SEANCE DU 11 DECEMBRE 2001


M. le président. L'amendement n° II-19, présenté par MM. Laffitte, Pelletier, Joly, Othily, de Montesquiou, Soulage, Balarello et Trégouët, est ainsi libellé :
« Après l'article 56 undecies, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« Le premier alinéa de l'article L. 211-7 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
« Dans le respect de la carte des formations supérieures instituée par l'article L. 614-3, l'Etat peut confier aux collectivités territoriales ou à leurs groupements la maîtrise d'ouvrage de construction ou d'extension d'établissement d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur, du ministre de l'agriculture ou du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. »
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Aujourd'hui, il n'existe aucune disposition législative ou réglementaire qui permette à une collectivité territoriale d'être à la fois mandataire de la maîtrise d'ouvrage pour la construction d'établissements d'enseignement supérieur sous tutelle du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie - c'est le cas de toutes les écoles des mines, de toutes les écoles des télécommunications - et de bénéficier de FCTVA. Actuellement, seuls les établissements placés sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale ont cette latitude.
Je vois là une anomalie qui peut concerner notre région dans la mesure où y sont implantées des extensions de l'Ecole des mines de Paris. La maîtrise d'ouvrage pourrait être déléguée à la région, qui est demanderesse !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaite d'abord entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission comprend et apprécie les objectifs des auteurs de cet amendement, qui traduit un véritable engagement de leur part.
Elle leur suggère toutefois de le retirer pour le présenter de nouveau lors de la discussion du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, par exemple. En effet, les réalisations dont la maîtrise d'ouvrage est confiée par l'Etat aux collectivités territoriales méritent réflexion. Peut-être ne faut-il pas limiter le dispositif que vous proposez aux établissements d'enseignement supérieur dépendant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie : doit-on traiter différemment l'Ecole nationale des Ponts et Chaussées et l'Ecole nationale des Mines ? (M. Laffitte sourit.)
Au-delà de cette plaisanterie, je sais, monsieur Laffitte, qu'un certain nombre de dispositions mériteraient d'être examinées dans un esprit positif. Je pense toutefois que nous pourrons le faire à l'occasion de la discussion d'un autre texte. C'est pourquoi je vous demande de retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Laffitte, maintenez-vous votre amendement ?
M. Pierre Laffitte. Je suis prêt à retirer cet amendement. Je m'étonne cependant que Mme le secrétaire d'Etat ait émis un avis défavorable au nom du Gouvernement. En effet, le cabinet de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie m'avait fait savoir qu'il ne voyait pas d'objection au dépôt d'un amendement d'initiative parlementaire sur le sujet, compte tenu de l'urgence des problèmes à régler.
Cela étant, monsieur le rapporteur général, j'ai entendu votre demande. Je suis d'accord pour retirer cet amendement et je le présente à nouveau lors de la discussion du projet de loi relatif à la démocratie de proximité.
M. le président. L'amendement n° II-19 est retiré.
L'amendement n° II-124, présenté par MM. de Richemont, de Rohan, Doublet, Gérard, Lanier, Oudin et Trillard, est ainsi libellé :
« Après l'article 56 undecies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 39 CA du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - En cas d'impossibilité avérée d'appliquer l'article 77 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, la faculté est ouverte de recourir au dispositif suivant pour les opérations visées par l'article 77 de la loi susvisée.
« Les entreprises qui consentent des prêts peuvent constituer en franchise d'impôt une provision destinée à faire face à la perte de gestion afférente à ce prêt sous condition d'agrément préalable du ministre chargé du budget.
« Ce dispositif doit avoir un effet fiscal équivalent à celui qui aurait résulté pour les parties concernées de l'application de l'article 77 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 susvisée.
« Les conditions définies aux 1°, 2° et aux a et b du 3° de l'article 39 CA du code général des impôts, sont applicables dans le cadre du présent dispositif. »
« II. - Les pertes résultant pour l'Etat des dispositions de cet article sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Le présent amendement a pour objet de permettre le financement des navires pétroliers suivant des modalités leur accordant un avantage équivalant à celui qui est obtenu dans le cadre du GIE fiscal.
