SEANCE DU 31 JANVIER 2002


M. le président. Je suis saisi de cinq amendements et d'un certain nombre de sous-amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune ; cependant, pour la clarté des débats, j'appellerai chacun de ces cinq amendements un par un.
L'amendement n° 12, présenté par M. Barbier, est ainsi libellé :
« Avant l'article 58, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« L'article 16 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice des droits à indemnisation des parents, l'enfant né handicapé ne peut obtenir la réparation du préjudice en résultant que si un acte médical, diagnostique ou thérapeutique est la cause directe et exclusive des infirmités qu'il présente. »
La parole est à M. Barbier.
M. Gilbert Barbier. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
L'amendement n° 15, présenté par MM. Giraud, Dériot et Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.
« La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer.
« Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents ne peuvent demander une indemnité qu'au titre de leur préjudice moral.
« Les dispositions du présent paragraphe sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation.
« II. - Toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale.
« III. - Il est créé, dans des conditions définies par décret, un Observatoire de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées, chargé d'observer la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées en France et de présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement et au Gouvernement visant à assurer, par une programmation pluriannuelle continue, la prise en charge de ces personnes.
« IV. - Le présent article est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis-et-Futuna ainsi qu'à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. »
Le sous-amendement n° 418, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, est ainsi libellé :
« I. - Rédiger comme suit les deuxième et troisième alinéas du I du texte proposé par l'amendement n° 15 :
« Un enfant né handicapé ne peut demander la réparation par un professionnel ou un établissement de santé du préjudice résultant de son handicap du seul fait que les fautes commises par ce professionnel ou cet établissement ont empêché la mère de l'enfant d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse.
« Le fait pour une femme de ne pas interrompre sa grossesse ne peut servir de base à aucune action en responsabilité à son encontre. »
« II. - Dans le quatrième alinéa du I du même texte, remplacer le mot : "irrévocablement" par le mot : "définitivement". »
Le sous-amendement n° 305, présenté par M. Paul Blanc, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 15 :
« La personne née avec un handicap dû à une faute médicale continue à obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer, dans les conditions de l'article 1382 du code civil. »
Le sous-amendement n° 306 rectifié, présenté par M. Paul Blanc, est ainsi libellé :
« Remplacer le troisième alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 15 par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis de la mère d'un enfant né avec un handicap non décélé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, la mère ne peut demander une indemnité qu'au titre de son préjudice moral. »
Le sous-amendement n° 422, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après les mots : "qu'au titre de leur", rédiger comme suit la fin du troisième alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 15 : "seul préjudice. Aucune indemnité ne peut être due au titre du handicap de l'enfant, dont la compensation relève de la seule solidarité nationale". »
Le sous-amendement n° 416, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le III du texte proposé par l'amendement n° 15 :
« III. - Le Conseil national consultatif des personnes handicapées est chargé, dans des conditions fixées par décret, d'évaluer la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées en France, et de présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement et au Gouvernement, visant à assurer par une programmation pluriannuelle continue, la prise en charge de ces personnes. »
Le sous-amendement n° 421 présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
« Dans le III du texte proposé par l'amendement n° 15, après les mots : "en France", insérer les mots : "et des personnes handicapées de nationalité française établies hors de France prises en charge au titre de la solidarité nationale,". »
La parole est à M. Giraud, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 15.
M. Francis Giraud, rapporteur. L'amendement que vous propose la commission des affaires sociales pose quatre principes : le droit pour toute personne handicapée, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de la collectivité nationale : l'absence de préjudice du seul fait de la naissance ; le droit à réparation en cas de faute médicale ayant provoqué directement le handicap ; l'indemnisation du préjudice moral des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée.
C'est sur ce dernier point que le texte de la commission des affaires sociales diffère essentiellement de celui qu'a adopté l'Assemblée nationale lors de l'examen de la proposition de loi relative à la solidarité nationale et à l'indemnisation des handicaps congénitaux, mais aussi de la rédaction que nous propose notre collègue Pierre Fauchon, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Les députés ont prévu la possibilité d'une indemnisation des titulaires de l'autorité parentale destinée à la personne handicapée et correspondant aux charges particulières découlant, tout au long de la vie, de son handicap.
