SEANCE DU 6 DECEMBRE 2001


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du territoire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget sur lequel nous nous prononcerons tout à l'heure est un petit budget, puisqu'il représente moins de 300 millions d'euros. Afin de fixer les idées, je rappellerai que, si l'on en croit le « jaune », l'ensemble des dépenses de l'Etat relatives à la politique d'aménagement du territoire s'élèveraient à près de 8 milliards d'euros, dont plus de la moitié correspondant à des dépenses du ministère de l'équipement. Au total, le budget de l'aménagement du territoire ne correspondrait donc qu'à environ 3,5 % des dépenses consacrées à l'aménagement du territoire, qui, si l'on tient compte des participations des autres ministères, des exonérations fiscales et sociales ou bien encore des crédits en provenance des fonds structurels européens, s'élèveraient à plus de 77 milliards de francs.
A l'évidence, cette dispersion des crédits ne permet pas une très bonne lisibilité de votre politique, monsieur le ministre.
Le budget de l'aménagement du territoire rassemble les crédits gérés par la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR - en fait, son budget de fonctionnement - la prime d'aménagement du territoire, la PAT, et le fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT.
Le montant de ce budget fluctue selon les années, tantôt à la hausse, tantôt à la baisse.
Le budget de fonctionnement de la DATAR s'élève à 14 millions d'euros, soit une augmentation de 13,4 % par rapport à 2001. Ces crédits devraient permettre la création de sept nouveaux emplois affectés aux commissariats de massif. Peut-être les zones rurales de montagne y verront-elles un clin d'oeil et un début d'intérêt !
La DATAR est le fer de lance de l'aménagement du territoire. Elle est servie par des femmes et par des hommes de grand talent et de grande qualité, souvent passionnés par leur métier et animés d'une réelle volonté de faire avancer les dossiers.
Je tiens à les remercier et à leur rendre hommage, en regrettant très sincèrement qu'ils soient si peu et si mal suivis par leur ministère de tutelle.
Comme c'est généralement le cas, la variation du budget de l'aménagement du territoire s'explique, cette année, par l'évolution du stock de reports sur la prime d'aménagement du territoire. Si les reports augmentent, on diminue les crédits figurant dans le budget ; si ces reports diminuent, on majore les crédits du budget : c'est normal !
La PAT, comme vous le savez, mes chers collègues, a été réformée cette année. Il convient de rappeler que la Commission européenne avait indiqué à la France, dès le 24 février 1998, qu'elle devait mettre sa carte et ses dispositifs d'aide en conformité avec les nouvelles règles communautaires, et ce avant le 31 décembre 1999. La France n'a pas satisfait à temps à cette obligation. La nouvelle carte de la PAT n'a été approuvée par la Commission qu'au mois de mars 2000 et le décret relatif au régime des aides est seulement paru au moins d'avril dernier, c'est-à-dire près de quinze mois après l'échéance fixée.
Par ailleurs, j'ai bien relu le débat que nous avions eu en 1999 avec votre prédécesseur, monsieur le ministre, et à aucun moment celui-ci ne nous avait avertis de ce que l'ensemble de nos dispositifs d'aides à finalité régionale, dont la PAT et le fonds d'aide à la délocalisation ne seraient plus conformes au droit communautaire à compter du 1er janvier 2000. Je regrette cette omission. Je regrette surtout que la publication du nouveau décret ait été aussi tardive.
Néanmoins, la PAT a été réformée, les seuils abaissés, son éligibilité élargie.
Ainsi donc, même si les seuils sont encore trop élevés, à mon sens, la PAT devient un instrument plus efficace de développement, sauf pour les zones rurales, qui n'en profitent que très rarement.
En crédits de paiement, les crédits du FNADT inscrits dans votre budget sont stables par rapport à ceux qui étaient inscrits dans la loi de finances pour 2001.
Par ailleurs, les dépenses de personnel diminuent de 33 %, ce qui s'explique par le transfert de certains emplois à l'agence française pour les investissements internationaux, créée par la loi de 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.
Cette agence regroupe les différents organismes auparavant chargés de favoriser les investissements étrangers en France. Cette mesure me semble intéressante. Elle devrait, en effet, rendre plus efficace et cohérente l'action publique en ce domaine.
J'arrête ici de citer des chiffres, car leur évolution a somme toute peu de signification. Je vous rappelle, en effet, mes chers collègues, qu'en 1998 et en 2000, environ 40 % des crédits que le Parlement a votés n'ont pas été consommés et ont été reportés sur l'exercice suivant.
Ce qui compte, plus que le budget, plus que les orientations, ce sont leurs effets sur le terrain, et vous me permettrez, monsieur le ministre, de vous poser quelques questions.
La première a trait à la réforme des zonages. Voilà deux ans, à cette tribune, votre prédécesseur avait annoncé cette réforme pour l'année 2000. Deux députés ont été nommés parlementaires en mission, puisque, apparemment, les conclusions du rapport Auroux ne suffisaient pas. Nos collègues députés ont remis leur rapport au Premier ministre le 27 mai dernier. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Quels sont les zonages qui doivent être réformés ?
Ma deuxième question porte sur les schémas de services collectifs. Aux termes de la loi Voynet, ils devaient être publiés avant le 31 décembre 1999 et servir de base aux contrats de plan. Finalement, le calendrier a été bizarrement et totalement inversé. Deux ans de retard !
Arbitrés le 9 juillet 2001, lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, ils sont actuellement au Conseil d'Etat, ainsi que le décret d'approbation auquel ils sont annexés. Le décret n'est toujours pas paru. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quand cette publication aura lieu ?
J'en viens à ma troisième question. Ainsi que l'a souligné l'année dernière notre collègue Michel Mercier dans le rapport de la mission d'information chargée d'établir le bilan de la décentralisation, les crédits accordés aux termes des contrats de plan Etat-régions ne sont pas toujours proportionnels au niveau de développement de la région concernée. On a ainsi le sentiment que certaines régions sont quelque peu oubliées. Cette situation vous préoccupe-t-elle, monsieur le ministre ? En avez-vous une parfaite conscience ?
Enfin, ma dernière question, très importante, concerne les zones rurales. Les élus de ces zones, monsieur le ministre, en particulier le rapporteur spécial, ont le sentiment que la politique d'aménagement du territoire a essentiellement pour objectif de favoriser le développement des villes et que l'on a tendance à délaisser les zones rurales. Pouvez-vous m'indiquer, monsieur le ministre, quel est votre sentiment à ce sujet et quelles évolutions vous semblent envisageables ?
Je souhaite également vous poser trois autres questions.
Tout d'abord, pouvez-vous m'indiquer où en est la montée en puissance du dispositif des contrats territoriaux d'exploitation, créé par la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, qui se substitue à l'ancien fonds de gestion de l'espace rural, que personnellement je regrette ? L'objectif de départ était très ambitieux : on espérait la signature de 100 000 contrats pour le premier semestre de 2002, selon M. le ministre de l'agriculture. Or, selon mes informations - qu'il a lui-même confirmées lundi dernier à cette tribune -, 19 000 contrats ont été validés et un peu plus de 14 000 signés.
Ensuite, vous ne l'ignorez pas, monsieur le ministre, je suis particulièrement attaché au concept des plates-formes d'initiative locale. En effet, la création ou le maintien d'emplois marchands dans les zones défavorisées est une condition nécessaire à une politique d'aménagement du territoire réussie. Après plusieurs amendements du Sénat, qui ont tous reçu un avis défavorable du Gouvernement, celui-ci a enfin décidé, dans la loi de finances rectificative de la fin de l'année dernière, que ces plates-formes pourraient bénéficier de l'agrément du ministère de budget lorsqu'elles aident à la reprise d'entreprises.
Comme je le soulignais l'année dernière, les moyens financiers de ces plates-formes sont modestes. Ainsi, en 2000, le FNADT a consacré presque deux fois plus d'argent au nouvel Institut des hautes études d'aménagement du territoire - dont la pertinence, pour l'heure, n'est pas avérée - qu'à la tête de réseau des plates-formes d'initiative locale, France initiative réseau.
Monsieur le ministre, dérogeant à la règle, si vous le permettez, je souhaite, par deux exemples concrets tirés de mon expérience, pointer du doigt certains dysfonctionnements dans la conduite de la politique d'aménagement du territoire que je déplore et que je dénonce.
Elu depuis plus de vingt-cinq ans d'une zone rurale défavorisée, je me bats avec mes collègues, de droite comme de gauche, contre le déclin de notre territoire.
Force est de constater qu'il y a loin de la coupe aux lèvres, qu'il y a loin des mesures annoncées à leur application sur le terrain.
Mon premier exemple concerne l'accès à la communication.
Le CIADT du 9 juillet était porteur de promesses en ce domaine, puisque le Massif central était reconnu comme zone prioritaire pour l'accès généralisé aux réseaux à hauts débits ainsi que pour la couverture territoriale téléphonique mobile. Or qu'en est-il sur le terrain ?
Le 14 novembre dernier, le préfet m'adresse un document émanant de France Télécom et m'informant que ma commune serait desservie en hauts débits et, qui plus est, en très hauts débits, d'ici à 2003. Dix jours plus tard, le directeur général de France Télécom m'écrit ceci :
« En ce qui concerne la situation de votre commune, je suis au regret de vous annoncer que les conditions économiques ne sont pas remplies et qu'en conséquence nous n'envisageons pas de doter votre commune de l'ADSL dans un avenir proche.
« L'équation économique s'appuie sur le nombre de clients utilisateurs et non pas, comme cela pourrait être imaginé, sur la qualité et la taille des utilisateurs. Une entreprise, quelle que soit sa taille, est en fait considérée comme un seul utilisateur. La rentabilité économique passe avant tout par le raccordement de cent cinquante utilisateurs. »
Or, monsieur le ministre, ma commune est le deuxième pôle industriel de mon département, avec 780 emplois industriels.
Depuis des décennies, avec d'autres je me bats, le dos au mur, pour attirer des entreprises, les retenir, créer un environnement favorable.
Je vais, demain, devoir annoncer cette mauvaise nouvelle, expliquer l'incohérence entre les propos du Premier ministre et ceux de son administration, étouffer un espoir qui semblait légitime.
Le deuxième exemple concerne les pays, dont vous allez, monsieur le ministre, vanter les mérites. Or, d'une part, la loi nous met sous la tutelle de l'Etat et des préfets de région pour délimiter les périmètres géographiques et, d'autre part, elle impose un parcours épuisant en douze étapes qui rebute les meilleures volontés.
Ainsi, après deux ans de maturation, cinq communautés de communes décident à l'unanimité de constituer un pays qui comprend soixante communes situées dans mon département et cinq dans un département limitrophe appartenant à une autre région.
Contre la volonté unanime des élus, l'un des préfets de région s'oppose au périmètre, alors que son collègue l'approuve. Le système s'en trouve bloqué, et tous nos efforts sont réduits à néant pour des motifs politiciens, pour des luttes de pouvoir inavouées mais que personne n'ignore.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, je vous prie de conclure.
M. Roger Besse, rapporteur spécial. Je termine, monsieur le président.
Nous pourrions tous, sur ces travées, vous donner cent exemples de ces incohérences administratives et de ces dysfonctionnements qui font que les mesures prises depuis trop longtemps finissent par ne plus avoir d'effets que pervers.
Force est de constater qu'en dépit des effets d'annonce nos administrations sont toujours aussi rigides et aussi peu efficaces, à la fois omnipotentes et impotentes. Au lieu d'aider, de soutenir, d'accélérer, de faciliter les projets locaux, elles entravent et désespèrent en imposant dans tous les domaines des contraintes et des règlements dissuasifs. L'aménagement du territoire est à l'image de la carte du réseau TGV, monsieur le ministre : pleine de blancs. En un mot, le tout des uns devient le rien des autres.
Pour ces motifs et pour bien d'autres, suivant en cela la commission des finances, je vous propose, mes chers collègues, de rejeter les crédits de l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a précisé à l'instant notre excellent collègue Roger Besse, le budget de l'aménagement du territoire pour 2002 atteint un montant largement inférieur à 300 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement. Il est cependant en hausse de 6,8 % par rapport au budget voté pour 2001, bien que les crédits de fonctionnement baissent de 25 % en raison de la création par la loi du 15 mai 2001 de l'Agence française pour les investissements internationaux, qui a prélevé 28 emplois sur les effectifs de la DATAR.
