SEANCE DU 4 DECEMBRE 2001


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Agriculture et pêche (p. 2 )

MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'agriculture ; Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la pêche ; Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le développement rural ; Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les industries agricoles et alimentaires ; Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement agricole ; MM. Serge Mathieu, Daniel Soulage, Yann Gaillard, Pierre Jarlier, Gérard Le Cam, Jean-Marc Pastor, Jean-Paul Emorine, Bernard Joly, Serge Vinçon, Jean-Guy Branger, André Lejeune, Ambroise Dupont, Yvon Collin, Michel Doublet, Bernard Barraux, Paul Raoult, Daniel Goulet.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

3. Communication relative à des commissions mixtes paritaires (p. 4 ).

4. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 5 ).

Agriculture et pêche (suite) (p. 6 )

MM. Claude Biwer, Bernard Piras, Jacques Blanc, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Georges Gruillot, Roland Courteau, Roland du Luart, Patrick Lassourd, Mme Yolande Boyer, MM. Henri de Richemont, Roger Besse.
M. le ministre.
Demande de priorité. - MM. Philippe Adnot, Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; le ministre. - La priorité est ordonnée.

Article additionnel après l'article 60 (priorité) (p. 7 )

Amendements identiques n°s II-70 de M. Philippe Adnot et II-71 de M. Jean-Marc Pastor. - MM. Philippe Adnot, Jean-Marc Pastor, le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Crédits du titre III (p. 8 )

MM. Roland Courteau, Gérard Delfau.
Amendements identiques n°s II-8 rectifié ter de M. Gérard César et II-68 rectifié de M. Gérard Le Cam ; amendement n° II-72 du Gouvernement. - MM. Gérard César, Gérard Le Cam, le ministre, le rapporteur spécial. - Retrait des amendements n°s II-8 rectifié ter et II-68 rectifié ; adoption de l'amendement n° II-72.
MM. le rapporteur spécial, le ministre.
Rejet des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 9 )

M. Gérard Le Cam.
Amendements n°s II-62 de M. Gérard César et II-67 rectifié bis de M. Gérard Le Cam. - M. Gérard César, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait de l'amendement n° II-62 ; rejet de l'amendement n° II-67 rectifié bis.
Amendement n° II-65 rectifié bis de M. Jacques Blanc. - MM. Jacques Blanc, le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.
Amendements n°s II-73 et II-74 du Gouvernement. - Adoption des deux amendements.
Rejet des crédits modifiés.

Crédits des titres V et VI. - Rejet (p. 10 )

Article 57 (p. 11 )

M. Aymeri de Montesquiou.
Amendement n° II-21 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles 57 bis , 58 à 58 ter et 59. - Adoption (p. 12 )

Article 60 (p. 13 )

Amendements identiques n°s II-22 de la commission et II-7 rectifié de M. Gérard César. - MM. le rapporteur spécial, Gérard César, le ministre, Hilaire Flandre, Alain Vasselle, Jean-Marc Pastor. - Retrait de l'amendement n° II-7 rectifié ; adoption de l'amendement n° II-22 rédigeant l'article.

Budget annexe des prestations sociales agricoles (p. 14 )

MM. Roland du Luart, en remplacement de M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Daniel Soulage, Bernard Barraux, Gérard Le Cam, Bernard Piras.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Crédits figurant à l'article 33 (p. 15 )

M. Claude Domeizel.
Adoption des crédits.

Crédits figurant à l'article 34. - Adoption (p. 16 )

Intérieur et décentralisation


SÉCURITÉ (p. 17 )

MM. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la police et la sécurité ; Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité civile ; Jean-Paul Delevoye, Jean-Jacques Hyest, Robert Bret.

Suspension et reprise de la séance (p. 18 )

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

MM. Jean-Claude Peyronnet, Alex Türk, Bernard Plasait, Michel Mercier, André Vallet, Mmes Nelly Olin, Annie David, MM. Paul Girod, Roger Karoutchi, François Zocchetto.
MM. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur ; le rapporteur spécial.

Crédits du titre III (p. 19 )

Amendement n° II-75 rectifié du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial, Philippe Marini. - Adoption.
Vote des crédits réservé.

Crédits du titre IV. - Vote réservé (p. 20 )

Crédits du titre V (p. 21 )

Amendement n° II-76 du Gouvernement. - Rejet.
Vote des crédits réservé.

Crédits du titre VI. - Vote réservé (p. 22 )

DÉCENTRALISATION (p. 23 )

MM. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Claude Biwer, Mme Josiane Mathon, MM. Jean-Claude Peyronnet, Philippe Nachbar, Gilbert Barbier, Alain Dufaut, Gérard Longuet, François Fortassin.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

Crédits des titres III à VI. - Rejet (p. 24 )

Article additionnel avant l'article 74 (p. 25 )

Amendement n° II-69 de M. Thierry Foucaud - M. Robert Bret. - Retrait.

5. Transmission d'un projet de loi (p. 26 ).

6. Dépôt d'une proposition de loi (p. 27 ).

7. Dépôt de rapports (p. 28 ).

8. Dépôt d'un rapport d'information (p. 29 ).

9. Ordre du jour (p. 30 ).




COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002 (n° 86, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 87 (2001-2002).]