Notre commission a, pour sa part, estimé que le texte adopté par l'Assemblée nationale ne répondait en rien aux problèmes soulevés par l'arrêt Perruche, puisqu'il ne faisait que transférer de l'enfant aux parents l'indemnisation du handicap, dans le droit-fil de la jurisprudence du Conseil d'Etat issu de l'arrêt Quarez. Elle a considéré que, lorsque la responsabilité d'un médecin est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute, rien ne justifie de faire porter sur le médecin fautif l'indemnisation, tout au long de la vie de l'enfant, des charges résultant de ce handicap : le médecin n'est pas à l'origine de ce handicap, il n'a pas commis de faute vis-à-vis de l'enfant et sa responsabilité à l'égard des parents ne peut être engagée qu'à hauteur du préjudice moral que ceux-ci ont subi.
Notre commission a jugé que la jurisprudence Perruche aboutissait à créer une inégalité choquante entre deux types de handicaps : ceux qui seraient indemnisés parce qu'une faute a pu être commise par le médecin lors du diagnostic prénatal, et ceux pour lesquels aucune faute n'est intervenue et qui ne bénéficieront jamais d'une quelconque compensation.
Estimant qu'il était du devoir de la société d'apporter une réponse adaptée aux déficiences de certains de ses membres, notre commission a jugé qu'il revenait à la solidarité nationale de prendre en charge l'ensemble des personnes handicapées, quelle que soit l'origine de ce handicap.
Tel est l'objet de cet amendement, qui a été adopté à l'unanimité par la commission des affaires sociales.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter le sous-amendement n° 418.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par ce sous-amendement, nous essayons de ramener le problème là où certains l'ont vu.
J'ai entendu les interventions de chacun, y compris celle de M. About : il n'a pas proposé de préciser dans la loi que la solidarité nationale devrait intégralement réparer le préjucide des enfants handicapés ! Au demeurant, n'est-ce pas ce que nous souhaitons tous et ce à quoi nous arriverons peut-être un jour ? Mais, si M. About agit ainsi, c'est qu'il sait bien qu'en l'état actuel des choses il n'est pas possible d'imposer une telle mesure, qui coûterait extrêmement cher, même si elle n'est pas chiffrée.
Il est habituel, en attendant que la solidarité nationale joue pleinement, que soit appliqué le droit de la responsabilité. Et, en la matière, la compétence de la commission des lois me paraît plus grande que celle de la commission des affaires sociales.
En toute matière, l'application de l'article 1382 du code civil - « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » - a toujours entrainé certaines inégalités : celui qui reçoit une tuile sur la tête a droit à réparation intégrale de son préjudice de la part du propriétaire de l'immeuble, mais, si ce dernier n'est pas assuré ou est insolvable, la victime n'a droit à rien.
C'est pourquoi il convient de généraliser autant que possible le droit à réparation, comme on l'a fait en matière d'accidents de trajet, de chantier ou de travail, pour les accidents de la circulation subis par les piétons, pour les victimes d'infraction, ou encore en ce qui concerne le terrorisme ou les catastrophes naturelles.
On doit en arriver finalement à réparer intégralement le préjudice, mais, en attendant, lorsqu'il y a faute, on doit en tirer les conséquences. C'est le droit le plus élémentaire.
Cela étant, l'opinion publique déplore, pour des raisons diverses, que la Cour de cassation ait été amenée à accorder le droit de demander réparation de son préjudice à l'enfant né handicapé, dans le cas où la faute des professionnels de santé a seulement empêché la mère d'exercer son droit d'interrompre ou non sa grossesse.
Pour mettre fin à la jurisprudence Perruche, il suffit de retirer ce droit à l'enfant ! C'est pourquoi je vous propose le sous-amendement n° 418. Tout en gardant le premier ainsi que les derniers paragraphes de l'amendement n° 15, qui ne sont que des pétitions de principe, ce sous-amendement est ainsi libellé : « Un enfant né handicapé ne peut demander la réparation par un professionnel ou un établissement de santé du préjudice résultant de son handicap du seul fait que les fautes commises par ce professionnel ou cet établissement ont empêché la mère de l'enfant d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse. » J'allais dire : point à la ligne.
Il est reproché à la jurisprudence dite Perruche - encore qu'elle ne soit pas unique - de reconnaître à l'enfant le droit de réclamer réparation de son préjudice dans l'hypothèse d'une faute. Ecrivons donc dans la loi qu'il n'a pas ce droit et, pour le reste, laissons les tribunaux faire leur travail !
