 juin dernier, trente-six propositions pour une stratégie de l'économie de la mer. C'était ambitieux. Je vous ai adressé ce document, mais je n'ai pas reçu de réponse à ce jour. Cela viendra peut-être...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Cela viendra !
M. Jacques Oudin. Les trente-six propositions s'articulent autour de sept axes majeurs qui sont : le renouveau de la flotte de commerce et le développement des entreprises d'armement maritime, la priorité à l'emploi et à la formation maritimes, la sécurité des voies de navigation maritime, la consolidation et le développement du nouvel essor de la construction navale, la rentabilisation et le développement du patrimoine portuaire, une politique de développement durable du littoral et, enfin, une politique de protection et de développement des intérêts maritimes.
Je souhaiterais revenir sur deux de ces propositions et d'abord, sur le renouveau de la flotte de commerce.
Comme l'ont souligné les orateurs qui m'ont précédé, l'objectif est de valoriser les entreprises françaises maritimes dans le cadre du droit européen afin de les porter à un niveau compétitif.
L'Etat est engagé dans un jeu d'accords internationaux aux niveaux de l'Union Européenne et de l'Organisation mondiale du commerce ; il ne peut plus mener une politique de soutien budgétaire par la voie de subventions à un secteur soumis à une concurrence totalement ouverte.
Il apparaît que l'avenir d'un soutien respectueux de la concurrence loyale entre les armements européens passe par une défiscalisation complète et harmonisée, seule voie possible pour aligner les conditions d'exploitation sur le régime des pavillons internationaux.
Plusieurs solutions peuvent utilement être évoquées, à savoir la taxe au tonnage, la défiscalisation des revenus investis et immobilisés dans l'aventure maritime, la résidence fiscale extérieure des navigants, les couvertures sociales soumises à concurrence sur un cahier des charges minimal de prestations, la séparation objective du droit de pavillon et du droit du sol afin d'employer des marins aux conditions de leur pays de résidence.
Je me contenterai de revenir sur l'une de ces propositions, sur laquelle, avec certains de mes collègues, j'ai déposé un amendement : il s'agit de la taxe au tonnage,...
M. Philippe Marini. Nous l'avons votée !
M. Jacques Oudin. ... qui me semble être une mesure déterminante pour l'avenir de notre flotte marchande.
Ce système concerne actuellement 75 % de la flotte mondiale. Entré en vigueur d'abord en Grèce, il s'est progressivement généralisé aux Pays-Bas, en Norvège et, plus récemment, en Allemagne et en Grande-Bretagne.
L'efficacité de cette taxe n'est plus à démontrer. La flotte a augmenté de 36 % aux Pays-Bas et de 16 % en Norvège. Dans ce pays, monsieur le ministre, on compte 1 622 bateaux alors que nous n'en possédons que 200 ! En Grande-Bretagne, l'institution de cette taxe a facilité l'inscription de cinquante nouveaux navires sous pavillon anglais. Les différents exemples illustrent bien l'impulsion considérable qu'elle donne.
C'est un système efficace que nos concurrents ont adopté, auquel la Commission européenne est favorable. Par conséquent, le Gouvernement s'y est opposé ! Logique !
Mon amendement a quand même été adopté le 26 novembre dernier par le Sénat. Quel sort lui sera réservé à l'Assemblée nationale ? Je ne pense pas qu'il échappe au couperet ; c'est d'autant plus regrettable que cela entraînera plusieurs années de retard et que, malheureusement, nous tournons ainsi le dos à ce qui sera de toute façon l'avenir.
J'en viens à mon dernier point, la priorité à l'emploi et à la formation maritimes.
La marine marchande peut et doit devenir une source de création d'emplois. Cela passe par le développement de notre flotte - je l'ai dit - et par une formation de qualité.
Monsieur le ministre, l'enseignement maritime est dans un triste état. Il doit donc être modernisé, réorienté et ouvert pour être aligné sur celui des grandes nations maritimes. L'une des mesures les plus significatives consisterait à réaffecter les crédits de l'éducation nationale consacrés à l'enseignement maritime et à permettre une validation, par l'éducation nationale, des diplômes de cet enseignement. C'est l'une des mesures que j'ai proposées ; je souhaite qu'elle soit entendue.
Je conclurai mon propos en insistant à nouveau sur le renforcement indispensable de la sécurité maritime, mais en lui donnant une autre dimension que celle que nous connaissons.
