SEANCE DU 20 DECEMBRE 2001


CONVENTION AVEC L'ALGÉRIE
RELATIVE AUX FRAUDES DOUANIÈRES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 289, 2000-2001) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention d'assistance administrative mutuelle internationale du 10 septembre 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, visant la prévention, la recherche et la répression des fraudes douanières par les administrations douanières des deux pays. [Rapport n° 350 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre. Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'internationalisation des échanges et la mondialisation de l'économie ont pour corollaire le développement de la grande fraude commerciale à l'échelle mondiale. C'est pourquoi la coopération entre administrations douanières, sans cesse approfondie et étendue, constitue l'un des éléments clés de la stratégie des Etats pour lutter contre ce type de délinquance.
En ce qui concerne l'Algérie, cette coopération s'inscrit dans le cadre de la convention d'assistance administrative mutuelle internationale, signée le 10 septembre 1985, à Alger, et entrée en vigueur le 1er octobre 1986.
Le but de cette convention est de faciliter l'échange de renseignements portant sur les opérations irrégulières, les marchandises, les individus et les moyens de transport suspects, ainsi que les fausses déclarations d'espèces, d'origine ou de valeurs.
Le texte prévoit également la possibilité d'effectuer une surveillance spéciale sur les individus, les marchandises, les moyens de transport et les lieux de stockage suspects.
Quinze ans après l'entrée en vigueur de cette convention, il y a lieu de se féliciter des résultats obtenus. Le bilan de l'assistance administrative entre les douanes françaises et algériennes est encourageant : l'Algérie est le premier partenaire maghrébin de l'administration française des douanes. Notre pays en tire profit, et cette coopération peut être, par ailleurs, une réelle contribution à la stabilisation de l'économie algérienne en favorisant un meilleur contrôle des flux de marchandises.
Cependant, le dispositif ainsi mis en place s'est révélé insuffisant. Il ne comporte, en effet, aucune disposition relative à la lutte contre le trafic de stupéfiants. Le recours aux livraisons surveillées et la possibilité pour les agents de l'une des parties d'assister à une enquête menée par des douaniers de l'autre Etat ne sont pas non plus prévus.
C'est pourquoi les administrations douanières des deux Etats ont jugé nécessaire de compléter la convention du 10 septembre 1985 par l'avenant signé le 10 avril 2000.
Permettez-moi d'énumérer les dispositions nouvelles ainsi introduites par l'avenant.
Le champ de la convention est étendu à la lutte contre le trafic de stupéfiants et de substances psychotropes. A cette fin, le préambule vise désormais expressément la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 1988 et son annexe. Un renvoi à la recommandation de l'Organisation mondiale des douanes de 1953 relative à l'assistance administrative complète également le préambule.
L'avenant introduit également dans la convention une définition des produits stupéfiants et des substances psychotropes et prévoit qu'à la demande de l'une des administrations une surveillance spéciale pourra être exercée sur les opérations liées à ces trafics illicites.
La possibilité d'avoir recours aux livraisons surveillées est désormais expressément prévue, de même que la possibilité de procéder à des enquêtes sur demande de l'autre administration, d'interroger les personnes suspectes et d'entendre des témoins.
Enfin, l'avenant autorise des agents des douanes à être présents lors des enquêtes menées par l'autre administration douanière.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'avenant à la convention d'assistance administrative mutuelle internationale du 10 septembre 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique populaire, visant la prévention, la recherche et la répression des fraudes douanières par les administrations douanières des deux pays, signé à Alger, le 10 avril 2000, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. M. Claude Estier, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons - vous venez de le rappeler, madame la ministre - vise à autoriser l'approbation de l'avenant à la convention d'assistance administrative mutuelle internationale entre la France et l'Algérie, signée le 10 septembre 1985 et ayant pour objectif la prévention, la recherche et la répression des fraudes douanières. L'avenant lui-même, qui a été signé à Alger le 10 avril 2000, doit permettre d'accroître notre coopération avec l'Algérie en matière douanière.
Cette coopération se fonde sur la convention de 1985, en vigueur depuis le 1er octobre 1986, qui a permis d'instaurer des relations directes et l'échange de renseignements entre les administrations douanières. Elle organise la communication spontanée de renseignements sur les opérations irrégulières, sur les individus fraudeurs et sur les moyens de fraude ; la communication d'informations, à la suite d'une demande écrite, pour déceler des infractions sur les documents de douanes ou sur des attestations d'origine ou de valeur ; la mise en oeuvre, sur demande expresse, d'une surveillance spéciale d'individus, de marchandises, de moyens de transport ou de lieux de stockage suspects ; enfin, la possibilité d'utiliser devant les tribunaux les renseignements requis et les documents produits par l'autre partie. Classiquement, cette coopération n'est pas automatique et peut être refusée lorsqu'elle est susceptible de porter atteinte à l'ordre public ou à un intérêt essentiel de l'une des parties.
Le bilan de l'application de la convention paraît positif. Le niveau des demandes reste assez élevé, puisque l'on en recense entre 20 et 30 par an depuis cinq ans. Elles sont essentiellement d'origine algérienne : en 2000, sur 22 dossiers, 18 étaient d'origine algérienne ; en 1999, on en comptait 19 sur 27 dossiers. Il s'agit principalement de demandes de nature commerciale visant à vérifier l'authenticité de documents dans le cadre du commerce de voitures d'occasion en provenance de France vers l'Algérie. Par ailleurs, les services français se montrent satisfaits de leur coopération avec les douaniers algériens.