Les crédits d'intervention sont en baisse de 8,2 % par rapport à l'année dernière. Les crédits d'investissement seront en légère baisse en autorisations de programme et en progression de 12,4 % en crédits de paiement.
Je souhaite souligner le manque de lisibilité de ce budget.
Ainsi, le projet de loi de finances pour 2002 fait apparaître une hausse d'environ un tiers des crédits de paiement destinés à la prime à l'aménagement du territoire. En revanche, les crédits d'intervention consacrés aux contrats de plan Etat-régions enregistrent une baisse de plus d'un quart. On nous a expliqué que des reports de crédits liés à la signature tardive des contrats de plan expliquent la chute de ces dotations.
Il n'en reste pas moins que, à force de mettre en avant les enveloppes qui enregistrent des augmentations et de passer sous silence les raisons d'un certain nombre de baisses, le Gouvernement ne contribue pas à éclaircir les perspectives.
Vous me permettrez de dire quelques mots sur la prime d'aménagement du territoire.
Lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, monsieur le ministre, vous n'avez pas vraiment répondu à deux des questions que je vous avais posées.
La première concernait la situation des territoires exclus du nouveau zonage PAT. Dès que ce sera possible, il importera pourtant de dresser un bilan de ce « dézonage », notamment en termes d'emplois.
Je vous avais aussi interrogé, monsieur le ministre, sur les conditions de versement des primes ainsi que des fonds structurels européens.
On sait que les dossiers de demandes de primes sont instruits par la DATAR. De nombreux élus ont d'ailleurs mis en cause les procédures et les règles souvent draconiennes qui sont imposées. De fait, votre prédécesseur avait reconnu que nombre de projets créateurs d'emplois connaissaient l'échec et faisaient l'objet de demandes de remboursement de la part de la DATAR.
Il conviendra, là encore, de reconsidérer ces mécanismes afin d'éclaircir une situation qui pourrait devenir délicate, s'agissant des fonds structurels, à l'heure de l'élargissement de l'Europe et de la possible remise en cause du montant des fonds européens.
Depuis 1997, plus particulièrement depuis l'entrée en vigueur de la loi du 25 juin 1999, le Gouvernement a fait de la politique des « pays » l'un des axes majeurs de sa politique d'aménagement du territoire. On ne peut s'empêcher de relever que le volontarisme affiché depuis quelques années a débouché à ce jour sur la signature d'un seul contrat de pays dans les conditions retenues par la loi de 1999. (M. le président de la commission des affaires économiques s'esclaffe.)
Ainsi que je vous l'ai signalé lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, monsieur le ministre, le calendrier de mise en route des pays est fort contrasté d'une région à l'autre. Une question paraît alors légitime : la formule définie par la loi du 25 juin 1999 n'est-elle pas trop bureaucratique et ne suscite-t-elle pas des réticences qu'un cadre juridique plus souple aurait pu éviter ?
De même, force est de constater que, jusqu'à présent, deux contrats d'agglomération seulement ont été signés dans les conditions prévues par la loi du 25 juin 1999.
Il est assurément trop tôt pour juger de l'adéquation du dispositif législatif mis en place par la loi Voynet aux réalités du terrain. Au-delà d'un délai raisonnable, il conviendra toutefois de se pencher sur cette question.
J'en viens enfin aux nouveaux contrats de plan Etat-régions.
Le Gouvernement considère manifestement que la baisse de près de dix points de la part relative des crédits routiers dans la nouvelle génération de contrats de plan est un succès. Pourtant, les dépenses effectuées dans le cadre de la planification régionalisée répondent à des besoins exprimés par les collectivités et financés par l'Etat, par les régions, voire - c'est de plus en plus souvent le cas - par les départements.
En conséquence, les choix de l'Etat doivent être conciliés avec les aspirations légitimes des territoires, et l'on connaît la place importante que tiennent le développement d'infrastructures nouvelles et l'entretien du patrimoine routier existant dans les préoccupations des collectivités territoriales.
Je conclurai - car le temps passe vite, et celui qui m'est imparti est bien court - en soulignant que, avec un budget qui reste depuis plusieurs années nettement inférieur à 300 millions d'euros, l'aménagement du territoire ne constitue manifestement pas la priorité essentielle du Gouvernement.
Quelles que soient les déclarations d'intention, le grand élan manifesté par les auteurs de la loi du 4 février 1995, loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, n'a pas été mis à profit pour relancer une véritable politique de rééquilibrage entre les différentes parties de notre territoire qui aurait notamment privilégié les zones qui connaissent le plus de difficultés.
Peu pourvue en moyens budgétaires, la nouvelle politique d'aménagement du territoire s'articule désormais autour des schémas de services collectifs ainsi que de la politique des pays et des agglomérations.
Pour nombre d'entre nous, les schémas ont été décevants, parce qu'ils laissaient sans réponse des questions pourtant essentielles, telle l'insertion intelligente du territoire français dans l'ensemble européen.
La politique visant à la création de pays et d'agglomérations, autour de contrats peut-être un peu formalistes et trop contraignants, n'a pas non plus donné, jusqu'à présent, de résultats véritablement probants.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, la commission des affaires économiques est défavorable à l'adoption des crédits concernant l'aménagement du territoire pour 2002. (Applaudissements sur les bancs du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Je partage sans réserves les propos de nos deux rapporteurs.
Ce soir, monsieur le ministre, nous parlons de 2 milliards de francs - le budget de la DATAR - alors que nous devrions parler - mais on n'en parlera jamais - de 22 milliards de francs, c'est-à-dire des fonds structurels européens consacrés à l'aménagement du territoire.
Il est tout de même paradoxal et assez incroyable que le Parlement soit absent du débat sur un point aussi essentiel. Oh, certes, cette situation, ne date ni d'hier, ni de votre arrivée au ministère de l'aménagement du territoire ! Ce sont un décret de mai 1982, puis la loi d'administration territoriale, puis une décision de 1994 qui, au travers du document unique de programmation, ont donné aux préfets de région et au secrétaire général aux affaires régionales, le « SGAR », l'essentiel des pouvoirs.
On parle de services « déconcentrés », mais « corsetés » conviendrait mieux ! Pour répartir les crédits, la DATAR utilise un logiciel qui porte le joli mot de « Présage ». Présage de la déconcentration ? Non ! Présage d'une gestion concentrée et non pas régionalisée, comme dans certains pays où la décentralisation est une réalité et où le Parlement discute des fonds structurels européens !
Si au moins notre système était efficace ! Il y a tout de même l'exécutif et le CIADT, n'est-ce pas ? Mais que relève dans son rapport de janvier dernier la Cour des comptes ? Des retards de programmation, des défaillances telles que nous ne parvenons pas à consommer les crédits ! Et, monsieur le rapporteur spécial, ce sont sans doute les territoires les plus en difficulté qui en consomment le moins tant le système est bancal !
Au début des années quatre-vingt-dix, nous avons voulu rendre au Parlement sa place. Reconnaissons-le, mes chers collègues, la DATAR est née en 1963 d'un phénomène de mission, en même temps que de la volonté du général de Gaulle, mais les missions ont un temps. Après le temps de la mission - oserai-je dire d'« évangélisation » ? - voici le temps de la gestion ecclésiale, qui devrait être dévolue au Parlement.
Nous avons donc imaginé le « retour » du Parlement, et nous l'avons d'ailleurs imaginé ensemble, que ce soit sous le gouvernement de Michel Rocard, de Pierre Bérégovoy, puis d'Edouard Balladur. Nous nous sommes dit : souvenons-nous de la convention de Bordeaux, souvenons-nous de Poitiers, en 1994 - là, le Sénat a joué un rôle essentiel - et nous avons décidé que le Parlement devait à nouveau intervenir dans la politique d'aménagement du territoire.
Cela a été la loi Pasqua-Hoeffel et, croyez-moi, cela a été une conquête du Parlement que de pouvoir débattre de schéma national ou de schéma sectoriel, et que de concevoir un fonds - qui, d'ailleurs, a été supprimé - dans lequel les parlementaires allaient jouer un rôle. Je veux parler du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN.
Puis, patatras, la loi Voynet est arrivée.
Certes, je reconnais que les gouvernements qui ont succédé au gouvernement de M. Balladur ne nous ont pas non plus tellement facilité la tâche en matière d'aménagement du territoire. Mais, avec la loi Voynet et le schéma de services collectifs, c'était la fin du débat au Parlement.
Bien sûr, il y a la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire, et, croyez-moi, nous allons la muscler, mais elle ne remplace pas le débat au Parlement.
Monsieur le ministre, vous le savez, je me suis personnellement engagé dans la voie des schémas de services collectifs et j'ai eu, sous l'autorité de Jean-Pierre Raffarin, la responsabilité d'être rapporteur. Mais, monsieur le ministre, il nous faut réfléchir au retour du Parlement !
Un souvenir : la carte PAT et son arrivée dans cet hémicycle en 1999. Nous cherchions la carte PAT à la manière de « L'inspecteur mène l'enquête ». Impossible de la trouver au ministère ! Nous la découvrons dans le journal Le Monde l'après-midi où débutaient nos débats. Est-ce là une manière d'associer le Parlement à la réflexion et à la cartographie ? Je me souviens du visage de Mme Voynet, effondrée par ce mauvais tour que, sans doute, certains lui avaient joué - et je ne fais là nul procès d'intention a posteriori.
Peut-on continuer de la sorte à ne pas associer le Parlement ? Les membres du Bundestag et du Bundesrat ont pu, en 1992, sur le schéma multimodal de transport - sujet difficile - s'exprimer, débattre, choisir.
Monsieur le ministre, pour conclure, je vous poserai trois questions.
Etes-vous satisfait du rôle actuel du Parlement dans la définition et la mise en oeuvre de la politique d'aménagement du territoire ?
Jugez-vous que les assemblées parlementaires ont été associées convenablement à la modification des critères d'attribution de la PAT et des fonds structurels communautaires ?
Quelles sont les mesures que vous préconisez pour que le Parlement ne débatte plus uniquement de 9 % des crédits qui contribuent à l'aménagement du territoire ? (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Joyandet. Excellent !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 35 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 6 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Dans les interventions des trois orateurs précédents, j'ai entendu le désarroi des parlementaires. Pour ma part, monsieur le ministre, je veux surtout vous parler du désarroi des maires.
L'aménagement du territoire - comme le Plan - était, il y a quelques décennies, une spécificité française de renommée internationale. Il avait un dessein très large, que traduisait un discours parfois peut-être un peu simpliste, et s'appuyait sur quelques grandes actions qui mobilisaient l'appareil d'Etat, qui, lui-même, entraînait les collectivités locales et l'ensemble des responsables économiques et sociaux du pays.
Je ne suis pas un nostalgique - je laisse cela à M. Chevènement ! - je suis de ceux qui pensent que le développement durable est une bonne orientation et qu'il faut se centrer sur la demande de services plutôt que sur une stratégie de l'offre. Force est cependant de constater que règne un grand désordre depuis quatre ans dans la conduite par le Gouvernement des différentes démarches ministérielles qui concourent à l'aménagement du territoire.
Chaque ministère y est allé de sa loi, de sa circulaire, de son calendrier et, en bout de ligne, ce sont aux maires qu'il appartient de décrypter un dispositif qui, dans le choc des directives, a perdu toute lisibilité.
On nous a dit que les contrats de ville constituaient le volet « exclusion » des contrats d'agglomération, qui, eux-mêmes, étaient le volet territorial des contrats de plan, qui, eux-mêmes, seraient réalisés lorsque les orientations seraient fixées par les schémas de services collectifs.
Le résultat est exactement l'inverse : les schémas de services collectifs viennent à peine d'être approuvés - on n'en connaît d'ailleurs pas la valeur juridique - et seul un contrat de pays a été signé. Quant aux contrats de plan, ils sont en mouvement, mais ils sont les seuls et ils ne s'intègrent donc pas, comme cela était prévu à l'origine, dans un dispositif d'ensemble.
Les maires ont vu d'abord arriver le périmètre du plan de déplacement urbain, puis le périmètre du contrat de ville, puis les périmètres des contrats de pays. Les agglomérations entraient-elles dans ces derniers ? C'est une circulaire de juin dernier qui a enfin défini l'articulation entre contrats d'agglomération et contrats de pays.