Il est aujourd'hui indispensable d'harmoniser nos conditions de contrôle pour asseoir l'égalité de traitement dans tous les ports européens. En effet, le contrôle doit être identique, afin qu'il n'y ait ni complaisance liée au laxisme, souvent par faute de moyens, ni surenchère à la « qualité du contrôle ».
Le contrôle technique annuel des navires de commerce qui fréquentent les ports de l'Union européenne ou qui battent pavillon d'un Etat membre devrait être confié à une agence maritime européenne qu'il faudrait rapidement mettre en place. C'est encore une proposition que nous avons formulée. Cette inspection devrait être faite par un corps européen de contrôle au titre tant du mémorandum de Paris - c'est le contrôle par l'Etat du port - que de la visite annuelle de sécurité à la charge de l'Etat du pavillon.
Le financement de la sécurité des voies de navigation maritime européenne repose sur un principe : l'utilisateur est le payeur du service rendu. Un péage devrait donc être institué sur les navires qui touchent un port de l'Union. Il serait calqué sur ce que l'on appelle les light dues , les droits d'éclairage, que les Britanniques appliquent à leurs ports. Ils seraient perçus pour le compte de l'agence maritime européenne et devraient être proportionnels à la fois au tonnage du navire et à la distance parcourue dans les eaux sous contrôle européen.
Bref, vous l'avez compris, monsieur le ministre, je souhaite, pour ma part, une européanisation plus accentuée du contrôle et de la sécurité maritime.
Il faut avoir de l'ambition pour notre flotte et une ambition maritime pour la France. Notre pays, quatrième ou cinquième exportateur mondial, a toujours regardé la mer avec un certain soupçon. Il est impossible de s'ouvrir sur le monde et de gérer le deuxième domaine maritime du monde avec une politique maritime aussi timorée. C'est la raison pour laquelle, pour ma part, je ne voterai pas votre budget !
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un peu plus de 940 millions d'euros, le budget de la mer demeure quasiment stable comparé à celui de la loi de finances pour 2001. C'est un budget relativement modeste si l'on tient compte du fait qu'il concerne un secteur qui est au coeur des préoccupations écologiques actuelles en termes de préservation de l'environnement et de développement durable.
Certes, il faut tenir compte de l'ensemble des contributions des autres ministères, dont le montant total s'élève aujourd'hui à près de 1 581 millions d'euros, soit 10,37 milliards de francs en faveur de la mer. Il n'en demeure pas moins que, dans la conjoncture actuelle marquée par un inquiétant ralentissement de la croissance, nous aurions besoin d'un soutien plus important des crédits publics.
Nous le savons, monsieur le ministre, cette modestie des crédits ne constitue pas la spécificité de votre budget. Mais, je tiens à le souligner, il devient urgent de rompre avec les logiques antérieures, de relâcher fortement les contraintes budgétaires auxquelles nous soumet le pacte de stabilité européen, car nous risquons, le cas échéant, de frôler dangereusement la récession.
De même, après la catastrophe écologique due au naufrage du pétrolier Erika et la mise en examen pour « complicité de mise en danger de la vie d'autrui » et « pollution maritime » de TotalFinaElf, il devient urgent que la réglementation internationale soit non seulement respectée, mais aussi renforcée.
La dérive libérale qui conduit à des pratiques de réduction drastique des coûts, de dumping social et de contournement des règles accroît le risque des pollutions lourdes et met, dans le même temps, en péril la vie des marins.
Le renforcement de la sécurité des transports maritimes exige le renouvellement du parc mondial des navires, souvent trop vieux, ayant la plupart du temps amorti leur investissement depuis longtemps et continuant d'être affrétés par les compagnies.
En matière de construction navale, la France dispose de capacités de production importantes et d'une main-d'oeuvre qualifiée capable de concevoir, à l'exemple des chantiers navals de Saint-Nazaire, des pétroliers et des chimiquiers compétitifs et performants.
Nous attendons du conseil des ministres européens qu'il se prononce, le 5 décembre prochain, en faveur du retour des aides publiques à la commande, afin de mettre un terme à la concurrence déloyale exercée en ce domaine par la Corée, le Japon ou les Etats-Unis.
Nous savons, monsieur le ministre, que vous oeuvrerez dans cette direction. Nous attendons de vous que vous demeuriez extrêmement vigilant face à la directive européenne visant la libéralisation des services portuaires, dont certains assurent de manière efficace la protection de nos côtes contre les risques de pollution ainsi que la sécurité des utilisateurs, professionnels et usagers, des ports.
