SEANCE DU 5 DECEMBRE 2001


Dans la suite de la discussion, la parole est àM. Larifla.
M. Dominique Larifla. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi d'orientation pour l'outre-mer a engagé les départements d'outre-mer sur la voie d'un avenir fait de responsabilités, de solidarité et de développement. Un an plus tard, le budget que vous nous présentez s'efforce de donner les moyens d'atteindre ces objectifs.
Un bilan rapide depuis le mois de décembre 2000, même si l'on peut regretter la persistance de difficultés - et non des moindres - nous permet de constater des améliorations : un nombre de demandeurs d'emploi qui s'inscrit à la baisse, marquant au 30 septembre 2001 un recul de 6,7 % en Guadeloupe ; une diminution du chômage chez les jeunes ; la résorption de l'habitat insalubre qui se poursuit.
Objectif assigné à la loi d'orientation, l'effort de solidarité nationale et d'égalité sociale sera concrétisé cette année avec l'alignement du RMI sur le niveau national au 1er janvier 2002. Peu de chiffres, des tendances, mais pleines de promesses.
Le budget global pour l'outre-mer est, cette année, en augmentation de 3,8 %, augmentation qui s'accompagne d'un renforcement des mesures en faveur des secteurs prioritaires : l'emploi, le logement. Rappelons que le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer ne traduit, en outre, que 11 % de l'effort de la nation en faveur de nos régions. On serait tenté de dire : « promesses tenues ». Mais toute politique d'aujourd'hui construit une société de demain. En cela, chaque action ponctuelle est un engagement pour les générations à venir. Il convient, dès lors, de bâtir un futur en tenant compte des forces et des faiblesses de notre société.
Ainsi, au-delà de la loi d'orientation, le Gouvernement a engagé des réformes d'envergure des structures sociétales. La réduction du temps de travail est de celles-là, et elle devra être mise en oeuvre dans une économie où le tissu des entreprises est caractérisé par la prédominance des petites entreprises. Celles-ci représentent en effet 95 % de l'ensemble. Ces petites structures vont devoir organiser dans le même temps, au 1er janvier 2002, la réduction du temps de travail et le passage à la monnaie unique. Ces deux événements signifient pour elles deux dynamiques contradictoires : réduction simultanée du temps de travail et augmentation des contraintes.
Déjà handicapées par un marché dont la taille est limitée par l'insularité, elles risquent, de plus, de subir le ralentissement de la conjoncture mondiale, ne disposant pas d'une assise financière qui leur permettrait de supporter un accroissement des charges fixes, notamment en termes de masse salariale.
Permettez-leur d'assurer le passage à la monnaie unique sans que les consommateurs en soient les premiers perdants, mais non les seuls. Il est devenu impératif que soit reporté au 1er juillet 2002 le passage aux 35 heures. Cette mesure volontariste et structurelle pour la baisse du chômage pourra, à cette condition, accélérer les dispositifs instaurés par la loi d'orientation pour l'outre-mer.
Lorsqu'on parle d'emploi, s'il est une population qui mérite toute notre attention, ce sont les jeunes.
Le projet initiatives-jeunes leur offre le choix entre une formation professionnelle et la création d'une activité d'entreprise. Soutenons-les compte tenu des contraintes de développement et, surtout, de maintien de ces activités qu'ils doivent affronter. L'économie de marché suppose des règles, auxquelles la Guadeloupe ne déroge pas ; l'Etat est correcteur des défaillances de ce marché. Dans ce cadre, ces jeunes, qui sont notre avenir, ont besoin d'atouts pour s'y maintenir.
Dans l'ensemble, la mise en oeuvre des mesures contenues dans la loi d'orientation a permis une amélioration de la situation de l'emploi en Guadeloupe. Ce sont au total 12 000 jeunes qui ont bénéficié de ces emplois aidés en 2001, que le budget 2002 prévoit d'augmenter de 100 000 bénéficiaires, pour l'ensemble des départements d'outre-mer.
En Guadeloupe, la concertation est engagée sur l'instauration du dispositif congé solidarité entre l'Etat, les collectivités territoriales et les entreprises. L'issue positive des discussions complétera le volet de la loi d'orientation en faveur de l'emploi. Ainsi, la solidarité jouera pleinement au travers du congé solidarité pour nos jeunes. Par ces mesures, le Gouvernement a impulsé des créations d'emplois pour cette catégorie vulnérable. La pérennisation de ces emplois devient un impératif pour cimenter l'avenir.
Nous parlions de responsabilité : elle est le lien nécessaire pour qu'un soutien ne se transforme pas en assistance, voire en assistanat.
J'attire maintenant votre attention sur le secteur de l'hospitalisation publique, pièce maîtresse du développement. Dans ce domaine, pour répondre à une prise en charge globale de pathologies parfois spécifiques et au développement de pôles d'excellence, le Gouvernement a consenti des efforts financiers importants. La quasi-totalité des établissements de santé de la Guadeloupe fait l'objet de restructurations lourdes ou de reconstructions totales.
Couvrant deux contrats de plan, ces opérations représentent 930 millions de francs. A la faveur de ces contrats, les établissements de santé bénéficient d'apports de fonds européens et de l'Etat.
Si ces mesures très positives rendent réalisables ces investissements en termes de financement, il ne semble pas que les budgets dévolus à l'agence régionale d'hospitalisation autorisent le financement des surcoûts qui en découlent. De plus, d'une façon générale, le groupe 4 des budgets hospitaliers est très bas en raison de la vétusté qui rend aujourd'hui nécessaires les investissements. Il est donc souhaitable d'anticiper dès 2002, par une enveloppe spécifique, la neutralisation de ces surcoûts intolérables.
Enfin, une fois réunies les conditions d'une population qui travaille, en bonne santé, j'en arrive à ce qui constitue la seconde priorité du Gouvernement au travers de ce budget : le logement. Car pas d'égalité sociale sans égalité devant le logement.
La Guadeloupe se situe encore dans une dynamique de rattrapage qui s'oganise en fonction de contraintes spécifiques : des besoins importants compte tenu d'une croissance démographique plus rapide qu'en France hexagonale, un parc de logements insalubres, un revenu moyen bas, reflet d'une proportion élevée de bas salaires.
Le processus d'unification des barèmes de l'allocation logement visant à réduire les inégalités entre les allocataires s'est poursuivi et a conduit au maintien, au 1er janvier 2001, d'un seul barème pour l'allocation logement en secteur locatif.
Le dispositif « logement en accession différée » expérimenté en Guadeloupe vient combler un vide qui excluait de l'accession à la propriété certaines catégories de revenus. Il permet de prévoir un progrès en matière d'accession, puisque deux mille attributions sont d'ores et déjà prévues pour 2002.
Mais cette mesure risque, à terme, de voir ses effets limités si une recherche d'espaces constructibles n'est pas rendue possible. A cet égard, il faut saluer les études menées par l'agence foncière de la Guadeloupe, qui évalue à plusieurs centaines d'hectares les espaces potentiellement constructibles, en particulier les « dents creuses » dans les centres bourgs. Dans cette perspective, une réflexion sur la question des indivisions persistantes qui constituent une entrave à une urbanisation harmonieuse doit être menée.
Vous l'avez compris, ce budget a été un prétexte pour poser les jalons d'une réflexion sur l'avenir de notre société.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget est le produit d'une méthode fondée sur la concertation et l'écoute, seule à même d'apporter des réponses à des difficultés bien comprises par ailleurs. Conçu dans le prolongement de la loi d'orientation pour l'outre-mer, il se veut en rupture avec une logique du coup par coup pour s'inscrire dans une démarche de développement durable.
Répondant à notre volonté, le gouvernement de Lionel Jospin nous a engagés sur la voie de la réforme de nos institutions, occasion pour nous de proposer un véritable projet de société. La réunion prochaine du congrès des élus départementaux et régionaux marquera une étape importante, mais ce ne sera pas l'ultime, car notre projet se doit surtout d'être élaboré avec la sagesse. Or, comme dit Confucius, « le sage s'applique à être lent dans ses paroles et diligent dans ses actes ». (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, je soutiens la politique que traduit votre budget, je voterai donc vos crédits. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le temps qui m'est imparti, je ne pourrai pas vous raconter la Guyane d'aujourd'hui. Vous l'avez d'ailleurs lue et vue déjà suffisamment !
La Guyane de demain, la Guyane du futur, ce sont les femmes, les hommes, les jeunes et les vieux de ce grand et magnifique pays qui l'écriront avec nous. D'ailleurs, pour vous mettre au parfum, nous avons déjà commencé à écrire une autre histoire, monsieur le secrétaire d'Etat !
C'est donc dans ce futur que je me situe et, pour le préparer, je ne pense pas pouvoir me contenter de me réjouir de budgets, certes, en progression, mais qui n'atteignent aucun objectif défini.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous savez l'ambition que les élus de Guyane nourrissent pour leur pays.
Le 19 septembre 2001, vous exposiez comment le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer exprime les orientations et les engagements du gouvernement de M. Lionel Jospin pour l'ensemble des départements, territoires et collectivités d'outre-mer. « Ce nouveau pacte républicain voulu pour l'outre-mer s'accompagne, disiez-vous, de moyens comme il n'y en a jamais eu jusqu'ici pour l'outre-mer. » Vous êtes né dans les années soixante. J'ai donc le privilège de l'âge, et l'occasion m'a été donnée plus d'une fois d'entendre ce même discours. Si, autrefois, quand j'avais votre âge, j'en éprouvais quelque agacement, aujourd'hui, je préfère en sourire car, après vous, les discours seront toujours les mêmes, assortis quelquefois de nuances circonstancielles.
Pendant le temps qui vous reste, vous tenterez de faire de votre mieux pour que les fonds mis à votre disposition soient utilisés convenablement et rapidement. Mais, hélas ! pour réaliser, il faut de l'audace. Or, si l'audace des hommes d'Etat de la France et celle des décideurs élus des pays d'outre-mer ne convergent pas, il n'y aura pas les réalisations qu'attendent les peuples d'outre-mer.
Sans une loi de programme pour chacun des pays d'outre-mer, définissant les objectifs clairs, à moyen et à long terme, en matière économique et sociale, comportant des prévisions de dépenses chiffrées, et notamment en autorisations de programme, pour la réalisation de ces objectifs, il n'y aura pas de développement économique réel et durable.
Ce budget, dites-vous, et c'est votre droit de le penser, vous assure de pouvoir mener à bien une politique dont les dimensions institutionnelles et sociales ne sont pas indissociables.
Cette politique pour l'outre-mer que vous nous proposez est la vôtre ; elle est continuelle depuis cinq ans ; mais laissez-moi douter de son efficacité.
Le chômage, l'insécurité, l'immigration, les fermetures d'entreprises, la dégradation de la santé, les mauvais résultats au baccalauréat, bref, pourriez-vous nous dire si les fonds votés au titre du budget de 2001 pour l'outre-mer ont été utilisés ou, à tout le moins, quel aura été leur taux d'utilisation ?
Quand bien même les budgets augmenteraient régulièrement tous les ans, ils n'ont jamais permis, dans le passé, d'embellir la situation économique et sociale de l'outre-mer.
C'est le système politico-administratif qui ne le permet pas !
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous n'allons pas nous quereller, en cette fin de législature, sur les sommes mises à la disposition de l'outre-mer, et nous n'allons pas non plus faire « zouker » les chiffres que vous nous proposez. (Sourires.)
Mon regard sur l'outre-mer est bien plus lointain, car je pense à cette jeunesse, inquiète, le dos au mur, obligée de choisir l'exil et le déracinement, d'autant que l'Etat, en ne prenant pas les dispositions qu'impose la situation sociale, se rend complice, en Guyane, d'un génocide par substitution.
La population est composée à plus de 50 % de communautés étrangères qui immigrent avec insolence et qui constituent une des causes du non-développement de la Guyane.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les Guyanais français de Guyane ont démontré depuis des siècles combien ils savaient accueillir d'autres peuples. Ce fut le cas pour les Martiniquais, en 1902, après l'éruption de la montagne Pelée ; ce fut le cas pour les Saint-Luciens, les Chinois, les Haïtiens, les Hmongs, les Surinamais, les Guyaniens...
Ce pays de Guyane, à qui l'on a imposé pendant des années les rebuts de la société française en y instaurant le bagne, voit aujourd'hui des Roumains venir mendier dans les rues de Cayenne en exhibant des cartes de séjour délivrées par les services de l'Etat !
Non, monsieur le secrétaire d'Etat, trop, c'est trop !
