SEANCE DU 17 JANVIER 2002


M. le président. L'amendement n° 415 rectifié, présenté par MM. Lachenaud, Trucy, Carle et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, est ainsi libellé :
« Après l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La commune peut décider de prendre à sa charge tout ou partie des frais de procédure nécessaires à la poursuite ou à la réparation des atteintes au sens de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires, commises à l'encontre du maire ou d'un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou d'un de ces élus ayant cessé ses fonctions. »
« II. - L'article L. 3123-28 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le département peut décider de prendre à sa charge tout ou partie des frais de procédure nécessaires à la poursuite ou à la réparation des atteintes au sens de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires, commises à l'encontre du président du conseil général ou d'un conseiller général le suppléant ou ayant reçu une délégation ou d'un de ces élus ayant cessé ses fonctions. »
« III. - L'article L. 4135-28 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La région peut décider de prendre à sa charge tout ou partie des frais de procédure nécessaires à la poursuite ou à la réparation des atteintes au sens de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires, commises à l'encontre du président du conseil régional ou d'un conseiller régional le suppléant ou ayant reçu une délégation ou d'un de ces élus ayant cessé ses fonctions ».
La parole est à M. Pépin.
M. Jean Pépin. L'amendement tend à renforcer la protection juridique des élus locaux dans l'exercice de leurs missions d'exécutif.
Certes, d'ores et déjà, l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales dispose que : « Sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ne peut être condamné sur le fondement du troisième alinéa de ce même article pour des faits non intentionnels commis dans l'exercice de ses fonctions que s'il est établi qu'il n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie. La commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions. Lorsque le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation agit en qualité d'agent de l'Etat, il bénéficie, de la part de l'Etat, de la protection prévue par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ».
La même disposition est applicable pour les collectivités départementales et régionales en vertu des articles L. 3123-28 et L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales. Telle est la situation existante.
En revanche, aucun texte législatif ne prévoit la possibilité pour une collectivité territoriale d'accorder sa protection à un élu victime d'une agression ou d'une menace, alors même que cette prérogative est expressément prévue lorsque la victime a la qualité de fonctionnaire ou d'agent public contractuel, en application de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, qui prévoit que, dans ce cas, « les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales ... La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ... La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d'un action directe qu'elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires ».
Le Conseil d'Etat ne s'est jamais prononcé, à ce jour, sur la question de l'application de cette protection aux élus.
Pour remédier à cette incertitude juridique et afin de parachever l'édifice juridique de protection fonctionnelle des élus en cas d'agression ou de menaces, il est proposé d'étendre expressément ce dispositif aux élus locaux chargés d'une mission d'exécutif.
Bref, il existe des textes qui défendent les personnels des collectivités territoriales, les fonctionnaires, lorsqu'ils sont en mission pour le compte de l'Etat ; la collectivité qui les emploie peut se porter partie civile pour les défendre, afin qu'ils soient éventuellement indemnisés. Pour ce qui concerne les élus, il faudrait instaurer un système comparable.
Je viens d'essayer de résumer « au débotté » des textes qui sont compliqués parce que très précis. Je vous prie, monsieur le président, mes chers collègues, de m'en excuser.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Sur le fond, la commission des lois s'en remet à la sagesse du Sénat. Cependant, si l'auteur de l'amendement l'accepte, je suggère une réécriture complète, non pas pour modifier le fond, mais pour en améliorer la rédaction.
Cette amélioration porterait sur trois points : d'abord, sur le champ de l'amendement, ensuite sur les articles visés ; enfin, sur une rédaction qui ne susciterait pas de divergences d'appréciation entre ce qui est applicable aux élus et ce qui est applicable aux fonctionnaires.
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. le président. Monsieur Pépin, acceptez-vous de modifier l'amendement n° 415 rectifié dans le sens que suggère M. le rapporteur ?
M. Jean Pépin. Je ne doute pas des bonnes intentions de M. le rapporteur et, si l'esprit, c'est-à-dire si le fond de l'amendement est respecté,...