Soyons clairvoyants, ce sont les grandes compagnies d'armateurs et d'affréteurs, les TotalFinaElf, qui ont intérêt à la mise en concurrence des ports et des services portuaires. A l'évidence, les catastrophes écologiques en témoignent, leurs intérêts ne convergent pas avec ceux de l'ensemble de la collectivité.
Ces observations étant faites, je terminerai mon intervention sur un point qu'il me paraît essentiel d'évoquer : le cabotage.
Le développement de l'intermodalité des transports suppose que l'on soutienne d'une manière plus volontariste la promotion de ce type de transport. Outre qu'il participerait à l'aménagement du territoire en permettant d'alléger le trafic routier de fret, il est aussi beaucoup moins coûteux et plus respectueux de l'environnement.
Les 6 millions de francs prévus à cet effet dans le projet de budget sont un premier encouragement à la mise à l'étude des projets de cabotage qu'il conviendra d'amplifier au regard de la demande des porteurs de projets.
Monsieur le ministre, ce budget consacré à 75 % à l'ENIM laisse 25 % à la sécurité des transports maritimes, au contrôle, aux CROSS, aux phares et balises, à la sécurité portuaire, à la formation, à la protection du littoral, à la modernisation des ports et à l'emploi.
Sans porter préjudice à l'ENIM, ces 25 % méritent d'être largement abondés si nous voulons relever les défis de demain. Avec ce budget, vous avez pris les bonnes orientations. Il conviendra désormais de donner à la mer les moyens qu'elle mérite. Pourquoi pas un nouveau ministère à part entière pour ce domaine essentiel ?
Le groupe communiste républicain et citoyen soutient pleinement votre action, monsieur le ministre, et votera donc ce projet de budget.
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre examen du projet de budget de la mer se révèle a priori délicat, en raison d'une modification de la structure des crédits de son ministère de rattachement.
En effet, leur montant total semble en forte diminution, puisqu'ils baissent de 8,2 % : 940 millions d'euros, soit 6,166 milliards de francs, mais ils sont en fait presque stables, avec moins d'un demi-point de repli consécutif à une hausse de 2,36 % entre 2000 et 2001.
L'explication réside dans le transfert de charges de personnel du budget de la mer à celui des services communs du ministère de l'équipement.
Il ne semble pas que cette décision ait fait l'unanimité, dans la mesure où elle empêcherait, à l'avenir, de distinguer quels sont les personnels spécifiquement employés pour les missions relatives à la mer.
J'attends de nos débats qu'ils vous permettent, monsieur le ministre, de rassurer ceux qui craignent que cette restructuration ne préfigure le retour à la situation qui prévalait voilà vingt ans.
D'ailleurs, la lisibilité de l'effort de l'Etat en faveur du secteur maritime demeure limitée, car certains crédits figurent dans les budgets de la recherche, de la défense ou de l'économie et des finances.
Au total, les sommes consacrées directement ou non à la mer dépassent les dix milliards de francs, soit un milliard et demi d'euros.
En outre, une autre particularité de ces crédits réside dans l'ampleur de la part du régime de protection sociale spécifique, à travers l'Etablissement national des invalides de la marine, qui représente les trois quarts de ce budget, et dont la subvention est en repli de 3,33 %, cette diminution étant compensée par une dotation du régime général.
Cela ne doit pas occulter l'effort consenti en faveur de la mer par le projet de loi de finances pour 2002.
En effet, les dotations prévues hors charges de personnel et hors ENIM s'établissent à 232,6 millions d'euros, soit une nette hausse, par rapport aux crédits de même nature en 2001, de 5,47 %.
C'est donc à première vue ce qu'il est convenu d'appeler un bon budget, et l'examen détaillé de ses priorités confirme cette appréciation.
Placées au premier rang des préoccupations de l'opinion et du Gouvernement, la sécurité et la protection de notre littoral bénéficient d'efforts conséquents.
Ainsi, la signalisation et la surveillance maritimes voient leurs moyens accrus de près d'un quart en crédits de paiement, et quarante-deux emplois doivent être créés pour améliorer la sécurité, dont trente-quatre particulièrement consacrés à l'examen des navires, soit une hausse de leur nombre de près de moitié.
