SEANCE DU 11 DECEMBRE 2001


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi de finances, je donne la parole à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de la dernière discussion budgétaire de la onzième législature de la Ve République.
Cette discussion fut aussi bonne que le budget est mauvais.
M. Marcel Charmant. Oh !
M. Paul Loridant. Ça commence mal !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce fut une bonne discussion grâce à vous, monsieur le rapporteur général, et à votre travail approfondi sur les sujets les plus divers et les plus complexes. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Ce fut une bonne discussion grâce à vous, madame la secrétaire d'Etat, à votre sérieux, à votre courtoisie, à votre honnêteté intellectuelle, que je me plais à reconnaître, même si elle est sans concession. Permettez-moi, madame la secrétaire d'Etat, de vous exprimer ma considération personnelle.
Ce fut une bonne discussion grâce à vous, mes chers collègues, grâce à tous les rapporteurs spéciaux et à tous les rapporteurs pour avis, grâce aussi aux présidents de commission.
Vous avez accompli un travail remarquable : plus de quarante rapports spéciaux et soixante et un rapports pour avis ! Que l'hommage du Sénat vous soit rendu.
L'examen du projet de loi de finances est, comme vient de le souligner M. le président, un moment irremplaçable de notre démocratie. Près de deux cent trente d'entre vous, mes chers collègues, auront participé à la discussion, soit plus des deux tiers des sénateurs !
Nous avons aussi accompli ensemble un pas de plus dans la voie de la modernisation de la discussion budgétaire, en tenant six débats expérimentaux sous forme d'interventions courtes suivies d'une réponse directe du Gouvernement.
Cette formule n'a certes pas encore atteint sa pleine maturité. Elle mérite encore d'être « rodée ». Les débats peuvent encore gagner en spontanéité, mais ils ouvrent un vrai dialogue entre le Gouvernement et le Sénat.
Je mesure, madame la secrétaire d'Etat, que le rôle des ministres est moins aisé que dans les débats traditionnels. Aussi, je souhaite que vous soyez mon porte-parole pour transmettre à vos collègues mes remerciements.
Il est juste également de souligner les efforts accomplis par le Gouvernement dans cette marche vers la modernisation. De nombreuses dispositions ont été prises dans l'esprit de la nouvelle loi organique, notamment la mise en place d'un programme de gestion de la dette publique et la présentation du programme de stabilité pour les années 2003 à 2005 dans le cours même du débat budgétaire, et non après le vote, ce qui me paraît très important.
Je dois, hélas ! en venir au second point : ce budget est mauvais.
« Mauvais » ne signifie pas, dans mon esprit, que les dépenses soient insuffisantes, bien au contraire, mais ce que la commission des finances annonce chaque année depuis 1997 se produit : il est plus facile de « surfer » sur la croissance mondiale, comme le Gouvernement l'a fait de juin 1997 à avril dernier, que de naviguer dans les turbulences. Vous l'apprenez aujourd'hui à vos dépens, madame la secrétaire d'Etat.
La commission des finances vous avertissait : il faut assainir la structure de nos dépenses, réduire le fonctionnement courant au profit des dépenses d'investissement, réformer les retraites de la fonction publique, préférer les dépenses régaliennes - diplomatie, défense, justice, police -...
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... aux dépenses de confort immédiat. Mais vous ne nous écoutiez pas !
M. Philippe Nogrix. Eh oui !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Pis, le Gouvernement se moquait. Aujourd'hui, j'imagine que, dans son for intérieur, il le regrette devant la tendance à l'inversion des déficits.
Le Gouvernement ne peut plus maintenir le cap de la croissance, cap dont il était si fier, croissance à laquelle il prétendait même à une époque commander.
Les policiers et les gendarmes sont dans la rue tandis que notre justice, dont les crédits sont trois fois inférieurs à ceux des 35 heures et huit fois inférieurs à ceux de la dette publique, n'est pas en mesure de faire face à une délinquance galopante.
Lorsque, à la fin 1997, nous disions au Gouvernement : « Préparez la France à ces chocs qui s'annoncent », qui voulait nous entendre ? Pour les budgets de 1998 et de 1999, Philippe Marini et moi-même avions proposé - ceux d'entre vous qui siégeaient déjà au Sénat s'en souviennent - un redéploiement de crédits des budgets non régaliens vers les budgets régaliens. Nous avions été, à l'époque, brocardés. Aujourd'hui, le Gouvernement demande au Sénat de le suivre dans cette même voie...
Je ne veux toutefois pas être inéquitable envers le Gouvernement, madame la secrétaire d'Etat.
Ainsi, il a réduit ou supprimé certains impôts : la taxe professionnelle, la vignette, la taxe d'habitation, les droits de mutation à titre onéreux. Il a procédé à quelques réformes structurelles, certes coûteuses, mais pour certaines utiles - je ne parle naturellement pas des 35 heures -, comme l'allocation personnalisée d'autonomie ou la couverture maladie universelle.
Ces baisses d'impôt et ces réformes ont pour point commun de concerner et d'affecter les finances des collectivités locales.
M. Alain Vasselle. Et le budget de la sécurité sociale !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Le Gouvernement a baissé certains impôts et s'il parvient à afficher une norme honorable d'accroissement des dépenses de l'Etat, c'est parce qu'il a durablement « plombé » les marges de manoeuvre des collectivités locales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Dois-je rappeler que les élus locaux subissent, dans leur budget, l'augmentation des traitements des fonctionnaires sans avoir voix au chapitre ?
M. Patrick Lassourd. Absolument !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Dois-je rappeler que le Gouvernement transfère aux collectivités locales toute la politique d'investissement public ?
M. Gérard César. C'est vrai !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Le Gouvernement le reconnaît d'ailleurs lui-même : dans le prochain programme de stabilité, les dépenses des collectivités locales doivent progresser de 6,6 %, alors que celles de l'Etat seraient contenues à 1 %. Et pour cause !
M. Alain Vasselle. A cause des transferts !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je ne voudrais pas terminer sans évoquer les pistes qui s'ouvrent pour une autre gestion budgétaire, car notre premier devoir est de préparer l'avenir de notre pays.
On nous repproche souvent de critiquer beaucoup, mais sans faire de propositions, ou de prôner la réduction des dépenses, mais sans dire lesquelles.
M. Marc Massion. Très juste !
M. Marcel Charmant. C'est vrai !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. La commission des finances n'a jamais craint d'affirmer ses convictions. Elle en tire même honneur très régulièrement et elle vous appelle ce soir à nouveau à des décisions courageuses concernant la gestion budgétaire et la gestion patrimoniale de l'Etat.
M. Gérard Braun. Absolument !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. S'agissant de la gestion budgétaire, il est impératif de reprendre la marche vers une réduction structurelle et durable des déficits. Cela ne peut plus se faire par une hausse des impôts : il faut donc impérativement réduire les charges de structure.
Trois actions nous permettront d'y parvenir.
Tout d'abord, disons-le franchement et loyalement, il faut réduire le nombre de fonctionnaires, ce qui implique de ne pas remplacer poste par poste les départs à la retraite. Notre collègue Gérard Braun a évalué à 32 milliards de francs par an à partir de 2010 l'économie permise par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur quatre.
Pour cela, mes chers collègues, il faut réformer l'Etat, il faut s'appuyer sur la loi organique du 1er août 2001 pour faire gagner chaque service, aussi petit soit-il, en efficacité. Nous devons avoir le courage de le dire aux Français, qui sont capables d'entendre la vérité pourvu qu'on la leur dise : il faut réformer les retraites publiques, allonger à quarante ans la durée de cotisation des fonctionnaires. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. Jean Bizet. Très juste !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce n'est qu'à cette condition que les impôts pourront être réellement et durablement réduits.
M. Michel Sergent. Rappelez-vous Juppé !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Si vous avez peur, renoncez à vos responsabilités !
M. Claude Estier. Et Juppé !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous avons le devoir de dire non pas ce que les Français aiment s'entendre dire, mais ce qu'il est de leur intérêt que nous disions ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
A cet égard, une citation vous fera grand plaisir, mes chers collègues, devant la commission des finances, jeudi dernier, Laurent Fabius (Ah ! sur les travées du RPR) ...
M. Gérard César. Le peuple de Bercy !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... a déclaré : « L'Etat n'est qu'un voile, on ne devrait pas dire qu'on augmente les dépenses, mais qu'on prend à certains Français pour donner à d'autres ».
M. Jean-Pierre Masseret. Oui !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il en est de même avec les baisses d'impôts : s'il n'y a pas de réduction des dépenses, il n'y a que fausses réductions d'impôts.
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous êtes donc pour les fausses réductions d'impôts, chers amis ! (Protestations sur les travées socialistes.)
L'étude sérieuse et approfondie de cette question a amené la commission des finances à préconiser l'abandon du « saupoudrage » de réductions, populaires dans l'instant mais sans réelle efficacité au regard de la croissance et de l'emploi. Nous préférons mettre l'accent sur les impôts sur le revenu, pour conserver les activités en France, et sur les charges pesant sur le travail et les salaires, pour soutenir l'emploi.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. S'agissant de la gestion patrimoniale de l'Etat, non seulement la dette publique est colossale, mais les impasses futures, le hors-bilan et la « dette invisible » en doublent encore le montant. Les solutions ne sont guère nombreuses, mes chers collègues : il convient, bien sûr, de réduire le déficit, mais il faut également céder des actifs publics en quantité suffisante, mettre en oeuvre une véritable gestion « actif-passif ». Le Gouvernement pratique ce que j'appellerai la « privatisation honteuse ». Or il faut s'engager dans une politique de privatisation franche et renoncer aux « tuyauteries » douteuses pour alléger vraiment la dette publique. Ce n'est qu'en réduisant cette dette visible aujourd'hui que l'Etat pourra faire face à la dette invisible demain.
M. Hilaire Flandre. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est peut-être le souhait du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Laurent Fabius, mais il m'a semblé que celui-ci n'avait pas de majorité pour le soutenir. Le gouvernement auquel vous appartenez, madame la secrétaire d'Etat, ne prendra jamais, je le crains, les dispositions que la situation de la France impose. Le Sénat, ce soir, par son vote, invitera donc les Français à choisir une autre voie. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais d'abord remercier à mon tour les nombreux participants à cet exercice budgétaire annuel et témoigner ma reconnaissance très sincère au président Alain Lambert, qui a su préserver, au sein de la commission des finances, une ambiance tout à fait conviviale et, en même temps, propice au débat et au travail. Chacun a pu s'exprimer comme il devait le faire...
M. Raymond Courrière. ... Encore heureux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et vous aurez pu observer, mes chers collègues, que, dans la fonction de rapporteur général que vous m'avez confiée, je me suis efforcé d'examiner sur le fond toutes les suggestions présentées, sans faire de différence quant à leur origine. Je persiste à penser que c'est bien ainsi que notre assemblée doit travailler.
Je voudrais également témoigner ma reconnaissance à la présidence, qui nous a permis d'avancer sur ce chemin que nous avons parcouru ensemble, et à Mme la secrétaire d'Etat, dont la disponibilité et le sens de l'Etat méritent d'être salués.
Nous avons eu aussi le plaisir, plus fugace, de voir passer le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; nous avons même eu avec lui, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, une discussion intéressante sur les questions générales de politique fiscale, dont le Journal officiel fait foi.
Mes remerciements vont, bien sûr, à tous nos collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, mais je voudrais rendre un hommage particulier au travail accompli par l'ensemble des rapporteurs spéciaux et pour avis.
Mes chers collègues, nous arrivons au terme du processus budgétaire, et cela m'inspire quelques réflexions.
Nous avons abordé le projet de budget tel qu'il nous a été présenté. Nous avons donc porté nos appréciations sur son contenu : la commission des finances a fait valoir son approche et a été suivie par la majorité de la Haute Assemblée.