Ce sous-amendement va cependant plus loin. Il tend à insérer un deuxième alinéa disposant que, dans l'état actuel des choses, il y a lieu - car l'hypothèse choque presque tout le monde - de rendre irrecevable l'éventuelle action d'un enfant handicapé à l'encontre de sa propre mère au motif que, avisée du handicap, elle aurait refusé d'interrompre sa grossesse.
Certains me rétorqueront que, de toute façon, ce n'est pas possible en l'état actuel du droit. D'abord, je n'en suis pas si sûr, et, ensuite, puisque certains le craignent, prévoyons franchement le cas ! Je rectifie donc, monsieur le président, mon sous-amendement, en ajoutant, avant les mots : « de ne pas interrompre », les mots : « d'interrompre ou ». Nous devrions tous être d'accord, me semble-t-il, sur ce point.
Enfin, ce sous-amendement s'appliquant à l'amendement n° 15 de la commission des affaires sociales - mais je précise d'emblée que j'ai déposé le même sous-amendement à l'amendement n° 250 de la commission des lois, mais pas sur ce point-là, car la commission des lois l'a corrigé - et dans la mesure où l'on ne peut pas parler, en droit, des hypothèses où il a été « irrévocablement » statué sur le principe de l'indemnisation, il convient de remplacer cet adverbe par l'adverbe « définitivement ». Je pense que ce point de détail ne posera pas non plus de problème : puisqu'il s'agit de droit - du droit de la responsabilité, en l'occurrence - employons des termes juridiques !
M. le président. Le sous-amendement n° 418 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, est ainsi libellé :
« I. - Rédiger comme suit les deuxième et troisième alinéas du I du texte proposé par l'amendement n° 15 :
« Un enfant né handicapé ne peut demander la réparation par un professionnel ou un établissement de santé du préjudice résultant de son handicap du seul fait que les fautes commises par ce professionnel ou cet établissement ont empêché la mère de l'enfant d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse.
« Le fait pour une femme d'interrompre ou de ne pas interrompre sa grossesse ne peut servir de base à aucune action en responsabilité à son encontre. »
« II. - Dans le quatrième alinéa du I du même texte, remplacer le mot : "irrévocablement" par le mot : "définitivement". »
Les sous-amendements n° 305 et 306 rectifié ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Demessine pour présenter les amendements n° 422 et 416.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier soir, nous avons eu un débat extrêmement important.
Nous vous proposons, avec ce sous-amendement, de tenter de tenir compte des avis de chacun et, surtout, de toutes les inquiétudes qui ont pu se faire jour à la suite des arrêts Perruche et Quarez.
Il est vrai qu'il n'est pas simple de trouver une solution au problème posé. Mais nous avons travaillé avec beaucoup de sérénité.
Nous avons tous le sentiment que l'Assemblée nationale n'est pas allée jusqu'au bout de la discussion et que nos collègues députés comptent sur le débat que nous allons avoir pour poursuivre la réflexion. C'est dans cet esprit qu'a travaillé la commission des affaires sociales.
Nous nous sommes efforcés, dans un respect mutuel, de trouver une solution susceptible d'éviter toute dérive, en particulier pour les personnes handicapées et leurs proches.
L'amendement n° 15 de la commission des affaires sociales précise : « Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents ne peuvent demander une indemnité qu'au titre de leur préjudice moral. »
La discussion que nous avons eue hier a montré que la notion de préjudice moral ne rencontrait pas l'unanimité et qu'elle présentait quelques inconvénients.
Voilà pourquoi je présente le sous-amendement n° 422, qui devrait apaiser toutes les inquiétudes. Le préjudice étant ainsi bien déterminé, les juges pourront étudier le problème avec toute la latitude dont ils ont besoin.
En outre, notre sous-amendement n° 416 prévoit de confier la création de l'Observatoire de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées au Conseil national consultatif des personnes handicapées, qui joue déjà un rôle très important.
Cette proposition permet d'éviter la création d'une structure supplémentaire. Elle répond à un souhait exprimé par les associations de personnes handicapées.
M. le président. La parole est à M. Cointat, pour présenter le sous-amendement n° 421.
M. Christian Cointat. Le sous-amendement n° 421 concerne l'Observatoire de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées.