De même, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, disposeront de crédits accrus de 38 % pour le renouvellement des radars et l'amélioration de la couverture radio, alors que les phares et balises voient les leurs « bondir » de près de moitié, avec 49 % de mieux.
Mais deux ans presque jour pour jour après le naufrage de l' Erika , la protection du littoral bénéficie d'une sollicitude encore plus grande de la part du Gouvernement.
Les moyens de lutte contre la pollution, particulièrement les barrages flottants POLMAR, ont été complétés, pour atteindre cinquante kilomètres contre trente-sept avant cette catastrophe.
Indépendamment des aspects budgétaires, les plans POLMAR ont été refondus, afin de tirer les enseignements de ce naufrage.
Par ailleurs, la catastrophe a aussi suscité des directives européennes qui ont récemment fait l'objet d'une conciliation réussie.
Enfin, le Gouvernement a su encourager, tant au niveau européen qu'à celui de l'Organisation internationale de la mer, l'accélération de l'élimination des navires à simple coque.
En outre, les subventions accordées notamment dans le cadre des contrats de plan explosent, avec des hausses de 94 % pour les autorisations de programme et de 167 % pour les crédits de paiement.
Il est vrai que la tâche est immense, puisque les phénomènes d'érosion affectent 1 300 de nos 5 000 kilomètres de côtes.
D'un point de vue économique, si les moyens de fonctionnement alloués aux ports autonomes reculent, ceux qui sont destinés aux ports d'intérêt national progressent à nouveau cette année, de sorte que les crédits d'investissement destinés aux ports maritimes sont révalorisés de 11,6 %.
A ce propos, si je salue la dotation de 180 millions de francs pour le projet « Port 2000 » du Havre, il sera sans doute judicieux de ne pas laisser de côté les autres infrastructures portuaires françaises, qui peuvent présenter un intérêt comparable en usant des ressources de l'« interportuarité ».
Je pense notamment à l'ensemble formé par les trois ports de Boulogne, Dunkerque et Calais qui, réunis, constituent le deuxième port de commerce français, le premier port de voyageurs d'Europe continentale et le premier centre européen de transformation des produits de la mer.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, je salue votre décision de confier à l'ingénieur général Rousset une mission en vue du rapprochement de ces trois ports, et j'attends avec une sereine impatience (sourires) les résultats de ses travaux.
Il est vrai que la régression subie en matière d'investissement entre 1993 et 1997 impose actuellement de faire des choix, face aux besoins de nos installations, qui demeurent importants dans toutes les catégories de ports. Les crédits consacrés aux ports témoignent, d'ailleurs, de la volonté du gouvernement actuel de développer ces infrastructures.
A ce propos, de manière spécifique, alors que la disparition des boutiques duty free sur les lignes transmanche affectent, comme prévu, les ports de Boulogne et de Calais, il conviendrait sans doute de mettre en jeu la solidarité nationale à leur profit, conformément aux engagements gouvernementaux.
Toujours d'un point de vue économique, le Gouvernement a décidé de maintenir son soutien à notre flotte de commerce sous trois formes.
Je citerai, tout d'abord, le remboursement de la taxe professionnelle, pour plus de 100 millions de francs ; ensuite, le remboursement de cotisations sociales, qui concernera aussi, désormais, les cotisations d'allocations familiales et de chômage, en contrepartie d'engagements sur l'emploi ; enfin, le dispositif dit de « GIE fiscal », dont ont bénéficié dès le 1er juillet dernier, trente-trois navires pour un montant de 8,6 milliards de francs, ce qui représente un effet de levier particulièrement intéressant.
Toutes ses potentialités n'ont d'ailleurs pas encore été totalement exploitées.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Absolument !
M. Paul Raoult. Il faut, en effet, noter que les banques refusent de devenir propriétaires d'un pétrolier par l'intermédiaire du GIE fiscal afin de ne pas porter la responsabilité objective et illimitée en cas de pollution dans les eaux américaines.
En outre, sans exonérer le ministère de l'agriculture et de la pêche de ses responsabilités en la matière, et tout en reconnaissant les efforts qu'il déploie auprès des autorités européennes, il serait sans doute souhaitable que les chalutiers de pêche industrielle puissent recourir, eux aussi, à ce régime. Là encore, c'est à Bruxelles que réside la solution du problème.