Au cours de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, nous en avons appelé au sens des responsabilités, car nous ne pouvons nier le contexte économique dans lequel nous évoluons. Les marges de manoeuvre étant réduites, il n'était pas possible de donner libre cours à toute notre imagination.
Cependant, nous avons tracé des pistes pour l'avenir et fait preuve, sur bien des sujets, notamment lors de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances, d'esprit d'innovation.
Nous avons notamment dit notre attachement à la famille, à une vision différente de la politique fiscale, de la gestion et de la réforme de l'Etat.
En faisant le bilan de toutes ces heures de discussion, il faut bien porter un jugement. Celui de la commission des finances et de la majorité du Sénat ne peut être très favorable.
En effet, établir le projet de budget est normalement un acte de prévision ; or celui qui nous est soumis constitue plutôt un acte d'imprévoyance. Nous nous trouvons dans une situation difficile, cruelle à bien des égards, et je voudrais mettre l'accent sur deux très grands enjeux pour les mois qui viennent.
Le premier enjeu, c'est le passage à l'euro, qui sera bientôt matériellement présent dans nos porte-monnaie.
L'euro sera mis en circulation à la suite d'un processus complexe et coûteux, auquel sont appelés à participer les commerçants, les banques et l'ensemble de nos concitoyens.
Or, cette monnaie, nous devrons en être fiers, comme les Anglais ont été fiers de la livre sterling, comme les Américains sont aujourd'hui fiers du dollar. L'euro devra faire son chemin dans le monde et il a besoin de crédibilité. Nous savons que cela dépend du sérieux et de la constance des politiques des gouvernements ; nous savons que cela ne se décide pas dans un lieu anonyme et de façon irresponsable, à Francfort, mais que cela résulte de la convergence raisonnée, volontaire, des politiques économiques, notamment en matière de finances publiques, des principaux pays de la zone euro. Lorsque nous sommes saisis d'un programme triennal tel que celui que M. Laurent Fabius a commenté si rapidement, si cursivement, en passant si vite sur toutes les difficultés, voilà quelques jours, devant la commission des finances du Sénat, lorsque l'on veut nous faire croire, par un singulier sophisme, que l'équilibre serait à portée de main pour 2004, comme c'était le cas voilà un an, alors que le cheminement est tout différent, alors que le scénario des taux de croissance n'est pas le même, alors que beaucoup de promesses ont été faites qui grèvent les comptes de l'Etat et alourdissent la dépense publique, lorsque l'on cherche à nous faire admettre de telles invraisemblances, travaille-t-on, mes chers collègues, pour une place juste et équitable de notre pays en Europe et, surtout, pour la crédibilité de cet euro qui sera bientôt matériellement entre nos mains ?
Un autre élément démontre que ce projet de budget constitue un acte d'imprévoyance.
Nous avons vu, ces derniers mois, que la situation internationale pouvait être conflictuelle, contrastée et qu'elle imposait à notre pays de disposer pleinement des instruments nécessaires à son indépendance et à l'affirmation de sa place originale dans le monde : c'est le second enjeu que je voulais évoquer.
Or, à l'examen des budgets, des chiffres, des prévisions, nous observons que nombre de questions se posent en ce qui concerne, par exemple, notre défense. L'équipement de nos forces, cette très grande responsabilité qui nous incombe vis-à-vis de nos concitoyens et de nos alliés, peut-il être correctement assuré avec une programmation, militaire qui « glisse » et à très peu de mois du passage à une autre programmation, qui nous semble de plus en plus hors de portée ?
En définitive, est-ce faire preuve de prévoyance ou au contraire d'imprévoyance que de nous soumettre un tel projet de budget ?
De surcroît, nous devons prendre en considération non seulement les mesures qui figurent dans celui-ci mais aussi celles qui n'y sont pas inscrites : par les temps qui courent, les secondes l'emportent nettement sur les premières.
Ainsi, ce projet de budget doit être mis en relation avec les comptes sociaux. Voilà quelques mois, nous avons inséré dans la loi organique du 1er août 2001 un article permettant d'organiser, à l'ouverture de la session, un débat consolidé sur les prélèvements obligatoires et de mettre en perspective la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances. Mes chers collègues, ce débat a-t-il eu lieu cette année ? Il nous a beaucoup manqué, alors que l'un des budgets les plus considérables de l'Etat, celui du FOREC, le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, n'a ni rapporteur ni vrai statut juridique. Or ce fonds représente de 110 milliards à 120 milliards de francs, issus de « tuyauteries » complexes et il finance, pour l'essentiel, une partie, mais une partie seulement, du passage aux 35 heures. Mes chers collègues, l'examen du projet de budget, si l'on n'y prenait garde, serait une litanie. Mais la liste des dépenses qui n'y figurent pas est aussi une litanie : 1,6 milliard de francs pour la gendarmerie ; 2,3 milliards de francs pour la police ; 1,7 milliard de francs pour les cliniques ; 12,9 milliards de francs pour les hôpitaux ; 35 milliards de francs pour la politique de la ville ; 8 milliards de francs pour la prime à l'emploi ; 0,75 milliard de francs pour divers contrats spécifiques. Voilà une autre litanie, mes chers collègues, lourde de menaces pour l'avenir !
En effet, où sont inscrits ces chiffres ? Les trouve-t-on dans le projet de budget pour 2002 ? Seulement pour une très faible part. Figureront-ils dans la loi de finances rectificative ? Pour une autre part, sans doute. Comment financera-t-on ces dépenses nouvelles ? On nous parle de redéploiements, mais au détriment de quels postes budgétaires ? Les crédits d'équipement des forces armées seront peut-être sollicités, s'agissant des personnels sous l'uniforme, mais l'on procédera aussi, mes chers collègues, à des prélèvements sur divers budgets.
MM. Raymond Courrière et Jean-Pierre Demerliat. Le porte-avions !
M. René-Pierre Signé. Oui : le Charles-de-Gaulle !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons voté, voilà quelques instants, un amendement à l'occasion de la seconde délibération : nous avons pu observer à cette occasion que les mesures relatives à la police sont gagées en tout ou partie par des économies de fonctionnement. Quelles économies ? Des économies faites sur à peu près tous les ministères. Avec quel procédé ? L'abattement forfaitaire. A quel taux ? Comment a-t-on calculé ces économies, qui sont certainement un peu improvisées mais sans doute aussi inéluctables ?
Au demeurant, madame la secrétaire d'Etat, pourquoi vos prédécesseurs nous ont-ils à ce point critiqués quand nous nous sommes livrés à notre propre vision du budget voilà quelques années ? Nous appelions cela « le budget alternatif » et nous avions dit, qu'à un moment donné, il fallait faire des économies et, pour une part, des économies forfaitaires sur les titres III et IV. Que n'avons-nous entendu ! Que n'avons-nous été traités de personnages démunis de tout sens de l'Etat et de sens concret !
M. Hilaire Flandre. Effectivement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Or que faites-vous, madame la secrétaire d'Etat ? Ce qu'il est inéluctable et nécessaire de faire lorsqu'on doit diminuer les dépenses de l'Etat !
J'en termine, mes chers collègues. Nous savons tous que le budget qui nous est soumis est un budget tronqué, un budget imprévoyant et un budget insuffisant, qu'il sera le budget d'un semestre et non le budget d'une année.
De quoi sera fait l'avenir, l'avenir commun, l'avenir de notre pays ? Le président Lambert nous l'a rappelé. La majorité du Sénat veut que ce soit un avenir marqué par le courage et la volonté : il ne pas faire des promesses quand on ne peut pas les tenir (Oh ! là ! là ! sur les travées socialistes) , ne pas raconter d'histoires, ne pas entretenir l'illusion ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Raymond Courrière. Démagogie !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, un certain nombres de points sont essentiels, qui sont au centre des préoccupations de chacun et que personne ne pourra éluder : réformer les retraites, mobiliser les ressources humaines de l'Etat à partir des indicateurs de performance de notre loi organique, changer le mode de gestion de la fonction publique,...
M. Jean-Pierre Masseret. Et le mode d'élection du Sénat !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... poursuivre la décentralisation, garantir l'autonomie des collectivités territoriales car, dans bien des domaines, elles sont plus efficaces que l'Etat, abaisser l'impôt sur le revenu pour faire renaître l'initiative, le sens des responsabilités, abaisser les charges sur les salaires pour créer de l'emploi,...
M. Raymond Courrière. Diminuer la protection sociale !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... mobiliser bien des dépenses passives d'indemnisation pour faire revenir au travail beaucoup de personnes qui pourraient y revenir, gérer le patrimoine de l'Etat, mobiliser les actifs publics, ne pas hésiter à privatiser tout ce qui, en effet, a besoin d'être privatisé dans un monde de compétitivité et, enfin, réduire volontairement le fardeau qui pèsera sur nos successeurs...
M. Alain Joyandet. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et sur les générations futures, c'est-à-dire l'endettement. En effet, si on ne le fait pas, la place de notre pays en Europe ne cessera d'être entamée et d'être fragilisée.
Mes chers collègues, le maître mot de nos préoccupations, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, devrait être la compétitivité de notre pays. Il faut en effet rétablir la place de celui-ci pour l'efficacité en même temps que pour l'équité, afin que l'image originale de la France soit une image dans laquelle nous puissions durablement nous reconnaître. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Raymond Courrière. Il parle comme Chirac !
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'un de nos illustres prédécesseurs sur les travées de mon groupe, Georges Clemenceau, vantait avec raison « les pays où l'on parle ». Savait-il qu'il est des groupes où l'on s'exprime dans la diversité ? (Sourires sur les travées du RPR.) Savait-il qu'il est une assemblée où l'on débat dans un cadre budgétaire rénové et dynamisé ?
J'en sais gré à M. le président Lambert et à M. le rapporteur général, à tous mes collègues, aussi, qui ont fait de cet exercice un moment d'intense responsabilité.
Car, parmi toutes celles qui incombent aux parlementaires que nous sommes, l'examen d'une loi de finances apparaît capital et justifie amplement l'existence d'une assemblée. C'est là, en effet, l'occasion pour nous de contrôler la politique du pays en accordant au Gouvernement, qui a la charge de définir et de conduire cette dernière, les moyens de le faire et, à tout le moins, en lui prodiguant les conseils pour y parvenir.
Au sein de notre groupe, certains de mes collègues soutiennent la majorité nationale, sans être des inconditionnels. Ils ont pu, notamment, apprécier l'augmentation de la DGF aux collectivités locales. D'autres se situent résolument dans l'opposition, tout en refusant le « systématisme ».
C'est dans cet espace que se nourrissent nos échanges. Notre foi commune en des méthodes démocratiques de dialogue et d'écoute mutuelle nous permet, malgré des divergences réelles sur des choix politiques, de nous retrouver pour déterminer, le plus souvent possible, des attitudes communes face aux événements.
Ainsi chacun d'entre nous, fidèle à ses options politiques, considère-t-il le projet de loi de finances comme un texte sérieux et son examen comme un acte grave.
Nous sommes parvenus, ce soir, au terme de cet examen. Il sera sanctionné par le vote qui interviendra dans quelques instants, après un long débat où chacun a pu librement exprimer son opinion et constater, dans la courtoisie - et vous y êtes pour beaucoup, madame la secrétaire d'Etat -, l'incompatibilité notoire entre les objectifs annoncés du Gouvernement et les propositions formulées par la majorité sénatoriale.
Deux philosophies se sont affrontées : l'une selon laquelle budget rime avec promesses et croissance défavorable, et il faut bien reconnaître que l'exercice est difficile par ces temps ; l'autre, défendue par la commission des finances, combattant l'illusion de la croissance, de la baisse des prélèvements et de la maîtrise des dépenses publiques.
Pour faire entendre sa voix, cette voix, le Sénat a emprunté le chemin du courage et de la responsabilité.
Qu'a-t-il cherché à combattre, mes chers collègues ?