Nous préférerions une autre forme d'immigration, celle qui serait décidée par les élus de Guyane pour concourir au développement, et non pas celle qui vient conquérir l'assistanat pour profiter de prestations sociales versées sans retenue.
La Guyane n'est pas la poubelle du monde, monsieur le secrétaire d'Etat. Expliquez-moi pourquoi ces gens-là ne se sont pas installés dans la commune de Lormes ou dans des villes comme Rennes ou Rouen ?
Roumanie, Colombie, Brésil, Guyane ? Non, trop, c'est trop ! Il vous appartient de les embarquer et de les remettre là où ils étaient ! Je connais l'humanisme de la France, mais un humanisme sans retour est un mauvais humanisme.
S'agissant de la filière pêche, le syndicat des pêcheurs et armateurs de la pêche artisanale poisson, le PAPAP, et le syndicat de la pêche semi-industrielle et artisanale de Guyane, le SPSIAG, ont voulu récemment réaliser un blocus au large des côtes de Kourou pour empêcher l'envol de la fusée Ariane.
Vous êtes conscient des difficultés tant financières que de développement de la filière pêche. Le pillage des côtes guyanaises par les bateaux coréens, brésiliens, surinamais et guyaniens ne permet pas de stabiliser la ressource dans la limite de la zone économique exclusive, la ZEE. La conséquence majeure en est que les entreprises de pêche sont dans une situation financière insoutenable.
La production pour 2000 a chuté à 2 647 tonnes, soit un différentiel de 1 438 tonnes par rapport à une année moyenne et un manque à gagner de 87 millions de francs. Cette situation a progressivement fragilisé la filière. L'année 2001 a été aussi désastreuse que la précédente, et toutes les compagnies de pêche crevettière sont actuellement confrontées à une situation de trésorerie très difficile.
La filière artisanale de la pêche n'est pas mieux lotie.
L'indemnité pour préjudice, à verser d'urgence, qui est réclamée par la filière doit être impérativement suivie de la réalisation de l'étude bio-économique permettant de restaurer la rentabilité économique des entreprises par la mise en place de mesures de gestion durable de la ressource. Quelle réponse pouvez-vous apporter pour résoudre les difficultés de ce secteur ?
La loi d'orientation pour l'outre-mer a confié une compétence aux collectivités dans le cadre de la gestion de la ressource maritime, mais vous avez oublié de transférer les moyens financiers et les compétences nécessaires pour assurer la protection et la défense de la zone. Il nous faut à chaque fois demander le secours de l'Etat, notamment de sa vedette : ce n'est pas avec nos pirogues que nous pourrions défendre notre zone exclusive !
Il n'est pas non plus inutile de rappeler que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République et que l'une de ses missions premières est d'assurer aussi leur défense.
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous interroger - et d'attendre une réponse - sur les différentes démarches effectuées par le président du conseil général et par moi-même pour le remboursement de la dotation de la couverture maladie universelle, qui a supprimé l'aide médicale des compétences départementales.
Vous n'ignorez pas, en effet, que les modalités financières de ce transfert ont été vivement contestées par de nombreux départements, dont les quatre départements d'outre-mer.
Pour mon département, le prélèvement de la dotation générale de décentralisation, la DGD, s'élève à 92,13 millions de francs. Du fait de cette pénalisation, le conseil général de la Guyane accuse un déficit qui le place dans une situation difficile.
Je vous sais très sensible à cette préoccupation ; vous devez donc rester vigilant, et efficace, pour que justice soit rendue à ce département qui souffre d'une immigration non contrôlée et à qui la loi fait obligation de rembourser les dépenses de santé occasionnées, il est vrai, par une très large partie de la population immigrée.
Sachant que vous ne serez peut-être pas présent, l'année prochaine, pour nous parler de l'exécution de ce budget, je ne m'attarderai pas sur les augmentations que vous avez programmées pour soutenir le développement économique et social, pour rénover l'habitat, pour contribuer au fonctionnement et au programme d'investissements des collectivités et territoires d'outre-mer. Si, par impossible, vous étiez encore là, nous ferions alors une évaluation, sinon un bilan.
Afin de renforcer et de diversifier les interventions en faveur de l'emploi et du logement, vous avez l'intention de poursuivre également la mise en oeuvre de la loi d'orientation pour l'outre-mer. Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que nous puissions nous retrouver pour tirer le bilan, le moment venu, des actions que votre gouvernement a menées depuis cinq ans et qui auraient pu permettre aux pays d'outre-mer de quitter, enfin, la catégorie des pays en retard de développement, ce qui est l'objectif numéro un.
Avec ce budget, certes des sommes importantes seront affectées dans le domaine de l'action économique ; mais pour quelle économie ? Dans le domaine de l'emploi ; mais pour quel métier ? Dans le domaine social ; mais pour quelle société ? Dans le domaine culturel ; mais pour quelle culture ?
Oui, vous avez accepté d'introduire, dans votre loi d'orientation pour l'outre-mer, le congrès. Il est vrai que les élus guyanais n'ont pas attendu la loi d'orientation pour se réunir en congrès.
Depuis cinq ans, après les états généraux et leur rapport final, qui a été remis officiellement à votre prédécesseur, après le pacte de développement et, aujourd'hui, le projet d'accord politique dont le contenu est soumis à vos observations, le processus est engagé.
Nous espérons la signature, avant la fin de l'année, d'un accord politique entre le Gouvernement et la délégation guyanaise, avec l'engagement ferme du dépôt du projet de loi de consultation du peuple guyanais assorti de la révision constitutionnelle du titre XII de la Constitution, notamment de son article 73 permettant à notre collectivité d'initier des lois de pays.
Vous souhaitez rompre avec l'assistanat, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous avez raison. Vous proposez la solidarité : quelle farce ! Votre budget n'est qu'un budget d'assistance pour un peuple assisté. Nous aurions souhaité un budget de responsabilité pour entreprendre une autre politique. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne suis pas ici pour évoquer les futures campagnes électorales, présidentielle ou législative. Je ne suis pas ici non plus pour parler du statut de l'outre-mer, encore que j'aurai l'occasion de démontrer que nous avons un projet pour notre pays et que nous sommes suffisamment responsables et fiers pour présenter ce qui nous paraît nécessaire pour son développement, son rayonnement et sa dignité. Nous sommes ici pour examiner le budget de l'outre-mer.
J'avais pensé - j'avais espéré, j'avais rêvé - que la situation de l'outre-mer connaîtrait une embellie. Mais que dire de ce budget ? L'effet d'annonce est certes extraordinaire : le budget de l'outre-mer s'élève à 7 milliards de francs, en progression de 3,8 %. C'est très beau !
Mais figurez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que nos compatriotes ont évolué. Ils savent comment on peut jongler avec les chiffres, et nous nous chargeons de bien leur expliquer ce que sont une autorisation de programme et un crédit de paiement. L'important pour nous est de savoir non pas si votre budget augmente, mais s'il donnera les résultats que la population en attend. C'est la raison pour laquelle je vous poserai un certain nombre de questions, et je vous lance un défi : je n'obtiendrai pas de réponse !
Ma question, monsieur le secrétaire d'Etat, est claire : que reprochez-vous à la région que je préside ?
J'évoquerai, par exemple, le prix de l'essence, qui a baissé de 15 centimes à la Martinique, alors qu'à la Guadeloupe le préfet vient de l'augmenter de 30 centimes. Sans doute est-ce pour pouvoir critiquer ma gestion à l'occasion des prochaines élections ! Mais je saurai me défendre, et sachez que je le ferai.
Savez-vous pour quelle raison le prix de l'essence a augmenté ? Uniquement pour permettre à une société capitaliste, en l'espèce la SARA, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles, de réaliser sur le dos des seuls Guadeloupéens des investissements, prévus par l'Europe, qui doivent être achevés d'ici à 2006, alors que leur nécessité ne se fait pas encore sentir.
J'en viens au remboursement des fonds européens. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas le contester - le représentant européen a été très clair sur ce point -, les fonds de formation professionnelle accordés en 1998 à la Guadeloupe au titre du fonds social européen, le FSE, seront remboursés en juin 2002. Bercy nous doit donc 68 millions de francs, puisque - nous en avons la preuve - ces sommes ont été versées par Bruxelles. Que pouvez-vous répondre à cela ?
Selon une expertise menée conjointement par le secrétariat d'Etat au budget et votre secrétariat d'Etat, l'Etat doit à la région Guadeloupe 27 millions de francs au au titre du FIDOM, le fonds d'investissement pour l'outre-mer. Que pouvez-vous me répondre ?
On a beaucoup parlé de la loi d'orientation pour l'outre-mer. Vous vous êtes permis de prélever 3 % des recettes régionales au profit des communes de plus de 50 000 habitants ; or il n'existe qu'une seule commune de plus de 50 000 habitants : Les Abymes, dont le député-maire est l'un de vos amis. De ce fait, vous prélevez 24 millions de francs sur les impôts payés exclusivement par les compatriotes guadeloupéens. Que pouvez-vous me répondre ?
Vous avez également prélevé 30 % sur la taxe sur les passagers, qui sert au développement et à la promotion touristique, au profit des seules marinas de Gosier et de Saint-François. Enfin, vous avez enlevé 8 millions de francs au budget de la région.
Quant aux dégâts provoqués par le cyclone Lenny, alors là, c'est extraordinaire ! Le cyclone Lenny a détruit toute la Côte Sous-le-Vent. Les dommages ont été estimés par la direction départementale de l'équipement, ou DDE, sous le contrôle du préfet, à 48 millions de francs. On nous a dit de commencer les travaux ; nous avons donc commencé les travaux en 1998, la DDE étant le maître d'oeuvre. Et aujourd'hui, vous annoncez que vous ne rembourserez que 36 millions de francs - nous les attendons d'ailleurs encore, mes chers collègues ! Nous perdons donc 12 millions de francs. Et pourquoi ? Parce que, comme vous n'avez pas de crédits, vous recourez aux subventions, ce qui nous fait perdre la TVA. Nous savons aussi calculer ! (Sourires.)
Pour ce qui est du transport, vous refusez de reconnaître à la Guadeloupe le caractère d'archipel. L'agriculture de Marie-Galante ne vit que de la canne. Il est vrai que, sur ce point - je vous donne raison -, nous sommes parvenus à un protocole et que vous avez accordé des crédits ; mais une part importante reste à notre charge. Or vous refusez aux agriculteurs de Marie-Galante la possibilité d'aller à Pointe-à-Pitre faire des courses. Un habitant de Saint-Martin doit payer 1 800 francs un billet d'avion pour venir se faire hospitaliser !
Mais ce niveau des prix des transports intérieurs de la Guadeloupe nous coûte 26 millions de francs, car l'Etat n'apporte aucune contribution ! Et là où les choses deviennent extraordinaires, c'est quand vous faites parvenir au conseil général de la Guadeloupe une ordonnance réglant le transport intérieur !
Les choses bougent depuis des années, dans le domaine du transport intérieur ; ce problème mérite d'être réglé, vous avez raison. Mais, comme vous aimez agir avec l'argent d'autrui, vous expliquez au conseil général que vous allez prélever 10 % sur le fonds d'investissement routier pour les transports, soit 80 millions de francs, pour les transformer en subventions destinées au transport. Que pouvez-vous me répondre ?
Ainsi donc, même en mettant de côté les fonds européens du FSE - que vous avez encaissés, mais que vous gardez - et ceux du FIDOM, même en mettant de côté toutes ces sommes, savez-vous combien, aujourd'hui, l'Etat doit à la région Guadeloupe, en recettes propres ? Faites l'opération : 21 + 8 + 12 + 26 + 80, on arrive à 147 millions de francs !
Alors, vous pouvez nous annoncer que votre budget augmente de 10 %, de 15 % ou de 20 % ! Je vous répondrai : remboursez-nous d'abord ces 147 millions de francs, ensuite j'examinerai votre budget. C'est ce que j'ai dit à la population de ma région, n'en déplaise à ceux qui ne croient pas à ma puissance sur le terrain. Mais la politique consiste à essayer de me mettre à genoux ! (M. le secrétaire d'Etat sourit.)
Vous pouvez sourire, monsieur le secrétaire d'Etat ! Vous avez utilisé des fonds publics pour financer la venue de trois inspecteurs de la direction générale des finances dans ma région afin qu'ils contrôlent une association, et ces inspecteurs se sont permis de me convoquer devant un juge d'instruction, comme si j'allais à l'école le jeudi et que je ne connaissais pas la loi française ! De telles méthodes relèvent du grand spectacle !