Puisque nous en sommes aux dossiers mettant en jeu l'Union européenne, je suis convaincu que vous serez attentif au sort du programme d'aide au cabotage, ainsi qu'au projet de directive sur les services portuaires concernant, notamment, l'auto-assistance.
Je ne doute pas, à ce propos, que vous soyez conscient des risques que comporte l'autorisation de cette pratique. En effet, un pilote doit très bien connaître le port dont il permet l'accès ; un pilote engagé sur un navire ne pourra pas assurer l'accès du bâtiment à tous les ports dans des conditions de sécurité suffisantes.
Pour conclure sur le volet économique des moyens consacrés à la mer, je noterai avec satisfaction que, globalement, les crédits destinés à notre flotte de commerce progressent de plus de 20 % et que cette aide pourra être étendue aux navires sous registre des Terres australes et antarctiques françaises.
Dans le domaine social, la protection des marins sera améliorée au moyen de mesures d'accompagnement des licenciements, pour un montant de 18 millions de francs. A ce propos, il conviendrait sans doute que les marins artisanaux puissent bénéficier des ASSEDIC.
Je saluerai aussi la mise en oeuvre, moyennant 30 millions de francs, de la cessation anticipée d'activité pour les marins exposés à l'amiante, actuellement ou par le passé.
Plus généralement, il convient de signaler la perspective, pour le tout début de l'année prochaine, de la publication d'un nouveau décret concernant le régime de protection sociale des marins pêcheurs, un demi-siècle après le précédent, qui était devenu, à bien des égards, obsolète.
Enfin, ce budget a pris en compte la réforme de la formation maritime, avec l'adaptation aux nouvelles normes de l'Organisation internationale de la mer, le développement du centre de Nantes et le passage sous statut public des personnels des lycées maritimes.
L'évolution des effectifs est en rapport avec ces impératifs, car soixante-dix neuf emplois sont créés dans ce secteur, dont seize emplois d'enseignant.
Monsieur le ministre, sur ce dossier comme sur les autres thèmes de l'action en faveur de la mer et de ceux qui en vivent, le Gouvernement a su tout à la fois prendre la mesure des enjeux d'un développement essentiel pour notre pays et déployer les moyens en rapport.
Le groupe socialiste votera donc les crédits de la mer.
M. Gérard Le Cam. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
Monsieur le ministre, le sort de notre calendrier est entre vos mains ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de la mer pour 2002 s'élève à 940,1 millions d'euros. Vous avez indiqué dans votre rapport, monsieur Massion, que ce budget, hors crédits de personnel, ne progresse que de 1 % par rapport à la loi de finances pour 2001. La progression est, en fait, bien supérieure : elle s'établit, en effet, à 5,47 %, le budget de la mer hors personnel et ENIM passant de 220,53 millions d'euros l'année dernière à 232,60 millions d'euros en 2002.
Je vous confirme que la baisse de la subvention à l'ENIM n'est que la traduction mécanique de l'augmentation attendue des transferts financiers émanant d'autres régimes dans le cadre du système de compensation liant les divers régimes sociaux. Elle ne traduit nullement une diminution des prestations offertes aux marins.
Au total, cent treize emplois sont créés pour renforcer les services de la mer, dont cinquante au profit de la sécurité maritime et soixante-trois en régularisation des personnels de l'AGEMA, l'association de gérance des écoles de formation maritime et aquacole. Après l'augmentation de soixante-quinze emplois l'an passé, on est loin de l'effort « infinitésimal » décrit par M. le rapporteur pour avis.
Ce budget reprend les quatre grandes priorités qui sont les miennes depuis 1997 : la poursuite du renforcement de la sécurité maritime ; la mise en place d'un véritable service public de la formation maritime, gage d'efficacité et de sécurité ; l'accélération de la modernisation des ports et le soutien à la flotte de commerce au bénéfice de l'activité et de l'emploi ; l'amélioration des conditions de vie et de travail des marins.
Dès mon premier budget, j'avais obtenu une hausse de 30 % des moyens d'engagement en faveur de la sécurité maritime. Depuis lors, cet effort n'a pas cessé et, après avoir augmenté encore de 60 % l'an passé en autorisations de programme, le budget croît, cette année, de 23 % en crédits de paiement.