Et voilà, cerise sur le gâteau, que la loi SRU leur impose un dernier petit périmètre : le schéma de cohérence territoriale. Ou plutôt, ne sachant plus, avec un tel kaléidoscope, comment faire, on se défausse sur les maires du soin de définir les périmètres des SCOT !
Monsieur le ministre, il y a sur le terrain un grand désarroi. Quand la logique de départ est sans cesse compromise par la multiplication de circulaires plus ou moins bien comprises par les services déconcentrés de l'Etat, la politique d'aménagement du territoire perd toute lisibilité.
Je n'ai pas de question précise à vous poser, monsieur le ministre, si ce n'est celle-ci : que faire pour remettre de l'ordre ?
Mener une politique du territoire coordonnée est une ardente obligation. Pour s'y consacrer, les maires doivent avoir une visibilité sur le long terme, ce qui implique que les multiples mécanismes financiers qui, chaque jour, les entraînent dans des circuits administratifs incompréhensibles soient enfin clairement articulés les uns par rapport aux autres.
Je ferai, en guise de conclusion, une dernière remarque, monsieur le ministre : on ne peut conduire une politique d'aménagement du territoire si, sur le terrain, les préfets et les directeurs d'administration ne sont pas capables d'expliquer aux élus locaux le chemin ! (Applaudissement sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous étions inquiétés l'année dernière d'une diminution importante - elle atteignait 9,9 % - des crédits de paiement du budget de l'aménagement du territoire. Avec un montant de 285,38 millions d'euros, le projet de budget pour 2002 consacre une hausse de ces mêmes crédits de 6,8 %. A cela s'ajoute une progression de 1,8 % des autorisations de programme, qui s'élèvent à 269,23 millions d'euros.
Nous ne pouvons donc que nous féliciter de ces augmentations, qui permettent à la fois un rattrapage par rapport à la loi de finances de 2001 et un rééquilibrage en faveur des autorisations de programme.
Nous savons, par ailleurs, que la politique d'aménagement du territoire bénéficie aussi des concours des autres ministères, que ce soit celui des transports, de l'intérieur ou, plus globalement, des crédits destinés à la politique d'équipement civil.
Soulignons que l'une des spécificités de ce ministère réside précisément dans le fait qu'il faut parvenir à assurer une articulation cohérente des différentes interventions publiques afin de remplir la mission qui est impartie au ministre chargé de l'aménagement du territoire : garantir la cohésion du territoire national et, plus largement, la cohésion nationale.
La politique d'aménagement du territoire est, en effet, un outil essentiel de correction des inégalités géographiques et sociales. Elle doit viser à ce que le développement économique et social des régions soit équilibré, afin d'éviter qu'il ne se traduise par la marginalisation de certaines zones.
Elle doit consister à assurer un développement harmonieux de l'ensemble du territoire.
Institués par la loi Voynet, les schémas de services collectifs, qui sont conçus pour un horizon de vingt ans, devraient être l'instrument privilégié d'une véritable planification territoriale, capable de prendre en compte l'ensemble des besoins de la collectivité.
La relance des contrats de plan Etat-régions 2000-2006, par des engagements de crédits plus importants, et le renforcement des moyens de la DATAR rendent compte, en tout cas, de votre volonté de vous engager dans cette voie. En témoigne la progression des crédits affectés à la prime d'aménagement du territoire, la PAT, qu'il s'agisse des autorisations de programme en hausse de 8,8 % ou des crédits de paiement qui n'augmentent pas moins de 33 %. En témoigne encore une évolution globalement satisfaisante des crédits destinés au Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT.
Ces concours et subventions devraient permettre, en principe, de mener des actions en direction des zones les plus fragiles, de favoriser les investissements et de relancer l'emploi. Telle est l'action entreprise dans le Lunévillois, en Meurthe-et-Moselle, à la suite de l'annonce des fermetures de Bata et de Flextronics, qui concernent 600 salariés dont, hélas ! une majorité de couples.
Cependant, les contributions du FNADT seront-elles suffisantes pour faire face à cette situation et, d'une manière générale, aux multiples autres cas d'abandons d'activités industrielles sous la pression des actionnaires ? Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser la question : ne devons-nous pas exiger d'abord que les actionnaires assument la totalité de leur responsabilité envers les salariés ?
A ce propos, et par parenthèse, on pourrait, si ce n'était si grave, sourire de l'attitude de certains qui réclament la liberté d'entreprendre pour les entreprises et, lorsque ça va mal, demandent à l'Etat d'intervenir avec les fonds publics pour réparer les dégâts.
Aujourd'hui, de nombreuses industries sont menacées de dépôt de bilan et les plans sociaux qui laissent, dans la plupart des cas, des milliers de salariés dans la détresse se multiplient, contribuant à faire remonter de manière inquiétante le taux du chômage.
Lorsqu'une entreprise comme Moulinex ferme, ce sont aussi les salariés de ses fournisseurs et de ses sous-traitants qui risquent de perdre leur emploi. Les réactions en chaîne se produisent, qui mettent en danger l'ensemble du tissu local.
Quand Alcatel décide de se séparer de ses activités de production dans la téléphonie mobile, ce ne sont pas moins de 5 000 salariés qui sont concernés. Ce sont les grandes firmes multinationales qui, à travers de nouvelles formes de gestion de la production et de la main-d'oeuvre, comme l'externalisation et la sous-traitance, contribuent à ces mouvements d'éclatement et de fragmentation sociaux. Et l'on sait combien la sous-traitance contribue à la casse des statuts, à des pressions sur les salaires et sur la productivité. La multiplication des formes précaires d'emploi accroît encore le risque d'une fragmentation de la société. Le contexte actuel, monsieur le ministre, nous incite vivement à prendre des mesures efficaces de réindustrialisation de ces sites. Les exemples montrent que l'action des médiateurs sociaux, pour utile qu'elle soit, est largement insuffisante face à de tels drames sociaux.
Aménager le territoire, c'est aussi savoir soutenir et accompagner la reconversion économique de manière plus volontariste, avec de réels projets novateurs, capables d'anticiper l'avenir.
En ce domaine, la politique doit aussi s'appuyer sur la solidarité interrégionale et sur une meilleure répartition de la richesse. Nous attendons, de ce point de vue, un renforcement et une amélioration des mécanismes de péréquation, afin que les effets correcteurs de la politique d'aménagement du territoire puissent rapidement et pleinement produire leurs effets.
Il faut encore veiller à ce que la décentralisation renforce le maillage des services sur l'ensemble du territoire, contribuant ainsi à sa structuration en réseaux.
Dans cette optique, nous savons que les services publics, et plus largement les services d'intérêt collectif, jouent un rôle essentiel en tant que facteur d'égalité sociale et de cohésion nationale, en même temps qu'ils produisent des effets d'entraînement sur d'autres secteurs d'activité.
Or la tendance à la concentration des équipements collectifs de qualité et des services publics autour des grandes métropoles régionales et de quelques villes moyennes contribue à accroître les disparités géographiques.
Faute de moyens financiers suffisants, de nombreuses communes, petites et moyennes, n'ont pas la possibilité de répondre aux besoins collectifs pourtant essentiels.
Ce sont encore ces mêmes ensembles qui risquent, si l'on n'y prête attention, d'être privés des nouvelles technologies de l'information et de la communication, avec les discriminations que cela impliquerait du point de vue du développement socio-économique. Rappelons tout de même que d'aucuns ont voté pour une certaine forme de privatisation de France Télécom. Pas nous, en tout cas ! L'égal accès, sur l'ensemble du territoire, aux réseaux Internet à haut débit devrait être l'une des priorités de toute la politique d'aménagement du territoire. Les opérateurs privés n'investiront pas dans une technologie aussi coûteuse si les perspectives de rentabilité leur semblent trop insuffisantes et trop lointaines. De même, la nécessité d'équiper rapidement l'ensemble du territoire en réseaux de téléphonie suppose qu'un réel effort financier soit engagé.
Voilà les observations que je tenais à faire à l'occasion de la discussion de ce projet de budget pour 2002. Il fallait, me semble-t-il, réaffirmer les rôles fondamentaux que la politique d'aménagement du territoire doit jouer : rôle de correcteur - je le rappelle - des inégalités sociales et territoriales et rôle d'incitation et d'entraînement assurant le développement équilibré et harmonieux du territoire.
Cela n'enlève rien au réel volontarisme politique dont vous faites preuve, monsieur le ministre. Le groupe communiste républicain et citoyen soutiendra votre action et votera votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aménagement du territoire volet de première importance d'une politique nationale, c'est une évidence.
Le projet de budget pour 2002 est, certes, en augmentation, mais, de ce point de vue, je partage l'analyse du rapporteur, mon collègue et ami Roger Besse.
Pour ce qui est du FNADT - c'est un des trois volets - il est permis de s'interroger sur la pérennité des engagements du ministère au côté des collectivités locales mais j'y reviendrai.
Première remarque : le budget de l'aménagement du territoire dépend largement d'autres concours financiers de l'Etat, qu'il s'agisse des transports, de l'agriculture et de l'exonération des charges en faveur d'entreprises, toutes choses qui réduisent la marge de manoeuvre de votre ministère. On retrouve là le manque de visibilité.
Deuxième remarque : la contribution croissante des fonds structurels, dont M. Gérard Larcher disait qu'ils sont corsetés. Ils visent, en tout cas, à réduire les disparités entre les régions d'Europe et ils sont supposés appuyer la mise en oeuvre des contrats de plan. De ce point de vue, ma région est concernée par l'objectif 2, mais celui-ci concerne - et c'est regrettable - une population moindre que celle qui était visée par les anciens objectifs 2 et 5 b. C'est un constat. Une question : quel devenir pour les mesures d'adaptation pour les territoires qui ont perdu leur éligibilité ?
Ma troisième remarque, qui comporte plusieurs volets, concerne les territoires ruraux. Ils ont plutôt à souffrir - le rapporteur spécial le rappelait - de la nouvelle carte PAT. Loin d'enrayer le déclin de ces territoires, cette nouvelle PAT les fragiliserait plutôt. C'est pour le moins paradoxal, convenez-en, monsieur le ministre !
Toujours en ce qui concerne les régions défavorisées, qu'en est-il des efforts de péréquation ? Un rapport du Sénat relève que les contrats de plan, dont ce pourrait être le rôle, permettent en fait d'opérer des transferts de charges vers les collectivités locales. Mme Irène Félix, qui, me semble-t-il, est chargée au parti socialiste du développement local dit : « Une plus grande péréquation entre les aides de l'Etat fait partie des projets prioritaires du parti socialiste en matière de développement local. » Elle ajoute : « On ne peut pas confier de plus en plus de responsabilités aux collectivités sans doter de façon plus juste les collectivités les plus pauvres. »
Je relève cependant une nouveauté : le volet territorial des contrats de plan. Les pays, les agglomérations - cela a été rappelé - se mettent en place plutôt difficilement, ici ou là, au milieu d'un mille-feuille auquel faisait allusion notre collègue M. Alduy. Puisse l'Etat, pour ce volet territorial, honorer ses engagements !
Les milieux ruraux sont également des zones défavorisées du point de vue de la couverture par la téléphonie mobile. Lors du CIADT de Limoges, l'engagement a été pris d'achever la couverture en trois ans. Or, à ce jour, qu'en est-il de l'affectation des crédits d'Etat ? « Le Limousin sera la première région couverte en haut débit avant même la région parisienne », a dit M. Guigou. Il poursuit ainsi : « Il faut que tous les hôtels de luxe aient une connexion haut débit. » L'hôtellerie de luxe en Limousin, ce n'est pas notre première préoccupation ! Les territoires ruraux risquent de subir le développement de la société de l'information au lieu d'en bénéficier. Nous sommes là - Roger Besse le disait aussi - sous le règne ou le joug de la rentabilité économique.
Toujours en ce qui concerne les espaces ruraux, j'évoquerai les schémas de services collectifs. Celui qui concerne les espaces naturels et ruraux n'échappe pas - c'est aussi l'avis du président de ma région - aux critiques portées sur l'ensemble des schémas. C'est M. Vauzelle, président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui parle de « textes d'aménagement d'en haut qui méprisent la vision d'en bas ». Ce sont les présidents de région qui parlent de textes « jacobins ». Par ailleurs, si des priorités sont dégagées pour chaque région, les orientations retenues ne sont assorties d'aucune évaluation financière, que je sache.