Vous offrez 23 millions de francs au maire de Vieux-Habitants pour qu'il puisse résorber son déficit, le bruit courant, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il serait candidat aux élections législatives.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. C'est le déficit de son prédécesseur !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Mais parlons du déficit de nos prédécesseurs ! Lamentin : déficit de votre ami ; Baillif : déficit de votre ami ; Saint-Louis-Marie-Galante : déficit de votre ami ; Terre-de-Bas : déficit de votre ami ; Saint-Anne : déficit de votre ami... Voilà ce dont nous avons hérité en gagnant les élections dans des communes en déficit chronique.
Les 23 millions de francs que vous avez offerts à l'un de vos amis, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi ne pas les avoir donnés au PACT, association chargée de l'amélioration de l'habitat, dont le trésorier était un fonctionnaire de la DDE et travaillait sous le contrôle du trésorier-payeur général. Il a laissé un déficit occulte - je pèse bien mes mots - de 27 millions de francs. L'Etat aurait dû aider à remettre cette structure sur pied : le PACT a disparu, nul n'en a plus entendu parler !
Aujourd'hui est survenue à l'hôpital de Pointe-à-Pitre une panne d'électricité : on ne sait pas ce qui s'est passé, mais il y a eu des morts.
J'aborderai maintenant le problème de la sécheresse. Tout le monde - ami ou ennemi - a bien ri quand le ministre de l'agriculture a annoncé la construction d'une usine de dessalement de l'eau de mer. Elle a été installée. En réalité, son débit en eau dessalée correspondait à des biberons d'eau ! Elle a disparu.
Vous n'avez encore rien payé pour la sécheresse, alors que 3 600 dossiers ont été déposés. Certes, quelques petits versements ont été consentis aux planteurs de canne : 25 francs pour le différentiel entre la production de l'année dernière et celle d'aujourd'hui. Je peux vous citer tous les chiffres !
Après cette catastrophe sont arrivées les chenilles. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'êtes pas présent ! Vos services ne viennent pas sur le terrain pour constater cette catastrophe qui accable les Guadeloupéens !
Mes compatriotes me disent qu'ils ne tirent aucun bénéfice de l'augmentation de votre budget.
On a beaucoup parlé de la loi d'orientation. J'ai déjà signalé qu'un cadeau avait été fait aux marinas et un autre aux transports, tous deux au détriment de la région.
Pouvez-vous nous indiquer le montant des dégrèvements fiscaux accordés à ce jour ? Nous connaissons les chiffres, nous aussi : 127 800 francs, d'après le trésorier-payeur général de Basse-Terre.
On avait dit de la loi d'orientation qu'elle représentait un effort considérable qui se compterait en millions de francs. Pour le moment, c'est la procédure prévue par le code général des impôts qui est appliquée, si bien que l'on avance à la vitesse d'une tortue.
Les remises accordées par la sécurité sociale sont importantes, c'est vrai, puisqu'elles s'élèvent à 350 millions de francs ; mais elles n'ont servi qu'à éponger les cotisations dues par le département de la Guadeloupe et par la ville de Pointe-à-Pitre !
S'agissant du RMI, nous pensons qu'il faut faire preuve de respect.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la France a été assignée devant les instances européennes pour une irrégularité concernant l'octroi de mer ; le service des douanes a déposé un mémoire que, d'un point de vue juridique, j'appelle un « petit zéro » ; la France a perdu ; et qu'a fait votre directeur général des douanes à la Guadeloupe ? Il m'a écrit pour me dire que le montant de l'amende à laquelle a été condamné l'Etat serait prélevé sur le budget de la région !
Je suis restée très calme, mais je n'ai perdu ni mes forces ni ma vitalité, et je saurai encore me faire respecter. Je ne peux pas voter un budget qui n'est que du vent ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Payet, dont je salue la première intervention à la tribune. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention n'envisagera pas la totalité des mesures définies pour l'outre-mer dans ce projet de loi de finances 2002, afin de pouvoir mieux analyser l'une des priorités que vous vous êtes fixées.
Les trois priorités sur lesquelles est axé ce projet de budget sont l'emploi, le logement et l'effort en direction des collectivités locales. Elles sont évidemment nécessaires tant pour le développement économique et social des départements d'outre-mer que pour leur attachement à l'identité d'une République dont la diversité culturelle révèle toute la richesse.
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous exposer mes préoccupations sur une seule de ces priorités : l'accès au logement et la réhabilitation des logements pour les plus démunis.
Commençons par un constat. A l'instar des autres départements d'outre-mer, la Réunion souffre de handicaps chroniques. La croissance démographique est bien supérieure à celle de la métropole. Le revenu moyen est peu élevé, ce qui reflète une forte proportion de bas salaires. Le taux de chômage, de 36,5 %, est supérieur à celui des autres départements d'outre-mer.
Par ailleurs, les disponibilités foncières sont limitées, compte tenu de notre environnement insulaire et du choix difficile qui nous est proposé entre l'application stricte du schéma d'aménagement régional, le développement de l'urbanisation et la protection des terres agricoles.
En outre, les communes n'ont pas les moyens de participer aux opérations portant sur les logements et, surtout, le parc de logements insalubles est très important puisqu'il est estimé à 20 980 habitations, soit 10 % du parc total de la Réunion et près de 50 % de l'ensemble des logements insalubres des départements d'outre-mer.
Ces obstacles, que vous connaissez, monsieur le secrétaire d'Etat, et que vous avez pu mesurer lors de vos déplacements dans notre département, appellent un effort financier qui doit être davantage soutenu.
Entrons un peu plus avant dans le détail des mesures que vous comptez prendre. J'évoquerai d'abord le logement social.
Depuis 1998, les dotations abondant la ligne budgétaire unifiée, la LBU, se situent aux environs de 75 millions d'euros, en comptant la créance de proratisation du RMI. En 1997, ce sont 4 412 logements qui avaient ainsi pu être financés, contre 3 129 seulement en 2000 ; 5 477 logements étaient programmés en 2001, dont 92 % de logements sociaux.
Mais les dernières statistiques que j'ai pu obtenir auprès des professionnels de ce secteur dans mon département font ressortir que, sur 2 225 appels d'offres lancés entre 2000 et 2001, seuls 58 dossiers ont été traités, ce qui a permis la réalisation effective de 400 nouveaux logements seulement en 2001. Je note par conséquent une grande différence entre ce qui est programmé et ce qui est effectivement réalisé !
Compte tenu des handicaps que je vous ai déjà exposés, les objectifs fixés en matière de programmation du logement social à la Réunion font apparaître la nécessité de construire ou d'améliorer un minimum de 6 000 logements par an. Par ailleurs, pour l'ensemble des DOM, ce sont près de 15 360 logements qui doivent faire l'objet d'une aide. Ces besoins représentent par conséquent un tiers de plus que ce que vous prévoyez dans ce budget.
En définitive, le projet de loi de finances pour 2002, qui prévoit pour l'ensemble de l'outre-mer la réalisation de 10 700 logements nouveaux et l'amélioration de 6 000 autres, n'est à l'évidence pas assez ambitieux.
Les représentants des départements d'outre-mer savent très bien que l'augmentation de la LBU inscrite dans ce projet de loi compense en réalité la suppression progressive de la créance de proratisation du RMI. Il aurait été judicieux de consacrer davantage de crédits à la seule politique du logement social afin de compenser intégralement la disparition de cette créance.
Au-delà de ces chiffres - même s'ils sont en progression -, les crédits d'aide au logement ne sont pas entièrement consommés et sont en partie reportés d'une année sur l'autre. En effet, les constructeurs de logements sociaux rencontrent de plus en plus de difficultés dans le montage de leurs opérations. Les contraintes administratives ou économiques retardent, parfois même empêchent la réalisation de certains projets.
Plusieurs opérations programmées par les maîtres d'ouvrages ont dû être différées, voire abandonnées, en raison de difficultés liées à la maîtrise foncière ; on ne peut que le déplorer.
Laissons-là les mesures en faveur du logement social pour nous pencher sur les difficultés concernant la politique d'amélioration de l'habitat insalubre.
L'amélioration de l'habitat et la résorption de l'habitat insalubre sont essentielles dans notre île, qui ne dispose pas, comme je l'ai déjà indiqué, de réserves foncières extensibles. Près de 21 000 habitations, où vivent 90 000 personnes, doivent être améliorées à la Réunion. Aussi faut-il tout mettre en oeuvre pour que l'accès aux subventions et aux crédits soit simplifié. Savez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faut attendre de seize mois à quatre ans entre le dépôt d'un dossier et la réalisation des travaux ?
Comme tous les DOM, notre département souffre de ce problème mais il en souffre d'une manière plus aiguë que les autres puisque la moitié de l'ensemble des logements précaires et insalubres des DOM s'y trouve.
Une autre difficulté tient au champ d'application de la TVA au taux réduit de 2,1 %. En effet, les règles applicables à certaines réalisations outre-mer semblent avoir été calquées sur les priorités de la métropole puisqu'elles sont ciblées sur l'aménagement intérieur de l'habitation. L'amélioration de l'habitat, à la Réunion et dans les DOM, est au contraire surtout centrée sur l'extérieur. Ce sont essentiellement des travaux d'extension et de reconstruction partielle qui doivent être engagés. Or ces travaux n'entrent pas dans le champ d'application du taux réduit de 2,1 %.
C'est pourquoi je souhaite que vous apportiez une attention toute particulière à cette question de l'élargissement du champ d'application de la TVA au taux réduit de 2,1 % afin que celui-ci soit applicable aux travaux d'amélioration de l'habitat dans les DOM.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les crédits consacrés au logement dans le projet de budget de l'outre-mer sont, c'est vrai, en progression, et vous ne manquez pas de le souligner. Toutefois, dans ce domaine, qui constitue pourtant l'une de vos priorités, comme dans les autres, vous ne proposez que des solutions temporaires qui ne seront d'aucun effet en termes de développement durable. Les mesures envisagées et les crédits accordés permettront sans doute quelques améliorations à court terme mais en aucun cas une politique à long terme.
Pour le logement comme pour l'emploi, les effets d'annonce et les chiffres en progression cachent mal un manque d'ambition général de la part de votre gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce débat budgétaire me donne l'occasion de vous rendre compte de la situation en Nouvelle-Calédonie.
En juillet 1998 et en mars 1999, la Haute Assemblée a soutenu massivement les Calédoniens en adoptant la loi constitutionnelle et la loi organique qui leur permettent de forger leur destin commun.
Depuis lors, la mise en place des institutions nées de l'accord de Nouméa s'est faite sans difficulté majeure, en dépit de quelques divergences de points de vue sur leur fonctionnement.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je tiens à vous rassurer pleinement sur l'expression du jeu démocratique au sein de notre archipel et à vous réaffirmer notre certitude d'avoir choisi la bonne voie.
Grâce à sa stabilité institutionnelle, la Nouvelle-Calédonie peut désormais non seulement s'efforcer de consolider ses bases économiques, mais aussi s'engager dans de grands projets de société.
L'un d'eux, dont le principe est inscrit en toutes lettres dans l'accord de Nouméa, est la couverture sociale généralisée, seul moyen de préserver un niveau de santé concevable.
La Nouvelle-Calédonie bénéficie, rappelons-le, d'un système de soins équivalent à celui d'un pays développé. Les collectivités assument une grande part de la charge financière, mais ce dispositif a largement atteint ses limites en termes de financement.
Le congrès de la Nouvelle-Calédonie est donc sur le point d'adopter une loi du pays ayant pour objet la mise en oeuvre d'une généralisation de la couverture sociale à toutes les composantes de la population calédonienne, projet qui est le fruit d'un travail de très longue haleine.
Si je souhaite appeler votre attention sur cette question, c'est en raison de la défaillance d'un maillon de ce dispositif basé sur la solidarité globale. Ce maillon, c'est l'Etat.
En effet, l'affiliation des fonctionnaires de l'Etat en poste en Nouvelle-Calédonie, qui est une condition essentielle de l'équilibre du système, n'est malheureusement pas acquise, le Conseil d'Etat ayant relevé que cette disposition ne peut être votée par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous sollicite une nouvelle fois, au nom des Calédoniens, et j'en appelle à votre soutien, mes chers collègues, pour que soient adoptées, à l'occasion de prochains travaux parlementaires, des dispositions permettant d'instituer le principe de cette affiliation des fonctionnaires de l'Etat à la sécurité sociale calédonienne, simultanément à la mise en place de ce régime par les autorités calédonniennes.
