SEANCE DU 20 DECEMBRE 2001


M. le président. « Art. 2. - I. - Il est inséré, au début de l'article L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles, un alinéa ainsi rédigé :
« Toute femme qui demande, lors de son accouchement, la préservation du secret de son admission et de son identité par un établissement de santé est informée des conséquences juridiques de cette demande et de l'importance pour toute personne de connaître ses origines et son histoire. Elle est donc invitée à laisser des renseignements sur les circonstances de la naissance de l'enfant et, si elle l'accepte, sous pli fermé, son identité. Elle est également informée que le secret de son identité pourra être levé ultérieurement dans les conditions prévues à l'article L. 146-4. Les prénoms donnés à l'enfant et, le cas échéant, mention du fait qu'ils l'ont été par la mère, ainsi que la date, le lieu et l'heure de sa naissance sont mentionnés à l'extérieur de ce pli. Ces formalités sont accomplies sous la responsabilité du directeur de l'établissement de santé. »
« II. - Le troisième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Pour l'application des deux premiers alinéas, aucune pièce d'identité n'est exigée et il n'est procédé à aucune enquête. »
Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 83, présenté par Mme Borvo, M. Bret et Mme Mathon, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'alinéa à insérer au début de l'article L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles :
« Toute femme qui demande, lors de son accouchement, la préservation du secret de son admission et de son identité par un établissement de santé consigne son identité sous pli fermé. Elle est informée des conséquences juridiques de cette demande et de l'importance pour toute personne de connaître ses origines et son histoire. Elle est donc invitée à laisser des renseignements sur les circonstances de la naissance de l'enfant. Elle est également informée que le secret de son identité pourra être levé ultérieurement dans les conditions prévues à l'article L. 146-4. Les prénoms donnés à l'enfant et, le cas échéant, mention du fait qu'ils l'ont été par la mère, ainsi que la date, le lieu et l'heure de sa naissance sont mentionnés à l'extérieur de ce pli. Ces formalités sont accomplies sous la responsabilité du directeur de l'établissement de santé. »
L'amendement n° 22, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la deuxième phrase du texte proposé par le I de l'article 2 pour l'alinéa à insérer au début de l'article L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles :
« Elle est donc invitée à laisser, si elle l'accepte, des renseignements sur sa santé et celle du père, les origines de l'enfant et les circonstances de la naissance ainsi que, sous pli fermé, son identité. »
L'amendement n° 23, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« Remplacer la troisième phrase du texte proposé par le I de l'article 2 pour l'alinéa à insérer au début de l'article L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles, par deux phrases ainsi rédigées :
« Elle est informée de la possiblité qu'elle a de lever à tout moment le secret de son identité et qu'à défaut son identité ne pourra être communiquée que dans les conditions prévues à l'article L. 146-4. Elle est également informée qu'elle peut à tout moment donner son identité sous pli fermé ou compléter les renseignements qu'elle a donnés au moment de la naissance. »
L'amendement n° 60, présenté par Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Au début de l'avant-dernière phrase du texte proposé par le I de l'article 2 pour l'alinéa à insérer au début de l'article L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : "Les prénoms donnés à l'enfant", insérer les mots : ", son sexe". »
L'amendement n° 24, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« Dans la quatrième phrase du texte proposé par le I de l'article 2 pour l'alinéa à insérer au début de l'article L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles après les mots : "ainsi que", insérer les mots : "le sexe de l'enfant et". »
L'amendement n° 25, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« Remplacer la dernière phrase du texte proposé par le I de l'article 2 pour l'alinéa à insérer au début de l'article L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles, par deux phrases ainsi rédigées :
« Ces formalités sont accomplies par les personnes visées à l'article L. 223-7 avisées sous la responsabilité du directeur de l'établissement de santé. A défaut, elles sont accomplies sous la responsabilité de ce directeur. »
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 83.
Mme Nicole Borvo. Par cet amendement, nous proposons de prévoir la consignation automatique de l'identité de la mère au moment de l'accouchement. Il s'agit non pas de remettre en question le droit de la femme à accoucher dans le secret, puisque la levée du secret de son identité dépendra toujours d'une manifestation de volonté du parent de naissance, mais de permettre qu'il existe une trace de l'identité.
En effet, l'accouchement anonyme, c'est-à-dire sans trace de l'identité, scelle pour le présent et pour l'avenir le sort de l'enfant.
Certes, je connais les objections qui sont faites à une telle proposition. Je suis particulièrement sensible, vous le comprendrez, à celle qui met en avant le risque que la fin de l'anonymat ne pousse les femmes dans la clandestinité et n'accentue un peu plus leur détresse, car elles n'auront jamais suffisamment confiance pour croire que leur identité sera effectivement préservée.
Néanmoins, après en avoir longuement débattu et réfléchi, et sans prétendre détenir une quelconque vérité s'agissant d'un sujet aussi délicat, il nous est apparu que ce risque pouvait être limité dès lors que le mécanisme mis en place est de nature à garantir « l'imperméabilité » du secret, tant que la mère de naissance le souhaite.
L'institution du CNAOP nous semble répondre à cette exigence et c'est pourquoi nous sommes très soucieux que la collecte des documents relatifs à l'identité se fasse bien et exclusivement par les délégués départementaux du Conseil.
Parallèlement, il faudra donner aux femmes qui souhaitent accoucher dans le secret une information claire et accessible. Il faudra se battre contre l'opacité de la terminologie juridique et envisager la présence d'un interprète. Il est également essentiel de mettre en place un accompagnement psychologique et social effectif.