Agriculture et pêche

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour 2002, le projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche s'élève à 5,102 milliards d'euros, soit un montant presque stable, la diminution étant de 0,08 %, par rapport aux dotations votées pour 2001.
Toutefois, il faut tenir compte des modifications de la structure budgétaire intervenant cette année et, notamment, de la budgétisation des crédits auparavant inscrits sur le compte d'affectation spéciale intitulé : « Fonds national des haras et des activités hippiques », à hauteur de 32 millions d'euros. Au total, à périmètre constant, le budget de l'agriculture et de la pêche diminue donc en réalité de 0,7 % en 2002 par rapport à 2001.
Pour être parfaitement exhaustif, il faut aussi rappeler les modifications de crédits adoptées à l'Assemblée nationale : elles ont abouti à une majoration de plus de 310 000 euros des crédits du titre III et de plus de 275 000 euros de ceux du titre IV, ainsi qu'à une majoration des crédits du titre VI, en autorisations de programme et en crédits de paiement, de 183 000 euros.
Ces majorations constituent certes, monsieur le ministre, des avancées significatives, mais elles ne sont pas suffisantes pour apaiser les inquiétudes de nos agriculteurs.
Je m'étonne que, dans le contexte actuel de crise sans précédent du secteur agricole, le projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche soit l'un des seuls à connaître une diminution cette année.
Lors de la présentation du projet de budget de votre ministère pour 2002, vous avez, monsieur le ministre, développé quatre axes prioritaires : la qualité et la sécurité des produits alimentaires ; la multifonctionnalité de l'agriculture et de la forêt ; le soutien des filières et la régulation des marchés ; la formation et la recherche.
Il m'est apparu, en analysant les crédits destinés à financer chacune de ces priorités, que le budget de l'agriculture et de la pêche était, cette année, bien plus destiné à répondre aux attentes et aux craintes, certes légitimes, de la société dans son ensemble en matière de sécurité sanitaire et alimentaire qu'à apporter des réponses aux préoccupations des agriculteurs et des solutions aux crises sans précédent que traversent certains secteurs.
A cet égard, les mesures d'accompagnement des secteurs en crise ne m'ont pas paru suffisantes dans le projet de budget pour 2002.
La filière bovine notamment se trouve aujourd'hui dans une situation dramatique.
Des mesures ont, certes, été prises par le Gouvernement en faveur de la sécurité sanitaire et alimentaire, comme la décision d'interdire totalement l'usage des farines animales dans l'alimentation animale et la mise en place d'un système d'épidémiosurveillance efficace, et les crédits destinés aux mesures de surveillance et d'éradication de l'encéphalite spongiforme bovine, l'ESB, sont en augmentation pour 2002. Il n'en reste pas moins que les éleveurs, dans leur grande majorité, restent confrontés à de graves difficultés financières.
La chute des cours, couplée à la fermeture des débouchés pour les animaux, a entraîné des pertes de revenus très importantes pour les exploitations.
Aujourd'hui, ce sont les éleveurs de race à viande qui sont les plus pénalisés, la chute des prix des broutards ayant, par exemple, atteint près de 30 %. En moyenne, les cours à la production ont diminué en un an de 25 % à 30 %, avec pour conséquence une dégradation inquiétante, voire dramatique, du revenu des éleveurs.
Les éleveurs de vaches de race allaitante, eux aussi, sont désormais concernés par la chute des cours de la viande. Ils sont confrontés à de graves difficultés de trésorerie et on estime qu'une exploitation sur quatre est menacée de faillite dans le secteur allaitant.
Le 17 octobre dernier, vous avez présenté, monsieur le ministre, un plan de soutien aux éleveurs touchés par la crise. Les principales mesures annoncées sont la mise en oeuvre d'outils de gestion du marché et celle d'une nouvelle politique des prix et de la consommation. Toutefois, les mesures relatives à la situation financière des éleveurs sont décevantes.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, qu'un « travail d'évaluation était en cours pour mesurer et identifier au mieux les difficultés réelles et les catégories d'éleveurs les plus touchés ». Les résultats de cette étude ne devraient être connus qu'en toute fin d'année. Pouvez-vous cependant nous en dire plus aujourd'hui ?
Ainsi, quels sont les premiers résultats de l'enquête menée par les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDAF, pour le ministère sur la situation de la filière bovine ? Quelles sont les catégories d'éleveurs et les exploitations les plus touchées ? Des mesures d'aides directes aux éleveurs vont-elles être mises en oeuvre et, si oui, quand le seront-elles ?
Autre secteur en crise et qui aurait mérité une plus grande attention de votre part dans le projet de budget pour 2002, monsieur le ministre : la viticulture.
Le secteur de la viticulture est confronté depuis deux ou trois ans à une crise importante résultant, notamment, d'une désaffection des consommateurs français, touchant tant les vins de table que les vins à appellation d'origine contrôlée, d'un accroissement de la concurrence internationale exercée par les producteurs des pays émergents ainsi que d'une augmentation de l'offre française et communautaire.
La consommation a diminué de 5 millions d'hectolitres en trois ans en France et elle régresse aussi en Europe. Les perspectives de croissance du marché mondial ne permettent pas de compenser à court terme les pertes de débouchés. En outre, la chute des ventes a entraîné une baisse des prix du vin de l'ordre de 30 %, ce qui a contraint les coopératives à diminuer les acomptes versés à leurs adhérents.
Alors que la nouvelle organisation commune des marchés vitivinicoles est entrée en vigueur le 1er août 2000, il paraît donc nécessaire que des mesures de dégagement du marché soient mises en oeuvre afin de permettre à celui-ci de se rétablir et d'offrir des prix rémunérateurs aux producteurs.
De même, la restructuration de l'aval de la filière, aujourd'hui atomisée face à des acheteurs concentrés et aux concurrents de la France, doit être encouragée et soutenue.
Dans ce contexte, je ne peux que regretter que les dotations du chapitre 44-53 relatives aux interventions en faveur de l'orientation et de la valorisation de la production agricole, notamment les crédits destinés aux organismes d'intervention, restent stables par rapport à 2001. Il me semble que des moyens supplémentaires importants auraient dû être alloués aux deux offices principalement concernés : l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture, l'OFIVAL, dans l'optique notamment d'une relance de la consommation de la viande bovine, et l'Office national interprofessionnel des vins, l'ONIVINS.
Vous avez cependant promis, monsieur le ministre, le 25 septembre dernier, lors de la présentation de votre plan d'adaptation pour la viticulture, d'attribuer dès cette année 115 millions de francs à l'ONIVINS en vue de soutenir l'amélioration des structures de production et de vinification. Pouvez-vous nous confirmer aujourd'hui cette information et nous préciser l'origine budgétaire de ces nouveaux crédits pour l'ONIVINS ?
De même, l'analyse des crédits du projet de budget de l'agriculture montre que les mécanismes d'aides aux agriculteurs ne sont pas renforcés : ainsi la procédure des aides aux agriculteurs en difficulté, dite procédure « Agridiff », voit sa dotation reconduite à l'identique, alors que les difficultés rencontrées par les agriculteurs auraient mérité que soit consenti un effort réel pour ces chapitres budgétaires. La dotation du FAC, le fonds d'allégement des charges financières des agriculteurs, est reconduite quant à elle à hauteur de 30,5 millions d'euros. Ces dotations me semblent insuffisantes au regard des importants besoins des exploitants en matière de prêts et de soutiens financiers, notamment dans le secteur de l'élevage bovin. Enfin, la baisse des crédits consacrés à la bonification des prêts à l'agriculture, qui atteint 40 %, environ, ne fait que corroborer l'impression d'un soutien fuyant aux agriculteurs en difficulté.
Au-delà de ces secteurs en crise qui font l'objet de mesures d'accompagnement à mon sens inadaptées, je tiens également à souligner l'existence de secteurs délaissés cette année par le ministère de l'agriculture et de la pêche, au premier rang desquels figure la forêt.
Alors que les deux assemblées parlementaires avaient réussi, en travaillant de concert, à élaborer la nouvelle loi d'orientation sur la forêt du 9 juillet 2001, force est de constater que la forêt n'apparaît plus, dans le présent projet de budget, comme une priorité pour votre ministère.
Les crédits dévolus en 2002 à la « gestion durable de la forêt » sont en nette diminution par rapport à 2001. Au total, les dépenses prévues au titre de cet agrégat s'élèvent pour 2002 à 334,4 millions d'euros, contre près de 368 millions d'euros en 2001. Cette baisse concerne à la fois les dépenses ordinaires, à hauteur de 7 %, et les dépenses en capital, avec une diminution de 15,5 % pour les crédits de paiement et de 21 % pour les autorisations de programme.
En 2002, les baisses affectent notamment les engagements pris à la suite des tempêtes de décembre 1999 bonification de prêts, travaux de nettoyage et de reconstitution des forêts sinistrées - modernisation de la première transformation et de l'exploitation forestière - les mesures forestières en agriculture, ainsi que la prévention des risques d'incendie et les opérations de protection. Cette diminution des crédits consacrés à la politique forestière m'inquiète vivement dans un contexte qui reste encore très marqué par le drame des tempêtes de la fin de 1999.
Un autre secteur délaissé est celui de la politique de la montagne. Cette dernière a vu cette année la mise en oeuvre de la réforme des indemnités compensatoires de handicap naturel, les ICHN, désormais attribuées à l'hectare de superficie fourragère, en application du règlement communautaire « développement rural ».
Or la dotation pour les ICHN prévue dans le projet de budget pour 2002 est reconduite à l'identique par rapport à 2001, à hauteur de près de 427 millions d'euros, en prenant en compte le cofinancement communautaire, qui représente un montant de 195,7 millions d'euros sans inclure les crédits communautaires. Vous vous étiez pourtant engagé, monsieur le ministre, en octobre 2000, à porter ce montant à 3 milliards de francs dès 2001, participation communautaire comprise. Par la suite, cette échéance avait été repoussée précisément à 2002 et, lors de la discussion de ce projet de budget à l'Assemblée nationale, vous avez pris solennellement « l'engagement au nom du Gouvernement, soit par la dotation budgétaire de 1,4 milliard de francs, soit par des reports et des redéploiements » au sein de votre budget, « d'honorer » votre « engagement ». Vous semblez prendre beaucoup d'engagements, monsieur le ministre,...
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je les tiens !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. ... mais dites-nous clairement comment vous comptez tenir celui que vous avez pris s'agissant des crédits de la montagne.
L'année dernière, j'avais vivement critiqué le dispositif des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, et j'avais mis en évidence l'échec de sa mise en place. Cette année, force est de constater que, après un démarrage manqué, le dispositif a connu une certaine montée en puissance, bien en deçà cependant des objectifs initialement fixés par le Gouvernement : pas plus de 20 000 CTE auront été signés d'ici à la fin de l'année, alors que l'objectif était de 50 000 contrats à la fin de 2000 et de 100 000 à la fin de 2002.
Je m'interroge donc sur la légitimité de l'augmentation de la dotation du fonds de financement des CTE inscrite dans le présent projet de budget et je constate que cet instrument reste très contesté, surtout s'agissant des objectifs visés : la principale critique formulée à l'encontre du dispositif concerne en effet leur caractère trop ambitieux, qui tendrait à faire des CTE un outil de réorientation totale de la politique agricole. La complémentarité entre le volet économique des CTE et les adaptations sociales et environnementales est inexistante, et l'accent mis sur la dimension socio-environnementale de ce dispositif a contribué à gripper la mécanique dès le départ.
Enfin, ma dernière observation, monsieur le ministre, portera sur l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui la politique d'installation : le nombre d'installations aidées de jeunes agriculteurs est, en effet, passé d'environ 10 000 en 1997 à 6 314 en 2000. En 2001 cette tendance semble se confirmer puisque, pour le seul premier semestre, les demandes présentées au titre des dotations aux jeunes agriculteurs, les DJA, sont en diminution de 6 %.
A cet égard, les crédits destinés pour 2002 à favoriser l'installation des jeunes agriculteurs connaissent une baisse sensible, liée, selon le ministère, aux évolutions démographiques constatées ces dernières années. Ainsi, les crédits affectés à la DJA subissent une réduction de 8,2 millions d'euros par rapport à 2001, ce qui représente un recul de 11 %. Ils s'élèveront, en 2002, à 66,5 millions d'euros, alors que le choix avait été fait de maintenir l'objectif, fixé en 2001, de 8 000 nouvelles installations.
Cette baisse résulte, d'une part, de la diminution tendancielle du nombre d'installations, qui entraîne une sous-consommation des crédits de ce chapitre budgétaire et donc une diminution mécanique du montant des crédits inscrits chaque année, et, d'autre part, d'une contribution européenne plus importante au financement de cette politique dans le cadre du plan de développement rural national, le PDRN.
Au-delà de la DJA, les aides de l'Etat en faveur de l'installation recouvrent d'autres domaines : les stages, les programmes pour l'installation des jeunes en agriculture et le développement des initiatives locales, les répertoires à l'installation. Ces trois volets enregistrent également une diminution de leurs dotations.
Je ne nie bien sûr pas l'importance des évolutions démographiques et l'effet de baisse mécanique qu'elles entraînent pour les crédits destinés à financer l'installation des jeunes agriculteurs, mais je mets en doute l'efficacité et la pertinence de la politique d'installation menée par le Gouvernement, qui élude manifestement tout un pan de cette politique, à savoir les aides au départ et à la restructuration, et n'utilise pas suffisamment, en outre, les outils fiscaux qui lui sont liés, notamment en matière de transmission des exploitations.
S'agissant du contenu des articles rattachés, que nous discuterons par la suite, je vous proposerai, mes chers collègues, d'adopter un amendement à l'article 60 visant à fixer pour 2002 le plafond d'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambre d'agriculture, afin de porter le taux maximal d'augmentation de cette taxe de 1,7 % à 2 % et de permettre ainsi aux chambres d'agriculture, qui sont des établissements publics à caractère administratif, d'assumer pleinement l'ensemble de leurs missions.
Pour conclure, je proposerai au Sénat de rejeter les crédits inscrits au projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour 2002, considérant qu'ils ne sont nullement à la hauteur des attentes et des difficultés actuelles de l'ensemble de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. César, rapporteur pour avis.
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'agriculture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'agriculture a été durement éprouvée au cours de l'année écoulée. La nouvelle crise de l'ESB, déclenchée voilà plus d'un an, a bouleversé l'économie de toute une filière, au travers de dispositions qui, à l'instar de l'interdiction des farines animales et de la mise en place de mesures drastiques de dépistage et de prévention, étaient pourtant indispensables.
Pour la filière de l'élevage bovin, les conséquences sont sans précédent. Après avoir diminué de plus de 50 % au plus fort de la crise, la consommation de viande bovine semble rester durablement en dessous de son niveau antérieur. Par ailleurs, les cours des bovins se sont effondrés tandis que, dans le même temps, les prix de vente aux consommateurs demeuraient élevés, ce qui a provoqué une révolte bien légitime des éleveurs.
La situation est particulièrement dramatique pour le bassin allaitant, qui a investi pendant des années dans une stratégie de qualité. Alors que les résultats provisoires de l'étude conduite par vos services, monsieur le ministre, confirment la fragilité financière de 40 % des exploitations spécialisées en viande bovine, j'aimerais que vous nous indiquiez combien de temps le monde de l'élevage devra encore attendre avant de recevoir les aides annoncées.
Une autre crise a touché, cette année, un secteur tout aussi important de la production agricole française, qui représente, rappelons-le, le premier poste des exportations agroalimentaires de la France : celui de la viticulture.
Cette crise, qui s'est traduite par une diminution significative des ventes de vins de table et d'une partie des vins de pays, a rendu nécessaire le recours à plusieurs distillations. Prenant conscience de la montée en puissance de nouveaux pays producteurs sur le marché mondial des vins et confronté à une réduction structurelle de la consommation française, notre secteur viticole doit maintenant définir des axes stratégiques pour son avenir, qui lui permettront, j'en suis sûr, de rétablir sa situation et de préserver ainsi les emplois directs ou indirects.
Au-delà de ces deux crises sectorielles, il convient d'insister sur la nouvelle diminution, à hauteur de 2,1 %, du revenu agricole durant l'année 2000. A l'évidence, il est de plus en plus difficile de vivre de l'agriculture. Dans ces conditions, comment s'étonner de la diminution continue du nombre d'installations et de la disparition, selon les chiffres donnés par le dernier recensement agricole, d'un tiers des exploitations agricoles depuis 1988 ? Il est temps de mettre en place une politique volontariste qui permette aux agriculteurs de vivre dignement du revenu tiré de leur production.
Au vu du désarroi ressenti par le monde agricole, le projet de budget de l'agriculture qui nous est aujourd'hui soumis apparaît bien insuffisant. Je ne reviendrai pas sur son économie générale, déplorant seulement, à l'instar de M. le rapporteur spécial, la diminution des dépenses en faveur de l'agriculture.
S'agissant de l'affectation des crédits, les priorités affichées posent question. C'est notamment le cas pour les contrats territoriaux d'exploitation, dont la dotation augmente de 25 %, alors que la montée en puissance du dispositif semble toujours se faire attendre. En dépit des nombreux aménagements et de la simplification des procédures auxquels vous avez procédé, monsieur le ministre, nous débouchons finalement sur une politique de guichet plutôt que sur une politique de projets ! Est-il nécessaire de rappeler que, plus de deux ans après la création des CTE, 16 000 contrats seulement ont été conclus, alors que vous espériez 50 000 signatures pour la seule année 2000 ?
Le Gouvernement est paradoxalement beaucoup moins généreux quand il s'agit de répondre à de vrais besoins.
Ainsi, la dotation à l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, ne progresse que de 500 000 euros, ce qui est loin de suffire à satisfaire les besoins de financement de cet organisme, récemment confronté à une extension significative de ses missions.
De même, les crédits alloués à la forêt diminuent, en particulier les dotations pour la reconstitution des forêts et le transport du bois. A cet égard, est-il possible, monsieur le ministre, que l'on cesse d'attribuer des aides au transport du bois à compter du 31 décembre 2001, comme la rumeur en court aujourd'hui dans certaines régions ?
M. Gérard Larcher. Non !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Ce problème inquiète les professionnels, alors que la réparation des dégâts causés par les tempêtes voilà moins de deux ans est un travail de longue haleine qui doit se poursuivre, en particulier en Aquitaine, région que M. Valade et moi représentons ici et qui a été durement touchée. En outre, ne négligeons pas les risques d'incendie des chablis non encore exploités, qui représentent de 5 millions à 6 millions de mètres cubes en Aquitaine.
Par ailleurs, si l'augmentation de 40 % des crédits attribués au Fonds national de garantie des calamités agricoles et l'adoption, à l'Assemblée nationale, d'un amendement instaurant une déduction fiscale pour aléas ne peuvent qu'être saluées, il est regrettable que le rapport de M. Christian Babusiaux sur l'assurance-récolte vienne seulement d'être transmis au Parlement, alors que la date d'octobre 2000 figure sur la page de garde. Le chemin est long depuis le ministère jusqu'au Parlement ! Comment ne pas y voir la volonté de différer une réforme tant attendue par le monde agricole ?
Quant à la diminution de 9,3 % des crédits prévus pour la dotation d'installation des jeunes agriculteurs, elle démontre l'absence de volontarisme politique dans ce domaine, le Gouvernement se contentant de constater la réduction du nombre des installations et d'ajuster à la baisse, l'année suivante, les crédits qu'il leur consacre, alors que ceux-ci pourraient avantageusement servir à financer des dispositifs fiscaux incitatifs, notamment en matière de transmission des exploitations.
Enfin et surtout, ce projet de budget ne tient pas compte de la profonde crise dans laquelle se trouvent certains secteurs de notre agriculture, ainsi que cela a été rappelé par M. Joël Bourdin.
La simple reconduction, à hauteur de 16,77 millions d'euros, des crédits destinés aux aides aux agriculteurs en difficulté, dites « procédures Agridiff », de même que celle de la dotation au fonds d'allégement des charges, est insuffisante au regard des importants besoins des exploitants en matière de prêts, de soutiens financiers et de couverture sociale. Dans le secteur de l'élevage bovin, les trésoreries sont exsangues et de nombreuses exploitations au bord de la faillite.
De même, il est dommage que les crédits destinés aux dispositifs de cessation anticipée d'activité ne prennent pas en compte la nécessité de mettre en place un accompagnement social à la restructuration des secteurs en crise.
Loin d'être à la hauteur de la crise, économique pour certains secteurs, et plus largement morale en particulier pour les futurs installés, vécue actuellement par le monde agricole, ce projet de budget n'a pas recueilli l'assentiment de la commission des affaires économiques, qui s'est prononcée contre son adoption. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la pêche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la pêche maritime et de l'aquaculture ne représente que 0,01 % du budget général de l'Etat, alors qu'il oriente de manière décisive l'avenir de toute la filière pêche, laquelle génère près de 100 000 emplois en mer et à terre.
Or la pêche maritime française sort fragilisée de deux années particulièrement difficiles, pour trois raisons : la marée noire de décembre 1999, d'abord ; deux semaines plus tard, la tempête ; enfin, la forte hausse des prix du carburant, surtout pendant l'année 2000.
Certes, les prix des produits de la mer se sont redressés. Mais les chiffres d'affaires n'ont pu augmenter d'autant, contraints par la stagnation des quantités pêchées. Pourtant, des charges croissantes, de carburant notamment, ont pesé sur les entreprises de pêche, dont la rentabilité s'est trouvée encore réduite. La rémunération des équipages en a évidemment pâti, ce qui n'aidera pas à résorber la criante pénurie de bras.
Monsieur le ministre, vous n'êtes pas resté indifférent aux difficultés que la pêche traversait et les indemnisations et allégements de charges fiscales et sociales que vous avez décidés ont été bien accueillis par les professionnels. Je reste toutefois inquiet devant le risque que vous avez fait encourir à la France et aux pêcheurs en ne vous assurant pas, en amont, de la recevabilité communautaire de ces mesures. Je n'admettrais pas que les entreprises de pêche se trouvent contraintes à rembourser ces aides.
Mais la crise conjoncturelle de la pêche ne doit pas occulter son lent et terrible déclin : 1 600 marins de moins en trois ans, deux fois moins de bateaux que voilà vingt ans, mais aussi des bateaux plus vieux, ce qui menace la sécurité des hommes. Au rythme actuel du renouvellement des bateaux restants, il faudrait deux siècles pour renouveler intégralement la flottille. Comment croire que Bruxelles ne s'accommode pas, finalement, de cette dégradation progressive ?
Il est de votre responsabilité, monsieur le ministre, de défendre notre tradition maritime et de tout mettre en oeuvre pour développer et moderniser nos entreprises de pêche ; il vous faut les accompagner vers une démarche nouvelle de qualité qui, bien sûr, contribuera à valoriser leurs produits.
Ce pari de la qualité s'impose, à l'heure où la quantité est contingentée ; il répond à l'exigence actuelle d'information des consommateurs, qui a déjà conduit à de nouvelles règles communautaires d'étiquetage.
Or cette démarche de qualité repose prioritairement sur une traçabilité de la production maritime, difficile à organiser, mais qu'il vous revient de rendre possible. Pour cela, je vous appelle à mieux reconnaître le travail et le rôle des criées. Maillon central dans la commercialisation des produits de la mer, puisque quatre poissons frais sur cinq y sont vendus, les criées assurent des missions croissantes de service public. A ce titre, je vous invite à soutenir leurs investissements visant à l'harmonisation des critères de tris et à l'intégration des nouvelles technologies de l'information et de la communication, car il s'agit d'autant de gages d'une meilleure traçabilité.
L'avenir de la pêche réside aussi, voire surtout, dans une nouvelle politique commune de la pêche - PCP. En vue de sa prochaine refonte en 2002, le Livre vert de la Commission européenne reconnaît les insuffisances de l'actuelle PCP et analyse les nouveaux défis. Malheureusement, il ne rompt pas avec la logique de réduction de capacité de la flotte par une succession de plans d'orientation pluriannuels - POP - mais laisse augurer d'une nouvelle réduction de 40 % de la flotte.
Vous savez l'onde de choc que ce chiffre de 40 % a produite chez nos marins-pêcheurs. Comme eux, je ne conçois pas de poursuivre une politique de destruction. Les limites des ressources de pêche exigent leur exploitation raisonnée, mais pas le recours exclusif à la « machine à casser du bateau ». La première exigence de la PCP doit être de garantir une pêche durable, et d'autres mesures de réduction de l'effort de pêche que les POP peuvent également préserver les ressources. Ces mesures ne doivent pas relever de l'arbitraire politique ; à cet égard, j'appelle à suspendre l'interdiction des filets maillants dérivants le temps de refonder la nouvelle PCP.
Je vous demande de construire avec les professionnels un projet alternatif, que j'imagine : recentré autour des totaux admissibles de captures - TAC - et des quotas de pêche ; crédibilisé par des contrôles renforcés et équitables, qu'il faudrait peut-être confier exclusivement aux inspecteurs communautaires pour plus d'impartialité et d'uniformité ; complété par des mesures techniques, qu'un intense effort de recherche doit permettre d'affiner afin d'assurer la sélectivité et le respect des écosystèmes ; prenant enfin en compte la dimension sociale de la pêche et son rôle dans l'aménagement du territoire. Nos marins-pêcheurs sont à la fois porteurs d'un patrimoine national et d'une dynamique pour nos côtes.
Le récent lancement de nouvelles négociations commerciales multilatérales repose sur un texte de compromis ambigu. Je vous prie instamment, dans le déroulement des négociations, de soutenir avec la plus grande fermeté l'aide publique à la pêche, car la survie de ce secteur est vitale pour la France.
Je dirai un mot du budget proprement dit, en baisse de 3 %. Il n'est pas à la hauteur des attentes et des enjeux, monsieur le ministre.
Vous justifiez par des reports de crédits - que je juge d'ailleurs inquiétants - la nouvelle baisse de 25 % des dépenses d'investissement, après la diminution de 50 % l'an dernier, mais vous n'envisagez pas de redéployer ces crédits, par exemple vers la recherche, dont la dotation stagnante me préoccupe.
Un tel contexte a convaincu la commission des affaires économiques d'émettre un avis défavorable sur l'adoption des crédits de la pêche pour 2002. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Delfau, rapporteur pour avis.
M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour le développement rural. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la notion de développement rural évoque traditionnellement certaines politiques d'aménagement foncier, de travaux d'hydraulique et d'animation rurale aux enjeux budgétaires relativement limités, auxquelles il est coutume d'adjoindre les actions en faveur de l'agriculture de montagne et de l'espace forestier. La mise en oeuvre plus récente d'une politique européenne de développement rural, consacrée comme le deuxième pilier de la politique agricole commune par l'accord de Berlin de mars 1999 sur l'agenda 2000, tend à donner un nouveau souffle à cette notion.
Avant de présenter les crédits du budget de l'agriculture en faveur de ces différents volets de la politique de développement rural, votre rapporteur pour avis souhaite mettre l'accent sur certaines évolutions qui ont marqué l'année 2001.
La première est la rénovation de la politique forestière grâce à l'adoption, à l'issue d'un examen approfondi et constructif par le Parlement, de la loi d'orientation sur la forêt. Publié le 9 juillet dernier, ce texte modernise des pans entiers du code forestier, prenant en compte la diversité des fonctions de la forêt et les nouvelles attentes, notamment sociales et environnementales, dont elle fait aujourd'hui l'objet. Il permet d'envisager la politique forestière nationale dans une optique de développement durable, alors qu'elle était abordée, jusqu'à l'année dernière, essentiellement, mais on le comprend, sous l'angle des importants dégâts occasionnés par les tempêtes de décembre 1999. Cette avancée importante a été complétée par la signature, le 22 octobre 2001, d'un contrat d'objectifs entre l'Etat et l'Office national des forêts pour la période 2001-2006. Je veux, à cette occasion, souligner le travail remarquable que réalise l'Office, grâce au professionnalisme de ses agents.
Une autre initiative de fond menée au cours de l'année 2001 en faveur du développement rural est la concertation autour du projet de schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux. Quelles que soient les insuffisances de ce schéma, qui ont été notamment relevées par le Sénat, il n'en constitue pas moins la première tentative d'inscrire dans une stratégie de moyen terme l'ensemble des politiques publiques tendant à favoriser un développement équilibré des espaces ruraux.
Enfin, il convient d'insister sur l'adoption, à l'échelle européenne, du programme de révision du plan de développement rural national - PDRN - le 21 novembre 2001. Cette révision complète les mesures mises en place dans le cadre de la politique européenne de développement rural et contribue à mieux prendre en compte la multifonctionnalité de l'agriculture, c'est-à-dire sa vocation à satisfaire, au sein des espaces ruraux, des attentes qui dépassent sa seule fonction productive.
A ce sujet, je voudrais faire observer que, après s'être progressivement disjointes durant les cinquante dernières années, les fonctions de production et de préservation du territoire tendent de nouveau à se rapprocher. Malgré des débats parfois vifs, notamment autour des CTE, les contrats territoriaux d'exploitation, le développement rural n'est plus seulement complémentaire, il est à nouveau ressenti comme constitutif de la défense du rôle de production dévolu, de façon prioritaire, à l'agriculture. La notion de territoire revient au coeur du débat.
L'analyse des crédits révèle des évolutions contrastées, même si, dans un budget de l'agriculture qui, sans vraiment diminuer, est tout au moins soumis à une certaine rigueur, les dotations du développement rural sont globalement préservées.
Il convient de se féliciter de l'augmentation de près de 16 % des crédits de paiement alloués à l'aménagement foncier et hydraulique de l'espace rural, ainsi que de la progression de 19 % de l'enveloppe destinée au financement de la modernisation des exploitations, qui s'établit à 29 millions d'euros. Les crédits d'amélioration du cadre de vie, qui financent des projets de mise en valeur des ressources et du patrimoine rural, sont également en hausse, alors qu'ils avaient diminué de 18 % l'année dernière. Enfin, les crédits consacrés aux contrats territoriaux d'exploitation augmentent de 25 %, afin de conforter la montée en charge du dispositif, stimulée cette année par la mise en place de CTE-cadres adaptés aux filières de production.
Cet effort en faveur du développement rural est toutefois incomplet. Ainsi, les crédits des interventions spéciales en faveur des zones défavorisées, qui financent les indemnités compensatoires de handicap naturel - ICHN - sont simplement reconduits à 195,74 millions d'euros, ce qui ne permet pas d'atteindre l'enveloppe globale de 457 millions d'euros - crédits communautaires inclus - que le Gouvernement s'était engagé, en octobre de l'année dernière, à effecter à l'agriculture de montagne. Cette sous-dotation nous inquiète, monsieur le ministre.
En outre, les dotations allouées à la forêt sont en baisse de près de 7 % en dépenses ordinaires et de 15,5 % en crédits de paiement, cette diminution affectant notamment les mesures de bonifications de prêts, de reboisement et d'aides à la modernisation de la première transformation, prises à la suite des tempêtes de décembre 1999, mais également les dotations finançant la prévention des risques en forêt. La commission des affaires économiques a considéré que cette évolution est en contradiction avec l'affichage d'une politique forestière ambitieuse et qu'elle se faisait au détriment de la forêt privée.
Vos explications, monsieur le ministre, n'ont pas convaincu sur ce point. Pour cette raison, mais également parce que de nombreux sénateurs se sont plaints de la lourdeur des procédures des contrats territoriaux d'exploitation, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur l'adoption des crédits consacrés au développement rural. Votre rapporteur pour avis tient à souligner que, pour sa part, il votera en faveur de leur adoption. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. André Lejeune. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Dussaut, rapporteur pour avis.
M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les industries agricoles et alimentaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, maillon stratégique entre les productions agricoles et les circuits de distribution, les industries agroalimentaires sont une source importante de création de richesses et d'emploi ; elles contribuent, par leur présence sur l'ensemble du territoire, à un développement harmonieux de nos régions.
Elles ont bénéficié, en 2000, d'un maintien de la croissance en valeur de leurs productions, en dépit d'une baisse du volume produit. Cette stabilité apparente ne doit pourtant pas masquer les difficultés réelles de certaines productions, comme celle de la viande bovine, très affectée par la chute brutale de la consommation à la suite de la nouvelle crise de l'ESB, l'encéphalopathie spongiforme bovine.
Les résultats de l'année 2001 risquent d'être particulièrement négatifs pour le secteur de la viande, d'autant plus qu'au delà d'une diminution structurelle de la consommation de viande bovine des tensions se font actuellement sentir sur les cours du porc, qui connaît des difficultés persistantes à l'exportation.
Si la crise de la viande bovine frappe de plein fouet les éleveurs, qui en sont, sans conteste, les premières victimes, elle a également affecté l'industrie des viandes. En effet, celle-ci a dû faire face aux mesures imposées dans le cadre de la lutte contre l'ESB, telles que le dépistage systématique à l'abattoir ou l'extension de la liste des matériaux à risque.
Par ailleurs, alors que la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce vient de décider, à Doha, l'ouverture d'un nouveau cycle de négociations multilatérales, il convient de souligner la fragilité de certaines des positions françaises sur les marchés extérieurs, malgré les résultats plus qu'honorables de nos industries agroalimentaires à l'export. Ainsi, les exportations françaises de vins sont de plus en plus concurrencées par les vins dits « du Nouveau Monde », portés par une politique commerciale agressive.
Dans cette conjoncture, les initiatives prises dans le sens d'un soutien plus affirmé à la promotion des produits agroalimentaires français, telles que la mise en place par le Gouvernement du Conseil supérieur des exportations agricoles et agroalimentaires, le CSEAA, prévue par la loi d'orientation agricole, ne peuvent qu'être saluées.
Enfin, il apparaît aujourd'hui difficile d'évoquer les industries agroalimentaires sans aborder les problématiques de sécurité alimentaire et environnementale.
Le dossier des OGM, les organismes génétiquement modifiés, en particulier, a fait l'objet d'une très grande attention. Il convient, à cet égard, de se féliciter des mesures de transparence prises par le Gouvernement - à l'instar de la possibilité pour le public d'accéder aux dossiers de demandes d'essais - ainsi que du lancement, tout récemment, d'un débat public sur les OGM et sur les essais en plein champ.
La sécurité alimentaire figure, cette année encore, parmi les priorités du Gouvernement pour ce budget, comme l'attestent l'augmentation de 3,4 % des dotations destinées à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, la progression des crédits affectés à la protection et au contrôle sanitaire des végétaux, ainsi que la hausse de près de 20 % - à 106,7 millions d'euros - des crédits consacrés à la maîtrise sanitaire des animaux et de leurs produits, destinés notamment à la lutte contre l'ESB, mais également au renforcement de l'hygiène alimentaire tout au long des filières de production.
Les crédits de soutien à l'investissement des industries agroalimentaires bénéficient également d'une progression de 9,4 %, et l'augmentation des crédits affectés à la politique de la qualité, d'un montant total de 17,05 millions d'euros, bénéficie essentiellement à la promotion des signes de qualité.
Cependant, la commission des affaires économiques a considéré que la progression de 4 % de crédits alloués à l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, d'un montant de 12,9 millions d'euros, était insuffisante au regard des importants besoins de cet organisme.
La subvention de l'Etat à la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, la SOPEXA, est, quant à elle, reconduite à 24,4 millions d'euros, ce qui est juste suffisant pour couvrir les frais d'entretien du réseau de cet organisme dans le monde.
D'un montant total de 487,83 millions d'euros, les crédits affectés à l'équarrissage et à l'élimination des farines animales augmentent de 9,4 % cette évolution résultant à la fois de l'augmentation de 13 % des crédits affectés au financement du service public de l'équarrissage et de la diminution de 10 % des crédits destinés au financement de l'élimination des farines animales.
Prenant acte de la progression des crédits consacrés à la sécurité alimentaire et à la qualité, la commission des affaires économiques n'en a pas moins déploré l'insuffisant effort financier de l'Etat en faveur de l'INAO. Elle a également regretté la stagnation des crédits en faveur de la SOPEXA, dans un contexte où la promotion de nos produits agroalimentaires est indispensable.
Elle a finalement, contrairement à ma proposition, émis un avis défavorable à l'adoption des crédits destinés aux industries agroalimentaires dans le projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Férat, rapporteur pour avis, que je salue à l'occasion de la présentation de son premier rapport budgétaire.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors qu'en 2002 le budget de l'agriculture s'établira au même niveau qu'en 2001, les crédits de l'enseignement agricole progresseront de 2,27 %, pour atteindre 1 171,56 millions d'euros.
Cette comparaison constitue, certes, un signe encourageant pour cet enseignement, qui fait encore, à bien des égards, figure de parent pauvre comparé à l'éducation nationale, mais il ne faut pas pour autant en déduire qu'il est bien servi.
Le projet de budget comporte certaines mesures positives qui prennent en compte la nécessité de rattraper les retards accumulés au cours des dernières années.
Parmi ces mesures positives je me félicite de la progression des subventions aux établissements de l'enseignement public, qui augmentent de manière significative aussi bien en fonctionnement qu'en investissement.
Ces moyens supplémentaires sont bienvenus, alors que la parcimonie budgétaire a contraint ces établissements à recourir à des expédients durant la période de forte croissance des effectifs.
Ainsi, l'accélération du programme de mise aux normes du parc immobilier des établissements d'enseignement supérieur correspond à une incontestable nécessité dont l'urgence a encore été accrue par les intempéries de décembre 1999.
Mais l'effort devra être poursuivi au cours des années à venir, car les marges de manoeuvre demeurent étroites. A titre d'exemple, en 2002, pas plus qu'au cours des deux précédents exercices, ne pourra être étendu dans l'enseignement technique le dispositif de prise en charge des frais de stage.
Si ces mesures constituent des signes encourageants, le projet de budget comporte encore des lacunes, qui sont autant de sujets de préoccupations pour l'avenir.
Ainsi, monsieur le ministre, comment justifiez-vous le fléchissement de l'effort engagé pour renforcer les moyens en personnel de l'enseignement public ? Le recul des effectifs à la rentrée 2001 ne peut légitimer une telle rupture dans le rythme des créations d'emplois !
En 2002, seront créés 12 emplois d'enseignants, contre 120 en 2001 et 158 en 2000.
La situation est comparable dans l'enseignement supérieur, qui ne bénéficie pas des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la rénovation des formations, en particulier dans les écoles vétérinaires. Ce constat est particulièrement préoccupant alors que l'on souhaite réduire la précarité : en effet, on peut craindre que l'insuffisance des créations d'emplois ne contraigne à nouveau les établissements à recourir à du personnel précaire, sauf à leur imposer des quotas de contractuels, ce qui ne jouera pas en faveur d'une amélioration des taux d'encadrement.
Pour les personnels ATOSS, administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de service, de l'enseignement technique, si nous restons peu ou prou sur le rythme constaté l'an dernier, nous sommes très loin des objectifs du plan de rattrapage sur lequel vous vous étiez engagé, monsieur le ministre. En outre, le bilan très décevant de l'application de la loi Perben, attesté par le nombre encore élevé d'agents contractuels régionaux, ne permet pas d'expliquer le relâchement de l'effort en ce domaine : 153 emplois, contre 260 en 2001, seront créés par transformation de crédits de vacation et d'heures supplémentaires.
Le montant des dotations destinées à l'enseignement privé suscite également bien des interrogations.
Si je me félicite de la revalorisation, tout à fait légitime, des subventions à l'enseignement supérieur privé, je m'inquiète de l'évolution des crédits consacrés aux établissements du second degré.
M. Serge Mathieu. Très bien !
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Pour les établissements du temps plein, je constate que, s'agissant de la rémunération des enseignants, le projet de loi de finances ne prend en compte ni les conséquences de la réforme du statut des professeurs de lycées professionnels ni l'extension à ces personnels du régime temporaire de retraite des maîtres des établissements d'enseignement privé, le RETREP, pourtant annoncé depuis longtemps.
Cela consiste à faire supporter à l'enseignement privé le coût de ces mesures en limitant, voire en interdisant des mesures de créations d'emplois ou de revalorisation de la fonction enseignante.
Pour les subventions de fonctionnement, procédera-t-on enfin, en 2002, à la réactualisation des bases de calcul qui aurait dû intervenir en 1998 et, si oui, avec quels crédits ?
Enfin, je m'interroge sur les raisons qui ont conduit à ne pas réévaluer cette année, comme c'est l'habitude, le coût du poste de formateur, référence à partir de laquelle sont calculées les subventions aux établissements du rythme approprié.
Alors que l'enseignement agricole fonctionne dans sa grande majorité selon le régime de l'internat, il ne pourra bénéficier des mesures décidées par le ministre de l'éducation nationale en faveur de ce mode de scolarisation. En l'état actuel des dotations pour 2001 comme pour 2002, pas plus la prime d'internat que le doublement de la prime d'équipement ne pourront être mis en oeuvre et, à ma connaissance, le collectif de fin d'année ne prévoit aucune ouverture de crédits à ce titre. Une telle entorse à la parité entre l'enseignement agricole et l'éducation nationale ne peut être acceptée.
Ces analyses comptables traduisent, à l'évidence, une gestion à courte vue de l'enseignement agricole. Le recul des effectifs dans les établissements du second degré, bien moindre que celui qui est constaté dans l'ensemble de l'enseignement technique, ne doit pas encourager des tentations malthusiennes.
L'offre de travail continue à progresser dans les secteurs couverts par l'enseignement agricole, tandis que nos concitoyens aspirent à de nouveaux modes de production. Il importe plus que jamais de réfléchir à l'adaptation des formations à ces nouvelles exigences. Or la politique suivie en ce domaine manque singulièrement d'ambition : l'attentisme qui en tient lieu risque de créer les conditions d'un découplage entre les enseignements dispensés et les besoins de l'économie rurale et agricole. Si cette situation devait perdurer, notre agriculture perdrait un de ses atouts.
Le constat n'est guère différent pour l'enseignement supérieur. Les handicaps sont connus et la loi d'orientation n'a pas changé grand-chose. Les synergies avec la recherche sont encore à mettre en place et je ne vois guère, dans le projet de budget, les signes d'une action volontariste en ce domaine.
Compte tenu de ces observations, la commission des affaires culturelles a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement agricole pour 2002. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 57 minutes ;
Groupe socialiste, 44 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 31 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 19 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes. Essayons de nous y tenir !
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, à la faveur de la discussion du budget de l'agriculture, je m'attache, en qualité de président du groupe d'études de la viticulture du Sénat, à présenter un état de la situation de notre secteur vitivinicole.
L'année 2001 aura été marquée par une grave crise qui a affecté principalement la viticulture du Midi, avec une chute des cours de l'ordre de 30 %, mais aussi les vins d'appellation d'origine contrôlée, les AOC, comme je puis en témoigner pour ma région du Beaujolais.
Cette crise a motivé d'importantes manifestations des producteurs en Languedoc-Roussillon, littéralement pris à la gorge par les charges de trésorerie.
A cette crise, il y a plusieurs raisons.
La première est liée à une diminution structurelle de la consommation intérieure, qui atteint 33,7 millions d'hectolitres. En 2000, la consommation de vin accuse globalement une baisse de 5 %, dont 2 % pour les vins d'appellation et 8 % pour les vins de table. En trois ans, la consommation a fléchi de 5,5 millions d'hectolitres. Elle atteint 49 litres par an et par habitant.
La seconde raison réside dans la diminution de nos exportations. En 2000, elles s'établissent à 15 millions d'hectolitres, après l'année record de 1999 qui a atteint 16,5 millions d'hectolitres.
Les exportations de champagne chutent de 27 % et, hors champagne, les exportations se replient en volume de 5 %.
Cette évolution défavorable est due à la concurrence sur le marché mondial, notamment européen, de nouveaux pays producteurs tels que l'Australie, dont les vins ont été particulièrement appréciés des consommateurs britanniques.
Au cours de l'année dernière, le solde commercial diminue de 2,1 milliards de francs, pour s'établir à 32,4 milliards de francs. Nous constatons, heureusement, une reprise des exportations au premier semestre 2001.
Face à cette crise, vous avez engagé, monsieur le ministre, une série de mesures : plusieurs distillations pourront être opérées en début de campagne et une distillation supplémentaire de 5 millions d'hectolitres a été demandée à l'Union européenne.
Au total, 100 millions de francs ont été accordés à la filière et 15 millions de francs l'ont été pour le recrutement de techniciens et d'oenologues.
M. Jacques Berthomeau, contrôleur général des offices, vous a remis en juillet dernier, monsieur le ministre, un rapport sur la situation du secteur viticole français au regard du marché mondial des vins.
Sur les bases de ce rapport, vous avez annoncé, le 25 septembre dernier, la mise à l'étude d'un plan d'adaptation pour la viticulture.
Quels sont les principaux axes de ce plan ? Poursuivre la restructuration du vignoble ; moderniser l'outil de vinification ; renforcer l'organisation commerciale de la filière, notamment avec l'attribution de primes d'orientation agricole, les POA, permettant de « muscler » le négoce ; enfin, réformer l'organisation commune des marchés en vue notamment de reconnaître aux Etats membres la possibilité de rendre obligatoire une distillation de crise qu'ils requièrent.
J'ajouterai à cette énumération les mesures sociales et fiscales que sollicite la profession : plafonnement des cotisations maladie, fiscalité favorisant les transmissions d'exploitations.
Sans doute serait-il fructueux également d'étudier un dispositif de jachère, permettant la remise en culture des vignes après quelques années d'arrêt de la production, voire d'arrachage suivi de restructuration.
Mes collègues et moi-même, nous nous félicitons de l'adoption par les deux assemblées du contrat de vendange permettant l'embauche, dans un cadre légal adapté, de travailleurs saisonniers qui seront exonérés des cotisations sociales salariales.
S'agissant de la reconquête des marchés, un débat est intervenu au salon Vinexpo à Bordeaux sur l'intérêt de pratiquer des politiques de marques permettant de dégager des budgets de promotion. A cet égard, que faut-il penser de l'échec du projet Mondavi dans l'Hérault ?
Je n'aurai garde d'ignorer l'accord intervenu entre la grande distribution et la filière des vins de pays et des vins de table pour la présentation de ces vins dans les linéaires des grandes surfaces. J'observe, à cet égard, que les ventes de vins assurées par la grande distribution ont fléchi de 5 % en 2000 ; les foires aux vins ne rencontreraient-elles plus le succès d'antan ?
Une réforme de l'agrément par l'INAO est intervenue récemment ; elle porte sur le respect des conditions de production et sur la dégustation.
Puisque j'évoquais l'INAO, je ne puis, monsieur le ministre, passer sous silence les mouvements sociaux qu'a connus cet établissement public, motivés par des problèmes d'effectifs et une inquiétude budgétaire. Pouvez-vous nous rassurer, monsieur le ministre ?
J'achèverai cet exposé en évoquant la récolte 2001, qui atteint 56,3 millions d'hectolitres contre 59,7 l'année dernière.
Les vins de table représentent 20,7 millions d'hectolitres et les vins de qualité produits dans des régions déterminées, les VQPRD, 25,7 millions d'hectolitres. La récolte est globalement de bonne qualité. On ne saurait à l'excès déplorer cette légère diminution compte tenu de la crise que traverse la filière.
Je rappellerai qu'avant le début de la campagne les stocks atteignaient 97,6 millions d'hectolitres, en hausse de 7 % par rapport à l'année dernière à la même période.
Il convient de rendre hommage à nos collègues Gérard Delfau et Gérard César, qui animent un groupe de travail sur l'avenir de la viticulture française au sein de la commission des affaires économiques et du plan.
Le souci d'une formation agronomique, économique, informatique adaptée à l'agriculture du xxe siècle me conduit à porter un intérêt tout particulier à l'enseignement agricole. Je déplore que les crédits affectés à la formation, l'enseignement et la recherche, qui s'élèvent à 1 173 millions d'euros, ne progressent que de 2,2 %, au lieu de 5,5 % dans le budget pour 2001. Je note toutefois l'effort consenti en faveur de l'enseignement technique agricole, qui permettra la création de 50 emplois.
Je suis attaché, monsieur le ministre, à une réelle parité de traitement entre l'effort budgétaire consenti en faveur de l'enseignement public, d'une part, et les établissements privés, conformément à la loi Rocard, d'autre part.
Il y a lieu de souligner l'enrichissement apporté aux élèves par l'enseignement en alternance que pratiquent les maisons familiales rurales, dont la vocation dépasse le seul secteur de la production agricole ou viticole. Ces établissements constituent des instruments de l'animation du milieu rural.
Monsieur le ministre, je vous remercie à l'avance de l'attention que vous voudrez bien porter aux problèmes que j'ai soulevés. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux que ce débat sur le budget de l'agriculture me donne l'opportunité d'intervenir sur un sujet qui m'est cher : la gestion des risques en agriculture.
Monsieur le ministre, je n'interviendrai que sur ce point particulier, mais sachez que, sur l'ensemble du budget de l'agriculture, je partage tout à fait les conclusions de la commission des affaires économiques, à laquelle j'appartiens.
Comme vous le savez, l'agriculture est l'activité humaine la plus dépendante des conditions climatiques. Il est donc nécessaire que l'activité agricole fasse l'objet d'une protection à l'égard des risques particuliers qui lui sont inhérents, et cette protection devra prendre en compte la spécificité de la profession d'exploitant agricole.
Aujourd'hui, les agriculteurs doivent disposer d'outils de garantie adaptés à cette réalité. On le constate malheureusement tous les jours, les risques dits traditionnels se modifient et des risques d'un genre nouveau apparaissent. Il faut proposer aux acteurs du monde agricole des réponses adaptées à cette réalité.
Si elle a organisé le dispositif relatif aux calamités agricoles, la loi de 1964 n'est plus que partiellement appliquée. Aujourd'hui, la logique de l'indemnisation l'a emporté sur celles de la prévention et du développement des assurances.
Au demeurant, s'il est indispensable de développer le mécanisme d'assurance récolte - vous y travaillez, monsieur le ministre - il faut que cette assurance soit attractive pour les agriculteurs. A cet égard, la loi d'orientation agricole avait prévu un rapport sur l'assurance récolte. Nous attendons la publication officielle de ce rapport, dont M. Babusiaux a été chargé.
Dans cette attente et celle du débat qu'il entraînera, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour aborder ce sujet.
Les aléas climatiques, en particulier, peuvent atteindre un niveau très élevé, sur des surfaces importantes, selon, parfois, de fortes fréquences. Dans ces conditions, si l'assureur peut proposer des solutions techniques adaptées, il les assortira souvent de tarifs dissuasifs tenant compte de la nature des productions et des risques.
C'est pourquoi l'intervention des pouvoirs publics est nécessaire sous une forme ou sous une autre : prise en charge d'une partie des primes ou des frais de gestion, réassurance, etc.
A cet égard, je voudrais simplement rappeler qu'en 1999 la dotation du ministère de l'agriculture au fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA, était nulle alors qu'auparavant elle s'élevait en moyenne à 200 millions de francs par an.
Depuis deux ans, cette dotation est de 50 millions de francs, et on ne peut que se féliciter de l'accroissement d'un montant de 20 millions de francs pour cette année. Cela permettra, je l'espère, d'amorcer le processus de gestion des risques, même si la participation de l'Etat devrait, à mes yeux, être autrement plus conséquente.
En effet, si l'on se rapporte aux estimations du rapport Babusiaux, toujours officieux, le coût de la mise en place du dispositif de protection contre les aléas climatiques serait d'environ 60 millions de francs - soit deux fois le montant actuel de l'incitation à l'assurance grêle - pour la prise en charge des primes la première année, et de 300 millions de francs la cinquième année.
Dans cette perspective, l'Etat doit impérativement prévoir un budget permettant de faire face à la montée en puissance de ce nouveau dispositif.
Je voudrais aborder maintenant le problème soulevé par un amendement voté la semaine dernière à l'Assemblée nationale.
Le dispositif d'épargne défiscalisée, adopté par l'Assemblée nationale, en complément de l'assurance, est intéressant parce qu'il permet de faire face à des investissements futurs ou à des aléas climatiques, sanitaires, économiques ou familiaux, aléas qui affectent le devenir de l'exploitation.
Cette nouvelle déduction pour aléa, articulée autour de l'actuelle déduction pour investissement, se caractérise non seulement par l'obligation pour l'exploitant de mobiliser l'épargne sur un compte affecté, mais aussi par celle de souscrire une assurance couvrant les dommages aux cultures ou la mortalité du bétail.
Je ne conteste pas cette interactivité entre épargne et assurance. En effet, les assurances, notamment les assurances récoltes, souscrites en complément de l'épargne, permettront à l'agriculteur de se prémunir contre les sinistres les plus importants.
Néanmoins, il est difficile à ce jour d'appréhender comment épargne et assurance vont s'articuler. Il faut préciser ce qui peut et ce qui doit être assuré aujourd'hui. Je le redis, des risques d'un genre nouveau apparaissent, tels que le risque prix, accru dans un contexte de dérégulation et de mondialisation des marchés agricoles, ou encore les risques sanitaires.
Dans la pratique, nous savons tous que l'assurabilité est fonction de paramètres techniques, du rapport entre le coût du risque et la solvabilité de la demande, de l'existence ou non d'une offre des assureurs et de la possibilité de trouver un réassureur.
Epargne et assurance sont complémentaires, mais n'est-il pas prématuré de les lier dès aujourd'hui aussi fortement ? Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, qu'une telle mesure soit trop contraignante et vienne limiter vos efforts pour garantir le revenu agricole ?
Demain, monsieur le ministre, l'agriculteur pourra choisir entre : le dispositif souple que constitue la déduction pour investissement, avec une provision constituée pouvant rester dans la trésorerie ; le dispositif plus avantageux financièrement et fiscalement qu'est l'épargne de précaution, mais avec l'obligation de mobiliser l'argent sur un compte spécifique ; enfin, la possibilité de recourir ou non à l'assurance récolte.
Ces mesures vont dans le bon sens : celui d'une sécurisation du revenu.
Il me semble que cette liberté de choix serait opportune, du moins dans un premier temps, tant que le système d'assurance récolte ne sera pas « rodé ».
Imposer le lien assurance-épargne défiscalisée, c'est un peu oublier la diversité des exploitations, en termes de nature de production, en termes de taille de l'exploitation, en termes de santé financière. C'est aussi multiplier les contraintes pour les agriculteurs.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, lors de la discussion des articles non rattachés, je déposerai un amendement visant à dissocier ce nouveau mécanisme d'épargne défiscalisée de l'obligation de souscrire une assurance.
Quoi qu'il en soit, je souhaite, monsieur le ministre, qu'épargne de précaution et assurance récolte deviennent opérationnelles le plus vite possible et que l'Etat apporte un financement suffisant pour qu'il fonctionne efficacement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de faire le point sur quelques questions que la lecture du budget a suscitées dans l'esprit des responsables de la forêt communale et de la forêt privée.
Nous avons salué en son temps le plan « chablis » de monsieur Jospin et, plus tard, coopéré avec vous, monsieur le ministre, pour l'heureux aboutissement de la loi d'orientation sur la forêt. Mais voici venu le temps de « la réalité rugueuse à étreindre », comme dit le poète.
Je ne ferai, en l'occurrence, que prendre le relais de notre excellent rapporteur spécial, M. Joël Bourdin, et de notre non moins excellent rapporteur pour avis M. César, qui se sont plaints de la diminution des crédits de la forêt.
J'insisterai sur le chapitre 61-45, ligne 40, qui regroupe la reconstitution des forêts, le nettoyage, la poursuite des programmes de conversion, le reboisement, l'équipement des routes forestières aux scieries, en passant par les platesformes.
En 2001, la forêt a bénéficié de 1,7 milliard de francs de crédits, si l'on additionne les engagements nouveaux - 600 millions de francs, soit 91,47 millions d'euros - la participation de l'Europe - 240 millions de francs, soit 36,69 millions d'euros - et les reports de l'année 2000, fort importants - 800 millions de francs, soit 121,69 millions d'euros.
En 2002, l'inscription budgétaire de 69 millions d'euros, soit 454 millions de francs, est en baisse sensible par rapport à 2001. Il faut y ajouter, bien sûr, les 40 % provenant de l'Europe - 182 millions de francs, soit 27,6 millions d'euros - dont l'Etat fait masse en quelque sorte avec ses propres crédits pour tenir sa fameuse promesse des 600 millions de francs par an.
Comme cela ne suffit pas, l'Etat compte aussi sur les reports de 2001, évalués à 600 millions de francs, soit 91,47 millions d'euros, pour arriver à un total d'environ 1 235 millions de francs, soit 188,27 millions d'euros.
Mais ces reports - et c'est ce sur ce point que je voudrais insister - sont peut-être déjà largement entamés.
En effet, du côté de la forêt privée, on assiste, depuis octobre, à une accélération des engagements - rien que pour octobre, ils atteignent 180 millions de francs, soit 27,44 millions d'euros - au point que les retards pris en raison des changements de procédure et de la substitution du CNASEA, Centre national pour l'aménagement des structures des exploitants agricoles, aux TPG seront peut-être rattrapés... et les crédits consommés.
N'oublions pas, non plus, les aides aux transports, très sensibles en forêts privées, qui seront affectées avant le 31 décembre 2001. Même si elles sont supprimées - ce que je regrette - de nombreux dossiers n'ayant pas encore été évalués, des dépenses pourront intervenir.
On peut craindre en outre l'insuffisance des crédits de paiement par rapport aux autorisations de programme : il serait sans doute opportun de revoir la clé de répartition. Mais vous êtes au fait de toutes ces difficultés, monsieur le ministre, puisque le syndicat des propriétaires forestiers sylviculteurs vous a adressé un courrier à ce sujet.
S'agissant de la forêt publique, nos inquiétudes portent sur trois points : l'avenant tempête - hors plan chablis et hors contrats de plan - dont on ne connaît pas le financement ; les avenants aux contrats de plan Etat-région ; enfin, ce qu'on appelle les programmes ordinaires, tels ces plans de conversion établis, dans les aménagements, avant les tempêtes de 1999 et dont l'application a été suspendue.
Une circulaire devrait permettre de reprendre le cours normal des choses qui ont été longtemps bloquées au contrôle financier...
Tout cela, à vue de nez, atteint dans les 400 millions de francs, soit 60,98 millions d'euros, pour lesquels, comme je viens de le montrer, on ne peut pas, à coup sûr, compter sur les reports.
Y aura-t-il, monsieur le ministre, dans la loi de finances rectificative pour 2001, de quoi apurer ce passé et procéder au nécessaire travail de nettoyage ?
Nous avons également, à la fédération des communes forestières, des soucis concernant les subventions aux communes sinistrées. Le Gouvernement avait nommé une mission interministérielle ; son rapport a été déposé en octobre. Vous savez que les vrais problèmes budgétaires vont se poser aux communes en 2002 et 2003, une fois épuisées les ressources provenant des ventes de chablis. Les 6,86 millions d'euros prévus dans le budget de votre collègue de l'intérieur pour 2002 sont manifestement insuffisants. Là encore, nous espérons dans la loi de finances rectificative. Il paraît que 7,62 millions d'euros seraient prévus, soit au total 14,48 millions d'euros. Est-ce vrai ? Aujourd'hui même, notre collègue M. Nachbar va interroger le ministre de l'intérieur sur ce sujet sensible.
La mission interministérielle s'est-elle penchée aussi sur le problème des prêts à taux bonifiés prévus seulement pour aider les communes qui, par solidarité, ont dû reporter la mise en vente de leur coupes ? Depuis, nous avons eu la déception des ventes de l'automne : boycott par la Fédération nationale du bois, mauvaise tenue du marché, en volume - avec une baisse de 50 % - et en valeur, surtout pour le hêtre. Pouvez-vous, monsieur le ministre, intercéder auprès du Gouvernement, vous qui vous êtes fait, l'an dernier, notre interlocuteur naturel, et un peu notre protecteur ? (M. le ministre sourit.)
A ce propos, où en sont les décrets d'application ? Nous sommes intéressés, bien sûr, par les deux textes relatifs à l'ONF : il y a celui dit de l'« ONF ensemblier » qui comporte une disposition renforçant notre représentation au sein du conseil d'administration de l'organisme ; l'autre est le texte relatif au régime des ventes.
Je profite de cette occasion pour vous féliciter, après M. Delfau, du bon contrat de plan Etat-ONF que vous avez réussi à obtenir du Gouvernement. J'assure l'ONF, son directeur, ses cadres et ses agents de l'estime profonde et de la confiance des communes forestières, en dépit des difficultés que nous pouvons avoir sur tel ou tel point.
Il y a deux autres textes qui nous concernent spécifiquement et que vous devez prendre avec votre collègue de l'économie et des finances : celui qui découle de l'article 9 de la loi sur le plan d'épargne forestière, et auquel nous tenons beaucoup - tout particulièrement le nouveau président de la fédération des communes forestières qui vous parle -, et celui qui est relatif au reversement d'un pourcentage des cotisations en valeur bois payées par les chambres d'agriculture.
Nous comptons, pour la formation des élus communaux, sur un complément de ressources en 2002. Or on nous dit que l'APCA aurait déjà voté son budget sans en tenir compte. Il est vrai que, faute de décret, les dispositions de l'article 9 de la loi ne sont pas encore entrées en application. Il y a, semble-t-il, un problème interne aux chambres d'agriculture, qui nous inquiète beaucoup.
Monsieur le ministre, je n'ai pas voulu faire un discours lyrique, comme on en avait fait l'année dernière à propos de la loi forestière, mais un discours de comptable. Continuez à nous aider sur ces différents points et vous aurez bien mérité, en 2002, comme en 2001, de la forêt française. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en ma qualité de sénateur d'un département de montagne, le Cantal et en tant que secrétaire général de l'Association nationale des élus de la montagne que je m'adresse à vous aujourd'hui. Aussi concentrerai-je mon propos sur les éléments de ce budget qui touchent particulièrement les agriculteurs de montagne.
Vous le savez, monsieur le ministre, la situation de nos agriculteurs de montagne est grave, très grave, plus grave encore que ne le laissent entendre les conclusions de l'enquête nationale menée par votre administration.
En effet, il faut le dire et le redire, la situation est critique, et c'est toute l'économie des départements de montagne qui est en jeu face à ce séisme d'une ampleur dramatique. Ce séisme risque, à court terme, d'accélérer la désertification de nos zones rurales si une solidarité nationale et européenne ne se concrétise pas très rapidement, d'autant que - nous venons de l'apprendre - la grille des prix de la viande bovine décidée le mois dernier par l'interprofession ne sera pas reconduite.
Je n'aborderai ici que deux points, mais ce sont des points majeurs pour la survie de notre agriculture de montagne : la mise en oeuvre des nouvelles modalités de l'indemnité compensatrice de handicaps naturels, l'ICHN, et celle des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE.
Les éleveurs de montagne sont confrontés à de réelles difficultés du fait de la mise en oeuvre des nouvelles modalités de l'ICHN.
La réforme des ICHN s'est traduite par une modification de calcul, celui-ci étant, depuis 2001, fondé sur les surfaces fourragères, et non plus l'unité de gros bétail - UGB -, d'un agriculteur qui recourt aux bonnes pratiques agricoles.
L'intention est tout à fait louable en soi, mais, avec ce nouveau dispositif, l'ICHN est détournée de ses objectifs initiaux, directement liés à la compensation des handicaps naturels des exploitations des régions de montagne, car elle devient une mesure agri-environnementale liée au taux de chargement.
Avec cette réforme, le montant des 25 premiers hectares primés est inférieur au montant des 25 premières UGB aidées jusqu'en 2000. Les petites exploitations ayant un chargement supérieur à un - mais néanmoins extensif - sont particulièrement pénalisées par ce nouveau mode de calcul.
Cette situation peut être corrigée en augmentant, dans le budget pour 2002, le montant moyen des vingt-cinq premiers hectares. Mais, pour cela, une dotation supplémentaire de l'ordre de 35 millions d'euros est nécessaire. Cette somme correspond au montant que vous avez promis en 2001, mais elle n'apparaît pas dans le projet de loi de finances pour 2002.
C'est pourquoi l'ensemble des élus de la montagne et de très nombreux sénateurs vous demandent, monsieur le ministre, de corriger cette distorsion apportée par la réforme des ICHN, qui pénalise plus particulièrement les petites exploitations.
Un département comme le Cantal, qui représente près de 9 % des ICHN françaises, pourrait ainsi prétendre à une enveloppe supplémentaire de l'ordre de 18 millions de francs, soit environ 140 francs pour chacun des 25 premiers hectares de chaque exploitation.
Je tiens également à attirer votre attention sur la majoration qui était accordée aux éleveurs dont le siège d'exploitation est situé à plus de 1 000 mètres d'altitude : avec la mise en oeuvre de la réforme, cette majoration n'est plus possible. Cette impossibilité, vous en conviendrez, va à l'encontre de la prise en compte des handicaps spécifiques de la montagne.
Pourtant, ces handicaps sont bien réels, et l'ICHN est au coeur d'un juste rééquilibrage des aides.
Quelques chiffres frappants illustrent ce propos. Le montant moyen de l'ICHN représente 19 % du revenu des agriculteurs de montagne, alors qu'en même temps leur revenu moyen est inférieur d'environ 40 % à celui des exploitants situés en zone non défavorisée.
A titre d'exemple, le revenu agricole moyen en Auvergne est de 65 000 francs par an. Mais, aujourd'hui, il faut aussi tenir compte de la perte de revenus liée à la crise, chiffrée par les organisations agricoles à 200 euros par UGB.
Monsieur le ministre, le 5 novembre dernier, lors de l'examen du budget de l'agriculture pour 2002, à l'Assemblée nationale, vous avez pris l'engagement, au nom du Gouvernement, d'abonder votre budget pour que « la réforme des ICHN n'entraîne aucun recul des subventions ou des soutiens donnés aux agriculteurs ». Ce jour-là vous avez parlé de 3 milliards de francs. Or 1,3 milliard sont déjà inscrits au projet de loi de finances et 1,5 milliard sont apportés par l'Europe ; il manque donc 200 millions pour faire le compte.
Aujourd'hui, les agriculteurs, confrontés à une crise sans précédent, comptent sur vous pour tenir ces engagements. Je souhaiterais connaître, comme tous mes collègues des zones de montagne, par quelle mesure supplémentaire vous avez l'intention d'y parvenir.
Enfin, je souhaite aborder rapidement les conditions de mise en oeuvre des CTE, mesure phare de la loi d'orientation agricole que j'ai personnellement soutenue.
En effet, ce dispositif permet à nos agriculteurs de se lancer dans une véritable politique contractuelle, fondée sur un projet d'exploitation alliant l'économique et le social, l'environnement et le territorial.
Le CTE permet ainsi de sortir d'un système d'aides forfaitaires et automatiques qui a largement montré ses limites.
Par ailleurs, c'est un dispositif parfaitement adapté à la politique de montagne parce qu'il favorise la multifonctionnalité de l'agriculture de montagne, qui doit s'inscrire dans une logique plus large de développement rural.
Malheureusement, le volet économique de ces CTE, plafonné à 100 000 francs, est très insuffisant en zone de montagne car les investissements y sont plus coûteux.
Néanmoins, il faut noter avec satisfaction une montée en puissance, à hauteur de 25 %, des crédits attribués aux CTE en 2002. Pour autant, ce dispositif doit être parfait pour devenir un véritable outil de développement rural au service des agriculteurs.
Sur le plan quantitatif, il faut bien avouer que l'objectif fixé est loin d'être atteint. Seulement 50 000 CTE étaient prévus en 2000 et 15 000 étaient signés au 1er novembre 2001. Le rythme actuel de 2 000 contrats par mois laisse toutefois espérer une évolution positive. La complexité de cette notion nouvelle est sans doute, pour une grande part, responsable de ce départ timide.
Aussi les démarches doivent-elles être simplifiées et assouplies pour obtenir une adhésion plus volontaire des agriculteurs ; c'est une demande forte de la base et des socioprofessionnels.
Cependant, ce qui pourrait être plus déterminant encore, c'est sans doute le développement de projets collectifs, qui ne représentent aujourd'hui que 10 % des CTE, car la réussite de l'ancrage territorial du CTE doit s'appuyer sur une mobilisation de tous les acteurs locaux. De tels projets peuvent émaner d'une petite région agricole, d'une intercommunalité, de coopératives ou encore d'associations à vocation de développement rural. Pour cela, ils doivent être fortement encouragés et facilités, grâce à une simplification des procédures, associée à un champ plus large de la contractualisation.
Monsieur le ministre, les agriculteurs de montagne, déjà très pénalisés par les handicaps naturels qu'ils subissent, méritent, dans un contexte particulièrement difficile, d'être fortement soutenus par le Gouvernement.
Des ICHN adaptées à leur spécificité et les CTE peuvent constituer des réponses à leurs attentes, à condition que la diversité de leur mode de production soit mieux reconnue dans notre politique agricole.
Seule cette reconnaissance peut encourager les filières de qualité et favoriser la valeur ajoutée pour sortir de la spirale infernale de la baisse des prix et assurer un revenu décent à nos agriculteurs.
L'heure est au choix : quelle société voulons-nous pour demain ? Une société uniformisée, linéaire, monoculturale, avec un mode unique de production agricole, aligné sur les prix mondiaux, bref, une société standardisée ? Ou bien une société riche de la diversité de ses territoires, de ses savoir-faire, de ses cultures, ouverte à de nouveaux échanges, en d'autres termes, une société enrichie par ses différences ?
N'oublions pas que cette diversité constitue l'un des atouts majeurs de notre pays.
Notre choix est clair, et il est partagé sur de nombreuses travées de cet hémicycle : c'est cette société-là que nous voulons pour demain, et c'est bien cet enjeu majeur qui, aujourd'hui, justifie la mobilisation de tous. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, et sur des mesures concrètes prises rapidement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Lejeune applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le montant des diverses subventions publiques d'origine nationale et européenne consacrées à l'agriculture s'élève à près de 29 milliards d'euros, soit 190 milliards de francs. On le constate encore aujourd'hui, notre secteur agricole est l'un des secteurs d'activité qui reçoit le plus d'aides publiques, et ce dans la continuité des efforts consentis les années précédentes.
Comment, dès lors, ne pas souligner le contraste inquiétant entre, d'un côté, des aides toujours aussi importantes et, de l'autre, une situation économique et sociale qui s'est progressivement dégradée au point de dégénérer en une véritable crise, faisant éclater les contradictions du modèle productiviste ?
De nombreuses crises agricoles ou alimentaires ont pour origine l'appât du gain. C'est vrai pour les farines animales, qui ont été moins chauffées que nécessaire pour être stériles ; c'est vrai pour la dioxine, liée à l'introduction de produits illicites dans l'alimentation des animaux. Il en résulte un affaiblissement de la confiance des consommateurs dans les produits alimentaires et une accentuation de la crise par la baisse des ventes, alors que la sécurité alimentaire n'a jamais été aussi grande.
Quand les crises ont des origines liées aux échanges européens et mondiaux, est également en cause le monde de l'argent, des grands groupes de l'agroalimentaire et de la grande distribution, qui tirent les prix à la production vers le bas pour dégager des marges maximales.
Tout cela pose la question du modèle de société que nous voulons construire.
Nous savons, monsieur le ministre, tous les efforts que vous avez consentis, au cours de ces dernières années, pour promouvoir une agriculture plus soucieuse de l'environnement et tenter de réorienter la production agricole vers ses finalités premières.
Les quatre priorités inscrites à votre budget - le renforcement de la qualité et de la sécurité alimentaires, le développement de la multifonctionalité de l'agriculture et de la forêt, l'intensification des actions en faveur de la formation et de la recherche, le soutien des filières de production et la régulation des marchés - témoignent de cette volonté d'impulser une nouvelle orientation, en rupture avec les logiques antérieures.
La tâche n'est pas aisée, qui le nierait ?
Votre bilan est, sur certains points, tout à fait positif. Je pense notamment aux efforts consacrés à la relance du secteur forestier dans le contexte particulièrement délicat que l'on sait. Les CTE constituent aussi un élément qui contribue à enrichir la politique agricole d'objectifs d'intérêt général en valorisant les différentes dimensions économiques, sociales, environnementales et territoriales de l'agriculture. Si les avancées en ce domaine sont encore en dessous des objectifs fixés, reconnaissons que la concrétisation d'un projet aussi novateur suppose quelques délais d'ajustement avant d'atteindre un rendement correct.
Soulignons aussi que, dans une conjoncture où les jeunes risquent de se détourner de cette activité, les CTE ont l'avantage d'aider ceux qui s'installent et ne peuvent, faute de diplôme, prétendre à la DJA. C'est une revendication des communistes qui est, ici, partiellement satisfaite. L'amour du métier ne suffit pas toujours à rendre attractive une profession de moins en moins rémunératrice aux yeux de ceux qui s'y seraient peut-être engagés si les conditions étaient différentes.
Depuis vingt ans, la situation des agriculteurs s'est fortement détériorée. La dernière enquête de l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, intitulée Pauvreté et RMI dans l'agriculture, fait le constat de la persistance de très bas revenus dans l'agriculture, malgré la disparition de nombreuses petites exploitations, facteur traditionnel de la pauvreté agricole. Ainsi, 40 % des exploitations agricoles dégagent un revenu inférieur au SMIC, tandis que plus de 40 000 paysans tirent mensuellement de leur exploitation des revenus inférieurs à la moitié du SMIC !
Fait plus inquiétant encore - mais comment ne pas le remarquer ? en phase avec l'évolution globale de la société - les disparités de revenus se sont accrues au cours de la décennie quatre-vingt-dix l'écart entre les riches et les pauvres se creusant un peu plus encore.
L'INRA observe aussi que le salariés agricoles sont particulièrement exposés à la pauvreté. Certains d'entre eux connaissent des situations d'extrême précarité, proches parfois du total dénuement. Et le nombre de ceux qui touchent le RMI ne cesse d'augmenter. Comme pour l'ensemble du salariat, les mesures de déréglementation visant à accroître la flexibilité - annualisation du temps de travail, travail à temps partiel - contribuent à une précarisation accrue des emplois.
Les formidables gains de productivité accumulés dans le secteur agricole au sens large sont aujourd'hui accaparés par les multinationales de l'agroalimentaire qui, cherchant à se fournir à moindre coût en matières premières, font pression sur les cours en même temps qu'elles poussent à l'accroissement des rendements. Malgré d'importantes subventions, cette situation ne permet pas à nombre de nos producteurs de bénéficier de revenus décents.
La baisse régulière du nombre des installations, la disponibilité des crédits et la baisse des taux d'intérêt devraient nous inciter à majorer les aides en direction des jeunes générations. L'augmentation de 25 % de crédits destinés aux CTE y contribue en partie.
Les toutes récentes négociations à l'OMC sur le volet agricole ont mis en évidence la difficulté à concevoir, dans le cadre de la mondialisation des marchés, une politique agricole commune qui préserve les intérêts de l'agriculture européenne tout en favorisant ceux des pays en voie de développement.
Les conclusions du sommet de Doha ne sont pas de nature à dessiner un avenir radieux aux agriculteurs de demain. En effet, « des améliorations substantielles de l'accès au marché » signifient une pénétration encore plus grande des importations en provenance des pays tiers. Aussi « des réductions de toutes les formes de subventions aux exportations en vue de leur retrait progressif » peuvent se traduire par une baisse de la production nationale. Enfin, « des réductions substantielles du soutien interne ayant des effets de distorsions des échanges » supposent que tous les pays membres de l'OMC appliquent ces réductions qui, sur le plan national, portent d'abord préjudice aux plus petites exploitations et à la multifonctionnalité.
Abaisser les prix à la production vers un prix mondial - qui ne signifie rien au regard de la très grande diversité des conditions climatiques et sociales de la production - et démanteler les systèmes d'aide aux revenus, tels sont les objectifs des Etats-Unis et des pays du groupe de Cairns dans le cadre de cette négociation où les dés sont pipés.
Nous ne sommes pas sûrs que la révolution dans le domaine des biotechnologies sera, comme certains l'affirment, favorable aux pays du Sud. Le risque existe, en effet, que les firmes multinationales s'accaparent des recherches sur les OGM pour soumettre l'agriculture mondiale aux lois du marché et aux logiques du profit. Cela s'appelle la « guerre alimentaire ».
« Terminator », le procédé génétique qui compromet la reproduction naturelle des plantes par elles-mêmes, justifie par exemple pleinement nos craintes.
Cette soumission de l'agriculture au marché mondial n'est pas à même de favoriser des prix stables et mieux rémunérateurs.
En France, à la suite des événements que l'on connaît, la filière bovine, en particulier les éleveurs de troupeaux allaitants, ont profondément souffert et souffrent toujours, malgré les mesures de soutien que vous n'avez pas hésité à mettre en place et leur ciblage actuel en faveur des plus touchés.
Les écarts constatés entre les prix producteurs et les prix payés par le consommateur sont symptomatiques de graves perturbations. La mise en place d'un observatoire des prix et des marges, ainsi que l'expertise des possibilités offerte par la loi relative aux nouvelles régulations économiques sont des mesures appréciables.
Monsieur le ministre, vous m'avez dit en commission ne pas envisager de prolonger ces deux mesures par un renforcement de la loi NRE ou par une nouvelle loi encadrant le marché et la formation des prix. Or, à mon avis, cet observatoire ne permettra ni de relancer la demande ni d'assurer un plus juste revenu aux producteurs s'il ne s'accompagne pas d'un véritable et effectif contrôle des prix.
Du moins, cet observatoire permettra-t-il, et en cela il est déjà très utile, de suivre l'évolution des marges tout au long de la filière bovine, en identifiant les segments qui maintiennent leur marge, voire les augmentent.
Un certain nombre d'enquêtes permettent déjà de mettre en évidence que la grande distribution n'est guère affectée par la crise bovine. Ainsi, une étude parue mi-septembre dans la revue Les Marchés montre que le rayon boucherie libre-service d'une grande surface réalise des marges substantielles. La marge nette par mètre linéaire de rayon rapporte annuellement 220 000 francs contre 121 000 francs pour les produits élaborés par les distributeurs, soit un écart de 82 %. Un tel rayon de grande surface dégage une marge nette de l'ordre de 23 %.
En comparaison, le résultat net d'un abattoir atteint difficilement les 1 % à 1,5 % du chiffre d'affaires. Il me paraît nécessaire de réguler et de mieux répartir les marges au sein de chaque filière si nous voulons faire évoluer les prix à la production, notamment, sans pénaliser les consommateurs.
Non seulement ces distorsions de prix ne sont pas propres à la filière bovine, mais elles sont révélatrices de phénomènes structurels susceptibles à tout moment de dériver vers des formes aiguës de crise pesant plus lourdement encore sur le revenu des exploitants touchés, qui par les conséquences de l'infection des farines, qui par celles de la fièvre aphteuse, qui par toute autre crise conjoncturelle susceptible de se généraliser du pays foyer aux autres pays.
A cet égard, l'effort supplémentaire que vous consacrez à la régulation des marchés va dans le bon sens et nous nous en félicitons. Elle n'est cependant encore que très timide.
La viticulture, par exemple, a subi un retournement brutal de conjoncture qui touche tout particulièrement la région Languedoc-Roussillon. L'arrivée de nouveaux pays producteurs sur le marché mondial des vins, l'accumulation des excédents depuis plusieurs saisons contribuent à peser sur les prix et mettent en difficulté de nombreux viticulteurs. Ils réclament des mesures d'urgence capables de contribuer à une remontée des cours afin qu'un revenu décent leur soit assuré.
Dans l'immédiat, la distillation de 5 millions d'hectolitres à un prix de 19 francs par hectolitre permettrait de répondre aux besoins urgents de trésorerie et des exonérations d'impôts soulageraient les plus en difficulté. A moyen terme, il est nécessaire de maîtriser la production et de soutenir les jeunes vignerons par des aides ciblées aux investissements.
Une mesure d'importance consisterait aussi à tenter d'uniformiser, dans le cadre de l'OMC, les règles concernant les pratiques oenologiques. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, un plan d'adaptation de la viticulture à l'horizon 2010 mobilisant l'ensemble des partenaires de la filière. Pourriez-vous nous en préciser les contours ?
La loi d'orientation agricole, la LOA, a donné de bonnes pistes d'évolution à notre agriculture. Il faudra plusieurs années pour corriger les effets des orientations précédentes qui visaient à imposer un seul modèle pour l'agriculture, le modèle productiviste. Demain, la LOA devrait logiquement redessiner le paysage par la coexistence de plusieurs modes agricoles complémentaires et rémunérateurs. Ce qui m'inquiète le plus, ce sont les incompatibilités entre la PAC, l'élargissement de l'Union européenne, les conclusions de l'OMC à Doha et la loi d'orientation.
Le chemin est encore long pour réorienter la mondialisation des échanges. Il est urgent d'établir un bilan contradictoire des effets des précédents cycles de négociations du GATT, puis de l'OMC. Il est urgent de considérer la production agricole et alimentaire comme une activité vitale d'utilité publique au même titre que la santé, l'eau, l'emploi, le logement, la sécurité alimentaire et l'aménagement du territoire, qui doivent demeurer des domaines protégés et inaliénables pour chaque pays, sans exclure des échanges mutuellement avantageux.
Monsieur le ministre, le groupe communiste républicain et citoyen votera votre budget, dont nous partageons les orientations générales. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pastor. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Marc Pastor. Le budget agricole que vous nous présentez, monsieur le ministre, met en exergue deux caractéristiques essentielles, la volonté et la continuité.
Première caractéristique, la volonté émane de ce gouvernement qui, depuis 1997, veille à ancrer pleinement l'agriculture dans son époque.
Il s'agit non plus de s'adosser au monde paysan pour tenter d'en tirer une légitimité politique fondée sur un modèle rural que l'on a trop souvent opposé au modèle urbain, mais bien de mettre en application le produit d'une réflexion sur l'avenir du monde paysan, dépassant les clivages partisans, dans le contexte mondialisé dans lequel nous évoluons chaque jour un peu plus.
Le courage de ce gouvernement est d'avoir pris acte du rôle social du paysan, qui grâce à son activité, devient responsable du territoire en tant que bien collectif.
Ainsi la loi d'orientation agricole a-t-elle réintroduit les bases d'une relation forte de l'homme à la terre en reconnaissant la multifonctionnalité du métier d'agriculteur.
De là découle le renouveau de la notion de terroir et des produits d'origine, en phase avec la politique d'aménagement et de développement du territoire et l'émergence des pays. Le budget agricole pour 2002 est une expression concrète de cette approche, qui accompagne le début d'une mutation inéluctable.
Deuxième caractéristique de l'action du Gouvernement, la continuité apparaît dans le budget tout entier. Je prendrai comme unique illustration la revalorisation des retraites, qui mobilise toutes les attentions et alimente les débats, tant les retraités de l'agriculture sont perçus comme des acteurs faisant partie intégrante du monde agricole et moins comme une génération remplacée par une autre.
Leurs préoccupations sont prises en compte de manière continue comme une composante de la politique agricole nationale et participent au phénomène de mutation de l'activité agricole dans notre pays.
Dès lors, l'action du Gouvernement est tournée vers l'avenir mais ne méconnaît pas le passé sur lequel notre agriculture se fonde et auquel la mémoire collective est fortement attachée. En traduisant pour la cinquième année consécutive le rôle de nos anciens dans une ligne budgétaire, il donne un signe de continuité et tient un engagement à hauteur de 20 milliards de francs, même s'il n'est pas envisageable de s'arrêter là. Je vais y revenir.
Volonté et continuité se conjuguent donc, monsieur le ministre, dans les priorités que vous affichez à l'occasion de ce budget, qui est quasiment stable.
Vous avez choisi de développer la qualité et la sécurité sanitaire des produits alimentaires. Les crédits augmentent de 12 %. Ils se décomposent en actions de promotion et de contrôle de la qualié, notamment l'agriculture biologique et les signes de qualité, en un dispositif d'identification permanente des animaux, essentiel à la traçabilité, en une dotation à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, dotation en progression de manière à être en phase avec la problématique du moment.
Le plan de lutte contre l'ESB est un volet incontournable de votre action agricole, monsieur le ministre, chacun le sait. Son intensification de 20 % montre à quel point ce dossier est pris au sérieux, contrairement à certains propos que j'ai pu entendre ici.
Vous avez également voulu bousculer l'économie agricole et promouvoir la multifonctionnalité de l'agriculture. A travers les CTE qui n'en constituent que les prémices, la multifonctionnalité de l'agriculture prend corps de manière institutionnelle. Tant mieux ! C'est un garde-fou contre les aléas ou les excès du marché. Ainsi, les crédits finançant les CTE sont majorés de 25 %, en phase avec l'accélération des contrats conclus. Même si les objectifs annoncés au départ ne sont pas atteints, il n'empêche que le chemin se poursuit.
Cet instrument, dont je n'ai pas besoin de rappeler qu'il correspond à l'orientation de notre agriculture pour les années à venir, est incontestablement une première réponse pour que notre pays ne devienne pas une grande puissance sans paysans.
La modulation des aides introduites pour la première fois dans notre pays par le gouvernement de Lionel Jospin a ouvert la voie d'un rééquilibrage des soutiens. Mais, monsieur le ministre, son caractère redistributif, vous l'avez senti, n'est pas évident ; il faut l'accentuer. En effet, il est toujours difficile de bousculer de vieilles habitudes et de remplacer l'aide aux produits pour partie par l'aide à la personne.
S'agissant des installations, force est de constater qu'avec 6 000 enfants par an en âge de s'installer, les agriculteurs n'ont plus aujourd'hui les moyens démographiques de remplacer la population agricole. Il faudrait 12 000 installations par an pour maintenir cette population à 3,5 % des actifs.
Monsieur le ministre, vous n'êtes évidemment pas resté inerte face à cette problématique dont les causes ne sont pas les modalités d'attribution de la dotation aux jeunes agriculteurs, contrairement à ce que certains de nos collègues voudraient nous faire croire.
L'APCA, l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, dans son document relatif au budget, reconnaît que plus de vingt mesures ont été prises depuis 2000, parmi lesquelles figurent un assouplissement de l'aide à la transmission, la mise en oeuvre du contrat territorial d'exploitation-transmission et du CTE-installation progressive, l'élargissement de l'accès à la dotation aux jeunes agriculteurs, des allégements fiscaux.
Il me semble que la profession devrait aujourd'hui s'interroger, au-delà des questions foncières, sur les conditions de vie et de tavail qui s'offrent aux jeunes agriculteurs. En effet, on n'évitera pas que ces nouvelles générations feront de plus en plus des comparaisons entre le cadre de vie qui leur est proposé et celui qui est proposé à des jeunes qui exercent d'autres métiers. Il y a là une question de fond qui doit être abordée.
Le travail paysan est devenu un travail solitaire, alors qu'il était autrefois collectif. Ne faudrait-il pas réfléchir à réinventer cette communauté de femmes et d'hommes en s'attachant à recréer des habitudes de travail en groupe, voire un partage du travail, et, peut-être, dans certains cas, du capital ? La question mérite d'être posée.
J'ai entendu tout à l'heure notre collègue, M. Pierre Jarlier, évoquer la nécessité des CTE collectifs. Je partage pleinement cette interrogation de fond.
Si nous voulons de nouveaux cadres de vie pour nos jeunes agriculteurs, ce n'est pas forcément par des dotations que nous y parviendrons.
En ce qui concerne le soutien des filières, ce budget fixe une augmentation de 4 % des dotations.
L'Etat soutient à juste titre la filière bovine. A cet égard, monsieur le ministre, vous prévoyez un nouveau plan d'aides en direction des éleveurs de bovins allaitants pour le début de l'année. C'est d'autant plus nécessaire que la filière est désorganisée et que la crise est grave.
Je dois dire que je continue de m'interroger sur l'attitude ambiguë de quelques-uns des acteurs de cette filière - cela a été dit à cette tribune - qui ne jouent pas le jeu de la solidarité et qui continuent de réclamer à la fois plus de liberté et plus d'intervention. Je m'interroge également sur le positionnement politique de ceux qui entretiennent cette ambiguïté en dénonçant la suradministration de l'agriculture tout en revendiquant toujours plus de transferts au titre de la solidarité nationale. Tout cela reflète le contraste et l'ambiguïté d'une agriculture qui réclame à la fois plus de libéralisme du marché et plus d'encadrement.
M. André Lejeune. C'est vrai !
M. Jean-Marc Pastor. Cela dit, il faut trouver un avenir à l'élevage allaitant et nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour tirer les conséquences de la crise française. L'adaptation de la PAC à mi-parcours nous paraît être, sur ce dossier comme sur d'autres, une évidence.
M. André Lejeune. Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. Le budget pour 2002 dotera par ailleurs le fonds des calamités agricoles de 3,04 millions d'euros supplémentaires, ce qui encouragera les dispositifs d'assurance récolte prévus par la loi d'orientation agricole.
Les crédits d'aménagement de l'espace rural sont également en hausse sensible.
Ceux qui sont consacrés à la forêt sont en rapport avec les dispositions de la loi d'orientation pour la forêt afin de reconstruire les forêts, de les protéger et de promouvoir l'efficacité économique de la filière.
Autre point important de ce projet de budget : la priorité accordée à l'enseignement et à la recherche. Les crédits inscrits sur ce volet sont en hausse de 2,2 %, consacrant surtout la déprécarisation des personnels et la progression des moyens de l'enseignement supérieur.
Je conclus là mon tour d'horizon en indiquant que ce budget permettra de produire un effet de levier significatif sur la mise en oeuvre des priorités qui ont été définies et de maintenir le potentiel d'activité sur les secteurs d'intervention traditionnels, consolidant ainsi la hausse du budget de 2001. Le groupe socialiste le votera donc...
M. Henri de Raincourt. Il a bien tort !
M. Jean-Marc Pastor. Comme je l'ai dit au début de mon intervention, monsieur le ministre, les deux caractéristiques essentielles de votre budget sont la volonté et la continuité.
En conclusion, je saluerai donc, d'abord, votre volonté affichée de faire en sorte que la conférence de Doha aboutisse à un accord susceptible de préserver l'agriculture de notre pays et de l'Union européenne.
Je saluerai, ensuite, la continuité de votre action quant à la création d'un régime complémentaire d'assurance vieillesse agricole. La discussion dans les prochaines semaines de la proposition de loi Peiro en sera l'aboutissement.
En franchissant ce nouveau pas social, vous permettrez à la fois à cette législature et à ce Gouvernement de régler deux questions fondamentales. Vous leur permettrez tout d'abord d'amorcer une nouvelle ventilation des aides publiques accordées au monde agricole en les orientant moins sur les produits mais plus sur les personnes. Vous leur permettrez, ensuite, de construire les fondations d'une nouvelle ère rurale où les agriculteurs pourraient trouver un nouvel espoir. Nous vous en remercions et nous vous encouragerons dans cette voie. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE ).
M. le président. La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons aujourd'hui du budget relatif à l'agriculture et à la pêche dans un contexte qui présage de grands changements pour notre agriculture.
Les crises sanitaires se sont récemment multipliées - dioxine, fièvre aphteuse, encéphalopathie spongiforme bovine - en provoquant une crise de confiance chez les consommateurs alors que nos productions n'ont jamais été aussi sûres et aussi surveillées.
Dans le même temps, la conjoncture internationale est en train de se modifier avec la nécessaire évolution de la politique agricole commune, l'élargissement de l'Union européenne aux pays de l'Est et le lancement d'un nouveau cycle de négociations dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce.
Notre devoir de parlementaires est donc de veiller à ce que le présent budget prépare l'avenir des agriculteurs, c'est-à-dire qu'il permette à chacun d'entre eux de vivre correctement de son métier, dans le respect de sa spécificité.
Or, force est de constater que le budget de l'agriculture pour 2002 est un simple budget de reconduction : il s'établit à 5,102 milliards d'euros, soit une baisse de 0,7 % à structure constante, alors que l'ensemble des budgets civils progresse de 2,2 %.
Comme l'an dernier et comme l'année précédente, nous pouvons dire que l'agriculture n'est pas une priorité pour le Gouvernement, ce que nous regrettons vivement. Et cela sans compter que votre politique économique générale handicape le secteur agricole. Je pense, par exemple, aux 35 heures, à la taxe générale sur les activités polluantes ou à la future loi sur l'eau, qui inquiète les agriculteurs.
Dans ce cadre général de faiblesse budgétaire, cette année encore, monsieur le ministre, vous donnez la priorité à la sécurité alimentaire. Sa dotation augmentera de 12 % afin de financer, notamment, la lutte contre la maladie de la « vache folle », l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et la création de 150 postes pour la surveillance et le contrôle. Nous approuvons pleinement ce choix qui répond à une nécessité nationale.
Aujourd'hui, je souhaiterais revenir sur la situation critique dans laquelle se trouvent de nombreux éleveurs, qui sont confrontés, depuis un an, à une crise sans précédent. J'ai déjà évoqué ce sujet lors d'une question d'actualité à la fin du mois d'octobre.
La consommation de viande bovine a chuté de façon vertigineuse. Les chiffres méritent d'être cités : selon le centre d'information des viandes, les achats des ménages ont baissé de 18 % depuis le mois d'octobre 2000 et un million de ménages qui achetaient de la viande de boeuf avant la crise n'en achètent plus.
Au même moment, les mesures de sécurité sanitaire coûtent cher aux éleveurs, que ce soit le test de dépistage de l'ESB ou les nouvelles méthodes de désossage de la colonne vertébrale. La perte pour les producteurs est évaluée à 5 francs par kilo.
En conséquence, les éleveurs sont confrontés à d'énormes problèmes de trésorerie et à des pertes d'exploitation qui sont de l'ordre de 100 000 francs à 150 000 francs par unité de travail humain. A la veille de l'hivernage, ils ne pourront payer ni leurs fermages ni leurs annuités d'emprunt. Ils sont pour la plupart dans une grande détresse morale et financière. Monsieur le ministre, vous le reconnaissez d'ailleurs puisqu'il ressort d'un récent rapport d'inspection auprès des directions départementales de l'agriculture et de la forêt que près de 50 % d'entre eux connaissent des difficultés financières.
3Face à cette crise exceptionnelle par son ampleur et par sa durée, et qui est loin d'être achevée, des mesures exceptionnelles s'imposent, non pas des mesures ponctuelles mais de vraies mesures structurelles.
Lors de votre audition par la commission, monsieur le ministre, vous avez annoncé un nouveau plan en faveur des éleveurs d'ici à la fin de l'année. Ce plan est attendu d'urgence et il doit se traduire par des aides directes aux éleveurs. Pouvez-vous nous en dire un peu plus aujourd'hui, monsieur le ministre ?
Nous devons procéder en deux étapes : d'abord, enrayer la crise du secteur bovin - je viens d'en parler - et, ensuite, tirer les leçons de cette même crise afin de préserver l'avenir du secteur de l'élevage et de dynamiser toujours davantage notre agriculture.
Le Sénat entend prendre sa pleine part dans la réalisation de cet objectif. A cette fin, la commission des affaires économiques et du Plan mettra en place, avec l'accord de son président M. Gérard Larcher, une mission d'information sur l'avenir de l'élevage en France.
Cependant, nous savons déjà qu'il faut rééquilibrer le marché de la viande bovine au niveau européen. Dans un rapport sur la PAC, que j'ai d'ailleurs eu l'occasion de présenter avec mon collègue Marcel Deneux en 1998, nous avions proposé une maîtrise de la production au niveau communautaire. Où en est-on à ce jour sur cette question, dans le cadre notamment des négociations sur l'Organisation commune de marché de la viande bovine ?
Quant à la réforme de l'OCM ovine, il paraît indispensable d'arriver à un accord lors du prochain Conseil des ministres chargés de l'agriculture sur une prime fixe de 30 euros, sur une prime supplémentaire de 9 euros en zone défavorisée et sur le financement par l'Etat de mesures en faveur de l'environnement et des démarches qualité, car la production ovine joue un rôle primordial dans l'aménagement de l'espace rural.
Il faut aussi mener une politique d'installation déterminée, ce qui passe par une meilleure adéquation entre les départs à la retraite et la venue de jeunes agriculteurs.
A ce titre, je souligne que la politique d'installation des jeunes est menacée. Ses mauvais résultats perdurent depuis trois ans : en 2000, seuls 6 300 dossiers d'installation ont fait l'objet d'un versement. Ce n'est pas suffisant pour répondre aux besoins et assurer le renouvellement des générations. Les conséquences sont graves en matière d'emploi et d'aménagement rural. Une réflexion de fond et une amélioration du dispositif doivent être entreprises sans tarder.
Parallèlement, il est indispensable de revoir notre dispositif de préretraite agricole. En particulier, il me semble qu'il serait possible de mettre en place une préretraite intégrale, sans quotas départementaux. Un tel système existe déjà dans de nombreux pays voisins. Il est financé à 50 % par l'Union européenne.
En ce qui concerne les retraites agricoles, vous poursuiviez l'initiative prise par l'un de vos prédécesseurs, Philippe Vasseur, et nous achevons, cette année, le dernier volet du plan quinquennal de revalorisation.
Le but doit être d'atteindre un retraite au moins égale à 75 % du SMIC, ce qui n'est pas le cas à ce jour. Vous avez donné, monsieur le ministre, votre accord de principe sur une retraite complémentaire. Permettra-t-elle d'atteindre ces 75 % ? L'Etat ne devrait-il pas en prendre une partie à sa charge au titre de la solidarité nationale ? Quand présenterez-vous un projet de loi au Parlement sur ce sujet ?
Parallèlement, il faut faire aboutir la mensualisation du paiement des retraites agricoles comme c'est le cas désormais pour les artisans.
Dans ce débat budgétaire, où nos interventions sont limitées, j'ai choisi d'évoquer principalement les difficultés que rencontrent les éleveurs en raison de l'actualité et de la gravité de la crise qu'ils vivent et aussi en raison du rôle particulier que tient l'élevage comme dernière activité dans des zones en voie de désertification.
J'ai également tenu à traiter de la question des retraites et de l'installation, car il s'agit de l'avenir de notre agriculture dans son ensemble.
Je n'en oublie pas moins d'autres interrogations que le budget qui nous est soumis laisse sans réponses : le lent démarrage des CTE, la diminution des crédits affectés à la forêt, l'absence de réforme de l'assurance récolte, la future politique de la montagne, les conditions de mise en place du nouveau programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le plafonnement à 1,7 % de la taxe pour frais des chambres d'agriculture, alors que le budget général augmente de 2 %.
Pour toutes ces raisons et pour celles que notre collègue rapporteur M. Joël Bourdin a développées avec plus de précision, monsieur le ministre, le budget de l'agriculture et de la pêche ne nous paraît pas satisfaisant : contrairement au groupe socialiste, le groupe des Républicains et Indépendants ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le monde agricole traverse une crise d'une exceptionnelle gravité, le projet de budget de l'agriculture est à peine stabilisé pour 2002. Il voit, en effet, ses dotations s'établir à 5,102 milliards d'euros, soit une baisse de 0,1 % en tenant compte de son nouveau périmètre.
Plombé par le poids des dépenses d'administration, il donne priorité à des actions d'intérêt général - formation, qualité sanitaire et sécurité alimentaire - qui sont, certes, légitimes et attendues des consommateurs, mais qui s'exercent au détriment du socle de la politique agricole, c'est-à-dire les productions, et du soutien aux agriculteurs.
Les secteurs bovin et viticole connaissent, depuis plusieurs années, une succession de crises dont l'ampleur plaide aujourd'hui pour la mise en place d'une dotation spécifique au sein du budget des offices. Or celui-ci est tout juste reconduit pour 2002.
Monsieur le ministre, j'aborderai deux points.
Concernant, d'abord, plus précisément la filière de l'élevage bovin, le Gouvernement a, au cours de l'année passée, arrêté plusieurs plans de soutien, dont le dernier a été annoncé le 17 octobre 2001.
En apparence significatives, ces mesures ont cependant déçu le monde agricole dans la mesure où elles ne couvrent pas de manière satisfaisante les pertes subies. Plus que des prêts bonifiés ou des reports de charges sociales, les éleveurs attendent, de manière urgente, des aides directes au revenu et des mesures importantes de dégagement de marché pour les broutards.
Il faut déplorer, à cet égard, le manque de solidarité dont a fait preuve l'Union européenne en refusant le versement d'aides directes aux éleveurs et regretter le comportement de certains Etats qui n'ont pas appliqué les mesures européennes de dégagement de marchés, contribuant ainsi à aggraver et à prolonger la crise.
Monsieur le ministre, vous ne semblez pas mesurer l'ampleur et l'intensité de la crise bovine. Celle-ci est loin d'être achevée et l'année 2002 nécessitera sans doute de mobiliser des moyens supplémentaires pour soutenir le revenu des agriculteurs.
La présentation, mardi dernier, par votre ministère des résultats de l'enquête menée dans tous les départements sur la situation des éleveurs bovins a consterné ces derniers.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Parce qu'ils ne les ont pas lus ! Ils ne lisent pas ça !
M. Bernard Joly. Au contraire, je crois qu'ils les ont lus attentivement !
Selon ce document, « l'examen détaillé des retours d'information ne fait pas ressortir une situation globale du secteur qui soit à ce jour critique, tant pour l'état des stocks d'animaux présents sur les exploitations que pour leur situation économique et financière, si ce n'est celle des exploitations déjà fragiles avant la crise ».
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Vous ne citez pas tout, évidemment ! C'est de la mauvaise foi flagrante !
M. Bernard Joly. Pourtant, un rapport statistique émanant également de votre ministère - j'y reviens, monsieur le ministre - fait état d'une hausse importante des charges, d'un sureffectif non négligeable, d'une chute des cours sans précédent et d'un marché à l'exportation toujours déprimé : les pouvoirs publics se disent « très inquiets pour le premier semestre 2002 ». Vous semble-t-il donc urgent d'attendre que les plus fragiles d'entre eux soient obligés de cesser leur activité ?
Un autre point de votre budget aurait mérité d'être consolidé : il s'agit de la politique de la forêt. Les crédits qui lui sont alloués sont en diminution, passant de 397,9 millions d'euros à 334,4 millions d'euros. Cette baisse intervient malgré l'adoption à l'unanimité, en 2001, d'une loi d'orientation sur la forêt et alors que la forêt française ne s'est pas encore relevée des tempêtes qui l'ont décimée en décembre 1999.
Les communes forestières ont été sinistrées, certaines d'entre elles complètement, au point que l'on peut estimer aujourd'hui les pertes à 6 milliards de francs. Les communes non sinistrées, par solidarité, n'ont pas vendu leurs bois au cours de l'année 2000.
Elles se trouvent donc aujourd'hui avec des stocks sur les bras et ne comprennent pas le boycott des ventes par la Fédération nationale du bois depuis le 1er octobre. Ce boycott met en difficulté les budgets communaux et les entreprises de travaux forestiers.
S'agissant du plan chablis, l'échéance des mesures exceptionnelles de prêts bonifiés et de subventions d'éléquilibre aux communes sinistrées a été fixée au 31 décembre 2001.
Des crédits restant disponibles, monsieur le ministre, je demande instamment que ces deux mesures soient reconduites, en particulier les prêts bonifiés à 1,5 %.
La gestion de la forêt, qui s'exerce sur le long terme, est peu compatible avec les principes de l'annualité budgétaire. Or la suppression du Fonds forestier national en 2000 a entraîné la budgétisation des crédits et le risque évident d'une érosion des dotations d'année en année. Elle ne permet pas non plus de soutenir les propriétaires dans leur effort de reconstruction de la forêt française.
Les agriculteurs retraités sont déterminés à faire aboutir rapidement leur juste revendication concernant la mise en place d'un régime de retraite complémentaire obligatoire, applicable aux actuels retraités. Les éleveurs, quant à eux, demandent que les conséquences de la crise de la vache folle soient traitées avec plus de sérieux, d'efficacité et de rapidité. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, monsieur le ministre, à évoquer à mon tour la détresse des agriculteurs du berceau des races à viande du grand Massif central, et plus particulièrement de ceux du Cher, à la suite des crises de l'élevage ovin et bovin.
Dans le cadre de la crise de l'épizootie de fièvre aphteuse, le préjudice subi par les éleveurs ovins du Cher, dont le cheptel a été abattu à titre préventif, a en partie été compensé grâce aux mesures d'indemnisation accordées ces derniers mois. En revanche, il n'en va pas de même pour les éleveurs de bovins.
Si nous nous réjouissons que le budget du ministère de l'agriculture accorde une nouvelle fois la priorité à l'enseignement et amplifie le renforcement des moyens relatifs à la sécurité sanitaire, nous déplorons qu'il ne prenne pas suffisamment en compte l'accompagnement des secteurs en difficulté, notamment celui de la filière bovine.
En effet, cette dernière a été durement éprouvée à la suite de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine. Les éleveurs subissent de plein fouet les conséquences de la dégradation du marché, qui s'est traduite par l'effondrement des cours des bovins, alors que, dans le même temps, les prix de vente aux consommateurs progressaient. Par ailleurs, la diminution de la consommation, en termes d'achats par les ménages autant que des commandes par la restauration collective, est devenue structurelle. Il n'est donc pas exagéré de dire que les exploitants agricoles et les éleveurs de ma région ont été plongés dans un marasme extrêmement profond et, avec eux, par effets collatéraux, l'ensemble des secteurs artisanal et commercial.
Les producteurs des races à viande sont les plus pénalisés, puisque la chute des prix est proche de 30 % sur les broutards, et l'on estime à un quart le nombre d'exploitations menacées de faillite dans le secteur allaitant.
Les difficultés financières auxquelles sont confrontés les exploitants agricoles sont innombrables. Ainsi, 40 % des éleveurs professionnels du berceau des races à viande du grand Massif central ne perçoivent pas le SMIC et quatre-vingts éleveurs du Cher ont été contraints de demander à accéder au RMI à titre dérogatoire.
Nous tenons à le dire, la situation aujourd'hui est due à l'insuffisance avérée des actions entreprises pour sauver la filière bovine. Sans un engagement massif de la part du Gouvernement en faveur des éleveurs, notamment ceux du bassin allaitant, c'est toute une filière qui risque de s'effondrer avec les répercussions que cela comporte sur l'équilibre économique de certaines régions.
Afin de permettre aux éleveurs de passer le cap de la crise, en soutenant leurs revenus et en les aidant à réorienter leur production, nous aimerions que soient mises en place, d'une part, des mesures de gestion du marché et, d'autre part, des mesures d'amélioration de leur situation financière.
Résoudre les problèmes des éleveurs reviendrait dans un premier temps à résorber la production excédentaire puisque la dégradation du marché de la viande bovine les a conduits à garder plus d'animaux qu'ils ne l'avaient envisagé.
Il est donc nécessaire de procéder de toute urgence au programme d'abattage des veaux. Pour compenser les pertes, le plan d'accompagnement des éleveurs doit à notre sens être mis en place dans les plus brefs délais. Nous plaidons pour l'attribution immédiate des aides directes, évaluées à 122 euros pour le retrait de chaque veau et à 200 euros par vache allaitante.
Il serait également souhaitable que soit reconduit le dispositif adopté par l'Union européenne au titre de la campagne 2000-20001 pour les agriculteurs ayant contracté des mesures agro-environnementales relatives à une extensification du cheptel bovin. Cela reviendrait à appliquer un coefficient de 0,8 sur les unités de gros bétail présentes sur l'exploitation.
Une autre mesure consisterait à donner la possibilité aux éleveurs qui le désirent de résilier leurs contrats agro-environnementaux en cours sans encourir de sanctions financières.
Nous estimons par ailleurs que le nouveau plan d'aides « directes et ciblées » que vous avez prévu, monsieur le ministre, pour les éleveurs bovins touchés par la crise de la viande doit intervenir rapidement. De ce fait, il nous paraît indispensable que les travaux d'identification et d'évaluation des éleveurs les plus fragilisés soient accélérés.
Nous regrettons, enfin, que les dotations aux offices soient seulement reconduites à hauteur de 466 millions d'euros, en dépit des besoins accrus face aux marchés en crise. Il est indispensable, selon nous, que des moyens supplémentaires soient dégagés pour que les offices puissent faire face à des situations dramatiques telles que celle qui affecte la filière bovine.
En effet, outre les missions qu'ils remplissent, tant dans le fonctionnement des marchés que dans l'adaptation des exploitations, le rôle des offices devient aujourd'hui essentiel dans un environnement international de plus en plus concurrentiel. Ils ont besoin de moyens pour organiser les programmes de promotion en faveur des produits agricoles et alimentaires. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Branger.
M. Jean-Guy Branger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les quelques minutes qui me sont imparties, mon intervention portera exclusivement sur l'enseignement agricole.
J'ai l'honneur de présider depuis de très nombreuses années le conseil d'administration de l'Ecole nationale d'industrie laitière et des industries agroalimentaires, l'ENILIAA, à Surgères. Je me limiterai à deux exemples - je pourrais, bien sûr, en prendre d'autres - sur le thème : « Du discours à la réalité », cela sans aucun esprit polémique. Il s'agit de situations que je vis - j'insiste - depuis longtemps, monsieur le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'en suis témoin !
M. Jean-Guy Branger. Vous souriez, monsieur le ministre, mais vous savez que c'est vrai.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Absolument !
M. Jean-Guy Branger J'ai été élève de l'ENILIAA, j'y suis revenu en tant qu'enseignant et je préside aujourd'hui le conseil d'administration de cet établissement.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je sais tout cela !
M. Jean-Guy Branger. Vous comprendrez donc que ma motivation soit grande. Je ne demande pas la parole, histoire de parler ; j'ai vraiment quelque chose à vous dire !
Je commencerai par les missions des établissements publics locaux, les EPL, particulièrement les établissements publics locaux d'enseignement.
La loi d'orientation leur fait obligation d'assurer cinq missions, dans la participation au développement, à l'expérimentation, à la recherche appliquée et à la coopération internationale. Compte tenu des enjeux, l'ENILIAA, comme d'autres établissements sans doute, y répond en confiant notamment d'interventions à des ingénieurs. C'est du moins ce que nous dit la direction générale de l'enseignement et de la recherche, la DGER.
Que se passe-t-il en réalité ? Aucune aide n'est apportée par l'Etat à ces interventions. Les ingénieurs concernés continuent d'être recensés comme enseignants. En conséquence, l'ENILIAA supporte donc seule, financièrement, le coût de l'équivalent d'un temps plein.
S'agissant des heures supplémentaires, on entend dire que le processus de déprécarisation engagé impose un effort très important à l'Etat. Si je suis, bien évidemment, favorable à la déprécarisation, qu'il faut poursuivre, je crois, au contraire, qu'elle ne coûte pas cher à l'Etat, car elle va surtout se traduire, en réalité, par des postes gagés. La charge pour les établissements reste donc la même. Mais la déprécarisation aura servi de prétexte pour réduire les enveloppes d'heures supplémentaires de 60 %.
Le coût pour l'établissement sera, pour l'année scolaire, d'environ 400 000 francs, car il existe - tous ceux qui s'occupent de l'enseignement agricole le savent - une inadéquation entre les personnels en place et les matières enseignées. Pour respecter les programmes, nous sommes donc obligés de faire appel à des contractuels. Mais cela n'étant plus possible faute de moyens, les élèves se verront priver de la totalité de leurs heures de cours. Au total, 220 heures ne seront pas assurées pour le trimestre en cours. Pour 2002, cela devrait représenter environ 70 heures par classe.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Il ne fallait donc pas « déprécariser » ?
M. Jean-Guy Branger. Si, il faut « déprécariser » ! C'est une bonne chose, monsieur le ministre, je l'ai dit ; je reconnais l'effort qui est accompli à cet égard.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ah !
M. Jean-Guy Branger. Il faut être honnête ! Mais vous supprimez les heures supplémentaires en connaissant cette inadéquation ! La « déprécarisation » ne coûte pas cher à l'Etat, vous le savez, puisqu'elle porte surtout sur des postes gagés. Je vous le dis avec beaucoup de sincérité. C'est grave, car les professeurs n'assurent pas leurs cours gratuitement. Il y aura donc une altération de l'enseignement qui est dispensé.
Je me permets de vous signaler que cet établissement place 80 % de ses élèves dès la première année de leur sortie et 98 % dans les deux années qui suivent la fin de leur scolarité. Nous plaçons nos élèves pratiquement à 100 % ! Pour parvenir à une telle performance, il nous faut développer des liens avec des établissements, des usines, des industries et des centres de recherche : nous avons une licence avec la faculté de La Rochelle et nous sommes en train d'en préparer une autre. Nous tirons le niveau de formation vers le haut, car tous les élèves préparent des BTS ! Les établissements qui placent tous leurs élèves à la fin de l'enseignement ne sont pas si nombreux que cela dans l'Hexagone.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est l'enseignement agricole !
M. Jean-Guy Branger. L'enseignement agricole est effectivement plus performant dans ce domaine que l'enseignement général ; je vous le concède et j'en suis fier.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Moi aussi !
M. Jean-Guy Branger, Cela étant, ce n'est pas une raison suffisante pour ne pas nous lui donner les moyens de remplir sa mission ! Je vous le dis avec beaucoup de conviction.
Voilà longtemps que je préside le conseil d'administration de l'ENILIAA : Je ressens les tensions qui existent, alors que ce n'était pas le cas auparavant. Nous avions en effet un fonds de roulement. Mais lorsqu'on puise dans un fonds de roulement sans l'alimenter, ce fonds s'assèche. On l'a fait, et on a peut-être eu tort, parce qu'on a agi sans les moyens qui devaient nous être donnés. Je suis très à l'aise pour le dire, car cela ne date pas d'hier. Mais il est de mon devoir de tirer maintenant la sonnette d'alarme, parce que l'enseignement agricole en France est quelque chose d'important et de sérieux. Il faut lui conserver son identité pour que nous puissions continuer à placer les élèves au lieu de les inscrire à l'ANPE.
Je sais que 90 % d'entre vous, mes chers collègues, partagent mes propos. (Sourires.) J'attends évidemment avec intérêt votre réponse, monsieur le ministre. Les mentalités se dégradent et les comportements changent. J'ai voulu vous faire partager ma foi et mon espérance. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lejeune.
M. André Lejeune. Le projet de budget que vous nous présentez pour 2002, monsieur le ministre, est globalement équivalent à celui de 2001, lequel avait connu, en revanche, une hausse de 15 % par rapport à celui de 2000.
Au-delà de son montant, il importe de se demander s'il peut permettre de répondre aux nécessaires évolutions de l'agriculture et, plus particulièrement, de mettre en oeuvre les mesures profondes et de longue durée qu'exige la crise agricole que nous traversons aujourd'hui.
Ce projet de budget s'inscrit dans la continuité des efforts entrepris les années précédentes, en particulier de la loi d'orientation agricole de juillet 1999, qui a créé un outil important de développement : le contrat territorial d'exploitation.
Je note avec satisfaction la majoration de 25 % des crédits destinés au financement des CTE, qui va permettre d'accompagner l'accélération que nous observons dans les CDOA, où plus de 2 000 contrats sont actuellement acceptés tous les mois.
Certes, le démarrage n'a pas été aussi rapide que nous avions pu l'espérer, même si plus d'un million d'hectares sont aujourd'hui contractualisés. Cette lenteur s'explique sans doute par l'image assez confuse qu'avaient les agriculteurs de ce dispositif qui leur apparaissait comme particulièrement complexe. Les efforts de communication qui ont été entrepris dans les départements commencent à porter leurs fruits, et il est nécessaire de les poursuivre.
Les CTE sont une bonne réponse aux besoins de l'agriculture et nous devons encourager les agriculteurs à s'engager massivement dans ce type de contrat.
C'est par cet intermédiaire qu'il sera possible de répondre aux attentes des consommateurs et des citoyens, de développer des produits de qualité, de reconnaître et de renforcer une agriculture qui travaille pour l'environnement, d'encourager la diversification, d'améliorer le revenu des exploitations et de créer des emplois.
Dans mon département, par exemple, au mois de septembre dernier, ce sont treize emplois directs qui ont été créés, ce sans compter les emplois induits. Ce résultat, même s'il est modeste, m'apparaît particulièrement encourageant, surtout si on le compare à la perte progressive d'emplois dans ce secteur au cours de ces dernières années.
Le bilan des premiers vingt-huit mois montre que nous sommes sur la bonne voie : 55 % des contrats contribuent à la reconquête de la qualité de l'eau et 46 % des aides aux investissements vont à l'amélioration de la qualité et des performances environnementales des exploitations. Les premiers signataires ont donc bien su traduire dans leur projet les nouvelles orientations de notre politique agricole.
Ce dispositif est une chance pour toutes les exploitations, même les plus petites qui peuvent s'inscrire dans une démarche collective et monter des CTE adaptés à leurs besoins, comme le CTE-élevage herbager.
La profession a sans doute encore du mal à percevoir les effets sur le long terme de ce dispositif, qui représente une réforme en profondeur, correspond à une véritable réorientation de notre agriculture, et lui permettra d'être moins vulnérable aux aléas de la conjoncture. C'est pourquoi il présente un intérêt tout particulier pour les éleveurs du bassin allaitant profondément touchés par la crise.
Comme vous l'avez fort justement exprimé, monsieur le ministre, la grande force de ce bassin en termes d'élevage extensif, de production de qualité et d'aménagement du territoire, s'avère également être sa grande faiblesse en temps de crise.
Nos éleveurs produisent des animaux qui ne se vendent plus ou se vendent mal. Cette offre excédentaire, qui provoque l'effondrement des cours, les frappe de plein fouet et leur fait subir une perte de revenus considérable.
Vous mesurez parfaitement l'ampleur de cette crise, monsieur le ministre ; vous connaissez la détresse de ces exploitants, contrairement à ce que disaient certains orateurs tout à l'heure, et vous n'êtes pas resté inactif face à cette situation, comme en témoignent les différents plans que vous avez mis en place depuis novembre 2000.
Aujourd'hui, il faut aller plus loin en poursuivant une politique de soutien des prix et de la consommation, ainsi qu'une politique d'aides directes aux éleveurs.
Dans le cadre d'une éventuelle renégociation de l'utilisation de l'enveloppe de flexibilité, il faudra certainement veiller à maintenir ou à renforcer le niveau d'aides prévu pour le troupeau allaitant.
Vous vous êtes déclaré favorable à une différenciation de la viande issue de ce troupeau et vous avez lancé une étude sur l'avenir du bassin allaitant. Ces initiatives vont dans le bon sens, car ces difficultés spécifiques nécessitent des solutions plus structurelles et nous sommes en attente de nouvelles orientations qui permettront aux exploitations d'être moins fragiles et moins sensibles aux aléas de l'exportation de broutards.
Quatre priorités d'action sont affichées dans ce budget : la qualité et la sécurité des produits alimentaires ; la multifonctionnalité de l'agriculture et de la forêt ; la formation et la recherche ; enfin, le soutien des filières et la régulation des marchés. Il s'agit de choix pertinents qui devraient permettre à notre agriculture de relever les défis auxquels elle est aujourd'hui confrontée.
Monsieur le ministre, je vous félicite pour le bon travail que vous avez réalisé dans votre ministère et je vous en remercie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dupont.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas en détail sur le contenu de ce budget ; les rapporteurs l'ont déjà fait avec toute la compétence et la précision requises. Je note qu'il est en baisse.
Comment ne pas dire que l'agriculture traverse une crise sans précédent et qu'en particulier l'élevage allaitant ne sait comment résister à cette situation ? De plus, la grande complexité des procédures des aides mises en place et les contrôles de toute nature decouragent les agriculteurs. J'étais à une réunion des maires d'un canton du Calvados au cours de laquelle l'un d'entre eux citait une liste impressionnante de documents à produire dont on ne mesure peut-être pas assez qu'elle devient insupportable.
Je souhaite, monsieur le ministre, aborder trois sujets qui ne laissent pas d'inquiéter les professionnels concernés, à savoir : l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, et la politique du cheval.
En ce qui concerne l'INAO, essentiel dans une politique de qualité et de territoire, nous nous étonnons d'une dotation budgétaire, certes en progression, mais qui ne permettra pas de financer les nouvelles missions de l'institut. Lors de votre audition par la commission des affaires économiques du Sénat, monsieur le ministre, vous avez annoncé l'attribution de 5 millions de francs supplémentaires. Seront-ils suffisants ? Quand interviendront-ils ? Et sous quelle forme ?
Le deuxième point d'inquiétude est le PMPOA. Vous préparez des textes réglementaires à la suite de la validation par Bruxelles du nouveau programme. Dans ce cadre, une logique géographique de zone remplace la précédente logique fondée sur la taille de l'exploitation. Ce changement d'approche crée localement de nombreuses difficultés.
Tout d'abord, comment seront traités les dossiers déposés depuis le 18 décembre 2000, date d'arrêt du programme antérieur ?
Ensuite, le zonage aboutit à exclure certains espaces. Est-ce bien raisonnable d'un point de vue environnemental ? Et faut-il pénaliser ceux qui ont fait le plus attention à cet aspect ?
Le zonage aboutit aussi à exclure les petites exploitations, puisque seuls les grands élevages pourront être subventionnés, qu'ils soient situés ou non en zone prioritaire. Ce traitement vous paraît-il équitable, sachant que tous les éleveurs, notamment les plus petits en zone prioritaire, devront quand même réaliser leur mise aux normes ?
Enfin, quelle définition a été retenue de la part des travaux subventionnables et quel taux peut-on espérer ?
Le dernier sujet que je souhaite aborder est celui de l'avenir de la filière cheval. Cette année, le fonds national des haras et des activités hippiques, compte d'affectation spéciale, est partiellement budgétisé. Si nous comprenons la recherche de l'orthodoxie budgétaire qui motive cette décision, elle ne semble pas moins avoir été menée sans concertation avec les professionnels et soulève des interrogations sur le financement futur de toute la filière cheval.
En effet, monsieur le ministre, vous maintenez un compte d'affectation spéciale pour les courses ; c'est bien, compréhensible et nécessaire. Pouvez-vous préciser en quoi consisteront les missions de ce nouveau fonds national des courses et de l'élevage ? Mais, par ailleurs, vous globalisez tous les autres financements qui dépendront désormais, chaque année, des arbitrages interministériels. Comment assurer dès lors les encouragements à l'élevage des chevaux de sport, de loisir et de trait en continuant de les indexer sur l'évolution du PMU ? Pourquoi ne pas budgétiser seulement les crédits des haras nationaux, ce qui correspondrait à la logique de leur transformation en établissement public administratif depuis deux ans ?
Je tiens à rappeler que, lors de la création du compte d'affectation spéciale, il était question d'affirmer la cohésion de toute la filière en y intégrant les courses. Aujourd'hui, comment comptez-vous la préserver, monsieur le ministre, et maintenir le PMU dans sa fonction de financier de l'ensemble, ce qui est nécessaire en toute logique et dynamique ? En outre, pouvez-vous affirmer que toutes les sommes consacrées au cheval dans le précédent système y sont aujourd'hui conservées ? Le temps m'est compté, mais j'aurais aimé évoquer d'autres sujets de préoccupation des professionnels, comme l'application des 35 heures, ...
M. Henri de Raincourt. Quelle horreur ! (Sourires.)
M. Ambroise Dupont. ... la fiscalité trop lourde, et parfois incohérente, la gestion d'accidents professionnels souvent graves.
Dans ces conditions, comment entendez-vous assurer l'avenir et la progression de la filière du cheval ? La diversité de ses métiers et le nombre important de ses petites structures en font un secteur dynamique, créateur d'emplois - à ce jour au moins 80 000 emplois, en comptant les emplois induits - et constitue une véritable activité agricole. Le cheval utilise, en effet, de vastes espaces souvent sans droits à produire ; il revêt donc également un rôle primordial dans l'entretien de notre territoire.
Les collectivités locales l'ont bien compris, qui ont créé les conseils régionaux des chevaux avec les professionnels. A l'Etat de ne pas en limiter l'expansion.
Mes questions sont nombreuses, monsieur le ministre, comme sont nombreuses les attentes des professionnels qui escomptent beaucoup des réponses que vous pourrez nous apporter. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.) M. le président. La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la plupart des orateurs l'ont souligné avant moi, le budget de l'agriculture pour 2002 est en légère baisse par rapport à l'année dernière. Elu d'un département rural, je suis sensible à ce mouvement, même si je comprends bien les priorités du Gouvernement.
Fort heureusement, le renfort des crédits communautaires, notamment à travers les mécanismes de la PAC, tempère la baisse budgétaire nationale. Aussi, les concours publics à l'agriculture, qui atteindront, toutes origines confondues, un peu plus de 28 milliards d'euros, permettent de conforter, c'est vrai, de nombreuses actions.
Au nombre de ces mesures, je citerai particulièrement celles qui sont relatives à la qualité et à la sécurité des produits alimentaires. Les différentes crises qui ont traversé notre agriculture, de l'ESB à la fièvre aphteuse en passant par la dioxine, ont atteint la confiance des consommateurs. Au total, et particulièrement pour la viande bovine, les filières ont été déstabilisées, fragilisant profondément la situation économique des éleveurs et des producteurs ainsi que celle des transformateurs, sans doute.
C'est pourquoi l'augmentation des crédits en faveur de la protection et du contrôle sanitaire des végétaux, de la traçabilité animale ou encore le renforcement des moyens de l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, et des directions sanitaires sont de nature à répondre aux légitimes exigences des consommateurs.
La France a la chance d'avoir une agriculture riche et diversifiée ainsi qu'un savoir-faire gastronomique exceptionnel qui font de son industrie agroalimentaire un « fleuron » de son économie. A ce titre, il est indispensable de garantir et de promouvoir sa qualité.
A ce volet sécurité et qualité s'ajoutent trois autres priorités du budget qui nous occupe ce matin : le développement d'une agriculture multifonctionnelle, le soutien aux filières et la régulation des marchés, ainsi que la revalorisation des moyens destinés à l'enseignement et la recherche.
L'accroissement des démarches de qualité et de sécurité dont je parlais à l'instant rendent l'agriculture de plus en plus complexe. Notre agriculture requiert, aujourd'hui, dans certains secteurs, un tel niveau de sophistication qu'il est indispensable d'encourager la formation et la recherche.
Je félicite, à cet égard, le Gouvernement d'avoir globalement augmenté les crédits consacrés à l'action éducative. Je m'interroge, toutefois, sur la faiblesse de ceux qui sont consacrés aux établissements sous contrat. Une fois encore, ils ne permettront pas la pleine application de la loi du 31 décembre 1984 censée permettre le subventionnement d'une partie du fonctionnement des établissements à temps plein de l'enseignement agricole privé. Les enseignants de ces établissements et les familles attendent un geste de votre part.
La loi d'orientation agricole favorise la multifonctionnalité. Les contrats territoriaux d'exploitation, ou CTE, qui ont eu des débuts difficiles, connaissent maintenant une montée en charge à laquelle répond bien votre budget, monsieur le ministre, avec 76 millions d'euros inscrits pour 2002.
Enfin, pour en terminer avec les axes prioritaires, je dirai un mot du soutien aux filières. Vous avez présenté un plan destiné à soutenir l'élevage. Je souhaiterais connaître votre avis sur une demande formulée par les agriculteurs, à savoir l'adoption d'un prix minimum garanti en cas de crises conjoncturelles, ce qui se pratique aujourd'hui pour les fruits ou légumes frais. Les produits animaux, que l'on ne peut pas stocker au stade de la production, sont donc périssables. Par conséquent, il ne serait pas anormal de leur étendre le bénéfice de l'article 71-1 de la loi d'orientation agricole de juillet 1999.
Sur le BAPSA, budget discuté conjointement ce matin, je voudrais, bien entendu, souligner à mon tour l'effort exceptionnel entrepris en faveur des retraites dans le cadre du plan pluriannuel.
Comme vous le savez, mes chers collègues, l'objectif de revalorisation des pensions agricoles pour les porter au niveau du minimum vieillesse, soit 3 720 francs, s'agissant des chefs d'exploitation et des veuves, et 2 955 francs, s'agissant du conjoint et des aides familiaux, sera atteint en 2002.
La performance de notre agriculture doit beaucoup aux actifs agricoles d'aujourd'hui comme à ceux d'hier. C'est donc un grand soulagement de voir le sort des retraités agricoles amélioré.
Bien entendu, même si cet effort sans précédent satisfait les agriculteurs, un certain nombre de questions devront faire rapidement l'objet d'un débat. La mensualisation du paiement des retraites, la suppression des minorations pour les monopensionnés en cas de carrière incomplète, l'instauration d'un forfait plutôt qu'un taux pour la majoration attribuée aux pensionnés ayant élevé trois enfants ou plus, tels sont les principaux points en suspens.
Nous attendons surtout avec impatience, monsieur le ministre, la discussion d'une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale sur la retraite complémentaire. Le voeu d'atteindre une retraite au moins équivalente à 75 % du SMIC est légitime. Nous connaissons les conditions de cotisation de beaucoup d'anciens retraités, comme nous connaissons tous également les efforts qu'ils ont fournis, notamment après la Seconde Guerre mondiale, pour donner aux fruits de nos terroirs ce que j'appellerai « l'excellence française ».
Bien entendu, monsieur le ministre, en dépit de quelques réserves, je voterai, avec mes collègues du RDSE, le budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est présenté aujourd'hui ne répond pas aux attentes très pressantes de nos agriculteurs. Beaucoup d'entre eux, confrontés à de graves difficultés conjoncturelles, ont l'impression d'être laissés sur le bas-côté de la route. Or, monsieur le ministre, cette professsion doit pouvoir vivre correctement de son travail.
Sur le long terme, il faut garantir le revenu des agriculteurs, car il y va de l'avenir du monde rural. Sur le court terme, des mesures doivent être prises dans les plus brefs délais, et ce particulièrement en faveur des secteurs en crise, je veux dire la filière bovine et la viticulture.
Nos éleveurs se trouvent aujourd'hui confrontés à de graves problèmes de trésorerie. Monsieur le ministre, avant hier, un jeune éleveur de mon département s'est suicidé à cause des difficultés de trésorerie que lui avait causées la mévente de son bétail !
Ces pertes massives de revenus sont dues principalement à l'effondrement des cours et à la fermeture des débouchés pour les animaux. Il est maintenant urgent que la représentation nationale soit informée des résultats du travail d'évaluation des difficultés des éleveurs en termes de revenus et de trésorerie.
Un plan d'accompagnement doit rapidement être mis en place. Les éleveurs doivent pouvoir bénéficier d'aides directes ciblées ainsi que d'une remise des annuités d'emprunts et d'un report des cotisations dues à la Mutualité sociale agricole.
Un autre secteur, je le disais, rencontre de graves difficultés : la viticulture. Cela fait maintenant deux ans que nos viticulteurs sont confrontés à une baisse de la consommation, tant française qu'européenne, et à une hausse de la concurrence internationale, avec les vins venus du nouveau monde.
Cette crise est très durement ressentie dans le département de la Charente-Maritime, dont je suis élu. On assiste, en effet, à une dégradation continue du revenu des exploitants agricoles de la région délimitée « Cognac » par l'effet conjugué de la baisse du rendement agronomique et de la baisse des prix de toutes les productions des vignerons de la région.
Il faut ajouter à cela le fait que la filière du cognac est en surproduction par rapport aux besoins du marché et que ses coûts de production sont supérieurs à son chiffre d'affaires. Ainsi, dans cette région, seuls 60 000 à 65 000 hectares sur les 80 000 existants sont viables. Cela revient à dire que 1 000 à 1 500 exploitations, sur les 7 660 existantes, sont condamnées.
Des aides à la restructuration sont donc absolument nécessaires. Des programmes d'adaptation du vignoble doivent être conçus, soit en diminuant les surfaces tout en maintenant le niveau de rendement, soit en développant des vins de pays de qualité. Il est, d'ailleurs, intéressant de noter, à ce sujet, que, si l'on renforce les crédits en faveur de la sécurité et de la qualité des produits, on laisse de côté la viticulture. Où sont les mesures pour améliorer la traçabilité, l'origine et la qualité des produits viticoles ?
Plus généralement, des mesures de dégagement du marché doivent être prises afin que celui-ci retrouve un niveau stable permettant d'offrir une rémunération correcte aux viticulteurs.
Le niveau de vie des agriculteurs est, en effet, un sujet de plus en plus préoccupant. On se demande comment intéresser des jeunes à cette profession s'ils ne peuvent en vivre décemment. Cette question est d'autant plus primordiale que l'on constate une diminution importante du nombre des installations. Cette baisse ne fait que traduire le manque de confiance de nos jeunes dans l'avenir de cette profession.
C'est le cas dans mon département, où des éleveurs laitiers cessent leur activité sans avoir de repreneurs. La conséquence directe en est la perte de quotas, qui ne sont donc plus disponibles pour les jeunes qui veulent s'agrandir ou s'installer. De plus, la reprise par un jeune qui veut s'installer en hors cadre familial est liée au financement de l'exploitation. Or les banques ne veulent pas toujours financer ces projets du fait d'un manque d'attribution de droits à produire ou du manque de garanties sur ces attributions.
Il faudrait aider les jeunes en leur finançant les bâtiments ou le foncier. On peut concevoir soit un système de bâtiment ou de ferme-relais, soit un mécanisme de subventions versées à l'éleveur pour lui permettre d'acheter ses bâtiments ou de financer une partie de son installation.
Une des solutions pourrait être la mise en place d'un système fiscal de transmission des exploitations. Pourquoi ne pas exonérer le cédant de l'imposition des plus-values en cas de transmission à un jeune ?
Des efforts significatifs doivent également être faits pour les départs à la retraite. Ce régime connaît un fort déséquilibre démographique, puisque l'on compte un cotisant pour 2,5 retraités. Il faut savoir que, dans le régime général, la proportion est de 1 cotisant pour 1,4 retraité.
C'est pourquoi nous devons nous interroger sur la situation présente des retraités de l'agriculture. Ces derniers formulent en effet des demandes concernant la mensualisation des pensions de retraite, ainsi qu'une retraite complémentaire.
Enfin, il faut, bien sûr, poursuivre la revalorisation des retraites afin d'atteindre 75 % du SMIC. Aucun signe positif n'est lancé en ce sens dans le présent budget, et nous ne pouvons que le regretter.
Pour toutes ces raisons, mais également parce que la politique agricole du Gouvernement ne répond que très partiellement aux grandes difficultés du moment sans préparer sérieusement l'avenir de l'agriculture française, je voterai contre les crédits qui nous sont présentés. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 3 avril dernier j'avais donné l'occasion de m'exprimer à cette tribune lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur la forêt.
Evoquant la tempête de décembre 1999, je m'étais permis de rappeler que, de mémoire d'administration des eaux et forêts, c'est-à-dire depuis 1824, on n'avait pas de précédent d'une tempête aussi violente et aussi étendue. En fait, de mémoire même d'historien, la forêt française n'avait jamais connu une telle catastrophe depuis le xviie siècle !
Lors de cette intervention, j'avais regretté que la loi d'orientation sur la forêt soit présentée avec un tel retard, soit un an et demi après cette catastrophe.
Or cela fait presque deux ans que cette grande tempête a eu lieu et déjà un certain nombre d'engagements du Gouvernement, pourtant des engagements formels, semblent un peu oubliés, voire abandonnés.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Aucun !
M. Bernard Barraux. Que constatons-nous dans le projet de loi de finances pour 2002 ? Hélas ! une baisse sensible des crédits concernant la politique de la forêt. Et pourtant, en son temps, le Gouvernement ne nous avait-il pas déclaré avec force sa volonté de tout mettre en oeuvre en faveur d'une vigoureuse politique forestière ? Cette diminution des crédits concerne pratiquement tous les engagements pris après cette tempête, qu'il s'agisse de la bonification des prêts, des travaux de nettoyage et de reconstitution de la forêt sinistrée, de la modernisation de la première transformation de l'exploitation forestière ou encore, au chapitre 61-45 de l'article 40, du reboisement, de la conversion, de l'amélioration et de l'équipement des outils de gestion, qui diminuent de 24,3 %.
Tous les crédits pour 2002 affectés à la gestion durable de la forêt sont en retrait très net par rapport à 2001. Les dépenses ordinaires enregistrent une baisse de 7 % des crédits. Quant aux dépenses en capital, nous constatons qu'il manquera 15,5 % des sommes sur les crédits de paiement. Les autorisations de programme diminuent, elles, de 21 %.
Ces diminutions de crédit, monsieur le ministre, n'ont plus grand-chose à voir avec l'engagement national formel en faveur du développement de la filière forêt-bois qui avait été pris après la catastrophe.
Que peuvent devenir vos bonnes intentions si elles ne sont pas traduites dans la réalité budgétaire ?
Depuis la suppression en 2000 du Fonds forestier national, c'est le budget du ministre de l'agriculture et de la forêt qui assure, seul, le financement de la politique forestière. Or, comme le disait tout à l'heure Bernard Joly, la gestion de la forêt ne peut s'exercer que dans la très longue durée, et l'annualité budgétaire n'est absolument pas compatible avec les programmes à long terme imposés par le cycle naturel de la forêt. De plus, la budgétisation de ces crédits entraînera, comme pour les autres, la lente et irréversible érosion des dotations annuelles.
Les propriétaires forestiers s'inquiètent, car ils sont convaincus que de telles dispositions ne permettront plus de les soutenir dans leurs efforts de reconstruction de la forêt.
Pour conclure sur ce sujet, nous ne pouvons que constater que les crédits « tempête » résultant de vos engagements seront largement inférieurs à ceux de l'an passé, ce qui entraînera une diminution sensible des crédits consacrés aux prêts à la forêt ou aux primes de transport. Même la prévention des risques d'incendie et toutes les opérations de protection qui en découlent ont diminué de plus de 30 %.
Permettez-moi, monsieur le ministre, avec tous mes collègues du groupe de l'Union centriste, de vous demander des éclaircissements sur ces sensibles diminutions de crédits qui font perdre tout son sens au fameux soutien de la filière sylvicole.
Je ne peux achever mon propos sans évoquer la situation de la filière bovine. En effet, si mon beau département de l'Allier possède, entre autres, la grande et magnifique forêt de Tronçais, il est aussi et surtout un département d'élevage, puisqu'il est le deuxième producteur de charolais.
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le minsitre, les propos que vous avez tenus lors de votre rencontre avec les sénateurs du groupe de l'Union centriste, le 22 novembre dernier, au ministre de l'agriculture, propos relatifs à la situation dramatique que traversent les éleveurs de la filière bovine.
Cette rencontre, dont nous vous remercions très sincèrement, nous a permis d'obtenir des précisions sur l'état d'avancement de l'analyse des situations individuelles à laquelle procède le Gouvernement. Vous vous êtes également engagé à proposer dès la mi-décembre un nouveau plan d'aides ciblé sur les éleveurs rencontrant les plus grandes difficultés, et vous avez précisé que les aides seraient versées au début de l'année 2002.
A propos de la définition de la notion de « grandes difficultés », je répéterai ce que je vous ai dit le 22 novembre : l'appréciation de l'endettement bancaire des éleveurs ne peut constituer à elle seule un critère pertinent. Nombre d'éleveurs n'ont même pas eu la possibilité d'accéder au crédit bancaire ; d'autres, soucieux de respecter scrupuleusement leur signature, se sont saignés à blanc pour honorer leurs engagements financiers. La seule analyse de leur compte bancaire ne reflète donc absolument pas leur situation réelle.
Par ailleurs, s'il est vrai que les producteurs de viande labellisée s'en sont pour l'instant plutôt moins mal sortis que les autres, ils connaissent aujourd'hui les mêmes difficultés que tous les autres éleveurs. En effet, pendant cette trop longue période au cours de laquelle les médias se sont acharnés à diaboliser la viande bovine, le label était un repli sécuritaire pour ceux des consommateurs qui n'avaient pas perdu confiance en la qualité de nos productions. Mais aujourd'hui, les médias ont décidé, Dieu merci ! de s'intéresser plus à ben Laden qu'à l'ESB, et la confiance revient progressivement.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. « Dieu merci » ? Je ne suis pas certains que nous y ayons gagné !
M. Bernard Barraux. Tous les espoirs auraient été permis si le prix de la viande issue de vaches de réforme d'importation ne concurrençait pas de façon si déloyale nos productions !
En effet, ces viandes ne sont pas soumises à la même rigueur sanitaire que les viandes françaises ; elles n'ont aucune traçabilité et ne sont même pas parfaitement identifiées à l'étalage des grandes surfaces, alors que nos viandes « label » sont soumises à un cahier des charges extrêmement rigoureux. Bon nombre d'établissements de restauration collective - notamment de trop nombreuses cantines scolaires -, qui hier, au moment de la crise, avaient retiré la viande bovine de leurs menus, l'ont certes rétablie, mais en s'approvisionnant trop souvent auprès des distributeurs de ces viandes d'importation.
Sous votre autorité, monsieur le ministre, j'en appelle à tous mes collègues maires pour que nos enfants retrouvent dans leur assiette, à la cantine, ce bon et merveilleux produit de qualité de chez nous qui possède toutes les garanties et qui les a toujours possédées, même à l'époque de cette cruelle suspicion collective.
De ce fait, il manque aujourd'hui entre 1 500 et 2 000 francs par bête vendue, ce qui, vous le savez, est très largement supérieur à la marge qu'un éleveur peut tirer de son travail.
Par ailleurs, les reports de cotisations de la MSA, qui partent certes d'une bonne intention, nous poussent dans la spirale infernale de la fuite en avant : en ce moment, les éleveurs remboursent les cotisations de 1996, qui avaient déjà été reportées...
Les éleveurs de l'Allier ont profité du fonds départemental d'aide à la prise en charge des cotisations sociales, financé par le conseil général et la MSA. Ils attendent la part de l'Etat !
Monsieur le ministre, les éleveurs n'ont plus d'espoir que celui qu'ils fondent sur vos engagements. Permettez-moi d'insister, car tout retard dans leur mise en oeuvre ne pourra que contribuer à déstabiliser encore, voire à désespérer davantage les éleveurs.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même serons donc particulièrement attentifs au respect du calendrier et les modalités du versement des concours et des indemnités promis, ainsi qu'à la réflexion en cours sur l'avenir du bassin allaitant.
Gardons toujours à l'esprit qu'il n'y aura pas d'aménagement du territoire sans paysans. Toute la politique que le Gouvernement développe pour l'installation des jeunes, pour le développement des territoires, pour la mise en place des pays, pour l'environnement, pour une meilleure répartition de la population dans l'Hexagone, se décline autour de trois mots incontournables : pays, paysages, paysans. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de l'agriculture pour 2002 s'inscrit dans un contexte national et mondial bien particulier.
A la mi-novembre, à Doha, l'Organisation mondiale du commerce est parvenue à un accord, notamment en matière agricole.
Avec une grande partie des professionnels de l'agriculture, dont je salue le sens des responsabilités, je me félicite que cet arrangement, auquel les négociateurs français n'ont pas peu contribué, vienne lever une hypothèque qui pesait sur la politique définie par l'Union européenne.
Cette bonne nouvelle vient éclairer l'horizon d'un secteur de notre économie dont, l'an dernier, nous évoquions les difficultés face à l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, difficultés auxquelles se sont ajoutés au cours du premier semestre de cette année les tourments d'une épizootie de fièvre aphteuse.
L'événement a paru assez grave à notre assemblée pour qu'elle constitue une mission d'information dont les conclusions ont permis de légitimer les options retenues par les pouvoirs publics au cours de cette épreuve.
D'une façon générale, que ce soit en matière de fièvre aphteuse ou d'ESB, le Gouvernement a su prendre ses responsabilités, et le projet de budget qui nous est soumis traduit bien, en faits et en chiffres, le souci qui a été le sien de faire face à ces deux crises. A cet égard, il convient de remarquer le bond en avant des crédits consacrés à la sécurité sanitaire des aliments, en hausse de 15,27 %, entre la loi de finances initiale pour 2001 et le projet de loi de finances pour 2002.
Dans une perspective plus qualitative, je saluerai aussi les mesures de réformes structurelles prises pour le service public de l'équarissage et les services vétérinaires, en notant qu'elles s'accompagnent de la création de 150 emplois et de l'instauration d'un agrégat budgétaire regroupant l'ensemble des crédits dédiés à la sécurité et à la qualité des aliments.
Il n'en demeure pas moins que, pour la viande bovine, un décalage semble subsister entre les prix à la production et ceux de la distribution, ce qui donne à penser que les éleveurs comme les consommateurs subissent le joug d'intermédiaires profitant à la fois de la détresse des premiers et de l'inquiétude des seconds. Le Gouvernement aura à coeur, je n'en doute pas, de ne pas laisser perdurer une telle situation sans réagir.
Le traitement des deux fléaux qui ont accablé notre agriculture s'inscrit bien dans les objectifs de la loi d'orientation en matière de soutien aux agriculteurs et à l'ensemble des secteurs de l'agriculture.
Cette année encore, avec des crédits confirmant ceux de l'année 2001, l'action de l'Etat au service d'une agriculture multifonctionnelle, diversifiée, dynamique, performante et sûre, au service d'un territoire et des hommes qui y vivent, bénéficiera de plus de 5,1 milliards d'euros, soit plus de 33 milliards de francs.
Une agriculture du xxie siècle, ce sont tout d'abord des modes de production plus respectueux de l'environnement, à commencer par ce qu'il est convenu d'appeler la « prime à l'herbe ».
L'an dernier, à cette tribune, dans le cadre de la discussion budgétaire, je m'étais permis de recommander avec insistance la revalorisation de cette prime, gage, en particulier pour les régions de bocage, d'un moindre recours aux cultures fourragères, qui sont si destructrices pour les paysages. Je ne puis que regretter que, au rebours de cette orientation, nous nous acheminions vers la suppression, le 30 avril 2003, d'une mesure jugée inefficace : si elle l'était, c'est précisément parce que le montant des primes n'était pas assez incitatif !
Que d'autres dispositifs soient prévus ne compense que partiellement ce regrettable état de fait, car les rémunérations à l'hectare qui sont envisagées devraient atteindre à peine la moitié du montant que nous souhaiterions pour la prime à l'herbe.
De même, après une première baisse constatée en 1999, les autorisations de programme pour le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, chutent de nouveau, cette année, de près de 13 %. Certes, les crédits qui n'avaient pas été consommés localement seront redistribués. Mais en attendant la publication du décret réformant le PMPOA, décret qui a été soumis à l'avis de la Commission européenne, il semble que les exploitants comprendraient difficilement qu'une sélectivité accrue s'exerce simplement du fait de la volonté de maîtriser les coûts de ce programme.
En revanche, il convient de saluer l'effort consenti dans le domaine de l'hydraulique. Je constate avec satisfaction le coup d'accélérateur donné aux contrats territoriaux d'exploitation, dont j'avais souligné, voilà un an, l'intérêt et les débuts encourageants.
Mais une agriculture du xxie siècle ne se conçoit qu'avec des agriculteurs. Il faut donc que de jeunes agriculteurs s'installent.
Certes, la dotation aux jeunes agriculteurs est en diminution, mais il convient de rappeler que ce phénomène est lié aux résultats des années précédentes, eux-mêmes en baisse, et que le montant élevé du prix des terres n'y est pas étranger.
Du reste, comme celles-ci restent malgré tout relativement moins onéreuses en France qu'au-delà de nos frontières, il arrive que ce soient des agriculteurs venus de pays voisins, où ils sont déjà exploitants, qui les acquièrent. Par là même, ils bénéficient des aides à l'installation, comme l'ont indiqué dernièrement, pour s'en plaindre, des agriculteurs auxquels le représentant de l'Etat dans mon arrondissement était venu rendre visite.
Le souci du Gouvernement de voir la profession se renouveler est illustré par l'accroissement de 2,2 % des crédits consacrés à l'enseignement et à la formation, encore en hausse cette année. J'observe avec satisfaction que toutes les catégories d'établissement voient les concours de l'Etat augmenter peu ou prou.
Mais les nouveaux agriculteurs ne sont pas les seuls à voir leur situation s'améliorer : il en va de même des anciens, comme le montre l'impact financier des mesures de revalorisation des retraites - encore en hausse sensible cette année - en attendant la création, sur l'initiative de parlementaires socialistes, d'un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition pour les non-salariés agricoles.
Restent, entre ces deux catégories d'exploitants, la majorité des agriculteurs, auxquels le Gouvernement n'a pas ménagé sa solidarité à travers le fonds national de garantie des calamités agricoles. La participation de l'Etat à ce fonds s'accroîtra, selon le projet de budget, de 40 % ; il faut y ajouter l'appui à la mise en place d'un système d'assurance-récolte doté de près de 10 millions d'euros, tandis que le dispositif dit d'« aide aux agriculteurs en difficulté » voit ses crédits maintenus.
Enfin, une agriculture du xxie siècle doit aussi être source de productions diversifiées, et la consolidation des filières n'est pas absente du projet qui nous est soumis. A cet égard, si j'avais salué avec satisfaction la hausse de la dotation pour la part nationale de la prime à la vache allaitante, accrue entre 2000 et 2001 de 14 %, ma satisfaction redoublera cette année, puisque nous est proposé un bond de près de 30 %.
Le groupe socialiste, monsieur le ministre, a pris la mesure des moyens considérables qui sont ainsi proposés, cette année encore, dans le projet de loi de finances. Comme l'an dernier, nous apporterons donc un ferme soutien aux orientations et aux engagements définis, qui illustrent avec force les priorités de la politique agricole tout en confirmant les efforts conduits précédemment, et nous voterons votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde rural est en crise : ce constat est d'une constante et affligeante banalité.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, est quant à lui en diminution. Nos rapporteurs l'ont déploré ; je ne peux que m'en remettre à leurs explications et les soutenir dans leur analyse.
Vous êtes pourtant, monsieur le ministre, le principal interlocuteur de ce monde rural sinistré qui a perdu confiance dans son avenir. Aujourd'hui, au-delà des clivages politiques, c'est d'ailleurs au défenseur du monde rural que je m'adresse, et, certes, vous avez fait de votre mieux en tenant compte des priorités dictées par votre gouvernement.
Vous avez ainsi pansé quelques plaies, mais, plutôt que de remédier aux effets, c'était aux causes du mal qu'il eût fallu vous attaquer.
Monsieur le ministre, quel est aujourd'hui l'état du monde rural ?
L'apparition dans le paysage de l'administration territoriale de l'intercommunalité, des pays et des parcs, des SCOT et des PLU a créé autant de problèmes supplémentaires pour le monde rural. C'est ainsi que la loi SRU, concoctée pour « redensifier » le territoire, interdit de facto toute construction en milieu rural.
Cette loi « ruralicide » devait s'accompagner d'une information des élus qui, en pratique, a été escamotée en milieu rural faute de personnel suffisant dans les administrations et, en particulier, dans les DDE. C'est ce qui explique l'inquiétude ambiante à la veille de l'entrée en vigueur de règles déterminantes pour le développement économique et social équilibré du territoire.
Ainsi, les effets cumulés de la loi SRU, de la politique de l'environnement mise en place par votre gouvernement et de la politique des parcs régionaux transforment les espaces ruraux en espaces naturels réservés aux citadins en mal de verdure et freinent le développement des exploitations agricoles, au risque d'entraîner leur disparition.
Nous faudra-t-il désormais vivre dans des campagnes aseptisées, où le coq ne chantera qu'à heure autorisée pour ne pas gêner le sommeil des citadins en week-end et où les exploitations avicoles et porcines ne dégageront plus d'odeurs ?
Dès lors, en l'absence d'une politique globale cohérente prenant en considération tous les aspects de la vie en milieu rural, pourquoi aider de jeunes agriculteurs à s'installer ?
Les CTE représentent plus de 76 millions d'euros et la dotation d'installation, 66,5 millions d'euros. Ce n'est pas rien ! Mais que feront ces jeunes agriculteurs dans un milieu où il n'y aura pas d'école pour leurs enfants, pas de médecin pour venir les soigner, dans un milieu où les services publics seront défaillants, le commerce de proximité inexistant et les loisirs peu accessibles ?
Pourquoi poursuivre une politique très coûteuse de mise aux normes des installations si les producteurs ne peuvent vivre dignement de la vente de leurs produits ?
Pourquoi, dans le même temps, promouvoir une production de qualité quand nos produits se heurtent à la concurrence internationale et sont victimes de l'ouverture de nos frontières à des productions de moindre qualité mais réalisées à moindre coût ?
Je ne mentionne que pour mémoire les obligations administratives, souvent dissuasives, auxquelles sont soumis les agriculteurs, mais combien de formulaires doivent-ils remplir pour la moindre formalité ?
Pourquoi soutenir des systèmes de retraites défaillants dans un secteur où les administratifs sont maintenant plus nombreux que les actifs ?
Ces interrogations doivent nous amener à nous poser, très simplement mais honnêtement, la question suivante : pour quel avenir ?
Telle est bien, monsieur le ministre, la France rurale d'aujourd'hui. La réalité, c'est que toute cette politique notamment fondée sur les lois Voynet, Chevènement, SRU tend - peut-être est-ce une volonté délibérée - à faire éclater le tissu rural.
Je souhaiterais tant être démenti !
Monsieur le ministre, il va vous falloir dire à la représentation nationale ce que vous comptez faire de nos campagnes, de nos agriculteurs et de tous les acteurs de la vie rurale.
Je veux ici témoigner que les populations rurales, comme leurs maires, veulent continuer à jouer un rôle véritable dans la vie de notre pays. Les ruraux sont des Français à part entière. Or, la France que vous nous proposez est une France à deux vitesses dont nous ne voulons à aucun prix.
Nous attendons une vraie politique, globale, cohérente et viable, pour le monde rural. Nos agriculteurs veulent vivre de leur travail et continuer d'être les acteurs du développement durable de notre territoire en même temps que des « aménageurs » de celui-ci.
Je crois donc, monsieur le ministre, qu'avec vos collègues de l'éducation, de la santé et de la culture il faut que vous examiniez sérieusement ces questions incontournables si vous pensez comme moi qu'il y a encore un avenir pour le monde rural en France. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Bernard Angels.)