Tout d'abord, l'augmentation des recettes fiscales nettes, elle-même plus rapide que la croissance du PIB, qui traduit un réel alourdissement de la charge fiscale par rapport à ce même PIB. Ensuite, l'augmentation générale des recettes fiscales, qui dégage un surplus affecté à la hausse des dépenses de l'Etat, du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, et des prélèvements sur recettes. Enfin, la dérive des déficits publics et la multiplicité des engagements de dépenses non financés.
Notre commission des finances, au-delà de la responsabilité, s'est attachée à flatter la cohérence financière. Cela nous ressemble. Les représentants des grands électeurs que nous sommes font passer leurs passions après la raison : cette dernière, madame la secrétaire d'Etat, nous incite à dépenser moins en diminuant toujours davantage les dépenses publiques et la charge de la dette, à dépenser mieux en recentrant l'action de l'Etat sur l'essentiel, à offrir au pays les conditions d'un environnement favorable à la création de richesses et à restaurer durablement les grands équilibres. Un passé proche avait pourtant offert à la France le cadre prospère de cette ambition. Notre Gouvernement, je le déplore, n'a pas saisi cette chance.
Avec l'esprit critique qui nous caractérise, fidèles à la volonté de tolérance qui nous anime dans l'acceptation de nos sensibilités diverses, nous serons, madame la secrétaire d'Etat, amenés à nous exprimer ce soir dans une sympathique diversité, les uns dans l'acceptation des orientations défines par notre Haute Assemblée, les autres par fidélité à des convictions que je respecte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans quelques mois à peine, nous aurons un nouveau gouvernement. Vous aurez un successeur, madame la secrétaire d'Etat, mais la France aura l'héritage. Or il ne nous sera pas possible d'assumer la succession sous bénéfice d'inventaire : il faudra l'accepter d'emblée en totalité.
L'heure du bilan est arrivé. Celui-ci n'est pas seulement préoccupant, il est inquiétant pour nos finances publiques, nos entreprises, nos collectivités locales et pour les contribuables dans leur ensemble.
Le budget de 2002 offre la double caractéristique d'être à la fois un projet préélectoral et un projet dépassé avant d'avoir vu le jour. Il est le reflet des contradictions et des pesanteurs idéologiques d'une majorité très plurielle. Il préfigure les difficultés auxquelles se heurteront ceux qui viendront après vous et les mines qu'ils découvriront sur leur route.
Les observateurs français et internationaux ont retenu des prévisions de croissance très inférieures à celles qui figurent dans les documents budgétaires. Pour M. le rapporteur général, le taux de croissance de notre économie devrait se situer autour de 1,8 % ; pour le Fonds monétaire international, il se monterait à 1,3 % ; pour l'OCDE, à 1,6 %. Nous sommes loin, en tout cas, des 2,3 % sur lesquels vous avez fondé votre budget !
La récession qui affecte les économies américaine, japonaise et peut-être même allemande risque de nous atteindre bientôt. D'ailleurs, nous ressentons les premiers symptômes du ralentissement à travers de douloureuses restructurations industrielles, la diminution des rentrées fiscales et l'accroissement du chômage des jeunes.
La dégradation de la conjoncture économique nous fait mieux ressentir le poids des prélèvements obligatoires. Elle compromet l'équilibre des finances publiques en accentuant le déficit budgétaire. Elle nous montre combien il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas profité du niveau exceptionnel de croissance qu'a connu notre pays pour réduire le déficit et l'endettement.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Josselin de Rohan. Une fois encore, les bénéfices engrangés ont été immédiatement affectés à de nouvelles dépense, une fois encore, nous avons mangé le blé en herbe. La preuve ? Seuls 5 % des surplus de recettes fiscales dégagées en 2000 ont été affectés au comblement du déficit et si, entre 1997 et 2000, les déficits budgétaires ont connu une amélioration relative, on la doit moins à la vertu qu'à la croissance.
Cettre fois-ci, la dépense publique a été non pas réhabilitée mais magnifiée et, surtout, amplifiée : près de 30 000 emplois créés dans la fonction publique, dont 7 000 à l'éducation nationale alors que de très nombreux enseignants sont détachés dans des emplois qui n'ont que très peu de rapport avec l'enseignement et ne voient jamais un élève (Tout à fait ! sur plusieurs travées du RPR), tandis que les effectifs scolaires diminuent. Les dépenses de la fonction publique représentent, d'un budget sur l'autre, 31 milliards de francs supplémentaires et 43 % du budget général.
La réduction du temps de travail dans la fonction publique devait être réalisée à effectifs constants mais, lorsqu'on entre dans le détail, on s'aperçoit qu'il n'en est rien. Certaines augmentations d'effectifs annoncées à grand bruit sont loin de pallier les conséquences de cette réduction. La qualité et la continuité du service s'en ressentent.
A titre d'exemple, le journal Ouest-France du 15 novembre annonçait que la sous-préfecture de Pontivy resterait fermée toute la journée pour permettre aux agents de prendre les congés auxquels ils avaient droit au titre de la RTT. Et il doit exister nombre d'exemples de cette nature dans d'autres départements !
M. Serge Vinçon. C'est l'administration intermittente !
M. Josselin de Rohan. Que dire de la pluie de milliards qui s'est abattue récemment au gré des mouvements sociaux dans la police, la gendarmerie - et demain sans doute aux douanes ou pour d'autres catégories qui attendent la générosité du Gouvernement pour , le secteur de la santé - sinon qu'elle ne procède pas d'une politique réfléchie mais répond surtout aux circonstances ?
La gestion par l'Etat de ses ressources humaines est aberrante. Les velléités de réforme des administrations ont été dissipées, celle du ministère des finances est en panne.
Dans le même temps, policiers et gendarmes sont dans la rue pour manifester autant contre les conditions dans lesquelles ils sont amenés à travailler que contre le niveau de leurs rémunérations. D'ailleurs, le budget n'accorde que 3 % du total des crédits, soit 60 milliards de francs, aux dépenses de sécurité. C'est tout dire !
Mme Hélène Luc. Oui, mais vous n'avez pas voté les crédits !
M. Josselin de Rohan. Nos orateurs ont eu l'occasion de déplorer le niveau atteint par nos dépenses d'équipement militaire qui nous situe, en pourcentage du PIB, bien en dessous de celui de la Grande-Bretagne ou de la Suède.
Il est encore moins question, comme nous le recommandent l'OCDE ou le rapporteur général, de prendre modèle sur l'Espagne ou le Portugal pour renoncer à remplacer à l'identique les agents publics qui prennent leur retraite ; et pourtant, nous le savons, cette solution est inéluctable.
La dette représente le deuxième poste des dépenses civiles de l'Etat. Elle a progressé de 33 % de 1997 à 2002. Plus de la moitié des fonds empruntés cette année serviront à rembourser les emprunts contractés antérieurement.
M. René-Pierre Signé. Et sous Balladur ?
M. Josselin de Rohan. Vous avez eu recours à quelques astuces pour financer le déficit, tel le recours aux prélèvements exceptionnels sur EDF et GDF ou la Caisse des dépôts, à la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale ; mais l'accroissement des recettes non fiscales ne sera pas reproductible.
La vérité est que vous ne disposez plus d'aucune marge de manoeuvre pour relancer l'activité économique. Baisser la fiscalité serait accroître encore le déficit. Il y a beau temps que l'argent de la cagnotte a été dépensé. La France, en 2002, pourra dire, comme Oscar Wilde : « Je vis tellement au-dessus de mes moyens qu'eux et moi menons une existence séparée » ! (Rires et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Pelletier applaudit également.)
L'héritage pour nos entreprises se révèle particulièrement lourd. Philippe Marini a noté que, entre 1997 et 2000, on enregistre une hausse du taux d'imposition de capital due notamment à la contribution de 15 % acquittée par les entreprises au titre de la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier. L'impôt sur les sociétés a progressé de 57 % en quatre ans. Notre système fiscal continue de décourager l'initiative, le travail et l'investissement des entreprises. Les mesures proposées par le rapport Charzat sur la réduction du coût fiscal des créations d'entreprise, la remise en question du niveau de l'imposition globale et l'actualisation du barème de l'ISF ont été tout simplement ignorées.
Nos entreprises doivent supporter un taux de prélèvements obligatoires qui est l'un des plus élevés d'Europe, la réduction du temps de travail qui affecte durement leur compétitivité (Protestations sur les travées socialistes) ,...
C'est vrai !
M. René-Pierre Signé. On vous met au défi de l'abroger ! Vous ne l'abrogerez pas !
M. Josselin de Rohan. ... la loi de modernisation sociale, qui rend presque impossible toute restructuration, l'absence de sécurité juridique qui entraîne une modification constante de la réglementation et un accroissement continuel de leurs contraintes.
Ne nous étonnons pas si, dans un pays où le travail, dont le coût ne cesse de s'élever, risque bientôt de devenir un délit, le découragement conduit les chefs d'entreprise à se délocaliser, à freiner leurs investissements ou à fermer leurs établissements. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées socialistes.)
« Ne croyez pas que les chefs d'entreprise décident d'installer leur siège social aux Pays-Bas pour une simple histoire d'impôts. Plus grave encore, ils s'expatrient parce que les contraintes réglementaires y sont moins fortes et que, tout simplement, il est plus facile d'y travailler. » Qui s'exprime ainsi ? Le président d'Yves Saint-Laurent, un familier de François Mitterrand. Qui installe le siège social de son entreprise aux Pays-Bas ? L'un des proches de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie dont vous connaissez tous le nom.
S'il est vrai que la population active a progressé, en l'an 2000, plus vite que l'augmentation du PIB, cela signifie que la productivité française est en baisse. S'il est exact que l'investissement industriel doive reculer en 2002 de 4 % ou que la balance des investissements étrangers soit négative de 600 milliards de francs, nous avons lieu d'être inquiets, car c'est un signe de défiance.
La France cesse d'être attractive et compétitive.
M. Roland du Luart. Hélas !
M. Josselin de Rohan. Et si ses cerveaux s'expatrient, elle cessera d'être inventive. Elle se marginalise. C'est aujourd'hui une préoccupation ; ce sera demain un drame ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
C'est un héritage difficile pour les collectivités locales.
M. René-Pierre Signé. Ah ! C'est facile !
M. Josselin de Rohan. Le Gouvernement ne cesse, dans des domaines qui relèvent de sa compétence principale, d'« associer » à ses politiques les régions, les départements et les communes en les conviant à prendre une part croissante de leur financement.
M. Roland du Luart. Eh oui !
M. Josselin de Rohan. L'Etat est l'ordonnateur, les collectivités locales sont les payeurs.
M. Jacques Oudin. Eh oui !
M. Josselin de Rohan. Ainsi doivent-elles supporter la charge des contrats territoriaux d'exploitation, de la couverture des zones d'ombre et de la restructuration des industries de la défense, etc.
M. Jacques Blanc. Eh oui !
M. Josselin de Rohan. Dans le même temps, les collectivités locales voient s'accentuer la perte de leur autonomie fiscale. Les allégements fiscaux consentis par le Gouvernement, telle la suppression des droits de mutation, de la part salariale de la taxe professionnelle, de la part régionale de la taxe d'habitation et de la vignette, conduisent à la suppression de recettes compensées par des dotations parfois inférieures au produit de ces taxes si elles étaient demeurées en vigueur. Des collectivités locales, dont plus de 50 % des ressources sont constituées de compensations, sont privées de véritable autonomie.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Les exonérations sont compensées !
M. Josselin de Rohan. L'Etat paraît vertueux parce qu'il diminue les impôts, mais le contribuable national doit bien assumer la charge des compensations et ne gagne rien à ces transferts, même s'il n'en est pas conscient. Le coût de cette politique est d'ailleurs très élevé pour le budget de l'Etat, puisqu'il représente 108 milliards de francs pour 2002.