Autre sujet d'inquiétude, qui est lié au transfert des compétences de l'Etat à la Nouvelle-Calédonie et constitue également un des fondements de l'accord politique que nous avons signé en mai 1998 : les « ratés » du processus relevés dans son rapport par notre collègue Roland du Luart. Et, à en croire les observations formulées par nos collègues députés, ces derniers portent sur la question un jugement tout aussi sévère.
Nous avons obtenu le transfert au 1er janvier 2000 des compétences relatives aux services des mines, du commerce extérieur, de l'enseignement primaire et du travail, sans que ce mouvement soit accompagné des ressources financières correspondantes dans les lois de finances pour 2000 et pour 2001.
S'agissant de l'enseignement primaire public, une fraction de la dotation de l'Etat, désormais versée aux provinces, devait continuer à être versée à la Nouvelle-Calédonie pour contribuer à la formation des maîtres. Or, en 2001, ces crédits n'ont pas été versés, du fait de la non-signature d'une convention entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie.
Nous sommes donc, depuis le démarrage de ce processus de transfert, dans l'obligation de négocier avec les représentants de l'Etat chaque étape de la participation financière de ce dernier, alors que le principe même de la compensation des charges a été communément admis par les signataires de l'accord de Nouméa et qu'il est clairement inscrit dans la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie.
L'enseignement du second degré, qui est actuellement une compétence exercée par l'Etat en Nouvelle-Calédonie, soulève un problème du même ordre.
Depuis 1990, les collectivités provinciales assument la responsabilité de la réalisation, de l'entretien et du fonctionnement des collèges, la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie adoptée le 19 mars 1999 ayant confirmé que cette attribution leur revenait.
En contrepartie, la représentation nationale a adopté le principe du versement par l'Etat d'une dotation globale de construction et d'équipement des collèges au profit des provinces de Nouvelle-Calédonie. Inscrite au chapitre 41-56, cette dotation devait évoluer, à compter de 2001, en fonction de la population scolarisée.
Dans la pratique, le dispositif de financement mis en place par l'Etat en application de la loi organique ne tient pas compte des disparités constatées dans l'évolution des besoins en scolarisation identifiés dans chacune des provinces.
Les besoins se situent, en effet, essentiellement dans l'agglomération de Nouméa, où les collèges sont en sureffectifs croissants.
La province Sud a donc été contrainte de s'engager dans un programme ambitieux de construction de collèges, mais sans être suffisamment soutenue financièrement par l'Etat, qui couvre à peine la moitié des dépenses engagées à cette fin, comme l'a noté M. le rapporteur spécial.
Ainsi, au regard de son obligation d'accueillir la population scolaire du Sud, la collectivité ne bénéficie pas d'un niveau de financement acceptable. Pourtant, chacun sait l'importance des moyens consacrés à l'éducation dans la construction d'une société harmonieuse et responsable.
C'est pourquoi je souhaite vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, d'une part, que vous acceptiez le principe d'une révision du montant de cette dotation globale et de ses modalités de répartition entre les trois provinces, d'autre part, que l'Etat mette tout en oeuvre pour compenser les transferts de charges.
Nous sommes parfaitement conscients de l'effort consenti par la nation en faveur de l'outre-mer et, en particulier, de la Nouvelle-Calédonie. Je tiens ici à vous exprimer, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au nom de nos compatriotes, notre profonde reconnaissance pour ce soutien, qui nous est indispensable, car il engage notre avenir.
Le processus d'émancipation, choisi par les Calédoniens, a pour fondement un équilibre politique auquel vous avez adhéré et pour objectif constant l'essor économique, social et culturel d'une population dont la France est l'unique patrie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Il y a moins d'une semaine, monsieur le secrétaire d'Etat, vous visitiez pour la deuxième fois Wallis-et-Futuna, témoignant de l'intérêt que vous portez à notre territoire. Vous avez ainsi pu rencontrer les responsables locaux et la population, et aussi faire le tour des principaux chantiers en cours. Vous avez pu constater les besoins et entendre les aspirations des Wallisiens et des Futuniens, auxquels vous avez directement répondu. Je tiens, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous en remercier.
Nous voici aujourd'hui à nouveau réunis sous d'autres cieux - ceux du Parlement -, ce qui me permet d'évoquer devant la représentation nationale différents points qui me tiennent à coeur.
Je ne reviendrai pas sur l'économie générale du projet de budget de l'outre-mer, déjà largement présenté par nos excellents rapporteurs. Aussi, je me concentrerai sur les crédits alloués à Wallis-et-Futuna.
Les crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour le territoire passent de 54,86 millions de francs en 2001 à 56,88 millions de francs en 2002, soit une augmentation de 3,5 %. L'effort budgétaire global de l'Etat en faveur de Wallis-et-Futuna augmente donc de plus de 4 %.
Nous sommes, bien entendu, sensibles à ce geste. Il n'en demeure pas moins que, derrière l'apparence flatteuse des chiffres, la participation de l'Etat à l'outre-mer reste réduite à la portion congrue : cet effort se situe très en deçà de nos espérances et des besoins d'un territoire à l'économie exsangue.
C'est ainsi qu'un certain nombre de nos attentes restent insatisfaites. La subvention d'équilibre au budget territorial pour la desserte aérienne inter-îles est certes maintenue, mais elle n'a pas été augmentée comme cela avait été demandé.
Les élus du territoire avaient également souhaité un renforcement de l'équipe des ingénieurs des travaux publics pour réaliser les travaux de renforcement des infrastructures, comsommer les crédits et créer quelques emplois. Nous l'attendrons encore.
Je suis cependant satisfait par certaines mesures inscrites dans votre projet de budget, comme l'augmentation du financement accordé à l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT.
Quant au fonds d'aide de 1,6 million de francs, il constitue une intéressante initiative, que nous espérons voir poursuivie sur plusieurs années.
Comme cela vous a été signalé au cours de votre visite, monsieur le secrétaire d'Etat, notre grande préoccupation demeure bien évidemment le développement économique et la création d'emplois sur un territoire sans ressources, très réduit géographiquement et où le taux de chômage est en forte progression.
Les élus et responsables coutumiers, tout comme la population, espéraient beaucoup - peut-être trop - du rapport de l'institut de recherche pour le développement, l'IRD.
Ce rapport décrit surtout nos faiblesses, qui sont connues depuis longtemps, et présente des propositions dont la plupart ont déjà été formulées ou même expérimentées. Je dois dire qu'il suscite un peu de déception et n'apaise pas les inquiétudes quant à l'avenir.
Il y a pourtant dans ce rapport un constat essentiel : l'absence de statistiques et d'enquêtes permettant d'étayer les études et les décisions. C'est un indice particulièrement parlant du fait que le développement du territoire n'est pas une réelle préoccupation de fond.
L'éducation est elle aussi une priorité du territoire, car elle constitue un enjeu majeur pour son avenir. Or, disons-le franchement, le domaine de l'éducation doit être sérieusement et globalement repensé. L'état des bâtiments est lamentable, voire non conforme aux normes de sécurité en certains endroits, me disait un spécialiste voilà quelques jours. L'organisation pédagogique est à revoir très attentivement, notamment pour le secondaire, en particulier dans l'enseignement professionnel.
C'est ainsi qu'une réflexion s'impose en ce qui concerne le centre d'éducation aux technologies appropriées au développement, le CETAD. Nous nous heurtons à des problèmes récurrents, qui ont des conséquences en termes d'échec scolaire, dans le paiement des bourses de l'Etat, lesquelles sont d'ailleurs en nombre gravement insuffisant.
En 1994, le ministre de l'éducation nationale avait estimé que toutes les conditions étaient réunies pour que Wallis-et-Futuna soit déclaré zone d'éducation prioritaire, ZEP. Or, sept ans plus tard, ce dossier est toujours au point mort. Il est pourtant indispensable de le faire aboutir, quitte à adapter la réglementation applicable aux ZEP à la situation spécifique du territoire.
Enfin, je souhaite m'exprimer brièvement sur le problème de l'indexation, car il s'agit d'un sujet d'actualité très sensible. Des incohérences passées dans l'application des indices de correction, des revendications déconnectées des réalités, un territoire sans ressources propres : telle est la situation de Wallis-et-Futuna. J'approuve votre très récente proposition d'indexer à hauteur de 1,4 le personnel de l'agence de santé, monsieur le secrétaire d'Etat, mais - nous avons évoqué ce problème à Wallis - ses retombées locales seront difficiles à gérer. Par conséquent, je réitère mon cri d'alarme : les élus et les membres du conseil territorial prendront, je le sais, leurs responsabilités, mais l'Etat devra nous aider et assumer les siennes.
Je voudrais d'ailleurs m'attarder sur ce sujet de l'agence de santé, laquelle va enfin pouvoir être mise en place grâce à la signature du décret ad hoc.
Je ne ferai aucun commentaire supplémentaire sur le recours aux ordonnances, ayant déjà dit en d'autres occasions que, sans l'approuver, je le comprenais dans la mesure où il y avait urgence. Je m'étonne donc que dix-huit ordonnances, parmi lesquelles celle qui est relative à l'agence de santé, soient toujours en instance de ratification par le Parlement. La prise du décret relatif à l'agence de santé a bien trop tardé, laissant subsister, de fait, un flou qui a sans aucun doute été exploité lors des conflits sociaux des semaines passées.
Je tiens également à souligner que je fais pleinement miennes les préoccupations exprimées hier par l'intergroupe parlementaire de l'outre-mer en ce qui concerne la question de la desserte aérienne et la nécessité de désenclaver l'outre-mer.
Ce problème est spécialement criant pour Wallis-et-Futuna. Notre liaison avec Nouméa ou Papeete, assurée par Air Calédonie International, est sans doute l'une des plus chères du monde. De plus, les horaires fluctuants traduisent un manque de considération pour les habitants du territoire. Je dois vous avouer que nous comptons beaucoup sur un soutien total et particulièrement énergique de votre part, monsieur le secrétaire d'Etat, sans lequel nous ne pourrons jamais faire évoluer la situation, du fait du monopole exercé par Air Calédonie international.
Pour terminer, je souhaiterais revenir sur deux points que je remercie M. Jean-Jacques Hyest d'avoir soulevés dans son rapport.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'accord particulier entre la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, vous nous avez annoncé, monsieur le secrétaire d'Etat, une signature possible de celui-ci en janvier prochain à Paris. A cet égard, nous demandons une aide financière de l'Etat pour la prise en charge des déplacements à Paris des participants, comme cela avait été le cas lors des premières négociations avec la Nouvelle-Calédonie et l'Etat.
Enfin, s'agissant du statut du territoire, nous reconnaissons qu'une obligation nous incombe, celle de réfléchir pour anticiper les événements et l'édification d'une société qui tend aux dimensions du village mondial. La balle est dans notre camp, monsieur le secrétaire d'Etat, celui du territoire. Là aussi, j'espère que nous saurons enfin prendre nos responsabilités. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Lise applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, n'ayant pas à revenir sur les excellentes analyses des rapporteurs, auxquelles je souscris globalement, je voudrais évoquer quelques sujets d'une importance majeure pour la collectivité insulaire à laquelle j'appartiens.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvoir comme vous regarder l'avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon avec le sourire, mais je considère pour le moment que le fossé économique creusé par l'effondrement de la pêche industrielle, au début de la décennie précédente, n'a pas été comblé, même si des actions positives ont été entreprises en divers secteurs.
Notre déficit commercial est en progression et dépasse les 52 millions d'euros, tandis que notre taux de couverture import-export est environ du tiers de ce qu'il était dix ans auparavant.
Certes, l'Etat a assumé la plus grosse part du financement de la construction d'un complexe aéroportuaire moderne, ce qui a permis de soutenir l'emploi durant quelques années, tout en endettant la collectivité territoriale... L'année 2001 se termine sans que les opérations de transbordement douanier interrompues par Bruxelles - cette interruption nous a coûté cher - aient pu reprendre. Vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette reprise éventuelle, prévue sur le papier, se heurtera à de nombreux obstacles technocratiques réglementaires qui risquent, hélas ! de repousser bien loin ladite reprise et les rentrées fiscales correspondantes, l'exécutif local n'entrevoyant pas sa concrétisation avant la fin de 2002,au plus tôt.
L'année 2001 aura aussi été marquée par la saisine de la cour régionale des comptes d'Ile-de-France à propos du budget de notre collectivité.
En contrepartie, vous accordez des subventions à vos amis, mais peuvent-elles remplacer une saine gestion des deniers publics ? Sont-elles toutes destinées à financer des réalisations frappées au coin du bon sens ? J'avais pour ma part souhaité, l'an passé, une prise en charge au moins partielle par l'Etat de la dette de la collectivité territoriale.