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

COMMUNICATION RELATIVE
À DES COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

4

LOI DE FINANCES POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.

Agriculture et pêche (suite)



M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'agriculture et la pêche.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Biwer.
M. Claude Biwer. La Meuse, dont je suis originaire, étant essentiellement un département d'élevage et de forêts, vous ne serez pas surpris, monsieur le ministre, que je consacre ma brève intervention à ces deux sujets.
Avec l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, puis la fièvre aphteuse, les éleveurs se sont véritablement trouvés dans une situation préoccupante, je dirais presque désespérante : ainsi que cela a déjà été souligné à cette tribune, nombreux sont les animaux invendus qui restent dans les exploitations, et lorsque les producteurs parviennent à les commercialiser, ils subissent des pertes de 30 % à 40 %. Quelle autre profession, monsieur le ministre, accepterait sans broncher une telle situation ?
Ces agriculteurs observent, comme nous tous, que, dans le même temps, les prix à la consommation augmentent, ce qui est paradoxal. Ils constatent aussi qu'ils sont seuls, actuellement, à supporter les coûts liés aux nouvelles mesures de contrôle et de lutte contre la maladie, les prestations utiles étant imputées sur la valeur d'achat du bétail, qui baisse alors que le coût de la distribution augmente. Qu'il me soit permis de mettre brièvement l'accent sur les efforts de qualité consentis non seulement par les éleveurs, mais également par les services de contrôle qui permettent de garantir cette dernière. Tous ces efforts justifient assurément une hausse du coût de revient.
La crise actuelle impose que des mesures urgentes soient prises et mises en oeuvre en vue d'assainir le marché et de compenser les lourdes pertes dont les éleveurs sont les victimes
A cet égard, vous avez annoncé, monsieur le ministre, un plan d'aide en vingt-trois points, mais son application effective ne pourra intervenir avant de longues semaines, c'est-à-dire, permettez-moi d'insister sur ce point, peut-être trop tard pour de nombreux éleveurs, ce qui n'est pas acceptable. Afin de redonner un peu d'espoir à ceux-ci, ne serait-il pas possible d'accélérer les procédures ou encore de verser des avances sur aides futures, dans l'attente de l'obtention de l'accord des autorités communautaires ?
Je souhaiterais également, monsieur le ministre, attirer tout particulièrement votre attention sur la situation des éleveurs céréaliers, très nombreux dans mon département comme dans la Lorraine tout entière, qui subissent à la fois la crise bovine et les lourdes pertes provoquées par deux années céréalières catastrophiques. L'avenir des exploitations concernées est en péril ; les banques se montrent de plus en plus réticentes à leur égard et des mesures urgentes doivent être arrêtées.
Les règles environnementales, auxquelles se conforme d'ailleurs bien volontiers la profession, malgré leur côté pénalisant dans certains cas, ne sont pas faites non plus pour rassurer les agriculteurs. Ainsi, la mise en oeuvre des contrats territoriaux d'exploitation se révèle complexe, ce qui amène des retards.
Pourriez-vous enfin, monsieur le ministre, me donner des informations sur les rumeurs faisant état d'une éventuelle suppression progressive des quotas laitiers ? Ce serait là un nouveau coup porté à l'agriculture, et j'aimerais entendre vos explications sur ce point.
Par ailleurs, les difficultés que traverse l'agriculture vont se traduire par un déséquilibre des comptes de la Mutualité sociale agricole, la MSA. Ce problème se posera pour les futurs projets de budget de l'agriculture, car les cotisations sont fondées sur les revenus des agriculteurs. C'est pourquoi il me semble urgent de prendre des mesures de redressement, afin que ne soit pas remis en cause ce régime social
En ce qui concerne la forêt, pourriez-vous me donner, monsieur le ministre, quelques précisions sur le contrat d'objectifs que vous avez signé le 22 octobre dernier avec l'Office national des forêts, l'ONF, pour la période 2001-2006 ?
J'observe en effet que l'ONF s'engage auprès des communes concernées à appliquer le régime forestier et à développer des démarches contractuelles, l'Etat prenant de son côté l'engagement de maintenir son appui à l'ONF par le biais du versement compensateur. Nous avons tous une certaine expérience de la contractualisation et des transferts de charges qui l'accompagnent bien souvent. Ceux-ci se traduisent par une augmentation des dépenses supportées par les collectivités locales, parallèlement à un relatif désengagement de l'Etat.
En outre, je crains que l'objectif assigné à l'ONF d'équilibrer ses comptes à l'horizon de cinq ans ne conduise ses services à ne s'occuper que des secteurs rentables et à délaisser, une fois de plus, leur mission de service public, en oubliant l'esprit des lois de décentralisation, qui prévoyaient que les services publics seraient mis à la disposition des collectivités locales. Si ces dernières sont ouvertes à un véritable partenariat, y compris au titre de l'application d'une politique nouvelle, elles ne peuvent accepter de payer toujours davantage pour un service qui se dégrade.
En tout état de cause, ces méthodes risquent de conduire les communes forestières à ne plus vouloir signer ou renouveler les conventions les liant à l'ONF, voire à les dénoncer. Les missions régaliennes de cet organisme, qui constituèrent la base des conventions acceptées par les communes, doivent être maintenues et renforcées. Ensuite seulement, la réflexion sur des missions nouvelles permettant d'atteindre un meilleur équilibre des finances de l'ONF pourra s'engager.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter tous apaisements quant aux préoccupations que je viens d'évoquer et rassurer l'ensemble de la profession agricole, ainsi que les collectivités locales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche prévoit, pour l'année 2002, 33,25 milliards de francs de crédits, soit 5,1 milliards d'euros. Ce montant, presque identique à celui qui figurait dans la loi de finances initiale pour 2001, ne marque pas une rupture, mais vient au contraire consolider la hausse importante de 15 % intervenue en 2001. Je rappelle en outre que le montant du budget pour 2000 était de 29 milliards de francs.
De plus, il ne faut bien évidemment pas oublier que, au titre des crédits communautaires, notre pays bénéficie d'un retour de 68,29 milliards de francs, c'est-à-dire deux fois le montant du budget que nous sommes appelés à examiner. L'agriculture est et demeure donc une priorité pour le Gouvernement.
Cependant, si l'effort financier consenti en faveur de l'agriculture est nécessaire, il est indispensable qu'il s'appuie sur une philosophie claire, laquelle découle de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999. Pour faire suite à l'orientation productiviste que nous avons commencé à suivre dans les années soixante et qui était sans doute inévitable compte tenu de la situation de l'époque, mais qui, faute d'être encadrée, a débouché sur les problèmes que nous avons connus ces dernières années, nous devons désormais adopter une vision beaucoup plus globale de notre agriculture.
Ainsi, au travers de la dernière loi d'orientation agricole, le contrat que nous avons passé avec les Français vise à l'amélioration de la qualité des produits, au respect de l'environnement et à la nécessaire multifonctionnalité de l'agriculture au sein du monde rural. Produire en quantité ne suffit plus, il faut produire des aliments de qualité, protéger et gérer l'espace naturel, aménager de manière équilibrée l'ensemble de notre territoire.
Les priorités annoncées dans ce projet de budget sont conformes à cette nouvelle philosophie qui exige une transformation structurelle de notre agriculture. Les efforts particuliers portent sur la sécurité et la qualité des produits alimentaires, la promotion d'une agriculture multifonctionnelle, un soutien aux filières et une régulation des marchés, ainsi que sur un renforcement de l'enseignement et de la recherche.
Ce projet de budget est donc logique au regard des dispositions de la loi d'orientation agricole.
Après cette présentation générale, je développerai plus particulièrement deux points : la crise bovine et l'enseignement agricole.
J'aborderai, d'abord, la crise bovine.
Il est indéniable que la crise que traverse depuis un peu plus d'un an le secteur bovin est grave et préoccupante : les cours de la viande sont très bas - en moyenne, 20 % de moins par rapport à l'année 2000 -, les stocks de viande sont importants et les revenus des éléveurs ont chuté fortement. A l'occasion de l'examen du présent projet de loi de finances, les parlementaires ont essayé de relayer l'inquiétude des éleveurs.
A ce jour, la consommation a repris quelque peu - entre moins 5 % et moins 10 % par rapport au niveau d'avant-crise - tandis que les abattages ont retrouvé leur niveau d'avant la crise.
Face à cela, la solidarité nationale a joué, et vous en êtes l'auteur, monsieur le ministre, puisque, dès novembre 2000, un plan d'action pour la confiance du consommateur, le rétablissement du marché et la trésorerie des éleveurs et des entreprises a été mis en place. Par la suite, en février 2000, sur le fondement d'un accord conditionné de la Commission européenne, un plan d'aides directes aux éleveurs bovins - une enveloppe de 1 milliard de francs, complétée par diverses autres dispositions - a été annoncé, les aides ayant été versées en mai et juin de cette année.
A cela se sont ajoutées les mesures de dégagement du marché prises en septembre dernier. Je tiens, ici, à souligner qu'il est fort regrettable et dommageable que tous les pays de l'Union européenne n'aient pas respecté les objectifs fixés en matière de dégagement comme l'a fait la France, laquelle a opéré 30 % des dégagements alors que son cheptel ne représente que 20 % du cheptel européen. Cette attitude, en ne permettant pas le rééquilibrage entre l'offre et la demande, a malheureusement conduit à prolonger cette crise.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé, à la mi-octobre, un nouveau plan d'aides directes pour les éleveurs, lequel s'appuiera sur une étude fine réalisée par les directions départementales de l'agriculture. Ces dernières ont été chargées d'une évaluation précise de la situation de chacun des éleveurs. En effet, les conséquences de cette crise varient notablement selon les régions, ou bien la nature du troupeau concerné, laitier ou allaitant, ce dernier étant paradoxalement le plus touché alors qu'il fournit une viande de qualité et qu'il est le plus respectueux de l'environnement et le plus utile en matière d'aménagement du territoire.
Mardi dernier, les premières conclusions de cette enquête ont été rendues publiques. Deux constats me semblent essentiels. D'une part, pour beaucoup d'exploitants, entre 40 000 et 50 000, semble-t-il, compte tenu de leur trésorerie, le premier semestre de 2002 risque d'être délicat, surtout pour les jeunes et ceux qui ont le plus investi. D'autre part, un grand abattement et une profonde inquiétude pour l'avenir même, à plus long terme, sont relevés chez la plupart des producteurs.
Le plan d'aide, découlant de cette analyse, qui résultera de la table ronde du 13 décembre prochain, doit apporter une réponse adaptée au problème de trésorerie. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous mettrez tout en oeuvre pour que ces aides soient versées rapidement. Il en va sans doute de la survie de nombreuses exploitations. N'oublions pas que dans certaines régions, comme le Grand Massif central, le troupeau allaitant représente la dernière activité agricole, et même économique. L'enjeu est également de maintenir un aménagement cohérent de notre territoire.
Ces aides directes sont donc urgentes et indispensables, mais elles ne seront pas suffisantes. La solidarité nationale doit permettre à ces éleveurs de traverser cette crise, mais le retour à l'équilibre des marchés est incontournable.
Cela m'amène au second constat, à savoir l'avenir de la filière bovine, l'approche étant non plus conjoncturelle mais structurelle.
Cette crise doit être l'occasion de réfléchir et d'anticiper sur le marché de la viande bovine de demain, l'objectif étant la sauvegarde à moyen et long termes du cheptel allaitant français, et donc la préservation des territoires concernés. L'importance et le rôle du cheptel laitier, le prix faible de la viande de vache de réforme laitière servant d'article de base, la segmentation du marché des produits bovins, une meilleure information du consommateur et la fin de l'intervention publique au 1er juillet 2002 sont autant d'éléments qui doivent être pris en compte.
Le rapport qui doit vous être remis à la fin du mois vise à identifier les voies permettant un maintien durable du troupeau allaitant. J'espère qu'il rassurera durablement les éleveurs.
J'en viens au second point que je souhaitais aborder, à savoir l'enseignement agricole.
L'évolution nécessaire de notre agriculture passe forcément par un renforcement du rôle joué par la formation. Je suis donc particulièrement satisfait de constater que l'enseignement agricole et la recherche demeurent l'une des priorités du budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour 2002, comme cela a déjà été le cas les années précédentes.
Ainsi, les crédits consacrés à la formation et à la recherche augmentent de 2,2 % et atteignent 1 173 milliards d'euros, et ce alors que les effectifs ont tendance à se stabiliser après avoir, pour la première fois en dix ans, diminué en 2000.
Ainsi, l'enseignement technique public bénéficie de la création de cinquante emplois, dont douze de professeurs, ainsi que de 320 postes budgétaires. Depuis 1999, 1 384 postes ont été créés. Parmi eux, 546 sont des postes supplémentaires d'enseignants et 761 postes ont contribué à la forte réduction de la précarité. L'effort est louable mais il reste du chemin à parcourir ; il vous faudra poursuivre dans cette voie, monsieur le ministre.
En ce qui concerne les subventions de fonctionnement à l'enseignement technique privé, les crédits atteindront 438,14 millions d'euros, soit 2,87 milliards de francs, ce qui représente, après une hausse de 3 % pour chacune des deux dernières années, une progression de 1,3 %. Néanmoins, des problèmes persistent et il apparaît que le budget 2002 ne permettra pas de tout régler. Il est nécessaire que de nouvelles décisions soient prises pour garantir la pérennité de l'enseignement agricole privé, qui remplit correctement sa mission de service public. J'en profite pour vous interpeller monsieur le ministre, sur la parution du décret d'application du dispositif de cessation d'activité, adopté en décembre 2000, et sur le régime temporaire de retraite de l'enseignement privé, le RETREP.
Je veux également souligner la création de vingt postes dans l'enseignement supérieur public et la nouvelle hausse des crédits de fonctionnement de 3 %. L'enseignement supérieur privé bénéficie, quant à lui, d'une augmentation de 7,1 %,...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Piras.
M. Bernard Piras. ... cette subvention ayant augmenté de 23,2 % par rapport à la loi de finances pour 1997.
Enfin, je signale que le groupe socialiste a déposé, au Sénat, un amendement qui vise à favoriser la transparence dans le financement du syndicalisme agricole. Nous espérons que le Gouvernement y sera favorable.
Pour conclure, vous pouvez être assuré, monsieur le ministre, que le groupe socialiste votera ce budget sans état d'âme. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, je veux aborder deux sujets particulièrement délicats qui nécessitent des réponses de votre part et des engagements de la part du Gouvernement.
Il s'agit, d'abord, de la politique de la montagne.
Le passage de l'aide à l'unité de gros bétail à l'aide à l'hectare créera un certain nombre de distorsions qui vont remettre en cause la capacité de compenser les handicaps naturels. C'est vrai pour l'ensemble des éleveurs. C'est encore plus vrai pour les producteurs de lait, en particulier dans les zones de piémont. C'est vrai aussi dans les zones sèches. Bref, c'est vrai partout.
Vous nous proposez la reconduction à l'identique des crédits de l'année dernière. En fait, il s'agira d'un recul. Chacun le sait et M. Delfau, rapporteur pous avis, l'a souligné, il manque au moins 15 millions d'euros. Or, puisque l'Etat finance 48 % et l'Europe 52 %, ils montreraient aux producteurs de montagne la volonté de leur permettre d'aller de l'avant. Ne désespérez pas les éleveurs de montagne ! Nous avons besoin d'eux. Leurs productions sont d'une très grande qualité. Si on sait développer, par exemple, des programmes complémentaires de protéines végétales non génétiquement modifiées, ils pourront garantir la qualité de la viande, comme ils garantissent la qualité du lait et des autres produits. Nous souhaitons donc, monsieur le ministre, un engagement de votre part sur ce point.
Vous me rétorquerez que, s'agissant des bâtiments d'élevage, tous les crédits ne sont pas consommés. Certes, mais c'est parce que des blocages se produisent au sein des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, qui ont aussi d'autres dossiers à examiner. En ce qui concerne les bâtiments d'élevage, le nombre de dossiers instruits n'est pas suffisant, ce qui génère des blocages. Aussi, les personnes qui seraient concernées pas ces aides ne les demandent pas.
Donnez-nous des assurances quant à votre volonté de relancer la politique de la montagne.
Le second point que je souhaite aborder, c'est la viticulture.
Monsieur le ministre, vous avez pris l'engagement, le 25 septembre dernier, lors d'une réunion avec des professionnels du Languedoc-Roussillon et des politiques - vous aviez simplement oublié le président de la région,... mais ce n'est pas grave -...
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Avec les parlementaires !
M. Jacques Blanc. Je suis aussi parlementaire ! Vous avez pris l'engagement, disais-je, de mettre en place un certain nombre de mesures. Nous ne les avons pas critiquées. En effet, nous pensions quelles pourraient permettre de sortir d'une crise qui, si on ne la traite pas immédiatement - je vous avais écrit le 3 septembre, j'attends toujours la réponse ! - risque de faire naître la désespérance et d'entraîner des comportements que nous condamnons. Nous ne faisons pas de démagogie ! Or, aujourd'hui, qu'apprend-on de la bouche même du M. Frichler, commissaire européen à l'agriculture au développement rural et à la pêche ? Que vous n'auriez pas encore demandé la mise en oeuvre d'une distillation de crise, que vous aviez pourtant annoncée et qui, même si elle ne constitue pas la solution, permet d'éliminer des stocks. Ce qui n'a pas été fait voilà deux ans, il faut le faire aujourd'hui.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Jacques Blanc ?
M. Jacques Blanc. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, puisque vous ne voulez pas faire de démagogie, tenons-nous-en aux faits.
Vous le savez, s'agisant du traitement de ces crises, nous procédons à deux types de distillation : d'abord, la distillation « alcool de bouche » et, ensuite, la distillation de crise.
Pour la distillation « alcool de bouche », je m'étais engagé à demander à l'Union européenne la possibilité de distiller 1,5 million d'hectolitres. Nous avons obtenu un peu plus de 800 000 hectolitres dans une première décision ; nous sommes actuellement en négociation pour le solde.
En ce qui concerne la distillation de crise, c'est-à-dire la seconde partie, il n'y a pas de remise en cause de cet engagement. La déclaration du commissaire Fischler a été publiée dans un journal de votre région que je connais bien. En effet, je le lis attentivement car il m'égratigne sans cesse.
M. Jacques Blanc. Il vous égratigne moins que moi, monsieur le ministre !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Dans cette déclaration, le commissaire Fischler dit : nous n'avons pas reçu la demande. C'est normal qu'il n'ait pas reçu la demande du Gouvernement français car pour demander la distillation de crise, c'est-à-dire la deuxième partie pour laquelle nous visons l'objectif de 4 millions à 5 millions d'hectolitres, conformément aux engagements que j'ai pris, il faut tout simplement que j'ai une vue objective des marchés et en particulier de la vendange effectuée, ce que nous n'avons pas toujours. Mais l'engagement que j'ai pris, et qui sera tenu, c'est que cette demande soit transmise à la Commission pour le prochain Conseil des ministres européens de l'agriculture, qui aura lieu le 18 ou le 19 décembre. En effet, c'est à ce moment-là que les demandes se feront à travers toute l'Europe et donc que la France devra déposer sa demande pour obtenir sa part de distillation.
Il n'y a là ni retard, ni remise en cause d'un engagement. Tout cela suit son cours normalement. Je ne peux pas aller plus vite que la musique. En particulier, je ne peux pas demander de la distillation de crise tant que je ne connais pas le résultat précis de la vendange. Voilà l'explication claire, nette et précise que je souhaitais vous apporter. Mais, je le répète, mes engagements seront tenus.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Tous les professionnels mesureront ces engagements. Je suis heureux de vous avoir permis de les exprimer très clairement.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Grâce à vous !
M. Jacques Blanc. Je connaissais, bien sûr, le dossier de la distillation « alcool de bouche ». Aujourd'hui, les chiffres concernant la vendange sont connus. Il faut donc se mobiliser. En effet, les viticulteurs n'attendront pas. De surcroît, monsieur le ministre, vous avez été dur avec les viticulteurs du Languedoc-Roussillon, à Bordeaux, au Japon et à l'Assemblée nationale.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ce n'est pas vrai ! Je leur ai rendu hommage !
M. Jacques Blanc. Or ces viticulteurs ont fait des efforts. Ils s'imposent des rendements limités. Ils se sont engagés dans une véritable politique de qualité. Dans cette région, où on arrachait 130 000 hectares, on est passé de 30 millions ou 35 millions d'hectolitres à 18 millions d'hectolitres. Aujourd'hui on y fait des vins merveilleux et remarquables, sur tous les segments. Ces viticulteurs ne supportent plus d'être maltraités.
Je ne suis pas de ceux qui soufflent sur les braises. Je m'efforce au contraire d'apaiser les angoisses légitimes de viticulteurs qui sont aujourd'hui à la limite du désespoir. Je ne veux pas que l'on retrouve les comportements d'antan, qui ont fait du mal à l'image même de notre viticulture.
Monsieur le ministre, en dehors de tout débat politicien, à l'issue de la réunion que nous avons tenue avec tous les responsables viticoles, je vous ai écrit le 3 septembre. Je vous ai informé de ce qui allait se passer.
M. Jean-Marc Pastor. Comme toujours !
M. Jacques Blanc. Je voudrais que vous me donniez tort, que vous démontriez que vous avez bien pris la mesure de l'importance des enjeux et que vous allez enclencher le plus rapidement possible les mesures destinées à faire renaître l'espérance en montagne et dans notre viticulture. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gruillot.
M. Georges Gruillot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, président du conseil général du Doubs de 1982 à 1999, j'ai été peut-être plus que d'autres confronté à des problèmes d'environnement, notamment pour la protection des nappes phréatiques, la totalité du territoire de ce département étant située sur un sous-sol karstique.
Nous nous sommes réjouis quand, en 1993, votre ministère et le ministère de l'environnement, en concertation avec la profession agricole, ont élaboré un programme pour la maîtrise des pollutions d'origine agricole, le fameux PMPOA.
C'est de ce thème, monsieur le ministre, que je veux vous entretenir à l'occasion de ce débat budgétaire, et plus particulièrement de son volet « élevage ».
Dès 1994, mon département décidait d'y participer financièrement.
Dès cette époque, nous nous étions élevés - mais sans résultat - contre le choix fait par l'Etat d'aider les exploitations en fonction de l'importance de leur cheptel et non de leur situation géographique par rapport aux bassins hydrographiques : nous avions conscience que ce choix niait alors tout bon sens. En effet, en termes de pollution, quelle est la différence entre une exploitation de 90 unités de gros bétail ou UGB et l'addition de deux exploitations voisines de 45 UGB dans un même hameau ? Il n'y en a aucune !
Après la publication du rapport d'évaluation que vous aviez demandé, le 3 novembre 1999, sur le PMPOA, vous avez jugé, avec le ministère de l'environnement, qu'il fallait changer de politique et travailler à l'avenir par secteurs géographiques prioritaires, les fameux secteurs « vulnérables », pour aider les exploitations de moins de 90 UGB. Sur ce point, monsieur le ministre, je vous approuve : c'est enfin, dans ce domaine, faire preuve de bon sens ! Mais nous craignons les retards qui s'accumulent, car de très nombreux dossiers sont en attente et s'empilent.
Votre projet de réforme, conçu dès 1999 et notifié à Bruxelles en décembre 2000, n'a été approuvé que très récemment et les préfets, sur le terrain, peinent actuellement à mettre en place un schéma de travail cohérent.
Nous déplorons aussi que la concertation que les préfets devaient conduire, tant avec le monde agricole qu'avec les conseils généraux cofinanceurs, ne soit pas une réalité. L'Etat, par le canal de ses représentants, semble en effet imposer ses choix, en matière de zones vulnérables à retenir, plus dans un souci d'économie de ses deniers que dans un souci de véritable efficacité.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur ce point et donner sur le terrain des instructions en conséquence ?
Ne pensez-vous pas que, dans les régions où les risques de pollution sont plus graves compte tenu de leurs caractéristiques géologiques et où la volonté d'aller de l'avant est réelle, des dispositifs financiers particuliers devraient être mis en place ?
Dans mon département, par exemple, les financements proposés par l'Etat à travers les contrats de plan 2000-2006 sont très notoirement insuffisants.
Je vous remercie, monsieur le ministre, du point que vous pourrez faire sur la relance que nous souhaitons du programme pour la maîtrise des pollutions d'origine agricole, ainsi que des réponses que vous pourrez m'apporter sur la question plus particulière des territoires à sous-sol karstique. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps m'étant compté, j'aborderai directement la question viticole.
Les causes de la crise sont connues - je n'y reviens pas - et elles nécessitaient des réponses à court terme et moyen terme, sous la forme de soutiens conjoncturels et d'accompagnements structurels.
Face à une situation particulièrement grave, je veux saluer, monsieur le ministre, la rapidité de votre réaction, concrétisée par la présentation, en septembre dernier, d'un plan d'adaptation de la viticulture ambitieux, sans précédent et à la mesure des défis qui nous sont lancés : restructuration des vignobles, soutien à la modernisation des outils de vinification pour tenir compte des signaux du marché et renforcement de la puissance commerciale de la filière.
Au-delà de ces mesures structurelles, qui conditionnent l'avenir, ce plan comporte aussi des mesures d'urgence, que vous avez vous-même précisées : en ce qui concerne l'élimination rapide des excédents qui pèsent sur le cours par les mécanismes de distillation, vous avez répondu clairement voilà quelque temps déjà, monsieur le ministre, et vous venez de le faire à nouveau à l'instant ; par ailleurs, vous avez tenu votre engagement en réglant la question des retards de paiement, des aides à la restructuration et des concours publics, qu'il s'agisse de la POA, la prime d'orientation agricole, ou du FEOGA, le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole ; quant au soutien exceptionnel aux jeunes viticulteurs, je crois savoir qu'une action est en cours : c'était un autre engagement de votre part, et je vous remercie de l'avoir tenu.
Reste à régler certaines situations très préoccupantes, certains viticulteurs étant en grande difficulté. Nous suggérons, sur ce point, la mise en place, au sein de la CDOA, la commission départementale d'orientation de l'agriculture, d'une cellule d'audit chargée de recenser le nombre exact des personnes concernées et d'évaluer leur situation actuelle afin de les aider.
Vous avez vous-même proposé une autre mesure d'urgence avec la mise en oeuvre, en tout début d'année, du dispositif de reconversion différée avec indemnisation. Cette mesure conditionne en effet, en partie, la réussite de la campagne 2002 et, de surcroît, elle permettra d'aider certains viticulteurs à passer un cap difficile. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des assurances sur la rapidité des délais de sa mise en oeuvre ainsi que sur l'application des mesures de préretraite en faveur des viticulteurs les plus âgés ?
J'en viens aux mesures structurelles qui conditionnent l'avenir de la viticulture, et notamment aux mesures d'accompagnement des indispensables restructurations des caves et des entreprises commerciales.
Je crois savoir que, en guise de première étape, vous avez obtenu, monsieur le ministre, une première tranche d'environ 100 millions de francs. C'est un bon point. J'aurais cependant souhaité que ce soit sans réticence aucune - mais je ne vous vise pas particulièrement, monsieur le ministre - car il s'agit là de l'élément central de la prochaine étape de l'évolution structurelle de la filière viticole, qui devra être conduite dès 2002.
Je note par ailleurs avec satisfaction, dans le cadre du budget de l'Office national interprofessionnel des vins, l'ONIVINS, la progression importante - de 12 millions de francs - des crédits relatifs aux actions de promotion des vins français, ce qui porte leur total à 74 millions de francs.
J'exprime la même satisfaction au regard de l'augmentation de plus de 15 millions de francs des moyens nécessaires au renforcement de l'encadrement technique des vignobles et des caves coopératives.
Ce sont là des signes très encourageants.
Vous avez annoncé par ailleurs, monsieur le ministre, la première étape du plan d'adaptation le 25 septembre dernier. Les autres étapes seront définies début 2002, à partir des réflexions du groupe stratégique. Autant dire que la rapidité de leur mise en oeuvre est un élément clé du succès des mesures annoncées.
De même, les difficultés conjoncturelles que rencontrent les viticulteurs du Midi nécessitent un traitement rapide. Il convient, dès lors, que l'ONIVINS puisse disposer des moyens financiers et humains suffisants.
Je me réjouis par ailleurs de l'amendement du Gouvernement concernant la revalorisation des crédits de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, mais j'y reviendrai tout à l'heure.
Je conclus, monsieur le ministre, en soulignant combien le groupe socialiste apprécie votre action qui, reconnaissons-le, traduit avec force votre volonté de donner à notre viticulture un nouvel élan pour les dix ans à venir. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. le rapporteur spécial, notre collègue Joël Bourdin, ayant précédemment détaillé l'analyse que fait le Sénat du projet de budget de l'agriculture pour 2002, je circonscrirai mon propos à l'enseignement agricole public et privé, ce dernier représentant 60 % des effectifs.
L'enseignement agricole démontre depuis longtemps son efficacité : c'est une seconde chance pour des enfants auquel l'enseignement classique ne correspond pas toujours ; c'est un formidable stimulant pour l'éducation nationale dans son ensemble, car l'enseignement agricole réussit à répondre tout à la fois aux besoins des jeunes et aux nécessités de l'économie du monde rural ; en outre, l'enseignement agricole a été le pionnier, avec succès, de la formation par alternance ; enfin, l'enseignement agricole est aussi un précieux outil d'aménagement du territoire, de proximité et de partenariat.
Dans ce budget, les crédits alloués à la formation, l'enseignement et la recherche s'élèvent à 1,17 milliard d'euros. Ils enregistrent une augmentation de 2,2 %, conforme à la progression générale des budgets civils.
Mais cette augmentation profite prioritairement à l'enseignement agricole public, sans cependant assurer pour autant tous ses besoins, notamment en matière de paiement des heures supplémentaires des titulaires ou des contractuels, de remplacement des enseignants et des ATOS, les personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de service, et, de façon plus générale, de rattrapage en termes de création de postes et de moyens des établissements.
Les crédits de l'enseignement agricole privé - enseignement technique et supérieur sous contrat - n'augmentent que de 1,3 %, soit deux fois moins que ceux de l'ensemble de l'agrégat.
Dès lors, une question simple s'impose : comment expliquer cette différence de traitement ? N'adoptez-vous pas la position de votre directeur général, qui veut rompre l'équilibre entre le public et le privé et passer outre le respect du libre choix des familles, auquel nous sommes, nous, très attachés ?
Nous ne voulons pas rallumer la guerre scolaire, monsieur le ministre, mais nous ne voulons pas non plus d'une concurrence débridée : nous voulons une saine émulation, une complémentarité.
Les personnels de l'enseignement agricole privé sont très inquiets, car le présent budget ne prend pas en compte leurs besoins et laisse de nombreuses interrogations en suspens. Or c'est la poursuite de la réussite de cet enseignement qui est menacée, alors que cette filière a toujours su s'adapter aux évolutions de notre agriculture et du monde rural et proposer une insertion professionnelle efficace.
Il s'agit, monsieur le ministre, de problèmes très concrets que je me permets de vous soumettre, en espérant obtenir des réponses circonstanciées.
Comment entendez-vous résorber la précarité dans laquelle se trouvent certains personnels enseignants des établissements privés sous contrat ? Je me suis d'ailleurs félicité d'entendre tout à l'heure notre collègue M. Piras vous interroger dans le même sens.
Comment seront financés les 320 postes mis en service à la rentrée 2000 ? Ces postes représentent en effet 7 % à 8 % du total des enseignants contractuels.
Quand le Gouvernement publiera-t-il le décret sur la cessation d'activité des enseignants contractuels ?
Ce dispositif pourra-t-il être mis en oeuvre à la prochaine rentrée scolaire ? Quels crédits sont prévus pour le financer ?
Autre point très important, les bases de calcul des subventions de fonctionnement des établissements à temps plein auraient dû être réévaluées dès 1998, comme vous en aviez pris l'engagement en avril 2001. Depuis, une seule réunion s'est tenue, en novembre dernier, et pas un centime n'est inscrit dans le budget. Pourquoi ?
Enfin, rien n'est prévu pour les bourses d'internat.
Je ne pense pas, monsieur le ministre, que vous vous livriez immédiatement aux corrections budgétaires qui permettraient de répondre positivement à toutes ces questions. Vous ne l'avez d'ailleurs pas fait à l'Assemblée nationale. Toutefois, je ne désespère pas que vous puissiez nous apporter des éclaircissements : vous avez déclaré vouloir appliquer toute la loi, rien que la loi ; nous aussi, monsieur le ministre, et nous attendons des réponses précises ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà du volume d'un budget agricole pour 2002 manifestement insuffisant et de mesures largement inadaptées aux crises qui secouent actuellement notre agriculture, je voudrais dénoncer la dérive de la politique agricole du Gouvernement. Force est de constater, en effet, que nous n'avons plus aujourd'hui de politique agricole crédible, faute de reconnaître à l'agriculteur son rôle d'acteur économique à part entière.
L'image d'une profession administrée, vivant de subventions, d'agriculteurs devenus des « animateurs du paysage », à l'activité « multifonctionnelle », s'aggrave auprès de l'opinion, décourage les producteurs et dégrade profondément la vocation réelle qui leur est dévolue au sein de notre économie.
Le Gouvernement a pris le parti de marginaliser l'agriculteur, négligeant toute la réalité de sa dimension économique : son rôle de chef d'entreprise, son souci de rentabilité, sa participation à un marché soumis à la concurrence. C'est tout l'esprit de la loi d'orientation agricole de 1999, que nous avions vigoureusement combattue ici-même et qui tend à reléguer l'agriculture à un stade bien plus environnemental - avec émiettement de subventions sur des objectifs écologiques - que compétitif.
Nous refusons résolument cette dérive, monsieur le ministre, et nous nous prononçons pour une vision opérationnelle de l'agriculture française !
Cela suppose notamment de fortes incitations fiscales, permettant, par exemple, aux éleveurs de pouvoir moderniser leur exploitation en réalisant des investissements en matière de traitement des déjections animales.
Au cours de l'examen de la première partie de la loi de finances pour 2002, j'ai déposé un amendement en ce sens, visant à accorder un crédit d'impôt à ces éleveurs, amendement au coût budgétaire très raisonnable et dont l'effet aurait été certain en termes de rentabilité. L'enjeu était vital pour bien des régions, et les producteurs, sensibilisés et responsables, auraient trouvé là un juste soutien à leurs efforts louables en matière d'environnement.
J'ai été très déçu du refus catégorique qui a été opposé à cette initiative, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, de la part du ministre, qui a déclaré que l'instrument fiscal n'était pas approprié ! C'est tout le contraire ! Ces incitations fiscales envers les agriculteurs seraient particulièrement opportunes pour leur permettre d'affronter les marchés cycliques auxquels ils sont soumis. Je déplore cette absence totale de considération fiscale à l'égard du monde agricole.
C'est en définitive toute la réflexion sur l'avenir de notre ruralité qui se pose ici. Y croit-on encore à cette ruralité composée de villages, de territoires, où existe une forte homogénéité entre les filières de production et les services ? C'est elle qui façonne le tissu économique et social de notre pays.
Ne pas permettre à ses acteurs de vivre de leur travail, leur refuser la reconnaissance d'un rôle autonome, c'est condamner tout un aspect de notre ruralité, de notre identité.
Il n'y a aucune nostalgie dans mes propos, bien au contraire, il faut y voir un réalisme de terrain ! Le secteur agricole gère encore 85 % de notre territoire ; le nombre total d'emplois induits par l'agriculture s'élève à près de 3,5 millions et le secteur agro-alimentaire est le secteur qui enregistre le plus gros excédent commercial ; ce sont les réalités de cette ruralité que je souhaite rappeler !
J'évoquerai un des aspects de cette ruralité : l'enseignement agricole privé, qui a été, il faut le rappeler, un élément moteur de l'évolution du monde agricole. Or ce secteur est en crise, les enseignants des établissements agricoles privés sous contrat souffrant d'un statut précaire et d'une situation discriminatoire par rapport à leurs collègues de l'enseignement public : création de postes sans abondement de crédits, décret d'application sur l'allocation de cessation d'activité aux oubliettes, personnels sous-classés, concours inadaptés, les griefs sont nombreux.
On comprend l'inquiétude de ces enseignants, qui participent notablement à la performance de nos agriculteurs, et celle des étudiants, parmi lesquels le nombre de boursiers reste élevé, qui ne pourront assurer leur avenir sans un soutien équitable de l'Etat. Là encore, nous déplorons le désengagement du Gouvernement.
Je suis convaincu, et je le regrette, monsieur le ministre, que nous n'avons pas la même vision de l'agriculture ni la même ambition pour elle.
Je citerai un chiffre pour illustrer mon propos : alors que votre budget recule de 1 %, voire de 2 % à franc constant, vous prévoyez d'augmenter les charges de fonctionnement de votre administration de 4 % ! C'est là toute la différence qui existe entre, d'une part, notre volonté d'asseoir le monde agricole dans sa vocation économique et compétitive sur le plan international, seule garantie d'une valorisation durable de notre espace agricole et de création d'emplois, et, d'autre part, votre souhait de fonctionnariser l'agriculture, gestionnaire de contraintes sociales et environnementales. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi, M. le rapporteur, suivi par la majorité de la commission, a donné un avis défavorable sur ce budget.
Je dois dire que ce n'est pas une surprise ! Depuis le début du débat budgétaire, tous les budgets proposés par le Gouvernement, qu'ils soient stables ou en augmentation de 10 %, voire plus, sont rejetés par notre assemblée.
La raison principale c'est, bien sûr, la proximité des élections, nous l'avons tous bien compris ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
En effet, en cherchant à analyser au fond le budget de la pêche, j'ai cherché en vain les motifs de ce refus. En revanche, j'ai trouvé pas mal de contradictions dans les raisons qui motivent cet avis négatif !
Mais venons-en au fond.
L'agriculture, dont nous parlons depuis ce matin, est un dossier éminemment difficile, la pêche ne l'est pas moins, les deux étant fortement tributaires de la politique européenne et de ses décisions.
Comme le note M. le rapporteur spécial, le budget pour la pêche est modeste, si l'on se réfère à l'ensemble du budget de l'Etat, mais, derrière les chiffres, il y a des hommes et des femmes qui vivent de cette activité ; il y a des territoires dont l'avenir en dépend.
Au nom du groupe socialiste, je souhaite aujourd'hui être leur porte-parole.
Malgré des moments de crise extrême - je pense au début des années quatre-vingt-dix - malgré des années noires - je pense à 1999, avec le naufrage de l' Erika, puis la tempête - enfin, malgré l'augmentation du prix du gazole, les professionnels se battent et vous font confiance, monsieur le ministre, pour la défense de leur outil de travail, de leur avenir.
Ils ont du courage, ils ne sont pas défaitistes, à l'image de certains politiques ; au contraire, ils avancent des propositions. C'est en tout cas ce que je retiens des discussions que j'ai pu avoir avec eux. Ils m'ont dit qu'ils devaient vous rencontrer hier, monsieur le ministre. Je pense que cette rencontre a eu lieu.
Je crois beaucoup à la concertation, au partenariat entre gouvernement, élus, chercheurs et professionnels de la filière. C'est indispensable pour apporter des solutions à un milieu qui en a besoin, tant la situation, il faut le reconnaître, est difficile.
L'élément essentiel, bien sûr, est la préservation de la ressource et sa gestion.
Je rappelle au passage que, à partir de l'an prochain, de nouvelles orientations de la politique commune des pêches, la PCP, vont entrer en vigueur, à la suite de la concertation menée sur la base du Livre vert. A ce sujet, monsieur le rapporteur est d'accord avec vous, M. le ministre, et adopte les mêmes positions que vous.
Il dit « non » à la réduction de 40 % de la flotte à travers un nouveau programme d'orientation pluriannuel, le POP. Car cela suffit ! Les précédents POP ont montré leur inefficacité quant à la préservation de la ressource.
En revanche, il acquiesce à une gestion pluriannuelle des TAC, les totaux admissibles de captures, et des quotas. Rappelons que cette idée fait son chemin au niveau européen, à la suite de votre proposition alors que la France assurait la présidence de l'Union européenne.
J'évoquais à l'instant les partenariats : je mentionnerai celui qui doit exister entre chercheurs et professionnels, ce qui n'est pas le cas actuellement. C'est dommage car les professionnels peuvent apporter des solutions techniques et technologiques grâce à leur savoir-faire et à leur expérience. Il faudra veiller à les impliquer le plus possible dans ce processus.
Des techniques diverses sont envisageables pour préserver la ressource : sélectivité des engins de pêche, arrêt temporaire de pêcheries, etc. Le contrat quadriennal envisagé entre l'Etat et l'IFREMER, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, contribuera certainement à faire avancer ce dossier.
Je citais récemment, en réunion de commission, l'exemple de la coquille Saint-Jacques en baie de Saint-Brieuc, qui est l'objet d'une expérience intéressante, peut-être à renouveler sur d'autres espèces. Préserver la ressource c'est, bien sûr aussi, soutenir une profession.
Pour cela, il faut permettre la construction de bateaux, ce qui améliorera la sécurité et les conditions de travail. La profession sera ainsi plus attractive pour les jeunes, qui font cruellement défaut.
Il faut également mettre en place une formation mieux adaptée, qu'il s'agisse du baccalauréat professionnel, de la qualification par alternance ou de la prise en compte des acquis professionnels. A ce propos, je me pose une question très concrète : pourquoi ne pas reconnaître les compétences de mécaniciens généralistes plutôt que d'imposer une formation exclusive et obligatoire de mécanicien à la pêche ?
Des progrès peuvent encore être faits en augmentant les formations de terrain, sur des bateaux-écoles comme le suggère le comité régional des pêches en Bretagne, mais aussi en améliorant l'image de marque des produits de la mer, leur qualité, leur traçabilité, en modernisant les criées et en améliorant la politique de filière, tout cela à travers la politique de l'OFIMER, l'Office national interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture, né de la loi d'orientation de la pêche de 1997.
Puisque j'évoque cette loi, qu'a défendue votre prédécesseur, M. Louis Le Pensec, j'ajouterai quelques mots sur les avancées réalisées depuis quelques années en matière de politique sociale : statut du conjoint, qui me tient particulièrement à coeur ; réduction du temps de travail ; SMIC maritime ; cotisations maladie ; accès au métier via les contrats d'adaptation et d'orientation. Nous sommes quelques parlementaires à avoir travaillé sur ces dossiers, notamment à propos de la loi de modernisation sociale.
Ces mesures contribuent à l'amélioration du sort des marins. C'est un premier pas vers une revalorisation de ce métier difficile et dangereux.
Vous connaissez l'importance de l'activité pêche dans ma région, la Bretagne. Elle représente 40 % de la puissance totale des navires, même si en un peu plus de dix ans, malheureusement, la flotte a perdu 44 % de ses unités. Il s'agit, comme dans le reste de la France d'ailleurs, très majoritairement de petite pêche, celle qui génère le plus d'emplois et épuise le moins la ressource.
Parmi les suggestions faites par le conseil régional de Bretagne, j'ai noté l'institution des CTE-pêche, de façon à garantir, à la fois, une pêche durable et la protection de l'environnement. Je me réjouis particulièrement que cette mesure, tant décriée lors de sa mise en place en agriculture, soit maintenant appelée à se généraliser dans d'autres domaines. Elle est réclamée par ceux-là même qui s'y opposaient. Les adversaires d'alors étaient dans l'erreur !
Je pense qu'ils ont tort à nouveau aujourd'hui en refusant votre budget, qui est stable. En effet, les crédits de fonctionnement augmentent légèrement, les crédits d'intervention restent à un montant identique à l'an dernier et les crédits d'investissement sont en hausse si l'on tient compte des reports de crédits disponibles.
La position de la France à Bruxelles est claire et reconnue ; les choses avancent malgré les difficultés. A ne considérer que l'intérêt général, je crois qu'un appui franc et massif de la représentation nationale pour les négociations qui vous attendent à Bruxelles aurait été le bienvenu. Hélas ! des considérations électoralistes en décident autrement.
En tout cas, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur le groupe socialiste pour continuer à vous appuyer dans la démarche courageuse qui est la vôtre. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont. Monsieur le ministre, plusieurs de mes collègues sont intervenus avant moi pour relever la diminution du montant de votre budget de 0,70 %. Pour ma part, je concentrerai mon propos sur une saine trilogie : la forêt, l'élevage et le cognac.
Aujourd'hui, alors que l'on parle encore beaucoup, et à juste titre, des conséquences dommageables de la pollution des côtes françaises due au naufrage de l' Erika, on oublie les dévastations qui ont été causées à la forêt par la tempête du mois de décembre 1999 et les problèmes graves qui en ont découlé. Je voudrais encore rendre hommage à l'effort réalisé par le Gouvernement, en partenariat avec les collectivités locales, pour venir en aide à la forêt, permettre l'écoulement des bois chablis, faciliter le nettoyage et la replantation.
Nous éprouvons cependant aujourd'hui, dans notre région, une grande inquiétude, car 60 % des chablis sont encore à terre. Or vous avez prolongé jusqu'à la fin du mois l'aide au transport mais celle-ci ne sera plus renouvelée. Nous le déplorons profondément, car cette aide a permis à des exploitants forestiers d'intervenir sur de petites surfaces. Si elle disparaît, faute de débouchés locaux pour les chablis, certaines parcelles seront définitivement condamnées car, jamais nettoyées, elles ne seront jamais replantées.
Monsieur le ministre, il est évident qu'il est imposible de nettoyer, puis de replanter si le bois tombé n'a pas été évacué auparavant. De ce fait, les aides de l'Etat ne pourront être utilisées !
Je voudrais également exprimer un souhait, celui de voir votre ministère reprendre le contrôle des plans de chasse le plus tôt possible. En effet, à partir du moment où l'on replante des surfaces importantes, il est indispensable de maîtriser la population de grand gibier - nous savons quels dégâts ces animaux peuvent causer à de jeunes plantations ! - en particulier celle des chevreuils. Sinon, ce sont des hectares entiers, replantés grâce à l'argent de l'Etat, qui risquent d'être dévastés. Je vous demande donc d'organiser la nécessaire concertation entre vos services et ceux du ministère de l'environnement. Là encore, il s'agit de sauvegarder, dans l'intérêt de tous, les fruits de l'effort très important qui a été consenti.
J'en viens au deuxième volet de mon intervention.
J'ai déjà attiré votre attention, lors d'une séance de question orale au printemps dernier, sur le préjudice grave que subissent aujourd'hui les éleveurs, surtout ceux du bassin allaitant. Les mesures qui sont entrées en vigueur au printemps dernier ne permettaient pas d'indemniser ces éleveurs. Or le problème perdure. La consommation a chuté de 10 % à 15 % dans notre pays et les prix sont très bas. De surcroît, nos exportations vers nos débouchés traditionnels que sont l'Italie et l'Espagne ont baissé de 40 %, ce qui est particulièrement préoccupant, car les pertes de revenus qu'enregistrent certains éleveurs sont très importantes et, faute de débouchés pour les jeunes bovins, nombre d'entre eux risquent de voir leur exploitation mise en péril.
Lorsque nous interrogeons vos services sur cette question, ils n'hésitent pas à nous répondre que le problème n'est pas si grave puisque les éleveurs paient leurs charges sociales, leurs impôts et qu'ils n'ont pas de découvert bancaire... Si les éleveurs s'efforcent effectivement d'acquitter leurs charges sociales, il n'en demeure pas moins que leur situation financière est des plus préoccupantes. De nombreuses exploitations vont se trouver en difficulté si des mesures ne sont pas prises pour les aider à retrouver des marchés à l'exportation. A défaut, ils devront renoncer, et c'est notre territoire qui sera laissé à l'abandon.
S'agissant du cognac, nous avons voté récemment un avenant au contrat de plan. Je me félicité que l'Office national interprofessionnel des vins, l'ONIVINS, ait accepté d'accompagner la région, qui met 45 millions de francs sur la table : l'ONIVINS a en effet ajouté 5 millions de francs aux 15 millions de francs qu'il avait initialement versés pour permettre l'arrachage et favoriser la diversification.
Nous souhaitons cependant que l'Etat permette à l'ONIVINS d'intervenir à parité avec la région pour lutter contre les surplus et encourager l'arrachage, favoriser la diversification et les restructurations, de manière à sauver cette activité qui est essentielle pour notre région. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Besse.
M. Roger Besse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me bornerai, au terme de ce débat, à quelques observations, assorties de trois questions : sur la crise bovine, sur les contrats territoriaux d'exploitation et sur la politique de la montagne.
Le 9 octobre dernier, les sénateurs du Massif central, tous groupes politiques confondus, se sont réunis au Sénat. Un communiqué commun insistant sur la gravité de la crise bovine a été rédigé et une demande d'audience vous a été adressée, monsieur le ministre, sous couvert de M. le Premier ministre.
Le 29 octobre, le Premier ministre a répondu à une question de notre collègue Pierre Jarlier, en précisant qu'il vous priait d'organiser une réunion avec une délégation de sénateurs des départements concernés. Or quelle ne fut pas ma surprise et celle des sénateurs des autres groupes politiques lorsque nous avons appris par la presse que, le 22 novembre, vous aviez accepté de recevoir une délégation de... sénateurs centristes ! (Rires et exclamations.) J'en suis heureux pour eux ! Ainsi donc, monsieur le ministre, vous choisissez vos interlocuteurs, privilégiant les uns et rejetant les autres et, en qualité de ministre de l'agriculture, séparant le bon grain de l'ivraie ! (Nouveaux rires.)
M. Dominique Braye. Et se dérobant !
M. Hilaire Flandre. C'est le clientélisme du Gouvernement !
M. Roger Besse. C'est votre droit, mais c'est aussi votre responsabilité !
Permettez-moi toutefois de vous demander pourquoi un sénateur socialiste, communiste ou RPR se verrait refuser le droit à l'information sur un problème majeur.
Diviser pour régner est une pratique politique courante. Venant de vous, elle me déçoit, monsieur le ministre.
M. Hilaire Flandre. Tactique électorale !
M. Roger Besse. Mais ce n'est pas l'essentiel. (Ah ! sur les travées socialistes.)
Depuis plus d'un an maintenant, les éleveurs de la filière bovine sont confrontés à une crise sans précédent. Certes, monsieur le ministre, vous avez pris des mesures intéressantes, notamment de sécurité sanitaire, qui portent leurs fruits.
Mais force est de constater que les effets collatéraux de la crise, à savoir la baisse dramatique de cours, à laquelle s'ajoute la fermeture des débouchés pour les animaux, ont provoqué des pertes de revenus considérables pour les éleveurs de races à viande, concentrés, pour 40 % d'entre eux, dans le grand Massif central.
Depuis des mois, vous êtes informé et alerté de cette situation, tant par les organisations agricoles que par les élus. Or, monsieur le ministre, qu'avez-vous fait ? Vous avez annoncé que vingt-trois initiatives nouvelles allaient venir renforcer le dispositif communautaire. Vous avez lancé une enquête auprès des directions départementales de l'agriculture de manière à pouvoir analyser la situation. Vous attendez le rapport de l'ingénieur général Mordant pour annoncer vos décisions. Tout cela est très bien mais, vous le savez, le temps presse !
Comme l'a opportunément rappelé le rapporteur spécial, M. Joël Bourdin, une exploitation sur quatre est menacée de faillite dans le secteur allaitant. Les éleveurs vivent sous la pression constante des caisses de crédit agricole, qui réclament leur dû et menacent de couper les vivres dans les prochains jours.
Au-delà des mesures indispensables de dégagement des marchés, il est impératif et urgent - il faut que ce soit avant l'hiver ! - d'apporter une aide financière directe pour compenser les pertes de revenus, chiffrées à 1 200 francs par vache allaitante, si l'on tient compte des aides gouvernementales déjà acquises. A cette mesure devraient bien sûr s'ajouter des remises d'annuité d'emprunt.
Ma question est double, monsieur le ministre. Avez-vous entendu le message de détresse des éleveurs ? Avez-vous une exacte conscience du fait que le troupeau allaitant est le socle de l'économie de montagne et que sa présence répond aux exigences de l'aménagement du territoire ?
M. Jacques Blanc. Absolument !
M. Roger Besse. Etes-vous prêt à annoncer, avant la fin du mois, les mesures que l'équité et le bon sens imposent ? De vos réponses concrètes dépend l'avenir d'une part importante du monde rural.
Le deuxième problème que je souhaite brièvement soulever concerne les CTE.
Le concept de CTE, l'un des piliers de votre politique agricole, est innovant et original. Trois ans après son lancement, on ne peut pas le qualifier de franc succès. Seuls 19 000 CTE ont été validés et, selon mes informations, 14 000 seulement ont été signés à ce jour.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Vous avez du retard !
M. Roger Besse. Or les objectifs affichés étaient beaucoup plus ambitieux puisque, il y a trois ans, c'est le chiffre de 100 000 qui était annoncé pour le deuxième trimestre 2002.
Pourtant, dans les départements, la chasse aux CTE est ouverte (Sourires) et vos services, monsieur le ministre, s'activent, sollicitent les agriculteurs, les encouragent, font tout pour les persuader que leur intérêt est de signer un CTE.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Devraient-ils leur expliquer que ce n'est pas bien ?
M. Roger Besse. Force est de constater que le coeur n'y est pas ! Pourquoi ? Le revenu des agriculteurs ne cesse de baisser : 6,5 % en 1999, de 3 % en 2000. Quelle catégorie socioprofessionnelle pourrait supporter un tel régime ?
De plus, le système des CTE est d'une très grande complexité et la philosophie qui le sous-tend est peu lisible et technocratique.
Les agriculteurs, notamment ceux des zones de montagne, considèrent les CTE comme un pis-aller. Ils y voient un moyen de compenser leurs pertes de revenus ; ils y viennent à reculons et, hélas ! acceptent parfois des projets mal adaptés. En un mot, ils se résignent à être encore et toujours subventionnés, assistés, dans l'espoir de survivre, dans l'attente de jours meilleurs leur permettant de vivre correctement de leur métier. Ecrasés par la crise, ils n'ont plus de projets, ils ne savent plus où ils vont, moins encore où l'on veut les mener. Tous nous disent : « Nous passons plus de temps à remplir des papiers qu'à travailler sur nos exploitations ! »
MM. Jacques Blanc et Patrick Lassourd. Eh oui !
M. Roger Besse. Dans ma commune, deux jeunes agriculteurs installés depuis trois ans viennent de me faire savoir qu'ils ont décidé de renoncer à leur activité sur des terres familiales qui ont pourtant nourri des générations.
De plus, les CTE provoquent la course aux hectares pour abaisser le taux de chargement, avec, pour corollaires, la flambée du prix du foncier et la chute du nombre des installations, celle-ci étant d'ailleurs confirmée par la baisse de 11 % des dotations réservées aux jeunes agriculteurs.
Monsieur le ministre, ma question est simple : pouvez-vous, voulez-vous simplifier les procédures concernant les CTE afin de rendre ce concept, qui me semble bon par ailleurs (Ah ! sur les travées socialistes) , plus opérationnel, plus accessible et plus lisible. En d'autres termes, pouvez-vous, voulez-vous faire plus simple et moins bureaucratique, ce qui aurait aussi pour effet bénéfique de réduire les charges de fonctionnement de votre administration, qui vont augmenter de 4 % alors même que votre budget est en régression.
J'en viens à la politique de la montagne.
L'indemnité spéciale montagne, l'ISM, constitue un pilier essentiel de la politique de la montagne et représente, dans certains départements, près de 10 % de la valeur de la production agricole et un tiers des aides à l'agriculture.
L'ISM fait partie des indemnités compensatrices de handicaps naturels, qui ont changé de nature en 2001 pour devenir une mesure agri-environnementale.
Une fois encore, je le constate, ces nouvelles dispositions sont extrêmement techniques et complexes. Il m'est impossible d'entrer dans le détail, mais chacun sait que certaines d'entre elles défavorisent les petites exploitations ayant un chargement supérieur à une UGB.
Cette situation pourrait être corrigée en augmentant en 2002 le montant moyen des aides accordées pour les vingt-cinq premiers hectares de chaque exploitation. L'enveloppe nécessaire à cet accroissement peut être trouvée en affectant à l'ICHN les 200 millions de francs réservés en 2001 et que vous avez bien voulu promettre pour 2002.
Monsieur le ministre, j'espère que vous accepterez de corriger cette grave distorsion consécutive à la réforme de l'ICHN, distorsion qui pénalise lourdement et injustement les petites exploitations. Comme le dit la chanson : « Les montagnards sont là ! » Ils vous demandent, monsieur le ministre, de tenir vos engagements, tous vos engagements et, d'avance, ils vous en remercient. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord répondre brièvement à propos des chiffres puisque vous vous êtes tous plu à décortiquer les chiffres du budget.
Il est vrai que le budget de mon ministère baisse très légèrement, mais cette baisse est toute relative puisqu'elle est due, pour l'essentiel, à la baisse de 688 millions de francs qu'enregistre la ligne des bonifications des prêts agricoles, résultat mécanique de la baisse des taux d'intérêt, dont, je le suppose, vous devez tous vous réjouir ici.
M. Roland du Luart. Vous aussi !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Nous nous réjouissons donc tous ensemble dans une belle unanimité, monsieur le sénateur !
Si l'on retire cette baisse mécanique de 688 millions de francs due à la baisse des taux d'intérêt, le budget augmente de 1,4 % et, dès lors, tous les raisonnements fondés sur la diminution des crédits destinés à l'agriculture tombent d'eux-mêmes !
Toujours s'agissant des chiffres, vous avez dit que ce projet de budget ne comporterait aucune mesure qui soit à la hauteur des crises, notamment la crise bovine ou la crise viticole.
Or, cet argument traditionnel très politique - voire polémique, au fond - est démenti par l'histoire de la gestion des crises depuis des décennies par des gouvernements de droite ou de gauche. Aucun gouvernement n'a inscrit les crédits de gestion de crise dans une loi de finances initiale. Par exemple, au mois de février dernier, j'ai octroyé au secteur bovin 1,2 million de francs. Ce crédit ne figurait pas dans la loi de finances initiale pour 2001. Je n'étais évidemment pas en mesure alors de définir ce qui serait fait trois ou quatre mois après.
De la même façon, vous ne trouvez pas dans ce budget ce qui sera décidé dans quelques semaines pour la filière bovine. Et vous chercherez vainement dans la loi de finances de l'année dernière ce qui a été mis en oeuvre pour la filière viticole depuis le mois de septembre.
De gouvernement en gouvernement, de crise en crise, ce sont les lois de finances rectificatives qui, par définition, permettent de dégager les moyens de gestion de crise. Ce ne sont pas des moyens budgétaires que l'on peut programmer d'année en année. Cet argument-là tombe comme les autres.
J'évoquerai maintenant les deux crises qui résument l'actualité agricole.
La crise bovine est sûrement beaucoup plus grave que celle de 1996 parce que les cours et la consommation se sont effondrés plus profondément et plus durablement et les conséquences économiques, sociales et psychologiques de cette crise sont très lourdes pour l'ensemble de la filière bovine.
Je ne vais pas vous présenter toutes les mesures que nous avons prises pour gérer cette crise depuis un an maintenant. Pour moi, cette crise est triple.
C'est d'abord une crise économique et sociale, qui place un certain nombre d'éleveurs bovins, notamment ceux du bassin allaitant, dans une situation particulièrement dramatique. Il s'agit là d'une réalité objective que personne ne doit sous-estimer, ni vous, ni le Gouvernement, ni l'opinion qui considère ces agriculteurs avec amitié, mais qui doit aussi faire preuve de solidarité à leur égard.
Ensuite, c'est une crise de confiance de ces agriculteurs qui se demandent, crise après crise, ce que la société attend d'eux et si leur métier a encore un sens. Les éleveurs bovins s'interrogent : « A quoi bon faire, avec passion, un métier d'éleveur, notamment dans le bassin allaitant, si les consommateurs n'achètent plus de viande bovine ? » Cette défiance pose encore un problème et c'est à cause de lui que nous ne sommes pas encore totalement sortis de la crise, loin de là.
Enfin, la troisième crise, c'est une crise de perspectives, notamment pour le bassin allaitant. C'est ce bassin qui permet à une activité agricole, l'élevage, de se développer dans diverses régions, en particulier dans le grand bassin allaitant que l'on assimile au grand Massif central même s'il y a des élevages allaitant ailleurs.
M. Gérard Braun. Dans les Vosges ! (Sourires.)
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Il lui permet de se développer dans la durée dans des régions qui, sans cette activité, seraient complètement abandonnées.
En plus de l'élevage extensif, ce bassin s'est spécialisé année après année dans l'exportation des maigres et des broutards que l'Italie ou l'Espagne engraissent et ces pays réalisent une plus-value sur notre dos. Le grand bassin allaitant, qui représente une grande force pour nos agriculteurs, est une grande faiblesse, en cas de crise, quand les frontières se ferment.
Les éleveurs du bassin allaitant sont en droit de se demander quelles perspectives s'ouvrent à eux dans les années à venir si, tous ensemble, pouvoirs publics, représentation nationale et professionnelles, nous ne sommes pas capables de tirer les leçons des crises successives.
Il s'agit donc d'une crise grave, et il y a encore du travail à accomplir, car nous ne sortirons de cette crise que lorsque les équilibres seront rétablis entre l'offre et la demande et lorsque le marché ne sera plus en surproduction. Je note des progrès, des frémissements ces dernières semaines, ces derniers jours. Selon les derniers contacts que j'ai eus avec l'interprofession, on semble apercevoir le bout du tunnel. Mais je considère que nous sommes encore dans la crise et qu'il faudra faire preuve de solidarité dans les semaines à venir.
Que va-t-il se passer maintenant ? Je commencerai par démentir les propos que j'ai entendus ici ou là sur l'enquête détaillée que j'ai demandée à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, pour avoir une vue plus précise de la situation réelle de la filière bovine en France. Je voulais savoir où se trouvaient les surplus ; où étaient les difficultés. Mon idée était de sortir des raisonnements globaux, macroéconomiques pour connaître la situation des éleveurs.
J'ai demandé cette enquête parce que j'avais l'intuition, et cela a été confirmé, que la situation des éleveurs étaient très hétérogène. Ceux qui sont sous label rouge, qui ont des sigles de qualité, les éleveurs dits « bio » sortent de cette crise sans aucune égratignure alors que d'autres sont en difficulté, notamment dans le bassin allaitant.
L'enquête a été menée dans la plus grande transparence ; les résultats ont été communiqués aux organisations professionnelles, aux parlementaires et à la presse. L'enquête ne sous-estime en rien la crise. Quand on procède à une analyse consistant à dire où est le mal, on ne fait pas précisément preuve d'optimisme. On fait preuve de raison, car il s'agit de guérir le mal.
L'enquête nous montre que les plus en difficulté sont les naisseurs, les engraisseurs, les jeunes qui viennent de s'installer récemment.
Les plus grandes difficultés se rencontrent chez ceux qui cumulent ces caractéristiques.
Dans la filière ils sont de 40 000 à 50 000 éleveurs en grande difficulté. Ce sont ceux-là que je veux aider !
M. Hilaire Flandre. Il n'y avait pas besoin d'une étude pour le savoir !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Dans ces conditions, pourquoi me propose-t-on d'aider tout le monde, de mettre en place des primes à l'abattage ou des mesures du même genre ?
Si vraiment cela saute aux yeux, pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt ? Quand je l'ai dit, on m'a contesté ! Pour ma part, je ne m'inscris pas dans une logique qui consisterait à aider tout le monde indifféremment.
Si cela saute aux yeux, donnez-moi votre soutien, et j'en serai fort satisfait.
Ciblons notre action sur les éleveurs les plus en difficulté. J'ai annoncé que je prendrai mes décisions avant Noël sur la base de l'enquête effectuée, qui fait maintenant l'objet d'une concertation avec l'interprofession. J'ai rendez-vous avec des représentants de la filière bovine le 13 décembre prochain. Ce jour-là j'annoncerai, comme prévu et comme promis, un nouveau plan ciblé sur les 40 000 ou 50 000 éleveurs qui en ont le plus besoin.
Nous devrons savoir tirer les leçons de cette crise sur le plan national et sur le plan européen.
Au niveau national, j'ai demandé à l'ingénieur général Mordant de faire une enquête sur le bassin allaitant. Celui-ci a rencontré, dans vos départements, les professionnels et certains d'entre vous.
Nous devons réfléchir ensemble à l'avenir du bassin allaitant, qui représente à la fois une grande force et une grande faiblesse. Nous devons ensemble ouvrir des perspectives pour pouvoir le « défragiliser », c'est-à-dire le mettre à l'abri de ces secousses régulières qui peuvent à la longue lui être fatales.
Au niveau européen, il faudra réformer l'organisation commune des marchés de la filière bovine.
Nous devons nous interroger sur la maîtrise de la production. Personne ne sait à quel niveau se situera la consommation à l'issue de la crise. Il faudra réfléchir à l'élevage extensif de façon à mieux l'intégrer dans les dispositifs communautaires.
La politique agricole commune est fixée budgétairement de 2000 à 2006, mais elle sera révisée dans le même cadre budgétaire en 2003. il faudra alors tirer les leçons de cette crise pour l'OCM bovine. Ne pas le faire serait irresponsable.
La filière bovine reste la principale de nos préoccupations aujourd'hui. Le 13 décembre, j'annoncerai le plan qui fait encore l'objet de discussions avec les professionnels. Mais il s'agira d'une nouvelle manière d'exprimer la solidarité nationale envers la filière bovine.
J'en viens maintenant à la crise viticole. Là encore, évitons les polémiques politiciennes, mais je sais qu'ici on ne fait que de la politique.
M. Roland Courteau. Bravo !
M. Dominique Braye. C'est bien de le reconnaître !
M. Serge Vinçon. La nuance est d'importance !
M. le président. C'est un bel hommage que vous nous rendez, monsieur le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je le disais avec un sourire.
M. Jacques Blanc. Surtout lorsqu'il est question de vin.
M. Dominique Braye. Tout se fait avec le sourire, ici !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Il n'y a ici que des sourires, dans un éternel ravissement !
Si j'ai tenu certains propos à Bordeaux ou au Japon, je souhaiterais, monsieur Blanc, que vous les citiez intégralement. J'ai dit que les viticulteurs français, en particulier dans le Languedoc-Roussillon, avaient conduit une réflexion culturelle admirable depuis une vingtaine d'années.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Roland Courteau est témoin de ce que je dis et je rends hommage à son objectivité. (Exclamations et sourires sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Courteau. Merci !
M. Hilaire Flandre. C'est normal, il est socialiste ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Vous voyez, on peut sourire...
M. Dominique Braye. Oui, mais vous venez de tout gâcher !
M. Gérard César. Pourtant, c'était bien parti !
M. Hilaire Flandre. Et cela finit mal !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. En tout cas, il connaît bien la situation de la filière viticole. Je crois à son objectivité parce qu'elle est fondée sur la connaissance.
M. Dominique Braye. Parce que Gérard César ne l'a pas ?
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Je suis rapporteur pour avis pour l'ensemble de l'agriculture !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Si l'on n'avait que les problèmes viticoles qu'il connaît à Bordeaux, on pourrait vite se mettre d'accord ! (Sourires.)
La révolution culturelle dans cette filière viticole a donné lieu, depuis vingt ans, à des efforts considérables, en Languedoc-Roussillon notamment, pour restructurer les vignobles, les caves coopératives, rénover les pratiques oenologiques et dynamiser les pratiques commerciales.
Ce travail n'était pas achevé. Depuis quelques années, grâce à des vendanges assez exceptionnelles et à des prix qui se tenaient bien, certains ont cru être sortis de ce tunnel et ont relâché leurs efforts.
Dans certaines zones, à quelques kilomètres de distance, il y a des caves coopératives qui ont fait des efforts et qui s'en sortent très bien en termes de prix, de revenus pour les viticulteurs et de commercialisation, et d'autres qui ne s'en sortent pas bien. Simplement, on voit celles qui ont investi dans le savoir-faire humain, technologique et commercial et dans la restructuration des vignobles.
Il reste donc du travail. Grosso modo, on sait qu'une petite centaine de milliers d'hectares nécessitent une restructuration. On connaît les caves qui doivent être modernisées.
Le devoir des responsables politiques, monsieur Jacques Blanc, n'est pas de demander des crédits pour distiller. C'est au contraire de se demander s'il est responsable de continuer à distiller année après année en faisant en sorte que les viticulteurs vivent sous perfusion avec l'argent des contribuables pour fabriquer de l'alcool qu'ils seront condamnés à distiller.
Oui ! nous allons distiller parce qu'il y a des surplus. Mais notre devoir c'est de reprendre la marche en avant de la modernisation du vignoble, des caves, des pratiques...
M. Jacques Blanc. C'est ce que nous disons tous les jours !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je suis heureux que vous nous rejoigniez enfin !... (Exclamations sur les travées du RPR ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye. C'est vous qui nous rejoignez, monsieur le ministre !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Sur ce sujet, je ne suis pas sûr que ceux qui ont été les plus courageux soient exactement du côté que vous croyez !
M. Jacques Blanc. Moi, je sais où ils sont !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. On fera la comparaison quand vous le voudrez, monsieur Blanc.
En tout cas, j'ai pris des engagements le 25 septembre, qui ont tous été tenus dans les délais prévus. M. Jacques Blanc, qui évoquait une déclaration du commissaire européen, M. Fischler, dans le Midi libre de ce matin, je répondrai que je n'ai pas encore transmis la demande de distillation de crise à Bruxelles, parce que j'attends des informations précises.
Ce n'est qu'à ce moment-là que je pourrai savoir ce qu'il faut demander en distillation de crise. Or je ne le saurai que dans quelques jours. De toute façon, le rendez-vous est pris pour le 18 décembre au Conseil de l'agriculture.
Je suis donc, là encore tout à fait dans les délais que je m'étais fixés et qui sont des délais classiques dans des situations de ce genre.
Il est donc tout à fait normal que le commissaire Fischler n'ait pas reçu ma demande. Mais je peux vous assurer qu'il s'attend à la recevoir, comme il s'attend à recevoir celles des ministres italien, espagnol ou portugais.
Concernant cette filière viticole, je veux redire mon engagement total et résolu pour sortir de cette crise de la manière responsable que je viens d'indiquer. Il faut à la fois traiter les problèmes du court terme avec la distillation pour faire face aux excédents et les situations difficiles. A cet égard, j'ai pris les dispositions pour aider les jeunes agriculteurs - on m'en a donné acte, y compris dans la filière professionnelle - ou pour renforcer les crédits AGRIDIFF, c'est-à-dire les crédits en faveur des agriculteurs en difficulté, notamment en Languedoc-Roussillon.
Les crédits prévus pour la restructuration du vignoble et pour les entreprises de l'aval, sont prêts. Je note toutefois que, pour que ces entreprises puissent se moderniser et bénéficier des crédits publics qui leur sont destinés, il faut qu'elles présentent des dossiers. Ces derniers sont traités au fur et à mesure de leur arrivée et les premiers paiements auront lieu à la fin de l'année 2001 ou au début de 2002 au plus tard.
Tout cela se fait normalement selon les engagements que j'avais pris et dans les délais que j'avais prévus. Il n'y a pas de retard et ma vigilance est totale pour que ce plan soit mis en oeuvre conformément aux engagements pris.
Après avoir abordé ces deux crises qui sont essentielles, je vais évoquer plus rapidement les deux autres thèmes : la sécurité sanitaire et la promotion de l'agriculture multifonctionnelle.
Peu de sénateurs ont parlé de la sécurité sanitaire, sauf ceux qui défendent le budget. Mais c'est peut-être parce que ceux qui le critiquent n'ont pas osé le faire sur ce point, ce dont je les félicite.
La sécurité sanitaire des aliments - c'est ma première priorité - se traduit dans le budget d'une manière spectaculaire avec 150 emplois nouveaux, avec 20 % de hausse des crédits destinés à la lutte contre l'ESB - crise qui est toujours là - et que nous mesurons mieux que nous l'avons jamais mesurée.
Les tests systématiques sont mis en oeuvre avec succès depuis les début de l'année 2001. Je me souviens pourtant des cris entendus dans cet hémicycle sur le fait que cela coûterait cher, et que ce programme avait été lancé à la légère sans avoir été préparé !
En fait, il nous a fallu trois semaines pour que, les premiers en Europe, nous mettions en place un régime mensuel de 20 000 à 25 000 tests. Au mois de juin, nous avons même réussi à abaisser à 24 mois les tests systématiques.
Depuis le début de l'année, des centaines de milliers de tests ont été réalisés, ce qui nous donne une vue statistique extrêmement précise, de sorte que nous avons maintenant, grâce à ces tests, grâce aux observations cliniques et aux programmes sur les animaux à risques, une vue plutôt exhaustive de l'épizootie dans notre pays. J'espère d'ailleurs pouvoir repérer, dans les semaines ou les mois qui viennent, l'inflexion de la courbe que j'attends, comme vous, avec impatience et qui, à mon sens, ne devrait plus maintenant tarder.
La deuxième priorité de mon ministère, c'est la poursuite de la politique qui a été définie par le Parlement avec la loi d'orientation agricole, notamment la défense et la promotion de l'agriculture multifonctionnelle et la mise en oeuvre des CTE.
Je reçois, là aussi avec un sourire serein, vos critiques et celles qui viennent d'ailleurs. Vous parlez d'un échec ! En fait, il y a maintenant 21 000 CTE validés, et plus d'un million d'hectares sous contrat ; et il y a 21 000 contrats supplémentaires chaque mois.
Heureusement que les Français ne vous feront pas confiance au mois de mai prochain, sinon vous seriez dans une contradiction terrible et vous seriez obligés de continuer une politique que vous avez beaucoup décriée ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mais je crois qu'heureusement les Français seront sages. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Cela vous évitera d'être confrontés à une contradiction insupportable pour votre amour-propre.
M. Dominique Braye. Ce n'est pas un échec, c'est inefficace !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Mais non ! Lorsqu'on fait le bilan, on voit bien que cette politique est très positive.
M. Alain Gournac. Pour vous, tout est merveilleux !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Cette politique répond à un véritable besoin de l'agriculture française.
Ce besoin, je l'ai qualifié depuis plusieurs mois, depuis plusieurs années, d'une formule : il faut que nous sachions tous ensemble passer de la course folle à la production, du produire toujours plus au produire mieux en termes d'emploi, de qualité sanitaire des produits, d'aménagement du territoire, de pratiques environnementales, ce qui n'est pas du tout une remise en cause de la productivité. (Exclamations sur les travées du RPR) .
Mais oui, messieurs les sénateurs, à l'avenir, les revenus des agriculteurs dépendront bien plus de la qualité des produits que de la course aux rendements. Si vous pensez encore le contraire alors, vous avez besoin de reprendre vos études en matière agronomique ! Chacun le sait, c'est une réalité objective. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Quand nous essayons de faire cette révolution culturelle, nous travaillons pour le revenu des agriculteurs. Simplement, nous les aidons à le faire intelligemment.
M. Philippe Nachbar. Merci pour les agriculteurs !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Donc, cette agriculture multifonctionnelle, elle se traduit dans le budget par des crédits en augmentation de 25 %, et je m'en réjouis.
Je parlerai maintenant de quelques autres secteurs et, d'abord, de l'enseignement agricole.
Vous avez exprimé des inquiétudes qui m'ont parues très étonnantes. Pourtant, messieurs les sénateurs, nous avons créé cinquante postes et prévu la déprécarisation de 1 100 postes, ce qui traduit un effort d'un niveau jamais atteint dans l'histoire des budgets de l'enseignement agricole et qui est d'autant plus significatif que les effectifs stagnent et même régressent sensiblement.
Le taux d'encadrement s'améliore dans l'enseignement agricole et vous parlez d'« abandon ». Je ne sais pas si nous parlons même langage.
S'agissant de l'enseignement agricole privé et du RETREP, nous avons pris un engagement. Un décret est en cours de signature, et nous tiendrons cet engagement, comme les autres.
Dans cette matière, nous nous conformons à la loi de 1984. Nous appliquons la règle : la loi, toute la loi, et rien que la loi.
Monsieur du Luart, les crédits sont là.
M. Roland du Luart. Ce n'est pas ce que disent les organisations d'enseignement agricole.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je ne sais pas ce qu'elles vous disent ! Je sais en revanche que, lors du conseil national de l'enseignement agricole où les organisations de l'enseignement agricole privé sont représentées et qui s'est déroulé il y a quelques semaines à peine, personne ne m'a fait de remarques sur le budget de l'agriculture.
Certains orateurs ont dit qu'ils ne voulaient pas ranimer la guerre scolaire. Moi non plus ! Continuons donc dans la paix, les uns et les autres. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. Il est content !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Content ? Non ! Il y a des difficultés dont je me passerais bien et j'essaie d'y faire face. Je ne suis pas dans le contentement, j'essaie d'apporter des réponses aux questions. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Gérard Delfau. Voyons, mes chers collègues, c'est un bon ministre, et vous le savez !
M. Dominique Braye. C'est un ministre habile !
M. le président. Monsieur Braye, laissez parler M. le ministre.
M. Dominique Braye. J'ai été interpellé par M. Delfau !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. A propos de la forêt, il semble qu'un débat soit en train de naître pour savoir s'il est normal que l'on mette un terme à l'aide au transport des bois chablis.
Cette aide au transport était prévue jusqu'au mois de juin 2001 et je me suis battu pour la prolonger. Le contrat initial, c'était l'aide au transport jusqu'au mois de juin 2001.
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Il y a encore du bois par terre !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'y viens, monsieur César.
J'ai souhaité, j'ai demandé au Premier ministre, et j'ai obtenu de lui, que l'on puisse prolonger cette aide de six mois. Je pensais en effet qu'elle était efficace et qu'elle était encore nécessaire.
Mais, à un moment il faut savoir arrêter. Prolonger une aide au transport de chablis encore exploitables, c'est légitime. Mais, deux ans après les tempêtes, les chablis à terre ne sont quasiment plus exploitables ou commercialisables. La question réaliste est donc non plus de les transporter mais de les dégager. De ce fait, l'aide au transport perd de sa pertinence.
Monsieur de Richemont, j'ajoute que le pourcentage de ces bois à terre est bien inférieur aux 60 % que vous évoquiez car un effort considérable a été effectué.
Je relève aussi que personne ne pensait, voilà deux ans, que l'on exploiterait la quantité de chablis qui a été traitée. Personne ne croyait que c'était possible.
Je veux donc tout particulièrement rendre hommage à cette filière qui s'est mobilisée pendant deux ans sur un immense chantier et qui a su résoudre le problème de manière remarquable.
Aujourd'hui, il s'agit non pas de transporter les bois mais de reconstituer les forêts. Sur ce point, je veux être de nouveau très clair les engagements pris par le Gouvernement, consacrer 6 milliards de francs sur dix ans, c'est-à-dire 600 millions de francs par an, à la reconstitution de la forêt sont scrupuleusement tenus dans le budget pour 2002.
Avec les crédits prévus comme avec les crédits de report ou les crédits retenus dans les contrats de plan, on sera bien au-delà, en 2002, de cette somme. Et je ne compte pas les crédits européens que l'on peut également mobiliser. Nous avons tous les moyens financiers pour poursuivre l'élan de mobilisation pour la reconstitution de la forêt.
J'aborderai maintenant des questions plus précises.
En ce qui concerne le PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, nous avons reçu l'aval de Bruxelles depuis quelques semaines. Certes, cet accord a tardé. Les dossiers sont de nouveau traités dans les directions départementales avec une nouveauté : maintenant, les petites exploitations sont éligibles, ce qui est normal.
Je l'avais souhaité, les taux de subventionnement sont désormais comparables quelle que soit la taille de l'exploitation. Je me suis battu pour l'obtenir parce que je n'imaginais pas que l'on puisse mettre en oeuvre une deuxième tranche du programme dans laquelle on aiderait moins les petits exploitants que les gros.
J'ajoute que les conditions de ciblage sur les bassins versants, c'est-à-dire l'efficacité environnementale, me paraissent maximales. Ce programme reprend donc son cours.
Quant aux indemnités compensatoires de handicap naturel, les ICHN, je veux rassurer un certain nombre d'intervenants ; tous les engagements pris seront tenus.
Je me suis très solennellement engagé à l'Assemblée nationale afin que les 3 milliards de francs consacrés aux ICHN soient mobilisés en 2002. S'ils ne figurent pas dans les crédits budgétaires, nous les obtiendrons en loi de finances rectificative, par report ou par redéploiement des crédits au sein du budget.
S'agissant du secteur de la pêche, je répondrai notamment à Mme Yolande Boyer qui est longuement intervenue sur le sujet, notamment sur le secteur social dans lequel elle s'est beaucoup engagée lors des débats sur la loi de modernisation sociale ou de la loi « pêche » voilà quatre ans.
Madame la sénatrice, nous nous heurtons effectivement à deux grandes difficultés.
Le Conseil « pêche » se tiendra le 17 décembre à Bruxelles, c'est-à-dire juste avant la réunion du conseil « agriculture » au cours de laquelle nous aurons à définir les totaux admissibles de captures, les TAC, et les quotas de 2002. Ce conseil, comme tous les conseils de ce type, sera difficile a fortiori pour certaines espèces menacées qui nous posent des problèmes majeurs.
En effet, la Commission avance des propositions qui sont certes inacceptables compte tenu de leur ampleur mais qui, en même temps, reposent sur une volonté de préserver la ressource, que nous ne pouvons pas condamner dans son principe. Les discussions seront très rudes à Bruxelles.
La deuxième difficulté est que nous aurons des discussions longues, puisqu'elles s'étaleront sur le premier semestre de 2002, à propos des dispositifs techniques, notamment le maillage de filets, sur lesquels la commission avance des propositions qui sont dures mais qui reposent toujours sur un principe peu contestable. Ces discussions n'ont fait l'objet que d'un « non-papier » de la Commission, c'est-à-dire un document blanc pour faire réagir et provoquer la discussion. Cette technique a un aspect très provocateur, mais elle atteint parfaitement son but.
J'espère que nous connaîtrons les propositions de la Commission lors du conseil du 17 décembre, mais c'est avec la profession que nous débattrons, en parfaite concertation, de ces sujets, comme vous l'avez souhaité.
Nous nous heurtons, enfin, à une autre difficulté : le renouvellement de l'accord de pêche avec l'Espagne qui est entré en vigueur en 1992 pour dix ans et qui arrive donc à son terme en 2002.
Je rencontrerai jeudi le ministre espagnol de la pêche, qui vient à Paris pour en débattre.
Cet accord avait suscité, cet automne, des tensions dans le golfe de Gascogne à propos de l'anchois. Il est toutefois indispensable qu'il soit renouvelé et je veux tout faire - le ministre espagnol est sur la même ligne que moi - pour éviter un redémarrage de la guerre de l'anchois, qui a causé tant de drames et provoqué tant de secousses dans l'histoire de la pêche entre nos deux pays. La négociation sera difficile, mais j'ai bon espoir de la mener à bien si chacun y met du sien.
Je conclurai mon propos en abordant la question des retraites agricoles, qui constituent, me semble-t-il, le point le plus positif. Avec le budget pour 2002 s'achève le plan quinquennal de revalorisation des retraites agricoles, qui aura permis de ramener toutes ces retraites au minima vieillesse, conformément à l'engagement que nous avons pris. Jamais un plan de revalorisation n'avait permis de réaliser un tel effort. Je m'en réjouis, car ce n'est que justice.
Il nous faut maintenant aller au-delà, plusieurs d'entre vous l'ont dit, et mettre en place un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition. Le Gouvernement a fait savoir qu'il était prêt à étudier cette proposition.
L'Assemblée nationale a proposé qu'à l'occasion d'une niche parlementaire soit examinée, le 11 décembre, une proposition de loi sur le sujet, que le Gouvernement accueillera avec beaucoup de bienveillance.
Cette législature sera vraiment à marquer d'une pierre blanche avec le plan quinquennal de revalorisation des retraites agricoles et, je l'espère, la mise en place l'année prochaine de ce régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition, car nous aurons alors bâti un dispositif qui était souhaité par toutes les organisations de retraités agricoles. Ces derniers voulaient, en effet, obtenir, à terme, une retraite équivalant à 75 % du SMIC.
L'objectif était très ambitieux, mais nous sommes en passe, je crois, de le concrétiser. Nous reparlerons de ce régime de retraite complémentaire avant que vous n'en soyez saisis.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois avoir à peu près répondu à toutes vos questions. Je vous remercie de ce débat qui a été pour moi très riche, très instructif et toujours souriant. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen aussi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche, et figurant aux états B et C.
M. Philippe Adnot. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, je demande que mon amendement n° II-70, qui est identique à l'amendement n° II-71 et qui tend à insérer un article additionnel après l'article 60, soit examiné en priorité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.