Pourquoi cette démarche ? Parce que la responsabilité du propriétaire de navire est actuellement considérable en cas de pollution. Pour les pétroliers, elle est quasiment infinie à la suite de la jurisprudence instaurée aux Etats-Unis. Or, dans le cadre du GIE fiscal, tel que nous le connaissons et tel qu'il finance nos flottes, la banque est considérée, au moins dans la première partie du portage, comme le propriétaire. Aujourd'hui, nous connaissons des difficultés extrêmes pour financer nos pétroliers, alors même que nous avons besoin de rénover notre flotte. Vous connaissez la situation !
Les ministres des transports se réuniront demain à Bruxelles pour adopter un certain nombre de mesures sur ce sujet extrêmement important. Après le paquet « Erika I », ils vont mettre en place le paquet « Erika II ».
Notre objectif est de revenir à un mode de financement classique dans lequel la banque jouerait un simple rôle de prêteur, alors que l'armateur resterait propriétaire responsable.
Pour être compétitif par rapport au GIE fiscal existant, un tel financement devrait être assorti pour les banques d'un avantage fiscal - c'est l'objet même de cet amendement - qui soit suffisamment attractif sans pour autant excéder l'avantage dégagé par le GIE fiscal. Un mécanisme de cette nature est tout à fait indispensable si l'on veut faciliter le renouvellement de notre flotte pétrolière et améliorer la sécurité, qui est devenue pour nous un impératif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Parce que cet amendement serait un signal positif pour le secteur de l'investissement maritime, qui en a bien besoin, la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-124.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Madame le secrétaire d'Etat, si nous avons connu la catastrophe de l' Erika, suivie quelques mois plus tard par le naufrage du Ievoli Sun, c'est uniquement à cause des répercussions qu'ont provoquées des réactions comme la vôtre !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Hélas !
M. Jacques Oudin. Le ministère des finances a toujours refusé qu'on améliore les mesures destinées à renforcer la sécurité maritime. Je prends à témoin notre collègue Marc Massion, qui a rapporté le budget de la marine marchande : les réserves, les réticences et les refus que le ministère des finances a opposés à toutes les demandes formulées au cours des dix dernières années pour renforcer nos capacités en remorqueurs, en radars, en facilités de renouvellement des flottes ont abouti aux catastrophes que nous connaissons.
Une fois de plus, vous adoptez dans ce domaine, madame le secrétaire d'Etat, une attitude qui frise - pardonnez-moi la sévérité de ce propos - la caricature.
A nouveau, nous vous proposons un dispositif. Sans doute peut-il être amélioré. Mais, actuellement, sachez-le, les banques se refusent à financer les pétroliers pour un certain nombre de raisons.
Va-t-on garder des pétroliers de plus en plus vieux, de plus en plus dangereux, ou va-t-on se décider à mettre en place un financement pour nous permettre d'être compétitifs dans un monde particulièrement concurrentiel ? Je souhaite que cela soit le cas, et je regrette vivement l'attitude du Gouvernement, qui n'a finalement retenu aucune leçon des catastrophes passées !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-124, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 56 undecies.
L'amendement n° II-165, présenté par MM. Doublet, Souvet et César, est ainsi libellé :
« Après l'article 56 undecies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 7 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Sont également exceptés des dispositions de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries et de l'article 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 les appareils de divertissement à mise et gain limités. Ces appareils sont déposés par les exploitants de jeux automatiques dans la limite de trois dans tout établissement disposant d'une licence IV. Ils fonctionneront avec une mise maxima d'un euro pour un gain limité à 300 fois la mise.
« Ces appareils sont soumis au régime général de la TVA et une taxe annuelle de 1 600 euros, payables d'avance, par trimestre, leur sera appliquée.
« Une commission est créée, composée de représentants du ministère de l'économie et des finances, de l'intérieur, ainsi que des organisations professionnelles des secteurs Hôtels-Restaurants-Cafés (HORECA) et Jeux automatiques, afin de rédiger le cahier des charges et de veiller au respect de la réglementation qui sera déterminée par les décrets d'application. Ces décrets fixeront les sanctions à tout manquement aux règles établies. »
La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. L'exploitation en France des jeux de divertissement, et plus particulièrement des jeux d'argent, hors établissements spécialisés, échappe à tout contrôle des pouvoirs publics en raison d'une réglementation obsolète et d'une répression quasi inexistante.