Dans le sentiment de marasme qui prévaut, il est donc normal que la question des hydrocarbures suscite des espoirs, pourtant accompagnés d'interrogations multiples.
A ce sujet, on nous dit que le Gouvernement est très attentif à ce qui se prépare et que la plus grande transparence est de rigueur. Je veux bien le croire, du moins en ce qui concerne les communications provenant de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement d'Ile-de-France, qui a suivi les travaux. Cependant, ce qui nous intéresse, c'est d'abord l'accès aux informations à la source, ainsi que la transparence et l'authenticité de celles émanant d'Exxon-Mobil, plus particulièrement quand elles concernent le forage sous-marin intervenu en avril dernier ou les forages futurs.
Par ailleurs - c'est un point capital compte tenu de l'exiguïté de notre zone économique exclusive à la hauteur des champs d'hydrocarbures potentiels - pouvez-vous m'indiquer quelle est la distance transfrontalière maritime dont le Gouvernement se fera l'avocat dans les négociations avec la partie canadienne qui doivent se poursuivre prochainement ? C'est là une question non pas technique, monsieur le secrétaire d'Etat, mais fondamentale. Avec celle du cabotage entre les deux zones, qui devrait être traitée dans l'accord d'unitisation à venir, il s'agit d'un élément crucial qui engagera très fortement l'avenir et sur lequel nous devons absolument, en tant que parlementaires, être informés.
Or l'expérience que nous avons vécue en 1992 à New York nous a instruits sur la conception qu'avait notre très grand voisin de notre minime importance dans la région et, par conséquent, du peu d'exigences auxquelles nous pouvions prétendre.
Penser que la question est devenue indifférente à nos interlocuteurs serait une méprise. En effet, pas plus tard que la semaine passée, elle a été clairement évoquée devant le tribunal de Fredericton, dans la province du Nouveau-Brunswick, où est débattu le contentieux relatif à la délimitation frontalière maritime entre les provinces de Nouvelle-Ecosse et de Terre-Neuve, avec, en toile de fond, la question des hydrocarbures sous-marins.
Pour défendre sa cause, la province de Terre-Neuve argue du fait - et c'est inouï - qu'elle a été pénalisée en 1992 à New York lors de la fixation des limites de la zone économique exclusive française au large de Saint-Pierre et Miquelon.
Ces réalités doivent, par conséquent, être bien prises en considération dans la réflexion de la partie française, et le Gouvernement doit s'armer de la plus grande vigilance, car il s'agit pour nous de la seule perspective économique à long terme qui puisse nous redonner un avenir, hors de l'assistanat tous azimuts.
Enfin, sur ce chapitre, aurons-nous une réponse claire à la question, maintes fois posée, visant le transfert à la collectivité territoriale des compétences de l'Etat en matière d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles ? Où en est-on de l'élaboration du cahier des charges et de son approbation par le Conseil d'Etat ?
Je voudrais évoquer maintenant le secteur de la pêche et le soutien dont celui-ci a besoin.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, une flotille de pêche artisanale a vu le jour petit à petit au cours de la dernière décennie et des entreprises ont été mises sur pied pour traiter de nouvelles espèces. Les navires sont là, tout comme l'énergie et l'ambition des personnes. Le problème essentiel est non pas celui des subventions, mais bien celui des fluctuations de la ressource, dont on ne peut cerner les causes. Les marchés ne font pas défaut non plus, mais l'évolution des résultats de la dernière campagne pose la question de l'absence de données scientifiques valables.
Or, c'est au moment où la France obtenait enfin une zone économique propre autour de l'archipel et où tous les compteurs économiques étaient à zéro que l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER, a décidé de nous abandonner et de réduire sa présence à la plus infime des structures, nous rendant ainsi davantage dépendants des Canadiens. Les inconnues scientifiques sont un obstacle à un développement concerté du secteur de la pêche dans son ensemble : seuls les pouvoirs publics peuvent nous aider à les lever en diligentant les missions appropriées de l'IFREMER dans les eaux environnantes. Etes-vous décidé à agir sans tarder en ce sens, afin que la diversification permette de faire revivre dans de meilleures conditions le coeur économique traditionnel de l'archipel ?
En ce qui concerne la loi d'orientation pour l'outre-mer, quelques projets initiative-jeunes ont vu le jour, ainsi que des formations en mobilité. Les entreprises éligibles aux exonérations de charges sociales en bénéficient, de même que celles pouvant prétendre aux primes à la création d'emplois, ce qui amplifie le dispositif mis autrefois en place par la loi Perben.
Il n'en reste pas moins que 2002 approche et que de sérieuses difficultés s'opposent à la mise en oeuvre du congé-solidarité.
Dans le même temps, les textes réglementaires relatifs à l'assurance-invalidité et à la coordination effective entre les divers régimes de prestations sociales semblent se faire attendre, ainsi que l'application de la loi de 1975 visant les handicapés.
S'agissant toujours du domaine social, j'attire votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation des retraités du secteur privé, dont le pouvoir d'achat, comme celui des retraités des fonctions publiques territoriale et hospitalière ou des marins pensionnés, a été mis à mal ces dernières années. Seriez-vous favorable, monsieur le secrétaire d'Etat, à un réajustement automatique de ce pouvoir d'achat, donc de l'assurance-vieillesse, sur la base de critères objectifs locaux intégrant les fluctuations réelles des prix ? Je fais ici allusion à une loi de 1987.
A propos de la loi d'orientation, j'aimerais encore savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, où en est l'application des mesures prévues par son article 38 relatif aux nouvelles technologies d'information et de communication, les NTIC, qui engagent l'Etat à mettre en place à Saint-Pierre-et-Miquelon, au plus tard au 1er janvier 2002, un dispositif compensant le coût de la surtaxe satellitaire ?
Cette mesure est très attendue, vous le savez, par les nombreux internautes du territoire. Ils la considèrent comme essentielle au désenclavement de l'archipel, eu égard aux coûts pratiqués sur place et aux diverses conditions d'accès et d'utilisation du réseau, qu'ils comparent avec ceux, bien plus légers, pratiqués dans tout notre environnement canadien ou nord-américain.
Enfin, je souhaiterais évoquer un aspect particulier de la vie dans la République des citoyens que nous sommes, celui de l'insécurité, qui ne peut être exclue, vous en conviendrez, du pacte républicain.
Si nous ne connaissons pas la grande délinquance des banlieues, nous avons nos victimes de la circulation routière, dont le nombre, toutes proportions gardées, est assez proche de celui que l'on constate dans l'Hexagone. En outre, il survient des affaires graves avec mort d'homme ou encore dégradations de biens personnels ou publics.
A cet égard, est-il normal que, au mois de mai dernier, le radiologue de l'hôpital de Saint-Pierre ait été soumis à la vindicte populaire lors de son évacuation via l'aéroport de Saint-Pierre en présence du président du conseil général, du préfet et des forces de l'ordre ? Personne n'a fait un geste pour s'interposer et lui éviter d'être humilié publiquement, frappé et blessé. Est-ce normal, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Cette affaire touchant aux droits élémentaires de la personne humaine, décrite comme un lynchage dans la presse nationale, a suscité localement émotion et protestations. Je vous ai alors alerté, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que le représentant local de l'Etat, en stigmatisant le laxisme et la faiblesse démontrés à nouveau par les pouvoirs publics en cette occasion.
Or, à ce jour, mon appel est demeuré sans réponse. J'ignore également si vos collègues de la défense et de l'intérieur, sollicités pour diligenter une enquête administrative, se sont intéressés à cette question. Elle ne me paraît pourtant pas banale, sauf à admettre que, de temps à autre, nous puissions constituer une zone de non-droit dans la République, ce qui n'est pas admissible, a fortiori dans un si petit territoire.
Doit-on banaliser et tolérer impunité et insécurité ? Vous me direz peut-être votre sentiment sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat.
Telles sont, mes chers collègues, les quelques réflexions dont je voulais vous faire part dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous présentant aujourd'hui le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 2002, je suis heureux de la possibilité qui m'est offerte d'exprimer les orientations et les engagements du gouvernement de Lionel Jospin pour l'ensemble des départements, territoires et collectivités d'outre-mer. J'entends aussi aujourd'hui mettre en perspective ces choix budgétaires, en d'autres termes en dresser le bilan et montrer surtout l'effet durable, pour l'avenir, des décisions prises depuis 1997 et une nouvelle fois pour 2002.
Je voudrais bien sûr remercier Mme et MM. les rapporteurs pour le soin avec lequel ils ont analysé les dispositions du projet de loi de finances pour 2002 relatives au budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Je me réjouis de retrouver la plupart des sénateurs représentant l'outre-mer, venus des trois océans, au-delà des différences et des sensibilités.
Le nouveau pacte républicain pour l'outre-mer, voulu depuis 1997, s'accompagne de moyens comme il n'y en a jamais eu dans notre histoire, et, monsieur Othily, je ne crains pas d'être démenti, y compris dans cet hémicycle. En effet, les crédits inscrits au budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer sont passés de 4,8 milliards de francs en 1997 à plus de 7 milliards de francs pour 2002, ce qui représente une progression de 46 %, et de 27 % à structure constante.
Durant cette période, tous ministères confondus, les dépenses budgétaires de l'Etat sont passées de 45,3 milliards de francs à 67 milliards de francs. La part de l'outre-mer dans les dépenses publiques a ainsi progressé de moins de 3 % à près de 4 %.
Cet effort considérable, que vous avez d'ailleurs tous bien voulu souligner, témoigne aussi de la mise en place d'outils nouveaux et d'orientations fortes en faveur de l'outre-mer. En d'autres termes, il ne s'agit pas uniquement d'une progression et de chiffres, il s'agit aussi d'orientations nouvelles, et peut-être davantage encore d'un regard renouvelé sur l'outre-mer. Je pense ici à la mise en oeuvre des accords de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, et je remercie M. Loueckhote d'avoir donné une photographie exacte de la situation dans cette île. Je pense également à la nouvelle génération des contrats de plan ou de développement, aujourd'hui signés, et qui valent bien toutes les lois de programme que l'on peut évoquer ici ou là. Je pense encore à l'égalité sociale désormais acquise, au renouvellement du dispositif du soutien fiscal à l'investissement, à l'évolution statutaire à Mayotte et, bien sûr, à la loi d'orientation pour l'outre-mer. Comme l'a souligné M. Vergès, cette loi vaut beaucoup plus qu'une loi de programmation.
C'est dans cette dynamique que s'inscrit la progression du budget du secrétariat d'Etat pour 2002. S'il fallait résumer en quelques mots le projet qui vous est soumis, je dirais qu'il s'agit d'un budget de croissance, d'un budget de confiance et d'un budget pour l'action.
D'abord, c'est un budget de croissance - c'est manifeste ; les chiffres le prouvent -, car, pour la première fois, il s'élève à plus de 7 milliards de francs - 7,081 milliards de francs exactement - soit plus de 1 079 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement et près de 443 millions d'euros en autorisations de programme.
En réponse à M. du Luart, je voudrais préciser que le contrat de gestion, défini au printemps dernier, pour l'ensemble des départements ministériels permet d'adapter, en cours de gestion, les moyens financiers. Cet outil nous donne les moyens de répondre rapidement et efficacement à des besoins urgents et aux rythmes de consommation observés, en définissant, si besoin est, les montants de reports prévisionnels. Il convient également de répéter ici que cette pratique budgétaire, fondée sur la responsabilisation des différents acteurs de la dépense, s'inscrit dans la logique qui a présidé à la réforme de la loi organique relative aux lois de finances. J'ai été un peu étonné d'entendre le contraire ce matin. Très précisément, s'agissant de l'outre-mer, le contrat de gestion avait - vous l'avez justement rappelé - conduit à « réserver »...
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. 13 % !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. ... provisoirement plus de 10 % des crédits initiaux du secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Rassurons ceux qui, à tort, s'alarment : les moyens alloués dans le cadre de la loi de finances rectificative me permettent de dégager pour l'exercice 2001 des crédits supérieurs à ceux qui avaient été prévus par la loi de finance initiale. L'outre-mer n'aura rien perdu dans cet exercice, bien au contraire. En effet, la procédure du contrat de gestion ayant été mise en oeuvre, les moyens figurant au budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer ont été plus importants que ceux qui avaient été inscrits en loi de finances initiale. C'est un bon emploi du contrat de gestion. Je voulais le préciser en réponse à M. le rapporteur spécial.