Comme vous l'avez souligné, monsieur Désiré, ces crédits ne traduisent pas l'ensemble des moyens de l'Etat en faveur de la mer puisqu'il faut compter avec ceux des douanes et de la défense, par exemple pour ce qui est des remorqueurs. La mise en oeuvre d'un tel navire dans les Caraïbes est donc à étudier avec ce ministère, à qui je proposerai de mener une étude de risque sur cette zone.
Les comités interministériels de la mer de février et de juin 2000 ont permis de compléter et de moderniser le dispositif des CROSS, dans le cadre d'un programme pluriannuel. Cela se traduira, en 2002, par une augmentation de 40 % des crédits de paiement par rapport à 2001, permettant, notamment, de mettre en place les premières stations radars de nouvelle génération des CROSS de la Manche et le système de suivi du trafic maritime global.
Le budget pour 2002 permettra la création de trente-quatre postes d'inspecteur de sécurité maritime, portant ainsi leur nombre total à cent quatre, ce qui représente un doublement depuis 1999. Nous nous donnons ainsi les moyens de revenir à l'objectif de 25 % de navires contrôlés fixé par le mémorandum de Paris, et de le tenir. Faute de moyens humains à l'époque où s'est produit le naufrage de l' Erika , le ratio de contrôles de navires n'était que de 14 %, parce que les effectifs n'avaient cessé de décroître avant 1997 ; il faut maintenant, compte tenu du délai de formation des inspecteurs - quatre à cinq ans - rattraper le retard accumulé.
Après les seize emplois du budget pour 2001, les trente-quatre emplois de ce budget sont une réponse à la hauteur de l'enjeu, monsieur Massion. Tous les postes ouverts sont maintenant pourvus. D'ores et déjà, quinze nouveaux inspecteurs, recrutés ces dernières années, seront habilités d'ici à 2002. Les taux de contrôle français seront donc en redressement sensible dès l'année prochaine.
Ces inspecteurs pourront s'appuyer sur un renforcement sans précédent des normes internationales, grâce à l'aboutissement des négociations internationales sur le « paquet » de directives Erika I et sur l'élimination accélérée des navires à simple coque, actions qui sont à mettre au crédit, vous l'avez tous reconnu, de la présidence française.
La signalisation maritime connaîtra une augmentation de 50 % en crédits de paiement, permettant non seulement la poursuite du plan de modernisation des phares et balises, mais aussi la livraison du grand baliseur océanique de Brest, après celle du baliseur côtier du Havre en 2001, et avant celle du baliseur océanique de Dunkerque en 2003.
Après la catastrophe de l' Erika et les tempêtes de décembre 1999, qui ont donné lieu à l'ouverture de crédits spécifiques pour la reconstitution des matériels POLMAR, et pour la réparation des digues de protection des zones littorales habitées, le projet de budget pour 2002 comporte, pour la troisième année consécutive, une forte augmentation des moyens pour la protection et la mise en valeur du littoral : 39 % en moyens d'engagement et 42 % en moyens de paiement.
Dès cet hiver, l'ensemble des stocks POLMAR de barrages flottants ont été reconstitués à un niveau supérieur à celui qui existait avant la catastrophe de l' Erika . Ils atteindront, à terme, un niveau encore supérieur de 50 000 mètres disponibles.
Les efforts entrepris pour renforcer la sécurité seront renouvelés en 2002, grâce à la reconduction, à hauteur de 70,6 millions d'euros, des crédits pour l'entretien des infrastructures portuaires, tout particulièrement pour les dragages d'entretien des accès nautiques. Parallèlement, les effectifs des officiers de port et officiers de port adjoints seront renforcés de sept postes, soit une augmentation des effectifs de 14 % sur les exercices 2001 et 2002.
La formation maritime représente non seulement un gage d'efficacité mais aussi, au-delà, un atout indispensable pour que notre flotte et notre pavillon relèvent les défis qui sont les leurs.
La création, dans ce projet de loi de finances pour 2002, de soixante-dix-neuf emplois supplémentaires, en complément des trois cent quinze postes créés en 2000, permettra de concrétiser, au 1er janvier 2002, la création d'un grand service public de l'enseignement maritime, dans le cadre du passage sous statut public des personnels de l'AGEMA.
Monsieur Oudin, la baisse des crédits d'investissement pour les écoles s'explique par l'importance des reports de crédits et les difficultés rencontrées dans l'exécution des contrats de plan Etat-région l'année passée. Voilà l'explication. Cette baisse ne manifeste donc pas notre désintérêt pour l'enseignement maritime, j'en veux pour preuve le nombre de postes budgétaires que nous consacrons à ce titre. Simplement, nous gérons au mieux les crédits dont nous disposons ; en l'occurrence, des reports se sont produits. J'ajoute que ces crédits seront abondés en cours d'année 2002 par la cession d'actifs immobiliers.