Mais lorsque certaines législations font lourdement appel au concours des collectivités locales, l'Etat paye ses largesses au prix d'un relèvement des impôts locaux. Il est généreux, et les élus locaux sont impopulaires ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Serge Vinçon. Eh oui !
M. Josselin de Rohan. Aucune clarification ou simplification de la fiscalité locale n'a été entreprise ces cinq dernières années ; cela fait beaucoup de temps perdu !
Pour les contribuables, le bilan n'est guère plus réjouissant. Depuis 1997, 62 taxes et impôts ont été supprimés, mais les 19 taxes et impôts créés dans la même période ont largement compensé ces suppressions. Moins de 30 % de l'accroissement des produits fiscaux aura été rétrocédé aux Français sous la forme de baisse d'impôts. La réduction du plafond du quotient familial a affecté 500 000 foyers ; la diminution de l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile, et celle de l'aide fiscale pour les salariés à domicile ont pénalisé des familles modestes.
Notre système fiscal demeure archaïque. Il continue de se traduire par des assiettes étroites à taux élevé, par une progression excessive de l'impôt sur le revenu qui le rend spoliateur et par l'empilement des impôts sur une même assiette. Alors que nos partenaires au sein de l'Union européenne ont réalisé d'importantes réformes dans ce domaine, nous n'avons, quant à nous, hélas ! rien osé !
Il y a peu de temps, un observateur notait ceci : « La baisse des impôts et des charges sera d'autant plus rapide que nous parviendrons parallèlement à mieux maîtriser la dépense publique. Nous avons des progrès considérables à opérer pour rénover les procédures budgétaires, moderniser la comptabilité publique, responsabiliser les fonctionnaires, mieux évaluer l'efficacité des politiques publiques et inventer des modes de gestion plus pertinents. C'est un esprit de réforme permanente qu'il faut insuffler, à l'écoute et au service des besoins de la population. » Il s'agissait de Laurent Fabius, dans la revue Témoin du mois de janvier 1999. (Protestations sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !
M. Josselin de Rohan. Il nous a semblé, il est vrai, au cours de ce débat budgétaire, que le ministre était l'exécutant quelque peu désabusé...
M. Charles Revet. Entre ce qu'on dit et ce qu'on fait !
M. Josselin de Rohan. ... et distancié d'une politique à laquelle il ne croyait guère...
M. Philippe Marini, rapporteur général. « Distancié », c'est le mot !
M. Josselin de Rohan. ... en un temps où ses mises en garde sont ignorées et où toutes les vannes de la dépense sont ouvertes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais il est toujours là !
M. Josselin de Rohan. M. Fabius a dit, au début de cette discussion, que « les choix durables sont des choix valables ». Mais de mauvais choix peuvent être lourds de conséquences et obérer l'avenir.
M. Dominique Braye. Dans vingt ans !
M. Josselin de Rohan. « Ils ont mangé leurs raisins verts et leurs enfants ont eu les dents agacées », dit le Prophète.
Comme nous l'a démontré avec le brio que nous lui connaissons M. le rapporteur général, comme l'a souligné avec force et pertinence M. le président de la commission des finances, le Gouvernement a fait preuve d'autoritarisme dans des domaines qui relevaient strictement du domaine de la convention et de manque de rigueur et de volonté dans ceux où il aurait dû manifester son autorité. (M. Del Picchia applaudit.) Mais les temps sont durs pour l'autorité, constatait un jour le général de Gaulle.
Le Gouvernement laissera à ses successeurs une France déconcertée, affaiblie et handicapée, une France qui n'aura pas été armée pour affronter les temps difficiles...
M. Claude Estier. Vous avez oublié 1997 !
M. Josselin de Rohan. ... dans un environnement de concurrence toujours avivée et rude, dans un monde où tombent barrières et protections et où il ne fait pas bon être faible.
M. Charles Revet. Pauvre France !
M. Josselin de Rohan. Monsieur le rapporteur général, vous nous avez dit que le film qu'on nous jouait était La Grande Illusion ; je crains bien, hélas ! que ce ne soit plutôt Titanic ! (Rires et applaudissements sur les travées du RPR ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye. Ça les gêne !
Mme Hélène Luc. Ne soyez pas dépressif !
M. Josselin de Rohan. Le mal, a dit à peu près Pascal, n'est pas que chaque homme coure après une vérité ou que nombre d'hommes persistent dans leur fausseté, le mal vient de ce qu'ils ne peuvent pas rechercher une autre vérité.
Nous pensions que M. Fabius avait entrevu cette autre vérité, mais ses amis, ne partagent pas ses convictions. (Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est trop long, monsieur le président !
M. Josselin de Rohan. Il faut leur donner du temps dans l'opposition pour qu'ils aperçoivent enfin la lumière.
M. Louis Duvernois. Très bien !
M. Josselin de Rohan. Il faut surtout souhaiter que ceux qui viendront après vous, madame la secrétaire d'Etat, feront preuve de toute la lucidité, de toute l'énergie,...
M. René-Pierre Signé. Ce ne sera pas vous !
M. Josselin de Rohan. ... de tout le courage nécessaires pour affronter un lourd héritage,...
M. René-Pierre Signé. Ce ne sera pas vous !
M. Josselin de Rohan. ... pour remettre à flot le navire et l'orienter dans la voie de la modernité et des réformes. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier. Vous n'y êtes pas encore !
M. René-Pierre Signé. Cela a été trop long ! Et laborieux !
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre débat arrive à son terme. Je dois reconnaître y avoir pris personnellement, en de nombreux moments, un plaisir certain.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tiens !
M. Denis Badré. Oui, j'ai trouvé nos échanges intéressants. Ils ont sans doute même été utiles pour l'avenir, sinon toujours pour le présent. Ils ont été intéressants chaque fois que « le Parlement a parlé au Parlement », dirais-je, vous citant, madame le secrétaire d'Etat. Je vous avais d'ailleurs indiqué, à l'occasion de ce propos - peut-être vous en souvenez-vous - que nous étions effectivement aussi ici pour cela et que c'était la raison pour laquelle nous commencions tous nos propos en saluant le président et le ministre et nous adressant à nos « chers collègues ». Eh bien ! mes chers collègues, nous nous sommes aussi parlé entre nous au cours de ce débat.
M. René-Pierre Signé. Les sénateurs parlent aux sénateurs !
M. Josselin de Rohan. Il nous est même arrivé de nous écouter, de voir nos réflexions progresser d'un groupe à l'autre et même entre la majorité et l'opposition.
Ce fut en particulier le cas lorsque, sur un amendement déposé par notre groupe, une vraie réflexion s'est engagée sur les emplois à domicile, ou encore lorsque nous avons abordé le problème de la rémunération des dirigeants élus des associations.
Ce fut presque le cas sur l'ISF. Bien sûr, les références idéologiques n'ont pu alors être complètement écartées ! Bien sûr, aux : « C'était Juppé ! », il a été répondu : « Mais les temps ont changé ! » La forme étant ainsi sauve, nous avons pu aller un peu plus loin sur le fond. Et nous nous sommes presque tous retrouvés autour de l'idée que la nécessité d'assurer la compétitivité de la France n'était ni de droite ni de gauche, mais correspondait à une obligation nationale dans un monde ouvert qui change très vite.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Denis Badré. Il reste un peu de chemin à parcourir pour asseoir définitivement et solidement cette idée et pour la traduire dans la réalité de nos lois de finances. Mais ne désespérons pas ! Les chemins de Damas ne s'ouvrent-ils pas toujours sur les plus belles promesses du monde ?
Ces progrès, au moins au niveau de la clarté du débat sinon de ses fruits, nous les devons d'abord à la qualité des travaux de nos différentes commissions. Après d'autres, je saluerai bien sûr l'autorité patiente, déterminée, constructive et toujours courtoise du président de la commission des finances, Alain Lambert, et l'engagement passionné du rapporteur général, Philippe Marini.
Ces progrès dans le débat, nous les devons aussi à l'implication et au sens des responsabilités de l'ensemble des groupes de la majorité sénatoriale, mais aussi de ceux de l'opposition. Mes collègues des autres groupes ne m'en voudront donc pas si je salue en particulier la présence très active des membres du groupe de l'Union centriste tout au long de notre débat.
Sans doute la proximité d'échéances électorales majeures explique-t-elle qu'il subsiste un flou certain dans les propositions du Gouvernement. Bien sûr, le flou sur le fond rend vaine toute recherche de clarté dans la forme. Ce sera pour plus tard !
Madame le secrétaire d'Etat, pour rester tout de même objectif, je saluerai votre écoute, souvent attentive, et votre courtoisie.
J'en viens au contenu du budget lui-même. Avec l'euro fiduciaire va apparaître une cagnotte constituée par tous les francs qui, eux n'auront pas réapparu. M. le rapporteur général a évoqué cette question voilà quelques jours. Malheureusement, cette cagnotte ne permettra pas, loin s'en faut, de compenser les pertes de recettes liées à la surestimation des prévisions de croissance pour 2001 et pour 2002. Le financement de promesses qui se multiplient reste cependant bien problématique, même si, madame le secrétaire d'Etat, vous avez répondu, un peu comme une incantation, par le mot « redéploiement ». Compte tenu du nombre et du poids des engagements pris ou à prendre, cela semble devenir une mission impossible !
Vous ne pouvez pas non plus proposer d'augmenter la pression fiscale, surtout pas en ce moment, car les échéances protègent les contribuables. Alors, il vous reste à creuser le déficit...
M. René-Pierre Signé. Vous connaissez la manoeuvre !
M. Denis Badré. ... ou du moins à le laisser filer sans trop regarder ce qui se passe, ni surtout ce qui se passera demain.
M. René-Pierre Signé. C'est ce que vous avez fait !
M. Denis Badré. Nous vous mettons à nouveau solennellement en garde contre ce choix, même si c'est un choix passif, même si c'est un choix subi, parce que ce serait un coup porté à la solidarité financière au sein de l'Union économique et monétaire, parce que nous n'avons pas le droit de charger davantage la barque de nos enfants. La charge résultant de la surestimation des recettes et de la sous-estimation des dépenses ne doit être portée ni par nous, demain, à travers nos impôts, ni par nos enfants, après-demain, à travers le déficit.
La seule voie non fermée reste bien, que vous le vouliez ou non, celle de la maîtrise de la dépense.
Mais il faut bien aussi parler de l'avenir ; c'est même notre première responsabilité.
Dans le monde difficile qui est le nôtre, il importe que la compétitivité de la France soit véritablement encouragée et servie à tous les instants. Malheureusement, comme je l'ai regretté - lourdement j'en conviens, mais c'était nécessaire - dans la discussion générale, ce projet de loi de finances ne met pas la France en ordre de bataille face à la mondialisation. Il ne le fait ni par son contenu ni dans sa présentation. Or la présentation, c'est l'image du pays, et celle-ci doit rassurer à l'intérieur, elle doit attirer et forcer le respect à l'extérieur.
Ce souci de notre compétitivé n'apparaît pas dans le volet fiscal, il n'apparaît pas non plus dans le volet consacré aux dépenses : on ne peut pas dire, en effet, qu'une dépense publique qui met en place les 35 heures serve directement la compétitivité du pays !
Pour ce qui concerne la fiscalité, mon groupe souhaitait que le projet de budget puisse être amélioré dans quatre directions : en faveur des familles, de l'environnement, de la simplicité et de l'équité fiscale, et enfin, bien sûr, de la compétitivité.
Au lieu d'opposer les riches aux pauvres, ce que font trop systématiquement le Gouvernement et sa majorité, nous préférons, pour notre part, comparer les revenus des familles avec et sans enfants. Alors, il apparaît à l'évidence que les familles avec enfants ne sont pas soutenues comme elles le devraient.