Ce budget est aussi un budget de confiance dans le potentiel des outre-mers. Trop souvent, on a semblé tenir pour une fatalité des déséquilibres qu'on renonçait à corriger ; cela s'appelle la résignation, mesdames, messieurs les sénateurs. Notre projet de budget au contraire, tout en prenant la mesure des rééquilibrages nécessaires, table sur les atouts, les apports et la capacité d'initiative de tous les acteurs d'outre-mer et procède au rééquilibrage nécessaire.
C'est, enfin, un budget pour l'action - je tenterai de le démontrer - qui s'organise autour de quelques grands axes prioritaires, complémentaires et solidaires.
Je voudrais identifier les priorités du projet de budget pour le secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Le soutien à l'emploi et à l'activité économique constitue, une nouvelle fois, la priorité majeure du Gouvernement, comme cela a été le cas depuis 1997.
C'est encore plus vrai outre-mer, là où le chômage reste, selon les départements et les territoires, deux à trois fois plus élevé qu'en métropole. Là-bas aussi, la politique menée par ce Gouvernement a porté ses fruits dans le domaine de l'emploi. Ainsi, depuis 1999, le nombre de demandeurs d'emploi a baissé de plus de 10 % et le nombre des jeunes demandeurs de près de 21 %. En Martinique, pour répondre à M. Désiré, la baisse est respectivement de 14 % et de 25 % pour la même période. On ne peut à la fois s'alarmer quand les chiffres sont mauvais et continuer à s'inquiéter quand, enfin, et c'est heureux, les tendances s'inversent.
L'augmentation substantielle de 25 % des crédits du FEDOM, soit 505 millions d'euros au total, permet à la fois de renforcer les dispositifs d'insertion traditionnels, d'accompagner la montée en puissance des mesures de la loi d'orientation pour l'outre-mer et de faire un effort sans précédent au bénéfice de Mayotte, qui bénéficiera de nouveaux dispositifs d'insertion. Au total, près de 100 000 mesures individuelles seront mises en oeuvre en 2002.
J'ai noté avec plaisir que tous les intervenants ont souligné l'aspect positif des projets initiative-jeunes. Certes, ici ou là, divers retards ont pu être constatés dans le traitement des dossiers de jeunes stagiaires du « PIJ mobilité ». La plus grande partie des dossiers qui ont été signalés ont d'ores et déjà été réglés localement. Des ajustements seront effectués pour raccourcir les délais d'instruction et, surtout, de versement des fonds. S'agissant de la demande d'agrément du comité national d'accueil des Réunionnais de métropole, je vous réponds favorablement, monsieur Virapoullé, sous réserve que cet organisme respecte les conditions du cahier des charges.
Parallèlement, la politique d'appui au développement économique et de soutien à la croissance est également renforcée.
Le développement des entreprises et des emplois du secteur marchand reste bien sûr notre priorité, même si j'ai entendu, ce matin, des appréciations différentes. Les exonérations massives de cotisations patronales de sécurité sociale en faveur des petites entreprises et des secteurs exposés à la concurrence ainsi que les allégements importants de charges sociales pour les artisans et les commerçants représentent un coût annuel de 3,5 milliards de francs, relevant du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité. Cette somme est à rapprocher des 800 millions de francs, qui représentaient le coût budgétaire de la mesure qu'avait réussi à arracher à l'époque - et je lui rends hommage - mon prédécesseur, M. Dominique Perben, lequel n'avait pas été réellement suivi par le Gouvernement et la majorité d'alors quand il demandait un effort plus ambitieux. Mesdames, messieurs les sénateurs, le gouvernement auquel j'appartiens et la majorité qui le soutient ont donné à l'outre-mer les moyens de cet effort plus ambitieux.
La nouvelle loi sur le soutien fiscal à l'investissement constitue un autre levier de cette stratégie de dynamisation du secteur privé. Vous le savez, ce dispositif a été profondément renouvelé l'an dernier, par un texte adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale mais également au Sénat, et je vous en remercie. Il est, d'abord, plus transparent et plus juste en étant réorienté résolument vers les investissements créateurs d'emploi et vers de nouveaux secteurs éligibles porteurs d'activité. Il est, ensuite, mieux adapté aux besoins locaux en mettant au coeur du dispositif les entrepreneurs de l'outre-mer, peut-être davantage que les gros contribuables de la métropole. C'est en tout cas le choix que nous avons fait, et vous l'avez accepté. Ce dispositif est en vigueur depuis le 1er janvier 2001. Conformément au traité sur l'Union européenne, la France avait notifié, le 13 octobre 2000, ce nouveau dispositif à la Commission.
Plusieurs d'entre vous m'ayant interrogé ce matin sur ce point, je suis également heureux d'annoncer à cette tribune que cette procédure contradictoire avec la Commission européenne est aujourd'hui achevée. Le nouveau dispositif de soutien fiscal a été approuvé par la Commission européenne le 28 novembre dernier. Cette procédure est en effet relativement longue, d'autant plus que la Commission nous reprochait - pas à moi ! - de ne pas avoir notifié en son temps le dispositif de la loi Pons, et nous avons donc dû, pour cela, répondre entre décembre 2000 et septembre 2001 à de multiples questionnaires. Cette étape est heureusement derrière nous. Le décret d'application de ce dispositif de soutien fiscal est actuellement soumis à l'avis des collectivités d'outre-mer et il doit être publié avant la fin de l'année.
Les dispositions de la loi se suffisant à elles-mêmes dans la plupart des cas, la direction générale des impôts a pu instruire les très nombreux dossiers - plusieurs centaines - qui ont été déposés depuis le 1er janvier de cette année. Les premiers éléments de bilan laissent supposer une augmentation très forte du volume des investissements aidés par rapport à l'année 2000, pour laquelle la dépense fiscale est évaluée à 280 millions d'euros pour un volume d'investissements aidés de 680 millions d'euros. C'est un vrai démenti à tous ceux qui, outre-mer comme en métropole, se font les apôtres de la morosité de l'activité économique. En tout cas, outre-mer, la croissance se porte bien, l'investissement productif l'atteste, et nous sommes heureux de l'encourager.
Les contrats de plan et de développement, avec les moyens sans précédent qui leur sont consacrés - plus de 1,7 milliard d'euros - constituent un levier important pour le renforcement des économies locales. Pour 2002, le secrétariat d'Etat à l'outre-mer a prévu d'inscrire dans son budget le montant correspondant aux tranches annuelles théoriques de ses engagements contractuels : plus de 48 millions d'euros pour les départements d'outre-mer, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, et 69 millions d'euros pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.
La volonté du Gouvernement et sa priorité budgétaire sont donc clairement axées sur le développement économique. J'ai bien entendu et lu les remarques soulignant que le secteur non marchand était privilégié ou, pis, laissant entendre que l'argent public était mal orienté car exclusivement axé sur des emplois aidés. Mesdames, messieurs les sénateurs, ces remarques ne me semblent pas justifiées. Elles traduisent une lecture erronée de l'effort budgétaire de l'Etat. Le Gouvernement entend, en effet, outre-mer comme ailleurs, répondre à la nécessité sociale, relayée par les élus toutes tendances politiques confondues, tout en ayant une stratégie forte de développement économique et de l'emploi. C'est cette politique équilibrée que je vous propose, c'est cette politique équilibrée que je défends devant vous.
Je reviens un instant sur les emplois aidés pour l'outre-mer, que j'entends parfois moqués ou tournés en dérision par leur nom ou par leur nature. Dans la période de crise que vient de connaître notre pays, qui n'a pas épargné l'outre-mer, ils constituent une réponse tout à fait adaptée, que les élus souhaitent défendre sur le terrain, à l'exception de quelques-uns : la très grande majorité d'entre eux souhaitent en effet que nous puissions maintenir cet effort en direction des emplois aidés, et je mets en tout cas au défi les élus d'outre-mer qui sont présents dans cet hémicycle de dire le contraire.
Le logement est également, avec le développement économique et l'emploi, la priorité de la politique menée par le Gouvernement.
Cette année encore, le projet de loi de finances pour 2002 traduit la constance de l'engagement de l'Etat. Avec plus de 287 millions d'euros pour les autorisations de programme et 161 millions d'euros pour les crédits de paiement, l'effort financier de l'Etat renforce celui qui a été consenti les années précédentes. Il permettra de réaliser, cette année, environ 10 700 nouveaux logements et d'en améliorer plus de 6 000.
Les engagements de l'Etat en matière de logement sont clairement réaffirmés et amplifiés puisqu'ils vont au-delà, avec 39 millions de francs supplémentaires, de la simple compensation de la créance de proratisation, comme l'a très justement fait remarquer M. Claude Lise.
Les collectivités territoriales constituent un maillon essentiel du développement et de la démocratie locale outre-mer.
Le dynamisme des collectivités territoriales est à part entière un facteur de développement économique et social et de vitalité culturelle et démocratique. Elles doivent, pour cela, être dotées des moyens qui leur permettent d'assumer les choix qui leur sont propres. Ainsi, les subventions de fonctionnement aux collectivités et les dotations globales pour la Nouvelle-Calédonie inscrites sur le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer progressent globalement de près de 13 % et atteignent, pour 2002, près de 95 millions d'euros.
Mais le souci du Gouvernement de conforter la démocratie locale et de soutenir les collectivités outre-mer ne s'arrête pas à l'alignement de ces chiffres.
Vous le savez, la plupart des dotations affectées aux collectivités sont intégrées au budget du ministère de l'intérieur. Au total, en 2001, cela représente un montant de plus de 1 500 millions d'euros.
Le Gouvernement a également voulu solder certains dossiers ouverts depuis plusieurs années. Je pense, notamment, au règlement des dettes contractées au titre du FIDOM décentralisé : plus de 25 millions d'euros auront été versés à ce titre d'ici au premier trimestre 2002. Je pense également, plus largement, aux dispositions législatives communes à toutes les collectivités, ou spécifiques à celles de l'outre-mer, visant à assurer le renforcement des moyens financiers propres des collectivités.
Enfin, j'ai toujours considéré que la réforme communale en Polynésie devait constituer une priorité. Dès 1998, le Gouvernement avait déposé un projet de loi permettant d'engager enfin une réelle décentralisation en Polynésie ; chacun sait ici pourquoi l'examen de ce texte n'a pu être mené à son terme !
Plusieurs avancées significatives ont pu néanmoins être concrétisées : la pérennisation de la contribution de l'Etat au Fonds intercommunal de péréquation, à hauteur de près de 8 millions d'euros par an, par l'ordonnance de janvier 2000 ; l'introduction du scrutin proportionnel, c'est-à-dire l'alignement sur le droit commun, dans le cadre du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, du mode de scrutin pour les communes polynésiennes comptant plus de 3 500 habitants ; enfin, le Gouvernement a repris le dossier, enfoui depuis dix ans, de la détermination du domaine des communes : ce dossier sera réglé pour toutes les communes avant le printemps prochain et, d'ores et déjà, le Conseil d'Etat a été saisi des projets de décret pour dix-sept d'entre elles, et un décret, relatif à la commune de Tahaa, a déjà été publié.
Le Gouvernement n'abandonne cependant pas la perspective d'une réforme globale des communes de Polynésie française et j'espère, pour ma part, que, dès le début de la prochaine législature, le Parlement pourra enfin l'adopter.
Permettez-moi maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir, comme c'est l'usage - et j'y souscris bien volontiers - sur quelques-unes des préoccupations ou des interrogations qui ont émergé à l'occasion de nos débats d'aujourd'hui.
En matière de transports, la desserte aérienne est vitale pour l'outre-mer, car elle est garante de la liberté de déplacement de ses populations et du développement de son économie. Mais, vous le savez, le Gouvernement n'est pas resté inactif lorsque cette desserte s'est dégradée compte tenu des difficultés qu'a connues la compagnie Air Lib.
J'ai entendu souvent Mme Michaux-Chevry parler au futur des actions à mener en matière de transports aériens ; ce gouvernement agit, madame la sénatrice, au présent !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Au présent ? Moi aussi !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je veux rappeler, à cet égard, les décisions récentes les plus fortes. Ainsi, la nouvelle loi de défiscalisation permet d'en étendre le bénéfice aux dessertes régionales. Les compagnies comme Air Caraïbes et Air Guyane peuvent donc y avoir recours pour renouveler leur flotte aérienne pour les dessertes intradépartementales ou interdépartementales.
Cela a permis, par exemple, à la compagnie Air Calédonie International d'acquérir deux Airbus afin d'assurer la desserte entre le Japon et Nouméa, ce qui représente, je le dis au passage, une aide de l'ordre de 370 millions de francs Et ce sont des francs français, pas des francs Pacifique !