Article additionnel après l'article 60 (priorité)



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-70 est présenté par M. Adnot.
L'amendement n° II-71 est présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Les amendements sont ainsi libellés :
« I. - Il est institué un financement public des organisations syndicales d'exploitants agricoles habilitées au plan départemental au sens de l'article 2 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole.
« II. - Le montant des crédits inscrits sur le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour être affectés au financement des organisations syndicales habilitées mentionnées à l'article 1er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 précitée est réparti au prorata du nombre de suffrages et de sièges obtenus dans l'ensemble des départements par chacune d'elles lors des dernières élections aux chambres d'agriculture, rapporté au total des suffrages et des sièges obtenus par l'ensemble de ces organisations, selon des modalités définies par décret.
« Pour l'application de l'alinéa précédent les suffrages et les sièges obtenus par des organisations syndicales habilitées ayant présenté une liste d'union sont répartis à parts égales entre ces organisations.
« III. - Les organisations syndicales bénéficiaires du financement public institué à l'article 1er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 précitée sont tenues de tenir une comptabilité retraçant l'utilisation des crédits ainsi attribués. Au titre de chaque année civile elles établissent un compte rendu qu'elles communiquent dans le premier semestre de l'année suivante au ministère chargé de l'agriculture. »
La parole est à M. Adnot, pour présenter l'amendement n° II-70.
M. Philippe Adnot. Monsieur le ministre, chacun sait que les organisations syndicales agricoles, toutes tendances confondues, ont toujours fait du développement et de la formation.
Un fait nouveau posant, à l'heure actuelle, un problème de financement, le présent article tend à instituer un financement public des organisations syndicales agricoles.
Il reprend le critère d'éligibilité fondé sur l'article 2 de la loi d'orientation agricole et son décret d'application n° 90-187 du 28 février 1990, modifié par le décret n° 2000-139 du 16 février 2000.
L'article prévoit ensuite une répartition des crédits attribués en fonction du nombre de suffrages et de sièges obtenus par chacune de ces organisations sur le plan national.
L'article prévoit également les modalités de contrôle de ces fonds.
M. le président. La parole est à M. Pastor, pour présenter l'amendement n° II-71.
M. Jean-Marc Pastor. Cet amendement n'est que la suite logique du débat relatif à la loi d'orientation agricole, au cours duquel cette proposition avait déjà été évoquée. Il convient maintenant de la mettre en oeuvre. C'est la raison pour laquelle mon collègue Philippe Adnot et moi-même avons déposé ces amendements qui sont identiques et qui visent à fixer une règle du jeu permettant aux syndicats agricoles de bénéficier d'un financement public.
Traditionnellement, comme cela a été dit, l'Association nationale pour le développement agricole, l'ANDA, accordait des financements pour certaines actions. Mais nous savions tous que, derrière ces actions, qu'elles soient de formation ou de développement, on permettait indirectement à ces syndicats de fonctionner, de vivre.
Soyons logiques avec nous-mêmes, suivons les règles normales de la République, de la démocratie, et appelons un chat un chat. Il existe des syndicats, ils jouent leur rôle, ils remplissent leur mission et défendent la profession. Pourquoi alors l'Etat ne participerait-il pas à leur financement ? C'est aujourd'hui la question que nous posons par le biais de deux amendements. Nous souhaitons rendre très transparente la participation financière publique au fonctionnement des syndicats agricoles, d'autant qu'elle existe déjà !
Dans cet hémicycle, je suis à peu près convaincu que ce ne sont pas seulement les deux groupes politiques qui sont à l'origine de cette proposition qui vont soutenir ces amendements. C'est l'ensemble des groupes qui votera ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Ces amendements visent à apporter une solution à la situation juridiquement délicate du financement des organisations professionnelles agricoles et devraient permettre au Gouvernement de résoudre un problème qui le gêne depuis quelque temps. (M. le ministre s'étonne.)
Permettez-moi de revenir sur cette délicate question.
Jusqu'à présent, l'ANDA attribuait chaque année aux syndicats agricoles une enveloppe destinée à financer leurs actions par le biais de la dotation du Fonds de financement des actions de développement initiées par des syndicats agricoles représentatifs, le FADISAR.
Or l'ANDA, dont les recettes proviennent du produit de diverses taxes parafiscales, a vocation à financer des actions de développement agricole, et non directement des organisations professionnelles agricoles. Ce n'est pas la réforme des taxes parafiscales prévue par la loi organique du 1er août qui est en cause ; c'est l'utilisation actuelle du produit des taxes affecté à l'ANDA. L'inspection générale des finances a d'ailleurs récemment mis en évidence l'existence de ce problème épineux dans un rapport consacré au fonctionnement de l'ANDA.
Lors de son assemblée générale en juillet 2001, l'ANDA a donc décidé d'attribuer une enveloppe de 72,8 millions de francs aux actions conduites par les organisations syndicales agricoles lors de la définition de son cadrage budgétaire pour la période 2000-2006.
L'enquête menée par l'inspection générale des finances a manifestement mis en évidence le caractère illégal du financement des syndicats agricoles par le biais de l'ANDA. Cette dernière a donc décidé de suspendre ses versements aux organisations professionnelles agricoles. Cela a obligé le Gouvernement à reprendre à son compte une partie du financement des actions conduites par les syndicats agricoles.
Ce transfert sur le budget de l'Etat est intervenu par le biais d'un décret d'avance le 8 octobre 2001. L'intitulé budgétaire du chapitre 43-23 a été modifié, pour l'occasion. Anciennement dénommé : « Actions de formation et actions éducatives en milieu rural », il s'intitule désormais : « Actions de formation, actions éducatives et soutien aux organisations syndicales d'exploitants agricoles ». L'objet de ce chapitre ayant été élargi, le Gouvernement a ouvert 24,06 millions de francs supplémentaires.
Outre le caractère juridiquement douteux de ce changement d'intitulé de chapitre budgétaire en cours d'année par décret d'avance, cette opération aura eu pour mérite de pérenniser, au moins en 2001, le financement des organisations professionnelles agricoles.
Pour ce qui est de 2002, le problème se pose dans les mêmes termes. L'ANDA ne peut plus financer directement les syndicats agricoles. Est-ce à l'Etat de le faire ? C'est l'objet des deux amendements. Nous sommes heureux que notre collègue Philippe Adnot et les membres du groupe socialiste présentent à point nommé des amendements qui retirent une douloureuse épine du pied du Gouvernement.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Aïe ! (Sourires.)
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Même si la commission des finances partage cet objectif sur le fond, il convient de s'interroger sur les principes juridiques qui devraient s'imposer en la matière.
En effet, si la solution proposée dans les amendements examinés constitue une amélioration par rapport aux accommodements jusque-là pratiqués, elle ne semble pas être d'une régularité à toute épreuve. Il faudra sans doute revenir sur ce sujet afin de la caler dans un moule juridiquement plus acceptable.
Au total, il est nécessaire de prendre acte du financement public des syndicats agricoles et de le pérenniser, et j'observe que les amendements présentés constituent un progrès dans la transparence de ce financement. La commission y est donc favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'avais prévu de ne pratiquement pas intervenir sur ce sujet. Mais les propos de M. le rapporteur sont si choquants que je veux mettre les points sur les « i » !
Soyons clairs : vous ne retirez aucune épine du pied du Gouvernement, monsieur le rapporteur ! Si quelqu'un devait être ennuyé avec ce dossier, ce n'est certainement pas moi.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Dont acte !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Il s'agit d'une somme considérable : ce sont 900 millions de francs que l'ANDA consacre au développement agricole. L'inspection générale des finances a mis en évidence une absence de transparence et de contrôle, des irrégularités, voire des illégalités en pagaille. Mais rien de cela ne fait peser sur moi la moindre menace ! Arrêtez de renverser les rôles !
Quant à la réforme de l'ANDA ayant précisément pour objet d'introduire plus de transparence, de concertation, de contrôle, de rigueur et de légalité dans ces opérations, je me serais bien passé de la mettre en oeuvre ! Et vous osez me dire que vous étiez - heureusement ! - là pour ôter une épine du pied du Gouvernement ? Mais ce n'est pas du tout la réalité !
Soyons encore plus clairs. Si vous ne voulez pas le faire, ne le faisons pas et débrouillez-vous avec les organisations professionnelles agricoles, qui n'auront plus de financement. Ne me retirez surtout pas cette épine du pied si vous ne le voulez pas.
M. Dominique Braye. Mais si, on le veut ! On veut vous aider !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Vous le voulez ? J'ai compris, monsieur Braye !
Ce ne sont pas du tout les organisations professionnelles agricoles que vous visez ; c'est le ministre de l'agriculture que vous êtes désireux d'aider, bien sûr !
Grâce à vous, le débat, comme je l'ai dit tout à l'heure, aura été souriant jusqu'au bout !
Je veux faire une autre mise au point. Selon vous, avec le décret d'avance de 2001, le Gouvernement se serait engagé dans une voie légalement contestable. Absolument pas ! L'opération est tout à fait légale et tout à fait transparente. Elle a même été approuvée par le Conseil d'Etat. Si cela ne vous rassure pas sur la légalité de l'opération...
Vous m'obligez à aller au bout de mon exposé spontané.
Maintenant, aidez-moi à parachever le dispositif. Après le décret réformant l'ANDA publié au mois de novembre et approuvé par le Conseil d'Etat, après l'élaboration de nouveaux statuts en conformité avec le décret, il nous reste maintenant à rédiger et à approuver une convention liant l'ANDA à l'Etat, et tenant compte du décret, des statuts et des observations de l'inspection générale des finances sur les irrégularités constatées.
Aidez-moi à convaincre tout le monde et à obtenir, dans l'intérêt de tous, un consensus sur cette convention afin qu'elle soit signée très vite. Je vous remercie par avance. Dans le cas contraire, je le répète, ce n'est certainement pas à moi que cela causera du tort ! (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je ne comprends pas l'énervement du ministre sur ce sujet. (Exclamations sur les travées socialistes.) En effet, les amendements proposés sont judicieux - la commission y est d'ailleurs tout à fait favorable - puisqu'ils tendent à s'appuyer sur un outil juridique, qui est quand même meilleur qu'un décret d'avance !
M. Gérard César. Tout à fait !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. L'intégrer dans la loi de finances me semble plus transparent...
M. Roland du Luart. Plus pérenne !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. ... que de le prévoir dans un décret d'avance ! C'est en cela que je considère que, sur la forme - je ne parle pas du fond - les amendements vous apportent une certaine tranquillité, monsieur le ministre.
M. Dominique Braye. Une sécurité juridique !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je vous remercie de votre aide ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-70 et II-71, acceptés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 60.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 70 079 278 euros. »

La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention concerne les crédits destinés à l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO.
Je souhaite souligner que l'extension des compétences de l'INAO s'est tout particulièrement accrue, notamment à la suite de l'intervention de la loi d'orientation agricole et de ses textes d'application, extension qui porte sur les indications géographiques protégées, les IGP, ainsi que sur le régime des appellations d'origine contrôlée, les AOC.
Comme vous le soulignez vous-même, monsieur le ministre, cette évolution s'inscrit dans la mise en oeuvre d'une politique des signes officiels de qualité, dont l'effet en termes économique et d'aménagement du territoire est désormais reconnu.
Elle se traduit donc tout particulièrement par l'accroissement des responsabilités et des tâches de l'INAO. De ce fait, il apparaît nécessaire de doter l'INAO d'un budget renforcé pour 2002.
J'ajouterai deux remarques concernant notamment la viticulture.
Premièrement, nous avons tout intérêt à ce que les conditions de production de nos AOC puissent continuer à faire l'objet d'un suivi ou d'un contrôle précis par l'INAO si l'on veut assurer une qualité toujours améliorée de nos produits face à nos concurrents ; je pense notamment aux pays du nouveau monde.
Deuxièmement, les problèmes relatifs aus moyens de fonctionnement peuvent provoquer quelques blocages ici ou là. Je pense en particulier à des demandes d'accession en AOC ou encore à certains dossiers relatifs à la hiérarchisation des vins de certains crus qui, faute de personnels suffisants à l'INAO, n'évoluent pas comme nous le souhaiterions.
Le groupe socialiste a envisagé un moment de déposer un amendement visant à majorer les crédits de l'INAO de 5 millions de francs ou, plus exactement, de 762 245 euros. Cependant, un tel amendement aurait été déclaré, à coup sûr, irrecevable en application de l'article 46, alinéa 2, du règlement du Sénat qui dispose : « Les amendements tendant à porter un crédit budgétaire au-delà du montant dont l'initiative a été prise par le Gouvernement sont irrecevables. »
Nous avons donc eu plusieurs contacts avec vos proches collaborateurs, monsieur le ministre, sur la nécessité d'adapter les moyens de l'INAO par rapport à ses missions, qu'elles soient traditionnelles ou nouvelles, depuis l'extension de ses compétences à d'autres produits.
Nous sommes donc aujourd'hui satisfaits de la décision du Gouvernement de proposer au Sénat un amendement visant à réévaluer ces crédits, ce qui permettra de créer des emplois au sein de l'INAO. Bien évidemment, monsieur le ministre, nous voterons, le moment venu, cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je serai bref, car mon collègue Roland Courteau a dit l'essentiel des raisons qui m'ont incité à prendre la parole.
Chacun peut constater que l'INAO, au cours d'une histoire longue et riche, a beaucoup contribué à l'essor de la viticulture française. Plus que jamais, dans l'étape que franchit cet institut important de notre économie et de notre histoire, l'INAO doit avoir les moyens humains et financiers de continuer à tenir ce rôle.
Par ailleurs, depuis les années quatre-vingt-dix et en raison même de son succès, l'INAO a vu son périmètre de compétences étendu, notamment à celui des fromages. La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 a confié à cet organisme la reconnaissance des produits susceptibles de bénéficier d'une indication géographique protégée. Bref, l'INAO est plus que jamais au centre de la politique agricole que la nation veut conduire.
Il m'était donc également venu l'idée de déposer un amendement, mais il aurait été déclaré irrecevable compte tenu de l'article 40 de la Constitution et du règlement du Sénat. Par ailleurs, je ne voulais pas déposer un amendement qui soustraie au budget des éléments financiers significatifs : je pense notamment aux crédits alloués aux contrats territoriaux d'exploitation, lesquels, je persiste à le penser, sont une excellente mesure ; ils se développeront.
Bref, pour toutes ces raisons, je me suis, moi aussi, rapproché de vos services. Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous déposez un amendement qui va nous permettre d'aboutir à l'heureuse conclusion que nous souhaitons tous, sur l'ensemble des travées du Sénat, et je tiens à mon tour à vous en remercier.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-8 rectifié ter est présenté par MM. César, Valade, Doublet, Gruillot, de Richemont, Lardeux, Courtois, Leclerc, Dufaut, Trégouët, Darcos, Leroy et Pintat.
L'amendement n° II-68 rectifié est déposé par M. Le Cam.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Réduire les crédits du titre III de 762 246 EUR. »
L'amendement n° II-72, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Majorer les crédits du titre III de 762 245 EUR. »
La parole est à M. César, pour défendre l'amendement n° II-8 rectifié ter.
M. Gérard César. Je viens d'entendre mes collègues MM. Delfau et Courteau aborder le problème de l'INAO, qui nous préoccupe tous depuis longtemps. Le présent amendement a pour objet de régler ce problème.
J'insisterai sur le chiffre, qui est très faible, puisqu'il faut trouver 12 millions de francs pour la dotation globale, et, sur cette somme, la profession prend à son compte 4 millions de francs. Il suffirait donc de trouver 8 millions de francs pour abonder les crédits de l'INAO !
Les membres du Comité national du vin ont décidé de ne plus siéger à l'INAO depuis le 7 novembre dernier, car les professionnels souhaitaient que le ministre s'engage, non pas dans la loi de finances rectificative, comme vous l'aviez indiqué lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, monsieur le ministre, mais dans la loi de finances pour 2002. En outre, dans un esprit constructif, les professionnels ont eux-mêmes proposé de participer, sur leurs fonds propres, à ce cofinancement : l'Etat participera à hauteur de 75 % et la profession à hauteur de 25 %.
Il me paraît important que ces engagements soient tenus.
Les amendements identiques n°s II-8 rectifié ter et II-68 rectifié ont pour objet de redéployer les crédits des CTE, car il nous paraissait très facile de trouver 8 millions de francs sur les crédits des CTE. Cela partait d'un bon sentiment : il s'agissait de faire réaliser des économies au ministre !
Nous proposons donc, monsieur le ministre, compte tenu de l'extension des compétences de l'INAO, en particulier vers les produits de qualité, d'abonder les crédits de cet institut.
M. le président. La parole est à M. Le Cam, pour défendre l'amendement n° II-68 rectifié.
M. Gérard Le Cam. Il s'agissait d'un amendement d'appel en direction du Gouvernement de façon à assurer les moyens humains supplémentaires compte tenu des missions nouvelles confiées à l'INAO. Cet appel ayant été entendu, je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° II-68 rectifié est retiré.
Monsieur César, l'amendement n° II-8 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Gérard César. Je souhaite attendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° II-72.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Cet amendement visant à transférer 5 millions de francs du budget des offices en général au budget de l'INAO, lesquels s'ajoutent à l'augmentation des crédits déjà prévue de 3 millions de francs, ce qui représente au total 8 millions de francs supplémentaires pour cet institut, correspond à l'aboutissement logique et positif d'un dialogue qui s'est instauré entre nous depuis quelques semaines.
Vous avez été nombreux - Roland Courteau, Gérard Delfau, Gérard César - à me saisir du problème de l'INAO en commission ou par courrier. Adopter la disposition que je vous propose constituerait un heureux aboutissement.
Comme vous l'avez dit, l'INAO est un organisme de grande qualité, qui rend de très grands services à l'agriculture française et qui est au coeur de cette grande révolution qualitative dont je parlais tout à l'heure dans mon intervention. Produire mieux, c'est aussi avoir des démarches qui soient labellisées, certifiées, garanties par un organisme qui remplit bien sa mission et qui a une réputation internationale.
Je rends hommage à cet institut et à ses personnels, qui sont soumis à un accroissement de leurs missions, dû, notamment, aux mesures de la loi d'orientation agricole et au fait que nous avons chargé l'INAO de gérer aussi les IGP ; il s'agissait d'ailleurs d'une volonté personnelle et j'avais souhaité glisser ces mesures dans la loi d'orientation agricole, non pas au dernier moment, mais au cours de la discussion.
Les personnels de l'INAO, dont le nombre devrait augmenter pour répondre à l'accroissement de leurs missions, ont besoin de notre reconnaissance et de notre hommage collectifs. Les responsables de l'INAO qui doivent assumer cette tâche doivent en avoir tous les moyens. Ces crédits, mais aussi d'autres dispositions que je serai amené à prendre dans les jours et les semaines à venir pour aider l'INAO à repartir du bon pied après cette petite secousse qui est une crise de croissance, permettront à l'INAO d'affonter l'avenir dans les meilleures conditions possibles.
M. le président. Monsieur César, après avoir entendu M. le ministre, maintenez-vous votre amendement ?
M. Gérard César. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-8 rectifié ter est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-72 ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Les amendements qui avaient été déposés par nos collègues MM. César et Le Cam étaient effectivement de bons amendements. J'allais leur dire qu'il était dommage de financer une augmentation sur un titre par une diminution sur un autre. Fort opportunément, le Gouvernement, avec beaucoup de sagesse, propose le même type d'amendement en prévoyant une autre forme de financement.
La commission y est donc favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-72, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les crédits figurant au titre III ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Défavorable.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Que les choses soient claires : vous avez adopté l'amendement visant à majorer les crédits du titre III ; mais si vous n'adoptez pas le titre lui-même, vous n'adoptez pas non plus la disposition visant à financer les organisations professionnelles agricoles !
Je vous laisse face à cette responsabilité.
M. Gérard César. L'Assemblée nationale aura le dernier mot, comme d'habitude !
M. le président. Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 3 014 042 euros. »

La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le ministre, les professionnels de la pêche sont très inquiets ; il convient aujourd'hui de créer les conditions nécessaires pour rassurer les pêcheurs et leur redonner espoir.
De nombreux mouvements sociaux se sont déclenchés, il y a quelques semaines, dans les principaux ports français. Les pêcheurs ont manifesté pour protester contre plusieurs projets de directive européenne concernant, principalement, l'augmentation des mailles des filets et la reconstitution des stocks de merlus et de cabillauds. A cela s'ajoute la forte mobilisation des pêcheurs face à la crise de l'anchois.
L'ensemble des marins pêcheurs sont aussi profondément hostiles aux orientations prônées par le Livre vert : si on les suivait, elles devraient entraîner une réduction de 40 % des volumes de pêche, avec, pour conséquence, une diminution d'une bonne partie de la flotte et des emplois dans ce secteur d'activité déjà fortement sinistré.
La Commission dresse un constat d'échec de la politique commune de la pêche qui n'a pas permis l'utilisation durable des ressources halieutiques disponibles, ce qui était l'objectif fixé.
Les plans d'ajustement de la flotte de pêche élaborés dans le cadre des programmes d'orientation pluriannuels, les POP, ont montré toutes leurs limites.
Sur le plan de l'emploi, le bilan est particulièrement négatif. En huit ans, en effet, ce ne sont pas moins de 21 % des emplois qui ont disparu dans l'Union européenne. Et, sur de nombreux points, les objectifs de l'actuelle politique commune de la pêche semblent contradictoires et difficilement réalisables, qu'il s'agisse, par exemple, de maintenir l'emploi tout en réduisant la capacité de la flotte, ou encore d'assurer des conditions convenables de rémunération aux pêcheurs, alors que les importations ne cessent d'augmenter et que la concurrence s'intensifie.
De même, la poursuite de l'effort de pêche ainsi que l'autorisation de droits de pêche dans les eaux des pays tiers semblent difficilement compatibles avec une exploitation à long terme des ressources.
Si une réforme de la politique commune de la pêche est une nécessité, remarquons qu'une fois de plus la Commission s'enferme dans une réflexion purement écologique qui fait abstraction des aspects socio-économiques. Ainsi, les questions concernant la formation, la qualification, l'amélioration des conditions de travail, la sécurité ne sont pas réellement abordées. Tous ces éléments sont autant de facteurs qui contribueraient pourtant à accroître l'efficacité économique de ce secteur et à revaloriser une profession qui en a bien besoin.
Dans certaines régions, les pêches maritimes jouent, sur le plan socio-économique, un rôle essentiel du fait des nombreuses activités qu'elles induisent. Ainsi, les pêches bretonnes, qui représentent 40 % de la puissance totale de la flottille française, constituent l'un des pivots de l'activité économique de la région.
Depuis 1988, le nombre des navires de pêche a pourtant été réduit de 44 %, dans le même temps que, faute de moyens, le parc de la flotte vieillissait, compromettant, à terme, le maintien d'une flotte propre à assurer la rentabilité et la compétitivité des entreprises.
Le renouvellement des navires est devenu indispensable, non seulement pour accroître la sécurité des équipages, mais aussi pour ménager de meilleures conditions de travail et de rémunération, rendant ainsi à nouveau plus attractif ce métier, notamment auprès des jeunes. Et nous sommes loin de penser que la solution aux difficultés que connaît actuellement l'activité de la pêche réside dans la diminution des capacités de la flotille et du nombre des navires.
La crise que traverse le monde de la pêche ne devrait-elle pas inciter le Gouvernement à consacrer davantage de crédits, dans ce budget, en faveur du développement de l'aquaculture, afin d'assurer la transition, en attendant la remise à niveau des ressources halieutiques et de réduire notre degré de dépendance en termes d'exportations ?
Certes, l'aquaculture est à la pêche ce que les cultures et l'élevage intensifs sont à l'agriculture. Cependant, si cette culture est conduite avec la rigueur sanitaire nécessaire dans des eaux de qualité, elle peut contribuer à assurer la transition en attendant des jours meilleurs pour le milieu naturel. La truite arc-en-ciel, truite d'élevage, est un exemple de brillant succès dans ce domaine.
M. Jacques Blanc. Et la truite fariol !
M. Gérard Le Cam. Les difficultés actuelles de la pêche française sont avant tout l'héritage de la politique européenne dont nous avons critiqué les fondements et les directives depuis qu'elle existe. Néanmoins, un budget national plus conséquent doit l'emporter sur les critères européens ; il y va de la vocation et de la tradition maritime de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jacques Blanc. L'aquaculture, ce sont aussi les farines animales !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-62, présenté par MM. César et Bizet, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 2 286 739 euros. »
L'amendement n° II- 67 rectifié bis, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 762 245 euros. »
La parole est à M. César, pour présenter l'amendement n° II- 62.
M. Gérard César. Après le vin, le lait ! (Sourires.)
Il s'agit de compenser, par une réduction des crédits relatifs au CTE, les conséquences de la décision prise, en juillet 2000, par le Conseil des ministres européens de réduire la subvention européenne pour la distribution du lait à l'école. Le gouvernement français, en conséquence, avait prévu de réserver désormais cette distribution aux écoles situées en zones d'éducation prioritaire et en zones urbaines sensibles. Et les autres enfants ? Il y a suffisamment de médecins ici pour le confirmer : malheureusement, la dénutrition peut se trouver partout. Nous souhaiterions donc que les distributions de lait soient étendues à d'autres établissements scolaires.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour présenter l''amendement n° II- 67 rectifié bis.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement a pour objet de pallier la réduction de la subvention européenne au titre de la distribution du lait dans les écoles. Nous voudrions faire deux remarques à cet égard.
Premièrement, nous nous interrogeons sur l'attitude du Conseil des ministres européens au regard de la subvention pour la distribution du lait.
Dans une réponse à une question écrite que je vous avais posée au mois de juin, et à laquelle vous m'aviez répondu en août, soit des délais très brefs, vous m'avez fourni quelques éléments que je livre à la réflexion du Sénat.
Décidée en 1994, cette aide européenne devait être jugée inefficace par la Commission en 1999. Se fondant sur un rapport d'évaluation de l'effet et du coût de cette subvention, la Commission a envisagé de supprimer tout soutien communautaire. Il était bien question de coût, mais à aucun moment le rapport ne faisait référence aux besoins des enfants. En d'autres termes, on n'avait pas du tout avancé d'arguments sur le fond.
Dans la même réponse, vous m'indiquiez, monsieur le ministre, qu'il était envisagé de réduire de moitié le budget de ce programme pour 2000 avant de le supprimer. Un tel projet a, bien évidemment, suscité de nombreuses oppositions des Etats membres, dont la France, et je sais, monsieur le ministre, que vous avez personnellement réagi. Cette diminution de crédits pouvait apparaître comme une remise en cause des accords de Berlin s'agissant d'un cofinancement obligatoire. Mais vous n'avez pas seulement protesté contre ce qui s'apparentait à une remise en cause d'accords communautaires, vous avez manifesté votre opposition sur le fond, par rapport à ce que cela représentait pour les enfants de nos écoles.
Dans un troisième temps, un compromis a été trouvé, sous la présidence française. Ainsi donc, l'aide communautaire ne serait pas supprimée, grâce aux interventions de la France, mais diminuerait, passant de 95 % à 75 %, avec possibilité pour les Etats membres d'apporter une contribution nationale.
Depuis le 1er janvier 2001, les nouvelles modalités du dispositif sont en application. Des crédits nationaux sont donc accordés aux établissements situés dans les ZEP et les ZUS.
Ma seconde remarque porte sur la nécessité d'accroître les aides communautaires pour les généraliser à l'ensemble des établissements scolaires. Il s'agit d'un problème de santé publique qui concerne toute la population, et pas seulement les personnes les plus démunies vivant dans les ZEP. Tous les phénomènes de dénutrition ou les problèmes d'équilibre alimentaire se retrouvent également dans nos villes, et pas seulement dans les quartiers défavorisés.
Le lait, je vous le rappelle, n'est pas seulement un aliment complet : il est l'aliment le plus complet qui soit ! D'ailleurs, monsieur le ministre, vous en êtes convaincu, puisque vous avez pris des engagements lors du Conseil européen.
Je voudrais attirer votre attention et celle de mes collègues sur le fait qu'une maladie comme l'ostéoporose, en passe de devenir d'ailleurs un problème de santé publique, fait apparaître une insuffisance assez générale de calcium dès la petite enfance. Or, en moyenne, il faut à l'être humain de 900 milligrammes à 1 000 milligrames de calcium par jour, ou encore 1 200 milligrammes pour les enfants, les adolescents, les femmes enceintes et les personnes âgées.
Toute insuffisance de calcium a des conséquences irréversibles sur la santé, notamment au moment de la croissance. Je me permets de rappeler, dans le même ordre d'idées, qu'un demi-litre de lait apporte autant de protéines que 100 grammes de viande ou de poisson.
Et pourquoi ne pas concilier alimentation saine, résorption des surplus laitiers dont souffrirait l'agriculture et aide aux collectivités locales, qui font elles-mêmes des efforts pour distribuer le lait dans les écoles ?
Il faut passer outre les oukases de Bruxelles et prendre de nouvelles mesures au nom d'un intérêt national évident. Le Sénat se doit de défendre le lait, comme beaucoup d'autres produits, d'ailleurs !
Tel est l'objet de cet amendement. Je n'ignore pas plus que M. Delfau les conséquences qu'entraînerait la suppression de crédits dont, évidemment, nous ne remettons pas en cause l'utilité. Mais telles sont les rigueurs de notre procédure budgétaire...
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s II-62 et II-67 rectifié bis ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Nous l'avons tous compris, ce sont des amendements d'appel. J'ignore si M. le ministre est en mesure d'entendre un tel appel mais, au nom de la commission des finances, en l'état, je vous demanderai, mes chers collègues, de bien vouloir retirer vos amendements respectifs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je buvais du petit lait en écoutant Mme Beaudeau retracer le combat que j'ai mené devant le Conseil européen ! (Sourires.) Voilà plus de deux ans, en effet, la France avait fait l'objet d'une offensive de la part de certains de ses partenaires européens qui considéraient qu'il fallait purement et simplement supprimer ce programme d'intervention. Il a fallu mener bataille, mais nous avons obtenu un compromis, sous présidence française, qui nous a permis de sauver la distribution de lait dans les écoles. Restait à tirer les conséquences, sur les crédits d'Etat, de ce compromis.
Cela étant rappelé, je souhaite le retrait de ces amendements, n'imaginant pas une seconde que M. César ait réellement l'intention de rouvrir le débat sur le CTE, qui est un excellent dispositif, ni que Mme Beaudeau envisage vraiment de remettre en cause les bourses pour le ramassage scolaire, ce qui, dans l'un et l'autre cas, serait bien ennuyeux ! (Sourires.)
Le problème soulevé ici est bien réel mais, pour moi, il est résolu. J'ai majoré de 15 millions de francs les crédits de l'ONILAIT pour faire face à cette dépense supplémentaire que constitue le cofinancement par l'Etat de cette action. La dépense a été inscrite dans le budget de l'ONILAIT et a fait l'objet d'une délibération unanime du conseil d'administration de l'office.
Encore une fois, pour moi, le problème est résolu.
M. le président. L'amendement n° II- 62 est-il maintenu, monsieur César ?
M. Gérard César. Non, monsieur le président, je le retire. Il s'agissait simplement d'un amendement d'appel.
M. le président. L'amendement n° II- 62 est retiré.
L'amendement n° II-67 rectifié bis est-il maintenu, madame Beaudeau ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. La réponse de M. le ministre me laisse quelque peu sceptique. J'avais cru comprendre que la somme de 15 millions de francs était insuffisante.
Monsieur le ministre, étant donné les motifs qui m'ont guidée dans la défense de cet amendement, vous comprendrez que je ne puisse le retirer.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. La différence entre nous, madame Beaudeau, tient au fait que nous réservons le bénéfice de la mesure aux établissements scolaires qui accueillent les enfants en difficulté, tout simplement ! Voilà pourquoi nos chiffres diffèrent.
Je dois dire qu'il faudrait sans doute aller plus loin et, dans certains endroits, distribuer gratuitement de véritables petits déjeuners, tant il est vrai que certains enfants vivant dans des quartiers difficiles partent de chez eux, le matin, le ventre vide.
Je le dis avec ma spontanéité habituelle, il n'est pas indispensable de procéder à ces distributions dans les établissements implantés au coeur de nos centres-villes ou dans certaines agglomérations. Madame Beaudeau, oui, nous avons privilégié les ZEP, parce qu'il me paraissait nécessaire d'en faire des cibles prioritaires.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II- 67 rectifié bis , repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° II- 65 rectifié bis , présenté par MM. Jacques Blanc, Amoudry, Gruillot, Emin, Mathieu, Haenel, Fournier, Paul Blanc, Jean Boyer, Faure, Badré, Jarlier et Hérisson, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 15 240 000 euros. »
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Nous avons fait l'éloge du lait, mais on aurait pu tout aussi bien vanter les vertus du vin ! (Sourires.) A condition d'en boire toujours modérément, il est démontré scientifiquement que deux verres de vin par jour, c'est bon pour la santé.
Je n'ai pas voulu vous interrompre tout à l'heure, monsieur le ministre, mais, bien entendu, s'agissant du vin, nous savons bien que les dispositions de crise, la distillation, notamment, sont des mesures d'opportunité tout à fait indispensables. Je tiens à vous annoncer que la chambre régionale d'agriculture de Languedoc-Roussillon a déposé un plan d'adaptation qui a été présenté à M. Berthomeau. Il vous sera remis également.
J'en viens à mon amendement, qui ne vise pas, monsieur le ministre, à soustraire de l'argent aux CTE.
M. Gérard Delfau. Encore !
M. Jacques Blanc. L'amendement n° II-65 rectifié bis a un double objet.
D'abord, il vise à augmenter l'enveloppe des indemnités compensatoires des handicaps naturels, les ICHN. Vous vous êtes engagé, tout à l'heure, à le faire, mais nous vous en demandons confirmation. En effet, ces indemnités sont désormais calculées en fonction de la surface fourragère, ce qui entraînera des besoins de financement supplémentaires.
Nous souhaitons également attirer votre attention sur le problème des laitiers purs en zone de piémont, sur la valorisation supplémentaire des vingt-cinq premiers hectares, sur l'éligibilité de l'arboriculture fruitière dans le cadre des montagnes sèches.
Ensuite, cet amendement aborde la question des CTE. Sans vouloir rouvrir le débat - c'est l'avenir qui tranchera ! - je souhaite vous alerter sur le fait que, si tout devait passer par les CTE, ce serait aux dépens de certaines interventions indispensables pour l'avenir des agriculteurs.
Ainsi, des mesures agri-environnementales, acceptées par le comité STAR, le comité de gestion des structures agricoles et du développement rural, il y a quelques jours, donnent la possibilité de prendre en compte des techniques de production par rotation.
Je m'explique. Si un agriculteur de ma région, le Languedoc-Roussillon, choisit de faire un an du tournesol, un an du blé dur, et l'année suivante du soja ou des protéines végétales non génétiquement modifiées, comme l'Europe l'y autorise désormais, mais se voit dès lors obligé de passer par un CTE, ce sera l'échec.
Ce n'est pas remettre en cause la politique des CTE que de vous demander de ne pas exiger que toutes les mesures européennes passent par eux !
Ma question rejoint d'ailleurs une autre préoccupation : consommera-t-on l'ensemble des crédits du FEOGA garanti, qui alimente le programme de développement rural national, le PDRN ? Nous le savons, l'enveloppe risque d'être partiellement perdue pour notre pays.
Pourtant, une grande partie de ces mesures avaient été décentralisées, notamment certaines mesures agri-environnementales, nous aurions été assurés que l'ensemble des enveloppes auraient été consommées normalement. L'enjeu est donc réel.
Même si je conserve mon opinion, je ne remets pas en cause le principe des CTE - après tout, c'est votre affaire ! ; mais je vous demande de ne pas bloquer le reste.
Ma question est donc claire : confirmez-vous, monsieur le ministre, la volonté que vous avez exprimée tout à l'heure d'augmenter l'enveloppe des indemnités compensatoires de handicaps naturels en montagne, en prenant en compte les points que je viens d'évoquer ? Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à poursuivre votre politique des CTE sans faire de ceux-ci un passage obligatoire pour certaines mesures, dont les mesures agri-environnementales ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission souhaite entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. M. Jacques Blanc présente un amendement pour me poser trois questions ! (Sourires.)
La première question concerne les indemnités compensatoires de handicaps naturels. J'ai pris l'engagement très ferme, que je répète aussi clairement que possible, de porter les crédits qui leur sont destinés de 2,5 milliards de francs dans le budget pour 2001 à 3 milliards de francs. Vous n'en trouvez que 2,8 milliards dans le « bleu », mais je vous confirme que, par le jeu des reports et des reliquats, voire par une loi de finances rectificative, ce sont bien 3 milliards de francs qui seront disponibles pour l'indemnité compensatoire de handicaps naturels.
Votre deuxième question est plus complexe. Vous évoquez, en particulier, une réforme structurelle très importante qui viserait à régionaliser le programme de développement rural national, le PDRN.
C'est une bonne idée - j'y réfléchis moi-même depuis quelque temps (Sourires) - mais il s'agit d'une réforme vraiment structurelle sur laquelle nous devrions être amenés à faire des propositions à la Commission pour 2006, puisque notre PDRN, sous sa forme nationale, est validé jusqu'à cette date. Nous avons donc un peu de temps devant nous - à moins que l'un de mes successeurs ne veuille réformer le plan d'ici là, en le renégociant région par région avec la Commission ! Je lui proposerai plutôt de garder cela pour 2006 et d'y réfléchir tranquillement.
Mais, pour tout vous dire, je trouve que l'idée est bonne.
Enfin, la mesure dite « rotationnelle » des cultures est une très bonne mesure - et pour cause : c'est moi qui l'ai proposée à la Commission ! - et je vous remercie sincèrement, monsieur le sénateur, de l'avoir appuyée.
Nous cherchions une mesure intelligente pour encourager les producteurs d'oléoprotéagineux, car nous considérions que les accords de Berlin, signés en 2000, portaient une atteinte très dommageable à la culture de ces produits qui, écologiquement très propres et très naturels, sont en outre de bonnes têtes d'assolement.
Après de longues discussions avec la Commission, la proposition du Gouvernement français de mettre en oeuvre un encouragement à la rotation des cultures vient d'être retenue. C'est enfin une bonne nouvelle pour les producteurs d'oléoprotéagineux de notre pays, et je m'en réjouis.
Reste à savoir comment mettre cette mesure en oeuvre. La réservera-t-on aux CTE, comme le craint M. Blanc, ou bien élaborera-t-on une mesure agri-environnementale ? Ma décision n'est pas prise - j'allais dire que ma religion n'est pas faite, mais je préfère encore la première formule ! - car les deux solutions présentent des avantages.
Avec le CTE, je n'ai rien à faire. Le dispositif réglementaire est déjà en place, et nous le simplifions de jour en jour. Nous avons fait un CTE herbager, nous pouvons faire un CTE simplifié pour les oléoprotéagineux et l'aide rotationnelle : ce n'est pas difficile.
En revanche, je n'ai plus pris de mesures agri-environnementales depuis deux ans, précisément dans un souci de cohérence.
Le président de la Fédération des oléoprotéagineux, la FOP, avec qui je m'en entretenais hier, souhaite que le dispositif soit mis en place rapidement et simplement. Je souhaite moi aussi être efficace. Peut-être irons-nous vers un compromis en optant pour une mesure agri-environnementale assortie d'un encouragement, d'une incitation plus forte à entrer dans le cadre du CTE.
Je ne veux pas plaider éternellement pour le CTE, qui est un mécanisme intelligent et plus large qu'une simple mesure agri-environnementale. Si vous optez pour cette dernière formule dans la seule perspective de toucher une prime à l'hectare, vous restez dans la logique de guichet : je fais de la rotation, j'ai tant d'hectares et ce sont tant de primes qui tombent ! Avec un CTE, vous êtes obligé d'envisager l'avenir de votre exploitation, de la projeter, sur la base d'un diagnostic et d'un projet d'exploitation. C'est à mon sens plus intelligent pour l'agriculteur.
Dans l'état actuel de ma réflexion, ma décision n'est pas prise, mais mon souci est d'être simple et efficace.
M. le président. L'amendement n° II-65 rectifié bis est-il maintenu, monsieur Jacques Blanc ?
M. Jacques Blanc. D'abord, monsieur le ministre, je prends acte de votre engagement sur les indemnités compensatoires de handicaps naturels.
Ensuite, je ne veux pas m'enfermer dans le débat sur le CTE : il peut être la pire des choses ; il peut être une mécanique infernale venant se substituer à des opérations collectives qui existaient, telles que les opérations groupées d'aménagement foncier, les OGAF ; mais il peut aussi être un élément positif encourageant certains agriculteurs à s'ouvrir à une approche nouvelle.
En revanche, monsieur le ministre, je me permettrai un commentaire sur votre réflexion à propos des mesures agri-environnementales : l'un n'empêche pas l'autre ! Je veux attirer votre attention sur le fait que, dans une région comme la mienne, si l'on rend obligatoire le passage au CTE, ceux qui sont déjà dans le système et sont au plafond seront bloqués et ne pourront donc pas aller de l'avant : ils ne pourront pas mettre en oeuvre les mesures agri-environnementales.
Monsieur le ministre, vous avez dit que vous étiez d'accord avec moi sur un point, et je m'en réjouis, car cela n'était pas évident : il nous faut développer une grande ambition, que j'ai d'ailleurs fait adopter à l'unanimité par le comité des régions d'Europe, celle de lancer un grand plan de culture de protéines végétales génétiquement non modifiées.
L'interdiction - heureuse - de l'utilisation des farines animales pour l'alimentation du bétail entraîne un besoin d'environ 5 millions de tonnes de protéines végétales, ce qui demande la mise en culture de 2 millions d'hectares en Europe. Pour l'instant, nous sommes dépendants à 68 % d'importations en provenance essentiellement d'Amérique du Sud ou des Etats-Unis, et personne ne sait si ces produits sont génétiquement modifiés ou non.
Je ne soutiens en aucun cas M. Bové ; je soutiens la recherche génétique, dont je trouve d'ailleurs scandaleux de remettre en cause l'importance aussi bien pour les hommes que pour le secteur agronomique, et vous savez que Montpellier se mobilise fortement autour d'Agropolis. Je sais aussi que les consommateurs auront besoin, un jour, de pouvoir identifier une viande et d'être assurés que l'animal concerné n'a pas reçu de complément d'alimentation contenant des protéines qui pourraient être génétiquement modifiées.
Nous avons donc là une carte formidable à jouer, celle du génétiquement non modifié. Nous avons des terres, nous avons de l'eau, nous avons du savoir-faire, nous sommes capables de mettre en place une identification de produits en circuit court et d'apporter les garanties qu'attendent les consommateurs et, parmi eux, les restaurateurs.
Monsieur le ministre, je souhaite que nous puisssions « enfoncer le clou », c'est le cas de le dire, dans une région où les agriculteurs n'attendent qu'un signe pour développer les protéines végétales non génétiquement modifiées.
Quoi qu'il en soit, je retire mon amendement, qui n'était qu'un amendement d'appel.
M. le président. L'amendement n° II-65 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° II-73, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 762 245 euros. »
L'amendement n° II-74, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Majorer les crédits du titre IV de 11 433 676 euros. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Il s'agit de deux amendements de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-73, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-74, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV, repoussés par la commission.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 15 626 000 euros ;

« Crédits de paiement : 4 688 000 euros. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre V, repoussés par la commission.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 224 603 000 euros ;
« Crédits de paiement : 83 213 000 euros. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI, repoussés par la commission.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 57, 57 bis, 58, 58 bis, 58 ter, 59 et 60, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de l'agriculture et de la pêche.

Article 57



M. le président.
« Art. 57. - I. - Au II de l'article L. 732-35 du code rural, après les mots : "ou d'entreprise agricole", sont insérés les mots : "ainsi que les aides familiaux".
« II. - La sous-section 1 de la section 3 du chapitre II du titre III du livre VII du même code est complétée par un paragraphe 5 intitulé : "Revalorisations des retraites et des pensions de réversion", comprenant les articles L. 732-54-1 à L. 732-54-8 ainsi rédigés :
« Art. L. 732-54-1 . - I. - La pension de retraite proportionnelle des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole justifiant de conditions minimales de durée d'activité agricole non salariée et de périodes d'assurance en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricole est calculée ou révisée en tenant compte, selon des modalités fixées par décret, des périodes d'assurance accomplies par les intéressés en qualité d'aide familial défini au 2° de l'article L. 722-10 à partir de l'âge de la majorité. Pour les pensions déjà liquidées au 1er janvier 1994, ce décret précise les modalités suivant lesquelles ces périodes d'assurance sont déterminées.
« II. - Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole dont la pension de retraite servie à titre personnel prend effet postérieurement au 31 décembre 1996 et qui justifient, dans le régime des personnes non salariées des professions agricoles et dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes au moins égale à celle requise en application de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale pour ouvrir droit à une pension à taux plein du régime général de la sécurité sociale ainsi que d'une durée minimum d'assurance effectuée en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole à titre exclusif ou principal, peuvent bénéficier d'une majoration de leur pension de retraite proportionnelle. Cette majoration a pour objet de porter le montant de celle-ci à un minimum qui est fixé par décret et qui tient compte de la durée d'assurance en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricole à titre exclusif ou principal. Ce décret fixe également les conditions dans lesquelles des années d'activité accomplies en qualité d'aide familial majeur pourront être assimilées à des années de chef d'exploitation pour déterminer ladite majoration.
« Pour les personnes non susceptibles de bénéficier de la revalorisation de la majoration des pensions de réversion prévue à l'article L. 732-54-4, le minimum prévu à l'alinéa précédent est relevé par décret, à compter du 1er janvier 2002.
« III. - Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole dont la pension servie à titre personnel a pris effet avant le 1er janvier 1997 et qui justifient de périodes minimum d'activité non salariée agricole et d'assurance en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricole accomplies à titre exclusif ou principal peuvent bénéficier d'une majoration de la retraite proportionnelle qui leur est servie à titre personnel.
« Cette majoration a pour objet de porter le montant de celle-ci à un minimum qui est fixé par décret et qui tient compte de leurs périodes d'assurance en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricole et d'activités non salariées agricoles accomplies à titre exclusif ou principal. Ce même décret précise les modalités suivant lesquelles ces périodes d'assurance sont déterminées.
« Pour les personnes non susceptibles de bénéficier de la revalorisation de la majoration des pensions de réversion prévue à l'article L. 732-54-4, le minimum prévu à l'alinéa précédent est relevé par décret, à compter du 1er janvier 2002.
« Art. L. 732-54-2 . - I. - Les personnes dont la retraite servie à titre personnel a pris effet après le 31 décembre 1997 bénéficient d'une attribution gratuite de points de retraite proportionnelle au titre des périodes accomplies en qualité de conjoint ou d'aide familial.
« Il en est de même, à compter du 1er janvier 1998, pour les personnes dont la retraite servie à titre personnel a pris effet au cours de l'année 1997 et qui justifient avoir acquis, en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise, un nombre de points de retraite proportionnelle supérieur à un minimum fixé par décret.
« Les dispositions du présent article sont applicables aux personnes qui justifient d'une durée d'assurance fixée par décret accomplie, à titre exclusif ou principal, dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et qui ne sont pas titulaires d'un des avantages mentionnés aux articles L. 732-41 à L. 732-44 et L. 732-46.
« Le nombre de points attribués au titre du présent article afin d'assurer à ces personnes un niveau minimum de pension de retraite proportionnelle est déterminé en fonction de l'année de prise d'effet de la retraite selon des modalités fixées par décret en tenant compte des durées d'assurance justifiées par l'intéressé et des points de retraite proportionnelle qu'il a acquis ou, lorsqu'il s'agit d'un conjoint d'exploitant agricole retraité après le 1er janvier 2000, qu'il aurait pu acquérir par rachat à compter du 1er janvier 2000 s'il avait opté pour la qualité de conjoint collaborateur d'exploitation ou d'entreprise mentionnée à l'article L. 732-35.
« II. - Pour les conjoints dont la retraite a pris effet au plus tard le 1er janvier 2000, les conjoints dont la retraite a pris effet postérieurement au 1er janvier 2000 et qui ont opté pour la qualité de conjoint collaborateur d'exploitation ou d'entreprise mentionnée à l'article L. 732-35, les conjoints qui postérieurement au 31 décembre 1998 n'ont plus exercé en qualité de conjoint participant aux travaux au sens de l'article L. 732-34, les aides familiaux et, le cas échéant, les chefs d'exploitation ou d'entreprise, le niveau minimum de retraite proportionnelle prévu au dernier alinéa du I est, à compter du 1er janvier 1999 et jusqu'au 1er janvier 2002, porté progressivement à un niveau différencié selon que les années sur lesquelles porte la revalorisation ont été exercées en qualité de conjoint ou d'aide familial. Dans ce but, le nombre de points supplémentaires gratuits attribué au titre du présent alinéa est déterminé selon des modalités fixées par décret et qui tiennent notamment compte des durées d'assurance de l'intéressé, du nombre de points qu'il a acquis et du nombre de points qu'il est susceptible d'acquérir en application des dispositions du quatrième alinéa du I de l'article L. 732-35 ou du II du même article.
« Pour l'application des dispositions du premier alinéa du présent II, les personnes qui avaient au 31 décembre 1998 et au 1er janvier 1999 la qualité de conjoint définie à l'article L. 732-34 ne sont considérées comme conjoint collaborateur que si elles ont opté avant le 1er janvier 2001 pour le statut mentionné à l'article L. 321-5 et ont conservé ce statut de manière durable. Un décret fixe les modalités selon lesquelles est apprécié ce caractère durable.
« En cas d'obtention d'une pension de réversion mentionnée au troisième alinéa du I, postérieurement à l'attribution de points de retraite proportionnelle gratuits, le nombre de points gratuits est plafonné, à compter du 1er janvier de l'année qui suit cette obtention, au niveau atteint durant l'année au cours de laquelle a pris effet la pension de réversion.
« III. - Pour les personnes mentionnées aux trois premiers alinéas du I et qui ne bénéficient pas des dispositions du II de l'article L. 732-54-1, les périodes accomplies en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise à titre exclusif ou principal peuvent donner lieu à attribution d'une majoration différentielle de points de retraite proportionnelle à compter du 1er janvier 2002. Le nombre de points ainsi attribué afin d'assurer à ces personnes un niveau minimum de pension de retraite proportionnelle est déterminé selon des modalités fixées par décret en tenant compte de la durée d'assurance accomplie par l'intéressé, à titre exclusif ou principal, dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles, de sa durée d'assurance en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise et du nombre de points de retraite proportionnelle qu'il a acquis en cette qualité.
« Art. L. 732-54-3 . - I. - Les personnes dont la retraite forfaitaire a pris effet avant le 1er janvier 1998 bénéficient d'une majoration de la retraite qui leur est servie à titre personnel, lorsqu'elles justifient d'une durée d'assurance fixée par décret accomplie, à titre exclusif ou principal, dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et qu'elles ne sont pas titulaires d'une retraite proportionnelle ou sont titulaires d'une pension de retraite proportionnelle inférieure aux minima fixés en application du premier alinéa du II de l'article L. 732-54-1 pour celles ayant pris leur retraite en 1997 ou au deuxième alinéa du III du même article pour celles dont la retraite a pris effet avant le 1er janvier 1997. Le montant de cette majoration est fixé par décret en tenant compte de la durée d'assurance justifiée par l'intéressé. Cette majoration de pension de retraite n'est pas cumulable avec les majorations de la pension de retraite proportionnelle prévues au premier alinéa du II et au deuxième alinéa du III de l'article L.732-54-1, dont les dispositions sont appliquées en priorité.
« II. - Les personnes dont la retraite forfaitaire a pris effet avant le 1er janvier 1998 bénéficient d'une majoration de la retraite qui leur est servie à titre personnel, lorsqu'elles justifient de périodes de cotisations à ladite retraite et d'assurance déterminées par décret, accomplies, à titre exclusif ou principal, dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et qu'elles ne sont pas titulaires d'un autre avantage servi à quelque titre que ce soit par le régime d'assurance vieillesse des membres non salariés des professions agricoles. Toutefois, le bénéfice d'une retraite proportionnelle acquise à titre personnel et inférieure à un montant fixé par décret ne fait pas obstacle au versement de ladite majoration.
« Ce décret fixe le montant de la majoration en fonction de la qualité de conjoint, d'aide familial et, le cas échéant, de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole, en fonction des durées justifiées par l'intéressé et en fonction du montant de la retraite proportionnelle éventuellement perçue.
« Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole qui ont également exercé leur activité en qualité d'aide familial sont considérés comme aides familiaux pour l'application des dispositions du présent article, dès lors qu'ils ont exercé en cette dernière qualité pendant une durée minimale fixée par décret.
« A compter du 1er janvier 1999 et jusqu'au 1er janvier 2002, les montants de cette majoration sont relevés chaque année par décret.
« Toutefois, en cas d'obtention d'une pension de réversion mentionnée aux articles L. 732-41 à L. 732-44, le montant de la majoration est plafonné à compter du 1er janvier de l'année qui suit cette obtention, au niveau atteint durant l'année au cours de laquelle a pris effet la pension de réversion.
« Art. L. 732-54-4 . - Les titulaires de la majoration forfaitaire des pensions de réversion prévue au IV de l'article L. 732-46 bénéficient d'une majoration de cette dernière, lorsqu'ils justifient d'une durée d'assurance fixée par décret accomplie, à titre exclusif ou principal, dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles.
« Cette majoration a pour objet de porter le montant de la majoration forfaitaire à un montant minimum qui est fixé par décret et qui tient compte de leur durée d'assurance accomplie dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles.
« Art. L. 732-54-5 . - Les personnes dont la retraite mentionnée aux articles L. 732-24, L. 732-34, L. 732-35 et L. 762-29 a pris effet antérieurement au 1er janvier 2002 peuvent, le cas échéant, bénéficier d'une majoration de leur pension de réversion servie en application des articles L. 732-41 à L. 732-44 lorsqu'elles justifient d'une durée d'assurance fixée par décret accomplie à titre exclusif ou principal dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles.
« Les personnes dont la retraite mentionnée aux articles L. 732-24, L. 732-34, L. 732-35 et L. 762-29 a pris effet postérieurement au 31 décembre 2001 peuvent, le cas échéant, bénéficier d'une majoration de leur pension de réversion servie en application des articles L. 732-41 à L. 732-44 lorsqu'elles justifient dans un ou plusieurs régimes obligatoires d'une durée d'assurance et de périodes équivalentes au moins égale à celle requise en application de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale pour ouvrir droit à une pension à taux plein du régime général de la sécurité sociale et qu'elles remplissent des conditions fixées par décret de durée minimale d'activité non salariée agricole accomplie à titre exclusif ou principal.
« Cette majoration a pour objet de porter le total de leurs droits propres et dérivés, servis par le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées de l'agriculture et appréciés dans l'un et l'autre cas après mise en oeuvre des revalorisations prévues aux articles L. 732-54-1 à L. 732-54-3 et L. 732-54-8, à un montant minimum qui est fixé par décret et qui tient compte de leur durée d'assurance dans ledit régime. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
« Art. L. 732-54-6 . - Les montants de la majoration prévue au IV de l'article L. 732-46 et des majorations mentionnées aux articles L. 732-54-3 à L. 732-54-5, dues au titre de périodes postérieures au 31 décembre 2001, sont exprimés en points de retraite proportionnelle à compter du 1er janvier 2002.
« Art. L. 732-54-7 . - Les dispositions des I et II de l'article L. 732-54-1, ainsi que celles de l'article L. 732-54-2, ne sont pas applicables aux personnes dont la retraite servie à titre personnel a pris effet postérieurement au 31 décembre 2001.
« Art. L. 732-54-8 . - I. - Les personnes dont la pension de retraite, servie à titre personnel, a pris effet postérieurement au 31 décembre 2001 bénéficient d'une majoration de leur pension, exprimée en points de retraite proportionnelle, lorsqu'elles justifient dans un ou plusieurs régimes obligatoires d'une durée d'assurance et de périodes équivalentes au moins égale à celle requise en application de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale pour ouvrir droit à une pension à taux plein du régime général de la sécurité sociale et qu'elles remplissent des conditions fixées par décret, de durées minimales d'activité non salariée agricole accomplie à titre exclusif ou principal.
« II. - Cette majoration a pour but de porter la pension de retraite de l'intéressé à un montant minimum. Ce montant minimum tient compte de sa durée d'activité non salariée agricole effectuée à titre exclusif ou principal et prise en compte dans une limite fixée par décret, de ses périodes d'assurance en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricoles accomplies à titre exclusif ou principal, des périodes d'activité accomplies à titre exclusif ou principal en qualité de conjoint collaborateur d'exploitation ou d'entreprise agricole mentionné à l'article L. 732-35, des périodes d'activité effectuées en qualité de membre de la famille mentionné à l'article L. 732-34 ainsi que de tout ou partie des périodes de conjoint participant aux travaux effectuées avant 1999, de l'année de prise d'effet de la retraite et du nombre de points de retraite proportionnelle qu'il a acquis en chacune de ces qualités, ou, s'agissant des périodes de conjoint participant aux travaux de l'exploitation effectuées avant 1999, qu'il aurait pu obtenir par rachat dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 732-35.
« Pour les conjoints participant aux travaux au 1er janvier 1999 qui, soit n'ont pas fait choix de l'option pour le statut de conjoint collaborateur d'exploitation ou d'entreprise dans le délai imparti par l'article L. 321-5, soit n'ont pas conservé ce statut de manière durable dans les conditions fixées par le décret prévu au deuxième alinéa du II de l'article L. 732-54-2, les périodes accomplies après 1998 comme conjoint participant ou collaborateur ne peuvent donner lieu à revalorisation.
« III. - Pour les personnes qui totalisent des périodes d'assurance en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole au moins égales à une durée minimale prévue par décret, ce décret fixe le nombre minimum annuel moyen de points de retraite proportionnelle de manière différenciée pour les périodes accomplies en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise et pour celles accomplies en qualité de conjoint ou de membre de la famille, respectivement retenues dans les conditions et limites prévues au II. Toutefois, ce même décret prévoit les modalités dans lesquelles des annuités accomplies en qualité d'aide familial peuvent être assimilées à des annuités de chef d'exploitation pour le calcul du nombre minimum annuel moyen de points de retraite proportionnelle.
« Pour les personnes qui ne justifient pas de périodes d'assurance en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole au moins égales à ladite durée minimale, le même décret fixe un nombre minimum annuel moyen unique de points de retraite proportionnelle pour les années retenues dans les conditions et limites prévues au II, quelle que soit la qualité en laquelle l'activité a été exercée.
« Toutefois, pour les personnes qui, postérieurement au 1er janvier 1999, ont conservé le statut de conjoint participant aux travaux ainsi que pour celles qui ont fait choix de l'option pour le statut de conjoint collaborateur d'exploitation ou d'entreprise après le délai imparti par l'article L. 321-5, ou sans conserver ce statut de manière durable dans les conditions fixées par le décret prévu au deuxième alinéa du II de l'article L. 732-54-2, le nombre minimum annuel moyen de points, prévu aux premier et deuxième alinéas du présent III et appliqué aux périodes accomplies comme conjoint antérieurement à 1999, est réduit dans des conditions fixées par décret.
« IV. - Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret ».
« III. - Le dernier alinéa des articles L. 732-24 et L. 762-29 ainsi que les articles L. 732-30 à L. 732-33 du même code sont abrogés.
« IV. - Dans la deuxième phrase du dernier alinéa du I de l'article L. 732-35 du même code, les mots : "quatrième alinéa de l'article L. 732-31" sont remplacés par les mots : "deuxième alinéa du II de l'article L. 732-54-2". »
Sur l'article, la parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Les réformes en matière de retraites sont urgentes. Elles le sont encore davantage pour les 4 millions de retraités de l'agriculture.
L'article 57 du projet de loi de finances pour 2002 vise à mettre en oeuvre la dernière étape du plan annuel de revalorisation des petites retraites agricoles. Il tend à revaloriser les retraites de ceux dont la situation demeure préoccupante et injuste.
Préoccupante, car de nombreux agriculteurs perçoivent encore des montants 30 % inférieurs à celui des retraites moyennes. Depuis 1994, les retraites agricoles ont commencé à être réévaluées, pour atteindre en 2002 le minimum vieillesse, c'est-à-dire 3 720 francs par mois. Mais vivre avec 567,1 euros par mois demeure une gageure !
Injuste, car nos agriculteurs n'ont pas compté leur peine pour faire de la France la deuxième nation agricole du monde. Finalement, ils tirent de bien maigres fruits de leurs efforts, et l'on comprend leur amertume. Parlementaires soucieux d'équité, nous devons nous refuser à accepter ce fossé qui se creuse entre les agriculteurs et les autres catégories socioprofessionnelles.
Tout se conjugue pour que la situation se dégrade.
Premièrement, la baisse régulière du nombre d'agriculteurs conduit à la dégradation du déficit structurel de leur régime.
Deuxièmement, avec une diminution de 2,1 % en 2000, la baisse des revenus agricoles se poursuit, ce qui augure mal du montant des cotisations et des futures retraites.
Il est donc urgent d'agir et d'engager une réforme significative pour corriger la modicité des retraites agricoles. En effet, rester passif aurait des conséquences très lourdes sur le monde rural.
Aujourd'hui, la faiblesse des retraites agricoles conduit à n'octroyer qu'un faible pouvoir d'achat à une partie importante de la population. Les répercussions sont évidentes sur l'activité économique locale et, plus généralement, sur l'aménagement du territoire, puisque ces retraités sont les plus nombreux en zones rurales.
Demain, qui voudra encore être agriculteur ? Nous comptons seulement 6 000 installations de jeunes agriculteurs, ce faible nombre s'expliquant par des raisons tant économiques que sociofamiliales. La crise de confiance est évidente. Comment convaincre un jeune de devenir agriculteur, métier parfois dur et souvent peu rémunérateur, si le montant de ses futurs droits à la retraite est très inférieur à celui auquel pourront prétendre les jeunes exerçant une autre profession ? La revalorisation actuelle des retraites est bien un enjeu pour l'avenir.
A brève échéance, les retraites minimales devraient se rapprocher encore plus du SMIC, comme le promettent depuis bien longtemps les plus hauts responsables de notre pays.
Les retraites agricoles devront également être complétées par la mise en place d'une retraite complémentaire obligatoire par répartition.
Dans sa « fenêtre » parlementaire du 11 décembre prochain, le groupe socialiste a inscrit une proposition de loi tendant à créer un tel régime, mais qu'en est-il du financement ?
La viabilité de ce régime nécessiterait un abondement de l'Etat équivalent aux cotisations estimé à 1 milliard de francs par an. Il aurait pu être inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale : ce texte est voté en dernière lecture aujourd'hui même, mais il ne contient aucune disposition en ce sens. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2002 ne prévoit pas non plus le financement nécessaire.
L'attente des agriculteurs est légitime et répond simplement à un principe de justice.
Si l'on veut réussir à maintenir notre système de retraite par répartition, si l'on veut permettre une plus grande équité entre les agriculteurs et les autres Français, si l'on veut assurer un aménagement du territoire équilibré, l'heure, monsieur le ministre, est aux décisions et non aux coups de pouce et aux effets d'annonce préélectoraux. Je considère votre revalorisation des retraites des agriculteurs comme une mesure d'attente. Dans l'espoir de leur amélioration, je suivrai notre rapporteur sur cet article 57. (M. le rapporteur spécial et M. Gérard Braun applaudissent.)
M. le président. L'amendement n° II-21, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du premier alinéa du III du texte proposé par le II de l'article 57 pour l'article L. 732-54-8 du code rural, après les mots : "en qualité d'aide familial", insérer le mot : "majeur". »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. C'est un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'émets un avis favorable, et j'en profite pour répondre à M. de Montesquiou, bien que je me sois déjà exprimé à propos des retraites.
Monsieur de Montesquiou, je ne sais pas qui, de nous deux, fait de la gesticulation électorale, mais qualifier de « mesure d'attente » un plan quinquennal qui mobilise plus de 25 milliards de francs supplémentaires pour les retraites agricoles est pour le moins disproportionné. Je vous encourage à proposer d'autres « mesures d'attente » de ce genre, monsieur le sénateur !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-21.
M. Aymeri de Montesquiou. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, le niveau des retraites agricoles est beaucoup trop bas. Certes, il progresse, mais de manière insuffisante !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-21, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 57, modifié.

(L'article 57 est adopté.)

Articles 57 bis, 58, 58 bis, 58 ter et 59



M. le président.
« Art. 57 bis . - Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées parlementaires, au plus tard le 1er avril 2002, un rapport relatif à la mensualisation des retraites des ressortissants du régime des non-salariés agricoles. » - (Adopté.)
« Art. 58. - I. - Au VII de l'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale, les mots : "par le tiers de 2 028 fois" sont remplacés par les mots : "par 30 % de 2 028 fois" et les mots : "200 fois" sont remplacés par les mots : "150 fois".
« II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 2001. » - (Adopté.)
« Art. 58 bis . - I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 732-8 du code rural, après les mots : "mentionnés aux 1° , 2° et 5° de l'article L. 722-10", sont insérés les mots : "ainsi qu'aux conjoints collaborateurs d'exploitation ou d'entreprise agricole mentionnés à l'article L. 321-5 qui perçoivent leurs prestations en nature du présent régime".
« II. - Dans le deuxième alinéa du même article, après les mots : "mentionnés aux 1° de l'article L. 722-10", sont insérés les mots : "et aux conjoints collaborateurs d'exploitation ou d'entreprise agricole mentionnés à l'article L. 321-5 qui perçoivent leurs prestations en nature du présent régime".
« III. - L'article L. 731-35 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la couverture des prestations d'invalidité des conjoints collaborateurs prévues à l'article L. 732-8, une cotisation forfaitaire, dont les modalités sont fixées par décret, est due par les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole. » - (Adopté.)
« Art. 58 ter . - Le dernier alinéa du I de l'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale est supprimé. » - (Adopté.)
« Art. 59. - Le code rural est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa de l'article L. 226-1 est ainsi rédigé :
« La collecte et l'élimination des cadavres d'animaux, celles des viandes, abats et sous-produits animaux saisis à l'abattoir reconnus impropres à la consommation humaine et animale, ainsi que celles des matériels présentant un risque spécifique au regard des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles, dénommés matériels à risque spécifiés et dont la liste est arrêtée par le ministre chargé de l'agriculture, constituent une mission de service public qui relève de la compétence de l'Etat. » ;
« 2° Le deuxième alinéa du I de l'article L. 226-2 est ainsi rédigé :
« Ces mesures s'appliquent sans limitation de poids aux matériels suivants : les cadavres d'animaux de toutes espèces euthanasiés à l'abattoir ou morts pendant leur transport à l'abattoir ou dans les locaux de l'abattoir avant l'abattage, les viandes, abats et sous-produits animaux saisis à l'abattoir reconnus impropres à la consommation humaine et animale, ainsi que les matériels à risque spécifiés. Lors de leur remise à la personne chargée de l'exécution du service public de l'équarrissage, ces matériels sont accompagnés d'un bordereau qui en précise la provenance, la nature et le poids. » ;
« 3° Le dernier alinéa de l'article L. 226-5 est ainsi rédigé :
« Dans les cas visés au deuxième alinéa du I de l'article L. 226-2, le délai d'enlèvement est de quarante-huit heures. Toutefois, il peut être porté à sept jours lorsque l'entreposage répond à des conditions, définies par voie réglementaire, propres à protéger, pendant ce délai, les intérêts sanitaires. » - (Adopté.)