Schémas de services collectifs, services publics aussi. Elément vital en zone rurale où le service public, prestataire de services, certes, est également perçu comme ayant un rôle économique. Ce rôle d'animation économique explique, en grande partie, me semble-t-il, les résistances acharnées que suscite tout projet de restructuration. Certes, la notion de service public ne saurait être le maintien en l'état de ce qu'il est depuis des décennies, mais je pense qu'il est parfaitement utopique de laisser espérer - et je citerai à nouveau M. Guigou - la mise en place de « supérettes de services publics » qui réuniraient La Poste, l'Agence nationale pour l'emploi et l'Agence nationale de valorisation de la recherche, et qui seraient ouvertes de sept heures à vingt et une heures. Il est permis de rêver !
Il y aurait encore beaucoup à dire, sur le soutien, par exemple, à l'implantation des entreprises, le FNDE, le Fonds national de développement de l'évaluation. Mais j'achève là mon propos.
Elu d'une région où l'on est on ne peut plus sensible à ce qui touche à l'aménagement du territoire, je considère en toute bonne foi, je crois pouvoir le dire, que le milieu rural n'y trouve pas son compte. M. Besse vous demandait, monsieur le ministre, quelle était l'évolution envisageable. Pour l'heure, la France à deux vitesses : l'expression n'est pas d'aujourd'hui. Mais on ne saurait admettre qu'elle puisse être la réalité de demain. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR. - M. Alduy applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget qui nous est soumis ce soir est en hausse sensible, 6,8 %, il s'établit à 285,38 millions d'euros et, pour la quatrième année consécutive, il figure parmi les priorités du Gouvernement.
Il s'articule autour de trois axes prioritaires : assurer un meilleur équilibre territorial, rechercher un développement économique des territoires et mieux gérer les espaces sensibles et remarquables.
N'oublions pas que la politique de l'aménagement du territoire ne relève pas uniquement de ces crédits, cela a été souligné tout à l'heure, et que d'autres ministères participent à cette action. Il en est de même des programmes d'origine communautaire, ou encore des contrats de plan Etat-régions. Au final, ce sont des moyens financiers importants.
La seconde caractéristique de l'aménagement du territoire réside dans la recherche, depuis 1997, de cohérence entre les diverses politiques publiques.
Cela est particulièrement visible à travers les lois adoptée depuis cette date. Cette législature a vu la mise en oeuvre de réformes majeures tournées vers l'aménagement durable et solidaire. Je pense, entre autres textes, à la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire - LOADDT - à la loi d'orientation agricole - LOA - à la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, et, enfin, au projet de loi relatif à la démocratie de proximité, que le Sénat examinera en première lecture au début du mois de janvier prochain.
Cette énumération témoigne de la volonté du Gouvernement de ne pas procéder par à-coups, mais d'avoir une politique globale.
Je souhaite revenir un instant sur la LOADDT, qui restera une grande loi, car elle consacre le passage d'une politique de guichet à une politique de projet. Elle permet, à travers la création des neuf schémas de services collectifs, une vision prospective à vingt ans. Ces schémas déclinent les politiques publiques structurantes non seulement dans des domaines traditionnels, tel le transport, mais aussi dans des secteurs novateurs comme la culture, le sport et les espaces naturels et ruraux.
La démarche même de leur élaboration est novatrice, car elle a permis une concertation, en amont, de tous les acteurs. Ce sont, en effet, les attentes des habitants et des territoires qui ont été prises en compte. Bien sûr, nous relevons quelques insuffisances, par exemple le manque de liens entre les schémas de services et les schémas régionaux ou le manque de liens entre les schémas eux-mêmes.
Pour ma part, chargée par la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire d'un rapport sur le schéma de l'enseignement supérieur et de la recherche, je tiens à saluer de nouveau la prise en compte de ce secteur comme un élément structurant de la vie de nos territoires.
Un autre aspect de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire me paraît fondamental : la création des pays et des communautés d'agglomération. Mon collègue Jean-Pierre Sueur traitera plus particulièrement de ces dernières.
Quant à moi, je souhaite évoquer les pays. En les créant, la loi prend en compte la nouvelle organisation de la vie qui n'est plus assurée dans le seul cadre des 36 000 communes. Compte tenu de la mobilité des populations, qui bougent pour leur travail et leurs loisirs, il faut une organisation à l'échelle d'un bassin de vie.
Elue locale, maire d'une commune de 6 000 habitants en milieu rural, je participe, sans aucun défaitisme, contrairement à ce que j'ai entendu tout à l'heure, à la mise en place du pays de Cornouaille. Le périmètre de ce pays de 300 000 habitants, dix communautés de communes et une communauté d'agglomération, s'étend du centre au sud du Finistère. Il démontre le dynamisme de cette politique dans ma région, la Bretagne, qui, je crois, peut être citée en exemple dans ce domaine.
Dans cette région, les acteurs locaux du développement ont une longue pratique du partenariat, acquise notamment avec la mise en place des pays touristiques.
A la fin de 2002, une cinquantaine de pays devraient être définitivement constitués. C'est une belle avancée.
Un des outils majeurs de l'approche volontariste de l'aménagement du territoire, c'est, bien sûr, la DATAR, qui voit ses crédits augmenter si l'on tient compte du transfert de ses bureaux à l'étranger à la nouvelle Agence française pour les investissements internationaux. Les missions de plus en plus importantes confiées à la DATAR méritent toutefois que des efforts supplémentaires soient envisagés.
Autre point qui représente, à mon sens, une évolution positive : la rénovation de la PAT, la prime à l'aménagement du territoire, aujourd'hui élargie aux activités de services à l'industrie, et plus particulièrement destinée aux PME-PMI. Celles-ci ont un rôle majeur à jouer pour l'emploi dans les zones rurales et les villes moyennes.
En 2000, 137 entreprises ont été aidées et ont permis la création de 12 900 emplois.
Autre outil de financement de projets structurants : le Fonds national d'aménagement du territoire, FNADT, qui a été également profondément modifié afin de réduire le saupoudrage des crédits.
Je souhaite évoquer aussi les services publics, qui sont essentiels à l'avenir de nos territoires.
Deux lois ont directement influé sur leur implantation : la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, la LOADT, bien sûr, mais aussi la loi relative aux relations des citoyens avec l'administration.
Le groupe socialiste du Sénat a d'ailleurs été à l'origine de deux amendements à cette loi visant à mieux assurer le maillage du territoire. Le premier prévoyait, dans les zones urbaines sensibles et dans les zones de revitalisation rurale, une participation de l'Etat lorsqu'il s'agit de développer les maisons de service public ou d'assurer le fonctionnement d'un service public.
Le second amendement visait à mettre en oeuvre une étude d'impact dès lors que, dans des zones sensibles, sont envisagées des suppressions de services publics. Monsieur le ministre avez-vous dès à présent des éléments d'appréciation de ces actions ?
J'ai également des questions à vous poser sur d'autres domaines.

La première concerne l'irrigation du territoire par le réseau GSM.
La deuxième a trait à la couverture du territoire par le haut débit. Le Gouvernement souhaite permettre l'accès de tous au réseau à haut débit. Comment l'Etat va-t-il s'engager dans cette démocratisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication ?
Enfin, ma dernière question concerne un sujet très différent, qui préoccupe beaucoup les élus locaux. Quelle cohérence y a-t-il entre les pays et les schémas de cohérence territoriale, les SCOT ? Je sous saurais gré de nous apporter un éclairage sur ce point.
Telles sont les principales observations que je souhaitais faire sur votre budget, monsieur le ministre. Le groupe socialiste du Sénat votera, bien entendu, en faveur de ces crédits.
Je ne peux cependant m'empêcher d'émettre quelques regrets sur l'attitude peu constructive que va adopter notre assemblée. La commission des affaires économiques a émis un avis négatif, au nom d'un manque de lisibilité de ce budget. Le manque d'argumentation invoquée par la majorité du Sénat est loin d'être à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Rispat.
M. Yves Rispat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'analyse du budget de l'aménagement du territoire pour 2002 m'amène, en tant qu'élu d'un département essentiellement rural, le Gers, à rendre un hommage particulier au rapporteur spécial, M. Besse, qui incarne parfaitement, selon moi, l'intelligence rurale et la sensibilité de ce grand territoire qu'est le Massif central, un peu identique à mon département. Dans son rapport, il a traduit parfaitement les attentes ainsi que les inquiétudes du monde rural en matière d'aménagement du territoire.
Je tiens à dire également que je partage tout autant les réserves du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ainsi que celles de son président, M. Gérard Larcher.
Pour ma part, je vais m'intéresser à deux points particuliers, monsieur le ministre.
Mes chers collègues, bien que vous ayez une mémoire plus fine que celle des membres du Gouvernement, je me permets de vous rappeler que le département du Gers avait été choisi en 1977 comme lieu de rencontre d'un CIADT. Ce fut le CIADT d'Auch lequel, pour la première fois, a affirmé avec clarté une nouvelle priorité pour le monde rural et développé de nouveaux moyens d'action en sa faveur.
Après d'autres décisions touchant toutes les régions, une série de dispositions et de mesures particulières furent arrêtées, toutes destinées à renforcer le développement économique, social et culturel du département du Gers.
Si un certain nombre d'actions ont été réalisées, dans le cadre de la continuité de l'Etat, notamment dans la région d'Auch, nous sommes en droit d'attendre la réalisation d'autres opérations plus importantes, je veux parler du classement en voie expresse à deux fois deux voies de la RN 124 et, sur cette même nationale, d'opérations de déviation non encore réalisées à ce jour en trois points importants du territoire, Aubiet, Gimont et Nogaro, de la modernisation de la ligne ferroviaire Auch-Toulouse et, enfin, de la création d'une école des métiers d'art et du patrimoine.
Je mets à profit cette intervention pour protester avec vigueur contre ces oublis concernant des projets pourtant arrêtés en 1997.
L'insuffisance des crédits d'aménagement du territoire réellement investis est devenue une constante, ce qui est particulièrement grave pour la trentaine de départements ruraux fragiles dont le Gers fait partie.
M. le rapporteur spécial a insisté sur le montant structurellement très élevé des crédits non consommés relevant d'une mauvaise administration. Le fait que 44 % des crédits votés dans le projet de loi de finances pour 2000, soit 17 millions d'euros, aient été reportés en 2001 montre l'ampleur des écarts !
En tant que parlementaire très attaché par des responsabilités anciennes à l'aménagement du territoire, je souhaite que le Sénat approfondisse ses investigations pour connaître à l'avenir les véritables destinations de ces crédits.
Le manque de transparence des informations fournies à propos de l'emploi du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire au cours de l'année 2000 a également été déploré par M. le rapporteur, et je m'associe pleinement à sa demande d'éclaircissement.
Pour ma part, je souhaite que soit établi un bilan précis et objectif des nombreuses défaillances que nous avons à subir en matière d'aménagement du territoire, et notamment sur les fermetures de services publics en milieu rural. Ces fermetures qui touchent les postes, les subdivisions d'équipement, les perceptions sont inadmissibles dans la mesure où elles sont effectuées sans concertation et qu'elles ont été poursuivies malgré des engagements pris pour les faire cesser.
La mise en place des maisons de services publics en milieu rural ne supplée en rien aux fermetures ni aux baisses du nombre d'agents dans ces zones.
Parmi les éléments néfastes que nous avons à subir, je citerai la dramatique réduction des effectifs de gendarmerie, le manque de soutien et de coordination de la politique des pays par les services de l'Etat, qui reste beaucoup plus l'oeuvre d'initiatives politiques locales que le résultat d'une réelle volonté de l'Etat, enfin, le peu de lisibilité et la difficulté d'utilisation par les acteurs locaux du fonds de gestion de l'espace rural.
Ainsi, les objectifs réels d'aménagement du territoire deviennent peu compréhensibles tant par les populations que par les élus. Or, en cette deuxième année du XXIe siècle, la France a besoin d'un ministère d'aménagement du territoire autonome, doté de moyens suffisants et capable de proposer une politique assurant le maintien des équilibres.
En cette fin d'année 2001, les populations des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées observent avec inquiétude les initiatives liées aux nécessités du passage des convois transportant les éléments du futur Airbus A 380 de Langon à Toulouse, sujet auquel, monsieur le ministre, vous ne pouvez demeurer indifférent.