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il l'est absolument !
M. Jean Pépin. ... pour ce qui est de la forme, je ne suis pas juriste et il serait présomptueux de ma part de ne pas faire confiance à la commission des lois pour cette réécriture !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 415 rectifié bis, présenté par MM. Lachenaud, Trucy, Carle et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, et qui est ainsi libellé :
« Après l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La section VI du chapitre III du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est intitulée : « Responsabilité et protection des élus. »
« Après l'article L. 2132-34 du même code, il est inséré un article L. 2132-35 ainsi rédigé :
« Art. L. 2132-35. - Le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la commune conformément aux règles fixées par le code pénal, les lois spéciales et le présent code.
« La commune est tenue de protéger le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en résulte.
« La commune est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs de ces infractions la restitution des sommes versées à l'élu intéressé. Elle dispose en outre aux mêmes fins d'une action directe qu'elle peut exercer, au besoin par voie de constitution de partie civile, devant la juridiction pénale. »
« II. - La section VI du chapitre III du titre II du livre Ier de la troisième partie du code général des collectivités territoriales est intitulée : "Responsabilité et protection des élus".
« Après l'article L. 3123-28 du même code, il est inséré un article L. 3123-29 ainsi rédigé :
« Art. L. 3123-29. - Le président du conseil général, les vice-présidents ou les conseillers généraux ayant reçu délégation bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par le département conformément aux règles fixées par le code pénal, les lois spéciales et le présent code.
« Le département est tenu de protéger le président du conseil général, les vice-présidents ou les conseillers généraux ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en résulte.
« Le département est subrogé aux droits de la victime pour obtenir des auteurs de ces infractions la restitution des sommes versées à l'élu intéressé. Il dispose en outre aux mêmes fins d'une action directe qu'il peut exercer, au besoin par voie de constitution de partie civile, devant la juridiction pénale. »
« III. - La section VI du chapitre V du titre III du livre Ier de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales est intitulée : "Responsabilité et protection des élus".
« Après l'article L. 4135-28 du même code, il est inséré un article L. 4135-29 ainsi rédigé :
« Art. L. 4135-29 . - Le président du conseil régional, les vice-présidents ou les conseillers régionaux ayant reçu délégation bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la région conformément aux règles fixées par le code pénal, les lois spéciales et le présent code.
« La région est tenue de protéger le président du conseil régional, les vice-présidents ou les conseillers régionaux ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en résulte.
« La région est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs de ces infractions la restitution des sommes versées à l'élu intéressé. Elle dispose en outre aux mêmes fins d'une action directe qu'elle peut exercer, au besoin par voie de constitution de partie civile, devant la juridiction pénale. »
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement venant d'être distribué, je précise que c'est le paragraphe I qui est fondamental, puisqu'il assure très clairement une vraie protection aux élus victimes de violences, d'outrages ou d'autres malédictions du même ordre.
La réécriture sur les dispositions spéciales du II respecte l'esprit et le contenu de la proposition initiale de M. Pépin.
Quant au III, il tend à faire disparaître la différence entre le traitement appliqué dans ce cas aux élus, d'une part, et aux fonctionnaires, d'autre part.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 415 rectifié bis ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Comme M. le rapporteur tout à l'heure s'agissant d'un amendement du Gouvernement, il m'a fallu quelque temps pour prendre connaissance de cet amendement.
Je suis favorable sur le principe à la proposition des auteurs de l'amendement. Ce dispositif vient utilement compléter les garanties d'ores et déjà accordées par la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, dite « loi Fauchon », pour reprendre le nom du sénateur qui en avait pris l'initiative, et que le Gouvernement avait soutenue.
Il convient cependant de préciser que cette protection des collectivités locales au profit des élus n'intervient que lorsque ces derniers agissent dans le cadre de leurs fonctions électives.