Article 60



M. le président.
« Art. 60. - Au deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, les mots : "pour 2001, à 1,4 %" sont remplacés par les mots : "pour 2002, à 1,7 %". »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-22 est présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-7 rectifié est présenté par MM. César, Vinçon, Trégouët, Leroy, de Richemont, Cazalet et Lepeltier.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Rédiger ainsi l'article 60 : "Au deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, les mots : "pour 2001, à 1,4 %" sont remplacés par les mots : "pour 2002, à 2 %". »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-22.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de fixer pour 2002 le plafond d'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambre d'agriculture à 2 % au lieu de 1,7 % afin de permettre aux chambres d'agriculture, pour lesquelles cette taxe est une recette, d'assurer l'ensemble des missions qui sont les leurs en tant qu'établissements publics administratifs.
M. le président. La parole est à M. César, pour présenter l'amendement n° II-7 rectifié.
M. Gérard César. J'abonderai dans le sens de M. le rapporteur spécial en disant que cette augmentation de 1,7 % à 2 % se justifie d'autant plus que les chambres d'agriculture subissent de plein fouet l'effet des 35 heures.
M. Roland du Luart. Mais c'est le contribuable qui paiera !
M. Gérard César. Ayant moi-même été président d'une chambre d'agriculture, je sais que l'aménagement de la réduction du temps de travail se traduit par vingt-trois jours de congés supplémentaires par salarié !
A cet élément non négligeable s'ajoute l'augmentation sensible des cotisations obligatoires au fonds de péréquation des centres régionaux de la propriété forestière.
S'ajoute aussi, en particulier dans les régions forestières, la diminution du produit de l'impôt foncier après les tempêtes de décembre 1999. Il est en outre question aujourd'hui d'exonérer de nombreux propriétaires de cet impôt.
Par conséquent, la seule possibilité pour que les chambres d'agriculture fonctionnent normalement, c'est de porter le plafond d'augmentation du produit de la taxe de 1,7 % à 2 %.
J'ai souvenir - mais c'était dans une vie antérieure - de lettres circulaires émanant du ministre de l'agriculture fixant, avec la bénédiction du ministère des finances, des règles qui permettaient aux chambres d'agriculture d'équilibrer leur budget.
Aujourd'hui, les choses ont changé, et nous savons tous pourquoi, mais, compte tenu des éléments que j'ai cités, compte tenu aussi de l'inflation, il faut accepter le taux de 2 %.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s II-22 et II-7 rectifié ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement est très défavorable à ces deux amendements identiques pour trois raisons, de forme et de fond.
L'année dernière, le plafond d'augmentation avait été fixé à 1,4 %. Cette année, le projet de loi de finances porte ce plafond à 1,7 %. Si j'ai proposé que l'on procède à cette augmentation, c'est parce que la question a fait l'objet d'une discussion avec l'assemblée permanente des chambres d'agriculture et, dès lorsque son président, M. Guyau, et moi-même avons topé pour 1,7 %, je ne vois pas pourquoi on tenterait de revenir en arrière et de remettre en cause l'accord passé.
C'est une première raison. Elle est de forme, mais elle est importante parce que, moi, quand je donne ma parole, je la tiens !
Deuxième raison : je connais le petit jeu auquel se livrent cerains présidents de chambre d'agriculture, car j'ai eu l'occasion de lire certaines de leurs circulaires.
Vous savez comme moi, monsieur César, que le taux que l'on vote est un taux plafond et que l'augmentation de la taxe pour frais de chambre d'agriculture peut donc être inférieure à ce taux.
Certains présidents de chambre d'agriculture se sont adressés aux agriculteurs pour leur dire que la pression du Gouvernement pour augmenter le plafond à 1,7 % était insupportable et qu'ils résistaient en ne portant le plafond qu'à 1,5 % ou 1,6 %. Il ne faut pas me prendre pour un imbécile.
Enfin, troisième raison depuis trois ans, lors de chaque débat, vous vous plaignez des charges pesant sur les agriculteurs. Vous me proposez aujourd'hui de les alourdir. Je refuse cet alourdissement. (MM. Jacques Mahéas et Paul Raoult applaudissent.)
M. Roland du Luart. Je suis d'accord avec M. le ministre sur cette affaire !
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-22 et II-7 rectifié.
M. Gérard César. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Vous vous prenez à votre propre piège, monsieur le ministre ! En effet, vous disiez que les CTE étaient un succès et qu'il y en aurait de plus en plus. Mais, si vous enlevez aux chambres d'agriculture le moyen de les financer, il y en aura de moins en moins !
J'étais personnellement défavorable aux CTE, mais, lorsque j'ai présidé une chambre d'agriculture, j'ai conclu des CTE parce que je défends les agriculteurs et que c'était en définitive une bonne solution. (M. le ministre sourit.)
Mais, aujourd'hui, avec l'ARTT, les chambres d'agriculture ne peuvent plus fonctionner et, malheureusement, elles seront contraintes de faire payer les services individuels.
C'est contraire à leur mission de développement en faveur de tous les agriculteurs, et c'est dommage.
Après tout, les membres des chambres d'agriculture sont des élus, comme nous tous ici. Dès lors, pourquoi ne leur laissez-vous pas la responsabilité de leur budget ? Laissez-leur la possibilité de le voter et les agriculteurs sanctionneront ceux qui parmi eux ne sont pas responsables.
M. Hilaire Flandre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Je voterai les deux amendements identiques parce que je considère qu'on doit laisser aux chambres d'agriculture et à ceux qui les administrent les moyens de gérer eux-mêmes leur propre budget.
Je m'élève contre cette façon de plafonner par un pourcentage les dépenses des chambres d'agriculture, et je m'en explique.
Dans l'ensemble des départements français, les taux de taxes de frais de chambres d'agriculture varient de façon considérable et le système du plafonnement par un pourcentage conduit à pénaliser les chambres d'agriculture qui se sont montrées les plus raisonnables et à accorder des facilités bien plus grandes à celles qui se sont montrées les plus dispendieuses.
Il conviendrait donc de laisser aux présidents et aux conseils d'administration des chambres d'agriculture le soin de gérer leur budget.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je vais certainement étonner une partie de l'assemblée en disant que, sur l'un de ses arguments au moins, je ne suis pas loin de rejoindre M. Glavany. Une fois n'est pas coutume, car, jusqu'à présent, nous avons été plus souvent en opposition qu'en accord !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est vrai !
M. Alain Vasselle. Ces amendements identiques tendent en effet à alourdir une charge pesant sur les propriétaires fonciers en général et sur les agriculteurs en particulier, ce qui me gêne.
Je note cependant, monsieur le ministre, que vous êtes vous-même allé dans ce sens puisque vous vous êtes mis d'accord avec M. Guyau, nous avez-vous dit, pour porter le plafond d'augmentation à 1,7 %. Vous critiquez ces amendements qui fixent ce taux à 2 %, mais, avec un taux de 1,7 %, vous faites déjà peser sur la profession agricole une charge financière plus lourde qu'auparavant.
Il y a par ailleurs un point sur lequel je veux appeler votre attention, point que j'ai souligné lorsque nous avons été invités à discuter avec le président de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture de la loi de finances pour 2001.
Le président de l'APCA nous a demandé à cette occasion de déposer un amendement visant à faire passer de 1,7 % à 2 % le plafond de l'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambres d'agriculture.
Or il me semble difficile de faire supporter à la profession agricole des charges supplémentaires dans la conjoncture défavorable que nous connaissons, laquelle se trouve encore aggravée par des mesures ou des procédures très complexes, à caractère plus technocratique qu'économique. Ainsi, la mise en place des CTE représente un véritable « casse-tête », même si ce dispositif peut, à la marge, profiter à certains.
L'agriculture française préfèrerait vivre de la vente de ses produits plutôt que de deniers publics, que ceux-ci soient d'origine nationale ou européenne, et c'est pour cette raison que je me suis montré réticent à accepter la suggestion de M. le président de l'APCA. Il serait à mon sens plus pertinent que le Gouvernement adopte une attitude cohérente et prenne en compte les conséquences de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.
En effet, si l'on veut que les chambres d'agriculture maintiennent une qualité de service au moins équivalente à ce qu'elle était auparavant, il faudra bien leur donner les moyens, notamment en termes de personnel, de répondre aux demandes de la profession agricole. Il existe en particulier des services chargés du développement de l'agriculture, mais celui-ci ne pourra être assuré que si les chambres peuvent consentir l'effort nécessaire !
Or, dans ma naïveté habituelle (sourires), je pensais qu'il appartenait à l'Etat de compenser, par le biais de dotations, les charges nouvelles qu'il fait supporter aux chambres d'agriculture sans que la profession agricole ait aucune prise sur cette évolution.
C'est sur ce point que je rejoins mes collègues Gérard César et Hilaire Flandre. Autant il est nécessaire de responsabiliser la profession agricole et de la laisser décider du niveau des dépenses qu'elle accepte de consentir et du montant des recettes qu'elle inscrit en regard, autant il serait logique que l'Etat couvre les dépenses nouvelles résultant, de façon indirecte, d'une politique gouvernementale.
Je crois donc préférable de maintenir à 1,7 % le plafond de l'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambres d'agriculture, en prévoyant que le différentiel de 0,3 % sera comblé grâce à des dotations de l'Etat aux chambres d'agriculture. Toutes les parties y trouveraient leur compte, et une telle mesure serait en parfaite cohérence avec l'argumentation que vous avez développée, monsieur le ministre, pour vous opposer à l'amendement n° II-7 rectifié.
M. Hilaire Flandre. Belle démonstration !
M. Jean-Marc Pastor. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. On nous parle de cohérence, or nous venons d'assister à des votes complètement incohérents.
M. Gérard Delfau. Absolument !
M. Jean-Marc Pastor. Comment voulez-vous que l'on puisse trouver une certaine logique au débat que nous venons d'avoir ? En effet, après avoir adopté un amendement visant à assurer le financement public des syndicats agricoles, on refuse de voter les crédits correspondants. Est-ce là de la cohérence ? (M. Flandre proteste.) Comment pouvez-vous prétendre nous donner des leçons dans ce domaine ?
M. Gérard Delfau. Il a raison !
M. Jean-Marc Pastor. Le raisonnement suivi est complètement aberrant, et j'ignore, mes chers collègues, comment nous pourrons l'expliquer, une fois revenus sur le terrain ! M. Hilaire Flandre. Vous n'avez pas suivi !
M. Jean-Marc Pastor. J'avoue que je suis vraiment bouleversé à l'écoute de certains propos. (Murmures sur les travées du RPR.)
Nous sommes tous attentifs à l'évolution du produit de la taxe pour frais de chambres d'agriculture : or son plafond passerait de 1,4 % à 2 % !
M. Gérard César. A 1,7 % !
M. Jean-Marc Pastor. Votre proposition est de faire passer le taux maximal d'évolution de 1,4 % à 2 %, mon cher collègue ! (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Gérard César. Non !
M. Jean-Marc Pastor. Le code rural prévoit un taux de 1,4 %, il était proposé de relever celui-ci à 1,7 %, mais votre amendement tend à le porter à 2 %. Cela représenterait une très forte augmentation par rapport à la situation initiale ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Gérard César. Mais non !
M. Hilaire Flandre. Vous n'avez rien compris !
M. Jean-Marc Pastor. Il faudra pouvoir l'expliquer et le justifier. Je n'y comprends peut-être rien, monsieur Flandre, c'est possible ! Voilà une demi-heure que j'essaie de suivre le débat, mais j'avoue très honnêtement que cela m'est bien difficile ! Le vote qui est intervenu tout à l'heure à propos du financement des organisations syndicales agricoles m'a mis très mal à l'aise, je le reconnais !
M. Gérard Delfau. Il a raison !
M. Jean-Marc Pastor. Il faudra un jour ou l'autre expliquer cela !
Un accord a été négocié avec le président de l'APCA, et j'ai interrogé à ce sujet le président de la chambre d'agriculture de mon département pour savoir ce qu'il en était. En effet, monsieur César, je ne suis pas, comme vous, un ancien président de chambre d'agriculture.
Comme l'a indiqué M. le ministre, il semblerait donc qu'un accord avait été trouvé avec le président de l'APCA pour fixer le taux aux environs de 1,7 %. Quoi qu'il en soit, le groupe socialiste votera contre les amendements qui nous sont présentés.
M. Hilaire Flandre. Quelle surprise !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. L'article 60 du projet de loi de finances prévoit de fixer à 1,7 % le taux maximal d'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambres d'agriculture. Il est proposé ici de le faire passer à 2 %, ...
M. Gérard César. Voilà !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. ... alors que, en effet, il est actuellement de 1,4 %.
Cela étant, j'ignore s'il existe une contradiction, comme l'a affirmé M. Pastor. Nous sommes tombés d'accord sur le principe du financement public des syndicats agricoles, mais cela ne signifie pas que nous approuvions l'ensemble du projet de budget. ( M. César approuve .) Nous restons en désaccord sur l'essentiel, même si nous nous retrouvons sur un point précis : ce n'est pas la première fois que l'on observe une telle situation.
Par ailleurs, je voudrais remercier M. César des excellents arguments qu'il a développés. Je lui serais néanmoins reconnaissant de bien vouloir se rallier à l'amendement n° II-22 déposé par la commission des finances, qui est identique au sein.
M. le président. Monsieur César, maintenez-vous l'amendement n° II-7 rectifié ?
M. Gérard César. Monsieur le président, je souscris volontiers à la suggestion de M. le rapporteur spécial, et je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° II-7 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° II-22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 60 est ainsi rédigé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'agriculture et la pêche.

Budget annexe des prestations sociales agricoles

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart, en remplacement de M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Bourdin doit présider une réunion de la délégation du Sénat pour la planification et m'a donc demandé de présenter son rapport à sa place. Cela me permet de renouer avec un sujet que je connais bien, puisque j'ai été rapporteur du budget de l'agriculture et du BAPSA pendant une dizaine d'années.
En 2002, le BAPSA s'élèvera, hors restitutions de TVA, à 14,259 milliards d'euros, soit 93,53 milliards de francs, ce qui représente une augmentation de 3,3 % par rapport à 2001.
Pour 2002, les principales caractéristiques des recettes du BAPSA sont les suivantes : une quasi-stabilité du montant des contributions professionnelles, une forte progression, à hauteur de 9,5 %, du montant des taxes affectées, une augmentation de 10,06 % du montant des transferts de compensation démographique, un très net recul, qui atteint 67 %, de la participation de l'Etat au titre de la subvention budgétaire d'équilibre et, parallèlement, une augmentation sensible, de 86,4 %, du prélèvement sur la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, au profit du BAPSA.
Les dépenses prévisionnelles s'établissent, pour 2002, à près de 15,4 milliards d'euros, soit 101 milliards de francs. Elles progressent de 685 millions d'euros, soit 4,5 milliards de francs, la hausse étant de 4,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001.
Hors restitutions de TVA, lesquelles connaissent, en 2002, une augmentation très sensible résultant de celle des ressources de TVA elles-mêmes, cette progression se réduit à 452 millions d'euros, soit 3,3 %. Les dépenses hors restitutions, plus représentatives de la réalité des dépenses du BAPSA, s'élèveraient ainsi à 14,25 milliards d'euros en 2002, soit 93,5 milliards de francs.
Les prestations d'assurance vieillesse atteignent un montant, pour 2002, de 7,945 milliards d'euros, soit 52,1 milliards de francs, en augmentation de 2,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001. Cette croissance est cependant ramenée à 115 millions d'euros, soit 754,35 millions de francs, ce qui représente un taux de 1,8 % par rapport aux nouvelles prévisions de dépenses pour 2001.
Cette hausse est la résultante du relèvement important des retraites contributives et d'une diminution sensible des dépenses prévues au titre du Fonds de solidarité vieillesse. Les mesures de revalorisation des petites retraites qui interviendront en 2002, dernière année de mise en oeuvre du plan pluriannuel de revalorisation, devraient entraîner des dépenses supplémentaires, de l'ordre de 215,7 millions d'euros, soit 1,4 milliard de francs, ce qui n'est pas rien !
Les dépenses d'assurance maladie, maternité et invalidité, qui constituent le deuxième poste de dépenses du BAPSA après les prestations vieillesse, devraient s'établir pour 2002 à 5,46 milliards d'euros, soit 35,8 milliards de francs, en augmentation de 5,1 % par rapport à 2001, afin de tenir compte de l'augmentation du coût des prestations et de la consommation médicale moyenne.
Les dépenses de prestations familiales sont évaluées à 590,1 millions d'euros, soit 3,87 milliards de francs, pour 2002. Elles constituent, loin derrière les prestations vieillesse et maladie, le troisième poste de dépenses. Globalement, les prévisions de dépenses diminuent de 6 millions d'euros, soit 40 millions de francs, par rapport à la loi de finances initiale pour 2001, la baisse atteignant donc 1 %.
Les dépenses liées à l'étalement du remboursement des dettes et à la prise en charge des agriculteurs en difficulté sont en diminution, avec 12,2 millions d'euros prévus pour 2002, soit 80 millions de francs, contre 25,9 millions d'euros, soit 170 millions de francs, votés en 2001.
Le montant inscrit en loi de finances initiale pour 2001 avait d'ailleurs été majoré de 90 millions de francs au moment de la discussion du projet de budget, au profit exclusif des exploitants touchés par la crise bovine, spécialisés à plus de 30 % dans cette production.
Le montant prévu au titre de 2002 correspond donc au niveau initialement prévu par la loi de finances pour 2001. Dans un contexte de crise agricole persistante, notamment dans le secteur bovin, le montant des crédits inscrits à ce chapitre est cette année encore insuffisant. Pourrez-vous, monsieur le ministre, nous donner plus de précisions à ce sujet et nous dire si vous comptez accroître les crédits de ce chapitre budgétaire ?
Après cette rapide présentation du BAPSA, je souhaiterais évoquer devant vous, mes chers collègues, les quelques réflexions que l'analyse de ce projet de budget a inspirées à M. Bourdin, qui a été amené à considérer que l'existence même du BAPSA ne se justifiait plus vraiment et que ces crédits trouveraient une place plus légitime au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Tout d'abord, les prévisions d'exécution du BAPSA en 2001 font apparaître un déséquilibre du budget, à hauteur de 235 millions d'euros, soit 1 542 milliards de francs, d'après les données du projet de loi de finances rectificative pour 2001.
Ce déficit sera financé, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2001, par un complément d'affectation du produit de la C3S, comme ce fut le cas à la fin de l'exercice 2000, et non par une augmentation de la subvention d'équilibre, comme cela aurait été plus logique.
Outre l'incertitude constitutionnelle qui pèse sur cette affectation ex post , je souhaiterais affirmer devant vous, monsieur le ministre, ma désapprobation à l'égard de ce mode de financement du BAPSA. Le recours croissant au prélèvement sur le produit de la C3S au profit du BAPSA, qui bénéficie déjà d'impositions affectées et d'une subvention d'équilibre du budget de l'Etat, ne me paraît pas justifié. Il s'agit en effet d'un financement par nature instable au cours du temps et, surtout, cette ponction opérée sur le produit de la C3S revient à détourner des régimes de sécurité sociale des commerçants et artisans une partie des sommes qui leur sont normalement dues au titre de cette contribution. Etant donné que les retraites de ces catégories ne sont déjà pas très brillantes, c'est encore plus injuste.
S'agissant des retraites agricoles, il me semble que diverses mesures doivent être envisagées alors que le plan de revalorisation des faibles retraites agricoles touche à son terme, notamment la mensualisation du paiement.
A cet égard, l'Assemblée nationale a inséré un nouvel article rattaché au projet de budget de l'agriculture et visant à préciser que le Gouvernement devra déposer sur le bureau des deux assemblées, au plus tard le 1er avril 2002, un rapport relatif à la mensualisation des retraites des ressortissants du régime des non-salariés agricoles. Le Gouvernement est-il prêt, monsieur le ministre, à faire évoluer sa position sur ce point ?
En outre, la question de la nécessaire création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire reste en suspens. A cet égard, le Gouvernement a présenté en janvier 2001 un rapport sur les retraites agricoles. Attendu depuis près de deux ans, ce rapport est très décevant, puisqu'il ne se prononce ni sur les modalités d'application d'un tel régime, si ce n'est que sa création interviendra après 2002, ni sur la part du financement de l'Etat dans l'instauration de celui-ci. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si, oui ou non, l'Etat est prêt à participer financièrement à la mise en place de ce régime de retraite complémentaire obligatoire ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je peux le dire !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. L'adoption, le 5 novembre dernier, de la réforme de la couverture accidents du travail des exploitants agricoles aura, certes, permis de revaloriser les prestations servies, de mettre en place une politique de prévention et d'organiser un contrôle effectif de l'obligation d'assurance, mais cette réforme a profondément modifié l'esprit de cette couverture en transformant un régime d'assurance et basé sur des règles de concurrence en un véritable régime de sécurité sociale.
Enfin, comme l'année précédente, je m'inquiète du manque de coordination juridique entre le BAPSA et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, alors que les deux documents sont intrinsèquement liés.
Le régime social agricole pourrait être examiné par le Parlement comme les autres régimes sociaux des non-salariés, dans le cadre du PLFSS, le projet de loi de financement de la sécurité sociale. La conclusion des arbitrages du PLFSS ultérieure à la conclusion des arbitrages relatifs au projet de loi de finances conduit, chaque année, à des lacunes, à des absences, voire à des incohérences, en dépenses comme en recettes dans le cadre du BAPSA, qu'on ne peut accepter. Monsieur le ministre, compte tenu d'ailleurs des dispositions de la nouvelle loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le Gouvernement envisage-t-il de faire disparaître à court terme le BASPA en l'intégrant aux dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale ? C'est un point intéressant et important.
Malgré ces critiques, je vous proposerai, mes chers collègues, comme il est de tradition s'agissant d'un budget de prestations sociales, d'adopter les crédits inscrits au budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2002. ( Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. )
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disposant d'un temps réduit et intervenant après l'excellent exposé de M. du Luart, en remplacement de M. Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, je n'évoquerai que trois points, qui ont d'ailleurs déjà été abordés cet après-midi.
La première observation est relative au BAPSA lui-même. Le cadre comptable, que j'évoque longuement dans mon rapport écrit, est appelé à disparaître, lorsque la nouvelle loi organique du 1er août 2001, relative aux lois de finances, entrera pleinement en vigueur.
Est-ce regrettable ? Je ne le crois pas.
Le bilan de législature présente une face positive : la revalorisation incontestable des petites retraites agricoles, rendue possible, comme je l'analyse dans mon rapport écrit, par l'évolution structurelle des dépenses à la baisse.
Mais ce bilan de législature présente également une face négative : le financement des mesures de revalorisation. Le fonds de roulement du BAPSA est désormais épuisé, puisqu'il est passé de plus de 2 milliards de francs en 1996 à 200 millions de francs à la fin 2000. Par ailleurs, la subvention d'équilibre a perdu son sens même : elle est appelée à être non plus une ressource d'équilibre, mais une recette parmi d'autres, dont l'évolution est erratique. En contrepartie, il est de plus en plus fait appel à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, la C3S. Le montant cumulé de C3S affecté au BAPSA de 1999 à 2002 atteint tout de même plus de 9 milliards de francs. Or je rappelle que ces excédents de C3S étaient censés alimenter le fonds de réserve pour les retraites.
C'est pour cette raison que la commission des affaires sociales appuie sans réserve la proposition de la commission des finances, qui tend à remplacer ce versement de C3S par une augmentation de la fraction de TVA affectée au BAPSA.
Je crois qu'il est urgent de réfléchir au financement du régime de protection sociale des exploitants agricoles. Compte tenu de sa structure démographique, nous savons qu'il doit être financé à plus de 80 % par des recettes extérieures. Si l'Etat ne souhaite pas augmenter ses dépenses budgétaires, par l'intermédiaire de la subvention d'équilibre, il sera nécessaire d'augmenter les recettes fiscales qui sont affectées au régime des exploitants agricoles.
La deuxième question concerne le régime de retraite complémentaire obligatoire.
Ce régime est souhaité par la profession depuis au moins deux ans et demi. L'article 3 de la loi d'orientation agricole de juillet 1999 avait prévu un rapport, qui n'a été rendu qu'au mois de janvier de cette année.
Disons-le nettement : le contenu de ce rapport ne justifiait pas une si longue attente. Aucun engagement de l'Etat n'y figure, alors que nous savons bien que s'il est décidé de faire profiter les actuels retraités de ce régime complémentaire obligatoire, ainsi que les « presque retraités », un effort budgétaire sera indispensable.
Monsieur le ministre, je vous pose ainsi une question très simple, qui rejoint celle qui a été exposée par M. Roland du Luart : la participation du budget de l'Etat est-elle définie, et sous quelle forme ?
Après avoir longtemps attendu, trop attendu, vous laissez à M. Germinal Peiro, et aux députés membres du groupe socialiste, le soin de « porter » une proposition de loi, qui sera discutée à l'Assemblée nationale le 11 décembre prochain. Pour ma part, même si l'on peut regretter l'absence de passage du texte au Conseil d'Etat et d'une étude d'impact, je me félicite de cette initiative, qui va être notamment relayée au Sénat par notre excellent collègue M. Gérard César.
Mais vous avez soudain décidé de déclarer l'urgence sur la proposition de loi de M. Germinal Peiro. Une telle méthode est symptomatique : une indécision dans le diagnostic, puis une brusque accélération laissant peu de temps au dialogue.
Je regrette profondément cette déclaration d'urgence, qui limite la navette entre les deux assemblées parlementaires. Si le sujet d'un régime de retraite complémentaire obligatoire est effectivement urgent, il s'agit avant tout d'un sujet consensuel : le Gouvernement aurait été mieux inspiré en prenant le risque d'une discussion normale.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Puisque c'est consensuel !
M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, êtes-vous sûr de gagner du temps en déclarant l'urgence ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Oui !
M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis. J'ajoute que celle-ci se comprend davantage lorsqu'il s'agit d'un projet de loi, ce qui, en l'occurrence, n'est pas le cas. Cette proposition de loi peut et doit se régler consensuellement, rapidement et normalement !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Grâce à l'urgence !
M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis. Ma deuxième question est donc la suivante : êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à lever l'urgence ? ( M. le ministre sourit. )
Le troisième sujet que je souhaite évoquer...
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez épuisé le temps de parole dont vous disposiez. Je vous prie de conclure.
M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis. Monsieur le président, c'est la première fois que je m'exprime à cette tribune.
M. Henri de Raincourt. Très bien d'ailleurs !
M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis. Aussi, accordez-moi quelques minutes supplémentaires.
M. le président. Je ne puis vous les accorder car d'autres orateurs doivent vous succéder à cette tribune.
M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis. Accordez-moi trente secondes de plus, monsieur le président.
M. le président. Soit !
M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis. Le troisième sujet que je souhaite évoquer, c'est la mensualisation des retraites.
Cetes, dans un premier temps, le régime agricole n'a pas été « moteur » pour porter cette revendication. Je signale toutefois qu'elle fait partie des orientations stratégiques adoptées par la mutualité sociale agricole en mai 2001. Je rappelle que, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, tous les orateurs, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, avaient relayé cette demande des retraités agricoles. Le problème est connu, le coût de trésorerie pour le BAPSA est estimé, les solutions sont dégagées : il suffirait de recourir à un emprunt exceptionnel. Faute de pouvoir faire autre chose, l'Assemblée nationale a adopté le principe d'un rapport au Gouvernement. Cependant, monsieur le ministre, pourquoi ne pas avoir engagé cette réforme dès le projet de loi de finances pour 2002 ? Nous savons tous pourtant qu'une telle réforme est inéluctable.
Sous réserve de ces observations, mais tenant compte de la nouvelle mesure de revalorisation des retraites qu'il comporte, la commission des affaires sociales a émis un avis positif sur le projet de BAPSA pour 2002. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du groupe du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 7 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 5 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le ministre, mon intervention portera sur les mesures actuelles ou à venir concernant les retraites agricoles. Nos collègues rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires sociales ont très bien développé, dans leur rapport, la mise en place du plan pluriannuel de revalorisation des retraites agricoles et l'examen qu'ils en ont fait a démontré quelle était la réelle contribution de l'Etat au financement de ce plan, ce qui est très important.
Quand on examine les grands postes du BAPSA, on constate que les prestations vieillesse représentent le principal poste de dépenses avec 55 % du BAPSA. Cette importance dans le budget s'explique bien entendu par le fort déséquilibre de ce régime puisqu'il y a 1 cotisant pour 2,5 retraités, contre 1 cotisant pour 1,4 retraité dans le régime général.
Forts de ces chiffres, nous ne pouvons que nous interroger sur les perspectives d'évolution du régime de retraite des agriculteurs et sur l'effort attendu de l'Etat.
Cette année marque l'achèvement du plan pluriannuel de revalorisation des faibles retraites agricoles. Si ce programme fut engagé sous une autre majorité, et vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le ministre, on ne peut que se réjouir que, cette année, il connaisse son aboutissement et contribue à faire en sorte que, bientôt, plus un seul agriculteur n'ait une retraite dont le montant sera inférieur au minimum vieillesse. Pour ce faire, le BAPSA consacre, pour 2002, 245 millions d'euros.
Associé à ce plan, il y a aussi le projet de simplification du dispositif de revalorisation. Celui-ci conditionne l'ouverture du droit à revalorisation à l'exercice de quarante années d'activité, tous régimes confondus, et à dix-sept ans et demi d'activité non salariée agricole. On ne peut qu'y être favorable. En effet, l'abaissement de trente-deux ans et demi à dix-sept ans et demi de durée d'activité non salariée agricole permet d'élargir le nombre de personnes pouvant bénéficier des revalorisations. Cependant, il ne faut pas oublier que le problème reste entier pour beaucoup de conjointes d'exploitant et d'aides familiaux qui ont des carrières courtes déclarées à la MSA.
Si ce projet de budget prévoit la dernière étape permettant de relever les retraites les plus faibles au niveau du minimum vieillesse, vous travaillez d'ores et déjà à édifier le deuxième étage de l'assurance vieillesse agricole : je parle bien sûr de la retraite complémentaire agricole par répartition, nécessaire pour compléter le régime de base qui atteint son niveau maximal au terme de ce plan. La loi d'orientation agricole de 1999 prévoyait la mise en place de cette retraite complémentaire et c'est par le biais d'une proposition de loi que le sujet va être débattu, la semaine prochaine, à l'Assemblée nationale. Vous venez de nous le confirmer.
Nous souhaitons tous ici, pour les acteurs du monde agricole, que ce texte soit adopté avant la fin de la législature. Cette proposition de loi institue un régime obligatoire par répartition accordant des droits gratuits aux actuels retraités et aux actifs pour les périodes antérieures aux régimes. C'est une bonne base. Cependant, il reste quelques incertitudes.
Premièrement, quelle sera la participation financière de l'Etat ? A l'heure actuelle, aucune assurance ne nous est donnée quant à la contribution de l'Etat. On aurait pu s'attendre à ce que l'Etat finance la mise en place de ce régime par une contribution initiale. Or le BAPSA ne laisse rien entrevoir à ce sujet. L'aide de l'Etat sera-t-elle suffisante pour faire face au déséquilibre cotisants-salariés ?
Deuxièmement : quel sera le niveau de cotisation demandé aux exploitants agricoles ? Le calcul de celui-ci doit tenir compte des capacités financières des agriculteurs. Pour l'instant, la proposition de loi renvoie la question de la fixation du niveau de cotisation à un décret.
C'est pourquoi je souhaiterais connaître votre position sur l'importance et la pérennité de cet engagement, en n'oubliant pas que la question centrale est bien celle de la compensation démographique.
Enfin, au-delà de ces interrogations très importantes, quelques mesures devront être prises en considération, à savoir l'intégration du régime complémentaire dans le BAPSA - pour avoir une vision globale et claire de la protection sociale des agriculteurs -, l'indexation de la valeur du point de retraite complémentaire sur la valeur du point de régime de base, l'octroi de droits de réversion au bénéfice des conjoints survivants, ainsi que la mensualisation des retraites agricoles. S'agissant de ce dernier point, la mise en oeuvre de cette mensualisation poserait des problèmes de coût de trésorerie. Nous devons les surmonter afin que les agriculteurs ne soient plus les seuls à percevoir leur retraite tous les trimestres ?
Tels sont, monsieur le ministre, les différents points que je voulais soulever à propos des retraites agricoles. J'espère que vous voudrez bien répondre à mes interrogations et, par avance, je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la principale mesure du projet de BAPSA pour 2002 concerne la dernière étape de la revalorisation des retraites les plus modestes.
Les pensions des chefs d'exploitation, veufs et veuves, seront ainsi portées à 3 720 francs par mois, celles des conjoints et aides familiaux à 2 995 francs par mois, ce qui devrait concerner 850 000 personnes.
La principale réforme à opérer désormais reste celle de la mise en place d'une retraite complémentaire obligatoire, accompagnée d'une mensualisation des retraites agricoles.
Alors qu'elle est attendue depuis de nombreuses années par l'ensemble des agriculteurs, force est des constater que le Gouvernement n'a toujours pas dévoilé ses intentions à ce sujet. Nous souhaitons avoir des précisions sur ce délicat problème.
Si le Gouvernement s'est fixé, en 1997, des objectifs de revalorisation, il n'a pas réussi à porter le minimum de pension pour une carrière complète des chefs d'exploitation à 75 % du SMIC net. C'est pourtant ce que réclame, tout à fait légitimement d'ailleurs, l'ensemble du monde agricole.
Si nous nous référons au rapport gouvernemental relatif aux retraites agricoles, rapport qui a été déposé sur le bureau des assemblées en application de l'article 3 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, nous constatons que la constitution du régime de retraite des exploitants agricoles a été très lente - c'est le moins que l'on puisse dire ! - depuis la loi du 10 juillet 1952.
Aujourd'hui encore, le régime agricole est l'un des derniers régimes de retraite indépendants à ne pas disposer d'un régime complémentaire obligatoire, contrairement aux artisans et aux professions libérales. C'est la raison pour laquelle leur retraite est si faible.
C'est pourquoi, avec mes chers collègues du groupe de l'Union centriste, nous avons demandé au Gouvernement de porter le minimum de pension pour une carrière complète de chef d'exploitation à 75 % du SMIC net.
Reconnaissez, monsieur le ministre, que, malgré les revalorisations progressives, qui se sont opérées sur cinq ans pour arriver au niveau du minimum vieillesse actuel, les pensions de retraite ne sont pas très importantes, et qu'elles sont même insuffisantes.
Si le Gouvernement a donné son accord de principe sur la mise en place d'un régime complémentaire par répartition, aucune avancée concrète n'a toutefois été réalisée. Cette question est capitale, puisqu'elle permettrait de porter la retraite minimale d'un chef d'exploitation à carrière longue du minimum vieillesse au niveau de ces fameux 75 % du SMIC net ; mais, en la matière, le Gouvernement ne semble pas en mesure de pouvoir tenir ses engagements.
Si une vraie solidarité s'impose aujourd'hui à l'égard des retraites agricoles les plus modestes, le mécanisme du régime complémentaire par répartition doit alors être repensé et formulé de manière plus incitative à travers, par exemple, une déductibilité fiscale et sociale des cotisations.
De plus, il ne serait pas sans intérêt de mettre en place un régime complémentaire facultatif par capitalisation, actuellement en panne, afin de lui donner sa place effective de « troisième étage » des dispositifs de retraite et d'aligner les plafonds de déductibilité sur ceux des autres catégories sociales qui bénéficient de ce type de régime complémentaire, pour être mis au minimum à parité avec le régime dont bénéficient les artisans et commerçants.
Enfin, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous souhaitons que les retraités conjoints et les aides familiaux bénéficient d'une pension d'un montant proche de celle que perçoivent les anciens chefs d'exploitation.
En conclusion, je dirai que la situation actuelle de bon nombre de retraités agricoles impose de toute évidence une revalorisation des petites retraites, que commande l'équité sociale.
En la matière, l'objectif de revalorisation des pensions les plus modestes, tel que l'a fixé le Gouvernement, est certes louable mais il demeure nettement insuffisant : amener, pour une carrière pleine en agriculture, la retraite minimale au niveau du minimum vieillesse en 2002 ne relève pas d'une prodigalité excessive. Un effort réel de solidarité est donc nécessaire.
Enfin, la mensualisation des retraites agricoles, actuellement versées trimestriellement, pourrait être envisagée à partir d'un seuil minimum, afin d'éviter tout surcoût excessif de gestion.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais présenter, monsieur le ministre, au nom du groupe de l'Union centriste. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2002 s'élève à 93,53 milliards de francs.
Nombre de discours pleins de bonnes intentions sont produits à l'endroit des retraites agricoles. A ce sujet, je me dois de souligner que ce gouvernement, auquel nous participons, est passé aux actes et a respecté ses engagements. Ainsi, le minimum des pensions pour une carrière pleine pour les chefs d'exploitation et les personnes veuves est porté au minimum vieillesse, soit 3 720 francs par mois. Les conjoints et aides familiaux percevront ainsi 2 955 francs en 2002.
Nous avons soutenu ces avancées dès le départ, même si nos objectifs étaient et demeurent plus ambitieux et plus urgents dans le domaine des retraites agricoles où, depuis longtemps, nous revendiquons l'équivalence à 75 % du SMIC. Or ces revendications sont désormais admises, voire défendues par tous.
La mise en place d'une retraite complémentaire par répartition pour y parvenir nous semble être une bonne chose. J'ose espérer que la discussion d'une très prochaine proposition de loi nous permettra d'en examiner les modalités.
A ce sujet, il conviendra de ne pas pénaliser les plus modestes exploitants, dont la capacité contributive reste très faible ; faire contribuer davantage ceux qui vivent grassement du travail des agriculteurs me semble être une bonne piste de financement de la retraite complémentaire, à laquelle l'Etat et les plus importants revenus agricoles apporteront également leur part.
Un nouveau plan de revalorisation des retraites de base n'est-il pas nécessaire afin d'en conforter le socle et de mieux équilibrer le rapport retraite de base - retraite complémentaire ?
Un certain nombre de revendications, eu égard aux retraites actuelles, demeurent cependant, et je souhaite ici m'en faire l'écho.
Les hommes et les femmes ont travaillé à parts égales au sein des exploitations, les femmes assurant, en plus des travaux agricoles, de multiples tâches domestiques et familiales : il conviendrait donc rapidement que la parité soit appliquée et que les retraites soient égales. Il devrait en être de même pour les exploitants familiaux.
A propos des polypensionnés, il serait juste que le calcul de leur pension agricole soit proportionnel aux années de carrière et, ainsi, sensiblement réévalué.
Les bonifications pour enfants élevés devraient être forfaitaires et versées aux mères.
Enfin, sujet également récurrent, la mensualisation des pensions pose un réel problème de gestion du budget familial aux plus modestes. Cette mensualisation sera-t-elle possible, monsieur le ministre ? Sinon, quelles solutions peut-on envisager ? Pourquoi pas un versement antérieur au trimestre à venir ?
J'ose espérer, monsieur le ministre, qu'il sera plus aisé de construire le paysage de la retraite agricole de demain dans le cadre d'une potentielle proposition de loi, que tout le monde attend, plutôt qu'au sein du présent débat budgétaire.
C'est également dans un paysage nouvellement modelé par l'AEEXA, le régime d'assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des exploitants agricoles, et par l'application dès janvier de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, que les agriculteurs actifs et retraités vont aborder l'évolution de leur retraite.
L'APA, tout particulièrement, devrait permettre aux aînés d'aborder la dépendance liée à l'âge et à une vie de dur labeur dans des conditions acceptables sans craindre de voir fondre leurs modestes économies ou de voir leurs descendants être obligés d'assumer les frais liés à la prise en charge dans les établissements spécialisés de retraite ou de soins.
Nous soutiendrons toutes les mesures qui visent à amener le monde agricole au niveau du régime général, car il ne doit pas y avoir deux sortes de citoyens dans notre pays.
Des résistances existent, y compris au sein de la profession. Elles sont essentiellement dues au poids du passé et à la capcité contributive de nombre d'agiculteurs. La politique des prix rémunérateurs, que nous défendons, est donc la seule voie qui permettra d'en sortir par le haut.
Ce gouvernement de la gauche plurielle est certainement celui qui aura fait le plus bouger le domaine social agricole et le mieux dessiné les perspectives d'une évolution conforme à nos voeux. C'est pourquoi nous approuvons ces orientations, et nous voterons le BAPSA pour 2002. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Je me doute, monsieur le ministre, que, en tant qu'ancien rapporteur de ce budget à l'Assemblée nationale, vous êtes très attentif à son évolution. Par ailleurs, je suis très satisfait de constater que la commission des affaires sociales du Sénat a émis un avis favorable sur le projet de budget qui nous est proposé pour 2002.
Rappelons que le budget annexe des prestations sociales agricoles s'élèvera, pour 2002, hors restitution de TVA, à 93,583 milliards de francs, soit 14,2 milliards d'euros.
Les prestations de l'assurance vieillesse représentent 55 % de ce budget. Sur ce point, je tiens à souligner que nous pouvons être fiers d'avoir participé, depuis 1997, à l'importante revalorisation des retraites et, plus que des promesses, ce sont les chiffres qui témoigneront pour l'avenir de cette progression. N'oublions pas que la question des retraites agricoles concerne près de deux millions de personnes !
Je ne m'attarderai pas sur les causes de cette situation : une mise en oeuvre tardive - en 1952 et 1955 pour les chefs d'exploitation - une faible contribution calculée sur le revenu cadastral, l'absence d'un régime d'assurance vieillesse obligatoire et le déséquilibre démographique ont eu pour conséquence que les retraites des non-salariés agricoles sont aujourd'hui les plus faibles de notre système social.
Si la prise de conscience a bien commencé à partir de 1993, c'est depuis 1997 qu'un considérable effort de solidarité - sans augmentation de la participation des actifs, ne l'oublions pas - a été mis en oeuvre.
Le projet de budget pour 2002 consacre l'achèvement de ce plan pluriannuel de revalorisation, qui représente un effort cumulé de 22 milliards de francs sur la législature dont 2,15 milliards de francs en année pleine - et qui aura permis d'amener les retraites agricoles à la hauteur du minimum vieillesse.
Ainsi, de 1998 à 2002, c'est-à-dire sur cinq budgets, les retraites agricoles ont augmenté de 29 % pour les chefs d'exploitation, de 45 % pour les veuves et de 79 % pour les conjoints et aides familiaux.
A partir de 2002, pour une carrière complète, le montant mensuel minimum des retraites sera de l'ordre de 3 720 francs pour les chefs d'exploitation et veuves et de 2 955 francs pour les conjoints et les aides familiaux.
L'avancée sociale doit être appréciée à sa juste valeur, tant par l'ampleur des augmentations que par le nombre de personnes qui en bénéficieront.
Cependant, en raison du retard accumulé, nous ne devons pas nous arrêter là, mais continuer à améliorer la situation des retraités agricoles non salariés, qui ont tant apporté à la nation et méritent notre reconnaissance.
A ce titre, je souhaiterais aborder deux sujets qui constituent les prochains objectifs à atteindre, à savoir la mise en place d'un régime de retraite complémentaire obligatoire et la mensualisation des retraites.
En ce qui concerne le premier point, la loi d'orientation agricole votée le 9 juillet 1999 devait permettre d'atteindre 75 % du SMIC en juin dernier ; notre collègue député Germinal Peiro a déposé à l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à l'instauration de ce régime de retraite complémentaire obligatoire, qui recueille, d'ailleurs, l'assentiment des organisations professionnelles.
Le fait que cette proposition de loi soit désormais inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, son examen étant prévu le 11 décembre prochain, est une excellente nouvelle. Elle démontre, s'il en était encore besoin, que la majorité actuelle considérerait ces mesures de justice sociale comme une priorité.
Monsieur le ministre, j'ai bien noté que vous avez indiqué à plusieurs reprises que le Gouvernement participerait activement et positivement à ce débat, et que vous prendriez les mesures nécessaires à sa mise en oeuvre. Je me félicite de cette position, et je sais que vous respecterez vos engagements. En effet, dans la mesure où il apparaît tout à fait légitime de faire bénéficier les « récents retraités » et les « bientôt retraités » de cette disposition, une contribution exceptionnelle de l'Etat sera nécessaire.
Je ne doute pas que le Sénat jouera aussi son rôle et contribuera à l'adoption rapide de cette disposition si légitime et si attendue. J'ai, à ce titre, lu avec beaucoup de satisfaction que la majorité sénatoriale avait fait part de son désir de participer de manière constructive à ce débat. C'est bien évidemment, monsieur le ministre, la position qu'adoptera le groupe socialiste, au nom duquel j'interviens ici.
En raison de cette volonté unanime, j'espère de tout coeur que nous pourrons adopter définitivement cette disposition avant la fin de la législature.
Le second point sur lequel nos efforts doivent désormais porter concerne la mensualisation des retraites agricoles, qui sont les dernières retraites, avec celles des professions libérales, à ne pas être versées tous les mois. Cette mensualisation représenterait incontestablement un grand progrès social, notamment pour ceux qui touchent une faible pension.
L'obstacle à cette évolution nécessaire et incontournable est, encore une fois, de nature financière : son coût est de l'ordre de 7 milliards à 8 milliards de francs, cette note pouvant peut-être être diminuée dans le cadre d'un emprunt réalisé par la mutualité sociale agricole.
Une mise en oeuvre progressive de cette mensualisation pourrait sans doute également en réduire l'impact financier.
Pour mensualiser, il sera nécessaire, le moment venu, de verser quatorze mois de retraite, c'est-à-dire les quatre trimestres habituels plus les deux mois permettant d'amorcer la mensualisation, l'année suivante se déroulant normalement avec un paiement mensuel.
J'ai noté avec plaisir qu'un amendement avait été adopté à l'Assemblée nationale, lequel prévoit qu'un rapport relatif à la mensualisation des retraites des ressortissants du régime des non-salariés agricoles doit être déposé sur le bureau des assemblées parlementaires au plus tard le 1er avril 2002.
Je souhaite vivement, monsieur le ministre, que ce rapport débouche sur des mesures concrètes et rapides.
L'aboutissement de ces deux chantiers, qui s'ajouterait à l'achèvement du plan de revalorisation qui a profité à l'ensemble des catégories de retraités agricoles, marquerait de manière indélébile l'action de notre majorité en faveur de cette population qui, je le répète, a tant oeuvré pour l'essor économique et l'aménagement de notre pays. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref puisque je suis déjà intervenu tout à l'heure dans la discussion des crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche.
Je reviendrai sur deux points essentiels : d'abord, les retraites ; ensuite, l'avenir du BAPSA, puisque la question m'a été posée par M. le rapporteur spécial.
S'agissant des retraites, nous achevons en 2002 le plan quinquennal de revalorisation, qui aura marqué notre engagement profond en la matière. Cette majorité et ce gouvernement auront ainsi, au terme de cette période, revalorisé l'ensemble des retraites agricoles, amenant les plus basses d'entre elles au niveau des minima vieillesse.
L'engagement avait été pris sur la durée de la législature, et il a été tenu. Il représente, cette année, 1,4 milliard de francs, et 2 milliards de francs en année pleine. Jamais aucun gouvernement ni aucune majorité n'auront agi de la sorte !
Nous avons donc tenu notre engagement.
Comme je le disais tout à l'heure, en réponse à M. Aymeri de Montesquiou, qui parlait de mesure de circonstance, ce sont ainsi plus de 25 milliards de francs cumulés sur la législature qui auront abondé les plus basses retraites agricoles. C'est considérable, même si cela répond à une mesure de justice. En tant qu'ancien rapporteur du budget annexe des prestations sociales agricoles à l'Assemblée nationale, ce que je fus pendant quatre ans, je suis heureux d'avoir participé à la résolution d'un problème que j'ai moi-même dénoncé pendant de longues années.
Certes, nous n'avons pas encore atteint l'objectif de 75 % du SMIC, objectif symbolique dans la mesure où de nombreux salariés ne perçoivent pas encore ce pourcentage du SMIC comme retraite, mais c'est l'objectif que les associations de retraités agricoles ont fixé et qu'il faudra chercher à atteindre.
Au demeurant, nous savons tous que, pour aller au-delà, il faudra instituer un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition. Or ce régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition est justement l'objet d'une proposition de loi qui sera discutée à l'Assemblée nationale le 11 décembre. Toutefois, pour qu'un tel régime se mette en place, pour des raisons de compensation démographique, il faudra que l'Etat - la solidarité nationale - abonde les fonds qui lui seront nécessaires. Il le fera. Dans quelles conditions ? Permettez-moi de réserver la réponse du Gouvernement aux auteurs de la proposition de loi, qui en auront la primeur le 11 décembre.
Monsieur le rapporteur, vous me demandez comment il se fait que l'on ne trouve pas trace de cette dotation de l'Etat dans le BAPSA. Tout simplement parce que ce régime a vocation à prendre place au 1er janvier 2003. Nous voulons qu'il soit voté à la fin de cette année ou au début de 2002 pour qu'il entre en vigueur au 1er janvier 2003. Il n'y donc aucune raison que l'on trouve trace de ces crédits dans le BAPSA pour 2002.
Toujours à propos des retraites, j'en viens à la mensualisation, problème difficile et coûteux. En effet, la mensualisation de l'ensemble des retraites agricoles exigerait le déboursement en trésorerie d'une somme de 9 milliards de francs, la première année. Ensuite, le régime prendrait son rythme de croisière.
Cette mesure ne faisait pas partie des priorités du Gouvernement pour 2002.
A un moment, nous avons engagé des discussions avec la MSA en envisageant de faire financer ces 9 milliards de francs par emprunt. Quelle pouvait être alors la participation de l'Etat pour aider la Mutualité sociale agricole ? Elle devait être de l'ordre de 235 millions, voire 240 millions de francs, ce qui n'est pas négligeable. Mais, au cours de discussions récentes, la MSA a fait part de ses réticences, après avoir constaté que le système n'était pas si simple à mettre en place.
Nous sommes convenus que, par le biais d'un amendement, il serait fait obligation au Gouvernement de déposer, au 1er avril 2002, un rapport faisant le point sur la mensualisation des retraites. Nous en connaîtrons alors tous les tenants et aboutissants, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Ainsi, additionnées l'une à l'autre, la mise à niveau des retraites grâce au plan quinquennal, l'institution du régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition et l'élaboration du rapport sur la mensualisation feront un bilan de législature considérable comme jamais il n'y en a eu jusqu'à maintenant.
J'en viens à mon second point, qui concerne l'avenir du BAPSA.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est vous qui avez signé l'arrêt de mort du BAPSA, puisque, dans la loi organique modifiant les procédures budgétaires, vous avez supprimé non seulement les taxes parafiscales dont nous parlions tout à l'heure, mais aussi tous les budgets annexes, dont le BAPSA. De fait, au 1er janvier 2004, il n'y aura plus de budget annexe des prestations sociales agricoles.
Par quoi le remplacerons-nous ? Le débat est ouvert comme sur les autres sujets. Trouvera-t-on un dispositif avant le 1er janvier 2004 ? Nous verrons. D'ailleurs, ce ne sera peut-être pas moi qui verrai ! Je ne serai peut-être plus là pour en reparler avec vous l'année prochaine. Mais sait-on jamais ! (Sourires et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles et figurant aux articles 33 et 34 du projet de loi.

Services votés

M. le président. « Crédits : 15 009 384 762 euros ».
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Avant le vote du BAPSA, je tiens à réaffirmer notre satisfaction.
Les agriculteurs sont conscients des progrès qu'ils doivent à la politique menée depuis 1997 en matière de retraites, et plus particulièrement à notre collègue Louis Le Pensec, alors ministre de l'agriculture, qui avait attaché beaucoup d'importance à ce dossier.
Que de pas franchis depuis 1997, au moment où le Gouvernement a pris la mesure de la modestie des pensions de retraites agricoles ! Il a mis en oeuvre un plan pluriannuel de revalorisation des pensions de base en inscrivant chaque année, en loi de finances, une mesure supplémentaire de l'ordre de 1,6 milliard de francs en année pleine.
Ce plan, fidèlement exécuté au fil des lois de finances, se terminera en 2002.
Jamais un gouvernement n'aura fait autant pour les agriculteurs, sans augmentation des cotisations des actifs !
Le débat qui vient de se dérouler ne fait que confirmer cette constatation. Désormais, nos efforts devront porter sur deux dossiers.
Le premier concerne le régime de retraite complémentaire. Au nom du groupe socialiste, Germinal Peiro a déposé à l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à l'instauration, en concertation avec les organisations professionnelles, de ce régime de retraite complémentaire. C'est dans cette voie qu'il faut se diriger maintenant, et je ne doute pas que le Sénat jouera aussi son rôle pour contribuer à adopter cette nouvelle amélioration.
Le second dossier concerne la mensualisation du versement des retraites agricoles, qui représenterait une avancée appréciée par ceux qui perçoivent une faible pension.
On peut comprendre les difficultés rencontrées par un régime dont la trésorerie quotidienne tend vers zéro. Mais il faut poursuivre dans cette voie.
J'ai voté avec satisfaction l'existence de l'amendement qui permettra d'entrevoir une solution dans les prochains mois, tout au moins pour le prochain budget.
Les agriculteurs, qui, nous le savons, prennent une part active dans notre économie et dans l'aménagement du territoire, peuvent compter sur nous pour soutenir ces deux dossiers complémentaires du plan de revalorisation qui s'achève l'an prochain.
Ce projet de budget pour 2002 a reçu un avis favorable de la commission des affaires sociales. J'espère que le Sénat suivra cet avis.
M. Paul Raoult. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 33 au titre des services votés.


(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Je constate que ces crédits sont adoptés à l'unanimité.

MESURES NOUVELLES

M. le président. « II. - Crédits : 358 184 131 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits au paragraphe II de l'article 34, au titre des mesures nouvelles.


(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Je constate que ces crédits sont adoptés à l'unanimité.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.