Le développement maritime de notre pays s'appuie sur les ports maritimes et sur la flotte de commerce. Le projet de budget pour 2002 traduit la volonté du Gouvernement de soutenir ces deux maillons essentiels de notre économie maritime qui sont confrontés à une rude compétition internationale.
Les crédits pour le développement des ports maritimes et au soutien à la flotte de commerce battant pavillon français augmentent, en 2002, de 7,3 % en moyens d'engagement et de 9,6 % en moyens de paiement.
Les échanges de marchandises conteneurisées devraient connaître, au cours des prochaines années, une augmentation d'environ 7 % par an. L'accélération de la modernisation de nos ports, pour laquelle les crédits d'engagements ont plus que doublé depuis 1997 - l'augmentation est de 130 % - a pour but de permettre aux ports français de regagner des parts de marchés. Les efforts entrepris en ce sens ont permis, entre autres, le démarrage des travaux de « Port 2000 », au Havre, au titre desquels le projet de budget pour 2002 intègre une dernière tranche de crédits de 27,4 millions d'euros. En complément de ces crédits, l'Etat apportera aussi au port autonome du Havre une dotation en capital de 68,6 millions d'euros qui accompagnera un effort complémentaire des collectivités locales.
Au-delà, hors « Port 2000 », le projet de budget pour 2002 marque une nouvelle revalorisation de 11,6 % des crédits d'investissement destinés aux ports maritimes, au bénéfice autant des ports autonomes que des autres ports relevant de l'Etat. Ces moyens permettront tout à la fois de réhabiliter des infrastructures portuaires de base et de moderniser certains terminaux portuaires dans le cadre des nouveaux contrats de plan Etat-région.
Outre ces investissements, vous savez, monsieur Raoult, quel objectif est le mien : la coordination interportuaire. L'exemple du rapprochement de Boulogne, Calais et Dunkerque, que vous avez rappelé, participe de cette logique et confirme que le Gouvernement n'est pas resté sans rien faire dans ce domaine !
Il convient, en parallèle, de tirer tous les fruits des réformes engagées en matière portuaire, par exemple, dans le domaine de la manutention. A cet égard, monsieur Désiré, Fort-de-France reste effectivement le dernier port d'outre-mer où la réforme de 1992 ne s'est pas concrétisée. J'admets qu'il faut maintenant terminer cette évolution, et je vous confirme que l'objectif est d'aboutir avant la mise en service du nouveau terminal à conteneurs de la pointe des Grives, d'ici à la mi-2002.
En revanche, je partage l'inquiétude de MM. Raoult, Le Cam et Désiré au sujet de la directive portuaire. Si je soutiens évidemment l'objectif de transparence et d'efficacité, je ne peux accepter la rédaction actuelle, qui passe sous silence les enjeux de sécurité, de protection de l'environnement et l'importance des règles de qualification des différents métiers. Elle mène sur la voie que préconise M. Oudin d'une « ouverture des professions portuaires à la concurrence », pour citer l'une des propositions de votre récent rapport sur la politique maritime, monsieur le sénateur.
M. Philippe Marini. Excellent rapport !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Une profonde réécriture du projet de directive me paraît nécessaire.
L'année 2002 marquera également une nouvelle avancée dans la politique de soutien à la flotte de commerce pour les navires battant pavillon français : les moyens budgétaires progressent de 20,9 %, du fait du remboursement des cotisations familiales et d'assurance chômage au titre des personnels naviguant sur les navires sous registre métropolitain et des départements d'outre-mer.
Ces dispositions, ainsi que le GIE fiscal, ont permis de stabiliser le nombre de navires à deux cent six - j'admets qu'il convient d'aller plus loin -, ce qui permettra de faire croître le nombre des navires et des marins français.
Je précise, monsieur Raoult, que les armements à la pêche disposent également de dispositifs d'aides adaptés. En ce qui concerne les pétroliers, nous cherchons actuellement avec les professionnels et le ministère des finances les dispositions permettant de résoudre les problèmes de responsabilité que pose le système de GIE fiscal au regard des risques de pollution.