S'agissant de l'environnement, le Sénat a voté une déduction pour les éleveurs qui investissent dans des dispositifs anti-pollution. C'est une manière de « coller à la réalité » du terrain et d'impliquer les éleveurs dans une politique qu'ils sont les premiers à souhaiter : la nature, c'est leur milieu de travail, c'est aussi leur espace de vie.
Nous souhaitons, plus généralement, davantage de simplicité et de justice fiscale. Il est bien connu que, chaque fois que l'on complique, on crée de nouvelles injustices. Et ce sont toujours les moins favorisés qui en pâtissent !
Enfin, l'amélioration de notre compétitivité - je n'y reviendrai jamais assez - implique notamment une profonde révision de l'impôt sur le revenu, de l'impôt de solidarité sur la forture, l'ISF, et des droits de mutation, conformément aux conclusions auxquelles a abouti la mission sénatoriale sur la mondialisation, que j'ai eu l'honneur de présider. Il faut ouvrir ce chantier, madame le secrétaire d'Etat.
Cette amélioration de notre compétitivité suppose aussi - j'ai eu l'occasion d'y insister lors de l'examen du budget de la recherche - une réorientation assez profonde de notre politique scientifique nationale et une révision sensible de la politique scientifique de l'Union européenne.
Dans ces domaines, il ne faut plus attendre, car nous le paierions très cher demain. C'est aujourd'hui que demain se prépare !
L'Europe va nous conduire vers une harmonisation fiscale qui soulagera enfin entreprises et contribuables français. Ce que le Gouvernement français n'aura pas su faire, l'Europe nous demandera de le réaliser. Mais cela signifiera 200 milliards de francs de recettes en moins et, donc, 200 milliards de francs de dépenses à supprimer. C'est ce à quoi il faudra renoncer pour retrouver le niveau moyen de pression fiscale de nos partenaires, car il ne sera pas question de creuser le déficit, l'Europe nous l'interdira.
Nous devons donc nous préparer, dès aujourd'hui, à cette suppression de 200 milliards de francs de dépenses. Demain, ce sera encore plus difficile à faire ! N'accumulons pas les bombes à retardement, même si c'est tentant, même si demain est un autre jour !...
Les temps sont peut-être à la démagogie, mais l'une des caractéristiques de notre Haute Assemblée, mode d'élection oblige, est d'y être moins portée. Nous avons même le devoir d'appeler à la raison en pensant aux lendemains qui ne chantent pas.
Cette ardente obligation doit être vécue de manière responsable en garantissant à l'Etat des moyens d'assurer ses missions régaliennes. Or, dans un contexte où la dépense apparaît pourtant facile, ce n'est malheureusement plus le cas aujourd'hui. En effet, si nous dépensons sur tous les fronts, nous ne dépensons pas ce qu'il faut dans les domaines où la responsabilité régalienne de l'Etat est engagée.
M. Jacques Blanc. Oui !
M. Denis Badré. Je prendrai pour seul exemple celui de la défense, que les gendarmes viennent de remettre à la une de l'actualité, ce qui est bien dommage.
Comme l'a très justement démontré notre collègue Maurice Blin, le budget de la défense n'est plus considéré comme une priorité, et Dieu sait pourtant s'il reste important dans un monde à nouveau difficile ! Sa part dans le PIB s'est effondrée depuis cinq ans. Le budget des armées sert désormais de variable d'ajustement au budget général.
Plus grave encore, au sein même des crédits du ministère de la défense, les dépenses d'investissement sont sacrifiées au profit d'un fonctionnement qu'il faut bien assurer.
En conséquence, l'application de la loi de programmation pour les équipements militaires a pris un retard d'un an. Le principe même d'une programmation a-t-il encore un sens dans de telles conditions ?
Madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous voyez qu'il reste du chemin à parcourir, qu'il reste du travail à accomplir, qu'il faut savoir retrouver la raison et le sens des responsabilités.
C'est là l'objectif que la majorité sénatoriale s'est fixé tout au long de ce débat.
Je pense que nous l'avons atteint, au moins en partie. Nous avons voulu envoyer quelques signaux forts à l'adresse de l'opinion pour qu'elle comprenne que, même si les temps sont difficiles, nous avons la volonté de préparer le meilleur avenir possible pour l'ensemble des Français.
Mes chers collègues, fort de ce travail et du résultat auquel nous sommes parvenus, le groupe de l'Union centriste votera le projet de loi de finances pour 2002 tel qu'il ressort de nos débats. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat budgétaire est intervenu, cette année, dans un contexte confirmé de ralentissement de la croissance,...
M. Charles Revet. Ce n'est pas ce qu'on nous dit !
Mme Nicole Borvo. ... sous la menace d'une récession éventuelle au niveau international.
Les propositions que nous avons pu faire ont été guidées par le souci constant que l'intervention publique ait la capacité de faire face à ce contexte, donc de soutenir la consommation populaire et les investissements utiles, de dynamiser l'activité économique et de favoriser la croissance.
Aujourd'hui, notre vote intervient à un moment où des attentes sociales s'expriment très fortement. Les mouvements sociaux touchent de grands secteurs publics, de façon diverse mais convergente. Ce qui les unit, à mon sens, ce qui est leur fil conducteur, ce sont les immenses besoins de la société : besoin de sécurité, de santé, d'écoles, de services publics.
Nos concitoyens sont très attachés à leurs services publics. Ils ont raison. Dans notre pays, les services publics sont des éléments indispensables de la cohésion sociale, du « vivre ensemble » ; ils ont fait la preuve de leur grande efficacité.
Ce qu'expriment nombre de ceux qui font part de leurs inquiétudes, de leurs mécontentements, de leurs revendications, ce n'est pas leurs intérêts égoïstes, leur corporatisme, comme on l'entend trop souvent dire, mais bien leurs difficultés à accomplir leurs missions, à répondre aux attentes de la population.
Tel est, à mon sens, le coeur du débat sur la dépense publique.
Une autre grande question concerne la démocratie et l'avenir du débat budgétaire à un moment historique, celui du passage à l'euro et à l'abandon du franc.
Il ne s'agit pas pour moi de verser dans la nostalgie et le conservatisme. Mais ne passe-t-on pas trop rapidement sous silence le rapport étroit entre un peuple et sa monnaie ?
Quel sera, demain, le rapport entre les peuples européens et l'euro ? Qui décidera et dans quelles conditions ? L'euro existe et, si un défi est à relever, c'est bien celui qui consiste à permettre aux peuples de s'approprier ce nouvel outil et de le mettre au service des objectifs de justice sociale, de développement économique et de coopération internationale.
Nous en sommes bien loin et, malheureusement, de nombreux facteurs nous laissent penser que nous assistons à la naissance d'un nouvel outil de spéculation internationale qui placera toujours et encore au premier plan la maîtrise des dépenses publiques et l'austérité salariale.
Je regrette, à ce titre, que le programme pluriannuel en matière de finances publiques transmis aux autorités de Bruxelles par notre pays ne fasse pas l'objet d'un large débat.
Même si la tendance est modifiée, la baisse indifférenciée des impôts continue à marquer ce plan. Cet axe ne peut qu'aller de pair avec l'objectif de réduction des dépenses.
Au-delà même de son contenu, ce plan met en évidence l'absence de transparence des choix à l'échelon européen. Qui opère ensuite le choix, et sous le contrôle de qui ?
Le projet de budget dont nous discutons reste encore beaucoup trop marqué, à notre avis, par le pacte de stabilité qui bride les ambitions de la gauche plurielle.
La première partie, relative aux recettes, n'ambitionnait pas, à notre sens, de trouver de nouveaux moyens pour une politique budgétaire au service de l'emploi et de la justice sociale.
Si les députés communistes ont voté l'ensemble du budget à l'Assemblée nationale, c'est parce que des efforts ont été faits pour maintenir et faire progresser nombre de crédits.
Des avancées ont été possibles, et les mêmes députés communistes n'y sont pas pour rien. Par exemple ont été prévus le doublement de la prime pour l'emploi ; 1 milliard de francs pour l'investissement hospitalier ; l'octroi aux collectivités locales de prêts à taux préférentiels dans les travaux d'investissement scolaire en zones sensibles ; le dégrèvement du foncier bâti et l'exonération de la redevance TV pour les personnes de plus de soixante-cinq ans.
Ces avancées pousssent la consommation, donc la croissance.
Les députés communistes ont d'ailleurs contribué à reconstituer en recettes une partie des dépenses supplémentaires. Le maintien du barème de l'ISF ou de la contribution des compagnies pétrolières représentent en effet une plus-value fiscale de 1,5 milliard de francs.
Nous avons toutefois regretté la baisse de l'impôt sur les sociétés sans obligation en matière d'emploi et la réduction du barème des deux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu.
Notre vote au Sénat sur l'ensemble du projet de loi de finances, tel qu'il a été modifié par la droite sénatoriale, sera tout autre, puisque nous nous prononçons contre.
La droite sénatoriale - on vient d'en avoir l'exemple - a fait jouer une nouvelle fois à la Haute Assemblée le rôle de caisse de résonance des propositions de l'actuelle opposition parlementaire.
Le débat budgétaire est devenu, dans ce cadre, une tribune pour des déclarations et propositions marquées par le libéralisme telles que l'allégement de l'impôt sur le revenu des ménages les plus aisés, l'allégement de l'impôt sur les sociétés, ou encore celui de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Le cas de l'impôt de solidarité sur la fortune est parlant, à l'heure où le bilan des plus grosses fortunes de France vient d'être publié dans la presse.
C'est ainsi que le Sénat a rétabli le plafonnement de cet impôt, cadeau fiscal accordé à un millier de personnes particulièrement riches.
Il faut relever que le milliard de francs d'allégement de l'ISF qu'il propose équivaut, par exemple, au budget consacré à la ville.
La même observation vaut évidemment pour l'ensemble des autres mesures préconisées par les membres de la majorité sénatoriale. C'est particulièrement vrai pour l'allégement de l'impôt sur les sociétés, qui atteint un volume de 102 millions d'euros, et pour la baisse des impôts en faveur des plus hauts revenus.
Voulant mener jusqu'au bout le débat parlementaire, nous avons fait des propositions à l'occasion de la discussion de la première partie pour créer les conditions d'un renforcement de la croissance au travers de mesures spécifiques en faveur d'un ciblage plus précis de la réforme de l'impôt sur le revenu, par une réduction du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée et par une amélioration des dispositifs incitatifs à la réduction du temps de travail ou encore par une amélioration des modes de fonctionnement des petites et moyennes entreprises.
Bien entendu, ces propositions n'ont pas été retenues par la majorité sénatoriale.
Seule exception à la règle, notre proposition de réduction du taux de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les appareillages lourds destinés aux personnes handicapées, véritable mesure de justice sociale, a été adoptée.
S'agissant des collectivités locales, nous ne pouvons, envore une fois, que dénoncer les contradictions dans lesquelles s'engage la majorité sénatoriale.
Désormais, à vous croire, tout ou presque est possible !
Mais, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, devons-nous pour autant oublier que c'est vous qui avez réformé la dotation globale de fonctionnement, en 1993, en gelant la dotation forfaitaire de 1994, que c'est vous qui avez réduit la compensation de la taxe sur la valeur ajoutée sur les dépenses d'équipement, que c'est vous qui avez voté la suppression de la dotation globale d'équipement des communes importantes, que c'est vous qui avez fait de la dotation de compensation de la taxe professionnelle la variable d'ajustement de l'enveloppe des dotations ?...
Nous sommes, quant à nous, convaincus que les finances locales et le champ des relations entre l'Etat et les collectivités locales doivent être profondément réformés.
Pour nous, cette réforme passe, entre autres, par un examen réel des transferts de compétences et de moyens financiers, par la mise en oeuvre d'une véritable réforme de la taxe professionnelle imposant l'intégration des actifs financiers dans son assiette, ce qui permettrait de soutenir le financement des établissements publics de coopération intercommunale, de donner des moyens supplémentaires aux collectivités locales pour satisfaire leurs nombreux besoins, que vous vous plaisez à invoquer, et de trouver les moyens d'assurer une bonne mise en place des 35 heures.