Malgré ces bonnes relations, un problème d'importance croissante incite à approfondir notre coopération et à nous doter des instruments juridiques adéquats : il s'agit du trafic de stupéfiants. L'Algérie apparaît de plus en plus comme un lieu de transit de la résine de cannabis, en provenance du Maroc et à destination de la France et de l'Europe occidentale : alors qu'une centaine de grammes avaient été saisis en 1997, on serait passé à près de 120 kilogrammes en 2000, découverts dans des véhicules ou des conteneurs. Ces saisies sont effectuées essentiellement dans le port de Marseille et à l'aéroport de Marignane, les produits provenant d'Algérie. Depuis 1997, aucune saisie n'a été effectuée sur des substances en provenance de France et à destination de l'Algérie.
Des quantités importantes de drogue ont également été saisies sur des ressortissants algériens : plus de 200 kilogrammes de résine de cannabis et 672 comprimés d'ecstasy en 1999 ainsi que 244 doses de LSD en 2000. Contrairement, toutefois, aux saisies dans les véhicules ou les conteneurs, les statistiques ne font pas apparaître de tendance nette à la hausse, les prises restant irrégulières d'une année sur l'autre.
L'avenant signé le 10 avril 2000 a donc pour objectif d'inclure dans la convention de 1985 des dispositions permettant de faire face à ces nouveaux défis. Ce texte est bref, puisqu'il compte six articles, et il est simple.
On peut en retenir deux éléments principaux. En premier lieu, il étend le champ d'application de la convention de 1985 à la lutte contre le trafic des produits stupéfiants et substances psychotropes tels que définis dans les conventions internationales : c'est l'objet des trois premiers articles. En second lieu, il introduit de nouveaux modes de coopération, par son article 4. Les administrations douanières des deux parties pourront ainsi procéder ensemble à des « livraisons surveillées » permettant d'identifier les personnes impliquées dans les trafics de stupéfiants. Elles pourront également procéder à des enquêtes à la demande de l'autre administration, à l'interrogation de personnes suspectes ou de témoins. Des agents des douanes algériennes ou françaises pourront être autorisés à être présents lors de l'enquête, respectivement en France et en Algérie.
Ces avancées, qui ne résoudront évidemment pas toutes les difficultés, sont néanmoins positives et particulièrement bienvenues. Elles renforcent la place des douanes algériennes au premier rang des partenaires des douanes françaises au Maghreb.
L'avenant s'inscrit également dans la reprise globale de notre coopération avec l'Algérie, qui connaît depuis quelques mois un climat plus positif : la très forte participation française à la foire d'Alger, en juin dernier, ou encore le grand succès du colloque organisé en octobre, ici même, au Sénat, sur les réformes accomplies en Algérie pour faciliter les investissements étrangers en sont une illustration.
Sur le terrain, la France prépare la réouverture de ses consulats et de ses centres culturels : le consulat général d'Annaba est ouvert, celui d'Oran le sera prochainement. Le nombre de visas délivrés a triplé depuis 1997, pour s'établir à 175 000 en 2000 ; le chiffre des 200 000 visas sera certainement dépassé en 2001. L'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens a également été réactualisé en février 2001.
Notre coopération culturelle, scientifique et technique s'est réorganisée autour de cinq axes principaux : les formations supérieures ; la restructuration de l'économie ; la santé ; l'aide aux collectivités territoriales dans les secteurs de l'eau, des déchets et de l'aménagement urbain ; enfin, le développement de partenariats dans les domaines de la jeunesse et des sports.
Enfin, nos relations économiques avec l'Algérie sont en nette progression. Les flux croisés ont représenté 38 milliards de francs en 2000. Les exportations françaises progressent rapidement et atteignent 20 milliards de francs. Les hydrocarbures représentent la quasi-totalité de nos importations, pour un montant de 18 milliards de francs. Les entreprises françaises investissent de nouveau et peuvent être, dans le cadre de partenariats, un appui très important à la modernisation de l'économie algérienne.
Mes chers collègues, je profite de mon intervention pour signaler qu'à la demande du groupe d'amitié France-Algérie, que j'ai l'honneur de présider, le président du Sénat a accepté d'ouvrir un crédit de 300 000 francs pour venir en aide aux victimes des inondations qui ont ravagé, voilà quelques semaines, plusieurs quartiers d'Alger.
En conclusion, je crois utile l'approbation de cet avenant visant à accroître la coopération douanière entre la France et l'Algérie pour mieux lutter contre le trafic de stupéfiants et pallier les lacunes de la convention de 1985.
Je crois également cette approbation bienvenue au moment où la France et l'Algérie cherchent à approfondir leurs relations bilatérales dans tous les domaines, où la France souhaite accompagner l'Algérie sur le chemin des réformes et du développement.
Je vous propose donc, mes chers collègues, l'adoption de ce projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'avenant à la convention d'assistance administrative mutuelle internationale du 10 septembre 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, visant la prévention, la recherche et la répression des fraudes douanières par les administrations douanières des deux pays, signé à Alger le 10 avril 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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