La compagnie Air Tahiti Nui bénéficiera d'une subvention d'un montant proche de 250 millions de francs du Fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française, afin d'acquérir un Airbus et de renforcer ainsi ses capacités de desserte vers le Japon et vers les Etats-Unis. J'ai enregistré les remerciements de M. Flosse sur ce dossier et je lui en donne acte, car ce n'est pas si fréquent.
En Guyane, à la demande de la région, la desserte intérieure bénéficie de subventions du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, pour un montant supérieur à 10 millions de francs.
L'intervention de ce fonds pourrait également être étudiée pour certaines liaisons depuis la Guadeloupe, si le conseil régional en faisait la demande.
Plus généralement, le Gouvernement a fait réaliser un certain nombre d'expertises dans les départements d'outre-mer (Mme Michaux-Chevry s'exclame) afin de définir les conditions d'une desserte aérienne pérenne et de qualité. Je souhaite que nous puissions nous inspirer de leurs conclusions pour renforcer cette desserte.
Là aussi - je le dis sans esprit polémique -, j'avais quelque plaisir à voir ce matin côte à côte dans cet hémicycle M. Flosse, qui souhaitait interdire les vols Air Lib vers Papeete, et Mme Michaux-Chevry, qui se déclarait haut et fort partisan de la survie d'Air Lib. Et Dieu sait si elle a raison ! (Mme Michaux-Chevry s'exclame à nouveau.)
Sans pousser le paradoxe, je constate cependant que Mme Michaux-Chevry n'a toujours pas dépensé un franc sur ce sujet, alors que M. Flosse, quant à lui, a négocié un accord entre Air Lib et Air Tahiti Nui. Vous comprendrez que j'éprouve quelque plaisir à voir ces chassés-croisés !
Mme Lucette Michaux-Chevry. C'est de l'enfantillage ! Si je m'assieds à côté de vous, cela ne prouvera rien !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je voudrais également revenir sur l'activité économique dans le secteur du tourisme, qui demeure fragile car elle dépend de nombreux facteurs tels le transport, l'environnement international ou encore, bien sûr, la qualité du produit offert.
Aux Antilles, mesdames, messieurs les sénateurs, le tourisme représente un poids économique majeur : 23 milliards de francs en Guadeloupe entre 1990 et 1999, 15 milliards de francs en Martinique depuis 1991. Les acteurs socioprofessionnels - et les élus, bien sûr - m'ont fait part à de nombreuses reprises de leurs préoccupations, auxquelles j'attache la plus grande importance.
Que pouvons-nous faire ensemble dans ce domaine ? Tout d'abord, les crédits prévus dans les contrats de plan sont considérables ; la loi d'orientation pour l'outre-mer a par ailleurs rendu éligibles à l'exonération des charges sociales patronales les entreprises de ce secteur, sans limitation du nombre de salariés ; les investissements touristiques bénéficient, en outre, des mesures de soutien fiscal à l'investissement, en particulier - et c'est nouveau -, pour la rénovation des structures hôtelières, je souhaitais le rappeler, monsieur Désiré.
Tout cela témoigne de la volonté de l'Europe, de l'Etat et, bien sûr, des collectivités locales d'accompagner cette activité touristique. Pourtant, chacun exprime, à juste titre, une inquiétude pour l'avenir de la destination touristique des Antilles. Il s'agit là d'un sujet que je veux aborder avec beaucoup de gravité.
Les problèmes que connaissent ces destinations relèvent de différents facteurs et la réussite en matière de tourisme peut se décomposer en trois tiers : un tiers dépend du transport, un tiers dépend de la qualité du produit touristique offert et un tiers dépend, bien sûr, de notre action collective de promotion et de soutien à ce secteur.
Chacun doit ici prendre ses responsabilités et ne pas se limiter à des incantations ou à des déclarations d'intention.
Du côté de l'Etat, le secrétaire d'Etat au tourisme, M. Brunhes, et moi-même avons confié aux préfets de Guadeloupe et de Martinique, le 9 novembre 2001, une mission auprès des exécutifs locaux - qui en ont été informés - et des socioprofessionnels du secteur touristique.
Il s'agit de définir avec ces partenaires une initiative commune. J'ai envie de dire, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il nous faut organiser un véritable sursaut collectif, sous peine de voir ces destinations connaître une crise grave.
Cette initiative commune est destinée à mettre un terme aux difficultés actuelles, à la dispersion des efforts que chacun constate pour la dénoncer parfois. Il s'agit d'inscrire l'activité touristique dans un cadre maîtrisé susceptible de lui garantir une place durable dans les économies des Antilles.
Les conclusions de ces discussions me seront fournies dans le courant de ce mois et je souhaite évoquer ce sujet avec les exécutifs régionaux et départementaux et les partenaires concernés lors de mon prochain voyage en Guadeloupe et en Martinique.
MM. du Luart et Désiré, ainsi que plusieurs autres orateurs, m'ont demandé pourquoi le Gouvernement n'a pas encore pris les décrets relatifs à l'indemnité d'éloignement.
Comme vous le savez, cette mesure a un fort impact outre-mer. Son élaboration a nécessité une concertation en profondeur avec les organisations syndicales : je ne sais pas, pour ma part, travailler autrement. A l'issue des échanges menés avec ces organisations, parallèlement à la suppression de l'indemnité d'éloignement - suppression voulue par le Parlement et sur laquelle nous n'entendons évidemment pas revenir - il est apparu possible et souhaitable de mettre en place pour les fonctionnaires affectés dans les départements d'outre-mer un dispositif spécifique transitoire pour les zones dans lesquelles le pourvoi des postes de fonctionnaires de l'Etat est délicat : je pense à la Guyane, aux îles du nord de la Guadeloupe, ou à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Par ailleurs, pour rester en cohérence avec l'esprit de la loi d'orientation et pour encourager la mobilité des fonctionnaires des départements d'outre-mer vers la métropole, il est prévu de mettre en place un dispositif financièrement incitatif qui ne soit pas en régression par rapport à l'actuelle indemnité d'éloignement. Les projets de décret, dans ce domaine, sont en cours de contreseing et seront, je m'y engage, publiés avant la fin de cette année.
MM. du Luart, Hyest et Loueckhote ont également interpellé le Gouvernement sur les moyens dont dispose la Nouvelle-Calédonie pour les collèges.
L'Etat verse annuellement aux provinces, hors contrats de développement, une dotation globale de construction et d'équipement des collèges répartie après avis des assemblées de province.
Je sais que la province Sud connaît des difficultés pour faire face aux besoins de construction des collèges...
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. C'est parce que les enfants du Nord y viennent !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Certes, mais il faut considérer globalement cette question.
J'ai annoncé la semaine dernière, à l'occasion de mon déplacement en Nouvelle-Calédonie, l'envoi d'une mission d'inspection générale pour évaluer ces besoins. C'est, à mes yeux, le prélude nécessaire à un effort supplémentaire de l'Etat.
Les transferts financiers accompagnant les transferts de compétences seront réalisés dès que les conventions seront signées. Je souhaite, là aussi, qu'elles le soient le plus rapidement possible, et j'ai donné des instructions dans ce sens.
Enfin, dans le domaine de la sécurité, évoqué par MM. Balarello, Hyest et Désiré, les situations sont contrastées outre-mer.
Si l'on constate une tendance à la stabilisation en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, ce dont je me réjouis, on observe, en revanche, aux Antilles, en Guyane et à la Réunion, une augmentation de la délinquance, notamment de cette délinquance de voie publique qui - c'est vrai - pourrit la vie d'un certain nombre de nos concitoyens.
Outre-mer comme en métropole, l'Etat entend bien exercer totalement sa responsabilité dans ce domaine.
A ce titre, les effectifs de la police nationale ont progressé de près de 19 % depuis 1997. Le nombre total de policiers était, au 1er septembre 2001, de 3 515. A la fin de cette année, 112 fonctionnaires de police supplémentaires seront affectés outre-mer, et nous allons bien sûr, dans les principales circonscriptions de police d'outre-mer, mettre en oeuvre, dès le début de 2002, la police de proximité.
Quant à la gendarmerie, elle a, pour sa part, vu ses effectifs croître de 20 % pendant la même période.
Les efforts du Gouvernement sont donc - vous pouvez en juger - considérables et se conjuguent sur place pour mettre en oeuvre cette politique avec les élus locaux, en développant notamment les contrats de sécurité.
S'agissant de la décision d'association des pays et territoires d'outre-mer à l'Union européenne, évoquée notamment par M. Vergès, je vous confirme qu'elle a été adoptée lors du Conseil européen des ministres du 27 novembre. L'échéance du 1er décembre a donc été respectée.
S'agissant des relations des départements d'outre-mer avec l'Europe, évoquées notamment par M. Virapoullé, le Gouvernement a tout mis en oeuvre pour qu'interviennent les mesures d'application de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, mesures attendues par l'outre-mer. L'augmentation des taux d'intervention des fonds structurels, le régime des aides au fonctionnement, l'intervention dérogatoire des fonds sur la forêt outre-mer, ainsi que le nouveau cadre du POSEIDOM en sont bien la concrétisation. Vous le savez, le Gouvernement a travaillé d'arrache-pied pour obtenir ces décisions.
S'agissant de l'octroi de mer, la concertation annoncée et qui a été mise en oeuvre dans les quatre régions au cours de l'année 2001 se poursuivra dans les jours qui viennent. En effet, je saisirai les quatre exécutifs régionaux d'un document de travail et de réflexion qui sera, je l'espère, la base d'une négociation que nous aurons à coeur de mener ensemble auprès de Bruxelles.
En ce qui concerne les ratifications des ordonnances, en réponse à M. Hyest, je rappellerai que le Gouvernement avait proposé au Sénat leur inscription à l'ordre du jour au mois de juin dernier. Eu égard à un agenda chargé, votre assemblée ne l'avait pas souhaité. Le Gouvernement veut néanmoins que cette discussion ait lieu, et il proposera son inscription à l'ordre du jour du début de l'année 2002.
S'agissant de la dernière loi d'habilitation, les neuf ordonnances seront prises avant le 31 mars prochain. Plusieurs d'entre elles, notamment les ordonnances relatives à la protection sociale et à l'emploi à Mayotte, ont déjà fait l'objet d'une décision interministérielle et ont été transmises au Conseil d'Etat et à l'assemblée locale pour avis.
M. Flosse a attiré mon attention sur les conditions de gestion du fonds de reconversion. Je rappelle que les sommes destinées à ce fonds sont comptabilisées de manière scrupuleuse et en toute transparence. Il est donc hors de question que les engagements de l'Etat ne soient pas respectés à l'égard de la Polynésie. Cela dit, les dépenses du fonds obéissent à une gestion paritaire, selon des procédures dont l'évaluation est en train d'être réalisée par plusieurs inspections générales. Il reste que de nombreuses opérations ont été et seront financées sur le fonds, comme le montre, par exemple, l'accord récent intervenu en comité de gestion du fonds sur l'achat d'un avion par la compagnie Air Tahiti Nui.
J'en arrive maintenant au domaine institutionnel, très présent dans vos interventions.
Il s'agit non pas de réaliser des changements statutaires pour eux-mêmes, mais, plus fondamentalement, un demi-siècle après la refondation des statuts de l'outre-mer, intervenue en 1946, de réfléchir ensemble à leur adaptation pour qu'ils soient plus proches de la diversité des outre-mers - j'emploie à dessein le pluriel - et répondent mieux à l'aspiration à plus de responsabilités et à un développement économique plus autonome qui se fait sentir.
C'est bien dans cette perspective que se sont inscrits les accords de Nouméa, mais également le nouveau statut de Mayotte, qui fait droit aux préoccupations exprimées depuis vingt-cinq ans par les Mahorais.
Pour les départements d'outre-mer, le Gouvernement a voulu fixer, dans la loi d'orientation, une procédure, une méthode permettant, là où les élus le souhaitent et surtout là où la consultation des populations le confirmera, une évolution institutionnelle.
Le choix, heureusement, ne sera jamais - en tout cas pour ce gouvernement - entre le statu quo et l'aventure, alternative que je crains de voir se dessiner ici ou là...
Mme Lucette Michaux-Chevry. C'est le chapitre VI du programme commun !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. C'est le terme « aventure » qui vous fait réagir, madame la sénatrice ? En effet, vous êtes parmi les tenants de l'aventure : je l'ai souvent dit.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Non, je rappelle l'histoire !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Cette évolution doit respecter quatre principes rappelés par le Premier ministre devant l'ensemble des maires de l'outre-mer, voilà quinze jours.