La nouvelle rédaction de la commission apporte, me semble-t-il, d'utiles précisions et satisfait des demandes que j'aurais faites si cet amendement n'avait pas été proposé. Néanmoins, elle me paraît présenter quelques difficultés quant à la définition de ladite protection dans un certain nombre de cas, notamment s'agissant des violences et des menaces. Je m'interroge encore sur la nature même des protections dont il s'agit.
A ce stade et, encore une fois, sous réserve d'inventaire, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 415 rectifié bis.
M. Jean Pépin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pépin.
M. Jean Pépin. Je souhaite défendre la nouvelle mouture de cet amendement. Je reviens non pas sur la forme, qui me semble suffisamment précise, mais sur le fond.
Mes chers collègues, l'exécutif d'une commune, d'une région ou d'un département peut se porter partie civile. En tant que président du conseil général, je le fais systématiquement lorsque, dans un centre médico-social, telle infirmière, tel médecin est agressé, ne serait-ce que verbalement. Il en est de même en ce qui concerne les assistants sociaux ou tout personnel du département en fonction au service de la population.
En effet, dans certains quartiers difficiles, les gens sont très facilement agressés. Il faut qu'ils se sentent défendus. Croyez-moi, ces personnels sont toujours très reconnaissants quand ils se sentent défendus. Ensuite, la justice suit son cours, mais je me porte systématiquement partie civile pour les défendre.
Si les élus sont mis dans des conditions comparables, il me paraît normal qu'ils puissent bénéficier des mêmes systèmes de défense et de couverture juridique. Voilà pourquoi je suis très favorable à cet amendement.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je suis d'autant plus sensible à cet amendement que l'élu de l'Oise que je suis a vu un certain nombre de maires de son département rencontrer des difficultés majeures qui les ont conduits devant la justice, leur responsabilité étant mise en cause. Il s'agissait de cas d'agressions indirectes à l'égard de l'autorité du maire, de la part de certaines personnes de passage sur le territoire de la commune.
Je me réjouis donc de cette disposition. J'ai encore en mémoire la proposition de loi que j'avais déposée relative aux délits non intentionnels des élus pour les fautes non détachables de leurs fonctions. Elle a débouché, sur l'initiative de M. Fauchon, sur une proposition de loi qui a été approuvée par le Parlement, avec le soutien du Gouvernement.
Lors de l'examen de ce texte, j'avais moi-même déposé un amendement tendant à accorder aux maires la couverture d'une assurance pour tous les risques auxquels ils pourraient se trouver confrontés dans l'exercice de leur fonction, s'agissant notamment des fautes non détachables de celle-ci. Il était bien entendu que, dans le cas de fautes détachables de la fonction, cette assurance ne pourrait pas jouer.
Je me souviens très bien que Mme Guigou, à l'époque garde des sceaux, avait accepté cette proposition sous la condition qu'il ne s'agisse que d'une faculté ouverte aux conseils municipaux, alors que je prévoyais que la souscription de cette assurance devrait figurer au nombre des dépenses obligatoires de la commune.
Or, lorsque le texte est revenu devant le Sénat, j'ai pu constater avec une certaine satisfaction que les députés avaient souhaité eux aussi que la souscription d'une telle assurance soit une dépense obligatoire pour les communes. Ils nous donnaient donc raison, et Mme Guigou a accepté de la part de l'Assemblée nationale ce qu'elle avait refusé de la part du Sénat.
Je me réjouis que l'initiative des auteurs de l'amendement n° 415 rectifié recueille l'assentiment spontané du Gouvernement, même si M. le ministre a pu exprimer quelques réserves quant à l'application du dispositif.
J'espère que nous pourrons enfin instaurer une couverture juridique complète qui permettra d'offrir un maximum de garanties non seulement aux élus, mais également aux fonctionnaires de nos collectivités territoriales, car nous ne devons pas donner le sentiment de réserver des sorts différents aux uns et aux autres. A cet égard, je tiens à remercier M. le rapporteur de sa contribution.
Je voterai donc cet amendement, en espérant que l'Assemblée nationale, dans sa sagesse, suivra le Sénat.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai, bien sûr, cet amendement avec enthousiasme, mais je souhaiterais savoir s'il s'agit d'un amendement, rectifié bis , des membres du groupe des Républicains et Indépendants ou d'un amendement repris par la commission.
M. le président. Ses auteurs sont les membres du groupe des Républicains et Indépendants, et il a été rectifié sur la suggestion de la commission.
Je mets aux voix l'amendement n° 415 rectifié bis , accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 42.
M. Jean Pépin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pépin.
M. Jean Pépin. Je souhaite, en cet instant, remercier le président et le rapporteur de la commission des lois.

TITRE III

DES COMPÉTENCES LOCALES

Chapitre Ier

Transferts de compétences aux régions