Votre allergie à la dépense publique s'est à nouveau manifestée dès le début du débat sur la deuxième partie. Souvent, vous vous auto-proclamez porte-parole des collectivités locales. Mais que penseront les élus locaux, déjà inquiets de l'éventuelle fermeture de leur perception, de la minceur des effectifs de gendarmerie que vous voulez mettre en place ou des menaces que vous faites peser sur l'activité de leur hôpital local ? Que penseront les élus locaux qui se battent en permanence pour les moyens de l'école publique ?
Nous relèverons comme une contradiction de plus le fait que vous ayez rejeté sans complexe les deux amendements relatifs à l'accord intervenu sur le conflit dans la police nationale et sur la question de la rémunération de l'astreinte des gendarmes. Comprenne qui pourra ! Vous vous plaisez à souffler sur les braises des justes préoccupations de nos concitoyens quant aux questions de sécurité, mais, lorsque vous étiez au pouvoir, vous n'avez en rien enrayé la délinquance avec votre politique de constante réduction des dépenses.
En tout état de cause, nous avons la conviction que les propositions que nous avons faites à l'Assemblée nationale et au Sénat et que vous avez rejetées sont en symbiose avec ce qui se passe aujoud'hui dans le pays.
Compte tenu des observations qui précèdent, nous ne pourrons que rejeter, sans la moindre hésitation, le projet de loi de finances tel qu'il a été modifié par la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, force est de constater que, depuis 1997, les discussions budgétaires se suivent et se ressemblent. Chaque année, sereinement, le Gouvernement propose une politique responsable, volontariste et maîtrisée. (Rires et exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Chaque année, la droite s'oppose, s'indigne...
M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne vous croit même pas !
M. Dominique Braye. C'est Plantu !
M. Bernard Angels. ... et s'égare dans ses propres contradictions. (Nouvelles exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Le débat sur le projet de budget pour 2002 n'a pas dérogé à cette tradition et a encore été le théâtre de cet étrange jeu de miroirs grossissants.
M. Dominique Braye. Quel humour !
M. Charles Revet. Il faut le faire !
M. Dominique Braye. C'est Plantu, vous dis-je !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il vaudrait mieux supprimer l'opposition : ce serait plus pratique pour vous !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Laissez-le parler, il n'a que dix minutes !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, faites preuve d'élégance et écoutez l'orateur en silence !
M. Bernard Angels. Je répète donc, pour que M. Braye puisse bien entendre, que le débat sur ce projet de budget pour 2002 n'a pas dérogé à cette tradition et a encore été le théâtre de cet étrange jeu de miroirs grossissants.
Dans cet hémicycle, vous avez fait preuve, chers collègues de la majorité sénatoriale, unis derrière l'étendard du rapporteur général, ...
M. Christian Demuynck. Notre excellent et brillant rapporteur général !
M. René-Pierre Signé. Mais non objectif !
M. Bernard Angels. ... d'une constance sans faille.
Mais peut-on se féliciter de cette constance dans le refus systématique...
M. Christian Demuynck. Et justifié !
M. Bernard Angels. ... et, il faut bien le dire, dans l'erreur ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous êtes bien présomptueux !
M. Christian Demuynck. Il est infatué de lui-même !
M. Claude Estier. N'y aurait-il que vous qui puissiez avoir raison, monsieur le rapporteur général ?
M. Bernard Angels. Monsieur le rapporteur général, je vais argumenter mon propos et je vous mets au défi de me contredire. (Rires et exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Christian Demuynck. Décidément, il est content de lui !
M. Bernard Angels. Je ne pense pas qu'il faille, comme le fait trop souvent le rapporteur général, manier les chiffres en ne retenant, de manière partisane, que ceux qui viennent à l'appui de sa propre thèse.
Ainsi, vous n'avez cessé de mettre en doute les prévisions de croissance du Gouvernement.
M. Charles Revet. Tout le monde les met en doute, à commencer par les experts !
M. Bernard Angels. Chaque année, vous avez proféré des discours catastrophistes, annonçant des résultats toujours plus sombres,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Alors que tout va bien !
M. Bernard Angels. ... au point que l'on a pu se demander si ce n'était pas finalement par dépit de voir le Gouvernement réussir là où vous aviez échoué ! (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Oh !
M. Bernard Angels. Certes, les objectifs de croissance fixés pour 2001 ne seront pas atteints ; mais le taux que nous enregistrerons cette année en France - un peu plus de 2 % - sera tout de même supérieur à celui de nos principaux partenaires. En outre, chacun le sait, la situation est, cette année, tout à fait particulière.
Il reste, monsieur le rapporteur général, qu'en 1997, avec la crise asiatique, qu'en 1998, avec la crise russe, puis encore en 1999,...
M. Dominique Braye. Avec la crise socialiste !
M. Bernard Angels. ... vous avez annoncé l'effondrement de la croissance. Or, chaque année, fort heureusement d'ailleurs, les faits vous ont donné tort. (Eh oui ! sur les travées socialistes.) Notre pays a même connu une croissance encore plus importante que celle qu'envisageait le Gouvernement.
M. Dominique Braye. Oh !
M. Bernard Angels. Vous êtes manifestement, chers collègues de la droite, de piètres pronostiqueurs. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur Angels, me permettez-vous de vous interrompre ? (Non ! Non ! sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Bernard Angels. Je vous en prie. C'est toujours un plaisir de dialoguer avec vous, monsieur le rapporteur général !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon cher collègue, vous travestissez les propos que j'ai tenus année après année.
M. Claude Estier. Non, ce sont bien ceux que vous avez tenus !
M. René-Pierre Signé. Le Journal officiel en témoigne !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tiens ! M. Signé est revenu ! (Rires.)
De grâce, monsieur Angels, ne travestissez pas les propos d'un collègue qui est, certes, un adversaire politique, mais qui est un adversaire honnête !
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En tant que rapporteur général, et vous avez pu l'oberver tout au long de la discussion des articles, j'essaie de tenir compte des opinions des uns et des autres...
M. René-Pierre Signé. Non, vous êtes partisan !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et de ne pas parler à leur place.
Je comprends très bien que vous ayez une vision différente et que vous vous exprimiez en faveur du gouvernement que vous soutenez. Il me semble toutefois que vous devriez diriger vos efforts vers des objectifs plus utiles. Il est clair en effet que, dans cet hémicycle, nous ne parviendrons pas à nous convaincre mutuellement. Réservez donc votre force de conviction pour l'extérieur, où se déroule toute une série de mouvements sociaux,...
Plusieurs sénateurs socialistes. Et sous Juppé ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... alors que les gens devraient être plus contents compte tenu des 35 heures, compte tenu de tous les sacrifices qui sont consentis avec l'argent public. (Protestations sur les travées socialistes.)
C'est cela qui devrait vous occuper plutôt que d'essayer de convaincre des gens qui ne peuvent pas être convaincus par ce que vous dites. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le rapporteur général, vous avez sans doute noté que je faisais le bilan de cette législature, et je vous mets au défi de contredire ce que je viens d'énoncer, à savoir que, pendant quatre ans, chaque année, vous avez expliqué que le taux de croissance prévu dans le budget était surestimé.
Je vous accorde que, cette année, il sera plus bas que prévu : 2 % ou 2,1 %.
M. Dominique Braye. C'est madame Soleil !
M. Bernard Angels. Mais, je l'ai dit, il sera tout de même plus élevé que dans les autres pays européens.
Loin de moi l'idée de mettre en doute votre honnêteté, monsieur le rapporteur général, mais j'aurais aimé que vous reconnaissiez aussi la mienne. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. Ah !
M. Bernard Angels. Quand, chers collègues de la droite, vous vouez aux gémonies les hypothèses du budget pour 2002, cela aurait plutôt tendance à me rassurer quant à leur pertinence.
Rassuré, je le suis d'autant plus quand j'observe les hypothèses de croissance retenues par nos voisins : 2,25 % pour l'Allemagne et le Royaume-Uni, 2,3 % pour l'Italie et 2,9 % pour l'Espagne. Avec une prévision comprise entre 2,25 % et 2,5 %, le Gouvernement français ne fait pas figure de jeune écervelé au milieu de pays dont les résultats économiques actuels sont assez proches des nôtres, voire inférieurs.
M. Dominique Braye. Jeune, non ; écervelé, oui ! (Sourires.)
M. Bernard Angels. Moi, j'argumente ! Si vous voulez parler, argumentez, mais ne braillez pas ! (Rires.) Au-delà de ces considérations chiffrées, chers collègues, je pense que vous vous trompez sur le sens même de ce budget. Là où vous voyez un budget irréaliste, aventureux, il y a simplement un budget volontariste et ambitieux.
M. Jean-Pierre Demerliat. Très bien !
M. Bernard Angels. Il est du rôle de l'Etat, et donc du Gouvernement, de donner l'impulsion nécessaire à l'économie pour rebondir, la confiance nécessaire aux Français pour soutenir la consommation, les marges de manoeuvre nécessaires aux entreprises pour relancer l'investissement et l'emploi.
Si vous me permettez d'user d'un vocabulaire un peu militaire, je dirai que la France est bien armée pour ce combat et que c'est à ses dirigeants qu'il revient de donner le signal de l'offensive, non celui de l'attentisme et du défaitisme, auxquels certains se laissent aller.
M. Dominique Braye. Dites ça aux gendarmes !
M. Bernard Angels. Venons-en maintenant à ce que l'on appelle les fondamentaux économiques, les grands agrégats, qui n'ont que très rarement - trop rarement - été l'objet de vos louanges au cours des quatre dernières années.
M. Alain Lambert. président de la commission des finances. Vous les chantez si bien !
M. Bernard Angels. Je m'en tiendrai à quelques chiffres précis, incontestables et vérifiables par chacun de vous pour montrer que vous avez déformé la réalité des faits économiques afin de servir une analyse strictement idéologique.
Intéressons-nous d'abord aux dépenses. Vous accusez régulièrement le Gouvernement de dilapider les deniers publics.
M. Charles Revet. Parce que c'est vrai !
M. Bernard Angels. Pourtant, les chiffres sont là...
M. Roland du Luart. Hélas !
M. Bernard Angels. ... et ils témoignent de vos erreurs d'analyse !
Entre 1997 et 2001, la part des dépenses publiques dans le PIB aura diminué sans discontinuer, passant de 55 % à 52 %. Son niveau de 2002 sera ainsi le plus bas depuis plus de dix ans.
Qui plus est, je pense que vous êtes mal placés pour nous donner des leçons en matière de dépenses publiques ! Entre 1993 et 1997, elles ont augmenté de 1,8 % chaque année - je dis bien : chaque année -,...
Plusieurs sénateurs socialistes. Très bien !
M. Charles Revet. Et les collectivités locales ?
M. Bernard Angels. ... ce qui représente le total de l'augmentation de tous les budgets de cette législature réunis.
Mme Nelly Olin. Et de 1981 à 1986 ?
M. Bernard Angels. Ainsi, après avoir fait moins bien chaque année...
Mme Nelly Olin. Et de 1988 à 1993 ?
M. Bernard Angels. ... que nous en quatre ans, vous trouvez aujourd'hui le moyen de nous dire que nous dépensons trop !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous, vous reportez tout sur la dernière année !
M. Bernard Angels. Alors, bien sûr, vous nous dites que, de votre temps, le contexte était différent. Et c'est vrai.
M. Raymond Courrière. Ils ont tué la croissance !
M. Bernard Angels. Mais je m'étonne tout de même de vous entendre aujourd'hui préconiser la réduction drastique des dépenses pour limiter le ralentissement de la croissance, alors que vous n'avez pas fait preuve de la même rigueur durant une période qui était, selon vous, bien plus difficile. J'aimerais bien que vous m'expliquiez votre raisonnement !