Intérieur et décentralisation

SÉCURITÉ

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que, parmi les droits naturels et imprescriptibles de l'homme, figure la sécurité.
Elle prévoit aussi que la garantie des droits de l'homme et du citoyen requiert une force publique, pour l'entretien de laquelle une contribution commune est indispensable. Ces références permettent de replacer la discussion des crédits du ministère de l'intérieur dans leur cadre constitutionnel.
Le droit à la sécurité fonde l'existence de l'Etat, dont la première mission régalienne est de protéger les citoyens. A cette fin, il est accordé au Gouvernement des moyens de l'utilisation desquels il doit rendre compte aux représentants du peuple.
La sécurité constitue aujourd'hui la principale préoccupation des Français, puisqu'elle a été élevée au rang de priorité du Gouvernement. C'est à l'aune de cette priorité que la commission des finances a examiné les crédits qui lui sont consacrés.
Comme en 2000, le ministère de l'intérieur a dû faire face en 2001 à des sinistres exceptionnels. Les inondations, les évacuations de population, la catastrophe de Toulouse en sont les exemples les plus marquants. Je tiens à saluer ici l'engagement exemplaire des personnels du ministère de l'intérieur.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Merci !
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Cependant, de trop nombreux fonctionnaires de police, pompiers et démineurs paient leur dévouement de leur vie.
L'inquiétude de nos concitoyens, la capacité de réaction à des événements dramatiques, le mécontentement proclamé par tous les fonctionnaires, la présence effective de la République partout sur notre territoire, voilà ce que recouvrent les crédits que nous examinons aujourd'hui.
Ce projet de budget répond-il aux besoins, aux attentes ? Tire-t-il les conséquences des drames constatés chaque année ? L'argent public est-il utilisé au mieux ? Prépare-t-il l'avenir ? Hélas, sur aucun de ces points, la commission des finances n'a été convaincue.
Mes chers collègues, pour vous éviter une présentation chiffrée qui serait trop aride, je vous suggère de lire mon rapport, qui vous donnera la répartition par agrégats. Cela me permettra de consacrer mon propos aux principales observations de la commission.
Le budget du ministère est extrêmement rigide. Ce n'est pas de votre fait, monsieur le ministre. Cela tient au poids des dépenses de personnel et de pensions. La hausse mécanique des unes et des autres correspond à l'équivalent de 4 500 policiers supplémentaires, d'une part, 6 000 policiers supplémentaires, d'autre part. La conséquence de cette rigidité se traduit automatiquement par le sacrifice de l'investissement, seule variable d'ajustement pour dégager des moyens de fonctionnement supplémentaires.
Pour ce qui concerne les crédits de l'administration territoriale et centrale, en cette année d'adoption de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, je me réjouis de la réussite de l'expérience menée dans les préfectures et des avancées intéressantes que constitue l'application comptable ACCORD. Votre ministère possède, de ce point de vue, une avance technique. Mais, parallèlement, il vous faut travailler d'ores et déjà à l'élaboration des indicateurs de performance qui structureront la future discussion budgétaire. Il ne pourra, en aucun cas, s'agir seulement des indicateurs d'activité qui figurent aujourd'hui dans le « bleu ».
Cependant, cette avance laisse demeurer des pratiques extrêmement critiquables du point de vue des droits du Parlement. Je veux parler du programme d'emploi des crédits et des emplois budgétaires.
Le programme d'emploi des crédits est un document élaboré au début de l'annnée. Il notifie à chaque service les moyens mis à sa disposition : dotations budgétaires, reports, fonds de concours. Cela représente un outil de gestion efficace, monsieur le ministre, puisque vos services savent de combien ils disposent. Mais ce document ne tient pas compte des votes émis par le Parlement. En effet, les priorités des services et la répartition de leurs moyens sont déterminés non plus avant la discusison budgétaire, mais après.
Par exemple, la police nationale disposera en 2002 de 615 millions d'euros de crédits pour son fonctionnement. Je ne puis, mes chers collègues, vous en dire plus ! Attendez le mois de janvier ! Quelle est la part réservée à la mise en place de la police de proximité ? Personne ne le sait puisque personne, au ministère, n'a pu me répondre ! Quels crédits sont reconduits et lesquels correspondent à des priorités nouvelles ? Là aussi, absence de réponse ! Quelle sera l'évolution des crédits de chaque service ? On l'ignore !
Monsieur le ministre, le corrolaire de la globalisation, c'est l'énoncé d'objectifs, et non pas le silence.
Autre sphère d'obscurité budgétaire : les emplois.
Il n'est pas normal que votre administration centrale soit créditée de 219 emplois qui, en réalité, sont mis à la disposition de diverses entités comme des mutuelles ou un organisme de sécurité sociale. Ces entités sont ainsi anormalement subventionnées.
Il n'est pas normal non plus que le ministère de l'emploi et de la solidarité ne vous rembourse pas le coût des 40 emplois mis à la disposition du service central des rapatriés, qui dépend de ce ministère.
De même, s'agissant des emplois de policiers, et du seul point de vue de la régularité budgétaire, vous fonctionnez avec 2 160 policiers en surnombre. Chaque surnombre constitue une atteinte grave portée à l'autorisation parlementaire : d'abord, parce que vous vous affranchissez du concept d'emploi budgétaire ; ensuite, parce que vous cachez les sommes qui vous permettront de rémunérer ces surnombres. A partir du moment où votre ministère a les moyens de rémunérer par économies 2 160 personnes, comment croire les chiffes qui nous sont présentés ?
Enfin, il n'est pas normal que les adjoints de sécurité, sans lesquels la police nationale ne pourrait plus fonctionner, ne soient pas considérés comme des emplois budgétaires. C'est, pour le Gouvernement, un moyen de minorer la fonction publique dans notre pays.
Permettez-moi de vous rappeler qu'en 2006 ces pratiques devront avoir disparu. En dehors de toute éthique budgétaire, c'est donc pour vous une obligation technique d'y mettre fin.
J'en viens maintenant à la sécurité civile. Elle vit dans l'attente, notamment des hélicoptères BK 117, devenus depuis EC 145, qui devaient constituer l'apport principal du budget de 2001 à la sécurité civile et dont aucun ne sera livré avant avril 2002.
Parallèlement, après les drames survenus, après la succession des missions et des rapports, après l'énumération des problèmes constatés lors de ces événements, nous étions en droit d'attendre que, le diagnostic ayant été fait, des réformes interviennent. Or, vous n'avez corrigé ces dysfonctionnements sur aucun point.
Le budget pour 2002 n'est que reconduction. Vous reportez sans cesse le dépôt du projet de loi annoncé par vous-même l'année dernière pour l'automne 2001, et promis par le Premier ministre pour le début de l'année prochaine. Une chose est sûre, il ne pourra pas être adopté avant la fin de la législature. Et la sécurité civile attendra encore ! Pourtant, à votre prise de fonctions, vous parliez de la sécurité civile comme d'« un axe fort de votre action à la tête du ministère de l'intérieur ». Votre second projet de budget ne démontre certainement pas la validité de cette assertion, pas plus que celui de l'année dernière.
La police nationale concentre tous les regards. La priorité budgétaire qui lui est donnée est une réalité. Je ne conteste pas l'effort budgétaire réalisé, même si la part des crédits consacrés à la police dans le produit intérieur brut stagne : 0,34 % en 1997, 0,33 % aujourd'hui.
Au-delà des chiffres, il est essentiel de juger l'utilisation des moyens supplémentaires accordés à la police nationale, aux résultats dans la lutte contre la délinquance. Or, il y a eu 16 % de faits de délinquance supplémentaires entre 1998 et 2001.
Le développement de la violence dans notre pays atteint un niveau tout à fait inadmissible. Cette violence est une réalité que nos concitoyens ne supportent plus, et ils ont raison. Elle est le fait d'individus de plus en plus brutaux, quoique de plus en plus jeunes, craignant de moins en moins les forces de l'ordre. Ils ne s'exposent qu'à un simple rappel à la loi et viendront souvent narguer leurs victimes et les policiers qui les ont interpellés.
Les victimes ont perdu toute illusion sur la capacité de l'Etat à les protéger. Quant aux policiers, ils ajoutent le ressentiment à la liste de leurs doléances, a fortiori après les prétendus « dysfonctionnements » qui sont en réalité des fautes graves.
Le chômage a baissé et vos crédits ont augmenté, mais la délinquance n'a cessé de croître.
Une des raisons de ce constat imparable se trouve dans les réformes que subit la police. Celle qui est relative à la police de proximité est-elle un succès ? Il ne le semble pas, à lire les extraits des rapports d'évaluation parus dans la presse, et dont l'accès m'est lui aussi refusé, monsieur le ministre. Il font apparaître de lourdes contradictions : contradiction entre plus d'accueil du public et plus de présence sur la voie publique, contradiction entre des policiers polyvalents et des réformes procédurales demandant toujours plus de spécialisation des fonctionnaires ; contradiction, enfin, entre le besoin de policiers supplémentaires, bien formés et expérimentés, et l'octroi d'adjoints de sécurité peu formés et ayant besoin d'être en quelque sorte « maternés ».
J'insiste à nouveau sur notre impossibilité d'évaluer le coût exact de la police de proximité, faute de responsabilisation des gestionnaires - ainsi, un commissaire ne peut réaffecter les économies qu'il a pu réaliser - faute de distinction entre reconduction et moyens supplémentaires, faute de schéma directeur immobilier lié aux nouveaux besoins.
Autre sujet, autre réforme particulièrement contestée : les nouvelles contraintes procédurales.
Est-il étonnant que la délinquance croisse alors qu'augmentent les contraintes pesant sur les policiers ? J'ai pu, comme tous, le constater : la loi sur la présomption d'innocence est venue aggraver une situation déjà critique. Les policiers dénonçaient des magistrats absents, lointains, pointilleux. Ils critiquaient les charges inutiles, qui, d'après la Cour des comptes, représentent 25 % de leur temps de travail. A toutes ces contraintes s'en sont encore ajoutées d'autres : des délais de procédure strictement surveillés, l'invitation au silence avant tout interrogatoire. Et puis il y a cette impression constante de travailler dans la crainte de la faute, toujours traquée par les avocats, jamais pardonnée par les juges.
Monsieur le ministre, soyons pragmatiques : les policiers ont besoin qu'on leur facilite la tâche, non qu'on la leur complique !
Je ne veux pas entrer dans le débat sur l'effectif exact des policiers. Je me contenterai de constater les conséquences des évolutions actuelles pour ce qui est de la présence de policiers sur la voie publique.
Les problèmes s'amoncellent. Ils rendent irréaliste la volonté affichée de ne pas « réduire la capacité opérationnelle des forces de police », selon les termes que vous avez employés, monsieur le ministre, devant la commission des finances.
Je note d'ailleurs que, malgré 3 000 policiers supplémentaires, vous ne parlez pas d'augmenter la capacité opérationnelle des forces de police. La raison en est simple : les 35 heures signifient 10 % de temps de travail en moins. Qui pourra nous faire croire que cela n'aura pas mécaniquement pour effet une baisse de 10 % du temps passé par les policiers sur la voie publique ?
Les 3 000 policiers supplémentaires ne pourront compenser les conséquences des 35 heures ni permettre la mise en place de la police de proximité.
Vous avez une théorie des ensembles originale, monsieur le ministre : le nombre de policiers augmente mais le nombre d'heures travaillées par l'ensemble des policiers diminue ; les crédits de la police augmentent mais l'insécurité progresse. Un pamphlétaire n'hésiterait pas à vous faire rentrer dans l'histoire en parlant du « paradoxe de Vaillant ». (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. Michel Moreigne. N'exagérez pas !
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, vous écrivez dans votre dernier ouvrage : « Je souhaite être jugé sur les résultats. » Vous avez pris un gros risque, car vos résultats, appréciés hors de tout contexte politique et sur les seuls chiffres, ne sont pas bons. J'ajouterai que ces derniers sont sous-estimés car, trop souvent, les victimes, découragées, renoncent à porter plainte.
Ces chiffres se traduisent par le sentiment d'insécurité de nos concitoyens. Ils s'entendent dans les manifestations des policiers. Ils se nourrissent des méandres de la procédure, des retards de la loi sur la sécurité civile, de l'opacité de vos outils budgétaires, de l'absence d'objectifs précis, d'indicateurs fiables ou de recherche de la performance.
Votre budget n'est « pas bon », pour reprendre le qualificatif que lui a attribué mon homologue de l'Assemblée nationale, un de vos amis, un de vos collègues de la majorité municipale parisienne, Tony Dreyfus. Votre budget n'est pas bon, car il concentre à lui seul l'ensemble des observations que l'on peut faire sur la politique budgétaire du Gouvernement : privilège accordé aux dépenses de personnel, sacrifice des dépenses d'investissement, impréparation et flou des 35 heures, qui se traduisent par une moindre qualité du service, absence de réaction aux événements, silence sur la lutte contre le terrorisme et la coopération policière internationale - quel en est le coût ? - transparence budgétaire qui n'est qu'un affichage puisque le Parlement est maintenu dans l'ignorance des affectations, efficacité discutable des moyens supplémentaires accordés et résultats qui se lisent dans le sentiment d'insécurité qu'éprouvent aujourd'hui nos concitoyens.
Les citoyens sont mécontents. Les policiers sont mécontents. Les citoyens ont peur. Les policiers ont peur aussi puisqu'ils ne se rendent plus, en uniforme ou en voiture non banalisée, dans des portions du territoire qui sont devenues des « zones de non-droit ».
Monsieur le ministre, j'en suis convaincu, vous êtes conscient de la situation déplorable que j'ai décrite.
Je ne me suis pas contenté d'auditionner les hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur, les syndicats, de m'en référer aux médias. Je me suis rendu sur le terrain, dans les zones sensibles, en Seine-Saint-Denis, à Toulouse, au Mirail, à Empalot, à Bagatelle. Après plusieurs heures passées en compagnie de policiers, au commissariat ou dans les voitures de la brigade anticriminalité, ils vous parlent, ils vous disent ce qu'ils ont sur le coeur. J'ai côtoyé des fonctionnaires qui aiment leur métier, qui le vivent intensément, mais qui sont découragés.
Beaucoup plus que de gilets pare-balles, dont on vient de découvrir la nécessité - parce que les policiers sont aujourd'hui des cibles ! - c'est de considération qu'ils ont besoin. Ils ne veulent pas que, lorsqu'un délinquant prétend avoir été malmené, ce soit sur eux que pèsent les soupçons. Ils n'admettent pas, lorsqu'ils poursuivent des braqueurs ou des voleurs, que la consigne soit : « Surtout que les délinquants n'aient pas d'accident ! », « Ouvrez les barrages ! », « Laissez-les passer ! »
Les manifestations de policiers en témoignent, avant tout, ils réclament une véritable politique de fermeté. Ils ont la conviction de ne pas être soutenus politiquement.
Monsieur le ministre, je ne mets pas en doute votre bonne volonté : je pense que c'est votre idéologie qui est en cause. En vingt ans, elle a été au pouvoir quatorze ans. En quatorze ans, elle a fait beaucoup de dégâts !
En 1981, Pierre Mauroy déclarait : « La droite dit : "la première liberté, c'est la sécurité". Nous, à gauche, disons au contraire : "la première sécurité, c'est la liberté". » En 2001, Claude Estier déclare : « Nous votons la loi sur la sécurité quotidienne mais ce n'est pas notre culture. » C'est vrai, vous l'avez démontré, la sécurité n'est pas votre culture !
Mes chers collègues, la commission des finances, soucieuse de transparence et d'efficacité des crédits, vous propose de rejeter les crédits de la sécurité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Courtois, rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la police et la sécurité. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de budget pour 2002 s'ouvre dans un contexte très particulier.
Après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, le plan Vigipirate renforcé a été mis en oeuvre. Les forces de sécurité sont appelées à une vigilance de chaque instant. Les moyens juridiques mis à leur disposition ont été renforcés, pour une période de deux ans, par la loi relative à la sécurité quotidienne. Grâce au concours du Sénat - et grâce au travail de Jean-Pierre Schosteck - ces nécessaires mesures ont pu être adoptées dans un bref délai.
Au-delà de la lutte antiterroriste, cette discussion budgétaire s'ouvre alors que les policiers de tous corps expriment un profond malaise à travers le pays.
Les policiers sont les premières victimes de l'insécurité. Depuis le début de l'année, sept des leurs sont décédés en opération de police. Je tiens à exprimer ma solidarité à l'ensemble des personnels, ainsi qu'à leurs familles, parfois durement touchées.
Depuis le 23 octobre dernier, se sont succédé des manifestations de policiers dans tout le pays. Elles ont regroupé plusieurs dizaines de milliers de policiers de tous les corps. Ces manifestations traduisent un malaise général, qui concerne aussi bien les gardiens de la paix que les officiers et les commissaires de police. Et l'attitude provocatrice de certains ou les couvertures de certaines revues syndicales ne sont pas pour apaiser les tensions !
J'ai reçu les principaux syndicats de personnels actifs. Tous m'ont exprimé le profond découragement qui gagne la police. La plupart d'entre eux souhaitent une véritable programmation pluriannuelle des moyens de l'ensemble des acteurs de la sécurité, certains évoquant un « plan Marshall de la sécurité », d'autres un « Grenelle de la sécurité ».
Ils soulignent que la lourdeur des procédures induites par la loi sur la présomption d'innocence décourage l'action des policiers et favorise la libération des prévenus par la justice, développant chez les « voyous » un sentiment d'impunité.
Ils réclament plus de considération et une meilleure reconnaissance financière de leur action, estimant que les risques encourus et leur qualification ne sont pas reconnus à leur juste niveau.
Les pouvoirs publics ne peuvent rester indifférents à un tel malaise. Comment les citoyens pourraient-ils se sentir en sécurité si les forces de l'ordre elles-mêmes se sentent menacées ?
La situation que nous connaissons actuellement en matière d'insécurité est grave pour notre pays. Platon l'exprimait fort bien, affirmant : « Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leur parole, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus au-dessus d'eux l'autorité de rien et de personne, alors c'est là en toute beauté et en toute jeunesse le début de la tyrannie. »
Ainsi, l'insécurité ne cesse de s'accroître. Avec 3 771 849 faits constatés, l'année 2000 a connu une augmentation de 5,72 % des crimes et des délits. Les chiffres du premier semestre 2001 amplifient ce phénomène puisqu'une augmentation de 9,58 % a été constatée. Cette augmentation concerne l'ensemble des catégories d'infractions.
Le nombre de mineurs mis en cause s'accroît. La part des mineurs dans l'ensemble des personnes mises en cause s'est élevée à 21 %.
La faiblesse du taux d'élucidation, qui s'établit à 26,8 % en 2000, contribue à alimenter l'insécurité et à décourager les citoyens de porter plainte.
Les infractions subies le plus couramment par les citoyens ont donc une chance minime d'être élucidées. Une fois élucidées, elles ont, en outre, plus d'un risque sur trois d'être classées sans suite par les parquets faute de moyens. La commission des lois a fréquemment déploré cette rupture de la chaîne répressive, qui accroît le sentiment d'impunité chez les délinquants et provoque le découragement des citoyens et des forces de police.
Comme la commission des lois l'a souligné les années antérieures, les statistiques officielles de la criminalité sont en décalage avec la réalité. Elles reflètent en effet plus l'activité des services de police ou la propension des citoyens à porter plainte que la délinquance réelle, si bien qu'il est justifié d'évoquer un « chiffre noir de la criminalité ».
Structurellement, la police doit relever des défis multiples tant sur le front de la délinquance de proximité que sur celui des réseaux internationaux impliquant une coopération internationale active.
Ponctuellement, elle subit d'importantes contraintes en raison de la réactivation du plan Vigipirate et de la surveillance des transferts de fonds liés au passage à l'euro fiduciaire.
Dans ce contexte, le projet de budget de la police nationale pour 2002 n'est pas de nature à répondre aux attentes.
Il s'établit à 5,04 milliards d'euros, soit 33,086 milliards de francs, en progression de 3,42 % par rapport à 2001. Ce n'est pas l'augmentation budgétaire obtenue sous la pression, en partie par redéploiement de crédits, qui modifie de façon substantielle les données.
Cette augmentation sera cependant insuffisante pour permettre à la police d'accomplir normalement ses missions et pour poursuivre dans de bonnes conditions la généralisation de la police de proximité.
Ainsi, les recrutements supplémentaires ne suffiront pas. En 2002, les effectifs budgétaires de la police nationale s'élèveront à 132 104 agents, hors adjoints de sécurité. L'accroissement des crédits permet principalement le recrutement de 3 000 agents supplémentaires.
Cependant, les effectifs restent insuffisants pour cinq raisons : les conséquences des départs à la retraite, la récupération des heures supplémentaires, les difficultés de recrutement des adjoints de sécurité, les conséquences prévisibles de la réduction du temps de travail, ainsi que la sous-administration de la police et l'accomplissement de tâches indues.
En outre, les mesures indemnitaires et catégorielles ne répondent pas aux aspirations des personnels.
Il semble que, pour maintenir la capacité opérationnelle des services, la réduction du temps de travail se concrétiserait partiellement par le paiement d'heures supplémentaires. Le taux horaire proposé aux personnels de 8,72 euros - 57,20 francs - semble cependant dérisoire.
Dans la ligne des orientations définies au colloque de Villepinte en octobre 1997, la dernière phase de la généralisation de la police de proximité devrait s'achever au cours de l'année 2002. Or face à cet accroissement de l'insécurité, la généralisation de la police de proximité est hypothéquée par le manque de moyens.
La police de proximité va de pair avec les contrats locaux de sécurité, dont le résultat est le plus souvent décevant.
Une réelle politique de proximité exigerait à la fois plus de moyens placés au contact des populations et une meilleure association des élus locaux.
Mais, faute de policiers sur le terrain, la police de proximité repose sur des emplois-jeunes, dont le recrutement apparaît difficile.
Les adjoints de sécurité sont appelés à représenter un cinquième de l'effectif du corps de maîtrise et d'application.
Pourtant, faute d'un encadrement suffisant, il est fréquent de rencontrer sur le terrain des adjoints de sécurité livrés à eux-mêmes ou confiés à un jeune stagiaire.
En outre, leur présence dans les zones sensibles conduit à exposer aux risques les plus élevés des jeunes qui n'y sont pas préparés.
Il convient d'insister à nouveau pour que soit assurée la qualité de la formation et de l'encadrement de ces jeunes peu expérimentés, qui se voient confier des missions parfois dangereuses et qui sont le plus souvent dotés d'une arme.
Enfin, les crédits de fonctionnement et d'équipement seront insuffisants pour répondre aux retards accumulés ces dernières années.
Les crédits de fonctionnement s'établissent à 667,99 millions d'euros - 4,38 milliards de francs - soit une augmentation de 0,89 % par rapport à la loi de finances pour 2001.
Ces crédits, que la commission des lois avait jugés insuffisants l'année dernière, le restent donc à maints égards. Il est à craindre que les sommes consacrées au renouvellement du parc automobile léger ne soient insuffisantes.
Malgré une importante sous-utilisation des crédits ouverts en 2001, les dotations liées au développement du programme ACROPOL de réseau de communications cryptées numériques sont reconduites à leur niveau de 2001, mais le développement de ce réseau est particulièrement lent.
Des essais d'interopérabilité avec le réseau RUBIS de la gendarmerie sont menés en Corse. Je tiens à souligner à nouveau la nécessité de la compatibilité des réseaux employés par les forces de sécurité.
En outre, les crédits d'investissement sont en stagnation. Les sommes consacrées au parc de véhicules lourds se situent à un niveau équivalent à celui de 2001. Ils ne permettront pas de rattraper un retard cumulé de 220 millions de francs dans le renouvellement des matériels.
Les crédits immobiliers stagnent en autorisations de programme et connaissent une baisse importante des crédits de paiement - moins 16,7 % - par rapport au budget 2001.
Les dotations consacrées au logement des policiers sont en augmentation mais restent notoirement insuffisantes si l'on considère que la politique du logement est un élément essentiel de fidélisation des agents à leur poste, notamment en région parisienne.
On constate donc, encore une fois, que l'effort en matière de fonctionnement et d'équipement des services est insuffisant pour permettre à la police d'accomplir normalement ses missions.
D'une manière générale, il conviendra d'élaborer un état des lieux des moyens nécessaires à l'ensemble des acteurs de la sécurité, de se donner enfin les moyens d'une véritable politique de sécurité cohérente sur le long terme et de définir la place de la sécurité dans notre société.
L'aboutissement de ce travail devrait être le dépôt devant le Parlement d'une loi de programmation définissant clairement les objectifs à atteindre et indiquant les moyens financiers à mettre en oeuvre année par année pour les réaliser.
La commission des lois est donc défavorable au budget de la section police-sécurité du projet de loi de finances pour 2002. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Schosteck, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la la sécurité civile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la participation financière de l'Etat à la sécurité civile ne paraît pas à la hauteur de ses responsabilités. Les 462 millions d'euros, soit 3,03 milliards de francs, affectés par l'Etat, dont 1,63 milliard de francs au titre du ministère de l'intérieur, représentant 1,5 % du budget de ce ministère, doivent être rapprochés des 16,4 milliards de francs à la charge des collectivités territoriales.
Certes, la sécurité civile constitue une compétence traditionnelle des collectivités territoriales, mais il est incontestable que, à côté des missions de proximité que celles-ci doivent continuer d'assumer, l'Etat doit prendre une plus large part des moyens importants requis pour affronter les catastrophes de grande ampleur qui se multiplient et pour mettre en oeuvre son obligation de solidarité nationale à l'égard des collectivités et des populations lourdement touchées.
A cet égard, le budget de la sécurité civile pour 2002 ne marque aucune évolution et les crédits sont relativement stables. Il est à craindre que les réformes législatives en cours d'examen et annoncées ne suffisent pas à une indispensable clarification en la matière.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué à la commission des lois que le dispositif de vigilance mis en place à la suite des attentats du 11 septembre 2001 conduirait le Gouvernement à proposer 32,32 millions d'euros, soit 212 millions de francs de crédits supplémentaires pour la direction de la défense et de la sécurité civiles dans le prochain projet de loi de finances rectificative.
Vous avez précisé que le plan Biotox était mis en oeuvre par le ministère de la santé et qu'actuellement trente alertes en moyenne étaient réceptionnées quotidiennement, ce qui entraînerait une mise à l'étude de la prise en charge par l'Etat de certains frais de transport assurés à ce titre par les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS.
Je voudrais cependant souligner que le financement du plan Biotox est prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. L'essentiel du coût en sera supporté sous forme d'avance par la Caisse nationale d'assurance maladie, à hauteur de 200 millions d'euros.
Ces trois dernières années ont été marquées par une progression sensible des crédits de personnel en raison de la professionnalisation des armées, dont le processus s'est achevé en 2001.
Ces crédits permettront en 2002, aux pilotes d'hélicoptères de la sécurité civile de bénéficier de la dernière tranche du programme triennal de revalorisation de leur régime indemnitaire.
Les crédits de fonctionnement permettront, en particulier, la poursuite de la modernisation des matériels d'intervention pour le déminage - soit 3 millions de francs - et des matériels de soutien pour les missions opérationnelles des unités militaires de sécurité civile, soit 2,85 millions de francs.
Les crédits d'investissement, pour leur part, enregistrent une baisse de 3,26 %.
Après plusieurs années de « pause » depuis l'achèvement du marché d'acquisition des Canadair en 1997, le programme de renouvellement de la flotte aérienne a, cette année, enregistré un retard dans sa mise en oeuvre.
Un marché d'acquisition de trente-deux hélicoptères de nouvelle génération a été conclu le 23 juillet 1998, pour remplacer des appareils ayant entre vingt et trente ans d'activité.
La livraison des premiers appareils, initialement prévue pour le printemps 2000 puis en juin 2001, a encore été reportée. Le programme devrait être achevé en 2005, s'il n'y a pas d'autres retards. Pour ce qui concerne les incendies de forêt, les chiffres provisoires de l'année 2001 pour la France entière, à la date du 20 septembre, laissent apparaître 16 000 hectares détruits, au lieu de 12 000 hectares en moyenne à cette époque de l'année. En région méditerranéenne, 13 000 hectares ont été détruits, au lieu de 9 500 en moyenne.
Certes, ces chiffres, supérieurs à la moyenne décennale, restent néanmoins inférieurs à ceux des années précédant la mise en place de la stratégie d'attaque des feux naissants où 35 000 hectares étaient dévastés chaque année. Il faut aussi sans aucun doute tenir compte des facteurs climatiques de risque, la sécheresse exceptionnelle et les vents durablement violents ayant créé un niveau de danger inégalé depuis l'année 1989 au cours de laquelle 50 000 hectares avaient brûlé.
Il convient néanmoins d'ajouter que le taux d'élucidation des incendies de forêt est évalué par le ministère de l'intérieur à 50 % et que, parmi les cas élucidés, 40 % sont imputés à une imprudence et 45 % à un acte de malveillance.
La commission des lois demande une plus grande surveillance contre les actes criminels et leur poursuite sévère dans tous les cas.
Il faut aussi évoquer pour mémoire la commission d'enquête constituée par le Sénat sur les inondations du printemps dernier dans la Somme. Celle-ci a formulé, comme vous le savez, 33 propositions concrètes qui visent à connaître pour mieux comprendre, à prévenir de manière coordonnée, à anticiper pour mieux gérer la crise, et à réparer de manière équitable en encourageant la prévention.
La question difficile du déminage a fait l'objet d'auditions de la commission des lois en juin dernier. L'unité de déminage, placée sous l'autorité du directeur de la défense et de la sécurité civiles du ministère de l'intérieur, est constituée de 150 spécialistes dont les missions sont triples : rechercher, neutraliser et détruire les engins de guerre laissés sur le sol français au cours des derniers conflits ; lutter contre les engins explosifs improvisés placés à des fins terroristes ; assurer la sécurité des voyages officiels.
Un quart du milliard d'obus tiré pendant la Première Guerre mondiale et un dixième des obus tirés durant la Seconde Guerre mondiale n'ont pas explosé pendant ces conflits.
Au début de l'année 2001, il a été décidé de faire procéder, sur plusieurs sites de déminage, à une étude de dangers et d'impacts. Ces études, confiées à trois sociétés spécialisées, concluaient en mars dernier à la nécessité de procéder à la réalisation de travaux de sécurisation immédiats sur les différentes sites, qui ont été engagés sans délais.
Pour ce qui concerne les opérations entreprises au printemps dernier sur les sites de Vimy et de Châtelet-sur-Retourne, je vous renvoie à mon rapport écrit.
La loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours prévoyait la départementalisation, dans un délai de cinq ans, des services d'incendie et de secours, les SDIS, destinée à leur permettre de faire face, avec une plus grande efficacité, à l'accroissement de leurs activités et à la diversification des risques auxquels ils sont désormais confrontés.
Elle visait à une mutualisation et à une rationalisation des services d'incendie et de secours pour offrir à tous des garanties égales en termes de sécurité.
Là encore je vous renvoie à mon rapport écrit à propos des conditions dans lesquelles celle-ci a été appliquée.
En ce qui concerne les dispositions statutaires prises au cours des derniers mois, je rappelle que la filière des sapeurs-pompiers professionnels a fait l'objet de six décrets et que la loi du 17 juillet 2001 a donné une base juridique à la mise à disposition de l'Etat de sapeurs-pompiers professionnels, suite aux observations de la Cour des comptes.
Dans l'attente du dépôt, avant la fin de la présente année, du projet de loi de modernisation de la sécurité civile que vous avez annoncé, monsieur le ministre, le Gouvernement a inséré dans le projet de loi relatif à la démocratie de proximité un chapitre comportant des dispositions relatives au fonctionnement et au financement des SDIS.
Le Premier ministre a confirmé, le 6 octobre 2001, devant le congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, le dépôt d'un projet de loi de modernisation de la sécurité civile avant la fin de l'année.
Certes, un réexamen des dispositions législatives devrait s'imposer. Il est cependant surprenant que cette révision soit engagée dans deux textes successifs, au lieu de faire l'objet d'un examen d'ensemble.
Le Premier ministre a évoqué plusieurs dispositions qui pourraient figurer dans ce texte.
Il s'agit, d'une part, de la création d'un comité interministériel de la protection civile, placé sous l'autorité du Premier ministre, et, d'autre part, du renforcement de l'échelon zonal pour favoriser la mutualisation des moyens et la coopération civilo-militaire.
J'observe que la pertinence d'un tel dispositif sera liée aux moyens qui seront effectivement déployés, en particulier pour ce qui concerne le financement par l'Etat des futures structures zonales.
Pour illustrer ce point, on remarquera que la zone de défense de Lille n'est toujours pas, contrairement aux autres zones de défense, dotée d'un état-major de sécurité civile et d'un centre interrégional de coordination de la sécurité civile. La date prévue pour doter cette zone des mêmes moyens que les autres, fixée initialement au 1er juillet 2001, a été reportée au premier trimestre 2002.
Le projet de loi devrait aussi, nous dit-on, clarifier et simplifier la législation sur la planification de la gestion des crises. Je pense aux plans ORSEC, aux plans d'urgence, au plan rouge, aux plans particuliers d'intervention et aux plans de secours spécialisés.
Enfin, les gestionnaires des réseaux de services essentiels, tels que l'eau, l'électricité et le téléphone, devraient être tenus de proposer au préfet un plan départemental de sécurité des réseaux dont ils ont la charge, analysant les risques prévisibles et prévoyant les dispositions nécessaires pour rétablir le fonctionnement du service en cas d'interruption.
Il paraît, à ce stade, prématuré de prendre position à partir de la simple annonce de dispositions susceptibles de figurer dans le projet de loi. Je ne peux cependant que m'interroger sur les intentions des auteurs de ce prochain projet de loi quant à son financement : les collectivités locales seront-elles, une nouvelle fois, mises à contribution sans avoir été consultées ?
M. Michel Mercier. C'est une habitude !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. En effet ! Mais peut-être, monsieur le ministre, allez-vous nous donner les apaisements qui seraient nécessaires ?
En tout état de cause, trop de retard, trop de reports, trop d'imprévoyance ont conduit la commission des lois à vous proposer le rejet des crédits de la sécurité civile inscrits au budget du ministère de l'intérieur pour 2002. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 29 minutes ;
Groupe socialiste, 19 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, je vous invite, mes chers collègues, à respecter le temps de parole qui vous est imparti si vous ne voulez pas que nous levions la séance à une heure trop matinale.
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier les rapporteurs, MM. de Montesquiou, Courtois et Schosteck, des précisions qu'ils nous ont apportées.
Nous sommes conviés à débattre du budget de la sécurité. L'exercice classique d'un ministre consiste à valoriser son action en dissertant sur l'augmentation sensible des moyens budgétaires mis à sa disposition.
Pour autant, comme l'ont souligné les rapporteurs, les policiers sont dans la rue, des agents administratifs en passant par les agents en tenue, de même que les officiers, les commissaires et, demain, les gendarmes ! Ces mouvements de rue ne sont que le reflet du sentiment de la population. Vous ne cessez de prôner la légitimité de l'autorité de l'Etat quand le citoyen attend des résultats concrets et se fatigue des déclarations de bonnes intentions. Prenez garde : nous qui sommes profondément attachés à l'autorité de l'Etat, nous n'acceptons pas de voir sa légitimité contestée au nom d'une efficacité insuffisante. Il faut, certes, afficher des principes, mais aussi et surtout se donner les moyens de les faire respecter.
Comment comptez-vous, monsieur le ministre, restaurer l'autorité de l'Etat et lutter contre le découragement de toutes celles et de tous ceux qui ont en charge de la faire respecter ?
Je vous plains sincèrement, monsieur le ministre. Comme bon nombre de vos camarades qui vont ont précédé place Beauvau, vous avez dû faire un grand écart permanent entre les sentiments de défiance, pour dire le moins, qui n'ont que trop longtemps prévalu dans vos rangs à l'égard de la police et la réalité du travail des fonctionnaires placés sous votre autorité.
Qu'il est difficile, après tant d'années de méfiance, d'être crédible !
Qu'il est difficile, après avoir soutenu qu'il était interdit d'interdire, de tenir un discours d'ordre et de sécurité !
Qu'il est difficile d'être le premier policier de France quand la police se sent abandonnée et quand il ressort de toutes les réunions que le principal problème est un problème de management !
Les hommes et les femmes qui ont fait le choix de mettre leur vie au service de la sécurité de leurs concitoyens ne doivent plus se sentir méprisés. Ils ne sont pas devenus policiers ou gendarmes pour se voir soupçonnés de « tripatouiller » leurs enquêtes et de prendre des libertés avec les droits de l'homme.
Au contraire, c'est pour préserver les acquis de la République qu'ils ont fait ce choix, allant même parfois, pour un trop grand nombre d'entre eux, ces derniers temps, jusqu'au sacrifice suprême. Je souhaite leur rendre, en votre nom à tous, mes chers collègues, l'hommage qu'ils sont en droit d'attendre des représentants de la nation.
Ne nous y trompons pas, monsieur le ministre, le ras-le-bol des forces de l'ordre n'est pas seulement l'expression de revendications catégorielles à caractère corporatiste. Les policiers ne sont que trop conscients que le problème auquel ils sont confrontés dépasse le simple cadre de leurs statuts.
Certes, ils sont sensibles à l'amélioration de leurs conditions de vie, mais leurs revendications ne portent pas uniquement sur leur feuille de paye. Ils souhaitent être dotés d'équipements leur permettant d'être efficaces dans l'accomplissement de leurs missions. Ils souhaitent pouvoir être épaulés par des personnels administratifs en nombre suffisant et revenir ainsi à leur vocation, qui est d'assurer la sécurité quotidienne des Français.
Surtout, monsieur le ministre, ils vous demandent d'être clairs sur la politique pénale que l'on souhaite mettre en oeuvre dans notre pays.
Nous glissons, ces derniers temps, sans réel débat public et contradictoire, du système inquisitorial, qui a prévalu dans notre droit depuis des lustres, vers un régime accusatoire. Nous sommes actuellement à cheval entre deux systèmes et nous cumulons les inconvénients des deux formules, sans en retirer le moindre bénéfice.
Le sommet a été atteint avec la loi sur la présomption d'innocence, dont les principes sont incontestables et acceptés par tous, mais dont l'application s'est révélée dramatiquement difficile.
Or, monsieur le ministre, les meilleures intentions du monde ne valent rien sans les moyens de les mettre en pratique. Or, ces moyens, le Gouvernement ne se les est pas donnés. Tous vos efforts seront vains, monsieur le ministre, si vous ne vous donnez pas, dans le même temps, les moyens d'avoir des forces de police et de sécurité supplémentaires et les moyens nécessaires pour faire appliquer votre politique pénale.
De cette volonté gouvernementale dépendra votre capacité à rassurer les gendarmes et les policiers sur les intentions du Gouvernement, à les considérer comme des acteurs responsables, dignes de confiance, et à faire taire les mauvais procès à leur encontre.
De plus, comment exiger la responsabilité des forces de police au nom du respect de l'ordre et accepter l'absence de responsabilité du juge ?
En alourdissant la procédure, vous avez contribué à engorger les tribunaux. Par manque de moyens pour les traiter, les parquets abandonnent les poursuites et les petits délits ne sont plus sanctionnés.
Cette situation est extrêmement préoccupante et décourage toutes celles et tous ceux qui sont en charge des délinquants. En ne s'occupant pas de la primo-délinquance, le « pas vu, pas pris » entraîne les individus concernés vers des actes de violence de plus en plus graves. Le fait de n'être condamné qu'au-delà d'un certain nombre de récidives engendre l'aggravation de la faute ; il se développe alors un sentiment grandissant et préoccupant d'impunité. Le vice semble être aujourd'hui plus protégé que la vertu !
Il ne faut pas passer de l'angélisme, que peut caractériser une absence évidente de volonté en matière de politique pénale, à l'absolutisme le plus doctrinal en matière de répression. Il n'est pas question de savoir s'il faut ou non enfermer tous les délinquants. Il faut être en mesure de sanctionner toute faute !
A quoi sert qu'un délinquant soit amené au commissariat si, après avoir constaté qu'il est l'auteur du délit, il n'est pas condamné à exécuter la peine ?
Monsieur le ministre, nos concitoyens ne supportent plus de voir leurs policiers maltraités et insultés par des bandes qui semblent faire la loi sur des territoires que l'Etat leur abandonne.
Mme Nelly Olin. Tout à fait !
M. Jean-Paul Delevoye. Au travers des protestations grandissantes des fonctionnaires placés sous votre autorité, vous vous devez d'entendre les applaudissements et les encouragements du peuple qui rythme leurs cortèges et qui a de plus en plus peur.
La sécurité est la première des libertés et cette liberté est aujourd'hui contestée.
Au-delà du catalogue de bonnes intentions et d'un affichage de moyens, il faut une volonté politique claire. Celle-ci ne peut s'exprimer que par une remise à plat de l'ensemble de la chaîne. Il faudra mettre en oeuvre une grande loi de programmation de la sécurité avec des engagements pluriannuels pour pallier les déficiences constatées.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il y a la LOPS !
M. Jean-Paul Delevoye. Il convient de réfléchir aussi au déficit de l'autorité parentale. Un enfant est d'abord et avant tout un projet et non un système d'allocation ou un produit. Il est insupportable de voir l'inégalité se mettre en place dès les premiers mois de la vie. Il n'y a jamais eu autant d'aides publiques et de déresponsabilisation parentale qui, nous devons le constater, nourrissent une délinquance de plus en plus jeune.
Tout cela commence avec ces formules chères à vos amis. « Il est interdit d'interdire ! L'individu est une victime, seule la société est coupable ! » Puisque vos fonctions vous placent en première ligne pour constater les conséquences de ces discours irresponsables, vous vous devez de faire prendre conscience à vos amis du décalage grandissant entre leurs propos et la réalité.
En déstructurant à petites touches cette cellule essentielle qu'est la famille, vos camarades contribuent à l'émergence de générations sans repères, au sein desquelles les rapports de force ont un intérêt.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Je conclus, monsieur le président.
Au-delà des moyens budgétaires, il faut afficher une volonté politique claire afin de responsabiliser les parents, les travailleurs sociaux, les forces de l'ordre et la justice.
Une politique sans moyens n'a guère d'efficacité, mais des moyens sans objectifs politiques clairs ne servent à rien ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, si le temps de parole accordé à un groupe est utilisé par les premiers orateurs de ce groupe, les derniers inscrits ne pourront plus s'exprimer !
Mme Nelly Olin. On s'arrangera entre nous !
M. le président. Je tenais à vous prévenir.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Tous les rapporteurs et vous même, monsieur le ministre, avez noté un accroissement de la délinquance. Les statistiques disponibles pour le premier semestre marquent une accélération de ce phénomène et concernent l'ensemble des catégories d'infraction. Les rapports de la commission des finances et de la commission des lois sont très précis à ce sujet.
Sous cette globalité qui donne à nos concitoyens le sentiment que le manque de réponse à la délinquance est de plus en plus grand, les infractions violentes ne cessent d'augmenter et le taux d'élucidation de baisser. Encore faut-il, comme on l'a dit, qu'au bout de la chaîne il y ait une réponse judiciaire !
Ces statistiques, monsieur le ministre, vous l'admettez, masquent la masse des infractions non signalées, qui seraient cinq fois supérieures aux faits enregistrés. Le nouvel Observatoire de la délinquance et la mission confiée à deux parlementaires permettront sans doute d'améliorer les statistiques.
Comment ne pas comprendre l'inquiétude et l'exaspération de nos concitoyens devant cette insécurité au quotidien, qui gagne l'ensemble du territoire, et pas seulement les quartiers dits sensibles. D'ailleurs, monsieur le ministre, l'augmentation de la délinquance est plus importante actuellement dans les zones périurbaines.
Ne revenons pas sur la violence juvénile, dont nous avons longuement débattu à l'occasion d'un projet de loi récent, sans d'ailleurs avoir été entendus.
Face au découragement des policiers et des gendarmes, au mouvement profond qui a surgi à la suite de cafouillages judiciaires et de la mort de policiers victimes d'une violence de plus en plus grave et incontrôlée, le Gouvernement a pris conscience de la nécessité, dans l'urgence, de prendre des mesures supplémentaires en faveur de la police nationale, sans d'ailleurs une cohérence évidente.
Certes, monsieur le ministre, et il faut vous rendre justice sur ce point, vous n'avez jamais, comme beaucoup de vos amis, succombé au « politiquement correct » qui tendait à minimiser la réalité de l'insécurité et taxant de sécuritaires tous ceux qui dénonçaient la montée de la violence.
Votre réponse à cette situation alarmante est la police de proximité. Comment ne pas être d'accord avec ce principe, s'il n'était pas largement contredit par les faits ? Le budget que vous présentez en est l'illustration, même avec ses mesures supplémentaires consenties à la suite des manifestations de policiers.
La police de proximité est-elle une réalité si l'on constate, comme l'a fait un spécialiste, Alain Bauer, en 1998, que, sur 113 000 gradés et gardiens, seuls 5 000 étaient physiquement présents sur la voie publique de jour, et encore moins de nuit, alors que s'y produisent 60 % des délits ?
Il est sans doute nécessaire d'augmenter les effectifs, de recruter toujours plus d'adjoints de sécurité et de leur donner plus de responsabilité ; encore y aurait-il beaucoup à dire sur les limites de cette politique. Il n'en demeure pas moins que la généralisation de la police de proximité suppose une profonde réforme des méthodes de fonctionnement de la police nationale et notamment de la gestion des ressources humaines.
Au risque de paraître répétitif, monsieur le ministre, mais, après tout, ces propositions avaient reçu l'accueil positif du Gouvernement et, semble-t-il, après quelques hésitations, de l'ensemble de la classe politique - pas des élus locaux, ni des syndicats de police, qui ont changé d'avis - qu'il me soit permis de rappeler que j'avais proposé, avec le regretté Roland Carraz, un certain nombre de mesures pour permettre une meilleure efficacité de la police et de la gendarmerie sur le terrain : d'abord, redéploiement des forces de police et de gendarmerie ; ensuite, priorité absolue dans la répartition des effectifs aux régions les plus touchées par la délinquance de voie publique - grande couronne parisienne, grandes agglomérations de province, pourtour méditerranéen ; enfin, nous insistions également sur la priorité à la lutte contre la délinquance de voie publique génératrice du sentiment d'insécurité de nos concitoyens.
Des mesures ont été prises, mais elles sont insuffisantes et le paysage n'a pas profondément évolué depuis 1998. Quelques commissariats ont été supprimés, quelques brigades ont été modifiées - on a même supprimé parfois des brigades en zone urbaine - mais, en fait, on n'est pas allé au bout de la démarche.
En relisant ces propositions, c'est avec regret que nous continuons de déplorer les moyens matériels insuffisants : armement, gilets pare-balles, véhicules, transmissions et immobilier.
Nous proposions d'amplifier l'effort de logement en faveur des policiers, qui est indispensable. Vous l'avez fait, mais nous n'en sommes pas encore aux 500 millions que nous suggérions.
Et ne parlons pas des tâches qui mobilisent trop de moyens opérationnels : les gardes statiques - combien de policiers sont utilisés pour ces gardes statiques ? - le transfèrement des détenus - cela occupe beaucoup de policiers - les tâches administratives ou logistiques. Comme le note le rapport de la commission des finances, notre police, dont les effectifs sont supérieurs en nombre par rapport à beaucoup d'autres pays européens, est en revanche sous-administrée. C'est sans doute ce qui explique qu'il y ait moins de policiers sur le terrain. Le recrutement de trois cents personnels ne comblera pas ce déficit. Il est vrai que cela n'avait pas été fait précédemment, mais vous continuez dans la mauvaise voie en ce qui concerne l'application de la loi d'orientation et de programmaton relative à la sécurité, la LOPS, dans ce domaine.
Enfin, et nous sommes au coeur du débat, nous préconisions de systématiser le partenariat, à l'échelon tant national que local, d'abord entre la police et la gendarmerie, ensuite, et surtout, avec les autres administrations, notamment la justice, ainsi que les élus. C'est en effet l'ensemble du corps social qui doit faire reculer l'insécurité.
Même si de timides engagements ont été pris pour mieux centrer l'action autour des maires, notamment pour l'efficacité des contrats locaux de sécurité, ces engagements sont souvent théoriques. En effet, le plus important, comme le disait Jean-Paul Delevoye, pour que la police n'ait pas l'impression de travailler en pure perte - on l'a vu dans des documents récents très intéressants sur le fonctionnement des BAC, notamment à Paris - est qu'une réponse judiciaire adaptée soit donnée à la montée de la délinquance, notamment des mineurs, mais aussi que les moyens de la police judiciaire soient renforcés. Mais le Sénat en débattra sans doute lundi prochain, lors de l'examen du projet de budget de la justice.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré récemment que vous ne pouviez « faire en quinze mois ce qui n'avait pas été fait en quinze ans ». Ce n'est pas très aimable pour vos prédécesseurs. Ils ne sont d'ailleurs pas seulement de droite : deux étaient de droite et trois étaient de gauche, sachant que Charles Pasqua a été ministre de l'intérieur à deux reprises !
Mais il semble que la gestion de crise, aggravée par la lutte contre le terrorisme et l'arrivée de l'euro, ne permet pas de discerner la trame d'un projet cohérent et à long terme. C'est peut-être non pas la priorité du Gouvernement, mais seulement une réponse à courte vue pour calmer la grogne des policiers et tenter de rassurer l'opinion publique. C'est une autre politique que nous attendons en matière de sécurité ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget est, cette année, en forte augmentation : c'est une hausse de 3,42 % des crédits, la création de 2 000 emplois et la consolidation des 1 000 emplois créés en surnombre qui nous sont proposées ici ; au total, les effectifs auront augmenté de 11 % de 1997 à 2002.
Cet effort budgétaire permettra de parachever la phase de généralisation de la police de proximité. Il était rendu nécessaire pour compenser les retards pris par les gouvernements précédents en matière de départs à la retraite - mais vous semblez l'oublier aujourd'hui, mes chers collègues de la majorité sénatoriale - et pour mettre en place la réduction du temps de travail. C'est un pas de fait dans le sens d'une revalorisation salariale très attendue.
C'est donc globalement un bon budget que vous nous présentez cette année, monsieur le ministre, et nous le voterons.
Avec la rallonge annoncée de 400 millions d'euros, cette hausse notable des crédits représente un geste significatif en direction des personnels de police, particulièrement éprouvés cette année. Et l'année suivante n'apparaît guère plus facile avec la mise en place de l'euro et le fonctionnement du plan Vigipirate, qui mobiliseront 80 % des effectifs. Et il y a fort à craindre que la mise en place de la réduction du temps de travail n'en soit d'autant plus compliquée.
Ces efforts budgétaires, importants et nécessaires, visent principalement au renforcement de la police de proximité, dont les principes essentiels, tels qu'ils ont été définis lors du colloque de Villepinte en 1997, sont plus que jamais d'actualité.
Alors que nous sommes entrés dans la troisième phase de la généralisation de la police de proximité, avec 528 contrats locaux de sécurité mis en place et 199 en préparation, il convient de rappeler les apports fondamentaux de cette démarche inédite qui rapproche la police du citoyen, sans pour autant se dissimuler les problèmes qui subsistent.
Ces « rappels » apparaissent d'autant plus nécessaires que le contexte actuel est propice à l'inflation des propositions les plus démagogiques et irréalistes : la droite parlementaire se surpasse en la matière en multipliant dépôts de propositions de loi, colloques et autres initiatives à mesure que les élections se rapprochent.
Tout d'abord, la police de proximité n'a de sens que dans un cadre républicain réaffirmé. Le mouvement en faveur d'une municipalisation de la sécurité est, de ce point de vue, extrêmement préoccupant, parce qu'il risque de mettre en péril ce principe d'égalité, en faisant dépendre la sécurité de nos concitoyens du potentiel fiscal de la collectivité.
La sécurité doit rester une responsabilité de l'Etat. C'est une règle et un fondement républicains ; c'est aussi l'assurance de l'efficacité. D'ailleurs, les maires ne s'y sont pas trompés : ils se sont majoritairement prononcés contre une extension de leurs responsabilités en matière de sécurité alors que l'on avait voulu la présenter ici même, il n'y a pas si longtemps, comme une revendication forte et partagée par l'ensemble des élus.
Ensuite, cette police de proximité se fonde sur une approche partenariale de tous les acteurs de la sécurité, réaffirmée au travers du principe de coproduction tel que systématisé dans la loi relative à la sécurité quotidienne.
Elle implique une mobilisation collective de la société, absolument fondamentale pour apporter une réponse de fond à la montée de l'insécurité.
A Marseille, la mise en place de la police de proximité, à titre expérimental en 1999 et définitivement le 16 octobre 2000, a conduit à repenser les missions de police dans le sens d'un service de meilleure qualité à la population, en étant plus à l'écoute de ses besoins. Elle a nécessité une adaptation constante en termes de redéploiement des effectifs, afin d'assurer une affectation permanente par quartier et pour mettre en place des points de contact opérationnels.
La police de proximité a également mis en lumière l'intérêt d'une politique globale. Sur le plan de la sécurité des transports collectifs, par exemple, elle a permis de démontrer le caractère protéiforme de la question : manque d'effectifs, problèmes de circulation et d'accès des bus, isolement du chauffeur, dangerosité des quartiers desservis, incivisme des passagers, peur... C'est sur l'ensemble de ces aspects que nous travaillons, par exemple, dans le cadre des contrats locaux de sécurité des mairies d'arrondissement des xiiie et xive.
Pour autant, la hausse générale de la délinquance, et principalement de la délinquance de voie publique, en augmentation de 15,4 % pour la ville, montre que les efforts sont loin d'être suffisants.
En particulier, on ne saurait se dissimuler les importantes difficultés qui subsistent, spécialement en termes de recrutement, et qui menacent, à terme, de fragiliser l'édifice.
Plus que jamais, nous avons besoin d'un plan pluri-annuel en la matière, comme nous le réclamons depuis plusieurs années. Le recrutement massif d'adjoints de sécurité, les ADS, qui s'étiole aujourd'hui puisque l'objectif des vingt-mille ne sera pas atteint, ne peut, à lui seul, résoudre la question des départs à la retraite.
Dans un contexte où la reconnaissance sociale des fonctionnaires de police apparaît déterminante, il faut également dénoncer les risques de nivellement par le bas que génère l'augmentation continue des responsabilités des ADS.
Les mesures relatives au personnel devraient être encore renforcées, non seulement du point de vue des salaires, mais également des inadmissibles conditions de travail - le journal Libération s'en est fait à nouveau l'écho ce matin - sans parler du logement des fonctionnaires de police, sur lequel nous attirons l'attention depuis plusieurs années.
Par ailleurs, il faut dénoncer la pénurie des moyens d'investigation qui ne permettent pas de lutter contre les infractions de bandes et les trafics locaux. Elle accentue l'impression qu'aujourd'hui la lutte se concentre essentiellement sur la partie la plus visible de la délinquance - la délinquance de rue - au détriment d'un travail de fond contre le grand banditisme et les trafics liés à l'économie souterraine.
Cette situation ne peut que renforcer la fracture sociale ; elle alimente le sentiment d'injustice et brouille l'échelle de gravité des comportements : d'un côté, on constate une certaine tolérance à l'égard de ces différents trafics, comme moyen de régulation économique et sociale d'une société incapable d'offrir d'alternative à l'argent facile ; de l'autre, on sanctionne lourdement des comportements incivils, certes répréhensibles mais pas forcément « délinquants », tels que l'occupation des halls d'immeubles ou la fraude répétée dans les transports publics, désormais passible de six mois de prison.
Chers collègues, quels repères donnons-nous alors ?
De telles situations ne contribuent-elles pas à aiguiser la violence plutôt qu'à la combattre ? Entendons-nous bien : je ne veux ni déresponsabiliser les délinquants ni excuser les comportements violents. Mais la stigmatisation à laquelle on assiste aujourd'hui en direction des jeunes des cités m'apparaît tout à fait irresponsable.
Les parlementaires communistes considèrent, pour leur part, que la lutte contre l'insécurité nécessite une politique globale autant sociale qu'économique, éducative et politique. Tant que nous cloisonnerons les réponses, en estimant que l'insécurité ne relève que d'une stratégie répressive, on ne pourra pas avancer.
C'est dans cette perspective qu'il faut penser le doublement des moyens de la sécurité : renforcement des services publics de proximité, non seulement police et justice, mais aussi poste, banques, commerces, des lieux d'écoute pour les parents, des relais avec l'école. Tous ces services contribuent à éviter que ne se créent des zones d'exclusion dont on sait qu'elles favorisent le développement de l'économie souterraine et génèrent les comportements délinquants.
L'éducation, la politique de la ville, la politique d'intégration, la lutte contre les exclusions sont autant de moyens de réduire durablement la violence dans notre société. Toute politique de lutte contre la délinquance ne peut être, en effet, que globale.
C'est en ayant à l'esprit tous ces éléments que nous voterons le budget de la sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2002 concernant la sécurité.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, vous avez bien du mérite : face à la mauvaise foi, à la mémoire courte, à la surenchère...
Mme Nelly Olin. Ça commence mal !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... qu'attise chez les hommes politiques comme chez les syndicalistes l'approche de l'échéance électorale, face aux petites phrases, aux mises en cause personnelles, vous conservez votre sang-froid, vous gardez le cap, le bon cap.
Les ministres de l'intérieur qui vous ont précédé, y compris celui qui vous a immédiatement précédé, ne devraient pas l'oublier, non plus que tous ceux qui l'ont soutenu.
Au demeurant, cet hommage ne vous est pas seulement destiné. Je pense que, derrière l'homme « Vaillant »,...
Mme Nelly Olin. Quelle recherche!
M. Jean-Claude Peyronnet. ... c'est tout le Gouvernement de gauche, en particulier le Premier ministre, qui est attaqué, à tort.
Il est vrai que les turbulences sont vives parce que la société est malade, mais ce n'est pas nouveau, et cela ne veut pas dire qu'il faut baisser les bras.
Il est vrai que l'instituteur, le médecin et, peut-être, le curé ne trouvent plus dans notre société le respect et la reconnaissance dont ils bénéficiaient dans le passé. Quand cela touche aux policiers, cela prend un tour plus apparent, plus spectaculaire, voire, hélas ! plus dramatique parfois.
Il est vrai que tout ne fonctionne pas bien, notamment dans le couple, pourtant indissociable, police-justice, et il est vrai que, toutes choses égales, les bavures sont plutôt, depuis quelque temps, du côté de la justice que du côté de la police.
Mme Nelly Olin. Oh !
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Ce n'est pas faux !
M. Jean-Claude Peyronnet. Quoi qu'il en soit, nos policiers, comme nos gendarmes, se sentent mal aimés. Pourtant, dans ce monde instable où les corps constitués sont en mal de reconnaissance, les policiers font globalement bien leur travail, et c'est un travail dangereux, nous le savons bien.
Raison de plus pour ne pas en rajouter dans la polémique alors que toutes les personnes de bonne foi savent bien que la question n'est ni seulement policière ni seulement judiciaire, mais que tout le corps social - et, au premier chef, la cellule de base qu'est la famille - est directement concerné.
Chacun sait bien aussi que toutes nos difficultés exigent une approche sereine et cohérente, un dialogue permanent entre tous ceux qui portent une part de responsabilité au stade de l'éducation, de la prévention et de la répression.
Alors que personne ne nie l'existence de l'insécurité, alors que la police doute de l'utilité de sa mission, alors que nos concitoyens s'interrogent, la droite entretient sur ce sujet une polémique incessante, à vrai dire assez détestable, et ne propose que des solutions partielles, inefficaces, voire contradictoires.
Au demeurant, ces solutions sont aussi dangereuses, parce que, en nourrissant le sentiment d'insécurité chez les Français, qui, hélàs ! sont actuellement très réceptifs à ce discours, les électeurs, cible principale de ces manoeuvres, risquent de se tourner nombreux, une fois de plus, vers celui qui apparaît comme le plus intolérant,...
Mme Nelly Olin. Oh ! Pitié !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... le plus apte à s'en remettre à la solution facile du bouc émissaire.
Mme Nelly Olin. Vraiment, quel raccourci facile !
M. Jean-Claude Peyronnet. Madame la sénatrice, peut-être n'est-ce pas ce que vous cherchez, mais, en mettant en avant le sentiment d'insécurité, vous verrez que - comme il l'a dit lui même - l'original sera toujours préféré à la copie.
Personne, ni vous ni moi, n'y gagnera. Il convient donc de se garder des jugements hâtifs sur cette question. La hausse de la criminalité existe à n'en pas douter. Elle n'est ni de gauche ni de droite. C'est un fait de société. Il ne s'agit pas du tout de sous-estimer l'insécurité, mais, lorsque l'on examine les différentes catégories d'infractions, force est de reconnaître que les résultats sont contrastés : si les chiffres traduisent une évolution de la criminalité, ils mesurent également le niveau d'activité de la police, et il n'est pas toujours facile de faire la part des choses.
L'opinion n'en est pas moins inquiète, mais comment pourrait-il en être autrement alors que la question de la sécurité est devenue un sujet de polémique, utilisé notamment à des fins électoralistes ?
Pourtant, jamais il n'a été autant fait pour la police nationale depuis le plan Joxe de 1985. A ce titre, le Gouvernement et, au sein de celui-ci, le ministre de l'intérieur doivent être salués pour le rôle qu'ils ont joué.
Que reproche donc la majorité sénatoriale à ce projet de budget pour en proposer le rejet ? J'ai repéré six arguments.
Premier de ces arguments : une hausse insuffisante des crédits.
Il est simple de répondre à cet argument. En 1995, M. Pasqua avait présenté un budget de la police qui s'élevait à 27 milliards de francs. Ce budget a baissé sous le ministère de M. Debré, en 1996 et 1997. Il a atteint en 2000 non pas 27 milliards de francs mais 30 milliards de francs, et il s'élevera à 33 milliards en 2002. Par ailleurs, le total des seules mesures catégorielles et indemnitaires que vous avez, monsieur le ministre, accordées au personnel atteindra 1,11 milliard pour l'année 2002.
Deuxième argument : la hausse des effectifs serait insuffisante.
Entre 1997 et 2002, les effectifs ont progressé de plus de 11 % !
M. Philippe Marini. Tout va bien...
M. Jean-Claude Peyronnet. Le projet de budget prévoit la création de plus de 3 000 emplois. On ne peut pas à la fois réclamer des créations d'emplois dans la police nationale - voire dans d'autres secteurs, et je pense par exemple aux emplois d'infirmières - et gémir comme le fait la droite lorsque le nombre de fonctionnaires augmente, tout en profitant de cet argument pour ne pas voter l'ensemble du projet de loi de finances.
Troisième argument : les crédits de fonctionnement et d'équipement seraient insuffisants.
Les crédits inscrits dans le projet de budget témoignent pourtant d'un effort d'autant plus considérable qu'il fait suite à un effort déjà considérable l'an passé. Il faut, encore une fois, remonter au plan Joxe de 1985, qui a été exécuté l'année suivante, pour trouver des niveaux d'investissement et d'équipement aussi importants.
M. Philippe Marini. Ce sont vos arguments...
M. Jean-Claude Peyronnet. Quatrième argument : les conséquences de la réduction du temps de travail.
Je trouve amusant, monsieur Marini, que vous nous accusiez de manquer d'esprit de prévision alors que vous avez été incapables de prévoir les départs massifs à la retraite qui se produiront dans la police à partir de 2005-2010. C'est d'ailleurs une raison qui pourrait expliquer le manque d'effectifs que vous nous reprochez...
Les 3 000 emplois nouveaux serviront notamment à l'application de la réduction du temps de travail.
Cinquième argument : la faiblesse de la présence des policiers sur le terrain.
Il s'agit là à vrai dire d'une politique dont la mise en place s'étalera sur plusieurs années, mais la voie est ouverte.
Les policiers sont moins astreints qu'ils ne l'étaient naguère à exécuter les tâches indues, notamment dans le domaine administratif, qu'il leur revenait d'accomplir, là encore parce que la loi d'orientation votée sous le gouvernement Balladur n'avait pas été réellement appliquée.
Enfin, dernier argument : les emplois-jeunes sont largement critiqués, alors qu'ils ont constitué un apport considérable, en particulier pour la police de proximité de par leur présence dans les quartiers auprès des filles et des garçons de leur âge, qu'ils soient d'origine européenne ou pas.
Quant à leur formation, elle est de mieux en mieux assurée, et ils constitueront de plus en plus un vivier pour le recrutement des fonctionnaires de police.
Bref, vos critiques, mesdames, messieurs de la droite, ne sont pas pertinentes.
J'ai noté que vous proposiez avant tout l'adoption d'une grande loi de programmation sans vraiment en définir le contenu. J'observe que le gouvernement Balladur avait élaboré une loi de ce type mais que vous vous étiez bien gardés de l'appliquer, puisque vous n'aviez pas voté les crédits qui auraient permis d'améliorer la situation.
M. Philippe Marini. Cessez de vivre dans le passé !
M. Jean-Claude Peyronnet. Enfin, s'agissant de la loi sur la présomption d'innocence que les policiers ont accusée de tous les maux, faut-il rappeler qu'elle a été proposée par le Président de la République et qu'elle a été adoptée tant par l'Assemblée nationale que par le Sénat ?
Il est sage néanmoins d'en effectuer une évalution dès maintenant. Ce n'est pas parce que tel ou tel magistrat, qui n'était peut-être pas très favorable à la loi - le cas s'est produit - « dérape » qu'elle est nécessairement mauvaise.
Je rappelle par ailleurs que Mme Guigou avait monté un échafaudage judiciaire cohérent mais qui s'est écroulé à la suite de la décision du Président de la République de ne pas nous réunir à Versailles.
En tout état de cause, la police n'est pas seule concernée. Il n'est pas possible de faire l'économie d'une pédagogie de la violence, car le monde qui nous entoure et les modes d'expression sont eux-mêmes violents. La sécurité revêt de multiples aspects. Il convient de les traiter globalement.
M. le président. Monsieur Peyronnet, je vous prie de conclure. Vous avez dépassé les dix minutes qui vous étaient imparties.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne les ai dépassées que de quelques secondes, monsieur le président. Je rappelle que le groupe socialiste disposait de vingt-deux minutes et que je suis le seul inscrit. La décision de la conférence des présidents est très discutable. Il faudra la revoir, je le dis au passage.
Pour conclure, monsieur le ministre, nous voterons vos crédits, ce qui n'est pas une grande surprise, tout en sachant que vous avez entrepris une oeuvre de longue haleine d'autant plus facile à critiquer que l'opposition aspire de manière pressante au risque zéro, ce qui est irréaliste.
Je ne suis pas convaincu qu'il soit bon pour des parlementaires d'attiser ce sentiment. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Turk.
M. Alex Turk. Monsieur le ministre, je voudrais, puisque beaucoup de choses ont été dites, attirer votre attention sur des points peut-être plus techniques mais qui, je crois, engagent notre avenir puisqu'il s'agit du fonctionnement des systèmes Schengen et Europol, maintenant au premier plan de l'actualité compte tenu des événements survenus aux Etats-Unis.
Je voudrais faire ces quelques remarques en tant que membre de l'autorité de contrôle commune et sachant que, s'agissant d'Europol, on se trouve dans une situation extrêmement délicate qui pourra peut-être se résoudre lors de la réunion du Conseil européen à laquelle vous assisterez, je crois, dans deux jours à Bruxelles.
En ce qui concerne Schengen, mon intervention se résumera à quelques questions simples mais qui nous préoccupent tous.
Ainsi, serait-il enfin possible d'avoir des informations précises sur la date à laquelle le problème du système d'information de Schengen, le SIS II sera enfin réglé ?
C'est un problème certes technique, mais d'une extrême importance. Depuis six ou sept ans, on nous dit qu'il sera réglé prochainement... J'entends maintenant parler de 2005 !
Toujours dans le cadre du basculement du SIS sous la responsabilité de la Commission, nombreux sont ceux qui se demandent, dans les couloirs de Bruxelles, s'il est vrai qu'il y a un doute quant au maintien à Strasbourg du système central des fichiers de Schengen.
Est-il vrai par ailleurs que l'on caresse l'éventualité de créer une agence chargée de la gestion du système à la place du ministère de l'intérieur, qui l'assure maintenant depuis sept ou huit années ?
En ce qui concerne maintenant Europol, je voudrais formuler deux remarques précises, monsieur le ministre.
La première a trait à la collaboration qui se met actuellement en place entre les Etats-Unis, d'une part, et Europol et l'ensemble des Etats membres de cet office, d'autre part. Les 6 et 7 décembre prochains sera abordée la question de l'ouverture de la négociation entre les polices américaines - je dis « les polices », parce que les choses ne sont pas simples dans un système fédéral - et Europol. Je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un fait dont vous êtes peut-être déjà conscient : la convention portant création d'Europol n'est pas respectée en l'occurrence, puisque la question que j'évoquais sera traitée entre les ministres concernés alors que la procédure normale n'a pas été suivie et que l'autorité de contrôle a été tenue à l'écart du processus. Cela signifie que le contrôle citoyen qui doit intervenir en matière de données personnelles n'aura pas pu s'exercer, ce qui est tout à fait regrettable, même si, bien entendu, je ne remets pas en cause l'intérêt d'une négociation avec les polices américaines. Ma seconde remarque sera pour vous faire observer qu'il est extrêmement troublant de constater à quel point la police française recourt peu souvent à Europol, alors même que cet office connaît une espèce de montée en puissance inavouée.
En effet, le budget d'Europol s'accroît. J'ai appris récemment, à La Haye, que le développement de l'office était tel qu'il est sur le point de quitter les locaux qui l'abritent actuellement.
Par ailleurs, il est prévu d'étendre le mandat d'Europol à toute la criminalité organisée, ce qui recouvre grosso modo tous les domaines de compétence de la police nationale. Je crois savoir que cette question sera traitée à l'occasion d'un prochain conseil « justice-affaires intérieures ».
On entend également évoquer la mise en place d'équipes communes d'enquête. J'aimerais que vous nous donniez quelques éclaircissements sur ce point, monsieur le ministre, car il me semble que la convention portant création d'Europol comporte très peu d'éléments juridiques permettant de recourir à une telle option, mais peut-être suis-je insuffisamment informé.
Toutefois, cette rumeur a sans doute quelque fondement, puisque votre collègue le ministre délégué chargé des affaires européennes déclarait ce matin même dans la presse qu'il était favorable à la création d'une police européenne. Il s'agit là d'un sujet extraordinairement important, qui mériterait de faire l'objet d'une réflexion approfondie, d'autant plus que nous ignorons si cette police européenne aurait pour base Europol ou une autre structure restant à définir.
En regard de ce considérable développement, tout nous montre que la police française est extrêmement réticente à travailler avec Europol. Elle est d'ailleurs le mauvais élève de la classe à cet égard, vous le savez, et j'aimerais que vous nous donniez quelques explications.
Je sais bien qu'il existerait un facteur culturel selon lequel les Allemands auraient une conception d'Europol tendant à rapprocher cet office du FBI, le Federal Bureau of investigation, tandis que les Français resteraient attachés à leur souveraineté, ce que je comprends tout à fait.
Je sais également qu'une différence de culture policière, si j'ose dire, nous distingue des Anglo-Saxons, qui partiraient du général pour aller vers le particulier, tandis que la police française garderait un esprit plus tourné vers la recherche de l'indice et du détail pour accéder ensuite au général.
En tout état de cause, les Français sont toujours très surpris, à Bruxelles, de constater que, finalement, plus Europol se développe, moins la police française l'utilise. S'agissant du vote d'un projet de budget, lorsque l'on considère que l'un des plus gros contributeurs de l'office est aussi l'un des plus faibles bénéficiaires de ses services, on est amené à s'interroger. J'aimerais que vous puissiez nous expliquer ce paradoxe, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Plasait. M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Français veulent la sécurité, et ils assistent, souvent découragés, de plus en plus souvent exaspérés, toujours impuissants, à la montée, qui leur semble inexorable comme celle d'une marée, d'un désordre majeur dans la République.
Le barrage contre l'insécurité et la violence présentait depuis des années des fissures de plus en plus nombreuses ; aujourd'hui, on a le sentiment que ce barrage est en train de céder. Les « flics » que l'on abat, les criminels qu'on libère, la police qui défile dans la rue, les épouses de gendarmes qui manifestent, ceux-ci qui se font massivement « porter pâles », certains juges qui appellent à boycotter la loi : la liste est longue de ces éléments symptomatiques. La machine à produire la sécurité est en panne, elle tombe même en morceaux la chaîne de production se brise en plusieurs de ses maillons.
La police, pour sa part, traverse l'une des crises les plus graves qu'elle ait connues. Votre projet de budget apporte-t-il, monsieur le ministre, des éléments de réponse ? Bien sûr, il ne peut représenter à lui seul la solution, car il faut tenir compte des autres maillons : la famille, l'école, les cités, la justice.
La justice, surtout, est sans doute la première clé à faire jouer si l'on veut inverser le cours des choses. Le 22 novembre dernier, j'ai posé une question d'actualité au Gouvernement sur cette crise de la police révélée par les nombreuses et impressionnantes manifestations de rue. Je l'ai adressée au Premier ministre, parce que la sécurité relève en réalité de plusieurs ministères. Tout en reconnaissant la qualité de vos efforts pour répondre aux revendications matérielles des policiers, je croyais pouvoir dire que le malaise était plus profond, qu'il touchait à la dignité même des policiers.
J'évoquais leur découragement et même leur sentiment d'humiliation de se voir narguer, l'après-midi, par des voyous arrêtés le matin, des voyous qui ne les craignent plus puisqu'ils ne craignent plus la justice dans un système où la punition est presque absente.
J'évoquais aussi les difficultés et les craintes des policiers à l'épreuve de certaines conséquences de l'application de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Je ne croyais pas si bien dire ; en fait de volonté d'humilier et de provoquer, il est difficile de faire plus abject que ce livre signé par un magistrat et intitulé : Vos papiers ! Que faire face à la police ? - merci pour le mode d'emploi à l'usage des voyous ! - qui présente sur sa couverture, comble de l'humour délicat, une tête de porc avec un groin et une moustache, coiffée d'une casquette de police. C'est Hara-Kiri ou Fluide glacial revu par le Syndicat de la magistrature ! Comment s'étonner, après cela, du divorce du couple police-justice ?
Quant aux craintes que l'on pouvait nourrir à l'égard de l'application d'une loi non accompagnée des moyens nécessaires, elles ont été confirmées, jusqu'à l'ahurissement, par l'extravagante remise en liberté d'un trafiquant de drogue arrêté en possession d'un kilogramme d'héroïne. On est chez Gribouille ! Le marchand des produits qui vont tuer nos enfants est remis en liberté au motif qu'il doit s'occuper de ses propres enfants ! Alors, Gribouille, Kafka, père Ubu, je ne sais pas, mais voilà pourquoi les policiers n'ont pas le moral ! On ne peut pas leur demander de risquer leur vie pour rien, d'accepter de tomber dans des embuscades où ils sont tirés comme à la foire, tout en étant, en prime, traités d'assassins lorsqu'ils font leur devoir.
Ils comptent aujourd'hui parmi les premières victimes de cette insécurité qu'ils ne peuvent maîtriser : sept d'entre eux, depuis le début de l'année, ont ainsi payé de leur vie le désordre qui règne dans les esprits, sans parler des gendarmes froidement abattus ! Je tiens à m'associer à l'hommage qui a été rendu à ces hommes, ainsi qu'à leurs familles et à leurs collègues, par notre éminent collègue Jean-Patrick Courtois. On ne leur exprimera jamais assez la reconnaissance que leur doit la nation.
Monsieur le ministre, j'aurai l'occasion de m'exprimer devant vos collègues du Gouvernement sur les causes qui relèvent des compétences de leurs ministères respectifs, s'agissant de cette crise de la police que j'évoque ce soir. Je voudrais toutefois vous dire que je ne crois pas que votre budget soit suffisant pour répondre comme il le faudrait aux questions qui vous sont posées.
Certes, les crédits de la police nationale augmentent par rapport à l'an dernier, mais la part du budget de la police dans le produit intérieur brut stagne.
De la sorte, la police de proximité que vous voulez généraliser ne disposera pas des moyens nécessaires. Vous créez 3 000 postes supplémentaires, mais ceux-ci seront en grande partie absorbés par la mise en place de la réduction du temps de travail. Or le déploiement d'une police de proximité digne de ce nom exige que des effectifs soient présents sur le terrain, et cette police ne saurait reposer sur des adjoints de sécurité, pour lesquels le ministère rencontre de surcroît de sérieuses difficultés de recrutement, l'objectif des 20 000 personnels étant loin d'être atteint.
Dans cette optique, les recrutements annoncés seront très insuffisants et ne permettront pas de faire face à l'afflux des départs à la retraite, que vient aggraver le cumul, en fin de carrière, des heures supplémentaires non rémunérées. A cet égard, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir quelles dispositions précises vous comptez prendre pour régler l'épineuse question du stock des 9,5 millions d'heures supplémentaires actuellement accumulées.
Outre les recrutements massifs de policiers, en particulier d'agents du corps de maîtrise et d'application, qui devront être effectués d'ici à 2006, il serait vraiment nécessaire de libérer un certain nombre de fonctionnaires des tâches administratives ou indues qui les accaparent. Pour ce faire, il conviendrait de procéder à des recrutements de personnels administratifs en nombre suffisant, comme le prévoyait la loi d'orientation du 21 janvier 1995. Je regrette que l'objectif initial de 4 300 emplois administratifs créés en cinq ans ne soit pas atteint et que les 243 emplois prévus au projet de budget pour 2002 ne permettent pas d'y parvenir.
Bien évidemment, la lutte contre l'insécurité passe d'abord et avant tout par la présence accrue de policiers sur le terrain, au contact des populations, mais il est primordial que ces personnels se sentent considérés par leur administration. A ce titre, je crois que les mesures indemnitaires et catégorielles que vous proposez se révèlent très en deçà de leurs aspirations légitimes.
Bien évidemment, pour que la police soit efficace, elle doit être bien équipée, en locaux, en véhicules et en moyens de transmissions. Le programme ACROPOL de réseau de communications cryptées numériques devrait être achevé en 2007. Même si je partage les regrets déjà exprimés à propos de la lenteur de sa mise en oeuvre, je m'interroge sur les raisons de l'importante sous-utilisation des crédits ouverts en 2001. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez sur ce point, tant ce constat pourrait donner à penser que l'objectif ne sera pas atteint en 2007. La question de la compatibilité de ce réseau avec celui de la gendarmerie, le réseau RUBIS, est également posée.
Enfin, en raison de la pénibilité de leur travail et de leur exposition quotidienne au danger, les policiers ont besoin d'être bien préparés, bien formés et bien protégés.
Quand on parle de protection, on pense bien sûr aux gilets pare-balles et à l'équipement individuel du policier. Cela est indispensable, mais je pense aussi et surtout à leur protection juridique.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, devant la commission des lois du Sénat, avoir proposé aux personnels un plan d'action renforcée contre la violence, comprenant notamment « une amélioration de la protection physique et juridique des personnels ».
Par conséquent, et eu égard à la très désagréable impression, que l'on peut éprouver, que les délinquants seraient juridiquement mieux protégés que les fonctionnaires de police, je souhaiterais que vous puissiez nous préciser vos intentions sur ce point.
Le métier de policier est un beau métier, dur et exigeant, au service du citoyen et indispensable à une société qui veut vivre libre. Pour exercer ce métier, le policier doit être respecté.
Monsieur le ministre, je regrette sincèrement que ce projet de budget ne soit pas à la hauteur des véritables enjeux. Il est grand temps, à mon sens, de sortir de la logique administrative pour imposer une logique de mission, celle de la reconquête de la sécurité dans notre pays. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le ministre, nous aurons naturellement l'occasion de parler de nouveau des problèmes de sécurité civile, notamment des services départementaux d'incendie et de secours, à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif à la démocratie de proximité.
Néanmoins, l'examen des crédits de votre ministère me permettra d'intervenir sur ce sujet et de vous poser quelques questions.
Tout d'abord, pas plus que vous, monsieur le ministre, je n'ai oublié que nous sommes encore le 4 décembre, jour de la Sainte-Barbe, fête traditionnelle des sapeurs-pompiers. (Sourires.) Je voudrais en profiter pour rendre hommage à tous les sapeurs-pompiers de France, qui remplissent leurs missions avec dévouement et enthousiasme.
Aujourd'hui, la loi de 1996 relative à la départementalisation des services d'incendie et de secours a quasiment produit tous ses effets. Je l'ai souvent dit, et je ne suis pas le seul, cette loi est critiquable parce qu'elle est imparfaite. En effet, elle ne prévoyait pas, notamment, les modalités de financement des dispositifs qu'elle mettait en place. Aussi, nous nous trouvons toujours aujourd'hui devant un certain nombre de problèmes. Je vais en lister quelques-uns.
D'abord, la départementalisation repose sur l'idée toute simple de la mutualisation des services mais aussi sur le fait que nous avons besoin de tous les sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires. Monsieur le ministre, qu'entendez-vous faire pour vivifier le volontariat ?
Aujourd'hui, vos services ont adressé un message aux sapeurs-pompiers. Il contient, me semble-t-il, cinquante-quatre paragraphes. Or un seul concerne les sapeurs-pompiers volontaires, les cinquante-trois autres étant relatifs aux diverses mesures que votre ministère a prises cette année en faveur des sapeurs-pompiers professionnels. Entendez-vous maintenir un équilibre et faire en sorte que les sapeurs-pompiers volontaires se sentent, eux aussi, utiles et indispensables au bon fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours ?
Toujours sur le même thème, je souhaite vous poser une autre question. Cette année, de très nombreuses mesures ont en effet été prises en faveur des sapeurs-pompiers professionnels. La plupart d'entre elles ont des conséquences financières. Ainsi, le 30 juillet dernier, votre ministère a pris six décrets en une seule journée, ce qui n'est pas mal pour un 30 juillet ! Le coût des mesures qu'ils prévoient a été chiffré par vous-même devant la commission des finances du Sénat à quelque 300 millions de francs. Or ces mesures n'ont pas fait l'objet d'une véritable concertation avec les collectivités locales, qui doivent pourtant maintenant les financer. Le temps n'est-il pas venu d'instaurer une meilleure concertation entre vos services et les collectivités locales, qui doivent assumer le financement des dispositions que vous prenez ?
S'agissant du financement, l'Etat a probablement un rôle à jouer. Dans votre projet de budget pour 2002, sont prévus 60 millions d'euros pour financer la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et seulement 2,5 millions d'euros pour l'ensemble des autres services départementaux d'incendie et de secours de notre pays. Quelles sont les raisons d'une telle situation ? Certes, le problème n'est pas facile à régler mais il faut, sur ce point, instaurer une égalité de traitement. En effet, partout, indépendamment du lieu où les sapeurs-pompiers exercent leurs activités, il y a des dépenses, notamment celles qui correspondent aux décisions que vous avez prises.
Par ailleurs, l'année n'étant pas terminée, il vous reste probablement encore une décision à prendre, monsieur le ministre, en ce qui concerne le régime de travail des sapeurs-pompiers. Vous aviez négocié avec les organisations de sapeurs-pompiers, sans que nous y soyons le moins du monde associés, un décret tendant à définir leur régime de travail. Sans être trop exigeants sur la concertation, pourrions-nous savoir si ce décret a quelque chance d'être publié avant le 31 décembre 2001 ou si nous commencerons l'année 2002 sans savoir véritablement vers quoi nous nous orientons. A cet égard, un vrai problème se pose.
Aussi, ma dernière question est très simple : ne faudrait-il pas rétablir un vrai contrat de confiance entre le ministère de l'intérieur, les SDIS et les départements qui doivent largement financer les décisions que vous avez prises ? Ce contrat de confiance est la base même d'une compétence que nous souhaitons toujours voir partagée entre l'Etat et les collectivités locales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le ministre, l'insécurité n'est plus une menace, c'est une avalanche : avalanche de mauvais chiffres, avalanche de protestations du personnel chargé de la sécurité publique allant - fait rare ! - jusqu'à envahir la rue par dizaine de milliers, avalanche de victimes apeurées, considérant que l'Etat ne peut plus faire respecter la loi.
Je ne joindrai pas ma voix, monsieur le ministre, à ceux qui, trop hâtivement, de mon point de vue, attribuent à ce Gouvernement et en particulier à vous-même l'entière responsabilité de la situation.
Cette responsabilité est très certainement partagée. Cependant, de grâce, monsieur le ministre, ne laissez plus vos amis politiques dire et écrire qu'il ne s'agit que d'un phénomène de société, auquel il faudrait se résoudre, comme si c'était quelque chose d'inexorable. Il s'agit d'un combat dans lequel tous les responsables politiques, vous et nous, doivent s'impliquer au plus tôt. C'est un problème de volonté et de courage, de force d'âme. Il faut prendre les décisions qui s'imposent, et les prendre vite, en associant tous ceux qui, dans notre pays, sont chargés d'assurer le respect de l'état de droit.
Monsieur le ministre, je vais très brièvement suggérer quelques mesures qui pourraient, en peu de temps, inverser cette bien pénible situation.
Premièrement, il convient d'assurer, par la loi, l'aggravation des peines lorsqu'un acte de violence est mené à l'encontre d'un représentant de l'ordre.
Deuxièmement, il faut réformer l'ordonnance de 1945 quant à la délinquance des mineurs. Il est certes nécessaire d'engager, quotidiennement, une action résolue pour assurer l'insertion de la jeunesse en difficulté. Il est tout autant nécessaire de ne plus permettre aux « sauvageons » d'accomplir leurs actes en quasi-impunité.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. André Vallet. Troisièmement, il convient de donner tous pouvoirs aux forces de l'ordre pour assurer un très strict contrôle des armes à feu.
Quatrièmement, il faut réformer la loi sur la présomption d'innocence, qui a certes pour mérite de vouloir humaniser la justice, mais qui a trois défauts majeurs. D'abord, elle ignore totalement les victimes, ceux qui souffrent de la disparition ou de la destruction de leurs biens, et qui souffrent parfois dans leur chair. Ensuite, elle jette la suspicion sur le travail des policiers. Enfin, elle alourdit la procédure.
« Le Parlement est le plus grand organisme qu'on ait inventé pour commettre des erreurs politiques, mais elles ont l'avantage supérieur d'être réparables, et ce dès que le pays en a la volonté », disait Clemenceau.
Cinquièmement, il convient d'engager rapidement, dès cette année, un plan triennal de rénovation des commissariats de police, d'équipement en matériel et en véhicules.
Sixièmement, il faut mettre les témoins à l'abri de toutes représailles. Qui ignore, monsieur le ministre, qu'être témoin c'est, le plus souvent, s'exposer à de longs ennuis et parfois à des représailles ? Dans certains quartiers, propriété de bandes de jeunes et de moins jeunes, tout le monde sait qu'il vaut mieux, en cas d'incident, ne rien voir et, surtout, ne rien dire.
Septièmement et dernier point, il faut donner aux maires une meilleure information et assurer, avec eux, ce que j'appellerai la « tranquillité publique », tout en laissant à l'Etat la responsabilité de la sécurité des Français.
Ces mesures, qui n'ont pas obligatoirement une forte incidence financière, suffiraient, monsieur le ministre, à changer l'opinion des Français sur ces problèmes, à rassurer les forces de sécurité et à montrer votre volonté de rétablir l'état de droit.
Monsieur le ministre, le droit à la sécurité a été durement conquis ; il a été affirmé par la République. Ce n'est ni un don de la nature, ni un privilège du destin. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à exprimer ma sympathie aux familles des deux policiers morts en service au début du mois de novembre dernier, et des autres policiers que la France a perdus cette année, au total, onze. A cet hommage, j'associerai les gendarmes récemment victimes d'agression.
Monsieur le ministre, le budget qui nous est proposé est, hélas ! loin de répondre à la triste réalité et au légitime droit qu'est la sécurité et que nos concitoyens sont en droit d'attendre.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Je vous fais grâce de leur énumération, mais, hélas ! ils sont tous en hausse de 28 % à 30 % depuis quatre ans.
Les premiers chiffres annoncés pour 2001 ne sont guère encourageants. Ils vont dans le même sens, et aucune amélioration n'est pressentie, bien au contraire.
La délinquance est, elle aussi, en sérieuse hausse.
Quant aux taux d'élucidation, ils sont en diminution constante.
Pour répondre à cela, que nous proposez-vous, monsieur le ministre ? Un budget, certes en augmentation, mais en totale inadéquation avec la gravité de la situation.
Vous annoncez la création de 3 000 postes, dont 1 000 emplois destinés à la police de proximité, alors que 10 000 créations d'emploi sont nécessaires pour pallier les 35 heures et les départs en retraite. C'est une annonce que je qualifierai d'annonce au rabais !
Vous annoncez également un projet de loi de finances rectificative accroissant les moyens de police. Mais, là aussi, nous attendons, et les policiers plus encore que nous.
Les effets d'annonce ne suffisent plus. Monsieur le ministre, les policiers sont dans la rue, et ils vous le font savoir. Ils manquent d'effectifs et de moyens et leur vie est, chaque jour, mise en danger.
Aujourd'hui, il y a urgence à éliminer les zones de non-droit, mais aussi, ce qui est nouveau, les zones de non-soins. Par manque de réalisme, par manque de mesures et par manque de moyens, on voit aujourd'hui le résultat dans nos villes et dans nos banlieues.
Quotidiennement, les sapeurs-pompiers doivent être escortés pour faire face à la violence. Les médecins et les infirmières exerçant dans les quartiers difficiles ont vu leurs missions évoluer. Ils contribuent pourtant à l'amélioration de l'état des populations en difficulté. Les médecins doivent pouvoir continuer à exercer dans ces quartiers difficiles, afin que, comme je l'ai dit, les zones de non-droit ne deviennent pas des zones de non-soins.
Dans nos quartiers, l'insécurité devient envahissante et les populations se sentent abandonnées. Le plus désolant, monsieur le ministre, c'est que, aujourd'hui, les policiers se sentent également abandonnés. En 1997, M. Jospin annonçait qu'après l'emploi la sécurité serait la priorité de son Gouvernement. Ne mettant pas en doute sa parole, je constate néanmoins que sa politique est un échec.
Dans le Val-d'Oise, département dont je suis l'élue, tous les commissariats sont déficitaires s'agissant du personnel administratif, scientifique et technique. Il manque huit cents agents.
Lorsque M. Jean-Pierre Chevènement a lancé la police de proximité, plus de 4 milliards de francs étaient prévus pour la police nationale ; 800 postes supplémentaires de personnels administratifs étaient prévus ; nous en sommes aujoud'hui, au mieux, à 350 postes.
A Garges-lès-Gonesse, ville dont je suis le maire, ou à Sarcelles, ville voisine, il manque des dizaines d'effectifs et la police de proximité a disparu. Que sont devenus les contrats locaux de sécurité, sinon des peaux de chagrin ? La construction du poste de police à la gare de Garges-Sarcelles a pris plus de deux ans de retard et je sais que, lorsqu'il sera construit, dans un an peut-être, aucun effectif supplémentaire ne sera donné.
M. Philippe Marini. Bravo !
Mme Nelly Olin. Ils seront pris sur les effectifs de Garges-lès-Gonesse déjà en baisse sans aucun espoir de les voir renforcés. En effet, les deux gardiens de la paix que nous attendions ne viendront pas début décembre, quatre ADS viennent de démissionner et cinq gardiens partent en retraite en janvier. Nous en sommes donc à moins quinze par rapport à l'année dernière.
M. Philippe Marini. Voilà du concret !
Mme Nelly Olin. Inutile de vous rappeler, monsieur le ministre, que ce sont pourtant des villes difficiles et, quels que soient les efforts de redressement entrepris, tout sera compromis si la sécurité n'est pas assurée.
Vous ne voulez pas modifier l'ordonnance de 1945 sur les mineurs.
M. Roger Karoutchi. Quelle erreur !
Mme Nelly Olin. Pourtant, les violences répétées dans les quartiers nous conduiront un jour à mettre effectivement en place le système de tolérance zéro.
Monsieur le ministre, dans nos quartiers, lorsque nous parlons des mineurs délinquants, nous parlons de véritables voyous, voire de gangsters, pour la plupart armés, et non plus de petits sauvageons.
Je vous rappelle que, dans le cadre du pacte de relance pour la ville, lancé par Alain Juppé, des unités d'encadrement renforcé pour les délinquants mineurs étaient prévues, ce que Mme Guigou avait largement relayé à la télévision, lorsqu'elle était garde des sceaux, en annonçant des créations en nombre important : des centaines par département, selon elle. Or, à ce jour, peu d'unités ont été créées. Là aussi, ce sont des promesses vaines.
Quant aux sanctions, chacun sait combien de délinquants y échappent, et l'impunité est donc chaque jour renforcée.
Quant à la mise en place d'une police de proximité, j'avais considéré qu'il s'agissait d'une bonne idée. Le temps a prouvé que j'avais tort, car elle n'a pas contribué à une meilleure sécurité de nos concitoyens. En effet, à peine les effectifs étaient-ils arrivés sur le territoire qu'ils ont pour la plupart été repris aux communes, très discrètement il est vrai, car le nombre des effectifs reste un secret pour les maires à qui l'Etat considère qu'il peut tout demander, mais sans rien justifier.
Les maires que nous sommes avons été contraints - oui, j'insiste : j'ai personnellement été contrainte - de créer des polices municipales pour pallier le manque d'effectifs.
Inutile de vous rappeler, monsieur le ministre, qu'une police municipale pèse bien lourd dans nos finances locales et que pallier la carence de l'Etat n'est pas un luxe que nous, villes pauvres, pouvons nous offrir.
Je souhaite évoquer un autre problème, aussi grave, mais dont personne n'a encore parlé ce soir : l'islam intégriste. Il se développe dans nos banlieues, avec des pouvoirs considérables et des moyens financiers colossaux. Il constitue un véritable danger tant le travail de déstabilisation est fort.
Comment pouvons-nous tolérer sur notre territoire que des messages de haine soient diffusés sans que personne n'intervienne ? Comment pouvons-nous garder sur notre territoire des imams intégristes appelant à une pseudo-guerre sainte, tenant des discours qui n'ont rien à voir avec le Coran, et payés par des pays étrangers que je ne citerai pas ?
Monsieur le ministre, les musulmans de France ne le tolèrent pas ! Pourtant, aucune sanction n'est prise.
Compte tenu du peu de moyens mis en oeuvre dans ce budget et de l'urgence qu'il y a à régler les problèmes d'insécurité et d'intégrisme dans nos banlieues, vous comprendrez, monsieur le ministre, que, si vous n'apportez pas ce soir des preuves concrètes que les policiers pourront espérer demain un meilleur devenir, je ne voterai pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme David.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité civile est, depuis plusieurs années, fortement sollicitée. Au-delà des feux de forêts qui, chaque année, ravagent des milliers d'hectares, la France doit faire face à des événements inédits : tempêtes spectaculaires de décembre 1999, inondations de la Somme, naufrage de l' Erika , explosion de l'usine AZF de Toulouse.
Lors de chacun de ces événements, nous avons pu apprécier la compétence et le courage de ces professionnels, qui ont payé parfois de leur vie ces interventions : trente-six sauveteurs sont décédés en service depuis l'année dernière.
Ces événements ont également mis en lumière les lacunes de nos systèmes d'intervention, les lourdeurs de nos structures et l'insuffisance de nos moyens d'équipement.
C'est pourquoi les sénatrices et les sénateurs de mon groupe ne peuvent se satisfaire d'une augmentation de 1,82 % du budget de la sécurité civile, qui ne dissimule pas, en réalité, la stagnation des crédits depuis quelques années.
L'ampleur de ces événements, avec ses conséquences humaines, sociales, économiques et environnementales, exigerait, au contraire, une implication plus conséquente de l'Etat au titre de la solidarité nationale.
Il est clair, également, que c'est en direction de la prévention et de la réparation qu'il faudrait concentrer les efforts.
Certes, le Gouvernement a commencé à mettre en oeuvre le vaste plan de modernisation de la sécurité civile, rendu nécessaire tant par la fin du service national - dont le présent budget achève le financement - que par l'augmentation des interventions et l'échéance de la départementalisation.
Au-delà du plan de modernisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, dont le présent budget engage la première tranche, le projet de loi relatif à la démocratie de proximité - qui devrait venir en discussion au Sénat en janvier prochain - prévoit un premier train de réforme des services départementaux d'incendie et de secours : à compter du 1er janvier 2006, le département sera l'unique contributeur des SDIS, un système transitoire devant fonctionner d'ici là.
Parallèlement, le Premier ministre a annoncé, lors du congrès national des sapeurs-pompiers du 6 octobre 2001, le dépôt du projet de loi relatif à la modernisation de la sécurité civile pour la fin de l'année ; vous nous avez annoncé vous-même, monsieur le ministre, une enveloppe de 32,21 millions d'euros dans l'attente du projet de loi de finances rectificative.
Si les délais apparaissent peu réalistes, il faut insister sur l'importance de ce projet. Des questions restent cependant en suspens, qui nécessitent une concertation plus approfondie avec les personnels.
En juin dernier, mon collègue député Bernard Birsinger avait attiré l'attention sur les remplacements opérés dans les entreprises, depuis plusieurs années, au nom d'économies budgétaires, des pompiers professionnels par des personnels polyvalents, ainsi que sur les risques induits par de telles stratégies.
Après l'accident de Toulouse, il apparaît d'autant plus nécessaire de rappeler aux entreprises, spécialement aux entreprises à risques, la nécessité d'accroître les moyens humains et matériels en la matière, sous le contrôle des directions régionales de l'industrie et de la recherche, en liaison avec les SDIS.
D'autre part, nous renouvelons le souhait que les compagnies d'assurance et les sociétés à risques soient mises à contribution pour le financement des SDIS, dont l'efficacité réduit le coût des sinistres.
Enfin, nous aimerions, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail chez les sapeurs-pompiers et sur les moyens qui leur sont accordés compte tenu des sujétions particulières auxquelles ils sont astreints. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicains et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Mon intervention, qui sera très brève, monsieur le ministre, sera axée sur deux points qui tous les deux ont trait à la protection de nos populations.
Le premier concerne la réorganisation des services d'incendie et de secours.
La réforme récente, avec la « départementalisation », a certes abouti, dans bien des cas, à une rationalisation très satisfaisante des systèmes d'intervention, mais, dans des cas beaucoup plus nombreux, semble-t-il, elle a entraîné une augmentation - toujours justifiée - du coût total des services départementaux d'incendie et de secours.
Le problème est de savoir si l'accroissement de ce coût est directement et proportionnellement lié à l'augmentation de l'efficacité. Or je ne suis pas absolument certain que la multiplication sans frein des états-majors réponde exactement à cette perspective. Ainsi, pour vous avoir entendu voilà peu de temps au congrès de la fédération des sapeurs-pompiers, à Rennes, je souhaite savoir quel « oeil » porte votre ministère, qui assure la responsabilité générale de notre sécurité, sur un certain nombre de dérives qui, ici ou là, commencent à prendre des proportions que certains jugent inquiétantes, surtout, bien entendu, chez ceux qui paient, c'est-à-dire, théoriquement, pour l'ensemble des communes de chaque département.
Certains départements ont abouti à un modus vivendi avec les conseils généraux, afin que les chocs financiers ne soient pas trop grands. Mais, dans d'autres départements, que je connais bien, malgré les précautions prises et l'engagement fort du conseil général, l'augmentation de la contribution courante des communes a atteint de 20 % à 25 %.
Une telle situation peut être supportée une année, voire deux, mais elle commence à l'être difficilement la troisième et risque d'être insupportable la quatrième. Dans la mesure où la qualité de la protection s'améliore, nous pouvons l'expliquer à nos concitoyens. Mais, si nous leur disons qu'il s'agit simplement de renforcer les moyens des états-majors, certains d'entre eux commencent à nous poser des questions parfois gênantes.
Ma seconde question a trait plus largement à ce que l'on appelle la sécurité civile.
Ayant eu l'honneur de succéder à Maurice Schumann à la tête du Haut comité français de défense civile, j'ai tendance à étendre un peu la définition que recouvre le terme pour passer de la simple protection à une conception de défense, car il faut tenir compte du changement de mentalité qui s'est opéré chez nos concitoyens dans l'appréhension de l'environnement dans lequel ils vivent, que cet environnement soit naturel, technologique ou, hélas ! de caractère terroriste, comme on dit aujourd'hui, même si, pour ma part, je considère qu'il s'agit moins de terrorisme dans le sens classique du terme que d'une guerre non déclarée par des moyens conventionnels.
Avons-nous pris, monsieur le ministre, suffisamment conscience - au sein de votre ministère, en particulier - du fait que l'on ne peut se préparer aux situations qui vont découler de l'existence de cette menace latente - et parfois précise - qui pèse sur nous tous ?
Nous devons nous préparer à être en permanence « inquiets », non pas au sens de la peur ou de la terreur préventive, mais dans le sens du non-repos intellectuel et de la veille permanente. Or je ne suis pas certain, pour prendre un exemple, que la manière dont sont menés dans notre pays les exercices destinés à faire face à des difficultés majeures issues soit d'une catastrophe naturelle soit d'un acte de malveillance organisé correspondent exactement à ce que nous devrions en attendre.
J'ai assisté à trop d'exercices de sécurité civile, préparés des semaines, voire des mois à l'avance, pour savoir que, même lorsqu'ils connaissent la nature des événements qui vont se dérouler et auxquels il leur faudra faire face, les responsables s'occupent surtout du positionnement, avant le déclenchement de l'alerte, de leurs moyens d'intervention et, par conséquent, de la manière dont ils seront notés une fois que l'on aura fini de lire leur rapport pour constater que tout s'est bien passé.
Un exercice où tout s'est bien passé est un mauvais exercice ! N'avons-nous pas, au sein de nos administrations, un peu trop de quiétude et pas assez d'inquiétude ? S'inspirera-t-on un jour enfin de la manière dont les Américains mènent ce genre d'exercice, ce qui leur a permis d'évacuer 30 000 personnes du World Trade Center au cours de l'heure qui s'est écoulée entre le choc des avions et l'effondrement des tours ?
Des sociétés spécialisées, ne dépendant pas du Gouvernement, devraient préparer de telles simulations, en en compliquant au fur et à mesure le déroulement, afin d'anticiper sur les éventuels dysfonctionnements. Mais je ne suis pas sûr que notre administation soit préparée à une telle éventualité ! Je souhaite, pour ma part, que le concept d'inquiétude y soit plus largement développé. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, mes chers collègues, après tout ce qui a été dit ce soir, je serai relativement bref.
Entre 1996 et 2000, les coups et blessures volontaires et les vols avec violence, c'est-à-dire les actes qui, en réalité, créent le climat d'insécurité chez nos concitoyens, ont augmenté de 42 %. Dans le même temps, d'après les statistiques fournies par le ministère de l'intérieur, les effectifs réels de police, hors personnel administratif, ont augmenté de 1 %.
Une augmentation des actes violents de 42 %, pour 1 % de policiers supplémentaires ! En quatre ans, le ratio, diraient les financiers, ne me paraît pas avoir évolué dans le sens de la maîtrise de la délinquance !
Alors, bien sûr, monsieur le ministre, une augmentation de 2 % des effectifs pour 2002, ce n'est pas négligeable. Mais est-ce à la hauteur des défis ?
Alors, bien sûr, une augmentation de 4,5 % des engagements financiers, ce n'est pas négligeable. Mais, lorsque l'on décompte l'inflation, le coût des mesures salariales, surtout avec les rallonges de ces derniers jours, et le coût de la réduction du temps de travail, a-t-on plus ou même autant de policiers sur le terrain ?
Monsieur le ministre, contrairement peut-être à d'autres, quoiqu'en ait dit M. Peyronnet tout à l'heure, ce n'est pas vous personnellement que nous mettons en cause. Pour ma part, je considère même, je l'ai déjà dit en d'autres occasions, que vous avez fait la démonstration, dans le cadre de vos fonctions, de votre volonté d'accorder des moyens à la police et je n'ignore pas que vous avez, à plusieurs reprises, manifesté votre attachement à l'autorité de l'Etat républicain.
Mais, à gauche, vous n'êtes pas seul ! Etes-vous suivi entièrement par vos amis politiques ? (Oui ! sur les travées socialistes.)
Mme Nelly Olin. Sûrement pas tous !
M. Roger Karoutchi. Etes-vous suivi par Bercy ?
Nous avons tout de même souvent le sentiment que, au sein de la gauche plurielle, on a davantage tendance à qualifier d'« autoritaires » ceux qui sont pour l'autorité, et de « sécuritaires » ceux qui sont pour la sécurité. Et, franchement, ce ne sont pas les récentes prises de position de vos amis Verts qui peuvent nous rassurer !
Les statistiques du ministère de l'intérieur montrent que le nombre de mineurs mis en cause a augmenté de près de 80 % entre 1990 et 2000. Mais il ne faut surtout pas toucher à l'ordonnance de 1945, fût-ce à la marge, sur des points qui permettraient de régler des problèmes quotidiens de sécurité, et sans qu'il soit pour autant question d'adopter des solutions extrêmes, dont nous ne voulons d'ailleurs pas.
Les statistiques du ministère montrent que les crimes et délits ont augmenté de plus de 9,5 % entre le premier semestre 2000 et le premier semestre 2001. Mais il ne faut surtout pas trop parler d'insécurité ou de sentiment d'insécurité, parce qu'on s'expose alors à porter la responsabilité de l'alarme.
Tout à l'heure, cher collègue Jean-Claude Peyronnet, vous avez dit que la droite, c'était ça, que c'était elle qui portait cette responsabilité.
Eh bien, pour moi, au moins une partie de la gauche et une partie du Gouvernement sont affectées par le syndrome de Darios. Chacun se souvient de ce souverain perse achéménide qui avait pour fâcheuse habitude de faire exécuter les messagers porteurs de mauvaise nouvelle, considérant que c'était un moyen d'effacer la nouvelle. C'est ainsi que ce roi ô combien mémorable avait, après la défaite de Marathon contre les Grecs, fait exécuter le messager.
En fait, la gauche et le Gouvernement accusent la droite d'être la porteuse des mauvais messages. Comme si c'était la droite qui créait l'insécurité parce qu'elle la dénonce ! Comme si l'on pouvait faire diminuer la délinquance en évitant de la signaler ! Tout cela n'est pas très sérieux...
Ces dernières semaines, plus de 40 000 policiers, de droite et de gauche, ont manifesté dans les rues pour demander des moyens humains et matériels leur permettant d'accomplir leur mission. Mais il ne faut surtout pas parler de malaise de la police ou de la gendarmerie !
Les statistiques nous annoncent, concernant la police, 30 000 départs à la retraite dans les toutes prochaines années. Que se passera-t-il ? Faudra-t-il fermer des commissariats ou ne les ouvrir qu'à certaines heures ? Je crois savoir, monsieur le ministre, qu'un commissariat a fermé le 14 octobre dernier à Poitiers, faute d'effectifs. Tout cela alors que, dans son rapport de 1999, la Cour des comptes estimait à 10 000 le nombre de policiers affectés à des tâches indues. Ce serait déjà un vrai soulagement s'ils étaient réaffectés, notamment grâce à des créations de postes administratifs.
Les actes de délinquance dans le métro parisien ont augmenté de 27 % pour le seul premier semestre 2001. Certes, un pas a été fait avec la coordination des forces par le préfet de police, mais il n'y a toujours pas de police régionale des transports.
Monsieur le ministre, pour apporter des réponses aux policiers, aux gendarmes, aux juges, à l'ensemble des Français, écoutez donc ce que vous disent les élus, de droite mais aussi de gauche. Ouvrez donc le débat sans tabou ni a priori . Si nous voulons éviter les surenchères, comme semblait le souhaiter M. Peyronnet, il faut que tous les thèmes, de la tolérance zéro à l'accroissement du pouvoir des maires, de la participation financière des collectivités locales pour les équipements de sécurité - au demeurant, beaucoup de collectivités en apportent déjà une - à la redéfinition du rôle de la police nationale, des risques liés à la « ghettoïsation », dont parlait Nelly Olin tout à l'heure, à l'approche de nouveaux modes de vie de nos concitoyens, soient abordés de manière ouverte, à la fois sans exclusive et sans excès.
La vérité, c'est que la sécurité, et vous avez raison sur ce point, monsieur le ministre, n'est ni de gauche ni de droite. C'est un bien pour tous les Français. La difficulté, c'est de les écouter tous. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Zocchetto.
M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, le Gouvernement affiche la sécurité comme un axe prioritaire de sa politique.
Or force est de constater que, malgré cet affichage, la volonté politique ne se perçoit pas sur le terrain.
Les chiffres officiels, que je ne rappellerai pas, sont clairs. Il révèlent une augmentation, une diffusion de la délinquance et de la criminalité, en même temps qu'une aggravation dans leurs formes. Parmi les faits constatés, les actes commis avec violence sont de plus en plus fréquents. Les destructions et dégradations progressent de façon inquiétante, tout comme les infractions avec coups et blessures volontaires et les vols à main armée.
L'augmentation préoccupante du nombre de mineurs mis en cause est l'autre caractéristique de cette recrudescence spectaculaire de la délinquance.
Cette situation nous rappelle une évidence : contrairement à ce que d'aucuns prétendent, l'insécurité n'est pas un sentiment, c'est bien une réalité quotidienne pour des millions de Français. Et désormais, ce phénomène ne se limite pas aux zones urbaines : l'évolution du nombre de faits constatés en zones rurale et péri-urbaine est alarmante.
Notre conclusion est sans appel : le Gouvernement a échoué dans un domaine régalien auquel il a pourtant prétendu donner une large priorité.
Il y a quelques années, le redéploiement des effectifs sur la voie publique était présenté comme un des piliers de l'action gouvernementale en matière de sécurité publique. En avril 1998, un excellent rapport - un de ses auteurs, M. Jean-Jacques Hyest, m'a précédé ce soir à cette tribune - se concluait sur soixante-cinq propositions. Aucune suite sérieuse n'a été donnée à ce travail. L'abandon de cette réforme me paraît symptomatique de la méthode du Gouvernement consistant à afficher publiquement des objectifs tout en rejetant les moyens d'y parvenir.
Autre problème très préoccupant : le profond malaise des fonctionnaires de police, qui n'ont vraiment pas l'impression, eux, depuis quelques années, d'être la priorité du Gouvernement.
Il semble que l'approche du printemps prochain ait facilité les contacts et le déblocage en urgence de crédits supplémentaires. Pourtant, on ne peut qu'être surpris devant ce qui s'apparente fort à de l'improvisation quand on sait la gravité de la situation de ces personnels.
Que dire des incohérences de la politique gouvernementale, prise en tenaille entre des départs massifs à la retraite et la mise en oeuvre chaotique des 35 heures ? Comment ne pas comprendre la réaction des forces de l'ordre face à cette dégradation continue de leurs conditions de travail ?
Il est vrai que le travail des policiers et des gendarmes n'est pas facilité par l'attitude de certains magistrats. Sur ce point, je souhaite vous poser une question, monsieur le ministre : comment peut-on admettre qu'un syndicat qui dit représenter 30 % des magistrats appelle les juges à ne pas appliquer la loi ?
M. Gérard Longuet. Oui, c'est surprenant !
M. François Zocchetto. Je veux parler des mesures antiterroristes que vous nous avez présentées il y a peu et que nous avons tous, ou quasiment tous, votées avant qu'elles ne soient définitivement adoptées à l'Assemblée nationale. Là, nous sommes en face de très graves dérèglements de nos institutions et, malheureusement pour vous et votre collègue garde des sceaux, ces graves dérèglements doivent être assumés par le Gouvernement.
Voilà quelques raisons, mais elles sont majeures à mes yeux, pour lesquelles, monsieur le ministre, je ne pourrai pas apporter mon soutien au budget de la sécurité que vous nous présentez. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le souhaitez, je ne vais pas faire devant vous un exposé rappelant les points forts du budget du ministère de l'intérieur en 2002. Je vais plutôt revenir sur différents sujets que vous avez évoqués.
J'insisterai, bien entendu, sur les éléments nouveaux intervenus depuis mon passage devant les commissions des finances et des lois de votre assemblée, notamment la préparation du projet de loi de finances rectificative et l'accord conclu le 29 novembre dernier avec les syndicats de police.
Pour simplifier mon propos, je le diviserai en trois parties : premièrement, les questions de police ; deuxièmement, les questions relatives à la sécurité civile ; enfin, troisièmement, les moyens et la gestion des préfectures.
Actualité oblige, je commence par les questions de police. Après vous avoir écoutés, il me semble que plusieurs mises au point sont indispensables pour éclairer nos débats.
L'accord qui a été passé dans la nuit de jeudi à vendredi dernier avec les représentants des personnels de la police nationale répond, je crois, à de nombreuses critiques que j'ai entendues ici aujourd'hui et que j'ai lues dans les rapports de MM. de Montesquiou et Courtois.
Le Gouvernement a en effet adressé jeudi soir aux policiers un signe fort de reconnaissance de la qualité et de l'utilité de leur travail au sein de la société. Car c'est bien au sein de la société que montent la délinquance et la violence.
En 2002, les mesures nouvelles indemnitaires et catégorielles pour les personnels de la police nationale atteindront plus de 1,1 milliard de francs.
C'est la raison pour laquelle une ouverture de crédits supplémentaires de 772 millions de francs vous sera soumise ce soir par voie d'amendement, venant s'ajouter aux 361 millions de francs déjà prévus dans la loi de finances.
M. Philippe Marini. Prélevés sur quoi, ces crédits supplémentaires ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. J'imagine, monsieur Marini, que vous ne souhaitez pas une augmentation des dépenses publiques, vous qui êtes plutôt partisan de les « raccourcir » toujours un peu plus !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Nous aimerions des redéploiements !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. C'est une manière de répondre également à M. de Montesquiou, qui parlait du « paradoxe de Vaillant » ; excusez-moi, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, mais ce n'est pas un moindre paradoxe que de vous entendre en permanence dire : « Trop de dépenses publiques ! Trop de déficits ! » et de vous voir toujours prêts à dilapider les deniers publics ! Il n'y en a jamais assez ! (Applaudissements sur les travées socialistes.) Or, nous, nous dotons la police nationale des moyens...
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Nous, nous préférons les redéploiements !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ... que vous lui refusiez à l'époque où vous étiez aux responsabilités !
M. Philippe Marini. Les moyens, vous les avez surtout pour les 35 heures !
M. Claude Domeizel. Vous êtes contre ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ces crédits supplémentaires permettront la poursuite de la réforme du régime indemnitaire des gradés et des gardiens, avec en particulier le doublement, au 1er janvier prochain, de l'allocation de maîtrise.
Les officiers bénéficieront d'une revalorisation très significative de leur carrière, comme le demandent d'ailleurs vos rapporteurs, et d'une nouvelle amélioration de leur régime indemnitaire.
La grille des commissaires sera également revue et une nouvelle bonification indiciaire leur sera attribuée lorsqu'ils occupent les postes les plus difficiles.
Enfin, les personnels administratifs, techniques et scientifiques se voient également attribuer une enveloppe significative.
Je précise que toutes ces mesures ont été adoptées par les syndicats majoritaires dans les trois corps, gradés et gardiens, officiers, commissaires, ainsi que par les syndicats des personnels administratifs.
Ces mesures supplémentaires visent à mieux compenser les charges de travail et les risques encourus par les policiers. Les gardiens de la paix auront ainsi une rémunération augmentée de 8 600 francs par an en 2002. Un gardien de la paix titulaire affecté à Paris en début de carrière gagnera donc, primes incluses, plus de 10 000 francs nets par mois l'année prochaine.
Différentes propositions ont également été retenues pour renforcer la place de la police nationale dans la société. Une mission a été créée à cet effet. Dès l'année prochaine, une journée de la police nationale sera organisée sur l'ensemble du territoire. Ces mesures sont utiles pour signifier la reconnaissance de la société envers les policiers.
Sachez que cet accord a également permis d'adopter un plan d'action renforcée contre la violence qui prévoit un renforcement de la présence policière sur la voie publique et un plan de lutte contre le trafic d'armes sur l'ensemble du territoire. Ce dernier point répond, vous le savez, à une demande forte des policiers, mais aussi de l'ensemble de nos concitoyens.
Ce plan définit aussi cent nouveaux sites sensibles où seront engagées des actions ciblées répressives, complémentaires de la police de proximité. J'ai déclenché cette première expérience en janvier 2001 sur quatorze sites. Et l'on voit bien à quel point ces opérations, préparées en amont à la fois par la hiérarchie policière et par la hiérarchie juridiciaire, donnent de bons résultats. Dans tous les quartiers où elles ont été développées, par exemple, au Pigeonnier à Amiens, à Nice ou à Strasbourg, les petits caïds de quartier sont déstabilisés. Il nous faut donc poursuivre.
Je n'admettrai jamais que l'on dise qu'il y a dans notre pays des zones de non-droit, des zones où les policiers ne peuvent pas aller. C'était ainsi, mais cela n'est plus possible aujourd'hui et cela ne le sera plus. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Robert Bret. C'était vrai du temps de la droite !
M. Dominique Braye. Quel angélisme ! Venez chez nous ! Cela dure depuis cinq ans !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ce plan permettra également d'assurer une meilleure protection des policiers, avec la dotation en gilets pare-balles de tous les personnels sur la voie publique et la mise en place d'un dispositif d'assistance juridique renforcée pour les fonctionnaires de police.
M. Philippe Marini. Une heureuse découverte !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Si je suis conduit à donner à chaque policier, sur la voie publique, un gilet pare-balles, c'est bien parce qu'il n'en avait pas et cela ne date pas d'hier ! (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini. Cela fait près de cinq ans que vous êtes là ! Vous auriez dû vous en rendre compte plus tôt !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Sachez également que la Chancellerie a adressé le 28 novembre dernier une circulaire de politique pénale rappelant aux parquets les dispositions pénales applicables en cas d'agressions contre des agents des forces de l'ordre.
Je vous rappelle que le Gouvernement prépare un plan d'action stratégique pour la police nationale pour les cinq prochaines années, évoqué également dans l'accord de la semaine prochaine...
M. Bruno Sido. Trop tard !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ... mais avec une phase d'application immédiate, celle du plan d'action renforcée qui s'appliquera dès 2002.
Ce document, qui répondra, je l'espère, au souhait de M. Bret, fera un diagnostic de la situation actuelle et tirera les conséquences pour la sécurité intérieure des évolutions de la délinquance depuis deux ans et de l'élévation des menaces terroristes à la suite des attentats du 11 septembre.
A partir de ce constat et de cette analyse prospective, les missions prioritaires de la police nationale et les adaptations à apporter à l'organisation et au fonctionnement de ses structures seront définies.
Ce plan d'action stratégique permettra enfin d'apprécier les besoins supplémentaires à satisfaire dans les cinq prochaines années. Il fournira un cadre de référence extrêmement utile pour assurer plus de sécurité à nos concitoyens. Il pourra servir de base à l'élaboration, en 2002, d'une loi de programmation sur la sécurité intérieure que certains d'entre vous appellent de leurs voeux, semble-t-il. Le Gouvernement, vous le constatez, prépare l'avenir.
M. Dominique Braye. Il est grand temps !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je veux bien travailler à l'élaboration d'une loi de programmation, pour peu qu'il y ait les moyens et qu'elle ne reste pas lettre morte comme la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, la LOPS, que vous avez soutenue et votée.
M. Jean-Pierre Bel. Bravo !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Au total, cet accord répond, je crois, à plusieurs des causes du malaise policier, souligné dans vos rapports.
Sur un plan strictement budgétaire, l'effort supplémetaire consenti depuis le vote du budget de l'intérieur à l'Assemblée nationale est très significatif : 680 millions de francs au titre de la loi de finances rectificative pour 2001 et 772 millions de francs de mesures nouvelles supplémentaires pour les rémunérations des fonctionnaires, présentées par amendement à la loi de finances initiale.
M. Philippe Marini. C'est un redéploiement !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, pour la police nationale, c'est un élément essentiel, qui va dans le sens de la priorité du Gouvernement et de ce que vous souhaitez. J'espère donc, bien évidemment, bénéficier de votre soutien.
Ce sont au total près de 2,5 milliards de francs supplémentaires pour la police en 2002. L'importance des mesures décidées ne peut être comparée qu'au « plan Joxe » de modernisation de la police en 1985.
Vous devez, je crois, vous en réjouir. En tout cas, en venant présenter au Sénat la loi de finances dans ces nouvelles conditions, je pensais recueillir un assentiment, tant la demande était forte de la part des policiers et de la majorité à l'Assemblée nationale.
M. Dominique Braye. Vous n'avez que des mauvais résultats !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. C'était aussi une demande de la commission des finances et de la commission des lois du Sénat. Je pensais donc présenter des éléments qui allaient donner satisfaction sur toutes les travées de la Haute Assemblée.
M. Dominique Braye. Mais on regarde les résultats, monsieur le ministre !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Mais peut-être partagez-vous l'opinion de M. Nicolas Sarkozy, qui estime que le problème de la sécurité n'est pas une question d'effectifs et ni de moyens ».
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Philippe Marini. Il ne faut jamais extraire des propos de leur contexte !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Il faut tout dire ! Votre citation est partielle !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Vous réagissez, mais j'ai constaté un silence.
M. Philippe Marini. C'est un problème de justice et non de police !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je dois dire que le communiqué de votre commission des finances de ce matin m'a également plongé dans l'expectative.
M. Dominique Braye. Il faut tout dire. C'était partiel !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Partial, avez-vous dit ? (Sourires.)
Dans le contexte actuel, comment pouvez-vous dire que le nombre de policiers augmente et que le nombre d'heures travaillées diminue ?
M. Philippe Marini. Eh oui !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Les policiers sur le terrain, ceux qui mettent en oeuvre chaque jour Vigipirate, ceux qui assurent la sécurité du passage à l'euro et devront à ce titre renoncer à leurs congés cet hiver, ceux, surtout, qui ont vu leurs collègues tomber à leurs côtés dans la lutte contre la délinquance, n'apprécieraient pas ces propos s'ils étaient confirmés et encore moins ces jugements.
M. Dominique Braye. Pas de violons, de grâce !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Au moment où les métiers de la sécurité traversent dans nos sociétés une véritable crise morale et où est posée la question de la place reconnue aux policiers et aux gendarmes dans notre société, gardons-nous, mesdames, messieurs les sénateurs, d'appréciations péremptoires qui ne font qu'aggraver le malaise.
La meilleure réponse que nous puissions collectivement apporter, c'est d'abord de témoigner du respect pour le travail des policiers.
Mme Nelly Olin et M. Dominique Braye. On en est d'accord !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Pour conclure sur ce point et en revenir au débat budgétaire, je tiens aussi à souligner que l'accord du 29 novembre doit trouver son financement dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2002. C'est la raison pour laquelle un amendement est, ce soir, soumis à vos suffrages pour ouvrir 772 millions de francs supplémentaires sur les chapitres de rémunération de la police nationale.
Le Gouvernement fait ainsi la preuve qu'il a su entendre les revendications des policiers en réagissant rapidement et conformément au droit budgétaire, en amendant le projet de loi de finances.
J'ajoute que l'objectif de maîtrise de nos finances publiques n'est pas remis en cause, puisque cette ouverture de crédits sera gagée. Le budget du ministère de l'intérieur sera évidemment mis à contribution, avec une annulation de 100 millions de francs soumise à vos suffrages tout à l'heure. Le reste du gage vous sera prochainement présenté.
Il ne s'agit pas d'un chèque en blanc, encore moins d'une traite sur l'avenir. Contrairement à ce que vous écrivez, monsieur de Montesquiou, le Gouvernement a fait de la sécurité une priorité de son action. (Exclamations sur les travées du RPR.)
MM. Alain Joyandet et Dominique Braye. Ce n'est pas vrai ! Votre priorité, ce sont les 35 heures !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il assume pleinement ce choix et le traduit en actes concrets et en mesures financées.
Je pense que ces propos ne sont pas de nature à vous gêner.
Le Gouvernement a su, en quelques mois à peine,...
M. Dominique Braye. Vous ne savez pas compter, monsieur le ministre !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ... apporter une réponse législative rapide et efficace avec le vote de la loi sur la sécurité quotidienne.
Il a également donné une réponse politique forte avec l'accord du 29 novembre et le plan d'action renforcée contre la violence.
Mme Nelly Olin. C'est ce que vous dites !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il apporte ce soir une réponse budgétaire ambitieuse et concrète aux attentes des policiers et de nos concitoyens avec un projet de loi de finances renforcé pour 2002.
En vous écoutant et en lisant vos rapports, messieurs Courtois et de Montesquiou, il m'a également semblé nécessaire de rappeler quelques éléments précis sur la police de proxmité, qui me semble injustement critiquée aujourd'hui.
Je dois souligner une nouvelle fois le caractère extrêmement récent de cette réforme.
La première vague n'a été réellement mise en oeuvre qu'il y a un peu plus d'un an, à l'automne 2000, au moment même où j'arrivais au ministère de l'intérieur. La troisième ne se mettra en place qu'au début de l'année prochaine.
S'agissant des moyens des trois vagues de police de proximité, il est faux de dire ou d'écrire, comme M. Courtois, que cette politique repose entièrement sur des emplois-jeunes. Sachez que 1 646 gardiens de la paix ont été affectés en 2000 dans les circonscriptions de première phase, puis 1 150 dans celles de la deuxième phase, auxquels s'ajoutent plus de 500 personnels administratifs permettant de redéployer des personnels actifs vers la voie publique.
M. Dominique Braye. On doit être dans la dixième phase !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Enfin, il est prévu d'affecter au début de l'année prochaine 1 000 gardiens supplémentaires dans les 219 circonscriptions non couvertes à ce jour.
Pour que votre information soit complète, sachez également qu'entre le 1er janvier 2000 et le 1er janvier 2002, les effectifs opérationnels de gardiens de la paix, c'est-à-dire sans compter les élèves, seront passés de 89 998 au 1er janvier 2000 à 93 587 au 1er janvier 2002, soit une hausse de 3 589 en 2 ans. J'ai ainsi l'occasion de répondre à MM. Karoutchi et Zocchetto, que, avec ce gouvernement, tous les départs à la retraite sont compensés et que les chiffres mentionnés à l'instant correspondent à des effectifs supplémentaires.
M. Philippe Marini. Pour compenser les 35 heures !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Or, vous le savez bien, la politique budgétaire du gouvernement Juppé que vous souteniez n'avais pas prévu les remplacements des départs à la retraite. (Protestations sur les travées du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye. Cela fait cinq ans que vous nous dites cela !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je sais bien que cela vous gêne ! Mais je ne suis pas là simplement pour vous donner raison quand vous ne dites pas la vérité !
M. Philippe Marini. Assumez vos cinq années de responsabilité ! C'est vrai que c'est difficile !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Depuis que ce gouvernement est en place, sa politique vise à remplacer les départs à la retraite, ce que vous n'aviez pas prévu.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Mais non !
M. Dominique Braye. La délinquance n'a jamais autant augmenté !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Les adjoints de sécurité viennent renforcer ces forces avant de rejoindre, pour un grand nombre d'entre eux, les rangs des gardiens de la paix.
Quant aux moyens de fonctionnement de la police de proximité, une mesure nouvelle est prévue dans ce budget, en plus des dotations des deux premières phases qui sont consolidées. Les dotations en moyens logistiques se situent à un niveau conforme aux nécessités opérationnelles.
M. Alain Joyandet. C'est dramatique d'entendre cela !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Sachez, notamment, que, au terme de la réforme, ce sont près de 900 implantations immobilières nouvelles qui auront été créées dans les secteurs de la police de proximité.
M. Dominique Braye. C'est scandaleux !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Non, ce n'est pas scandaleux de créer 900 implantations nouvelles au service de la sécurité de nos concitoyens !
M. Philippe Marini. C'est ce qu'on entend globalement qui est scandaleux !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Près de 4 000 véhicules supplémentaires à deux et quatre routes auront également été achetés en deux ans.
M. Dominique Braye. Il faut parler globalement ! Ce que vous dites est scandaleux !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. J'ajoute que les coûts de la police de proximité sont parfaitement connus et à la disposition de la représentation nationale.
Je m'étonne donc de la remarque de M. de Montesquiou.
M. Philippe Marini. Pas moi !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je préside moi-même chaque trimestre depuis un an un comité de pilotage qui fait le point sur l'avancement précis de cette réforme, à partir de documents très détaillés. J'ai encore tenu une réunion hier sur ce sujet, pendant plus de deux heures.
Enfin, je crois qu'il est inexact de dire que les personnels n'adhèrent pas à cette réforme. Lors de mes visites fréquentes sur le terrain, j'entends plutôt, pour ma part, des encouragements à continuer et, bien entendu, à aller plus loin.
Notre objectif est qu'à l'issue de la mise en place de la troisième phase, les effectifs aient augmenté de 7 à 8 % dans chaque zone, dans chaque circonscription de police de proximité. Voilà pourquoi nous procédons à des recrutements supplémentaires, voilà pourquoi les écoles de police tournent à plein, alors qu'elles ne tournaient qu'à moitié il y a quelques années.
L'effort de formation très important qui accompagne cette réforme de fond permettra de lever les derniers doutes si, par malheur, ils subsistaient encore.
Au total, vos critiques sur la police de proximité me semblent, très honnêtement, contestables, d'autant plus qu'elles ne s'accompagnent d'aucune proposition novatrice, d'aucune piste de réflexion sur l'avenir de la police nationale.
J'ai bien lu vos rapports. J'ai bien cherché. Mais je n'ai rien trouvé, à part le rappel des propositions de M. Schosteck sur la « municipalisation » de la police nationale, propositions sur lesquelles je me suis longuement exprimé lors de l'examen de la loi sur la sécurité quotidienne. C'est dommage ; c'est même préoccupant.
Monsieur Schosteck, si j'ai signé un accord avec des organisations majoritaires le 29 novembre, l'ensemble des syndicats, y compris ceux qui n'ont pas signé l'accord que je leur ai proposé, sont contre une politique visant à municipaliser la police, donc à la démanteler. Je tiens à le dire devant la Haute Assemblée.
M. Philippe Marini. Qui a le pouvoir ? Les ministres ou les syndicats ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Ce n'est pas ce qu'on avait proposé !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. C'est pourtant bien comme cela que les choses ont été perçues !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Par vous !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. J'en viens à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la police nationale.
Vos rapporteurs estiment qu'il est impossible de maintenir le potentiel opérationnel de la police tout en passant aux 35 heures. Pour analyser complètement cette question - analyse qui ne figure pas, sauf erreur, dans vos rapports, faute sans doute d'une connaissance précise de l'activité des services de police -, je vous rappelle qu'il faut d'abord partir de la situation réelle du temps de travail des agents et, ensuite, prendre en compte la durée du nouveau cycle de travail, l'octroi des jours ARTT, les créations d'emplois, les jours rachetés et, enfin, la mise en place d'outils comme le compte épargne-temps, qui permettra de lisser dans le temps l'effet de cet ARTT. La concertation en cours avec les personnels, dont certains éléments fondamentaux ont été fixés dans l'accord du 29 novembre, porte sur l'ensemble de ces points.
M. Philippe Marini. Si vous vous occupiez de sécurité pendant ce temps-là ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. La question des heures supplémentaires, évoquée à plusieurs reprises par vos rapporteurs, est également posée. Un groupe de travail a été créé afin d'en évaluer l'importance, de façon précise et contradictoire, et de faire des propositions sur les modalités d'une résorption progressive.
M. Philippe Marini. C'est vraiment du temps de perdu !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je relève d'ailleurs une discordance entre les travaux de vos rapporteurs sur ce point, puisque le stock d'heures supplémentaires est évalué à 9,5 millions par M. Courtois et à 8,18 millions par M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Il faut voir les dates de référence !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Cet écart entre vos deux rapports montre qu'il est indispensable d'expertiser plus précisément encore ce sujet. Je ne crois pas ouvrir de polémique... (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants), je dis simplement que cela mérite d'être expertisé davantage.
J'apporterai enfin une précision, toujours en réponse à M. de Montesquiou.
Le coût du plan Vigipirate renforcé comme celui du passage à l'euro seront pris en compte dans le projet de loi de finances rectificative pour 2001 et non dans le projet de loi de finances pour 2002, comme il est de règle, puisque celui-ci a été préparé avant même les événements dramatiques du 11 septembre et le déclenchement du plan Vigipirate renforcé.
M. Philippe Marini. Il est dépassé avant d'être voté !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le texte qui vous sera prochainement soumis prévoit d'ouvrir 500 millions de francs de crédits de fonctionnement pour la police et 180 millions de francs pour les grands projets immobiliers de la police nationale. Vous en serez, je pense, satisfaits.
Pour conclure sur le budget de la police nationale, permettez-moi, enfin, de répondre rapidement à plusieurs des interventions que vous avez faites lors de la discussion générale.
Je dirai un mot, d'abord, sur la prétendue « insincérité » du budget de la police, en réponse à M. de Montesquiou. Retenez qu'en quelques années les mises à disposition ont été réduites de façon significative, de plus de 10 %. De même, les surnombres de gardiens de la paix, autorisés en gestion par tranches successives depuis 1998, sont également en voie de résorption, puisque 1 000 d'entre eux seront consolidés en 2002.
Quant à la transmission des rapports d'inspection, vous savez que, jusqu'à présent, le Gouvernement ne communique pas ces documents qui relèvent, selon la loi du 17 juillet 1978, du « secret des délibérations du Gouvernement ».
Je n'ignore pas qu'une nouvelle disposition a été adoptée sur ce sujet à l'article 57 de la loi organique du 1er août dernier, qui impose cette transmission avec une réserve, toutefois, pour la sécurité intérieure. J'ai saisi le secrétaire général du Gouvernement sur cette question.
Par ailleurs, j'ai trouvé M. Hyest quelque peu sévère avec la LOPS qui avait été votée en 1995...
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Et que vous n'avez pas appliquée !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je ne l'ai pas votée parce que je ne la croyais pas applicable.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. C'était pourtant une loi de la République !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je recrute des personnels administratifs pour redéployer des policiers sur le terrain.
Je regrette, je l'avoue à M. Hyest à titre personnel, que les propositions contenues dans le rapport qu'il a rédigé avec son regretté collègue, Roland Carraz, n'aient pas été mises en oeuvre comme nous l'espérions. Il faudra revenir sur ces questions, mais vous savez bien à quel point il est difficile...
M. Jean-Jacques Hyest. De réformer l'Etat !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ... de lutter contre des situations acquises. Nous poursuivons cette tâche, vous l'avez dit vous-même, monsieur Hyest, à bas bruit, car il est difficile de restructurer brigades et commissariats. Mais, je vous rassure, des redéploiements sont effectués au sein de la police nationale, notamment grâce à la police de proximité et au recrutement de personnels administratifs permettant de remettre des policiers sur le terrain. J'essaie toujours d'alléger les charges indues des policiers. Ce n'est jamais simple, vous l'avez rappelé, mais, bien évidemment, c'est la politique que je veux mener, car il y va de la sécurité de nos concitoyens.
Je tiens à rappeler à M. Delevoye ce qu'il semble avoir oublié, à savoir que la loi sur la présomption d'innocence a été votée de façon quasi unanime tant par l'Assemblée nationale que par le Sénat. En outre, elle a pour origine le rapport commandé à un haut magistrat, M. Truche, par le Président de la République, lui-même très attaché, à l'époque, à l'adoption de cette loi.
Puis-je ajouter un regret à titre personnel ? Cette loi sur la présomption d'innocence, pour laquelle le Gouvernement a décidé - j'étais d'ailleurs intervenu en ce sens - de nommer un parlementaire en mission pour l'évaluer, comme doit l'être toute loi, avait un pendant : la réforme du CSM et une loi de responsabilisation des magistrats, qui n'ont pu aboutir, car la réforme d'ensemble de la justice a été bloquée. Si nous avions avancé sur ces plans, je pense qu'un certain nombre de questions qui font l'actualité aujourd'hui auraient trouvé des réponses.
M. Dominique Braye. Sûrement pas !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je regrette que vous ayez bloqué la poursuite de la réforme de la justice et que M. le Président de la République n'ait pu convoquer le Congrès le 24 janvier ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Faux !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir si vous voulez que nous continuions ce débat.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. C'était prématuré !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. M. Turk a évoqué un certain nombre de sujets plus précis.
A propos du système d'information Schengen, je tiens tout d'abord à rappeler que nos partenaires, notamment mes homologues européens, se satisfont de ce système basé à Strasbourg. Bien évidemment, le SIS II devra être mis en oeuvre. Il sera déployé dès 2003, après qu'un certain nombre de tests auront été vérifiés. Le gouvernement français, dont j'ai été le porte-parole, demande de rester dans un système intergouvernemental qui a montré, notamment à Strasbourg, son efficacité, cela à la satisfaction de tous. J'espère que mes homologues européens iront dans ce sens. J'essaye en tout cas, à l'occasion des réunions auxquelles je participe du conseil Justice et affaires intérieures, le JAI, de trouver les soutiens nécessaires. Je souhaite la pérennisation à Strasbourg de ce système d'information, dont la technicité donne de très bons résultats.
Une agence va-t-elle être créée ? Une réflexion est ouverte sur ce point mais, pour l'instant, aucune décision n'a été prise. Sur le plan budgétaire, la contribution de la France à EUROPOL passera de 35 millions à 47 millions de francs en 2002.
M. Plasait a évoqué la question du dispositif d'assistance juridique renforcé, que j'ai annoncé et qui figure dans l'accord du 29 novembre, pour les policiers. Une cellule d'appui à la direction générale de la police nationale sera créée, un numéro vert sera ouvert. Il est prévu également l'assistance d'un avocat pour les personnels qui ont été victimes d'agression ou qui sont appelés à témoigner. Des instructions précises seront adressées aux chefs de service sous un mois.
Je ne peux que vous rappeler les instructions adressées par Mme Lebranchu aux procureurs afin que les dispositions légales soient appliquées avec rigueur s'agissant de policiers victimes, dans le cadre de leur travail, d'agressions, d'insultes ou de caillassages.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Espérons qu'elles seront appliquées !
M. Philippe Marini. Heureusement qu'on a gardé la possibilité d'envoyer des instructions !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Concernant le livret, l'opuscule du syndicat de la magistrature, j'ai eu l'occasion de m'exprimer cet après-midi à l'Assemblée nationale après ma collègue Mme Marylise Lebranchu.
M. Alain Joyandet. Ce sont vos copains !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ecoutez, monsieur le sénateur, un peu de retenue, s'il vous plaît !
M. Alain Joyandet. Vous nous provoquez !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Vous me posez une question, je vous réponds. En quoi je vous provoque en évoquant ce document que j'ai trouvé pour ma part insultant, scandaleux, et que je réprouve ?
M. Alain Joyandet. Bravo !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. En accord avec les syndicats de police, j'estime qu'il doit faire l'objet d'une réprobation générale et, éventuellement, de poursuites. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Et au-delà !
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je voudrais au moins que vous m'en donniez acte.
De la même manière, j'ai dit à l'Assemblée nationale cet après-midi que la loi relative à la sécurité quotidienne votée par le Parlement, devenue loi de la République puisqu'elle a été promulguée par M. le Président de la République, doit s'appliquer et elle le sera par les policiers et les magistrats, qui ont le devoir de le faire. (Très bien ! Bonne nouvelle ! sur les mêmes travées.)
Mais c'est normal, n'applaudissez pas à des choses banales, ou qui devraient l'être.
Concernant les crédits ACROPOL, monsieur Plasait, la sous-utilisation relative ne vaut que pour l'année 2000. En effet, faute de marché disponible, il n'a été possible de consommer des crédits que de manière marginale en 2000, à savoir 160 millions de francs. En 2001, en revanche, le retard a été rattrapé et près de 700 millions de francs ont été engagés, la consommation des crédits de paiement a donc été normale.
A quelle date le déploiement sera-t-il achevé ? La carte du déploiement a été modifiée en octobre 2000. Dès l'année prochaine, quatorze départements seront équipés. Je confirme que le système sera entièrement déployé en 2007.
S'agissant de la compatibilité ACROPOL-RUBIS - évoquée par M. Courtois -, les deux systèmes sont interopérables grâce à des passerelles techniques, car il s'agit de la même technologie TETRAPOL.
Monsieur Karoutchi, vous êtes intervenu dans des termes que j'ai trouvés responsables et que je partage en grande partie.
A propos des notions de sécurité et de partenariat, vous avez évoqué la coordination dans les transports en Ile-de-France. Cela montre que la sécurité - c'est en tout cas mon point de vue - c'est créer les conditions de la tranquillité de chacun dans la société ; mais cela veut dire aussi que nos concitoyens doivent être placés sur un pied d'égalité !
M. Alain Joyandet. C'est donc la fin de l'angélisme ! ( Sourires. )
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je ne vous ai pas attendu ! La différence entre nous, c'est que, pour moi, ce n'est pas sur la police seule, même si elle est en première ligne, que reposent les conditions nécessaires pour créer une sécurité collective au sein de laquelle chacun trouverait sa tranquillité individuelle. Il y a aussi l'Etat, la justice, l'éducation et tous les acteurs de l'Etat dans la société, et, au-delà, les familles, les parents et bien d'autres !
Je ne crois pas à la thèse d'une sécurité individuelle que l'on pourrait s'offrir en fonction de ses capacités.
M. Bruno Sido. Personne n'a dit le contraire !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles, en dehors de la conception que je me fais d'une police nationale et des politiques de sécurité, je ne suis pas d'accord avec la proposition que vous faites de placer ce que vous appelez la police territoriale sous l'autorité des maires. En effet, cela créerait une inégalité entre les citoyens...
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Non !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ... alors que l'insécurité frappe déjà en premier lieu les populations défavorisées socialement ! ( Applaudissements sur les travées socialistes. )
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Non ! Vous déformez !
M. Philippe Marini. On pourrait au moins s'obliger à informer mieux ! On pourrait créer la transparence !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Cet élément me conduit à dire, comme M. Karoutchi, que la sécurité n'est ni de droite ni de gauche. C'est une valeur républicaine qui mérite mieux que des polémiques inutiles !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. La situation des effectifs de police au commissariat de Garges-lès-Gonesse évolue, vous le savez bien, de façon régulière. Au 1er janvier 2000, ce service disposait de 90 policiers, de tous corps et grades, dont 81 gradés et gardiens de la paix. Au 1er novembre 2001, on comptabilise 94 policiers, dont 85 gradés et gardiens de la paix. A ces personnels, il convient d'ajouter vingt adjoints de sécurité et trois personnels administratifs.
Mme Nelly Olin. Non !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le potentiel de ce service n'a donc pas diminué.
De façon générale, les effectifs du Val-d'Oise ont évolué d'une façon très positive. Le 1er janvier 1999, ce département comptait 1 156 policiers de tous corps et grades. A la date du 2 décembre, il en avait 1 276, soit un gain de 120 postes.
Mme Nelly Olin. Ils ne sont pas à Garges-lès-Gonesse ! Je vous invite à y venir !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Au cours de la même période, le nombre d'adjoints de sécurité est passé de 145 à 276, soit un gain de 131 postes.
J'en arrive à la sécurité civile.
Nous discuterons de façon plus approfondie tout à l'heure, avec MM. Hoeffel et Mercier en particulier, des conséquences sur les budgets des collectivités locales du renforcement de la sécurité civile dans notre pays. Je me contenterai, pour le moment, de répondre aux observations qui concernent les services placés directement sous mon autorité.
Permettez-moi au préalable, mesdames, messieurs les sénateurs, de rendre hommage devant vous à l'ensemble des acteurs de la sécurité civile, à tous les sapeurs-pompiers, militaires de la sécurité civile, démineurs, pilotes, secouristes, bref, à toutes celles et à tous ceux qui, par leur dévouement, assurent la protection de nos concitoyens et leur portent secours au quotidien ou lors de catastrophes comme celle de Toulouse, où l'efficacité de l'organisation des secours a été saluée unanimement ; je m'adresse notamment à M. Girod.
S'agissant de l'intervention de M. Schosteck, je lui rappellerai tout ce que ce Gouvernement aura fait pour améliorer l'efficacité de notre système de sécurité civile : l'achèvement et l'amélioration de la départementalisation décidée en 1996 ; la création d'une dotation globale d'équipement d'un milliard de francs au profit des services départementaux d'incendie et de secours ; la réforme, attendue depuis dix ans, du statut des sapeurs-pompiers professionnels.
N'oubliez pas non plus la refonte de l'alerte météorologique, la modernisation du service du déminage, le début du renouvellement complet de la flotte d'hélicoptères, enfin le renforcement des moyens et des compétences des préfets de zone de défense.
Tous les engagements que j'ai pris à titre personnel depuis un an ont été tenus et mis en oeuvre rapidement.
Quant aux moyens de la sécurité civile, je peux vous indiquer que les crédits ouverts pour la sécurité civile en loi de finances rectificative viendront utilement compléter ceux qui sont inscrits dans ce projet de loi de finances pour 2002. En effet, il est prévu d'ouvrir 212 millions de francs supplémentaires.
Ces crédits permettront, en premier lieu, de faire face, dans le cadre du plan Vigipirate, aux besoins de la lutte contre le risque nucléaire, bactériologique et chimique, notamment pour acheter des tenues de protection pour les personnels.
Enfin, ces crédits permettront également à la DDSC, la Direction de la défense et de la sécurité civiles, de faire face aux dépenses prévues pour les activités de déminage, pour la campagne de feux de forêt de cette année et pour la maintenance de ses aéronefs.
Les crédits de fonctionnement de la DDSC, qui augmentaient déjà dans le projet de loi de finances pour atteindre 209 millions de francs en 2002, seront ainsi nettement améliorés.
Par ailleurs, n'oubliez pas que ce budget prévoit également une amélioration sensible des régimes indemnitaires des métiers les plus difficiles avec la création d'une prime, fortement attendue, pour les démineurs et l'achèvement de la réforme du régime indemnitaire des personnels navigants de la sécurité civile.
Enfin, je souhaite vous rappeler que ce budget permet de lancer, avec l'ensemble des élus parisiens et des département de la petite couronne, un vaste plan de modernisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, qui prévoit, sur six ans, environ 500 millions de francs supplémentaires pour le renouvellement des matériels de la brigade et 750 nouveaux emplois de militaires, soit plus de 10 % d'effectifs supplémentaires.
Je dirai aussi quelques mots sur les nouveaux hélicoptères, en réponse à M. Schosteck. Je vous indique que c'est l'industriel qui est responsable des retards enregistrés par ce programme ; il me l'a d'ailleurs confirmé pas plus tard qu'hier, puisque je le recevais place Beauvau : le président-directeur général d'Eurocopter reconnaît effectivement que la société a livré avec retard le matériel correspondant à la demande. Pour ma part, je souhaite que le matériel livré à nos pilotes corresponde à la qualité attentue et à l'engagement pris.
Je peux vous préciser que la réception des premiers appareils aura lieu à partir de janvier et que quinze appareils seront livrés en 2002.
Quant à l'état major de zone de Lille, monsieur Schosteck, je vous informe que, depuis le 1er septembre dernier, une équipe de trois militaires a été affectée au secrétariat général de la zone de défense et est actuellement en formation au centre interrégional de coordination des opération de sécurité civile, le CIRCOSC, de Rennes. Un quatrième militaire et trois officiers de sapeurs-pompiers professionnels arriveront prochainement. Le chef d'état-major zonal prendra ses fonctions le 15 janvier prochain.
Enfin, le projet de loi de modernisation de la sécurité civile, première loi de ce type depuis quinze ans, permettra de poursuivre cette évolution attendue par tous nos concitoyens. Je tiens à vous indiquer sur ce point que ce texte sera déposé dans les délais prévus. Nous sommes actuellement dans une phase de concertation, notamment avec les grandes associations d'élus.
Quant à la coexistence de deux textes traitant au même moment ou presque de la sécurité civile, vous savez monsieur Schosteck, qu'ils ne sont pas tous les deux de même nature : le projet de loi relatif à la démocratie de proximité vise à améliorer le fonctionnement des SDIS ; le projet de loi de modernisation de la sécurité civile aura un champ beaucoup plus large et concernera l'ensemble des acteurs de la sécurité civile.
Nous avons voulu introduire dans le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, suivant en cela les recommandations des rapports du sénateur Pierre Mauroy et du député Jacques Fleury, la partie sur les SDIS. J'avais annoncé, le 6 octobre dernier, à Strasbourg, lors du congrès des sapeurs-pompiers, une loi pour la fin de l'année 2001, après toutes les concertations et les travaux nécessaires. Ce texte sera soumis au conseil des ministres et, je l'espère, adopté avant la fin de l'année 2001, pour que la prochaine législature s'en saisisse. C'est toujours ce que j'ai dit ! Je n'ai pas dit que ce texte serait voté avant la fin de cette législature ! Vous pouvez reprendre toutes mes interventions sur ce point : je n'ai aucun risque d'être pris en défaut.
En ce qui concerne le volontariat, monsieur Mercier, sur les cinquante-quatre paragraphes du message de la Sainte-Barbe, nombreux sont ceux qui traitent à la fois des volontaires et des professionnels, même si un seul porte, c'est vrai, sur les volontaires. (M. Mercier acquiesce.) L'année 2002 sera celle des dossiers du volontariat. Comme vous le savez, cela a déjà été annoncé, notamment à Saint-Brieuc.
M. Michel Mercier. On en reparlera tout à l'heure !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. La concertation, notamment avec les élus, avec l'Association des présidents des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours, les CASDIS, et avec l'Association des maires de France a été permanente au cours de ces derniers mois.
M. Michel Mercier. Ah oui !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il est difficile de discuter avec des associations - vous pouvez très bien le comprendre - dont les exécutifs sont en cours de renouvellement. Mais toutes les concertations sont possibles et je les souhaite, car c'est la meilleure manière d'avancer.
Mme David, MM. Mercier et Girod se sont exprimés à propos de la réduction du temps de travail chez les sapeurs-pompiers. Le décret sera soumis au Conseil d'Etat dans le courant de la semaine prochaine et je souhaite très vivement qu'il puisse être publié avant la fin de l'année. Quoi qu'il en soit, j'ai déjà fait diffuser les principales dispositions de ce texte, de telle sorte que les discussions puissent s'engager sans tarder. Je sais d'ailleurs que tel est le cas.
Le projet de décret vise à adapter la nécessité de la réduction du temps de travail aux contraintes opérationnelles et à permettre à chaque CASDIS de négocier avec les syndicats, avec une certaine souplesse, en fonction de la situation propre à chaque département.
Quant aux suites de l'explosion de l'usine chimique de Toulouse, des mesures importantes seront prises, dans le cadre de la loi de finances rectificative, pour l'acquisition de matériels, et des tenues de protection nucléaires, bactériologiques et chimiques seront proposées pour protéger les sauveteurs, aussi bien les policiers que les pompiers.
En ce qui concerne la prévention, de nombreuses réflexions sont en cours, qui se traduiront très concrètement dans des projets de loi que préparent les ministères intéressés, sous la conduite de mon collègue ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur Girod, le renforcement des états-majors de zone était une nécessité et il sera poursuivi. Des mesures seront notamment prévues dans la loi sur la modernisation de la sécurité civile.
Les exercices en matière de sécurité civile sont, heureusement, de plus en plus nombreux. Je sais à quel point vous vous intéressez à ces sujets, monsieur le sénateur ; nous avons eu l'occasion de les évoquer ensemble. Ces exercices concernent l'ensemble des acteurs des crises potentielles. Ils sont nécessaires, vous avez raison, car il faut se mettre en situation de pouvoir répondre aux situations de crise.
Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas améliorer les dispositifs, et les expériences dans les pays voisins que vous avez citées doivent être examinées avec soin. Il faut prendre le meilleur partout, de manière que notre système, déjà considéré comme performant, puisse être encore amélioré.
Je terminerai, avant de conclure, avec le budget des préfectures, qui bénéficient, elles aussi, de mesures nouvelles très significatives l'année prochaine, comme l'ont d'ailleurs observé MM. Hoeffel et de Montesquiou dans leurs rapports.
Le Gouvernement a en particulier décidé de stabiliser les emplois des préfectures, tout comme ceux de l'administration centrale, en 2002. C'est la fin d'un long mouvement de suppression d'emplois dans ces services. Cette stabilité permettra d'engager en 2002 une gestion plus active du personnel des préfectures, avec en particulier des renforts ciblés dans les services qui en ont le plus besoin, notamment ceux qui sont responsables de l'accueil des publics défavorisés, du contrôle de légalité, de l'asile territorial et du contrôle de gestion.
Par ailleurs, le projet de loi de finances prévoit près de 125 millions de francs de mesures catégorielles pour les personnels placés sous l'autorité du directeur général de l'administration. Les personnels des préfectures bénéficieront, à eux seuls, de plus de 100 millions de francs de mesures catégorielles, soit trois fois plus qu'en 2001 et presque sept fois plus qu'en 2000.
C'est une étape très importante vers la parité avec les régimes indemnitaires des services déconcentrés de l'Etat.
Ce projet de loi de finances permet également de poursuivre l'expérience de globalisation des crédits des préfectures, lancée pour trois ans en 2000 et dont l'évaluation sera conduite au cours de l'année 2002.
Les rapporteurs vous en ont parlé, mais je tiens à insister sur ce point : les préfectures sont les seuls services de l'Etat à expérimenter ce nouveau mode de gestion qui anticipe la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, adoptée en juillet dernier. D'ailleurs, je remercie les sénateurs, notamment M. de Montesquiou, qui l'ont souligné et qui ont reconnu que le ministère de l'intérieur était à la pointe à cet égard.
En 2002, le champ de cette expérimentation s'étendra à quatre nouvelles préfectures : le Calvados, l'Oise, la Haute-Vienne et l'Yonne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un an, le 23 novembre 2000, à Lyon, je m'étais engagé devant les représentants de toutes les préfectures à lancer un plan d'action pluriannuel pour les préfectures.
Le projet de la loi de finances pour 2002 crédibilise de façon décisive l'ensemble de cette démarche qui vise à simplifier les tâches des préfectures et à renforcer leurs moyens d'intervention.
Par ailleurs, je tiens, comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale, à vous informer qu'un accord sur la politique de gestion prévisionnelle de l'emploi, des effectifs et des compétences au sein de la direction générale de l'administration, pour améliorer la qualité du service rendu aux usagers, a été signé, comme dans la police, par les principales organisations syndicales représentatives des personnels.
Je rendrai prochainement public le plan d'action pluriannuel pour les préfectures et je dresserai le bilan des initiatives déjà engagées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'espère avoir répondu à l'essentiel de vos interrogations et vous avoir démontré la qualité et la pertinence du projet de budget du ministère de l'intérieur pour 2002, encore amélioré par les amendements soumis à votre examen ce soir.
Ce projet de budget sans précédent mérite, je le crois, un vote favorable de votre part.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, pour moi, le mot « sécurité » recouvre aussi bien la police que la sécurité civile. De ce point de vue, les efforts qui sont faits doivent être salués, non pas pour satisfaire le Gouvernement, mais parce que la question des moyens humains et matériels mis au service de la sécurité de nos concitoyens doit nous rassembler. En effet, monsieur Karoutchi, la sécurité n'est ni de gauche, ni de droite. C'est un valeur républicaine. C'est un devoir pour l'Etat, et j'espère que vous en tiendrez compte dans votre vote. Par avance, je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, j'ai été surpris que, dans un discours de quarante-cinq minutes sur la police, vous n'ayez fait référence ni à l'insécurité, ni à l'efficacité de l'utilisation des crédits.
C'est peut-être cela aussi, le « paradoxe Vaillant » !
Paradoxe encore dans le fait que le nombre de policiers augmente mais que le nombre total d'heures de travail effectuées par la police diminue ; comme dans le fait que, si les crédits augmentent, l'insécurité, elle aussi, augmente !
Je trouve extraordinaire que vous ayez senti le besoin de rappeler qu'il fallait sévir lorsque les forces de police étaient attaquées, alors que c'est une évidence.
Vous avez dit qu'un effort considérable était consenti en faveur des commissariats. En réalité, les crédits baissent de 17 %.
Pour ce qui est des heures supplémentaires, il y a une divergence entre mes chiffres et ceux qu'a cités M. Schosteck. Pour ma part, je n'ai fait que reproduire les réponses à mon questionnaire que m'ont fournies vos services.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Cela me paraît heureux !
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. La divergence vient non pas de nous mais de vos services, monsieur le ministre.
Vous avez mis, c'est vrai, la sécurité au rang des priorités, mais ne niez-vous pas la hausse de l'insécurité ?
Vous dites que les zones de non-droit n'existent plus, mais, monsieur le ministre, je vous invite à aller avec moi dans une voiture de la BAC ou une voiture de police à Bagatelle ou à Empalot, mais, je vous le demande, portez un casque, car les boules de pétanque pleuvent !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je ne vous ai pas attendu pour y aller !
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Pas dans une voiture marquée « Police » !
Pour ce qui est de la police de proximité, les rapports d'évaluation m'ont été refusés. Vous dites que c'est une anomalie. J'en suis d'accord, d'autant que des extraits sont parus dans la presse.
Monsieur le ministre, à plusieurs reprises, vous avez fait allusion au fait que nous n'aurions pas assez anticipé les départs en retraite. Je voudrais rappeler que, sur les vingt dernières années, vous avez été quatorze ans au pouvoir !
M. Philippe Marini. Il est temps de partir en retraite !
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Au-delà des crédits, ce qui me semble important, c'est l'état d'esprit des policiers. Aujourd'hui, ils ne se sentent pas soutenus politiquement, et les manifestations de masse sans précédent démontrent mieux que tous les discours qu'ils n'ont pas du tout le sentiment d'être considérés. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la sécurité inscrits à la ligne « Intérieur et décentralisation » seront mis aux voix aujourd'hui à la suite de l'examen des crédits affectés à la décentralisation.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 210 771 640 euros. »