Ce projet industriel est présenté, à juste titre, par l'Etat comme un enjeu majeur de portée générale. Je m'étonne d'ailleurs qu'il ne soit pas cité parmi les actions prioritaires en matière d'aménagement du territoire pour 2002. En effet, la construction d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse est primordial pour le groupe aéronautique européen EADS, sous la houlette de l'Aérospatiale. Ce sera, il faut en convenir, un des plus grands chantiers économiques des décennies à venir. Il doit donc s'accompagner d'une mise à niveau de l'ensemble du réseau routier des régions qu'il traversera.
Je m'étonne que tous les moyens nécessaires n'aient pas été plus largement mobilisés pour permettre la réalisation de cet itinéraire et pour rassurer les populations, très justement inquiètes devant l'importance des nuisances qu'elles devront subir.
En tout cas, on ne peut laisser sans réponse les objections européennes, aux termes desquelles le seul bénéficiaire de ces aménagements étant EADS, il faudrait limiter les interventions de l'Etat. Il est au contraire indispensable d'assurer les départements traversés qu'ils pourront bénéficier des réalisations industrielles de sous-traitance liées ou non à cette activité.
En tant qu'élu du département du Gers, je souhaite rappeler que les nuisances et impacts négatifs engendrés par ce projet ne peuvent être ignorés avec désinvolture, ni laissés sans solution, celle-ci étant renvoyée à plus tard.
Sur les 250 kilomètres de route qui traversent les départements de la Gironde, des Landes, du Gers et de la Haute-Garonne, l'Etat, disposant des pouvoirs d'expropriation qui lui sont octroyés par la loi, doit aussi mobiliser les compensations et les indemnisations en faveur de tous ceux - agriculteurs, commerçants, entrepreneurs, retraités et professions libérales - qui vont subir des dommages importants du fait de ces travaux.
Dès le mois de janvier dernier, j'avais fait part de mes inquiétudes à l'égard du risque de paralysie régulière des moyens de communication qui pourrait exister, pendant la période de travaux, faute d'anticipation des besoins sur des réseaux routiers secondaires insuffisants ou faute de concentration des moyens financiers susceptibles de permettre la réalisation rapide des chantiers et une mise au gabarit de l'ensemble du réseau.
Je m'étais également élevé contre un risque de sous-évaluation des capacités routières et contre un risque de déficit d'images pour l'ensemble du Sud-Ouest, particulièrement pour les départements dont les villes et villages ont engagé depuis longtemps un effort dans le domaine du tourisme rural et qui auront à subir des nuisances directes et indirectes en raison de la traversée de convois exceptionnels à très gros gabarit pendant trente ans.
Je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, ce qui est prévu sur le plan budgétaire, pour l'an 2002 et les années suivantes, afin de participer au dédommagement de l'ensemble des contraintes et des nuisances qui vont toucher les populations.
En tout cas, pour notre département, il est indispensable que l'Etat tienne l'engagement de réaliser le plus rapidement possible la mise à deux fois deux voies de la RN 124, prévue depuis longtemps et sollicitée à nouveau auprès du Gouvernement.
Dans le Gers, le passage de convois à très grand gabarit, tel qu'il est proposé, paralysera non seulement, de nuit, la seule desserte économique locale, vitale pour nous, mais aura aussi, de jour, de sérieuses répercussions, le reste du trafic étant dévié vers un réseau routier totalement inadapté.
De plus, à ce jour, aucune étude d'impact sonore n'ayant été réalisée, on peut craindre que la quiétude nocturne des villes et villages traversés ne soit terriblement affectée.
Depuis plusieurs années, l'aménagement du territoire ne tient pas compte des équilibres généraux et, dans les cantons les plus ruraux de notre République, les citoyens sont entretenus dans le plus grand désarroi ; ils ressentent que les zones rurales sont toujours sacrifiées à des projets de développement industriel.
La très récente loi sur la solidarité et le renouvellement urbains ne peut que conforter les populations dans leur impression d'abandon des zones rurales sensibles. Du reste, l'intitulé même de la loi marque clairement la position du Gouvernement vis-à-vis des zones rurales : elles sont une fois de plus ignorées, au profit de l'urbain, et aucun compte n'est tenu du désir d'un nombre toujours plus grand de nos concitoyens de s'installer et de vivre en milieu rural.
Par l'interdiction de fait de toute construction en zone rurale, cette loi limite tout renouvellement de population. Elle est donc totalement inadaptée.
En outre, du fait de l'instauration d'une « participation pour le financement des voies nouvelles et de leurs réseaux », les maires sont à présent confrontés à de nombreuses difficultés.
Il paraît donc urgent de prendre des dispositions particulières donnant plus de souplesse administrative à ces communes et leur ouvrant, en même temps, l'accès à des crédits spécifiques.
Il faut se rapprocher des citoyens, tenir compte des souhaits des populations, tout faire pour stopper l'abandon des zones rurales et y rétablir le moratoire de la suppression des services publics que nous avions obtenu en 1995.
Ne décevons pas nos concitoyens et maintenons clairement notre opposition à cette négation de l'aménagement du territoire dont témoigne ce projet de budget insuffisant et aux orientations mal définies ! (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Mme Yolande Boyer a dit à l'instant, monsieur le ministre, tout le bien que nous pensions du projet de budget que vous nous présentez ce soir.
J'aborderai uniquement, pour ma part, la question des agglomérations, lesquelles constituent assurément un enjeu très important pour l'aménagement du territoire.
Les lois de 1992 et de 1999 ont modifié leur statut et ont majoré leur rôle dans notre vie citoyenne, au regard des problèmes d'urbanisme, d'environnement, de développement.
Par ailleurs, l'article 26 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire a établi que les agglomérations avaient vocation à être des instances de contractualisation : cela a été rappelé tout à l'heure par M. Alduy, en particulier.
Deux contrats d'agglomération ont été signés ; je sais que d'autres sont en préparation. Un excellent et important travail a été accompli au cours des dernières années, tout particulièrement avec la DATAR, et de nombreuses réunions ont rassemblé des maires, des élus autour de M. Jean-Louis Guigou pour préparer les contrats d'agglomération.
Le mouvement auquel nous assistons à cet égard est important pour deux séries de raisons : des raisons internes à l'agglomération et des raisons externes.
Nos agglomérations sont le fruit d'une longue histoire. L'urbanisme des cinquante dernières années a été marqué par la grande industrie, qui a engendré la concentration urbaine, par les grands ensembles, parce qu'il fallait loger les gens qui travaillaient dans la grande industrie, par les grandes surfaces, parce qu'il fallait créer de nouvelles formes de distribution en face des grands ensembles, et par le « tout-automobile ».
Tout cela a abouti aux agglomérations que nous connaissons aujourd'hui, qui sont souvent des patchworks, c'est-à-dire des additions d'espaces mono-fonctionnels situés les uns à côté des autres : le centre urbain historique, les faubourgs, les périphéries verticales avec les grands ensembles, les périphéries horizontales avec le pavillonnaire, les zones commerciales, où il n'y a que du commerce, les zones d'activité où il n'y a que de l'activité, les zones d'habitat, où il n'y a que de l'habitat, les zones de loisirs, où il n'y a que des loisirs, les campus universitaires, etc.
La question qui se pose maintenant à nous est de savoir quelle ville, quelle agglomération nous voulons. Autrement dit, quel est notre projet pour les prochaines décennies ? En effet, la grande industrie n'est plus ce qu'elle était, les grands ensembles sont mis en question, la grande distribution va revêtir des formes nouvelles, etc.
Il nous faut donc une utopie pour nos agglomérations. Or cela suppose une action très volontariste de renouvellement urbain. On ne réglera pas la question des quartiers en difficulté si l'on s'en tient à une action cantonnée à ces quartiers. La réparation dans un périmètre donné ne suffit pas : il ne s'agit pas de rebâtir ces quartiers ; c'est toute l'agglomération qu'il faut repenser, dans une vision d'ensemble.
Dans une telle perspective, il est tout à fait inopportun de dire : « Il y a, d'un côté, une politique de la ville qui consiste à faire de la réparation sociale des quartiers en difficulté et, de l'autre côté, une politique d'urbanisme, où il sera question de transports, de voirie, d'environnement, d'architecture... ». Ce qu'il nous faut, c'est un projet global.
Beaucoup d'élus urbains - et le fait d'être un élu urbain n'implique nullement qu'on ignore le rural - souhaiteraient que, sur de grands enjeux - l'établissement d'une ligne de transport en site propre, la réfection de tel ou tel quartier, un projet d'urbanisme - on procède d'une manière différente de celle qui a conduit, au cours des quatre ou cinq dernières décennies, à commettre des erreurs énormes.
Au cours des quatre ou cinq dernières décennies, on a fait partout les mêmes entrées de ville : elles sont partout pareilles, du nord au sud et de l'est à l'ouest, avec les mêmes pancartes, les mêmes enseignes, les mêmes tôles ondulées, les mêmes parallélépipèdes, les mêmes cubes, la même « non-architecture », et souvent la même laideur !
Si l'on veut reconquérir cet espace, le projet doit concerner toute l'agglomération et il va nécessiter des moyens. Or nous avons désormais un outil : la taxe professionnelle unique d'agglomération.
En effet, il est clair que la laideur, l'absence d'organisation et de cohérence des entrées de ville sont le fruit d'un système où chaque maire - et on ne peut pas lui jeter la pierre ! - cherchait à obtenir des recettes issues de la taxe professionnelle. Dès lors, plus de plan d'ensemble, plus de cohérence au sein de l'agglomération.
Tout est lié ! On ne peut pas dissocier l'habitat, les transports, les entrées de ville, le commerce, les zones technologiques, les universités.
Dans cette perspective de cohérence, il serait très utile que, sur un projet fort, une agglomération puisse passer un contrat avec l'Etat.
Sans doute avons-nous commis une erreur. Les contrats d'agglomération étant venus après les contrats de plan Etat-régions, ils apparaissent quelquefois comme une sorte de codicille de ces derniers. Puisque tout l'argent était réparti dans les contrats de plan Etat-régions, il ne restait pas d'argent spécifiquement destiné aux contrats d'agglomération. Cela explique peut-être la lenteur du processus.
Monsieur le ministre, je me permets d'insister auprès de vous : il existe, dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, l'outil qui doit permettre de mettre en oeuvre une vraie politique contractuelle d'aménagement du territoire au niveau des agglomérations.
J'en viens aux raisons externes qui expliquent que les agglomérations constituent aujourd'hui un enjeu très important.
Il est évident que les agglomérations petites et moyennes sont structurantes de l'ensemble de l'espace. L'une des grandes idées qui sous-tendent la loi SRU, c'est de permettre de concevoir, à travers les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, un ensemble où il y a une agglomération et un ensemble de communes petites et moyennes situées dans un rayon de dix ou vingt kilomètres autour de l'agglomération. C'est cela qui permet d'éviter le mitage, les incohérences, les désastres pour l'environnement.
Or, à cet égard, je suis inquiet.
De même que nous avons vu se constituer des communautés de communes défensives, c'est-à-dire des communes situées autour d'une ville-centre qui s'unissaient pour échapper en quelque sorte à la ville-centre, on voit se préparer un nombre non négligeable de SCOT défensifs. Autour de l'agglomération, on réalise des SCOT qui intéressent des morceaux de pays, des morceaux de périphérie : un au nord, un au sud, un à l'est et un à l'ouest.
Cela est tout à fait contraire à l'esprit de la loi précisément parce que l'exigence de cohérence est battue en brèche et qu'il faudrait, à l'inverse, harmoniser tout ce qui concerne les transports, les voiries, l'occupation de l'espace, les parcs d'activité, etc.
C'est la raison pour laquelle je souhaite vivement que, dans votre politique, monsieur le ministre, l'agglomération tienne une grande place à la fois pour ce qui est de sa constitution interne, mais aussi au regard de son rôle majeur dans un aménagement du territoire raisonné, à taille humaine. Cela nous évitera de connaître à nouveau les dérives du passé, quand on a si mal utilisé notre espace, en laissant se développer le mitage, en enlaidissant et en banalisant les entrées de ville. Je crois vraiment qu'il faut faire mieux pour le xxie siècle. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Alduy applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est sous l'angle de la ruralité et de la montagne que je vais placer mon propos sur le budget de l'aménagement du territoire.
Je ferai d'abord une remarque sur l'évolution globale du budget de ce ministère.