En effet, cet observatoire, comme vous avez pu le constater dans les différentes rédactions qui ont été proposées, ne concerne que les handicapés situés en France métropolitaine et les départements et les territoires d'outre-mer. Or, des Français handicapés qui vivent à l'étranger ne peuvent relever des lois étrangères, soit parce qu'ils ne remplissent pas les conditions nécessaires, soit parce que ces pays n'offrent pas de protection sociale suffisante ou pas de protection sociale du tout. De ce fait, ils relèvent de la solidarité nationale française.
Pour être efficace, il faut une vision globale, complète de la problématique. Ce sous-amendement a donc pour objet d'élargir le champ de ses compétences en lui demandant de se préoccuper des Français établis hors de France qui souffrent d'un handicap et qui relèvent de la solidarité nationale.
Que ce soit bien clair : seuls les Français établis hors de France qui relèvent de la solidarité nationale française seront concernés. Mais il est nécessaire d'élargir le champ de compétences de cet observatoire. Sans globalité, il ne peut pas y avoir de résultats fiables sur ce point.
M. le président. L'amendement n° 250, présenté par M. Fauchon, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« I. - Après le texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, insérer un article ainsi rédigé :
« Art. . - Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait d'être né handicapé.
« La personne atteinte d'un handicap dû à une faute médicale survenue à l'occasion de la grossesse de sa mère peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap, l'a aggravé ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer.
« Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée à l'égard des parents d'une personne atteinte d'un handicap d'une particulière gravité non décelé pendant la grossesse du fait d'une faute lourde ayant privé la mère de la possibilité de recourir à une interruption de grossesse, les père et mère peuvent obtenir une indemnité, qui prend la forme d'une rente, correspondant aux charges particulières découlant, tout au long de la vie de cette personne, de son handicap, déduction faite du montant des allocations et prestations de toute nature, dont cette personne bénéficie au titre de la solidarité nationale ou de la sécurité sociale. Les organismes sociaux ne peuvent exercer de recours à l'encontre de l'auteur de la faute pour obtenir le remboursement des allocations et prestations concernées.
« L'indemnité doit être gérée dans l'intérêt exclusif de la personne handicapée. Si elle n'est pas utilisée à cette fin, tout intéressé peut saisir le juge des tutelles à l'effet de voir désigné un administrateur ad hoc chargé de gérer cette indemnité.
« L'indemnité mentionnée au présent article est incessible et insaississable. En cas de prédécès des parents, elle n'est transmise qu'à la personne handicapée à laquelle elle est affectée. Elle est exonérée de droits de mutation.
« Les dispositions du présent article sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été définitivement statué sur le principe de l'indemnisation. »
« II. - Afin de compenser les pertes de recettes du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'exonération des droits de mutation prévue à l'article additionnel après l'article L. 1142-1 du code de la santé publique est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
« III. - En conséquence, faire précéder cet article de la mention : "I". »
Cet amendement est assorti de huit sous-amendements.
Le sous-amendement n° 419 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, est ainsi libellé :
« Remplacer les deuxième à septième alinéas de l'amendement n° 250 par les deux alinéas suivants :
« Un enfant né handicapé ne peut demander la réparation par un professionnel ou un établissement de santé du préjudice résultant de son handicap du seul fait que les fautes commises par ce professionnel ou cet établissement ont empêché la mère de l'enfant d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse.
« Le fait pour une femme d'interrompre ou de ne pas interrompre sa grossesse ne peut servir de base à aucune action en responsabilité à son encontre. »
Le sous-amendement n° 407, présenté par M. Picheral et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 250 pour insérer un article additionnel après l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité nationale. »
Le sous-amendement n° 389, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 250 pour insérer un article après l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :
« Lorsque le handicap résulte directement d'une faute médicale intervenue avant la naissance ou, s'il préexistait, lorsque l'acte fautif l'a aggravé, ou n'a pas permis de l'atténuer, la personne qui en est atteinte peut obtenir réparation du préjudice subi. »
Le sous-amendement n° 390, présenté par M. Vasselle est ainsi libellé :
« Remplacer les troisième, quatrième et cinquième alinéas du texte proposé par le I de l'amendement n° 250 pour insérer un article additionnel après l'article L. 1142-1 du code de la santé publique par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée à l'égard des parents d'une personne atteinte d'un handicap d'une particulière gravité non décelé avant sa naissance du fait d'une faute caractérisée dans la mesure où ledit professionnel ou établissement a manqué à son obligation d'information à leur égard et a empêché leur consentement éclairé et réfléchi à l'accueil d'un enfant gravement handicapé et aux charges particulières que cela implique, ceux-ci peuvent obtenir une indemnité. Celle-ci, gérée par le représentant légal de l'enfant dans l'intérêt de ce dernier, est destinée à compenser les contraintes particulières auxquelles sont assujetties les parents concernés afin de remplir leurs obligations telles que mentionnées à l'article 213 du code civil et que la faute caractérisée n'avait pas permis d'anticiper.