Cette disposition irait, nous a-t-il semblé, dans le sens de la logique du projet de loi qui tend, comme vous le disiez, madame la ministre, devant l'Assemblée nationale, à en finir avec l'opacité et les fictions juridiques qui amputent de manière irréversible - et vous comprendrez que j'insiste sur cet adjectif - la biographie de milliers d'enfants.
Elle va également, nous a-t-il semblé, dans le sens de l'évolution internationale en permettant un accès, au moins potentiel, aux origines. A l'heure où la Cour européenne des droits de l'homme doit prendre position sur l'adéquation de notre législation à ce droit à la connaissance des origines, cet aspect ne peut être négligé.
Même si je sais que notre amendement n'a guère de chances d'aboutir, mes collègues et moi-même avons estimé qu'il y avait intérêt à mettre la question en débat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour présenter les amendements n°s 22 et 23.
M. Henri de Richemont, rapporteur. L'amendement n° 22 tend à faire porter l'expression « si elle l'accepte » aussi bien sur les renseignements non identifiants que sur l'identité de la femme. C'est un texte d'équilibre visant à inciter, et non à obliger.
L'amendement prévoit en outre expressément que la mère sera invitée à laisser des renseignements sur sa santé et sur celle du père et sur les origines de l'enfant.
L'amendement n° 23 vise à compléter l'information donnée à la femme au moment de l'accouchement sur l'attitude qu'elle pourra avoir dans le futur.
La femme devra être informée, d'une part, qu'elle pourra lever ultérieurement le secret et, d'autre part, qu'elle pourra, à tout moment, donner son identité dans une enveloppe scellée. Les choses ne sont donc pas irréversibles.
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga pour présenter l'amendement n° 60.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est un amendement qui vise à éviter des malentendus et à ajouter la mention du sexe de l'enfant à l'extérieur du pli, en plus du prénom.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 24 et 25 et donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 83 et 60.
M. Henri de Richemont, rapporteur. L'amendement n° 24 vise à adjoindre la mention du sexe de l'enfant sur le pli scellé.
L'amendement n° 25 prévoit que l'information des mères devra être donnée si possible par les correspondants du Conseil.
L'amendement n° 83 remet en cause l'équilibre du texte sur lequel nous avons tous insisté. On rompt l'équilibre puisque ses auteurs entendent à la fois préserver le droit de la femme à accoucher dans le secret et permettre qu'il existe une trace de l'identité.
La commission pense, au contraire, qu'il faut laisser la femme choisir. Il faut l'inciter, sans la dissuader ni l'inquiéter. En tout cas, j'attire votre attention sur le fait qu'avec la loi sur les archives, si le nom figure dans les documents administratifs, au bout de soixante ans, l'information est délivrée, le secret ne peut plus être gardé. C'est la raison pour laquelle, si la femme ne veut pas laisser son identité, il convient de lui laisser cette liberté. C'est un équilibre subtil et difficile auquel il ne paraît pas opportun de toucher.
Pour ce qui est de l'amendement n° 60, la commission y est défavorable sur le principe parce que, s'il rejoint l'amendement n° 24 de la commission dans son objet, il aboutirait à une rédaction peu satisfaisante de l'article 2.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Nous cherchons tous à atteindre le même objectif : ne plus avoir, à terme, aucun dossier vide. Ainsi, nous souhaitons que, sans remettre en cause la possibilité d'accoucher dans le secret, ces accouchements ne soient plus anonymes.
Toutefois il pourrait être dangereux de procéder de manière coercitive à l'égard des mères de naissance. Un texte trop brutal risquerait d'aboutir à l'effet inverse de celui qui est recherché.
En l'occurrence, l'amendement n° 83 rompt l'équilibre difficile du projet de loi. Je suggère donc qu'il soit retiré.
En revanche, le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 22 et 23 de la commission.
Par ailleurs, le Gouvernement préfère la rédaction proposée par la commission des lois avec l'amendement n° 24 à la rédaction proposée par l'amendement n° 60. Il est donc favorable à l'amendement n° 24 et il demande le retrait de l'amendement n° 60.
Enfin, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 25.
M. le président. Madame Borvo, l'amendement n° 83 est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo. Je le retire, monsieur le président, car je ne tiens pas à être la seule à le voter. Je considère néanmoins que la question vaut la peine qu'on y réfléchisse.
M. le président. L'amendement n° 83 est retiré.
Mme Cerisier-ben Guiga, l'amendement n° 60 est-il maintenu ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 60 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 22, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 75, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter l'article 2 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Le dernier alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Les fraix d'hébergement et d'accouchement dans un établissement public ou privé conventionné, des femmes qui sans demander le secret de leur identité confient leur enfant en vue d'adoption, sont également pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département, siège de l'établissement. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Par cet amendement, le Gouvernement souhaite aider les mères de naissance à agir dans la transparence, en leur nom propre, c'est-à-dire celui qui figure dans l'acte de naissance de l'enfant.
Il souhaite également que soient pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département l'ensemble des frais d'hébergement et d'accouchement des femmes qui confient leur enfant en vue d'adoption.
Cet amendement est donc cohérent avec l'ensemble du projet de loi, qui vise à protéger la mère et l'enfant et à inciter les femmes à consentir à l'adoption plutôt que d'accoucher dans le secret.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. L'amendement du Gouvernement reprend l'amendement n° 61 de Mme Derycke, qui a été approuvé par la commission des lois. Il va plus loin et la commission y est très favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article additionnel après l'article 2