Cette situation engendre une perte de recettes déclarées, c'est-à-dire une évasion fiscale, de 860 millions d'euros, soit 4 milliards de francs. Actuellement, plus de 30 000 appareils illicites, véritables machines à sous, sont en fonctionnement, dont plus de 6 000 pour la seule région d'Ile-de-France.
Il faut donc mettre un terme au marché parallèle des jeux illicites en établissant une réglementation drastique conforme à la réalité. Je propose ainsi d'autoriser les jeux dans une limite raisonnable, en leur donnant une identité légale, comme c'est le cas pour les véhicules automobiles qui ne peuvent rouler sans carte grise, celle-ci donnant lieu à une taxation au profit du Trésor.
La reconnaissance identitaire de l'exploitation de jeux devra s'inspirer du même système. En édictant une législation des jeux automatiques de divertissement à mise et gain limités, nous éradiquerons une évasion fiscale scandaleuse. En l'état actuel des choses, cette évasion profite, en effet, au mépris de l'intérêt public, aux milieux mafieux, voire terroristes.
Cette législation générerait une recette fiscale de plus de 600 millions d'euros - plus de 4 milliards de francs -, ce qui est assez rare.
Ce gain pourrait être attribué en tout ou partie au budget du ministère de l'intérieur afin de lui donner les moyens de doter ses services de structures et d'équipements qui lui font aujourd'hui cruellement défaut.
En outre, ce cadre existe dans tous les pays de l'Union européenne. Les services du ministère de l'intérieur ne peuvent méconnaître cette situation, pas plus qu'ils ne peuvent ignorer qu'aucun trouble à l'ordre public lié à cette législation n'est apparu dans l'ensemble de ces Etats.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il convient de rappeler quelques éléments à propos de cet amendement qui tend à autoriser l'exploitation de ce que l'on appelle des « appareils de divertissement à mise et gain limités » dans les établissements, hôtels, cafés et restaurants titulaires d'une licence de quatrième catégorie.
Il est exact qu'à la différence d'autres pays européens la France prohibe strictement les jeux de hasard, a fortiori les jeux d'argent, dans les débits de boissons. C'est notre tradition.
Il est non moins exact que cette interdiction provoque une prolifération de machines clandestines dangereuses pour l'ordre public et source d'une évasion fiscale importante.
Toutefois, peut-on dans le cadre de la deuxième partie de la loi de finances, traiter de ce problème et prendre une position définitive et complètement satisfaisante ? Les dévoiements auxquels a donné lieu une précédente tentative d'assouplissement de la législation, voilà une quinzaine d'années, nous incitent à la prudence : un essai a été fait en ce sens et il a fallu se replier sur les positions antérieures. Il y a en ce domaine mille et une possibilités d'abuser les consommateurs et le fisc !
Sensible aux arguments des auteurs de l'amendement, la commission des finances a demandé à l'un de ses membres éminents, M. Trucy, de bien vouloir mener une réflexion susceptible de déboucher sur des propositions pour l'ensemble du secteur des jeux. Je pense, par exemple, au devenir du PMU, aux différentes structures industrielles, commerciales et financières qui existent dans le domaine des jeux. Je songe, plus généralement, à l'industrie des jeux vue sous l'angle fiscal, sous l'angle économique, du point de vue de l'Etat, des entreprises et de nos concitoyens, en un mot, du point de vue de la société.
Cette étude est absolument nécessaire si l'on veut aujourd'hui se faire une opinion complète et fondée sur les différents problèmes posés.
J'ai bien entendu le message de M. Doublet, et je suis sûr que M. Trucy, qui connaît bien ce sujet, a également retenu les arguments qui ont été évoqués. Je lui demande toutefois de bien vouloir retirer son amendement. Je prends l'engagement que nous réfléchirons à la meilleure façon de légaliser éventuellement les machines récréatives pour les faire sortir de la clandestinité, tout en tâchant de prévenir d'éventuels abus et débordements. Mon cher collègue, nous reprendrons ce débat très prochainement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement se rallie à la position de M. le rapporteur général.
M. le président. L'amendement est-il maintenu ?
M. Michel Doublet. Monsieur le président, convaincu par les arguments de M. le rapporteur général, je suis prêt à jouer le jeu (Sourires) et à m'associer à mon collègue M. Trucy pour suivre ce dossier.
M. le président. L'amendement n° II-165 est retiré.

« B. - Autres mesures »
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