« Cette indemnité est incessible et insaisissable. »
Le sous-amendement n° 408, rectifié, présenté par M. Picheral et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 250 pour insérer un article additionnel après l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :
« Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap qu'une faute a empêché de déceler et qui a privé la mère d'une information claire et loyale, l'indemnité compensera outre le préjudice moral toutes les charges particulières résultant du handicap, déduction faite du montant des allocations et prestations de toute nature dont cette personne bénéficie au titre de la solidarité nationale ou de la sécurité sociale. »
Le sous-amendement n° 415, présenté par M. Picheral et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 250 pour insérer un article additionnel après l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :
« I. - Remplacer les mots : "handicap d'une particulière gravité" par le mot : "handicap".
« II. - Remplacer les mots : "faute lourde" par le mot : "faute". »
Le sous-amendement n° 409, présenté par M. Picheral et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après le quatrième alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 250 pour insérer un article additionnel après l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de prise en charge du handicapé par une personne autre que son père ou sa mère, la part de l'indemnité ou de la créance d'indemnité, correspondant à ces dépenses, sera transmise de plein droit à cette personne. »
Le sous-amendement n° 410, présenté par M. Picheral et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 250 pour insérer un article additionnel après l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :
« I. - Supprimer la première phrase.
« II. - Rédiger ainsi la dernière phrase : L'indemnité mentionnée au présent article est incessible et insaisissable. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 250.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel et d'administration générale. La discussion se focalise sur la notion de préjudice pour les parents. Mais, avant d'approfondir ce point précis de désaccord, je tiens à rappeler la nature de notre amendement et les préoccupations auxquelles nous nous sommes efforcés de répondre.
Tout d'abord, il nous a semblé assez sage de ne pas s'écarter de la ligne de conduite générale - dès lors qu'elle paraissait fondée - du montage imaginé par l'Assemblée nationale, qui est lui-même assez compliqué. Il nous a toutefois paru que la rédaction de l'Assemblée nationale n'était pas toujours heureuse, claire et efficace et qu'elle comportait des lacunes auxquelles il convenait de remédier. Nous avons tenté de le faire au travers d'un amendement n° 250, que je vais parcourir rapidement devant vous.
Tout d'abord, cet amendement précise : « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait d'être né handicapé ». Tous ces mots sont nécessaires pour répondre à l'arrêt Perruche. Certains sont d'un avis contraire. L'avenir nous renseignera sur ce point.
Il ne faut pas entretenir de confusion entre cette jurisprudence et la réparation du préjudice résultant du fait pour les parents d'avoir été mal informés.
En ce qui concerne le préjudice résultant pour les parents du fait d'avoir été mal informés à la suite d'une faute, voilà dix ans qu'il est réparé par la jurisprudence avec l'arrêt Quarez et bien d'autres.
La spécificité et la nouveauté de l'arrêt Perruche résident dans la possibilité pour l'enfant d'exercer, à titre personnel ou par ses représentants légaux s'il n'est pas en état de s'exprimer, un recours personnel en réparation.
Ce dispositif a été critiqué, car selon le professeur Mattei, si nous admettons que l'enfant, à titre personnel, peut, dans le cas particulier de mauvaise information de sa mère, engager un recours, cela signifie que nous admettons également que, dans tous les autres cas du même type, c'est-à-dire dans tous les cas où l'enfant considérera qu'on l'a fait naître handicapé, il pourra engager des recours contre ses parents en disant : vous avez eu tort de me faire naître handicapé.