En 2002, à quoi les dépenses seront-elles donc affectées ? Près du quart d'entre elles ira à l'éducation nationale. Combien parmi vous souhaitent moins de moyens pour les écoles, les collèges, les lycées et les universités ?
M. Dominique Braye. Nous souhaitons plus de travail pour les professeurs !
M. Bernard Angels. Combien parmi vous n'ont jamais réclamé le maintien d'une classe, un meilleur encadrement des enfants ?
Expliquerez-vous aux Français que, à cet effet, il faut réduire des crédits, comme l'a fait tout à l'heure le président de la commission des finances ?
De même, peut-on à la fois réclamer plus de magistrats, plus de policiers, une sécurité renforcée et une justice plus rapide tout en dénonçant sans cesse le nombre trop important de fonctionnaires ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certainement !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce n'est pas incompatible !
M. Bernard Angels. Pour notre part, nous avons fait un choix clair.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah oui, 80 000 recrutements !
M. Bernard Angels. Nous avons choisi une politique ambitieuse et efficace.
M. Jean Chérioux. Efficace !
M. Bernard Angels. Cette politique a un coût, et nous assumons ce coût !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr ! Surtout avant les élections !
M. Bernard Angels. Depuis 1997, les crédits consacrés à la sécurité ont augmenté de 18 %...
M. Jean Chérioux. Pour quels résultats ?
M. Bernard Angels. ... et il y a eu plus de postes créés dans la justice que durant les dix-sept années précédentes.
M. Jean Chérioux. Avec de bons résultats ?
M. Bernard Angels. C'est la réalité ! Plutôt que de constater votre démesure à la tribune...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Notre démesure est moindre que la vôtre !
M. Bernard Angels. ... nous aurions préféré vous entendre sur ces choix. Remettriez-vous en cause aussi facilement les priorités accordées par le Gouvernement à l'éducation, à la sécurité et à la justice ?
Mme Nelly Olin. Parlons-en !
M. Bernard Angels. Il sera bien temps pour vous, dans quelques semaines, de le dire aux Français !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On préférerait que les délinquants restent en prison ! Ne les remettez pas en liberté !
M. Dominique Braye. Et la sécurité, vous y pensez ?
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues : seul M. Angels a la parole !
M. Bernard Angels. J'en viens aux déficits.
Je ne veux rien laisser de côté, aussi vais-je rapidement passer en revue tous les agrégats économiques.
Qu'ai-je entendu depuis 1997 ? « Pas assez vite, pas assez fort, merci la conjoncture internationale ! »
Un peu de sérieux ! En 2002, la France se situera, avec 1,4 point de PIB, à un niveau égal à la moyenne des six plus grands pays de la zone euro. La conjoncture, mes chers collègues, serait-elle différente pour les uns et pour les autres en Europe ? Essayez d'y réfléchir ! Est-elle différente pour l'Allemagne, dont le niveau de déficit frôle aujourd'hui 3 points et dont la croissance plafonne à 0,75 % ?
Depuis 1997, la France est au deuxième rang - derrière l'Espagne - pour ce qui est des efforts de réduction des déficits, loin, bien loin devant l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas. Voilà la réalité ! Mais, là encore, peut-être chaque pays disposait-il de sa propre conjoncture internationale, monsieur le rapporteur général !
Vous ne pouvez pas changer les chiffres, mes chers collègues, et ils vous donnent encore une fois tort ! Le sérieux de la gestion du Gouvernement en matière de déficits, notamment grâce à sa politique responsable en matière de dépenses et ambitieuse en matière de réductions d'impôts, ne peut plus être remis en cause ! (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Si !
M. Hilaire Flandre. Vous ne recevez pas de feuille d'impôts ?
M. Bernard Angels. J'aime tant débattre avec vous, mes chers collègues, que je pourrais continuer longtemps cette liste en citant les résultats dans le domaine de l'emploi, du pouvoir d'achat ou de la dette.
M. Hilaire Flandre. Ou de la sécurité ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est curieux que les fonctionnaires soient dans la rue !
M. Bernard Angels. Tous les résultats vont dans le même sens !
Mais je m'en tiendrai au temps de parole qui m'a été imparti, pour respecter les décisions de la conférence des présidents.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il vaut mieux !
M. Bernard Angels. Le budget pour 2002 élaboré - c'est évident - dans des conditions plus difficiles que les précédents montre le sérieux du Gouvernement et de sa majorité.
Nous avons fait le choix d'une politique de continuité et non d'une gestion conjoncturelle résignée, à courte vue, sans ambition et sans projet, comme certaines de celles que nous avons connues.
Peut-être est-ce tout simplement cela qui nous différencie, mes chers collègues ! C'est en tout cas cela qui différencie le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement de celui sur lequel nous devons nous prononcer aujourd'hui, et c'est cela qui dictera le vote négatif du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nelly Olin. Ce n'est pas un scoop !
M. le président. La parole est à M. de Raincourt. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Et voici la noblesse !
M. Henri de Raincourt. Monsieur Signé, nul ne choisit le berceau dans lequel il naît ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.) La seule légitimité à laquelle on se réfère ici, c'est celle du suffrage universel et, à cet égard, ne vous en déplaise, nous sommes égaux ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lorsqu'elle s'est ouverte, notre discussion budgétaire était déjà en décalage par rapport à la situation du pays.
M. Jean-Marc Todeschini. Oh !
M. Henri de Raincourt. Elle s'achève aujourd'hui dans la confusion politique. (Eh oui ! sur les travées du RPR. - Protestations sur les travées socialistes.)
Il n'y a plus de budget. C'est d'ailleurs ce que mon prédécesseur a appelé « une politique volontariste responsable et maîtrisée ».
M. Jean-Marc Todeschini. Il avait raison !
M. Henri de Raincourt. L'Etat est hélas ! - et je ne m'en réjouis pas - chaque jour davantage plus déliquescent.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui, hélas ! Il est à bout !
M. Henri de Raincourt. C'est donc le néant budgétaire et la décadence politique. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Didier Boulaud. Vous faites dans la nuance !
M. Charles Revet. C'est la vérité !
M. Henri de Raincourt. Chaque semaine, depuis le mois de septembre, on nous annonce des rallonges de crédits pour les hôpitaux, les cliniques, la police, la gendarmerie...
M. Didier Boulaud. Vous êtes contre ?
M. Henri de Raincourt. ... l'emploi, la politique de la ville...
M. Paul Raoult. Vous êtes contre ?
M. Henri de Raincourt. ... sans oublier les douaniers et, bientôt, les gardiens de prison.
M. Jean-Marc Todeschini. Et les gendarmes ?
M. Henri de Raincourt. J'ai cité la gendarmerie !
M. Jean-Marc Todeschini. Il ne fallait pas accorder ces rallonges ?
M. Henri de Raincourt. Autant de mesures dont le financement n'est pas assuré.
M. Raymond Courrière. C'est vous qui le dites !
M. Henri de Raincourt. Le ministre des finances tient pendant ce temps-là, courageusement, un discours de rigueur devant le Parlement et dans la presse. Nous en avons encore eu quelques échos ce matin ! Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je regrette, pour ma part, qu'il ne nous ait pas rejoints en cette fin d'après-midi.
M. Serge Vinçon. Eh oui !
M. Henri de Raincourt. Il eût été en effet extrêmement intéressant de l'entendre !
A chaque fois qu'il doit trancher, le Premier ministre lâche du lest, pensant sans doute remonter dans les sondages ; mais, par là même, il enfonce la France dans le trou budgétaire. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Georges Gruillot. Très bien !
M. Raymond Courrière. Vous confondez avec les promesses de Chirac !
M. Didier Boulaud. Et l'emprunt Balladur ?
M. Henri de Raincourt. Comment seront honorées les dépenses supplémentaires s'accumulant au fil des cortèges qui, chaque jour, défilent dans la rue ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y en a moins que sous Juppé !
M. Henri de Raincourt. Le Gouvernement a ouvert la porte à une escalade de revendications catégorielles.
M. Didier Boulaud. Et Juppé !
M. Henri de Raincourt. Je pense qu'il aura du mal à éteindre l'incendie budgétaire qu'il a lui-même allumé.
M. Roland du Luart. Surtout avec les 35 heures !
M. Henri de Raincourt. J'y viens !
Cet enchaînement infernal est d'autant plus inquiétant que les bombes à retardement se sont accumulées depuis quatre ans et que, comme par hasard, elles exploseront les unes après les autres à partir du milieu de l'année prochaine.
M. Marcel Debarge. C'est faux !
M. Henri de Raincourt. En voici quelques exemples. La couverture maladie universelle,...
M. Claude Estier. Vous êtes contre ?
M. Henri de Raincourt. ... à la légitimité reconnue mais au dispositif contestable, est à certains égards plus injuste que la situation antérieure...
M. Guy Fischer. Pourtant, vous l'avez votée !
M. Henri de Raincourt. Les emplois-jeunes, dont le devenir est laissé au prochain gouvernement et, surtout, les 35 heures, dont le coût dépasse celui des budgets cumulés de la sécurité et de la justice. (Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Roland du Luart. C'est bien vrai !
M. Jean-Marc Todeschini. Et alors ? Vous allez les supprimer ?
M. Claude Estier. Vous êtes contre ?
M. Henri de Raincourt. Ce que nous remettons plus particulièrement en cause, ce sont les 100 milliards de francs qu'il faut y consacrer. Ils seraient bien utiles pour répondre aux demandes exprimées par un certain nombre de secteurs de la fonction publique, à juste titre, notamment par les forces de sécurité.
M. Raymond Courrière. Qui ont été entendues !
M. Henri de Raincourt. Le Gouvernement est ainsi pris à son propre piège. Il a voulu nous faire croire que la réduction de la durée du temps de travail créerait des emplois dans le secteur privé, mais que son application se ferait à effectifs constants dans le secteur public.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle tromperie !
M. Henri de Raincourt. C'est un paradoxe inimaginable !
Face à la multiplication des conflits sociaux, la liste des emplois publics qu'il faut créer s'allonge.
M. Raymond Courrière. Nous avons créé des milliers d'emplois !
M. Henri de Raincourt. L'avenir est d'autant plus sombre que la dette de l'Etat atteint des sommets vertigineux. Il faudra bien la rembourser un jour !
M. Claude Estier. Et du temps de Balladur, alors ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle était moins élevée !
M. Henri de Raincourt. Elle atteint aujourd'hui plus de 1 000 milliards de francs, en quatre ans !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle augmente chaque année !
M. Henri de Raincourt. Le poids des dépenses de la fonction publique s'accroît et l'explosion du coût des retraites des fonctionnaires est programmée pour demain.
M. Didier Boulaud. La « mauvaise graisse » !
M. Henri de Raincourt. Le Gouvernement fait mine de l'ignorer malgré les mises en garde de la Cour des comptes.
M. Nicolas About. Eh oui !
M. Henri de Raincourt. Depuis quatre ans, il laisse dériver les dépenses de fonctionnement et il réduit les dépenses d'investissement, notamment dans le domaine militaire, ce qui est extrêmement grave au regard de l'intérêt supérieur du pays.
M. Raymond Courrière. Vous voulez une escadre de porte-avions ?
M. Henri de Raincourt. Surtout, il a pris la mauvaise habitude de transférer à d'autres le financement de ses incohérences politiques. Je crois d'ailleurs qu'aucun gouvernement n'avait atteint ce niveau ! Il met en danger les comptes de la sécurité sociale et de l'UNEDIC pour financer les 35 heures. Il détourne les sommes destinées au remboursement de la dette publique et de la dette sociale pour alimenter le minuscule fonds de réserve des retraites, qui n'est, en fait, qu'un leurre.