L'amendement n° II-75 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Majorer les crédits du titre III de 106 256 964 euros. »
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° II-76, ce qui me dispensera d'intervenir à nouveau ultérieurement.
Le Gouvernement a en effet déposé deux amendements : l'un porte sur le titre III, l'autre sur le titre V. Tous deux tirent les conséquences de l'accord signé le 29 novembre dernier avec les syndicats de policiers.
Comme je l'ai indiqué dans mon intervention générale, le coût de cet accord est de 772 millions de francs.
Les ouvertures de crédits correspondantes seront réparties sur les chapitres 31-41, « Police nationale, rémunération principale », et 31-42, « Police municipale, indemnités et allocations diverses ».
Ces crédits permettront de financer les mesures de revalorisation des rémunérations des différentes catégories de personnels de police prévues dans cet accord, en particulier le doublement de l'allocation de maîtrise des gardiens de la paix.
Toutefois, pour manifester sa volonté de maîtriser les finances publiques, le Gouvernement a souhaité vous présenter en même temps une partie du gage de cette ouverture de crédits. Il s'agit à ce stade, bien entendu, de la part qui revient au seul ministère de l'intérieur. Elle sera répartie sur deux chapitres de fonctionnement et sur un chapitre d'investissement.
Naturellement, j'ai choisi les chapitres sur lesquels porte le gage en tenant compte de leur assiette et de l'évolution des charges qu'ils supporteront en 2002.
Pour le chapitre 34-31, le chapitre de fonctionnement de la police, ce gage ne représente que 1,2 % des crédits et correspond à une économie de constatation.
Il représente moins de 2 % des crédits d'informatique et d'immobilier, et cette mesure, qui ne concerne pas que la police, ne soulèvera pas de difficultés en gestion. Les autorisations de programme sont, en particulier, préservées.
Par ailleurs, comme je vous l'ai indiqué, une taxation des différents départements ministériels sera mise en oeuvre à hauteur de 672 millions de francs.
Enfin, monsieur de Montesquiou, puisque vous faisiez allusion aux commissariats, je tiens à vous préciser que l'augmentation des autorisations de programme est bien de 12,4 %.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-75 rectifié et II-76 ?
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Le Gouvernement nous propose donc de majorer les primes des policiers et de financer une partie de ces majorations en diminuant les crédits de fonctionnement de la police, les crédits d'informatique du ministère et les crédits de paiement de la police.
Avant de donner l'avis de la commission, il conviendrait de connaître les dépenses et les opérations auxquelles le ministre compte renoncer pour financer ces primes.
En d'autres termes, le Gouvernement a fait le choix de majorer les primes, nous en prenons acte, mais à quoi renonce-t-il ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je n'ai pas de réponse à apporter à ce stade. L'accord remonte au 29 novembre dernier. Un amendement a été proposé, ce qui est conforme à la procédure. Bien évidemment, les services, en particulier celui de la direction du budget et des affaires immobilières, vont procéder aux choix, mais, à ce stade, ces derniers ne sont pas faits.
Je ne peux donc vous en dire plus, monsieur le rapporteur spécial.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Votre réponse, monsieur le ministre, ne me paraît pas très satisfaisante.
Pour ce qui est de l'amendement n° II-76, je rappelle que les crédits de paiement pour l'immobilier de la police ont déjà diminué de 17 %. L'ensemble des crédits d'investissement du ministère diminuent de 18,5 %.
Dois-je rappeler que l'investissement immobilier est une nécessité pour la police de proximité ? Certains commissariats sont dans un état déplorable. Je pense notamment à celui de Bobigny, dont la décrépitude est inacceptable et donne une image désastreuse de la police.
La commission des finances a déjà dénoncé le fait que le Gouvernement privilégie systématiquement les dépenses de fonctionnement - notamment de personnel - au détriment des dépenses d'investissement.
En conclusion, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° II-75 rectifié, mais elle est défavorable à l'amendement n° II-76.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-75 rectifié.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en arrivons à un point tout à fait intéressant du débat.
M. le ministre nous a fait part des conclusions des négociations auxquelles il a été nécessaire de procéder, compte tenu du grand émoi, que nous pouvons comprendre, de l'ensemble des policiers, de ces policiers qui se sentent démotivés, parfois abandonnés, et qui sont plongés dans un climat d'insécurité qui leur pèse, comme il pèse à nos concitoyens.
M. le ministre, a dû, dans l'urgence, je dirais presque dans l'improvisation, souscrire à un dispositif destiné à désamorcer la crise. Il faut avoir conscience, mes chers collègues, de la gravité et du caractère particulier de celle-ci. Voir ceux qui assurent au quotidien notre sécurité manifester sur la voie publique pour traduire leur lassitude est en effet exceptionnel dans l'histoire de notre République.
En quelque sorte, M. le ministre vient ce soir devant nous avec la note à payer, la note, oserai-je dire - qu'il me le pardonne -, de son imprévoyance ! La note d'une politique qui ne s'est pas fondée sur les bonnes priorités depuis plusieurs années.
Aujourd'hui, dans le cadre d'un projet de loi de finances déjà « bouclé » et dont on ne peut modifier les équilibres, on nous propose donc un redéploiement des crédits.
M. le ministre nous dit qu'il a négocié pour éviter le désespoir d'une grande partie des forces de l'ordre et qu'il faut maintenant le suivre.
Monsieur le ministre, le Sénat ne peut pas s'y opposer. Mais il remarque seulement que ces crédits supplémentaires ont pour contrepartie des économies sur des dépenses que vous aviez pourtant négociées pied à pied avec le ministère des finances. Aujourd'hui, vous nous dites qu'on peut faire des économies ici ou là.
Je suis convaincu que, avant l'accord, ces crédits dont vous aviez obtenu l'inscription dans votre projet de budget, vous les considériez comme indispensables jusqu'au dernier franc. Tout d'un coup, ils ne sont plus indispensables !
Monsieur le ministre, c'est ce paradoxe, cet autre « paradoxe Vaillant », que je veux souligner.
Vous nous proposez de procéder par redéploiement. Il faut s'y résigner et, d'ailleurs, dans le même temps, vous nous l'avez dit tout à l'heure, vous renvoyez une bonne part des crédits au collectif budgétaire, qui, en théorie, ne devrait traiter que du « bouclage » de l'année 2001. Vous ne nous ferez pas croire, monsieur le ministre, qu'y inclure des mesures à caractère permanent relève d'une bonne gestion !
Naturellement, vous ne disposez que d'une très faible marge de manoeuvre. Certes, il faut en passer par la négociation pour éviter la démotivation des policiers, car ce sont d'abord eux qui assurent la sécurité ; certes, il convient d'améliorer l'ambiance dans les services de police ; mais nous ne devons quand même pas nous laisser prendre au piège, accepter la méthode que vous employez et approuver la politique que vous appliquez, avec les résultats désastreux qu'elle engendre.
En d'autres termes, monsieur le ministre, si nous devons bien entendu nous résigner à voter le premier amendement, nous repousserons le second, qui vise à amputer les crédits d'équipement des commissariats, déjà si insuffisants. S'agissant de l'ensemble des crédits, je pense que le Sénat décidera à une large majorité de manifester le mécontentement, le désappointement et le désaccord qui sont les siens au regard de votre manière d'assurer, si mal, la sécurité dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ce qui me différencie peut-être de M. Marini et de ses amis, c'est que, pour moi, l'expression « dialogue social » a un sens. (Protestations sur les travées du RPR.)
Quand un malaise se fait jour, nous le traitons, nous négocions afin de déboucher sur des arbitrages. C'est ainsi que nous réglons les problèmes.
Ce n'est pas à cette heure tardive que j'évoquerai des souvenirs, mais c'est peut-être cette capacité de dialoguer qui a manqué naguère à un gouvernement que vous souteniez, monsieur Marini. Je n'y insisterai pas davantage...
Pour ma part, j'assume entièrement les choix qui ont été faits. Personne ici ne doit oublier que le projet de budget initial pour 2002 allouait 1 milliard de francs supplémentaires à la police par rapport au budget pour 2001, qui, lui-même, marquait une forte progression par rapport à l'exercice 2000. Lorsque cette information a été rendue publique, on a d'ailleurs jugé que la police nationale était une priorité pour le Gouvernement.
En outre, la loi de finances rectificative que j'évoquais tout à l'heure a ajouté 680 millions de francs, soit 180 millions de francs pour l'immobilier et 500 millions de francs pour le fonctionnement de la police nationale, notamment pour l'équipement des policiers. Cela relativise les propos que vous teniez à l'instant, monsieur Marini, sur les redéploiements au sein du budget de la police nationale.
A cet égard, si l'on considère le budget global de la police, ce sont finalement 672 millions de francs supplémentaires qui ont été inscrits sans provenir de redéploiements. Ceux-ci n'affecteront d'ailleurs pas les éléments essentiels qui fondent la politique de sécurité.
S'agissant de l'effort consenti en matière d'immobilier, faut-il rappeler que, en quatre ans, les crédits consacrés à l'immobilier de la police nationale ont doublé et sont passés de 727 millions de francs en 1997 à 1 463 millions de francs en autorisations de programme, si l'on fait le total des crédits inscrits en loi de finances initiale et en loi de finances rectificative ? Tels sont les chiffres !
Ainsi, en 2001, dix projets sont en chantier, à savoir six hôtels de police et quatre commissariats pour un investissement de 704,7 millions de francs, à Bordeaux, Montpellier, Tours, Strasbourg, Bobigny, Agen, Bron, Bercy, Saint-Maur et Saint-Claude. En outre, neuf projets sont livrables en 2002, à savoir quatre hôtels de police et cinq commissariats pour un montant total de 250,5 millions de francs, à Agen, Strasbourg, Auxerre, Saint-Maur, Saint-Claude, Savigny-le-Temple, Bron et Bercy.
M. Alain Joyandet. Vous citez deux fois les mêmes opérations !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. J'ai dit que les immeubles en question étaient en chantier en 2001 et livrables en 2002 ! Voilà des éléments concrets ! Les centaines de lieux d'implantation de la police que j'évoquais tout à l'heure traduisent, des plus modestes aux plus importants d'entre eux, une politique dynamique, qui relève bien des priorités que nous avons affirmées.
Certains gouvernements, faut-il le rappeler, ont procédé à des redéploiements dans les jours suivant le vote de la loi de finances initiale. Ne vaut-il pas mieux le faire devant le Parlement, comme aujourd'hui, pour faire face à une situation d'urgence, vécue comme telle par les policiers et par nos concitoyens ? J'appartiens à un gouvernement qui veut répondre aux préoccupations et aux demandes légitimes des policiers, et j'attends du Sénat qu'il ne rejette pas des mesures utiles et justes. Je pense que les policiers apprécieraient que vous votiez nos propositions. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-75 rectifié, pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Le vote sur le titre III est réservé.
« Titre IV : 368 817 307 euros. »

Le vote sur le titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 308 747 000 euros ;

« Crédits de paiement : 89 953 000 euros. »
L'amendement n° II-76, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits de paiement du titre V de 3 811 226 euros. »
Je mets aux voix l'amendement n° II-76, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Le vote sur le titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 1 786 422 000 euros ;

« Crédits de paiement : 786 521 000 euros. »
Le vote sur le titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité.