De la même façon, monsieur Désiré, monsieur Oudin, nous étudions la possibilité d'adapter notre fiscalité dans le sens que suggère votre proposition de taxe au tonnage.
Un autre aspect nouveau du projet de budget pour 2002 réside dans l'attribution d'une première enveloppe de 0,9 million d'euros pour favoriser la mise en place de lignes de cabotage maritime, élément important d'une politique intermodale des transports dont l'intérêt a été souligné, notamment, par M. Le Cam.
Vous avez voulu, monsieur Revet, insister sur la modestie de ces crédits. Mais il s'agit là d'une première dotation ; elle s'ajoute aux crédits dégagés par l'ADEME et permettra de financer les études de faisabilité des lignes de cabotage. Par ailleurs, nous instaurons un dispositif de soutien à l'exploitation, qui doit recevoir l'aval de la Commission européenne pour ne pas tomber sous le coup de la législation relative aux aides d'Etat. Enfin, j'ai obtenu l'accord de l'Espagne et de l'Italie pour que nous travaillions en commun à la mise en place de liaisons maritimes pouvant se substituer à la traversée des Alpes et des Pyrénées.
Pour terminer, je tiens à évoquer le volet social, qui est très important. Comme je vous l'ai dit en introduction, le régime des marins a connu ces dernières années de nombreuses évolutions positives.
Ainsi que je m'y étais engagé, il est prévu dans ce budget une première dotation de 0,3 million d'euros destinée à apporter une aide aux associations et à verser des avances sur salaire au bénéfice des marins abandonnés dans les ports français. Ce dernier dispositif est mis en place dans l'attente d'un système d'assurance international, étudié par l'Organisation maritime internationale sur l'initiative de la France. Les principes d'utilisation de ces crédits sont en cours de discussion avec les syndicats et les associations.
J'ai signé le 21 novembre dernier, à Paris, un accord de partenariat renforcé avec l'Organisation internationale du travail, l'OIT, portant sur un volet maritime, afin de lancer un programme sur « le travail décent des marins ».
Ce programme complétera ainsi, dans le volet social, les avancées obtenues à l'OMI. Je suis d'accord que, si la loi du profit, la recherche du prix le plus bas et de la complaisance l'emportent, ce sont les hommes et l'environnement qui « trinquent ».
Par ailleurs, le nouveau service public de l'inspection du travail maritime est effectif depuis le 1er septembre 2001, depuis la nomination des premiers inspecteurs et contrôleurs du travail maritime dans les services déconcentrés des affaires maritimes. Ces personnels pourront plus efficacement contrôler et vérifier les conditions de vie et de travail des marins à bord des navires.
Enfin, je me suis attaché depuis 1997 à faire du régime de protection sociale des marins un régime qui rende justice à la dureté de ce métier. Tout en préservant sa spécificité, j'ai pu résorber les retards qu'il présentait par rapport au régime général. Ainsi, cette année, la subvention à l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, intègre non seulement la réforme de l'invalidité que j'ai mise en oeuvre l'an passé, mais aussi la création d'un dispositif de cessation anticipée d'activité pour les marins exposés à l'amiante.
Ce dispositif s'appliquera également aux marins qui, sans être malades, sont, en l'état actuel des connaissances, les plus exposés au risque, à savoir ceux qui ont fait carrière « à la machine », comme on dit, et ceux qui ont été embarqués sur des navires transportant de l'amiante. Ces deux catégories semblent en effet avoir été exposées dans des conditions comparables à celles qu'ont connues les travailleurs de la construction et de la réparation navales.
Naturellement, je suis favorable à voir le champ d'application de cette mesure évoluer s'il s'avérait que d'autres postes de travail ont également été fortement exposés à l'amiante.
La question de la couverture par les ASSEDIC, monsieur Raoult, ne se pose, à mon sens, que pour les marins pêcheurs salariés. J'y suis naturellement favorable, sous réserve d'un accord préalable des partenaires sociaux.
Monsieur Revet, l'effort financier de l'Etat pour le secteur maritime n'est pas une « goutte d'eau ». Il marque au contraire, depuis 1997, une réelle évolution favorable de la politique maritime de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'équipement, les transports et le logement.
Je vous rappelle que le Sénat a déjà examiné aujourd'hui même les crédits affectés au tourisme, à l'urbanisme, au logement et aux transports terrestres, à l'aviation et à l'aéronautique civiles.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 41 004 185 euros. »