M. Bertrand Auban. Auquel vous n'avez pas pensé !
M. Henri de Raincourt. Vous savez bien qu'il ne sert à rien du tout !
Quant aux réformes nécessaires, courageuses et pas forcément populaires en matière de retraites, elles seront engagées l'année prochaine, après les élections. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est le Premier ministre, la semaine dernière, sur France 2 ! Cela confirme que le fonds de réserve des retraites dont vous réclamez la paternité ne sert strictement à rien, vous en avez fait la preuve vous-même ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Raymond Courrière. Pour le moment !
M. Henri de Raincourt. Pour les collectivités locales, c'est la catastrophe. On nous parle des bienfaits du pacte de croissance. Mais, pour 2002, ont-ils un lien avec l'envolée des dépenses obligatoires supplémentaires ? Le rapport est de un à cinq !
L'Etat recentralise les décisions, mais il décentralise les charges : financement des services départementaux d'incendie et de secours,...
M. Paul Raoult. C'est la loi Debré !
M. Henri de Raincourt. ... financement des universités, transfert aux régions du transport par rail des passagers, ou encore allocation personnalisée d'autonomie, dont la démagogie n'a d'égale que l'absence de financement.
M. Paul Raoult. Allez expliquer cela aux électeurs !
M. Henri de Raincourt. Tout le monde sait qu'il faudra redresser la situation dès cette année, le ministère des affaires sociales travaille en ce moment même sur ce sujet.
M. Josselin de Rohan. Bravo !
M. Henri de Raincourt. Ajoutons à cet inventaire la revalorisation des traitements des agents de la fonction publique territoriale, sans oublier les 35 heures. La plupart des collectivités locales vont donc devoir augmenter leurs impôts pour honorer les dépenses décidées par l'Etat (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Raymond Courrière. Parlez pour vous !
M. Henri de Raincourt. Pendant quatre ans, le Gouvernement a entretenu l'illusion d'une politique vertueuse grâce à une conjoncture exceptionnelle.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous êtes jaloux !
M. Raymond Courrière. Qui a décidé de dissoudre ?
M. Henri de Raincourt. Le Gouvernement a fait semblant d'ignorer que la croissance n'est ni un acquis ni une constante économique.
M. René-Pierre Signé. C'est de la générosité, et cela vous gêne !
M. Henri de Raincourt. Il a ainsi placé les finances de l'Etat, de la sécurité sociale et des collectivités locales dans une situation de blocage.
M. Raymond Courrière. Il ne fallait pas dissoudre !
M. Henri de Raincourt. Pour sauver les apparences, il nie les évidences. Il continue d'affirmer que la France tiendra ses engagements européens en matière de dépenses et de déficits publics. C'est de l'irresponsabilité budgétaire et gouvernementale ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
Le culte de la dépense et l'absence de vision à long terme...
M. Raymond Courrière. Parlez pour vous !
M. Henri de Raincourt. ... risquent de plonger notre pays dans une crise budgétaire comme celle que nous avons connue en 1993. (Et 1997 ? sur les mêmes travées.)
Comme à chaque fois que nous parlons, vous nous rappelez cette période. Je rappelle pourtant que, pour une des rares fois dans notre histoire, en 1993, après les élections législatives, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, la croissance était négative ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Le Fonds monétaire international, la Commission européenne et l'Organisation de coopération et de développement économiques viennent de tirer le signal d'alarme. Ils soulignent la dégradation de nos finances publiques. Mais le Gouvernement n'en a cure ! Le Premier ministre Lionel Jospin vole chaque jour à la rescousse du candidat probable Lionel Jospin.
Le projet de loi de finances pour 2002 - chacun le sait - est déjà mort-né ; j'espère qu'une certaine manière de gouvernement va mourir avec lui.
Si nous voulons réconcilier les citoyens et leurs élus, si nous voulons bâtir une société de confiance, nous devons commencer par réhabiliter le principe de responsabilité.
Si l'Etat veut être respecté, il doit d'abord tenir sa parole sur le plan national et sur le plan européen.
M. Raymond Courrière. Nous l'avons fait !
M. Henri de Raincourt. Si l'Etat veut être respecté, il doit remplir ses engagements en matière de maîtrise des dépenses et de réduction des déficits.
Un Etat responsable doit entreprendre de véritables réformes structurelles et savoir mieux gérer ses effectifs. (M. René-Pierre Signé s'exclame.)
M. Claude Estier. Vous ne l'avez pas fait !
M. Henri de Raincourt. Il doit aussi changer son comportement en matière de transparence, de dialogue social et de décentralisation.
M. René-Pierre Signé. On vous a vus à l'oeuvre !
Mme Nelly Olin. Il va se taire ? C'est une calamité !
Plusieurs sénateurs du RPR. Aboyeur !
M. Josselin de Rohan. C'est un grognard ! Qu'on le voie à l'oeuvre !
M. Henri de Raincourt. J'espère qu'un jour, avant de quitter le Sénat, j'aurai le plaisir de voir M. René-Pierre Signé monter une seule fois à la tribune ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Claude Estier. Il est intervenu il y a quelques jours, mais vous n'étiez pas là !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans la discussion générale, ce serait intéressant !
M. Henri de Raincourt. La majorité sénatoriale a proposé des mesures concrètes. Il faut saluer, à cet égard, la qualité du travail réalisé par la commission des finances et par les rapporteurs pour avis.
Je remercie tout particulièrement M. le président Alain Lambert et M. le rapporteurt général, notre collègue Philippe Marini. Ils ont su nous faire adopter une attitude sérieuse et courageuse.
Par son vote, le groupe des Républicains et Indépendants ratifiera cette démarche, qui est conforme à l'intérêt supérieur du pays.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas une bonne politique !
M. Henri de Raincourt. Nous avons affirmé nos priorités en faveur de la sécurité, de la réforme du système des retraites, de la famille, de l'investissement,...
M. Raymond Courrière. Propos réactionnaires !
M. Henri de Raincourt. ... de la baisse des prélèvements, d'une gestion moderne de l'Etat et d'une autonomie retrouvée des collectivités territoriales.
Nous l'avons fait avec conviction, mais aussi avec modération (M. Estier s'exclame) , comme l'imposent les incertitudes économiques.
Cette attitude responsable honore notre assemblée. Elle constitue un acte de courage politique, un gage de sérieux pour l'avenir et un message d'espoir pour nos concitoyens.
La caractéristique du projet de loi de finances pour 2002 élaboré par le Gouvernement, ce n'est pas ce qu'il affiche mais ce qu'il nous cache. Et ce qu'il nous cache et que nous voudrions bien savoir, c'est combien vos libéralités vont coûter à la France et comment vous les financerez. Merci, si possible, de nous donner ce soir la réponse ! (Vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bonne question !
M. Jean-Pierre Raffarin Excellente, malgré M. Signé !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, rassurez-vous, je serai brève...
M. Charles Revet. Elle n'a rien à dire !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Nous arrivons aujourd'hui au terme de la discussion de la première lecture du dernier budget de cette législature. Ce moment est traditionnel. Il est solennel. Et, vous en conviendrez sans doute avec moi, il a, cette année, un goût, une couleur particuliers...
M. Christian Demuynck. C'est un aveu !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Vos propos s'en sont fait l'écho.
Je souhaite, pour ma part, donner à mes remerciements une touche un peu personnelle.
Le Sénat aime la politique, et le Sénat fait de la politique. (Rires et exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Blanc. De la bonne politique !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Le Sénat fait de la politique avec détermination, avec ardeur.
M. Eric Doligé. Avec passion !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je ne dirai pas qu'il en fait avec modération, ce qui, d'une certaine manière, est une bonne chose. Le plus important est à mes yeux qu'il en fait avec conviction !
M. Henri de Raincourt. Et talent !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. La majorité sénatoriale n'a pas les mêmes convictions que moi, c'est un fait incontestable.
M. Nicolas About. C'est dommage !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Les débats pointus, parfois techniques, que nous avons eus à l'occasion de l'examen des très nombreux amendements laissent d'ailleurs transparaître ces clivages de fond.
C'est tout l'intérêt de cet acte politique fondamental qu'est l'examen du projet de loi de finances : il permet d'aborder, même dans le désordre, l'ensemble des questions qui touchent à la vie quotidienne de nos concitoyens.
Souvent, au cours des deux années où j'ai eu l'honneur de défendre les choix politiques du gouvernement de Lionel Jospin devant vous, j'ai éprouvé quelque frustration à ne pas pouvoir, aussi fréquemment que je l'aurais souhaité, m'échapper de la légitime réponse souvent un peu technique aux questions elles-mêmes très techniques qui m'étaient posées. L'habileté des orateurs de la Haute Assemblée, c'est aussi en effet de poser des problèmes correspondant non seulement à des sujets très précis de la vie quotidienne, mais aussi de les traiter dans un sens qui en dit, au fond, très long sur les options politiques qu'ils mettraient en oeuvre s'ils étaient en charge des affaires du pays.
M. Guy Fischer. C'est évident !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Mais, au-delà de ces pointes d'insatisfaction qui, pour y remédier, nécessiteraient de traiter chaque article, chaque amendement comme la discussion générale elle-même, je dois dire que j'ai beaucoup appris à vous connaître, à vous écouter, mais aussi à combattre vos options ou vos opinions.
M. Nicolas About. C'est réciproque !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Bientôt viendra le temps de la confrontation des idées sur le terrain, devant les Français. A l'aube de cette confrontation et au terme de cette première lecture du dernier budget de la législature, je considère, pour ma part, que le temps n'est plus à échanger des propos polémiques, comme j'ai pu en relever un certain nombre dans les interventions que je viens d'entendre.
Chacun sait bien ici que tous les arguments, tous les points de vue, toutes les convictions ont été échangés, discutés, soumis à la critique pendant ces presque trois semaines de débats ininterrompus. Je ne sacrifierai donc pas aux propos de tribune. Nous ne sommes pas d'accord, c'est un fait, et les Français trancheront nos débats dans quelques mois.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. En attendant, je souhaiterais, mesdames, messieurs les sénateurs, vous remercier de la qualité de nos débats, vous remercier, moi aussi, de votre courtoisie et vous remercier, encore et surtout, du chemin que nous avons parcouru ensemble pour édifier la nouvelle constitution budgétaire de notre pays.
Certes, cette année encore, nos débats ont eu lieu sous l'empire de l'ordonnace organique de 1959. Mais l'esprit qui a présidé à ces débats est bien celui, je le crois, de la nouvelle loi du 1er août 2001.
Au-delà de la clarification nécessaire des enjeux, au-delà de la modernisation indispensable de nos procédures, ce texte auquel tous les groupes ont contribué porte en lui-même quelque chose de plus précieux, même si c'est plus impalpable : je veux parler de l'amélioration du fonctionnement de nos institutions démocratiques.
L'heure a sonné, je crois, de clore nos travaux afin que vous puissiez vous prononcer solennellement sur ce projet de loi de finances.
J'aurai néanmoins un dernier mot à l'attention du président du groupe du RPR qui, tout à l'heure, a cité Oscar Wilde.
M. Henri de Raincourt. Excellente citation !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Il me permettra de citer le titre d'une des pièces de théâtre de cet auteur afin qu'il se la remette en mémoire pour le passé, qu'il y pense pour le présent, et qu'il s'en souvienne pour l'avenir, je veux parler de De l'importance d'être constant ! (Sourires et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Le Sénat va procéder au vote sur l'ensemble du projet de la loi de finances pour 2002.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Conformément à l'article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.
J'invite Mme Nelly Olin et M. Jean-Pierre Bel, secrétaires du Sénat, à superviser les opérations de vote.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.

(Le sort désigne la lettre K.)
M. le président. Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.)
M. le président. Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel nominal.
Le scrutin va rester ouvert encore quelques minutes pour permettre à ceux qui n'ont pas répondu à l'appel nominal de venir voter.

(Le nouvel appel nominal a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
Mme et M. les secrétaires vont procéder au dépouillement.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 30:

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 204
Contre 112

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que certaines travées du RDSE.)

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