décentralisation

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la décentralisation.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons ce débat sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales à une heure très tardive, aussi essaierai-je d'être bref.
Monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des finances du Sénat, vous nous avez présenté votre projet de budget pour la décentralisation comme étant proche de la perfection. En tout cas, vous nous avez dit à plusieurs reprises qu'il était excellent.
Toutefois, en matière de crédits, il y a les apparences et la réalité.
Les apparences sont tout à fait en votre faveur, monsieur le ministre. Il est vrai que les concours de l'Etat aux collectivités locales augmentent. Entre 1998 et 2002, ils ont progressé de 92 milliards de francs, ce qui est extrêmement élevé. Pour l'exercice 2002, votre projet de budget prévoit une augmentation importante, à hauteur de 4,67 %, de la dotation « phare » que l'Etat verse aux collectivités locales, à savoir la dotation globale de fonctionnement, la DGF.
Ce chiffre est satisfaisant. On pourrait donc estimer, si l'on s'en tenait là, que 2002 est un bon cru pour les collectivités locales.
Cependant, monsieur le ministre, ce sont là les apparences. Je voudrais, en quelques minutes, essayer d'examiner la réalité des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales. Il me semble que celle-ci doit être envisagée sous un double point de vue.
En premier lieu, il faut analyser la qualité, en quelque sorte, de la progression des concours de l'Etat ; en second lieu, il convient d'étudier si ce dernier, au-delà du montant des crédits, laisse les collectivités locales utiliser librement les dotations ou s'il tend de plus en plus à leur indiquer quelles doivent être leurs décisions dans tel ou tel domaine, à leur imposer, en somme, des dépenses.
En ce qui concerne le premier point, que recouvre l'augmentation des concours de l'Etat aux collectivités ? Elle est tout à fait considérable - 92 milliards de francs sur quatre ans, je le rappelle - mais elle est due, pour l'essentiel, aux compensations que l'Etat doit aux collectivités locales, parce qu'il a décidé de supprimer en tout ou partie certains impôts.
Le montant de ces compensations s'est accru de 213 % sur les quatre exercices que j'ai précisés, ce qui est époustouflant ! Toutefois, c'est autant d'autonomie fiscale enlevée aux collectivités locales. On peut discuter le contenu de l'enveloppe financière accordée, mais, quoi qu'il en soit, l'Etat donne ce qu'il doit, et l'on ne peut donc porter à son crédit l'augmentation des compensations.
Si l'on s'intéresse maintenant à la seule DGF, on constate qu'elle n'a progressé que de 8 %. Ce n'est pas négligeable, il est vrai, mais l'ampleur n'est pas non plus tout à fait la même.
Tel est le premier point que je voulais soulever.
En ce qui concerne le second, je voudrais souligner, monsieur le ministre, que si vous disposiez d'une marge financière cette année, qui serait un bon cru, n'était-ce pas alors l'occasion d'améliorer la qualité du financement des collectivités locales ? Fallait-il véritablement affecter l'augmentation de la DGF d'une façon un peu aveugle, au chapitre habituel ? N'était-ce pas le moment de mieux financer l'intercommunalité ? N'était-ce pas le moment de proposer quelques pistes de réflexion, plutôt que de s'en tenir à une application tout à fait correcte, je vous en donne acte, mais sans vrai souffle de la législation actuelle, alors que nous savons tous qu'un vrai problème de financement se pose, notamment pour l'intercommunalité ?
A ce propos, les deux dotations les plus favorables à la péréquation, c'est-à-dire la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et la dotation de solidarité rurale, la DSR, vont supporter un déficit du fait de la réforme que vous proposez pour financer les communautés d'agglomération. Je ne voudrais pas reprendre un thème qui a été largement utilisé tout à l'heure par certains de mes collègues, mais il s'agit tout de même là d'un paradoxe que vous auriez pu, je le crois, éviter.
La qualité de l'augmentation des concours de l'Etat nous amène donc à relativiser fortement le caractère idyllique que pourrait suggérer une présentation hâtive des crédits de votre ministère.
Cela étant, si nous mettons en perspective ces crédits et la liberté qu'ont les collectivités locales de les utiliser, l'année 2002 est alors vraiment un très mauvais cru pour les collectivités locales.
Tout d'abord, les augmentations que j'ai évoquées sont largement gagées par des dépenses décidées par l'Etat et touchant au fonctionnement même des collectivités locales. En effet, la moitié de l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement sera, en quelque sorte, absorbée par la hausse des traitements de la fonction publique. S'il n'est nullement dans notre intention de nous opposer à la majoration des traitements des fonctionnaires, nous regrettons que le Gouvernement décide seul, sans jamais consulter les collectivités locales ni les associer à la décision.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que le temps est venu de changer d'attitude ? Si le Gouvernement est mû par une véritable volonté décentralisatrice, ne peut-il trouver le moyen d'associer les collectivités locales, d'une façon ou d'une autre, à la détermination des traitements des agents des collectivités locales ?
De surcroît, lorsque le Gouvernement prend des décisions dans ce domaine, il a tendance à vouloir augmenter les salaires les plus bas plutôt que les salaires les plus élevés, ce que nous ne condamnons d'ailleurs pas. Or, historiquement, dans la structure de la fonction publique locale, les fonctionnaires relevant du bas de l'échelle sont les plus nombreux. Aussi, les décisions que vous prenez pèsent plus sur les collectivités locales que sur l'Etat. Ce temps-là est révolu. Un gouvernement qui se dit décentralisateur ne peut pas continuer dans cette voie. Là, un problème se pose. En effet, sur l'augmentation de la DGF, la moitié sera consacrée à l'augmentation du traitement des fonctionnaires et les collectivités locales ne participent pas à la discussion.
Par ailleurs, en 2002, de nouvelles dépenses seront mises à la charge des collectivités locales. Je serai très bref car chacun les connaît. Je pense au sort particulièrement néfaste réservé aux départements.
M. Jean-Jacques Hyest. Effectivement !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je prendrai quelques exemples.
Le premier concerne la nouvelle allocation pour les personnes âgées. Je rappelle que, pour les départements, le coût de cette allocation s'établit à 5,5 milliards de francs,...
M. Jean-Jacques Hyest. Au moins !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. ... soit un montant légèrement supérieur au montant de la progression de la DGF. C'est donc une charge extrêmement lourde, et nous n'y pouvons rien car elle résulte d'une décision du Gouvernement. Là encore, nous ne contestons pas le bien-fondé de l'allocation. Cependant, le Gouvernement aurait dû débattre du financement avec les collectivités locales.
Monsieur le ministre, vous avez abordé tout à l'heure les questions que j'avais soulevées concernant les sapeurs-pompiers. Je n'y reviens pas en l'instant car nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen du projet de loi relatif à la démocratie de proximité. Je rappellerai simplement que les six décrets du 30 juillet dernier ont été pris sans concertation ni consultation, les collectivités n'ayant plus qu'à payer.
Autre exemple : Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a, au cours de négociations qu'elle a menées avec ses fonctionnaires comme vous en avez vous-même menées avec les policiers, sur la réduction du temps de travail, décidé de créer 45 000 emplois dans le secteur hospitalier et médico-social, sans la moindre consultation ou concertation avec les collectivités locales. Or, la semaine dernière, nous avons appris, par hasard - et si j'ai bien compris, nous n'étions pas les seuls, puisque ni votre ministère ni Bercy n'étaient au courant - que, sur ces 45 000 emplois, plusieurs milliers étaient à la charge des collectivités locales. Cette méthode est inadmissible !
Monsieur le ministre, si nous prenons les augmentations de recettes que vous avez annoncées et qui sont incontestables, si nous regardons ce qu'elles recouvrent vraiment et si nous les mettons en perspective avec les dépenses que vous imposez pour 2002 aux collectivités locales, force est de constater que l'exercice 2002 sera pour les collectivités locales, du fait de leurs relations financières avec l'Etat, un très mauvais cru. C'est la raison pour laquelle, au nom de la commission des finances, je ne peux qu'inviter notre assemblée à rejeter les crédits du ministère de l'intérieur pour 2002. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois s'est en particulier intéressée, lors de l'examen des crédits relatifs à la décentralisation, à deux problèmes : d'une part, l'évolution des concours financiers aux collectivités locales et, d'autre part, l'évolution vers une nouvelle étape de la décentralisation.
En ce qui concerne les concours de l'Etat, il convient, en toute objectivité, de reconnaître qu'ils augmentent sensiblement, en particulier s'agissant de la dotation globale de fonctionnement. Cette évolution prévue pour 2002 ne doit cependant pas faire oublier un certain nombre d'inquiétudes, et j'en relèverai cinq.
Première préoccupation : les règles d'indexation de l'enveloppe normée ne permettent pas d'associer pleinement les collectivités locales aux fruits de la croissance, à laquelle elles apportent pourtant une contribution majeure. Depuis 1999, l'indexation prenait en compte une part croissante du PIB et on aurait pu souhaiter que cette part, déjà en sensible augmentation par rapport à une situation précédente mais dans des contextes économiques et budgétaires non comparables, soit portée à 50 % en 2002.
Deuxième préoccupation : le contrat de croissance et de solidarité n'établit aucun lien entre l'évolution des concours de l'Etat et l'évolution des charges des collectivités locales. Or ces charges sont elles-mêmes fortement évolutives, en particulier sous l'effet de décisions prises par l'Etat seul mais applicables automatiquement aux collectivités locales, par exemple pour la rémunération des fonctionnaires et en matière de normes. Je n'évoquerai pas les charges évolutives fortes concernant les départements puisque le rapporteur spécial M. Michel Mercier l'a très bien fait.
Troisième préoccupation : l'ajustement de l'enveloppe normée par le biais de la dotation de compensation de la taxe professionnelle aboutit, année après année, à une amputation forte de cette dotation, pourtant destinée à compenser des pertes de recettes fiscales. Il en résulte un manque à gagner évident pour les collectivités locales.
Quatrième préoccupation : le montant de deux milliards de francs, prélevé pour partie sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle et intégré dans la dotation globale de fonctionnement des groupements, risque d'être insuffisant pour financer les communautés d'agglomération, ce qui pourrait entraîner une ponction et sur la dotation de solidarité rurale et sur la dotation de solidarité urbaine.
Enfin, cinquième et dernière préoccupation : la multiplication des abondements dits exceptionnels hors enveloppe normée, le poids croissant des compensations d'exonération de fiscalité locale traduisent l'impasse dans laquelle est engagé un système de financement local qui,à bien des égards, semble « à bout de souffle », pour reprendre la formulation employée par le président du Sénat, M. Christian Poncelet, devant le dernier congrès de l'Association des maires de France.
A l'heure où se profile une nouvelle étape de la décentralisation, la commission des lois s'est, par ailleurs, intéressée à trois questions.
La première concerne les conditions d'exercice des mandats locaux. Au cours des dernières années, en particulier sous l'impulsion du Sénat, des progrès ont été accomplis pour renforcer la sécurité juridique des mandats locaux.
La loi Fauchon du 10 juillet 2000 a utilement clarifié la définition des délits non intentionnels. Je pense également, pour 2001, à l'entrée en vigueur du nouveau code des marchés publics et à la réforme des chambres régionales des comptes.
Ces progrès devraient être amplifiés par l'élaboration d'un véritable statut de l'élu. Sur le rapport de notre collègue M. Jean-Paul Delevoye, le Sénat a adopté, en janvier dernier, une proposition de loi relative à la démocratie locale qui s'inscrit dans le droit fil de ces orientations. Nous ne doutons pas, monsieur le ministre, qu'elle servira de base pour l'examen du projet de loi relatif à la démocratie de proximité.
Deuxième élément qui doit être souligné : le mouvement en cours de renforcement de la coopération intercommunale doit être poursuivi à partir de la libre volonté des communes dans un cadre juridique simplifié et ménageant la souplesse nécessaire.
Ce développement de la coopération intercommunale ne doit pas se faire au détriment de l'identité communale.
M. Gilbert Barbier. Bravo !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis. A ce sujet, nous avons entendu vos propos, monsieur le ministre, au cours du dernier congrès de l'Association des maires de France. Nous devons souligner d'une manière positive la concordance de vues qui est apparue, notamment dans votre intervention lors de ce congrès, avec les orientations précisées au cours dudit congrès.
Cette dimension devra évidemment être prise en compte dans les réflexions sur la désignation au suffrage universel direct des délégués intercommunaux. Nous aurons l'occasion, là encore, d'y revenir au cours du débat sur le projet de loi relatif à la démocratie de proximité.
Enfin, dernier élément à propos de l'évolution de la décentralisation, l'avenir du système de financement local suscite incontestablement de légitimes inquiétudes et des incertitudes.
Les recettes fiscales représentent désormais moins de la moitié des ressources globales des collectivités locales. Ce constat doit être relativisé lorsque l'on compare notre système de financement local avec celui qui est en vigueur chez certains de nos partenaires européens. Toutefois, ce point devait être relevé et la commission des lois l'a fait.
Il en résulte un certain brouillage entre fiscalité et compensations et la menace d'une dépendance financière accrue des collectivités locales à l'égard de l'Etat.
Le Sénat a souhaité mettre un coup d'arrêt à cette dérive en adoptant, sur le rapport de notre collègue M. Patrice Gélard, la proposition de loi constitutionnelle qui avait été présentée par M. le président Christian Poncelet. D'ailleurs, la commission Mauroy va dans la même direction. Ne s'est-elle pas prononcée très clairement, elle aussi, pour la préservation de l'autonomie fiscale des collectivités locales ?
A ce stade, et je conclurai sur ce point, il a semblé utile à notre commission des lois de souligner que la réforme du système de financement local devra reposer sur deux piliers : l'autonomie fiscale des collectivités et la péréquation.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis, à la majorité, un avis défavorable sur l'adoption des crédits consacrés à l'administration territoriale et à la décentralisation dans le projet de loi de finances pour 2002. Elle reconnaît qu'un effort certain avait été entrepris, en particulier en direction des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Cependant, les inquiétudes quant à l'avenir l'ont emporté sur les considérations immédiates. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 7 minutes ;
Groupe socialiste : 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 12 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 12 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà eu, dans cette enceinte, un débat sur les recettes des collectivités locales. Je me permettrai donc de formuler quelques remarques sur les concours de l'Etat pour 2002.
Il me paraît nécessaire, tout d'abord, de réformer profondément le mécanisme de la DGF et d'améliorer le statut des élus locaux.
Permettez-moi cependant, monsieur le ministre, d'attirer en tout premier lieu votre attention sur une anomalie : le titre VII de votre budget, « réparations et dommages de guerre », n'est pas abondé, et il pourrait difficilement l'être puisqu'il ne figure même plus dans la nomenclature budgétaire de votre ministère !
M. Gérard Longuet. C'est exact !
M. Claude Biwer. Or, aussi étonnant que cela puisse paraître, dans le département de la Meuse, quatorze ponts ont été détruits pour faits de guerre en 1940 mais n'ont toujours pas été reconstruits. Seules des structures provisoires, qui vieillissent bien mal, ont été mises en place.
De plus, ces ponts sont situés sur des voies communales et sur le territoire de petites communes rurales comme Regnéville-Samogneux, Champneuville, Boncourt, Champougny, Pagny-sur-Meuse, Bislée, Montblainville, Sorcy, Saint-Germain, Troyon, Quincy-Landzécourt, Martincourt-sur-Meuse, Inor, Vacherauville. Je pourrais en citer d'autres, mais je crois que nous savons de quoi nous parlons.
En conséquence, quelle initiative comptez-vous prendre, monsieur le ministre, au besoin au niveau interministériel, afin que des crédits soient à nouveau ouverts pour pouvoir reconstruire ces édifices et garantir, ainsi, la sécurité de leurs utilisateurs, assurant, du même coup, la reconnaissance qui s'impose aux communes concernées, car elles ont beaucoup souffert au cours des conflits du siècle dernier ?
Vous nous avez présenté, monsieur le ministre, un budget faisant apparaître une évolution positive des dotations de l'Etat aux collectivités locales pour 2002. Mais la hausse de 4 % de la DGF risque d'entraîner ultérieurement une régularisation négative, pour certaines structures intercommunales en particulier. J'observe, en effet, que, malgré cette progression, vous êtes dans l'obligation de maintenir des majorations exceptionnelles de la DGF pour assurer une revalorisation correcte de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et de la dotation de solidarité rurale, la DSR, ce qui démontre, s'il en était besoin, à quel point la DGF est à bout de souffle.
A la vérité, cette DGF est devenue, au fil des années, un véritable monstre. J'ai en effet remarqué que, pour répartir certaines de ses composantes, il fallait prendre en compte pas moins de seize critères ou paramètres différents : comment voulez-vous que les élus locaux, voire les parlementaires, s'y retrouvent ?
Mais la DGF souffre également, me semble-t-il, de vices cachés de conception, qui sont au nombre de trois : le critère de population différenciée dans l'ancienne dotation de base, l'ancienne dotation ville-centres et, surtout, la garantie de progression minimale.
Ce dernier mécanisme permet à chaque commune de bénéficier d'une progression annuelle de sa DGF allant de 0,5 % à 2 % suivant les années. Mais qu'adviendrait-il si cette garantie n'existait pas ? Assisterait-on à une diminution généralisée de la DGF pour toutes les communes ou, au contraire, comme il est permis de le penser, à une baisse importante de la DGF des villes riches et à une hausse de cette même dotation pour les autres communes ?
Je serais très heureux que notre commission des finances se penche sur cette question, car j'ai le sentiment que, lointaine héritière du VRTS, le versement représentatif de la taxe sur les salaires, la DGF ne fait que pérenniser des situations acquises qui constituent autant d'injustices au détriment des communes rurales. N'est-il pas choquant de constater, par exemple, que la DGF de certaines de ces communes est tellement faible que leurs maires et adjoints n'osent même pas percevoir la totalité des indemnités auxquelles ils peuvent prétendre ?
Ce qui me paraît également inquiétant, c'est le financement de l'intercommunalité. De nombreuses communautés de communes rurales ont vu leur DGF diminuer dans des proportions importantes au fil des années. J'ose espérer que l'on n'a pas déshabillé Pierre pour habiller Paul, en d'autres termes que le financement des communautés d'agglomération, par définition urbaines et pour lesquelles des dotations précises sont prévues, ne s'est pas fait au détriment des communautés de communes plutôt rurales. Il convient d'observer, en effet, qu'il y a de plus en plus de communautés de communes ; or la dotation d'intercommunalité ne progresse pas suffisamment pour répondre à la demande.
Je souhaiterais qu'un effort financier soit réalisé en faveur de la DGF des communautés de communes ; mais cet effort doit être financé par le budget de l'Etat et non pas pris sur la masse globale de la DGF.
Monsieur le ministre, les collectivités locales supportent toujours plus de charges nouvelles sans véritable compensation. C'est notamment vrai en matière d'infrastructures routières et de transport dans le cadre des contrats de plan, lesquels font financer par les régions et les départements des programmes que l'Etat est incapable de prendre en charge.
De ce point de vue, le département de la Meuse souhaite que la nécessaire réflexion sur le doublement de l'autoroute A 31 sur le sillon mosellan - M. Longuet ne me démentira pas en sa qualité de président de région -...
M. Gérard Longuet. Je confirme !
M. Claude Biwer. ... s'accompagne de réalisations concrètes concernant directement notre département.
Ainsi, la liaison Nord-Sud par une route nationale partant de Luxembourg-Arlon pourrait traverser le département de la Meuse par Verdun et Bar-le-Duc pour relier la vallée de la Loire et le réseau autoroutier Sud vers la vallée du Rhône. De son côté, la rocade Nord-Lorraine, axe routier national Calais-Bâle, permettrait d'assurer le désenclavement du Nord meusien et de son environnement transfrontalier, porteur de dynamisme économique.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur le statut de l'élu. Les conditions d'exercice des mandats locaux ne se limitent pas, bien évidemment, à des problèmes indemnitaires. Mais la gestion de nos communes et des structures intercommunales est devenue si complexe et prenante qu'il est de plus en plus difficile de concilier vie professionnelle et exercice d'une responsabilité locale.
Les indemnités des maires ont été, fort heureusement, revalorisées. Cependant, comme je l'indiquais tout à l'heure, certains d'entre eux ne peuvent bénéficier de cette revalorisation, faute de moyens. De plus, de façon tout à fait inexplicable, les indemnités des maires-adjoints et des présidents d'établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, n'ont pas été concernées par cette revalorisation, ce qui est parfaitement regrettable.
Je suis, par ailleurs, persuadé que la répartition socioprofessionnelle des maires ne correspond pas à la moyenne nationale : ainsi, j'observe que peu de salariés et de cadres du secteur privé et de moins en moins de membres des professions libérales s'engagent dans la vie publique. Il apparaît clairement que, pour ces derniers, la conciliation de la vie professionnelle et l'exercice d'un mandat est quasi impossible. Il s'agit là d'un appauvrissement de notre démocratie, et je ne suis pas certain que le niveau actuel des indemnités, voire la majoration des crédits d'heures, soient suffisants pour inverser cette tendance.
Monsieur le ministre, cela a souvent été dit, la démocratie a un prix. Celui-ci peut être sans grande contrainte supporté par les grandes collectivités, mais c'est beaucoup moins vrai pour les communes rurales.
L'indispensable amélioration du statut des élus locaux devra donc également s'accompagner d'une augmentation des dotations - DGF, dotation en faveur de l'élu local - versées aux communes rurales ; sinon, nous aurons une France à deux vitesses : d'une part, des villes et des intercommunalités urbaines relativement aisées, gérées par des élus disposant d'une indemnisation correcte et, d'autre part, des communes ou des intercommunalités rurales toujours aussi pauvres, gérées par des élus faiblement indemnisés.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Claude Biwer. Je conclus, monsieur le président.
Je regrette qu'au cours de cette législature le Gouvernement n'ait pas entrepris les chantiers essentiels qu'attendent les élus locaux pour l'approfondissement de la décentralisation. Nous avons assisté, au contraire, à une recentralisation rampante. La nécessaire complémentarité ville-campagne a été totalement méconnue par la loi sur l'aménagement durable du territoire. Vous n'avez pas davantage engagé la nécessaire réforme de la fiscalité locale. Vous n'avez rien fait pour consolider la DGF et assurer de façon pérenne le financement de l'intercommunalité, et vous n'avez réalisé qu'une timide amorce d'amélioration du statut des élus.
Il me sera donc agréable, monsieur le ministre, d'entendre vos réponses à mes interrogations. En attendant, pour les raisons que je viens d'énoncer, je serai amené, comme l'ensemble du groupe de l'Union centriste, à ne pas voter votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'agissant de la décentralisation, l'année 2002 apparaît, sous de nombreux aspects, comme une année de transition. En effet, peu de mesures significatives ont été prises au regard de ce qui a déjà été accompli les années précédentes, comme la mise en oeuve de la réforme de la taxe professionnelle ou la clarification des conditions de dégrèvement et d'allégement de la taxe d'habitation.
S'agissant des dispositions relatives aux dotations, on se retrouve, en cette année 2002, avec un budget prévoyant expressément la prolongation du pacte de croissance et de solidarité. Tout au plus, devons-nous rappeler que, dans le cadre de la discussion de la première partie de la présente loi de finances, le Gouvernement a été, une fois de plus, confronté à la nécessité de proposer des abondements exceptionnels de dotation et a dû, dans un autre cadre, intégrer la résolution du contentieux né de l'arrêt Ville de Pantin.
Ces abondements exceptionnels, au demeurant, posent une fois de plus une question importante : celle de la nécessaire remise à plat du mécanisme des dotations, notamment du devenir de la dotation d'intercommunalité.
Ma première observation portera sur le volume des sommes engagées par le Gouvernement dans le cadre de la décentralisation. Nous nous inscrivons, cette année encore, dans le processus de croissance et de solidarité. La progression de l'enveloppe normée est patente, même si, dans la loi de finances initiale, elle nous paraissait insuffisante.
Un débat a eu lieu dans cette enceinte sur cette question. Sur ce débat, je ne reviendrai pas en détail, mais il m'inspire, pour le moins, quelques commentaires.
La dotation de compensation de la taxe professionnelle continue, dans les faits, à jouer le rôle de variable d'ajustement de l'enveloppe normée, ce qui a pour conséquence de la décrocher de ce qu'elle est censée prendre en charge, c'est-à-dire la compensation du célèbre allégement transitoire des bases de 16 % voté en 1986 dans la loi de financement pour 1987.
Deuxième observation : l'enveloppe normée progresse, outre le cadre du contrat de croissance et de solidarité, selon les règles fixées par la réforme de la dotation globale de fonctionnement votée à l'automne 1993. Nous en connaissons les conséquences : progression plus qu'erratique de la dotation forfaitaire, abondements exceptionnels des différents élements de la dotation d'aménagement et, par ricochet, de la dotation des groupements, notamment de la dotation des communautés d'agglomération, au détriment des dotations de solidarité.
Que l'on nous comprenne bien : il n'est pas contestable en soi que l'intercommunalité soit financée au travers d'une dotation spécifique, et nous ne pouvons d'ailleurs que constater que le financement des communautés d'agglomération pèse lourdement aujourd'hui sur les moyens attribués aux communautés de communes en milieu rural.
Ce qui est discutable, c'est que l'insuffisance globale de la marge offerte par la loi conduise à des arbitrages douloureux, qui finissent toujours par affecter l'une ou l'autre des dotations. Il sera donc temps, au terme de l'exécution du contrat de croissance et de solidarité, de tirer les conclusions qui s'imposent, c'est-à-dire, en particulier, la nécessité de réformer la dotation globale de fonctionnement.
Nous sommes entrés dans une phase de concertation et mise en avant de propositions nouvelles.
Le développement de l'intercommunalité est en train de modifier profondément le paysage institutionnel local. Dans certains départements, les communautés d'agglomération qui viennent de se constituer disposent de moyens parfois plus importants que ceux des conseils généraux ou des conseils régionaux alentour.
Les missions dévolues aux EPCI nécessiteraient naturellement l'attribution de moyens adaptés, pour éviter que ne ressurgisse la poussée de fièvre fiscale qui a accompagné la première loi sur l'intercommunalité, celle de 1992.
Dans un certain nombre de cas, on observe d'ores et déjà cette dérive nouvelle de la fiscalité, notamment à l'échelon communal, dès lors que se met en place la taxe professionnelle unique ou d'agglomération.
La situation est particulièrement préoccupante pour les communautés de communes situées en zone rurale et pour les communes urbaines riches en taxe professionnelle mais à la population modeste.
Lors de l'examen de la première partie, nous avons formulé des propositions tendant notamment à accroître le produit de la taxe professionnelle au travers de la taxation des actifs financiers des entreprises. Cette taxation pourrait devenir un outil efficace de péréquation réelle des ressources et de solidarité bien comprise.
Cette proposition reste pertinente aujourd'hui et sera donc versée au débat.
S'agissant de la progression globale des dotations, il ne nous semble pas que la solution réside dans un partage entre dotation forfaitaire et dotation d'aménagement, ce partage étant d'ailleurs de moins en moins équilibré.
En cette période où des menaces très sérieuses pèsent sur la poursuite du cycle de croissance, il nous semble nécessaire de donner aux collectivités locales la possibilité, à travers leurs dépenses de fonctionnement et d'équipement, de contribuer à soutenir cette croissance.
La décentralisation est une forme de collaboration naturelle et mutuellement avantageuse entre l'Etat et les collectivités locales, pour un développement harmonieux, équitable et solidaire de parcelles de territoire.
Je ne saurais terminer cette intervention sans évoquer les acquis de la décentralisation et ses perspectives.
Notre pays dispose d'infrastructures de qualité, notamment en matière de réseau routier, d'équipements scolaires ou culturels. Ces infrastructures doivent beaucoup à la mise en oeuvre des orientations fondamentales des lois de décentralisation.
Cependant, certaines questions cruciales, en particulier dans le domaine de l'action sociale, demeurent posées et font l'objet de controverses.
Ainsi, le financement de la couverture maladie universelle, celui de l'allocation personnalisée d'autonomie ou des services départementaux d'incendie et de secours sont des sujets de conflit. Il faudra bien, à cet égard, trouver dans les années à venir des solutions plus satisfaisantes que celles qui sont proposées aujourd'hui.
Nous persistons d'ailleurs à nous demander si le financement de l'autonomie ou celui de la CMU ne devraient pas être recentrés sur les formes naturelles de financement de la protection sociale, c'est-à-dire hors du champ de compétences des collectivités locales.
Mais un autre enjeu nous attend, sur un plan plus directement politique, dans les semaines qui viennent : celui de la discussion du projet de loi sur la démocratie de proximité.
La décentralisation a, dans un premier temps, conduit les collectiviétés locales à assumer un rôle nouveau dans le paysage économique et social du pays. Elle a aussi favorisé l'émergence d'une nouvelle forme de citoyenneté, que de multiples démarches originales de consultation des populations ont permis de mesurer et d'amplifier. Désormais les choix de gestion des élus locaux résultent de plus en plus souvent de la consultation la plus large possible de la population.
Ce mouvement nous semble à la fois irréversible, parce qu'il traduit une profonde évolution des mentalités dans le rapport au politique, et intéressant, parce qu'il est un facteur de dialogue, de cohésion sociale et d'intervention des citoyens dans la vie politique.
Nous voyons se dessiner une étape nouvelle de la décentralisation, au-delà du dialogue parfois complexe entre l'Etat et les collectivités. Nous nous attacherons, le moment venu, à réussir aussi cette étape.
Pour l'heure, nous nous contenterons de voter les crédits de la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en premier lieu, je ferai justice de la prétendue recentralisation dont ce gouvernement se rendrait coupable. En second lieu, je m'efforcerai de montrer que ce même gouvernement a, au contraire, fait beaucoup progresser la décentralisation. Enfin, je n'aurai besoin que de quelques mots pour expliquer les raisons qui nous conduisent, mes amis et moi, à voter les crédits de la décentralisation qui nous sont présentés.
Mais je souhaite d'abord faire une observation sur l'atmosphère de cette discussion.
Il m'a semblé que le ton se durcissait quelque peu. Même M. Michel Mercier m'a semblé moins objectif que d'habitude, alorsque l'objectivité est l'une des qualités qui lui sont généralement reconnues. Qu'il me permette de relever la contradiction qu'il y a à réclamer l'autonomie, à exiger des compétences fortes, d'une part, et à protester contre les dépenses supplémentaires que cela ne peut manquer d'entraîner, d'autre part.
L'APA est, à ce titre, exemplaire. Puisque nous sommes entre nous, nous pouvons bien le dire : si l'APA n'était pas instituée, que deviendrions-nous, nous présidents de conseils généraux ? (Sourires.) Bien sûr, l'APA a un coût, mais nous allons essayer de nous en sortir ! Et je suis sûr que le département du Rhône s'en sortira plutôt beaucoup mieux que d'autres ! (Nouveaux sourires.)
J'en viens maintenant au premier point que j'ai annoncé : il est injuste de parler de recentralisation à propos de l'action de ce gouvernement. Certes, l'administration a toujours tendance à recentraliser, mais ce n'est pas nouveau !
Cela dit, sur le plan des ressources, cette critique n'est peut-être pas totalement illégitime. Pour autant, je ne crois pas que cela tienne à une volonté recentralisatrice du Gouvernement. Celui-ci est essentiellement soucieux, en l'espèce, d'utiliser des impôts à forte vocation de levier économique ; je pense aux droits de mutation ou à la part salariale de la taxe professionnelle.
Quels que soient les motifs, je vous le concède, ce qui compte, c'est le résultat, et la transformation d'un certain nombre d'impôts locaux ou d'une part d'entre eux en dotation compensatoire aboutit en effet à réduire la marge de manoeuvre des collectivités. On atteint désormais des pourcentages de dotation et de compensation cumulés qui mettent à mal le principe d'autonomie : plus de 40 % pour les départements, 50 % pour les communes et même 60 % pour les régions. Ce sont là, c'est vrai, des niveaux tout à fait excessifs.
Si l'on veut que, selon la tradition française d'un Etat unitaire tempéré par la décentralisation, l'élu soit non un simple répartiteur, mais un responsable de l'ampleur et de la qualité des équipements et des services, le citoyen étant le seul juge, il faut maintenir un volume de ressources modulable par l'élu.
Au regard de ce principe, nous sommes désormais, monsieur le ministre, à la limite de l'acceptable.
Je ne suis pas hostile à ce que, d'une façon ou d'une autre, les ressources des collectivités locales soient assurées de façon solennelle, pourvu qu'il ne s'agisse pas d'un « coup » politique comme il en a été tenté, et sans oublier que le modèle qu'on nous propose souvent, celui de l'Allemagne, est très éloigné de nos traditions d'Etat unitaire.
Je crois, comme M. Michel Mercier, que le temps est venu de mettre en place une conférence nationale qui nous permette de discuter avec l'Etat, avec les syndicats, peut-être avec d'autres interlocuteurs, des salaires et des conventions collectives, lesquelles ont quelquefois des répercussions très lourdes sur nos budgets. Ainsi les collectivités pourraient-elles faire entendre leur voix.
L'atteinte au principe d'autonomie qui est effectivement perceptible s'agissant des ressources des collectivités suffit-elle pour déclarer, comme l'a fait le président Christian Poncelet devant le congrès des maires, que ce gouvernement a incontestablement manqué le rendez-vous de la relance, de la décentralisation ? Je ne le crois pas. Je crois même qu'il faut être atteint d'une certaine cécité pour émettre une telle assertion.
Le simple rappel des réformes qui sont intervenues le démontre.
L'intercommunalité, après les échecs nombreux des gouvernements antérieurs ou les ciblages manqués, progresse à très grands pas : c'est la loi Chevènement. On peut ergoter sur tel ou tel aspect, telle ou telle insuffisance, sur l'évolution de quelques points de la DGF, mais cette loi va structurer pour longtemps la hiérarchie des pouvoirs dans la République, et c'est là l'essentiel.
La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire met en place, avec les pays, des organismes moins structurants mais utiles à la concertation, à la réflexion, à la programmation, à la prospective.
Qui dirait honnêtement que la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains n'a pas de grandes conséquences, même si certaines sont contestables ?
Qui dirait honnêtement que nous n'avons pas progressé sur le cumul des mandats, sur la parité, que nous n'allons pas progresser de façon tout aussi importante sur le statut de l'élu avec le projet de loi sur la démocratie de proximité, lequel est amendable, ainsi que vous l'avez rappelé à plusieurs reprises, monsieur le ministre ?
Qui dira que nous n'avons pas progressé sur la représentativité des pouvoirs élus des communautés de communes ? Sur ce point, nous serons très attentifs à ce que le cadre communal soit bien maintenu et que l'élection des délégués de l'intercommunalité se fasse dans ce cadre.
D'autres réformes ont traité d'aspects plus techniques mais ô combien importants pour les élus. Je pense au contrôle des chambres régionales des comptes ou à la réforme du code des marchés publics.
On me dira que le préfet, ici ou là, retrouve du pouvoir. Et pourquoi pas, y compris dans la mise en oeuvre de politiques locales lorsque les collectivités territoriales sont défaillantes ? Songeons aussi aux schémas d'accueil des gens du voyage, au contingent de logements sociaux ou au schéma départemental d'élimination des déchets. Pourquoi, dans ces domaines, le préfet ne pourrait-il pas intervenir ? L'Etat existe !
La décentralisation ne s'est pas faite contre le pouvoir du préfet. Bien au contraire, dès 1982, Gaston Defferre affirmait la nécessité de coordonner l'action des services déconcentrés de l'Etat sous l'autorité préfectorale, réforme qui reste, hélas ! largement à faire ou du moins à approfondir. On le voit bien pour la commission d'aide sociale d'urgence comme pour la politique de la famille et de l'enfance, où l'Etat doit ou devrait d'abord assurer la cohésion de ses propres services avant de se tourner vers les collectivités locales.
Je dirai enfin que, sans surprise, nous voterons le budget des collectivités locales pour 2002, comme l'ont annoncé mes collègues socialistes lors du vote de la partie recettes du projet de loi de finances.
Il est bien vrai, monsieur le ministre, que, quand on se rappelle les maigres évolutions que nous garantissait le pacte de stabilité de M. Juppé, on ne peut que se féliciter de voir le Gouvernement, en indexant les concours de l'Etat sur la progression de l'inflation et de 33 % du PIB - on aurait certes pu faire mieux, monsieur Hoeffel -, assurer aux collectivités territoriales une augmentation très significative de ces dotations : entre 4 % et 5 %, pour une inflation de 1,5 %.
Et n'oublions pas non plus que la bonne santé économique de la France, malgré le trou d'air que nous traversons - espérons que ce n'est qu'un trou d'air ! -, associée à la baisse des taux d'intérêt, accélérée par le trou d'air en question, a donné aux communes, départements et régions une aisance, visible en particulier dans leur désendettement, aisance qui se confirmera largement en 2002, grâce à la politique du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Nachbar.
M. Philippe Nachbar. Monsieur le ministre, il y a un an, le 6 décembre 2000, à l'occasion du vote de votre budget, j'étais intervenu auprès de vous pour vous alerter sur la situation des communes forestières et les menaces risquant de compromettre leurs finances pour de nombreuses années. Vous m'aviez alors indiqué que le principe de la subvention d'équilibre ou de fonctionnement serait prolongé au-delà de 2001 pour tenir compte de la réalité du préjudice subi par les communes et que, dans ce but, les commissions départementales, qui réunissent généralement dans de bonnes conditions les services de l'Etat et les représentants des collectivités locales, seraient associées aux études engagées pour définir les besoins de chaque commune sinistrée.
Au début de 2001, le Premier ministre est venu en Lorraine et a annoncé, à Lunéville, la création d'une commission interministérielle chargée de dresser un état des lieux, commune par commune, dans les départements concernés, et ce d'ici à la fin de 2001.
Je souhaite aujourd'hui, monsieur le ministre, réitérer mon intervention en ma qualité d'élu d'un département forestier et au nom de la fédération nationale des communes forestières, dont je me plais à souligner l'excellent travail, qu'elle mène d'ailleurs en collaboration avec votre cabinet.
C'est en effet à partir de 2002 que les conséquences de la tempête vont peser lourdement et durablement sur les budgets communaux, privés d'une ressource essentielle, puisque les ventes de chablis sont, pratiquement, terminées.
A titre d'exemple, dans mon département, la Meurthe-et-Moselle, la forêt communale représente 163 000 hectares sur lesquels 90 000 sont endommagés ou à terre. Certaines communes ont perdu 90 % de leurs forêts, soit 40 % du montant global de leurs budgets, toutes sections confondues.
Dès lors, les fonds d'investissements que ces communes ont engagés, se voient durablement compromis, avec les conséquences que chacun peut imaginer pour les entreprises qui travaillaient jusqu'alors pour elles. Comment les communes pourront-elles assurer le maintien des services nécessaires à la population et reconstituer une forêt, ce qui nécessite la réfection des chemins et la régénération des massifs ?
En 2000 et 2001, les commissions d'aide aux communes forestières ont fonctionné dans chaque département pour assurer la mise en place d'un dispositif que l'on peut assimiler à une subvention de fonctionnement. Mais l'augmentation - considérable, on peut le prévoir aisément - du nombre de communes éligibles à partir de 2002 nécessite que le dispositif gagne sans doute en simplication, en efficacité, à coup sûr.
C'est pourquoi je souhaiterais, monsieur le ministre, vous interroger.
La mission interministérielle chargée de l'inventaire des communes sinistrées a rendu son rapport il y a quelque semaines. Quand sera-il rendu public ? Est-il possible de connaître ses principales conclusions sans attendre cette publicité, subordonnée, je le sais, à des conditions de transmission dans les différentes administrations concernées ? Nous serions particulièrement intéressés par un état des lieux, même sommaire, de la situation de la forêt communale dans les régions sinistrées en cette fin d'année.
Un crédit de l'ordre de 40 millions de francs a été inscrit au budget de 2001. Qu'en est-il des reports que l'on pouvait prévoir en 2002 ? Quel sera le montant global des crédits disponibles l'année prochaine ?
Quels critères permettront aux communes de bénéficier, à partir de 2002, de la subvention de fonctionnement en sachant - et je m'en félicite comme l'ensemble des élus des communes forestières - que la notion de déséquilibre budgétaire, envisagée il y a plusieurs mois, a été définitivement écartée.
Ce qu'attendent les communes forestières, monsieur le ministre, c'est que l'Etat mesure pleinement l'ampleur du sinistre qu'elles ont subi et des difficultés qu'elles vont connaître dans les mois et les années à venir.
Elles ont besoin d'un dispositif perfectionné et pérennisé pour leur permettre une programmation raisonnée de leurs investissements.
Nous sommes tous attachés à la commune, cellule de base de la démocratie, on ne le dira jamais assez. Comment pourrions-nous nous résigner à voir des centaines d'entre elles désormais dans l'impossibilité d'assurer, pour les décennies à venir, le renouvellement de leurs investissements et, donc, l'équipement de leur territoire ?
Disons-le très simplement, il y va à la fois de l'équilibre du territoire et de cette ardente obligation qu'est la solidarité nationale. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément à sa vocation constitutionnelle de représentant des collectivités territoriales de la République, le Sénat s'est posé en « veilleur » de la décentralisation et je ne peux que m'en réjouir.
La volonté affirmée du président du Sénat de renforcer ce rôle s'est d'ailleurs concrétisée par une large opération de consultation sur le terrain, avec les états généraux des élus locaux dans les régions et la mise en place d'une mission commune d'information fin 1998. Celle-ci a été l'occasion de dresser un bilan de la décentralisation et de dégager des propositions de nature à améliorer l'exercice des compétences locales.
Comme M. Daniel Hoeffel l'a souligné, les échanges qui ont animé il y a deux semaines le 84e congrès de l'Association des maires de France ont montré combien ces améliorations sont attendues par tous les élus locaux.
Que constate-t-on en effet ? En préalable, il faut relever la performance incontestable des collectivités locales. En utilisant pleinement les compétences qui leur ont été dévolues, elles se sont affirmées comme des acteurs économiques de premier plan. Elles ont apporté des réponses adaptées à différentes questions de société, plus rapidement, plus efficacement et à moindre coût que l'Etat n'aurait peut-être pu le faire.
Malheureusement plusieurs évolutions inquiétantes viennent aujourd'hui tempérer cette appréciation positive.
La première évolution inquiétante est la complexité croissante qui caractérise la décentralisation sur le plan institutionnel, juridique ou financier. Eprouvante pour les élus, cette complexité nuit à la lisibilité de l'action publique pour nos concitoyens.
L'environnement normatif de l'action locale est tellement complexe qu'il requiert désormais des capacités d'analyse juridique, qui peuvent faire défaut dans les petites collectivités.
Cela m'amène à évoquer le contrôle de légalité, les irrégularités constatées étant souvent le fait d'une méconnaissance ou d'une maîtrise insuffisante du droit. Dans certains départements, il n'y a aucun déféré préfectoral, alors que, dans d'autres, ils atteignent ou dépassent la centaine. Le contrôle de légalité doit continuer à s'exercer dans les préfectures, mais sans doute conviendrait-il d'en rénover le cadre et de renforcer le conseil aux collectivités locales.
M. Philippe Arnaud. Très bien !
M. Gilbert Barbier. La transformation de l'organisation territoriale, avec la réforme de l'intercommunalité et l'émergence de territoires de projet tels que les pays, modifiera à coup sûr les relations entre les différents niveaux de collectivités.
La loi du 12 juillet 1999 confie des pouvoirs accrus aux préfets qui peuvent désormais prendre l'initiative, soit d'un projet de structure, soit de l'extension d'une structure existante.
Dans certains cas, les communes ont le sentiment d'être « mariées » les unes aux autres, malgré elles, et de perdre une partie de leur autonomie. L'imprécision des rôles, des méthodes et des financements de toutes ces nouvelles strates administratives locales renforce les doutes, les craintes, voire les oppositions.
Enfin, la multiplication des formules de cogestion ne contribue pas à une clarification des compétences entre l'Etat et les différents niveaux de collectivités, objectif pourtant recherché par les lois de 1983. Parfois indispensables pour réaliser des équipements dont le coût ne pourrait être assumé par une seule collectivité, les financements croisés sont source de complexité et de confusion, voire de résurgence d'un certain clientélisme. Le citoyen finit par ne plus savoir qui fait quoi et qui paie quoi.
La deuxième évolution inquiétante est la tendance à la recentralisation que combattait à l'instant M. Peyronnet.
Le recours à la technique contractuelle permet à l'Etat, bien que n'étant qu'un financeur parmi d'autres, de conserver la maîtrise du pilotage de l'action ou tout simplement de la décision de l'action. Le contrat, qui peut être très efficcace pour favoriser des synergies responsables, est malheureusement marqué par des relations davantage placées sous le signe des rapports de force et de l'opacité que sous celui du droit et de la transparence.
On assiste ainsi à une véritable recentralisation par la règle. Les compétences locales sont en effet encadrées par des contraintes juridiques et des réglementations de plus en plus nombreuses et rigides. Cette démarche est notamment illustrée par des dispositifs législatifs récents tels que la lutte contre les exclusions, l'accueil des gens de voyage, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ou encore l'organisation et le fonctionnement des conseils en développement des pays.
Enfin, la troisième évolution inquiétante est l'inadéquation des moyens à la disposition des collectivités locales et la remise en cause de leur autonomie fiscale, que de nombreux orateurs ont soulignées.
Dans la ville que j'ai l'honneur de diriger, la part des dotations et des compensations diverses, notamment au titre de la taxe professionnelle versée par l'Etat, est passée de 32 % à 45 % entre 1983 et 2000.
Face à ce constat plutôt mitigé, le projet de budget de la décentralisation pour 2002 est-il adapté ? Les hausses affichées des concours de l'Etat aux collectivités locales ne doivent pas susciter un excès d'admiration.
La mulitiplication des abondements dits exceptionnels hors enveloppe normée et le poids croissant des compensations d'exonération de fiscalité locale traduisent l'immaturité des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Ces dotations ne garantissent pas aux élus locaux une possibilité de prévision pluriannuelle de l'évolution de leurs recettes, pas plus qu'une participation accrue aux fruits de la croissance.
Opacité, recentralisation larvée, naufrage de la fiscalité, lourdeur des financements croisés, tout indique la fin d'un cycle de décentralisation. Il est temps de définir un nouveau contrat de confiance entre l'Etat et les collectivités locales. Celui-ci devra clarifier les compétences dans le sens d'une décentralisation renforcée, donner des moyens aux collectivités locales adaptés à la réalité de leurs charges et rétablir le lien entre l'élu et le citoyen - contribuable, usager et électeur - en garantissant le principe de l'autonomie fiscale et décisionnelle.
Je conclurai sur un point largement abordé lors de la deuxième journée du congrès de l'AMF, l'Association des maires de France, et discuté au début de cette soirée, la sécurité de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, comment expliquez-vous que, selon les départements, la possibilité d'armement des polices municipales soit laissée au bon vouloir d'un préfet ou d'un autre ? J'attends une réponse sur cette question, ainsi que sur les orientations qui se dessinent dans la réforme de la fiscalité locale. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'ont dit l'ensemble des orateurs, la lecture des documents consacrés au volet « décentralisation » du projet de loi de finances pourrait laisser penser que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possible » puisque les concours de l'Etat aux collectivités locales sont en progression sensible pour l'année 2002. Comme l'a dit Michel Mercier, on pourrait croire qu'il s'agit d'un bon cru.
Pourtant, et puisque ce débat sur les crédits du ministère de l'intérieur est le dernier de la législature, il convient d'analyser ces chiffres dans le cadre plus général de l'action du Gouvernement depuis 1997 en la matière. Apparaissent alors clairement les insuffisances criantes d'un politique qui manque singulièrement d'ambition et de courage : ambition, tout d'abord, à donner un nouveau souffle à la décentralisation, vingt ans après les lois Defferre ; courage, ensuite, de lancer une réforme, aussi indispensable que difficile à mettre en oeuvre.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, j'ai l'impression de me revoir, l'année dernière à la même place, lorsque nous regrettions dans cet hémicycle que vous n'ayez pas été capable d'amorcer cet acte II de la décentralisation. La démonstration de notre rapporteur spécial est, de ce point de vue, tout à fait limpide. Celui-ci a en effet parfaitement expliqué que la forte augmentation des concours de l'Etat aux collectivités locales annoncée par le Gouvernement ne compense pas, loin s'en faut, cette absence de volonté publique. Cette augmentation est principalement liée, par exemple, à la disparition progressive de la fraction de l'assiette de la taxe professionnelle assise sur les salaires ou à la disparition de nos produits fiscaux, comme la vignette pour les conseils généraux.
Mais ce qui est plus grave, c'est le manque d'ambition qui caractérise votre action dans le domaine des collectivités locales - à l'exception notable, il est vrai, de la loi Chevènement sur l'intercommunalité -, qui s'est accompagné d'une recentralisation rampante, symbolisée par la baisse de l'autonomie fiscale de nos collectivités.
Je vous épargnerai les différentes mesures ayant placé les communes, les départements ou les régions en situation de dépendance financière accrue vis-à-vis de l'Etat. Aujourd'hui, bien au-delà des clivages politiques, les Français et leurs représentants s'accordent pourtant sur la nécessité d'une véritable refondation locale rendue nécessaire par l'évolution de notre société, à l'intérieur ou au-delà de nos frontières.
Cette voie réformiste dans laquelle vous n'avez pas voulu totalement vous engager, nous en percevons pourtant tous les contours souhaitables : il s'agit enfin de clarifier, d'approfondir et de démocratiser la décentralisation pour passer, vingt ans après, à une seconde phase de réforme tout à fait nécessaire et urgente.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur chacun de ces aspects, le Sénat s'étant déjà largement exprimé sur le sujet ces derniers mois et ayant formulé des propositions très concrètes que vous connaissez, monsieur le ministre, tout comme vous connaissez l'avis récemment formulé par le Comité des finances locales sur les aspects financiers et fiscaux d'une telle réforme.
Je me contenterai de rappeler que cette réforme très attendue doit, à mon sens, non seulement s'appuyer sur l'architecture territoriale existante, mais surtout conduire à sa rénovation.
Permettez-moi, par exemple, d'insister sur le rôle que doit jouer, dans cette perspective, la collectivité départemenale que je connais bien en ma qualité de premier vice-président de l'Union des conseillers généraux de France, l'UCGF.
Dans le cadre de cette structure, nous avons récemment lancé une consultation-sondage qui va de la période du 1er au 31 octobre 2001, et que nous avons adressée à l'ensemble des 4 280 conseillers généraux de France. Nous avons eu l'agréable surprise d'obtenir un taux de retour de 11,17 %, ce qui constitue un très bon résultat bien réparti sur l'ensemble du territoire national.
Les questions posées concernaient les pistes de réforme qui peuvent affecter, dans le futur, l'institution départementale, que ce soit dans l'évolution de sa structure, de ses fonctions, de ses compétences ou, enfin, de son mode d'élection. Il s'agit donc de résultats particulièrement significatifs sur ce que pensent les élus départementaux.
Monsieur le ministre, 87,96 % d'entre eux souhaitent ardemment une nouvelle étape de la décentralisation. Et si 95,32 % sont, bien entendu, attachés à l'entité départementale et à son existence, 87,73 % d'entre eux, en revanche, reconnaissent que le conseil général doit évoluer et être réformé dans le cadre d'une décentralisation accentuée.
Enfin, 86,96 % d'entre eux souhaitent une répartition totale et définitive des compétences, 83,64 % une autonomie financière et fiscale des départements, et 71,50 % une spécificité de l'impôt par niveau de collectivité.
Ce sont là, je crois, des pistes de réflexion intéressantes, qui témoignent du souhait des élus locaux d'aller de l'avant et d'adapter les strates administratives de ce pays à la réalité des besoins économiques du territoire et de son aménagement.
La complexité actuelle du système de financement des collectivités locales fait que, désormais, plus personne n'y comprend rien, et le citoyen ne sait plus qui est responsable. Monsieur le ministre, il ne peut pas exister d'autonomie véritable des collectivités locales sans autonomie fiscale. La fiscalité locale réclame de la transparence et de la lisibilité pour tous. Le dispositif actuel, fondé sur des stocks, est totalement inadapté. Il est donc nécessaire et urgent d'aboutir à une fiscalité fondée sur des flux pour les collectivités locales.
Tout le monde sait cela mais, malgré les rapports, les avis et les sondages qui se succèdent, malgré les groupes de travail sur le sujet, les débats budgétaires se suivent et se ressemblent. Combien faudra-t-il de propositions pour que le Gouvernement se décide à agir ? C'est la question qui revient, hélas ! chaque année comme une antienne.
Monsieur le ministre, une nouvelle fois, nous serons donc amenés à nous prononcer contre ce budget, qui symbolise le manque d'ambition du Gouvernement pour créer les conditions de l'avènement d'une véritable « République territoriale », que le président du Sénat appelle de ses voeux. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Longuet.
M. Gérard Longuet. J'ai deux bonnes raisons, monsieur le ministre, de ne pas balayer l'ensemble du budget « décentralisation » du ministère de l'intérieur. La première, c'est que je partage totalement les excellentes conclusions des rapporteurs, MM. Mercier et Hoeffel ; la seconde, c'est qu'à cette heure tardive j'aurai quelques scrupules à vous infliger une réflexion d'ensemble sur les collectivités locales, même si mes fonctions de président de région m'invitent à le faire. Je vais donc me censurer pour ne retenir qu'une question, une observation et un acte de foi.
La question que je souhaite vous poser, d'ordre pratique, porte sur les conséquences du décret sur les marchés publics qui est paru cette année et qui est opérationnel depuis le 9 septembre dernier. Il a des incidences sur le fonctionnement d'un certain nombre d'activités, telles la formation, l'insertion et la qualification professionnelles, qui sont à la charge des régions et qui ressortissent désormais au code des marchés publics, alors que nous sommes dans une logique de subventions.
Actuellement, le débat est ouvert. Nous aimerions qu'il soit tranché très rapidement pour savoir quel type de relations nous pouvons garder avec les organismes de formation, en particulier avec les GRETA, qui, dépendent de l'éducation nationale et qui, aux termes du décret précité, devraient répondre désormais à des appels d'offre, ce qui rend le partenariat de long terme quelque peu compliqué.
L'observation que je souhaite vous faire est liée à un débat - que nous reprendrons d'ailleurs, lors de l'examen du texte sur la démocratie de proximité - celui qui est relatif au statut de l'élu et aux modalités d'exercice du mandat local. Les chiffres sont très intéressants. Entre 1977 et 1995 - nous n'avons pas encore les statistiques pour 2001 -, le nombre d'élus retraités a pratiquement doublé dans notre pays, puisqu'il est passé de 15 % à 29 %.
Certes, ce n'est pas une tragédie. Nous avons, les uns et les autres, l'intention d'être retraités un jour. Mais, entre les deux extrêmes que sont, d'un côté, le doublement du nombre de retraités et, de l'autre, la diminution de moitié des actifs agricoles - ce qui peut se comprendre pour la France rurale -, les professions actives : cadres, chefs d'entreprise, commerçants, artisans, travailleurs indépendants, ont plutôt diminué. Les salariés du public et du privé, eux, ont légèrement augmenté. Mais les salariés du privé, qui représentent les trois quarts des salariés, ne représentent cependant aujourd'hui qu'environ 12 % des maires des communes de France - chiffre légèrement inférieur à celui de l'ensemble des maires issus du secteur public.
Je me réjouis que les enseignants, les fonctionnaires et les salariés des entreprises publiques exercent de plus en plus des mandats municipaux, mais nous avons le sentiment que l'accès des jeunes actifs du secteur privé aux mandats municipaux est moins aisé. Je ne souhaite pas - aucun élu ne le souhaite - que les collectivités locales deviennent l'apanage de cette catégorie, sympathique, que sont les retraités, ni de celle des salariés du secteur public.
Cette question doit être traitée à l'occasion du texte sur la démocratie de proximité, par exemple.
J'en viens, enfin, à un acte de foi qui est partagé par l'Association des maires de France et par tous ceux qui craignent que, de façon insidieuse, un nouvel étage de collectivités locales ne se crée à travers l'élection directe au suffrage universel des délégués des institutions intercommunales.
Ce sont les modes de scrutin qui structurent la démocratie. Si nous créons, avec les meilleures intentions du monde, des délégués élus au suffrage universel pour les intercommunalités, nous allons immanquablement créer un grand malaise chez les élus conseillers municipaux des petites communes. Ils auront en effet le sentiment de n'être légitimés que pour des tâches d'exécution quotidienne, d'être en première ligne, en quelque sorte, pour les tâches médiocres, les élus de l'intercommunalité prenant en charge la noblesse des investissements ou des grands services collectifs.
Nous risquons de déboucher sur des contradictions politiques et d'aboutir, par conséquent, à la création d'un étage intermédiaire. Si l'on a la malice d'ajouter les pays, qui se structureront un jour, nous aurons donc : communes, intercommunalités, pays, départements, régions, c'est-à-dire une complexité qui promet assurément de très longs débats et des séances nocturnes interminables ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'heure étant effectivement très tardive, je n'entrerai pas dans de longues considérations budgétaires, d'autant que cela a été fait !
Je tiens toutefois à dire, même si c'est un lieu commun, que la décentralisation va avoir vingt ans. J'ai entendu, ici ou là, un certain nombre de chantres de la décentralisation ayant appartenu - comme un certain nombre d'entre vous, mes chers collègues, - à cette catégorie d'élus qui ont exercé leurs fonctions avant la mise en oeuvre de la décentralisation, dont je rappelle qu'il s'agit avant tout d'une idée de gauche chère à son créateur, Gaston Defferre. Il ne faudrait pas l'oublier, au moment où cette superbe femme de vingt ans est, si je puis dire, la maîtresse de tous les élus, quelle que soit, au demeurant, leur sensibilité politique ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Soyez honnêtes, les Girondins existaient avant Gaston Defferre, pour qui j'ai le plus grand respect !
M. François Fortassin. C'est exact, mais je n'avais pas le plaisir, mon cher collègue, d'être élu à cette époque. (Nouveaux sourires.)
M. Gérard Longuet. Moi non plus !
M. François Fortassin. Je veux insister sur la philosophie de la décentralisation, car c'est peut-être ce qui, au fond, est le plus important ; en effet, elle a entraîné de profondes mutations dans le comportement de nos concitoyens et dans leurs relations avec les élus. N'oublions tout de même pas que la décentralisation a, avant tout, donné aux élus la responsabilité et la dignité. De plus, elle a rapproché les citoyens des décideurs.
J'insisterai surtout sur une collectivité qui me paraît avoir joué un rôle très important en matière de décentralisation : je peux parler du département en tant que collectivité de proximité, mais aussi et surtout compte tenu de ses champs de compétence dans le domaine social. En effet, les élus, quelles que soient leurs sensibilités, doivent bien évidemment s'occuper de tous leurs concitoyens. Mais reconnaissons que nous sommes avant tout beaucoup plus utiles aux plus démunis d'entre eux.
De même, le rôle joué par le conseil général en matière d'aide sociale est absolument irremplaçable. Il est également d'une importance capitale dans le domaine de l'éducation, au travers, bien entendu, des collèges. Le conseil général, en tant que collectivité de proximité, est, à l'évidence, la collectivité qui colle certainement le mieux au terrain pour un aménagement équilibré et harmonieux de l'ensemble du territoire national.
Aujourd'hui, il est indispensable, c'est vrai, que cette décentralisation connaisse ce que j'appellerai un toilettage. Monsieur le ministre, je vous fais confiance, car vous avez ouvert un certain nombre de chantiers qui me paraissent aller dans le bon sens. Cependant, force est de constater que, du fait de la déconcentration, on a parfois une sorte de « recentralisation rampante ».
Est-ce logique, par exemple, que les préfets qui allouent les fonds d'Etat dans les départements, ce qui est tout à fait normal, octroyent aussi les fonds européens, ce qui pourrait relever d'une responsabilité partagée entre les élus et le responsable de l'Etat ?
Est-ce logique que Natura 2000 ait fait l'objet de concertations dans un certain nombre de départements et ait été, en revanche, imposée par le représentant de l'Etat, dans d'autres ? Il faut poser ces question.
On voit également apparaître certaines règles européennes qui ôtent toute possibilité d'initiative au conseil général. Dans le domaine agricole, par exemple, un conseil général ne peut intervenir que s'il s'agit de fonds d'Etat ou de fonds européens.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais vous dire. Bien entendu, je voterai le projet de budget que vous présentez. Si nous devons aller vers une nouvelle étape de la décentralisation, je n'oublie pas, comme vous l'avez dit dans votre propos introductif, et j'en suis très fier, que c'est avant tout une idée de gauche et qu'il vaut mieux utiliser à ce niveau le whisky que le Canada dry. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain, citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Mesdames , messieurs les sénateurs, vous avez déjà, lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, longuement débattu des recettes des collectivités locales. Mais, vous venez de le souligner dans vos interventions, la séance d'aujourd'hui consacrée aux crédits inscrits au budget du ministère de l'intérieur ne prend tout son sens qu'à la lumière de l'examen de l'ensemble des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
En tant que ministre de l'intérieur, je souhaite vous entretenir de l'ensemble des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales de ma compétence et ne pas limiter mon propos aux seuls crédits budgétaires.
Dans un premier temps, je veux donc présenter rapidement les principes qui sous-tendent ce projet de budget pour 2002 pour les collectivités locales, avant de répondre aux questions posées par les rapporteurs et par les différents intervenants.
L'engagement constant de ce gouvernement d'établir entre l'Etat et les collectivités locales des relations financières permettant à ces dernières de bénéficier des fruits de la croissance économique et de la garantie d'une évolution régulière de leurs ressources s'exprime dans deux directions complémentaires. Il s'inscrit d'abord dans ce projet de loi de finances pour 2002, qui traduit trois objectifs principaux.
Tout d'abord, le Premier ministre a pris l'engagement, dès la fin de l'année 2000, et l'a confirmé lors du débat d'orientation générale sur la décentralisation à l'Assemblée nationale le 17 janvier dernier, de prolonger d'une année le contrat de croissance et de solidarité.
Cette annonce a été effectuée il y a un an, avant les élections municipales, dans un souci de prévisibilité de l'évolution des concours financiers de l'Etat, sans obérer la prochaine réforme des finances locales, qui est l'une des priorités de la nouvelle étape de la décentralisation.
Il s'agit d'une enveloppe quadriennale, en quelque sorte ! Mais il est vrai, messieurs les rapporteurs, qu'à la fin de chaque période un débat doit avoir lieu.
Je pense qu'il est sage et en même temps novateur que ce débat parlementaire soit précédé d'une étude précise des diverses hypothèses de réformes émises par tous les acteurs et experts des finances locales que sont le comité des finances locales, les associations d'élus locaux et, bien sûr, les parlementaires.
La reconduction de la fraction du PIB de 33 % qui s'ajoute à l'inflation pour déterminer l'index de croissance de l'enveloppe des concours de l'Etat, dits «actifs », permettait en outre de faire bénéficier en 2002 les collectivités locales de ce taux. En 2002, comme en 2001, les collectivités locales devraient donc avoir été associées à la croissance selon la proportion la plus forte depuis 1995.
Cet index permettrait aux collectivités de percevoir, en 2002, 6,7 milliards de francs de recettes de plus que ce qu'elles auraient reçu en application du pacte de stabilité voté sur l'initiative du précédent gouvernement et indexé sur la seule inflation. Là, effectivement, les collectivités locales n'étaient pas associées aux fruits de la croissance. (M. le rapporteur spécial s'exclame.)
L'application des règles du contrat de croissance et de solidarité telle qu'elle est prévue par le projet de loi de finances initial du Gouvernement assure une croissance théorique de 2,26 % de l'enveloppe normée, croissance qui est portée à 2,9 % du fait des différents abondements de l'Etat.
Le montant total de cette enveloppe s'établirait ainsi à 28,7 milliards d'euros, c'est-à-dire 188,3 milliards de francs, soit une croissance de plus de 5,3 milliards de francs par rapport à 2001.
Au sein de ce contrat, la dotation globale de fonctionnement connaîtra une croissance de 4,07 % par rapport à la loi de finances initiale de 2001. Ce taux de progression, le plus important depuis 1993, comme l'ont souligné vos rapporteurs, MM. Hoeffel et Mercier, sera également appliqué à la dotation spéciale « instituteur », à la dotation générale de décentralisation, cette dernière étant inscrite au budget du ministère de l'intérieur.
Toutes les communes percevront ainsi une dotation forfaitaire en progression d'environ 2 % par rapport à cette année.
Je souhaite d'ailleurs revenir quelques instants sur les inquiétudes exprimées par vos rapporteurs quant aux hypothèses économiques qui détermineront l'évolution de ces dotations.
Il est certain, d'ores et déjà, que la croissance de l'année 2001 - celle qui est utilisée pour la DGF 2002 et pour le calcul du contrat de croissance et de solidarité - atteindra au minimum 2 % voire plus, et nous ne pouvons aujourd'hui être sûrs que l'inflation ne sera pas de 1,65 % au lieu de 1,5 %, ce qui suffirait à neutraliser l'écart maximal possible.
Dans la pire de vos hypothèses, la différence est de 150 millions de francs. On est très loin des régularisations négatives de 1996 ou 1997...
En outre, je vous rappelle que les sommes globales versées au titre du contrat de croissance et de solidarité ne subissent pas de régularisation à la baisse et que le taux de croissance du PIB utilisé pour ce calcul est bien de 2,3 % et non de 2 %.
Le deuxième objet de ce projet de loi de finances pour 2002 réside dans la pérennisation du financement de l'intercommunalité.
Du fait de l'extinction du dispositif d'alimentation légale de la dotation des communautés d'agglomération, et dans le souci de répondre aux demandes des élus locaux qui regrettaient la baisse de la DCTP ayant pu en résulter pour certaines collectivités, le Gouvernement a souhaité pérenniser et simplifier ce financement en intégrant la dotation des communautés d'agglomération au sein de la dotation globale de fonctionnement.
Dans le même temps, la dotation d'aménagement faisait l'objet d'un versement d'un peu plus de 309 millions d'euros, ce qui correspondait au montant réservé en 2001 pour assurer le financement de la DGF des communautés d'agglomération.
Je veux m'arrêter quelques instants sur la situation de la DCTP proposée par le Gouvernement. Du fait de cette disposition, elle ne serait plus ponctionnée pour assurer le financement des communautés d'agglomération et elle connaîtrait une baisse de 2,4 % par rapport à 2001.
Ce calcul, vous le savez, est le résultat de la baisse théorique de 7,5 % de la DCTP, suivi d'une majoration des sommes destinées à prendre en compte l'« arrêt Pantin » du Conseil d'Etat du 18 octobre 2000, soit 80,4 millions d'euros en 2002.
Ce dernier montant correspond à un remboursement de DCTP et abonde donc tout naturellement cette dotation, mais nous aurons certainement l'occasion de parler ensemble des évolutions de cette dotation à partir de 2003.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. C'est de l'optimisme forcené !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je suis un optimiste forcené, mais surtout déterminé !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Est-ce raisonnable ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je voulais rassurer M. Fortassin : si la majorité est reconduite au mois de juin prochain, je m'engage à ce que la décentralisation franchisse de nouveaux pas. C'est la meilleure des garanties que je puisse lui fournir.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Vous avez beaucoup à faire !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le dispositif proposé par le Gouvernement avait, en outre, le mérite de simplifier le calcul des dotations revenant à l'intercommunalité en les regroupant au sein de la DGF dans un souci d'une plus grande lisibilité. Il s'accompagnait, j'y reviendrai, des engagements financiers nécessaires pour que ne soient pas pénalisées les dotations de péréquation communales que sont la DSU et la DSR, et il remédie, en le soumettant bien sûr à l'avis du Parlement, à l'extinction des dispositions adoptées par le Parlement il y a trois ans.
Enfin, le troisième objectif du Gouvernement c'est l'accroissement de la péréquation.
Les dotations de solidarité communales - dotation de solidarité rurale et dotation de solidarité urbaine - bénéficieront, en effet, de majorations exceptionnelles - respectivement de 22,6 millions d'euros, soit 150 millions de francs, et de 122 millions d'euros, soit 800 millions et francs - afin de permettre une progression de la DSR comme de la DSU de l'ordre de 5 %, sous réserve bien entendu des choix du comité des finances locales de janvier prochain. Ces deux dotations auront donc connu des progressions respectives de 60 % et de 80 % depuis 1997.
Au-delà de ce projet de loi de finances, et comme l'ont souligné avec force vos deux rapporteurs, l'engagement du Gouvernement d'établir des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales s'exprime dans la préparation d'une prochaine réforme des finances locales, comme le souhaite Mme Mathon.
C'est dans cet objectif, autre priorité de la nouvelle étape de la décentralisation, que je prépare, conjointement avec Laurent Fabius et Florence Parly, un rapport sur les voies et moyens d'une telle réforme, rapport qui sera remis au Parlement par le Gouvernement dans les prochaines semaines.
Une telle réforme se doit de remédier aux défauts de la fiscalité locale, trop souvent injuste et aujourd'hui, par certains points, obsolète, ainsi qu'à ceux des dotations de l'Etat trop complexes et, de ce fait, peu lisibles. D'ailleurs, M. Duffaut lui-même le disait.
Elle nécessite un long travail d'étude et de concertation, qui a été engagé par la rédaction d'une note d'orientation, présentée au comité des finances locales le 12 juillet dernier et adressée aux principales associations d'élus locaux ainsi qu'aux commissions parlementaires. Cette note a permis, me semble-t-il, aux différentes associations d'élus de travailler et d'avoir la satisfaction de pouvoir nous transmettre leurs observations et leurs suggestions.
J'ai reçu plusieurs contributions à ce débat et j'ai noté avec intérêt celles de l'Assemblée nationale le mois dernier.
En ce qui concerne la fiscalité locale - je m'adresse notamment à M. Barbier -, je me suis déjà exprimé en faveur du lien qui doit exister entre l'élu local et le contribuable citoyen, ce qui justifie un impôt local dynamique sur lequel les élus locaux disposent d'une réelle marge de manoeuvre pour mener une politique locale. Comme le dit votre rapporteur, aucune piste n'est taboue ni à écarter d'emblée, même si certaines hypothèses révèlent à l'étude des inconvénients ou des effets pervers à ne pas négliger.
Je vous rappelle en revanche mon opposition à l'inscription dans la Constitution d'un pourcentage mathématique fixé à l'avance, symbolisant l'autonomie fiscale, par catégorie de collectivités.
Cela pose d'ailleurs le problème des collectivités qui, individuellement, ne respecteraient pas ce pourcentage et seraient certainement stigmatisées comme dépendantes ou comme un fardeau peut-être.
Plus généralement, que signifie cette autonomie fiscale pour les collectivités les plus défavorisées ou les plus petites communes ? Le droit ou l'obligation de voter des impôts accrus, contrairement aux collectivités les plus aisées ? Non, je préfère parler de responsabilité fiscale, de modernisation fiscale et, plus généralement, de réforme des finances locales dans le sens d'une péréquation accrue et d'un soutien résolu à l'intercommunalité !
J'ai noté avec intérêt vos propositions d'une inversion des règles de répartition de la DGF, donnant la priorité aux dotations de solidarité communales et à la dotation d'intercommunalité.
Je souhaite une DGF simplifiée, qui permette à la fois de garantir des ressources suffisantes et prévisibles aux collectivités locales, et d'accroître la péréquation, qui représente aujourd'hui 15 % environ des dotations.
Une meilleure définition des critères de répartition des dotations, comme le potentiel fiscal ou le coefficient d'intégration fiscale, me semble également indispensable. Vous faites d'ailleurs des propositions en ce sens.
Les rapporteurs, ainsi que plusieurs intervenants - je pense notamment à M. Peyronnet, que je remercie pour la qualité et l'intensité de son intervention - ont, par ailleurs, mis en parallèle l'évolution très favorable de ces recettes des collectivités locales avec l'augmentation de leurs charges ; toute une partie du rapport de M. Mercier y est d'ailleurs consacrée.
Je suis un peu étonné par l'addition un peu hétéroclite de dépenses de nature différente, et notamment par la référence à l'évolution des rémunérations de la fonction publique territoriale.
Mais j'ai bien noté qu'il ne s'agit pas pour vos collaborateurs de contester cette légitime évolution, mais bien d'une échelle de grandeur, qui, à mon avis, devrait d'ailleurs être rapportée à l'ensemble des recettes, y compris fiscales, puisqu'il s'agit là d'un élément fondamental de la libre administration des collectivités locales.
Vous avez, en outre, relevé l'importance de la charge que constituera l'allocation personnalisée d'autonomie pour les départements.
Je suis d'accord avec vous lorsque vous vous félicitez de la mise en oeuvre d'une telle prestation, qui concernera plus de 800 000 personnes âgées et qui constituera un progrès considérable par rapport à la prestation spécifique dépendance qu'elle remplace.
De surcroît, l'APA fait apparaître l'importance du maintien de l'échelon départemental. Je crois, en effet, que les politiques sociales sont de nature à rendre plus lisible le partage des compétences entre collectivités aux yeux de nos concitoyens.
L'effort de l'Etat et des départements, auxquels la gestion de l'APA a donc été confiée, en quelque sorte eu égard à leur place institutionnelle, permettra, je le répète, d'améliorer les services rendus à la population.
Dès la fin de l'année 2002, un premier point sera fait quant à l'impact de l'APA sur les finances départementales, c'est-à-dire, comme je m'y suis engagé et en accord avec le Premier ministre, avant le bilan complet expressément prévu par la loi qui interviendra en 2003. Je l'ai d'ailleurs dit devant l'assemblée des départements de France.
D'ici là, faisons tous preuve de mesure et calculons les efforts à faire au strict montant nécessaire.
Avant de conclure, je souhaite répondre à certaines des questions qui ont été soulevées au cours du débat.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous rappelle tout d'abord que les décrets sur les sapeurs-pompiers ont tous été présentés au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale,...
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. C'est obligatoire !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ... qui comprend des élus. Je vous l'avais d'ailleurs dit en commission.
Par ailleurs, vous avez fait référence aux négociations dans la fonction publique hospitalière. Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité m'a fait part de la tenue de plusieurs réunions de négociation dans le cadre de l'assemblée des départements de France. Elle m'a redit que les éléments présentés dans la circulaire devaient encore faire l'objet de négociations locales, en particulier les conventions tripartites entre l'Etat, les conseils généraux et les organismes d'assurance maladie.
En réponse à M. Biwer, j'indique par ailleurs que le Gouvernement remettra dans les prochains jours au Parlement le rapport sur la reconstruction des ponts détruits par faits de guerre.
M. Gérard Longuet. C'est une bonne nouvelle ! Je la lui transmettrai, car nous avons les mêmes ponts !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Absolument, monsieur Longuet, et je me souviens que M. Jean-Louis Dumont m'avait également alerté sur cette question à l'Assemblée nationale l'année dernière.
M. Gérard Longuet. Tout à fait ! Nous sommes solidaires !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ce rapport devrait répondre à vos préoccupations. Le recours aux crédits non utilisés sur certains chapitres permettra d'assurer dès 2002 la reconstruction des ponts les plus nécessaires, ces crédits s'ajoutant à ceux de la DGE.
M. Gérard Longuet. Si tel est le cas, on vous invitera à l'inauguration, quel que soit votre mandat !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Merci beaucoup, mais, même comme ministre de l'intérieur, je veux bien venir, monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. Tout peut arriver ! (Sourires.)
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Toujours en réponse à M. Biwer, mais aussi à M. Longuet, je renvoie, s'agissant des conditions d'exercice des mandats, aux débats qui auront lieu au début du mois de janvier à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la démocratie de proximité.
Ce projet de loi comprend un dispositif complet dont l'objet est d'ouvrir l'exercice des mandats à toutes les catégories de la population. Il prévoit ainsi d'éviter toute pénalisation par l'exercice d'un mandat, de relever les indemnités qui doivent l'être, et, bien entendu, il contient des mesures en faveur de la parité. Nous aurons l'occasion d'y revenir plus au fond, mais je pense que ce texte devrait répondre au souci exprimé par MM. Biwer, Longuet et Peyronnet. En réponse à M. Nachbar, je rappelle que la loi de finances rectificative de 2000 a ouvert 200 millions de francs de crédits destinés à venir en aide, en 2000 et en 2001, aux communes en difficulté après les tempêtes de décembre 1999.
Les communes éligibles à ce dispositif sont celles dont les recettes forestières représentaient au moins 10 % de leurs recettes de fonctionnement totales en moyenne sur la période de 1996 à 1998 et qui, du fait de la baisse de leurs recettes forestières, connaissent un déséquilibre budgétaire.
Les crédits sont répartis entre les départements concernés sous forme d'enveloppes départementales, puis attribués sous forme de subventions individuelles par les préfets, assistés par la commission départementale mise en place à la suite des tempêtes.
Le reliquat de gestion, au titre des années 2000 et 2001, s'établit à 55 millions de francs. Le Gouvernement a toutefois décidé de prolonger le dispositif en 2002. A cette fin, il a prévu l'ouverture de 40 millions de francs de crédits dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année. Les crédits disponibles pour 2002 s'élèveront à 95 millions de francs, ce qui représente un montant plus élevé que ce qui a été nécessaire en 2000, soit 70 millions de francs, et en 2001, soit 75 millions de francs. Les règles d'emploi des crédits devraient être les mêmes en 2002 qu'en 2000 et 2001.
Par ailleurs, conformément à la décision du Premier ministre, une mission interministérielle d'évaluation et de prospective a été constituée afin d'examiner la situation des collectivités forestières sinistrées et de proposer un plan d'action pour ces dernières à compter de 2002. Cette mission vient de rendre son rapport, qui est à l'étude, et le Gouvernement prendra les mesures adéquates pour soutenir les communes forestières qui ont beaucoup souffert des tempêtes.
Monsieur Barbier, la loi du 15 avril 1999, qui a fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire et qui a été votée par le Sénat, organise les règles d'intervention des polices municipales, notamment quant à l'armement, qui nécessite la conclusion d'une convention entre les maires et l'Etat. Cette question est donc réglée par une loi.
La règle est le non-armement des polices municipales, sauf convention signée par le préfet et le procureur de la République. Toujours en réponse à M. Barbier qui s'est interrogé sur le contrôle de légalité, je dirai que la fonction juridique des préfectures est une composante essentielle de leur activité. A ce titre, le contrôle de légalité doit continuer à être une mission prioritaire des préfectures.
Il doit cependant aussi s'exercer dans le cadre du conseil aux collectivités, notamment à l'égard des petites communes et des groupements de communes. C'est pourquoi plusieurs initiatives ont été prises dans le cadre du plan d'action pour les préfectures. La constitution de pôles interrégionaux, spécialisés dans le contrôle de légalité et travaillant pour le compte des préfectures, permettra d'apporter plus rapidement des réponses aux questions posées par les élus locaux.
Par ailleurs, la poursuite de l'expérimentation de télétransmission des actes des collectivités locales permettra de simplifier les conditions matérielles du contrôle de légalité et donc de consacrer plus de moyens en personnels aux fonctions de conseil et d'expertise. L'objectif est d'assurer plus de sécurité juridique aux collectivités locales tout en garantissant l'application des règles fondamentales de l'état de droit.
M. Dufaut a évoqué la question de la réforme de la décentralisation. Je rappelle l'ensemble des réalisations de la législature qui s'achève, la poursuite du chantier à travers le projet de loi relatif à la démocratie de proximité et le rapport que le Gouvernement prépare sur la réforme des finances locales.
Le Gouvernement poursuit la grande réforme de la décentralisation lancée, sous le Gouvernement de Pierre Mauroy, par Gaston Defferre et je puis vous assurer qu'il entend mener à bien les réformes que M. Fortassin appelait de ses voeux.
M. Longuet m'a interrogé sur le nouveau code des marchés publics et son application aux centres de formation. Je vais engager une expertise à ce sujet, mais je peux d'ores et déjà le rassurer : le nouveau code, qui simplifie les procédures pour les collectivités comme pour les entreprises, n'ajoute pas de dispositions aux règles de la concurrence fixées par la Communauté européenne.
Je me suis déjà longuement exprimé sur l'élection au suffrage universel direct des délégués de communes au sein des structures intercommunales. Je l'ai fait à plusieurs reprises et dans différentes instances, notamment - je parle sous le contrôle de M. Hoeffel - lors du congrès des maires de France. Je l'ai dit, je suis partisan du maintien de l'identité communale et je souhaite que l'élection des conseillers d'une même « aire » communale ait lieu le même jour, selon des modalités qui méritent d'être discutées. Je m'inspire là de mon expérience personnelle d'élu local à Paris et du statut PLM.
M. Gérard Longuet. Pourquoi pas !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. C'est en tout cas une idée, mais il peut y en avoir d'autres. Je ne suis pas fermé au débat, comme M. Hoeffel l'a rappelé. Je le remercie d'ailleurs une nouvelle fois de son objectivité.
Dans le cadre de la nouvelle génération des fonds structurels 2000-2006, le préfet de région reste une autorité en matière de gestion, mais le président du conseil régional préside avec lui le comité d'engagement de ces fonds.
En conclusion, je pense que ce projet de budget tel qu'adopté par l'Assemblée nationale donne aux élus locaux et aux collectivités locales les moyens de continuer à assainir leur situation financière. Selon le comité des finances locales celle-ci s'est déjà considérablement améliorée grâce aux qualités de gestion dont les élus ont su faire preuve.
Je note avec satisfaction que, même s'il faut continuer à accroître le soutien aux collectivités les plus défavorisées, l'investissement se développe et les collectivités se désendettent.
Je pense donc que l'on peut dire, comme M. Delevoye lors du dernier congrès des maires, que ce projet de budget n'est pas favorable aux collectivités locales.
Comme le Premier ministre, je pense même qu'il leur est favorable et je vous invite à l'adopter, ce qui, compte tenu de nos positions respectives, est peut-être un autre paradoxe ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur et la décentralisation et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la sécurité ont été examinés aujourd'hui même.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 210 771 640 euros. »

Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 368 817 307 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 308 747 000 euros ;
« Crédits de paiement : 89 953 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 1 786 422 000 euros. »
« Crédits de paiement : 786 521 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant en discussion l'amendement n° II-69, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 74.

Article additionnel avant l'article 74



M. le président.
L'amendement n° II-69, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 74, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La première phrase du premier alinéa de l'article L. 2511-22 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée : "Pour l'exercice de ses compétences, le conseil d'arrondissement a le pouvoir de traiter les marchés prévus à la section 1 du chapitre II du titre III du nouveau code des marchés publics". »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. A cette heure tardive ou matinale, je ne sais, je vais retirer mon amendement, qui constitue d'ailleurs un cavalier budgétaire. Cependant, je vous donne rendez-vous dans quelques semaines, mes chers collègues, lors de l'examen du projet de loi relatif à la démocratie de proximité. Cette occasion me semble plus propice à un débat sur la sécurité juridique, qui nous permettra peut-être de remédier aux difficultés engendrées par la réforme réglementaire du code des marchés publics pour le fonctionnement quotidien, en ce qui concerne le recours aux achats sur facture, des mairies d'arrondissement issues des lois de décentralisation et de la loi relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements de coopération intercommunale, dite « loi PML »,
M. le président. L'amendement n° II-69 est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'intérieur et la décentralisation.

5

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la Corse.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 111, distribué et renvoyé à la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la Corse.

6

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Nicolas About une proposition de loi autorisant la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman, dite « Vénus hottentote », à l'Afrique du Sud.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 114, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Daniel Hoeffel un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de MM. Hubert Haenel, André Bohl, Daniel Eckenspieller, Francis Grignon, Alain Hethener, Daniel Hoeffel, Jean-Louis Lorrain, Joseph Ostermann, Jean-Marie Rausch et Philippe Richert, portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière (n° 421, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le n° 109 et distribué.
J'ai reçu de M. Paul Blanc, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale.
Le rapport sera imprimé sous le n° 110 et distribué.
J'ai reçu de M. Ivan Renar, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle.
Le rapport sera imprimé sous le n° 112 et distribué.

8

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Serge Lepeltier, sénateur, un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification sur les nuisances environnementales de l'automobile.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 113 et distribué.

9

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 5 décembre 2001, à onze heures quinze, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 86 et 87, 2001-2002). - M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Outre-mer :
M. Roland du Luart, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 32).
M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 89, tome XXII).
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (aspects sociaux, avis n° 91, tome VIII).
M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (départements d'outre-mer, avis n° 92, tome VII).
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (territoires d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie, avis n° 92, tome VIII).
Défense (articles 31 et 32)* :
1. Rapporteurs spéciaux :
Exposé d'ensemble, dépenses en capital : M. Maurice Blin (rapport n° 87, annexe n° 42) ; dépenses ordinaires : M. François Trucy (rapport n° 87, annexe n° 43).
2. Rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :
Nucléaire, espace et services communs : M. Jean Faure (avis n° 90, tome IV) ; section gendarmerie : M. Philippe François (avis n° 90, tome V) ; section forces terrestres : M. Serge Vinçon (avis n° 90, tome VI) ; section air : M. Xavier Pintat (avis n° 90, tome VII) ; section marine : M. André Boyer (avis n° 90, tome VIII).
Fonction publique et réforme de l'Etat (et article 78) :
M. Gérard Braun, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 27).

* Procédure de questions et de réponses avec un droit de réplique des sénateurs.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2002

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2002 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2002

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2002, est fixé au vendredi 7 décembre 2001, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 5 décembre 2001, à deux heures quinze.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE
ET SOCIAL EUROPÉEN
(19 membres au lieu de 18)

Ajouter le nom de M. Nicolas Alfonsi.

SÉNATEURS NE FIGURANT
SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(6 au lieu de 7)

Supprimer le nom de M. Nicolas Alfonsi.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Affectation du « pavillon de Valois »
situé dans le parc de Saint-Cloud

1213. - 3 décembre 2001. - M. Denis Badré attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur son arrêté du 10 septembre 2001, signé conjointement avec le secrétaire d'Etat au budget, qui attribue à l'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de l'académie de Versailles un ensemble immobilier dans le parc de Saint-Cloud, allée de la Carrière, qui semble correspondre au « pavillon de Valois », seul reste encore en élévation du palais détruit pendant la guerre de 1870. A plusieurs reprises, pourtant, à l'occasion du « comité de liaison » associant les représentants du ministère de la culture et les maires des communes riveraines du parc de Saint-Cloud, l'éventualité d'une réaffectation de ce bâtiment au domaine a été évoquée. Il a été proposé d'y aménager un musée historique dédié au château démoli et au parc. Le départ programmé de l'Ecole nationale supérieure (ENS), précédent occupant du pavillon, semblait favoriser cette opportunité, qui paraissait à beaucoup fondamentale pour la valorisation et l'animation de ce parc historique majeur d'Ile-de-France, aux portes de Paris. Il souhaiterait savoir si le projet de création d'un musée du domaine de Saint-Cloud dans le pavillon de Valois pourra être concilié avec l'installation de l'IUFM ? L'abandon du projet de création d'un musée apparaîtrait particulièrement dommageable aux yeux de tous les riverains du parc et des défenseurs de notre patrimoine. D'autant plus que le départ de l'Ecole normale supérieure a également rendu disponibles d'autres locaux. Ainsi, près de la manufacture de Sèvres, plusieurs bâtiments, dont l'emplacement est moins stratégiques et l'histoire moins prestigieuse, pourraient également être utilisés par l'IUFM.

Inégalités de traitement
dans le cadre de la filière sportive territoriale

1214. - 4 décembre 2001. - M. Xavier Darcos attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur les inégalités de traitement constatées dans la filière sportive territoriale. Les avantages consentis dans d'autres filières ne s'appliquent pas aux conseillers territoriaux des activités physiques et sportives, notamment en ce qui concerne : l'indemnité d'exercice attribuée aux fonctionnaires du service du cadre national des préfectures (décret n° 97-1223 du 26 décembre 1997 portant création d'une indemnité d'exercice de missions des préfectures) ; la nouvelle bonification indiciaire prise en compte pour le calcul des retraites applicable à de nombreux cadres territoriaux (décret n° 91-711 du 24 juillet 1991 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale). S'agissant d'une inégalité de traitement portant sur des rémunérations complémentaires justifiées par le degré des responsabilités exercées, il lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour que les conseillers territoriaux des activités physiques soient, suite à une omission de caractère réglementaire, rétablis équitablement dans leurs droits.

Coût financier de la réhabilitation
des logements de gendarmes

1215. - 4 décembre 2001. - M. Jean-François Le Grand attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les derniers textes réglementaires pris à la suite de la loi n° 77-1 du 3 janvier 1977 portant réforme de l'aide au logement et qui s'opposent à ce que l'Etat puisse prendre à bail des logements HLM financés au moyen des prêts locatifs aidés tels que les logements de fonction concernant les personnels de la gendarmerie. Parmi les revendications actuellement exprimés par de nombreux gendarmes revient souvent le problème des casernements, vétustes et inconfortables. Il appartient aux propriétaires (communes, établissements publics intercommunaux [EPCI], conseils généraux) de réhabiliter les immeubles. Cette réhabilitation ne peut se faire que sur la base des loyers payés par la gendarmerie, or ceux-ci sont nettement inférieurs au coût réel des travaux. Les communes et les communautés n'ont pas les moyens financiers pour répondre aux besoins. Aussi, il lui demande de bien vouloir abroger purement et simplement le texte de loi pour permettre justement aux offices HLM de pouvoir réaliser ces logements et se substituer ainsi aux maîtres d'ouvrages dans l'incapacité de le faire.

Réduction du temps de travail
dans les entreprises du bâtiment

1216. - 4 décembre 2001. - M. Jean Arthuis appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la mise en oeuvre, le 1er janvier prochain, de la réduction du temps de travail et son adaptation à l'apprentissage, qui va entraîner des conséquences néfastes pour l'emploi, particulièrement dans les petites entreprises, et pour la formation, notamment dans le secteur artisanal. Il lui indique, en effet, que la rigidité de la réglementation va décourager les petites entreprises artisanales d'embaucher des apprentis. Il lui rappelle que le secteur du bâtiment a pu bénéficier de certains aménagements avec la mise en place de modulations prévues dans les accords de branche, ce qui est absolument crucial pour les entreprises travaillant sur chantiers. Or, compte tenu des textes relatifs aux durées maximales du travail pour les jeunes de moins de dix-huit ans, il lui indique que la modulation n'est pas en pratique applicable aux salariés mineurs, y compris aux jeunes en contrat d'apprentissage ou d'insertion en alternance, puisque ceux-ci ne peuvent être employés à travail effectif excédant sept heures par jour. Il lui demande, en conséquence, puisque l'apprentissage est la filière d'avenir de la formation de l'insertion professionnelle des jeunes, si elle envisage une dérogation dans le cadre de la transposition dans le droit français de la directive 94/33 du 23 juin 1994, qui a donné lieu à l'ordonnance n° 2001-174 du 22 février 2001, puisqu'une dérogation a déjà été accordée aux CFA (centres de formation pour apprentis) qui sont passés à 35 heures et ont organisé leur temps de travail sur quatre jours et demi, puisqu'il était apparu que la mise en oeuvre de la limitation quotidienne de la durée du travail à sept heures pour les apprentis mineurs pouvait poser problème. Il lui rappelle qu'il y va de l'avenir des métiers de l'artisanat, du bâtiment et de la pérennité des petites entreprises artisanales, qui forment aujourd'hui 80 % des apprentis du secteur bâtiment.

Coût financier de la réhabilitation des logements de gendarmes

1215. - 4 décembre 2001. - M. Jean-François Le Grand attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les derniers textes réglementaires pris à la suite de la loi n° 77-1 du 3 janvier 1977 portant réforme de l'aide au logement et qui s'opposent à ce que l'Etat puisse prendre à bail des logements HLM financés au moyen des prêts locatifs aidés tels que les logements de fonction concernant les personnels de la gendarmerie. Parmi les revendications actuellement exprimées par de nombreux gendarmes, revient souvent le problème des casernements, vétustes et inconfortables. Il appartient aux propriétaires (communes, établissements publics intercommunaux [EPCI], conseils généraux) de réhabiliter les immeubles. Cette réhabilitation ne peut se faire que sur la base des loyers payés par la gendarmerie, or ceux-ci sont nettement inférieurs au coût réel des travaux. Les communes et les communautés n'ont pas les moyens financiers pour répondre aux besoins. Aussi, il lui demande de bien vouloir abroger purement et simplement le texte de loi pour permettre justement aux offices HLM de pouvoir réaliser ces logements et se substituer ainsi aux maîtres d'ouvrages dans l'incapacité de le faire.

Réduction du temps de travail dans les entreprises du bâtiment

1216. - 4 décembre 2001. - M. Jean Arthuis appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la mise en oeuvre, le 1er janvier prochain, de la réduction du temps de travail et son adaptation à l'apprentissage, qui va entraîner des conséquences néfastes pour l'emploi, particulièrement dans les petites entreprises, et pour la formation, notamment dans le secteur artisanal. Il lui indique, en effet, que la rigidité de la réglementation va décourager les petites entreprises artisanales à embaucher des apprentis. Il lui rappelle que le secteur du bâtiment a pu bénéficier de certains aménagements avec la mise en place de modulations prévues dans les accords de branche, ce qui est absolument crucial pour les entreprises travaillant sur chantiers. Or, compte tenu des textes relatifs aux durées maximales du travail pour les jeunes de moins de dix-huit ans, il lui indique que la modulation n'est pas en pratique applicable aux salariés mineurs, y compris aux jeunes en contrat d'apprentissage ou d'insertion en alternance, puisque ceux-ci ne peuvent être employés à travail effectif excédant 7 heures par jour. Il lui demande, en conséquence, puisque l'apprentissage est la filière d'avenir de la formation et de l'insertion professionnelle des jeunes, si elle envisage une dérogation dans le cadre de la transposition dans le droit français de la directive 94/33 du 22 juin 1994, qui a donné lieu à l'ordonnance 2001-174 du 22 février 2001, puisqu'une dérogation a déjà été accordée aux CFA (centres de formation pour apprentis) qui sont passés à 35 heures et ont organisé leur temps de travail sur 4 jours et demi, puisqu'il était apparu que la mise en oeuvre de la limitation quotidienne de la durée du travail à 7 heures pour les apprentis mineurs pouvait poser problème. Il lui rappelle qu'il y va de l'avenir des métiers de l'artisanat, du bâtiment et de la pérennité des petites entreprises artisanales, qui forment aujourd'hui 80 % des apprentis du secteur du bâtiment.