M. le ministre met en avant une augmentation des crédits de 6,8 % pour 2002. Je lui en donne acte, et je m'en félicite.
Cependant, je rappellerai que M. Cochet prend la succession de Mme Voynet, le ministre qui a accepté une baisse de 9 % de son budget en 2000, puis une nouvelle baisse de 10 % en 2001. Quelle conclusion peut-on en tirer ? Peut-être M. Cochet s'est-il montré plus convaincant auprès de MM. Jospin et Fabius, et nous ne doutons pas de sa force de conviction ! (M. le ministre sourit et opine.) A moins que le Gouvernement ait compris tardivement l'intérêt d'une politique volontariste d'aménagement du territoire (M. le ministre fait un signe de dénégation), ce qui serait dommage. Ou bien encore le Gouvernement donne dans l'électoralisme,...
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Oh !
M. Bernard Fournier. ... ce que nous n'osons croire !
La politique d'aménagement du territoire ne peut se concevoir sur le seul terrain national. Elle est nécessairement liée aux orientations définies par la Commission européenne, qui débloque les crédits.
Pour nos campagnes, les aides européennes sont indispensables, mais elles demeurent trop méconnues et la procédure à suivre pour les obtenir reste dissuasive, de sorte que, pendant que les Espagnols ou les Italiens utilisent leurs crédits, l'administration française met un point d'honneur à en compliquer l'obtention et à transformer leur dévolution en labyrinthe bureaucratique qui aurait fait perdre son sourire à Courteline lui-même !
Il y a urgence, pour notre monde rural, à ce que le Gouvernement soit ferme vis-à-vis de son administration et à ce qu'il assouplisse les procédures de déblocage des crédits : en effet, nous le savons tous, en 2006, c'en sera fini de cette manne européenne.
Les fonds structurels contribuent très largement à la politique nationale d'aménagement du territoire. La révision de la carte des zones aidées a pourtant exclu 24 % des populations jadis éligibles. La prolongation des mesures transitoires doit donc nécessairement être étudiée, a fortiori lorsque l'on se rappelle l'absence de concertation qui a prévalu dans la définition du zonage.
Il n'est plus contestable que la révision de la PAT a fragilisé les territoires ruraux. Il m'apparaît donc évident que l'on devrait étudier la pérennisation de certaines mesures fiscales dans les zones où la PAT disparaît. Je pense à l'exonération de la taxe professionnelle afin de soutenir la création d'entreprises.
A l'heure de l'examen du dernier projet de budget de ce Gouvernement, je veux dire un mot du bilan sur la politique globale d'aménagement du territoire depuis 1997.
La loi Pasqua de 1995 a été vilipendée et le schéma national d'aménagement du territoire qu'elle prévoyait a été enterré en grandes pompes au profit des schémas de services collectifs. Or force est de constater que le décret d'application n'est toujours pas paru et que ces schémas se mettront en place au mieux deux ans après l'entrée en vigueur des contrats de plan Etat-régions qu'ils étaient censés cadrer !
Imaginons un instant qu'un maître d'ouvrage bâtisse une maison avant d'en faire dessiner les plans ! C'est ce que fait le Gouvernement, non pas avec une maison, mais avec notre pays !
L'aménagement du territoire et la décentralisation sont les deux piliers du développement de nos provinces. L'un ne peut aller sans l'autre.
Je déplore donc que la politique de contractualisation encouragée par le Gouvernement tourne au « miroir aux alouettes », voire au marché de dupes !
Je veux particulièrement dénoncer la tentation de l'Etat de jouer les « marchands de tapis » lors des négociations avec les régions défavorisées. Ces négociations sont le moyen pour l'Etat de faire contribuer financièrement les collectivités territoriales à la mise en oeuvre de ses propres politiques. Cela aboutit une fois de plus à des transferts de charges sans transferts de ressources. C'est là l'exact contraire d'une véritable politique de décentralisation.
En matière de réseaux de communication, l'élu de la Loire que je suis ne peut que se lamenter du manque de volontarisme et de détermination d'un Gouvernement qui, s'il entend favoriser le développement de l'Internet à haut débit d'ici à cinq ans, n'est pas capable de faire pression sur les opérateurs de téléphonie mobile pour améliorer la couverture du territoire.
L'absurde atteint son comble lorsque France Télécom explique aux maires ruraux que, compte tenu du développement du GSM, l'opérateur national supprime les cabines téléphoniques ! Les élus ruraux ont alors l'impression de se faire prendre, passez-moi l'expression, pour les « dindons de la farce » !
Vous nous expliquez que l'Etat et les opérateurs, pour tenir l'objectif de couverture du territoire d'ici à trois ans, apporteront 900 millions de francs. Mais ce sont 500 millions de francs que les collectivités devront apporter. Or cette dépense supplémentaire, à mon sens, devrait faire l'objet de la solidarité nationale ou de la péréquation entre zones favorisées et zones défavorisées. En disant cela, je pense plus particulièrement aux zones de montagne.
Je trouve in fine que l'Etat s'en sort bien. Mais le déséquilibre des territoires s'accentue. Vivre en zone rurale ou en montagne, c'est déjà accepter des contraintes et des handicaps. S'il faut, en plus, mettre la main à la poche, c'est le monde à l'envers !
Maire d'une commune rurale, je n'imagine pas que je puisse solliciter le conseil général pour équiper ma commune en relais de couverture mobile, d'autant plus qu'entre le financement des 35 heures et celui de l'allocation personnalisée d'autonomie, ce sont près de 200 millions de francs de recettes supplémentaires que l'assemblée de mon département devra trouver, et ce pour des choix politiques qu'elle n'a pas maîtrisés. Il me semblerait pourtant légitime que, sur ce terrain, le Gouvernement prenne toutes ses responsabilités.
Monsieur le ministre, je suis aussi amené à m'insurger contre les choix de ce gouvernement en matière de voies de communications.
Je sais que ce budget dépend largement et même très largement de l'équipement, mais la question est aussi intimement liée à l'aménagement du territoire.
Mme Voynet et M. Gayssot ont entériné l'abandon de Saint-Etienne « au fond du couloir à droite » ! Monsieur le ministre, que ferez-vous de plus ?
Le retard pris pour la construction de l'A 15 marque la volonté de l'Etat de laisser littéralement « moisir » la capitale forézienne.
Roanne, avec l'A 89, est dans la même situation.
Comment puis-je ne pas m'insurger également contre l'oubli de la Loire par l'Etat ? Cet oubli, ce n'est pas une paranoïa d'élu, c'est une réalité cuisante, et je vais le démontrer.
La semaine dernière, c'est la presse qui nous apprend qu'Air France abandonne sa liaison Saint-Etienne-Paris, et ce sans qu'aucune concertation préalable avec les élus ait été menée !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. C'est les schémas de services !
M. Bernard Fournier. Sur cette décision, monsieur le ministre, je demande des comptes au Gouvernement, je demande même plus, je demande des actes.
Je demande des actes parce que, par ailleurs, la liaison ferroviaire Saint-Etienne-Lyon est la plus délabrée de France. Seul le conseil régional fait des efforts pour avoir des rames dignes de ce nom, mais l'infrastructure ferrée est la plus ancienne et la plus archaïque qui puisse exister, le trafic restant subordonné au bon vouloir des agents de conduite, quand ils ne sont pas en grève. Certes, des TGV arrivent jusqu'à Saint-Etienne. Mais, entre Saint-Etienne et Lyon, leur vitesse ne dépasse pas celle des omnibus !
Quant à rejoindre par autoroute la capitale des Gaules depuis le chef-lieu du département de la Loire, cela relève de la roulette russe ! L'A 47 est surengorgée et il faut parfois plus d'une heure trente pour parcourir les 59 kilomètres qui séparent les deux agglomérations. En un mot, on se moque de nous !
Il faut agir d'urgence, monsieur le ministre, si vous ne voulez pas laisser s'asphyxier ce département !
Comment ce Gouvernement, qui se dit solidaire, peut-il un instant être cohérent s'il fait le choix de délaisser une région qui, en trente ans, a connu trois reconversions industrielles majeures ?
Tout comme vous, monsieur le ministre, et au risque de vous surprendre, je suis opposé au « tout autoroute », mais il est des réalités géographiques et économiques indéniables.
Pour conclure, je reprendrai les remarques de mon collègue député, François Sauvadet, qui vous a suggéré la création d'un ministère des campagnes, comme il y a un ministère de la ville ! Pourquoi pas ?
Notre prochaine majorité devra en tout cas, me semble-t-il, intégrer cette dimension. Le désengagement de l'Etat est tel qu'il faut rassurer les maires.
Aujourd'hui, en effet, les élus locaux ne sont que les chambres d'enregistrement des décisions administratives. Ils subissent la suppression d'une subdivision d'une direction départementale de l'équipement ou, plus insidieusement, d'un poste, voire l'abandon des missions d'ingénierie publique par les agents de l'Etat, la fermeture estivale d'un bureau de poste qui ne rouvrira plus, et j'en passe.
Toutes les déclarations d'intention ne suffisent pas à crédibiliser la politique de l'Etat. Il est en effet paradoxal de souligner que, à l'époque où un sursaut du monde rural pourrait s'observer avec la migration de populations des villes vers les campagnes, le moratoire « Balladur » sur la fermeture des services publics dans les campagnes a été cassé. Les familles qui sont venues s'installer envisagent parfois, et à notre grand regret, de repartir.
M. Roger Besse, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Bernard Fournier. Ce n'est pas acceptable. Vous mettez en avant des mesures d'accompagnement des fermetures de services. Nous nous y opposons ; nous vous demandons l'arrêt pur et simple de l'hémorragie.
Monsieur le ministre, si l'augmentation de ce budget va dans le bon sens, elle est trop tardive. C'est la politique globale du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire que nous jugeons aujourd'hui et que nous rejetons, car le mauvais élève qui se réveille au dernier trimestre n'est jamais admis. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un grand plaisir pour moi d'être parmi vous pour présenter ce budget de l'aménagement du territoire.
Je remercie, bien sûr, MM. les rapporteurs pour l'excellence de leurs travaux, mais je dois avouer que je ne partage pas leur appréciation générale ni celles de quelques-uns des orateurs qui viennent de s'exprimer.
Certains d'entre vous ont dit que ce projet de budget n'était pas une priorité essentielle du Gouvernement. Autrement dit, ils semblaient déçus. Pour ma part, je ne suis pas déçu, au contraire.
Quand je compare la progression moyenne des autres projets de budget avec celle de la section « aménagement du territoire », soit 6,8 %, quand je constate que, l'an prochain, cette section sera dotée de 285,38 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement, je considère qu'il s'agit de l'expression d'un choix prioritaire.
Bien sûr, M. Gérard Larcher, s'il n'a pas employé le mot « antidémocratique », a tout de même dit que l'aménagement du territoire échappait au Parlement.
Souvenez-vous toutefois que c'est la loi Voynet qui a créé les délégations !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Elle a supprimé le schéma national !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Voyons, monsieur le sénateur, le schéma national n'a jamais eu le début d'un commencement d'application. Il était impossible, de l'appliquer tellement il était ambitieux. On a donc créé les schémas de services collectifs, certes plus modestes, mais portant sur des secteurs particuliers. Puisqu'ils ont été adoptés par le CIAT du 19 juillet dernier, ils auront désormais une assise juridique, et ils entreront en application avant la fin de cette année.
Comme certains d'entre vous l'ont fait remarquer, il est effectivement dommage que ces schémas aient été élaborés après les contrats de plan. Je le regrette, moi aussi.
Cela dit, il s'agit de documents d'orientation établis sur une échéance de vingt ans, mais qui sont en cohérence avec les contrats de plan.
Nous connaissions en effet la substance des schémas de services collectifs lors de la signature des contrats de plan, voilà deux ans. Par ailleurs, ils vaudront peut-être pour les prochains contrats de plan.
Sachez aussi, monsieur Larcher, que les élus ont été associés à l'élaboration des schémas de services collectifs. De plus, le Conseil national d'aménagement et de développement durable du territoire a été élargi aux secteurs socio-économiques et même aux associations. Cela traduit un effort de démocratisation de la part du Gouvernement.
Certains d'entre vous se sont émus à propos du FNADT. Je précise toutefois que ses crédits seront, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, de 210,30 millions d'euros, contre 202 millions d'euros en 2001.