Premier principe : l'unité de la République, à laquelle les populations des départements d'outre-mer sont profondément attachées.
Deuxième principe : le maintien au sein de l'Union européenne, qui implique notamment le respect des règles européennes dans les conditions prévues par les traités.
Troisième principe : l'égalité des droits et la préservation des acquis sociaux. Il est clair que ce gouvernement n'acceptera jamais une évolution institutionnelle pour l'outre-mer qui conduirait à une régression des droits sociaux.
Enfin, quatrième principe : l'exigence d'une consultation préalable des populations, car on ne saurait préjuger la volonté des populations.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Il faut l'appliquer à la Corse, alors !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Qui renvoie à plus tard ou à jamais ces consultations ? Au fond, qui a peur du peuple dans ce domaine ? (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Lucette Michaux-Chevry. Pas moi !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Personne n'a peur du peuple !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Qui souffle le chaud puis le froid ? J'entends ici ou là qu'il faudrait réviser la Constitution, puis, après seulement - peut-être ne le ferait-on jamais... - consulter la population. Ce n'est pas la voie que nous proposons : nous n'avons pas peur du peuple.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Nous non plus !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Nous souhaitons le consulter. Nous estimons, en effet, que le peuple doit donner son point de vue avant toute évolution du statut des départements d'outre-mer, dans le respect des principes que je viens de rappeler.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Ce programme, c'est celui du RPR !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le débat public fait aujourd'hui apparaître d'heureuses convergences en Guyane comme aux Antilles. Le temps passé, ces derniers mois, à rapprocher les points de vue et permettre une confrontation dans un cadre démocratique et transparent, sous le regard de l'opinion publique, n'aura pas été, mesdames, messieurs les sénateurs, du temps perdu.
Dans le cadre du congrès et, là où l'initiative locale l'a voulu, un mouvement est engagé. En Guyane, notamment, il a abouti à un ensemble de propositions auxquelles le Gouvernement et moi-même venons d'apporter une première réponse.
Oui, un accord est possible en Guyane si nous parvenons à trouver un compromis. Le moment venu, une large majorité se dégagera parmi la population guyanaise.
Oui, une réforme est possible en Guyane, comme dans les deux autres départements qui s'engagent dans ce processus, si la population y adhère.
Ce gouvernement et sa majorité, qui, les premiers, ont rendu possible cette évolution, entendent bien respecter leurs engagements.
Sans remettre en cause les acquis de la départementalisation, sans mépriser ce qu'elle a eu de bon, il s'agit bien d'ouvrir, avec les élus du suffrage universel et avec les populations, une nouvelle étape qui pourrait comprendre, si nécessaire - M. le Premier ministre l'a rappelé - des réformes constitutionnelles si les populations le demandent.
M. Othily a abordé le problème de la couverture maladie universelle et de la dotation générale de décentralisation.
Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer et le ministre de l'intérieur partagent, bien sûr, les préoccupations exprimées par les élus de nombreux départements, parmi lesquels les quatre départements d'outre-mer, quant aux modalités financières de la création de la CMU et de ses incidences sur la dotation globale de décentralisation.
En effet, dans les comptes administratifs de 1997 des départements d'outre-mer, sont incluses des dépenses qui régularisent des dettes antérieures à 1997. Par ailleurs, les dépenses non médicales ont été comptabilisées à concurrence de 4,7 millions de francs pour le département de la Réunion.
Après décision du Premier ministre, les dépenses non médicales ont pu être déduites du montant contesté lors de l'examen de la loi de finances restificative pour 2000. Les dettes anciennes et les intérêts moratoires qui figurent dans les comptes administratifs de 1997 doivent néanmoins faire l'objet d'un réexamen. La Commission nationale consultative des charges sera saisie, le 13 décembre prochain, du projet d'arrêté portant répartition de la dotation globale de décentralisation au titre de l'exercice 2001. Elle doit examiner, en particulier, les bases de calcul de la dotation. La question de la CMU sera également abordée. J'ai attiré l'attention du Premier ministre sur ce dossier très important pour les finances des conseils généraux de l'outre-mer.
Vous avez également abordé, monsieur Othily, le problème de la pêche en Guyane.
La raréfaction de la ressource en crevettes est une réalité. Les causes en sont multiples. Le Gouvernement, pour apporter une réponse concrète et prendre des mesures de soutien à la profession, va financer une étude qui est en cours de réalisation par l'IFREMER.
Enfin, Mme Michaux-Chevry a évoqué un certain nombre de sujets. Je souhaite bien sûr lui apporter des réponses, même si, je le crains - et mes propos s'inscrivent dans la tonalité habituelle de nos rapports -,...
Mme Lucette Michaux-Chevry. Face à face !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Face à face, cela va de soi, mais avec une totale courtoisie. De toute façon, la vigueur de l'interpellation ne remplace jamais la rigueur de la démonstration !
Sur le prix de l'essence, je voudrais rappeler que la taxe sur les carburants est supérieure en Guadeloupe à ce qu'elle est en Martinique. Or cette taxe est fixée par la collectivité régionale. Comme vous le savez, la mise aux normes de la raffinerie de la SARA, que vous avez évoquée, est indispensable pour satisfaire aux normes européennes.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Vous dites que c'est nous qui fixons la taxe ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. La présence de la SARA en Martinique permet de sécuriser durablement l'alimentation en carburant aux Antilles. Fallait-il, dans ce domaine, pratiquer la politique de l'autruche ?
Mme Lucette Michaux-Chevry. Voyons, monsieur le secrétaire d'Etat, la taxe sur les carburants est fixée par le ministre ! J'ai entre les mains la lettre de M. Fabius ! (Mme Michaux-Chevry brandit un document.) Ce que vous dites est grave.
M. le président. Poursuivez, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. S'agissant des transports intérieurs, le conseil général de Guadeloupe a, comme vous le savez, délibéré sur un projet d'ordonnance qu'il a d'ailleurs lui-même contribué à établir et qu'il a ensuite transmis au Gouvernement. C'est ce projet, qui prévoit le prélèvement de 10 % du fonds d'investissement routier pour les transports, le FIRT, que vous avez évoqué, madame la sénatrice. Il n'est donc pas illégitime d'affecter une partie de ce fonds à l'agence départementale des transports prévue par cette ordonnance, puisque le FIRT représente une ressource destinée au financement du transport.
Enfin, en ce qui concerne la sécheresse en Guadeloupe, je rappellerai que 76 millions de francs ont été mobilisés pour remédier à ses conséquences ; ils seront versés au fur et à mesure de la présentation des dossiers par les professionnels.
Je soulignerai également que le PACT, le pacte d'aménagement concerté du territoire, a été restructuré en un nouvel organisme, qui a bénéficié d'une aide de l'Etat de 7 millions de francs.
S'agissant des dégrèvements fiscaux permis par la loi d'orientation pour l'outre-mer, dont vous sous-estimez l'effet concret sur le terrain, peut-être parce que vous n'avez pas voté cette loi, 125 plans d'apurement ont été conclus, mais plusieurs centaines sont en train d'être examinés et plusieurs millions de francs de dettes fiscales ont été annulés ou seront étalés dans le temps.
Vous avez également attiré mon attention sur le FIDOM décentralisé. Comme vous le savez, le Gouvernement a ordonné une expertise. D'ores et déjà, 100 millions de francs avaient été inscrits dans les lois de finances rectificatives pour 1999 et 2000 ; le solde, 66 millions de francs, est prévu dans la loi de finances rectificative pour 2001.
Voilà, madame la sénatrice, j'ai répondu en conscience, l'esprit très libre, aux questions que vous m'avez posées, même si je ne m'attends pas à ce que ces explications trouvent totalement grâce à vos yeux.
L'ambition qui doit être la nôtre est bien de faire vivre avec et pour l'outre-mer une politique de la fierté.
L'augmentation de ce budget est en effet indissociable, selon moi, d'une ambition pour l'outre-mer revue à la hausse depuis 1997, car ces moyens accrus qu'il vous est demandé d'approuver aujourd'hui traduisent un véritable changement de perspective.
Ce gouvernement revendique pour les outre-mers une politique de la fierté. Fierté d'avoir, dans l'histoire, plus souvent résisté que subi et, dans bien des circonstances, volé au secours du pays en danger ou de la République menacée ; de ce point de vue, c'est vrai, je préfère Delgrès au général Richepanse. (Mme Michaux-Chevry s'exclame.) Fierté d'avoir, de longue date et bien plus qu'on ne le mesure d'ordinaire en métropole, contribué à faire la France telle qu'elle est et oeuvré à son rayonnement. Fierté pour les collectivités d'outre-mer d'être aujourd'hui moteurs et acteurs de leur destin. Cette fierté ne saurait être celle de quelques-uns sans être celle de tous, dans l'Hexagone comme outre-mer.
Ces quelques considérations légitiment tout particulièrement, à mon sens, les moyens consacrés à la mobilité des jeunes, à la culture, à la vie associative et à la coopération régionale. Elles justifient très directement la progression, à périmètre constant, de plus de 20 % des crédits consacrés à ces domaines.
Je tiens à insister sur le lancement de deux actions nouvelles qui me paraissent essentielles.
D'une part, la modernisation du dialogue social dans les départements d'outre-mer doit prolonger une expérience réussie en Martinique ; je sais que d'autres départements et territoires d'outre-mer souhaitent qu'elle leur soit étendue.
D'autre part, nous avons entamé une action en faveur du développement des nouvelles technologies de communication. Cette action répond, je le sais, à une aspiration des départements d'outre-mer dont M. Reux s'est fait l'écho.
J'ai souhaité la création d'un fonds de développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, principalement au bénéfice du secteur non marchand, qui pourra mobiliser 1,52 million d'euros en 2002, les entreprises de ce secteur étant aidées - c'est aussi une décision récente - au titre du dispositif de soutien fiscal.
A cet égard, l'action des pouvoirs publics privilégie l'égalité d'accès et la continuité des communications outre-mer, comme le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire de juillet dernier, qui s'est tenu à Limoges, l'a prévu et comme je l'ai indiqué en différentes occasions. Cette volonté vaut tant pour le développement de l'internet que pour celui de la téléphonie mobile. Cela permettra de faciliter, je le crois, l'« égalité technologique » que M. Vergès, comme nous tous, appelle de ses voeux.
Je rappellerai, pour conclure, que, durant cette législature, le Parlement a voté de grandes lois qui concernent directement l'outre-mer, ménageant des possibilités inédites d'évolution statutaire dans la République. Le budget que je vous présente prolonge ces impulsions majeures et les inscrit dans la durée, en même temps qu'il ouvre de nouvelles voies dans des domaines que je crois essentiels pour le devenir des outre-mers.
Le temps des injonctions impérieuses ou des alternatives schématiques n'est plus. Selon les époques, on a voulu les outre-mers tantôt trop différents pour être égaux, tantôt trop uniformes pour être eux-mêmes. Nous apprenons aujourd'hui à mieux conjuguer ce que l'on tint longtemps pour inconciliables : l'aspiration à davantage de reconnaissance, davantage de liberté de s'administrer et de maîtriser son propre destin, et l'aspiration profonde à une égalité des droits mieux affirmée et à des solidarités plus efficaces.
Dans cette perspective, il me semble important qu'il y ait, à Paris, un lieu emblématique des outre-mers qui rendrait enfin possible le partage des cultures. C'est pourquoi le Premier ministre a fait part, le 19 novembre dernier, de l'engagement du Gouvernement de soutenir le projet d'une « cité des outre-mers », devant le maire de Paris, Bertrand Delanoë, et les maires de l'outre-mer réunis à l'Hôtel de Ville. Dès 2002, le Gouvernement prévoit les moyens nécessaires pour engager la création de cette cité, qui symbolisera la présence forte et irréversible des outre-mers dans l'Hexagone.
Je vous ai dit ma volonté de mettre en oeuvre, pour l'outre-mer, une politique de la fierté. Ma propre fierté, aujourd'hui, serait que le budget que vous examinez et qui sera, je l'espère, voté par nombre d'entre vous traduise la vitalité des liens unissant les différents outre-mers à la République et apporte à l'Etat les moyens de promouvoir plus efficacement, pour les outre-mers et avec eux, un développement choisi et durable, une identité respectée et une égalité non pas formelle mais réelle.
Cette promesse de la République, il faut la respecter. C'est le combat auquel ce gouvernement a fait franchir une étape sur laquelle personne ne pourra revenir, avant que vienne le temps de poser ensemble d'autres pierres. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'outre-mer et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 9 210 231 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)