Cette augmentation correspond, en réalité, à une stabilité globale des crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire compte tenu d'un transfert interne de 7 millions d'euros pour la création, dont tout le monde s'est félicité, de l'Agence française pour les investissements internationaux.
Monsieur Pépin, vous avez prétendu que vingt-huit postes étaient prélevés sur la DATAR. Pas du tout ! A l'examen, le solde net des effectifs de la DATAR est en augmentation de sept postes.
En tout cas, je crois, messieurs les rapporteurs, comme vous l'avez souhaité, que l'Agence française pour les investissements internationaux permettra d'attirer les investissements étrangers en France et de rationaliser les dispositifs en la matière. Ce besoin de « rationalisation » avait été souligné par de nombreux rapports, notamment ceux de MM. Sautter et Melchior, de la Cour des comptes et, plus récemment, de M. Vinçon.
Les crédits du FNADT du titre IV diminuent - vous avez été plusieurs à le relever - pour tenir compte d'un démarrage tardif des contrats de plan en 2000. Cette diminution n'affecte pas le niveau de réalisation des contrats de plan, qui pourront être honorés du fait des reports ainsi générés.
En revanche, les crédits de paiement du titre VI augmentent, là aussi, du fait d'un ajustement mécanique des paiements et des engagements.
Globalement, les crédits du FNADT sont donc stables et je ne crois pas qu'il faille voir dans cette appréciation le souhait d'entourer cette présentation d'un manque de lisibilité.
S'agissant du soutien aux entreprises sur les territoires, vous avez regretté, messieurs les rapporteurs, les retards qui ont perturbé la mise en oeuvre de la nouvelle prime d'aménagement du territoire, montrant ainsi que vous estimez, comme moi, que ce dispositif est un outil majeur de soutien à la création d'emplois durables et au développement d'activités économiques sur les zones les plus prioritaires du territoire national.
La prime d'aménagement du territoire permet en effet d'encourager les investissements créateurs d'emplois dans les zones prioritaires du territoire national. De 1998 à 2000, plus de 400 programmes ont ainsi été primés, représentant la création prévisionnelle de près de 35 000 emplois.
Dans ce projet de budget, les crédits affectés à la PAT ont été portés, en autorisations de programme, à 66,32 millions d'euros pour 2002, 5,3 de plus qu'en 2001, et à 60,98 millions d'euros en crédits de paiement, contre 45,73 millions d'euros cette année.
Nombre de sénateurs ont voulu être éclairés sur cette réforme de la PAT et les retards de l'année 2000.
Il est exact qu'un premier projet de PAT a été adressé à la Commission en milieu d'année 1999. Celle-ci s'est prononcée assez tardivement, en fin d'année, et a demandé en outre des corrections. C'est un peu la dialectique franco-européenne. En définitive, la Commission n'a rendu son avis que le 13 mars 2000, ce qui explique les retards pris. Ses modalités d'attribution ont été fixées par le décret n° 2001-312 du 11 avril 2001.
Je ne comprends pas l'accusation que j'ai entendue lors des interventions, selon laquelle le Gouvernement fait preuve d'une certaine opacité sur la réforme de ce zonage.
Il y a eu une communication très importante, par voie de presse et sur le site Internet de la DATAR, de la nouvelle carte PAT « industrie » dès que la Commission a donné son accord sur le zonage. Un débat a eu lieu au Conseil national d'aménagement et de développement du territoire, où siègent de nombreux élus et acteurs socio-économiques. Je signale par ailleurs que la réduction de zonage a été imposée par la Commission européenne à tous les Etats membres et non pas seulement à la France. Nous ne sommes pas les victimes uniques de cette affaire.
En dépit des retards dans la réforme, en 2001, les comités interministériels des aides à la localisation des activités, les CIALA, ont traité la quasi-totalité des dossiers de 2000 et de 2001. Les dossiers aidés au terme de cet examen bénéficieront d'un montant de primes de 85 millions d'euros et représentent la création prévisionnelle d'environ 20 000 emplois et de 2,5 milliards d'euros d'investissements.
Le résultat concret de cette réforme se résume en deux points : d'une part, l'abaissement des seuils d'éligibilité à la PAT à 2,28 millions d'euros - 15 millions de francs - d'investissement et quinze emplois, contre 3 millions d'euros - 20 millions de francs - d'investissement et vingt emplois précédemment ; d'autre part, l'élargissement de l'éligibilité aux nouveaux services jusqu'à présent internalisés dans les entreprises, comme les centres d'appel, la logistique ou l'informatique.
En ce qui concerne les territoires exclus du nouveau zonage de la PAT « industrie », certains d'entre vous ont émis l'hypothèse d'un mauvais traitement, le Gouvernement délaissant l'espace rural. Ce n'est pas le cas.
Certaines zones classées en « territoires ruraux de développement prioritaires » ou en « zones de revitalisation rurale » bénéficient d'exonérations sociales et fiscales, notamment de l'exonération de la taxe professionnelle et de l'impôt sur les bénéfices des sociétés.
Les collectivités locales peuvent continuer d'allouer des aides à l'investissement immatériel pour les petites et moyennes entreprises ; la prime régionale à l'emploi a également été révisée pour permettre des aides à la création d'emplois dans les PME, jusqu'à 11 000 euros par emploi et 46 000 euros par entreprise, et un dispositif d'aide à l'ingénierie financière a été négocié avec la Commission européenne pour le capital-risque, les fonds de garantie et les prêts d'honneur aux créateurs d'entreprises.
Enfin, les zones qui sortent de la PAT pourront toujours continuer à recevoir un soutien public pour la formation des salariés, la recherche-développement et l'amélioration de l'environnement, à laquelle je tiens évidemment beaucoup.
Monsieur le rapporteur, vous avez salué le budget de fonctionnement de la DATAR qui, effectivement, en 2002, s'élèvera à 14,10 millions d'euros, soit une augmentation, à structure comparable, de 13,4 % par rapport à 2001. Ces crédits permettront notamment la création de sept nouveaux emplois affectés aux commissariats de massifs. Ils contribueront ainsi à la mise en oeuvre de la politique de modernisation et de développement économique des zones rurales de montagne. La DATAR se dotera également d'un nouveau système d'information.
Vous vous êtes plaints d'un manque de cohérence et de lisibilité des crédits consacrés à l'aménagement du territoire. Mais les montants que je viens de vous présenter ne représentent que la partie émergée de l'iceberg. C'est pourquoi ce budget vous paraît petit ; mais aux crédits de ce budget, il convient d'ajouter les éléments qui composent la politique d'aménagement du territoire.
En effet, l'aménagement du territoire, comme l'environnement d'ailleurs, sont des concepts typiquement transversaux, et je trouve cela fort bien. S'il fallait ne s'occuper de l'aménagement du territoire qu'au ministère chargé de l'aménagement du territoire ou de l'environnement qu'au ministère chargé de l'environnement, je vous avoue que je ne serais pas heureux, car ce serait avoir une vision très restreinte. Qui plus est, le ministère serait un « nain » administratif et budgétaire, si vous me permettez l'expression, alors que, au contraire, nous sommes des géants politiques !
Nous devons nous féliciter que les autres ministères - presque tous - agissent pour l'aménagement et l'environnement !
Leurs crédits concourent à hauteur de 8,2 milliards d'euros à la politique d'aménagement du territoire ; 50 % sont consacrés au secteur des transports, notamment au financement des infrastructures du réseau ferré et du réseau routier national. Vous avez là la preuve, monsieur le rapporteur, que l'Etat assume sa responsabilité en la matière !
Les exonérations de charges sociales et fiscales, qui permettent d'accroître l'attractivité de certaines régions et d'inciter les investisseurs à s'implanter dans les zones en difficulté, participent également de cette politique.
Tout à l'heure, devant M. Bartolone, vous avez livré votre sentiment sur les zones franches. Il est vrai qu'elles n'ont pas donné tout ce qu'on pouvait en attendre.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. On ne va pas rouvrir le débat !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Vous avez raison, monsieur Larcher !
Les crédits européens au titre des fonds structurels permettront d'allouer, entre 2000 et 2006, donc sur six ans, plus de 15 milliards d'euros.
Il faudrait également ajouter une bonne partie des crédits communautaires destinés au soutien de l'agriculture, tant il est vrai qu'un certain nombre de mesures agricoles, intégrées dans le programme de développement rural, sont des outils d'aménagement du territoire. En 2002, ces fonds européens représenteront 3,35 milliards d'euros.
Au total, l'effort financier en 2002 en faveur de l'aménagement du territoire s'élève donc à presque 12 milliards d'euros, en progression de 3,5 % par rapport à 2001.
Aussi, vous comprendrez, monsieur le rapporteur, que je ne sois décidément pas d'accord avec votre appréciation sur la politique, que vous qualifiez d'étriquée, du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire !
J'en viens à la réforme des fonds structurels. Tant M. Besse que MM. Pépin et Fournier ont regretté qu'elle se traduise par une diminution d'un quart de la population éligible. Mais la Commission européenne a imposé une réduction significative à tous les Etats membres, un peu comme pour la PAT, dont je parlais tout à l'heure.
Il convient cependant d'indiquer que toutes les zones qui perdent le zonage de l'ancien objectif 2 ou 5 b précédent bénéficient d'un zonage transitoire et de crédits dégressifs du FEDER et du FSE jusqu'en 2005. En outre, toutes les zones rurales continuent de bénéficier du FEOGA-développement rural et l'objectif 3 du FSE s'applique dans tous les territoires, y compris dans ceux qui ne sont plus éligibles au nouvel objectif 2.
Pour répondre également sur la lenteur et la procédure de ces fonds, je reconnais, comme vous, monsieur Larcher, qu'il y a des lourdeurs, tout comme il y a de la bureaucratie ou de la technocratie. Nous en sommes tous un peu victimes. Ces lourdeurs sont liées, évidemment, à la confrontation de trois niveaux d'administration. Toutefois, certains progrès ont été accomplis.
Par ailleurs, les nouveaux règlements accélèrent les procédures de délégation de crédits aux régions. Les régions, ou certains organismes, bénéficient de subventions globales qui leur permettront de gérer directement ces fonds structurels. Notre niveau est shunté pour ainsi dire. Les programmes pourront être modifiés plus simplement. L'Etat s'est engagé à ce que les services traitent les demandes de subvention dans un délai de deux mois.
La nouvelle génération des contrats de plan 2000-2006 marque un effort accru, monsieur le rapporteur. L'enveloppe globale des contrats de plan, Etat et collectivités, s'élève à plus de 35 milliards d'euros sur six ans. Le Gouvernement a souhaité que ces contrats de plan intègrent un volet territorial considérable, qui représentera, à la fin de 2006, 25 % de ce total, soit près de 9 milliards d'euros.
Par ailleurs, pour dresser un tableau le plus exhaustif possible, il faut mentionner les avenants aux contrats de plan Etat-régions qui ont été décidés pour faire face aux intempéries et aux conséquences de la marée noire ; ils s'élèvent à 1,05 milliard d'euros, dont 579 millions d'euros pour l'Etat. Je réponds sur ce point à M. Mouly.
Les orientations de la politique d'aménagement du territoire se manifestent notamment par la mise en oeuvre d'une planification territoriale rénovée, élargie, fondée sur une stratégie de long terme : les schémas de services collectifs sont, monsieur Pépin, bel et bien inscrits dans la loi d'orientation pour l'aménagement et de développement du territoire du 25 juin 1999. Ils ont été validés le 9 juillet dernier par le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, et ont été examinés par le Conseil d'Etat. Ils seront publiés par décret avant la fin de l'année. Ce sera le cadeau de Noël ! (Sourires.)
Monsieur le rapporteur, vous avez estimé que cette politique était « décevante ». Là encore, je ne suis pas d'accord. M. Mouly a aussi abordé ce sujet des schémas de services collectifs.
Ils se concentrent sur la satisfaction des besoins, au plus près des populations concernées. Il ne s'agit plus d'une politique d'infrastructures, à l'image de celle des années cinquante, période de reconstruction.
Ils font l'objet d'une très longue phase de concertation initiale, d'abord au niveau régional - la procédure associe les conseils régionaux, les conseils économiques et sociaux régionaux, les conférences régionales de l'aménagement et du développement du territoire, les parlementaires, les conseils généraux, les élus des villes et des structures de coopération intercommunales - puis au niveau national, avec les instances sectorielles et le CNADT.
M. Hilaire Flandre. Un grand palabre pour un grand forum !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Sil avait fallu faire un débat sur chacun de ces schémas, on y serait encore ! Il fallait pouvoir être efficace et démocrate. Nous l'avons été d'ailleurs au meilleur niveau, le niveau régional.
Les consultations ont associé également les socioprofessionnels, les associations. Enfin, il y a les délégations parlementaires.
M. Mouly et Mme Didier ont évoqué les mesures en faveur de la communication et de l'information. C'est la société dans laquelle nous entrons. Il faut insister sur ce point qui me paraît crucial.
Il n'est pas normal qu'on ne puisse pas, partout sur le territoire français, accéder de la même manière et avec la même facilité au réseau de téléphonie mobile. Il n'est pas normal non plus que des disparités existent entre nos concitoyens pour l'accès à ces nouvelles technologies, ainsi que le soulignait encore Mme Didier. Pour cette raison, un programme d'action gouvernemental a été adopté pour la société de l'information. Il entend favoriser la diffusion des hauts débits sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, 400 espaces publics numériques de proximité ont été décidés en supplément des 2 500 déjà retenus en 2000. A cela s'ajoutent, notamment, le programme campus numérique, la création d'écoles de l'Internet à Marseille, à Bourges, à Roubaix-Tourcoing, à Gardanne, le développement du « web-TV » pour les sourds, la création de portails culturels territoriaux, etc.
Le Gouvernement a également décidé qu'une couverture territoriale téléphonique mobile serait assurée à 100 % d'ici à trois ans. Vous le souhaitiez, monsieur Mouly.
Actuellement, 92 % du territoire métropolitain est couvert par un tel réseau, 46 000 kilomètres carrés ne sont pas couverts. Aussi, le Gouvernement a décidé la mise en place d'un dispositif de soutien public à l'investissement des collectivités locales et des opérateurs pour la construction de stations de base équipées.
L'objectif est de couvrir non seulement l'ensemble des lieux habités, permanents ou occasionnels, mais aussi l'ensemble des axes de transport prioritaires.
Le coût global de cette opération devrait s'élever à 213 millions d'euros. Il sera cofinancé par l'Etat, les collectivités locales et les opérateurs en 2002 ; 15 millions d'euros sont d'ores et déjà inscrits au sein du FNADT pour cette opération.
Comme vous le souhaitez, madame Boyer, la politique territoriale est également contenue dans la poursuite de l'implantation des emplois publics, qui a été fortement relancée à deux reprises, en 1991 et en 2000.
Les opérations nouvelles d'implantation d'emplois publics, décidées lors du CIADT du 9 juillet dernier, permettront d'apporter 4 850 emplois en région, dans les zones prioritaires. Citons l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation et l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme à Lyon, l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies à Saint-Denis, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale - j'y tiens beaucoup - à Saint-Maurice, le Centre des archives diplomatiques à La Courneuve et la création de quatre écoles de police à Oissel, Nîmes-Courbessac, Montbéliard et Périgueux.
Cette politique d'implantation - je réponds ici à Mme Boyer ainsi qu'à M. Mouly - doit, bien sûr, être menée de front avec une politique de maintien et de préservation des services publics en milieu rural.
Tout en assurant à chacun un égal accès et des prestations de même qualité, les services publics doivent adapter leur dispositif aux évolutions importantes de la population. Des évolutions avaient déjà été constatées entre les deux derniers recensements de 1990 et 1999, mais, d'après les projections de l'INSEE pour 2030, d'autres sont en cours, qui vont être importantes.
En ce qui concerne la modernisation des services publics, les concepts de maison de services publics, donc de services publics polyvalents, sont des expériences intéressantes, mais que l'on doit conforter par une meilleure coordination. C'est dans cette optique qu'un comité de suivi des maisons de services publics a été créé et que des appels à projets ont été lancés auprès des préfets de région pour la création de nouvelles maisons de services publics.
Une plus grande attention est apportée aux mesures d'accompagnement des réformes, de manière que le service rendu aux usagers ne soit pas altéré et qu'il soit, au contraire, encore amélioré. Des mesures de compensation sont prises, le cas échéant, en fonction des contraintes et des intérêts locaux, lorsque les restructurations sont indispensables.
Le CIADT du 9 juillet 2001, toujours le même, a décidé de poursuivre l'effort tendant à renforcer la présence et la qualité des services publics de proximité.
J'ai également été interrogé sur les contrats territoriaux d'exploitation. Bien que ce dossier ne dépende pas directement de mon ministère, mais plutôt de celui de M. Glavany, je crois pouvoir dire que, après un démarrage plus lent et plus laborieux que prévu, les CTE sont maintenant en ordre de marche, puisque 21 000 sont d'ores et déjà validés par les commissions départementales et 16 400 signés. Plus d'un million d'hectares sont contractualisés. Il faut savoir que quinze CTE représentent, en moyenne, un nouvel emploi.
M. le rapporteur spécial m'a également interrogé sur le processus de réforme des zonages. Vous savez que Mme Perrin-Gaillard et M. Duron ont remis leur rapport le 17 mai dernier.
Ce document contient trente-cinq propositions concentrées autour de quatre idées-force : la simplification des mesures dans le domaine tant de l'aménagement du territoire que de l'environnement ; le remplacement du système de zonage par la contractualisation fondée sur des projets de territoire - des projets et non pas des guichets, madame Boyer ; la mise en place d'un environnement favorable à ce passage à une nouvelle logique grâce à des mesures de formation et d'information ; enfin, le développement du dispositif d'évaluation et la création d'un observatoire du développement durable.
Monsieur Fournier, vous m'avez interrogé sur l'autoroute A 45 Saint-Etienne-Lyon et, plus généralement, sur la région de Saint-Etienne, qui vous est chère.
Le comité interministériel d'aménagement du territoire du 15 décembre 1997, vous vous en souvenez, a permis de définir une stratégie globale par rapport à un système de transport entre Lyon et Saint-Etienne.
Pour le court terme, c'est-à-dire la période 2000-2006, il s'agit d'un développement très significatif du niveau de service des liaisons ferroviaires visant à mettre en place une desserte cadencée Lyon-Saint-Etienne-Firminy, une optimisation de l'exploitation ainsi que des aménagements de sécurité des infrastructures routières existantes - l'A 47 - et de protection phonique des riverains.
Pour le moyen terme et le long terme, il s'agit d'une nouvelle infrastructure autoroutière, à savoir l'A 45, de la requalification de l'A 47, pour mieux servir le trafic local, et de la poursuite de l'amélioration des infrastructures ferroviaires.
Cette stratégie a trouvé ses premières traductions dans le contrat de plan Etat-région, qui prévoit, en matière ferroviaire, l'électrification de la ligne Saint-Etienne-Firminy, des investissements de capacité dans le noeud lyonnais incluant le secteur de Givors, qui profiteront directement aux liaisons Saint-Etienne-Lyon, et des crédits pour l'amélioration de l'autoroute A 47 pour un montant de 240 millions de francs. L'an prochain, exprimé en euros, cela fera beaucoup moins ! (Sourires.)
L'autoroute A 45, qui ne figurait pas au précédent schéma directeur autoroutier, a été inscrite dans les schémas de services collectifs de transport. Le ministère des transports a approuvé le fuseau de 1 000 mètres en février 1999.
Les études d'avant-projet sommaire se poursuivent en vue d'une consultation sur le choix du tracé. Même si le projet de l'A 45 a sa logique propre et progresse indépendamment, le débat public est en cours sur les contournements, par exemple, le contournement ouest de Lyon, pour ce qui concerne le transport routier ; en ce qui concerne le transport ferroviaire, ce serait plutôt à l'est de l'agglomération.
J'en viens à la liaison aérienne Saint-Etienne-Paris, qui était, jusqu'à présent, exploitée par la compagnie Air France à l'aide d'un Focker 70 affrété auprès d'Air littoral à raison de trois fréquences journalières. Le trafic de cette ligne est en diminution constante depuis quelques années, compte tenu de la concurrence du TGV. La compagnie Air France ayant estimé qu'il ne lui était plus possible de continuer à exploiter cette ligne, il convient, dès lors, d'examiner si une autre compagnie ne serait pas intéressée.
Si tel n'était pas le cas...
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Et le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA ; il est fait pour ça !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président de la commission, le transport aérien, hélas ! n'est plus un service public en France.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Mais on a créé un fonds pour ce type de problème !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Vous avez raison, il reviendrait aux collectivités locales et aux milieux socio-économiques de faire appel au FIATA, qui sert à la péréquation des lignes aériennes, car la liaison Saint-Etienne-Paris semble répondre aux critères d'éligibilité à ce fonds.
Il faudrait inscrire cette desserte aérienne comme obligation de service public et, alors, en discuter avec la Commission européenne. C'est une possibilité, monsieur le président de la commission.
M. Rispat m'a interrogé sur l'itinéraire à grand gabarit Bordeaux-Toulouse. Je m'interroge moi-même, y compris en termes d'effet sur l'environnement. La Garonne n'étant pas navigable au-delà de Langon, la liaison sera fluviale entre Bordeaux et Langon, et routière entre Langon et Toulouse.
Pour choisir la partie routière de l'itinéraire entre Langon et Toulouse, plusieurs tracés ont été étudiés. Finalement, le troisième itinéraire a été retenu, qui passe par Captieux, Estampon, Gabarret, Eauze et Auch, dans les Landes, et le Gers, votre département, monsieur Rispat. Cela fera plaisir aussi peut-être à M. Emmanuelli ! (Sourires.)
La liaison de 250 kilomètres comprendra les aménagements des routes existantes ainsi que des déviations d'agglomération ou des rectifications de virages. Les travaux ainsi réalisés profiteront, je l'espère, aux riverains - on attend une diminution des nuisances sonores - mais aussi aux usagers de la route, qui auront des conditions de circulation plus fluides et plus sûres.
Vous le savez, je n'étais pas un fanatique de cette liaison, mais une loi a été votée, et il faut en tirer le meilleur parti. Précisément, à cet égard, je tiens beaucoup à ce que cet itinéraire soit synonyme d'amélioration de l'environnement et du cadre de vie, monsieur Rispat.
L'enquête publique est terminée depuis une quinzaine de jours. Les travaux devraient s'achever en septembre 2003. L'ensemble des conseils généraux ont délibéré pour requalifier les routes départementales en routes nationales. Le plan de financement est en cours de discussion.
Mais l'aménagement du territoire consiste aussi à anticiper les mutations économiques. Plus d'un million d'euros seront consacrés à des études qui permettent de déterminer les enjeux régionaux et les besoins locaux en termes de technologies dites « clés » parce qu'elles représentent les outils de développement jugés les plus pertinents pour ces territoires. Nous conduirons des expériences pilotes en Aquitaine, en Franche-Comté, en Lorraine et en Haute-Normandie.
M. le président. Monsieur le ministre, il serait souhaitable que nous achevions nos travaux au plus tard à deux heures afin de pouvoir les reprendre à onze heures.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je conclus, monsieur le président, car il est vrai que nous sommes déjà demain, si je puis dire ! (Sourires.)
Les plates-formes d'initiative locale, auxquelles vous êtes attaché comme moi, monsieur Besse, font l'objet d'une dotation de 1,5 million d'euros qui permettra la création de quarante plates-formes.
Tout le monde tient beaucoup au pays, y compris mon prédécesseur, Mme Voynet, et moi-même. Les pays offrent de nouvelles perspectives, même si, vous l'avez rappelé, monsieur Alduy, on constate un phénomène de superposition. Les élus locaux et les maires s'en plaignent. J'ai bien entendu votre propos, et j'y suis très sensible.
M. Sueur a parlé avec brio des contrats d'agglomération et de la taxe professionnelle unique. Ces idées sont à développer. Le projet d'agglomération relève de la responsabilité des collectivités locales, mais l'Etat, lui, contrôle la cohérence et la pertinence des projets dans les différents périmètres d'intervention. Cela doit converger avec les schémas de cohérence territoriale, ou SCOT.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette intervention, sachez que je reste à votre disposition pour répondre par écrit à toutes vos questions. (Applaudissements sur les travées socialistes. - MM. Alduy et Mouly applaudissent également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du territoire.

état b

M. le président. « Titre III : moins 4 833 722 euros. »