A partir de là, le professeur Mattei nous a montré qu'une dérive pouvait aboutir à un certain eugénisme. Sans chercher à dramatiser, M. Larché avait fait remarqué qu'il pourrait y avoir dérive dans l'hypothèse où une mère parfaitement informée aurait choisi de faire naître un enfant ayant un handicap.
Or, comme vous l'avez rappelé, monsieur About, il est des handicaps de toute nature. L'enfant pourrait attaquer sa mère, préférant ne pas naître plutôt que d'être né avec tel petit handicap qui était connu mais qui n'aurait pas permis l'interruption médicale de grossesse. C'est ce que les Anglais appellent « le recours pour une vie particulièrement pénible ou difficile ».
C'est parce qu'on a voulu empêcher ce type de dérive en France que l'on s'est engagé dans cette voie qui s'est étendue à d'autres aspects, très différents, je ne cesserai de le dire, du problème posé à l'origine.
Sur le fond, nous avons souscrit à la réflexion du professeur Mattei, que nous avons entendu à plusieurs reprises, pour des raisons tant philosophiques que morales. Comment un enfant peut-il dire qu'il aurait préféré ne pas naître ?... Nous n'avons pas eu besoin d'approfondir ces raisons philosophiques et morales. Il nous a suffi de constater que les raisons juridiques ne permettent pas de recevoir l'action de l'enfant dans ce cas-là. Sur le plan juridique, il nous a semblé qu'il n'y avait pas de lien de causalité. Nous avons donc retenu l'argument des juristes selon lequel, dès lors que la non-information des parents n'a pas causé le handicap, qui était préexistant, il n'y a pas de lien de causalité entre cette non-information et le handicap dont l'enfant souffre.
Cela nous a paru pertinent et nous avons souscrit au principe fondamental selon lequel l'enfant n'aura pas de recours. Tout le monde est d'accord sur ce point.
Le deuxième alinéa serait superflu s'il ne convenait d'envisager toutes les hypothèses pour avoir un texte clair. Il s'agit de préciser que, dès lors qu'une faute a causé le handicap, on est dans le droit commun.
« La personne atteinte d'un handicap dû à une faute médicale survenue à l'occasion de la grossesse de sa mère peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap, l'a aggravé, ou qu'il n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer. »
Cet ajout avait, semble-t-il, sa raison d'être parce qu'il s'inscrit dans le droit commun.
Le troisième alinéa vise l'hypothèse où la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée à l'égard des parents d'une personne atteinte d'un handicap d'une particulière gravité non décelé pendant la grossesse du fait d'une mauvaise information.
Cette modification repose sur l'idée centrale que, dès lors qu'une faute a été commise par le professionnel qui a été consulté, elle engage sa responsabilité vis-à-vis de ses clients.
L'Assemblée nationale a parlé des détenteurs de l'autorité parentale. Or, ils ne sont pas les clients du médecin. Les seuls titulaires de la relation contractuelle sont les clients et les créanciers de l'obligation.
Nous avons donc pensé que cette rédaction n'était pas bonne et qu'il fallait faire attention à rétablir la créance sur la tête de ceux qui en sont les titulaires : soit la mère, soit éventuellement le père et la mère. Si les parents vont voir le médecin et le rémunèrent tous les deux, ils sont tous les deux des parties au contrat et ils ont un intérêt à avoir cette information. C'est simple ! C'est du droit classique.
Après cette première correction, il nous a semblé nécessaire de dire qu'il n'y avait de préjudice que si, dans la situation considérée de la mauvaise information des parents ou de la femme seule, la mère de l'enfant aurait pu accéder aux techniques de l'interruption de grossesse si elle avait eu une bonne information. Car si elle n'avait pas pu procéder à l'interruption médicale de grossesse même bien informée, son préjudice se réduisait à rien.
C'est ce qui explique les trois arrêts rendus en juillet par la Cour de cassation qui ont refusé, dans des circonstances apparemment semblables, mais pas totalement, la réparation des parents, en relevant qu'il n'était aucunement établi que ces parents étaient en situation de recourir à l'IVG.
Les commentateurs ont dit que ce n'était nullement établi. On peut en douter, mais cela explique la jurisprudence.
C'est la raison pour laquelle nous avons cru devoir ajouter dans l'amendement que nous vous proposons qu'il s'agit d'un handicap « non décelé pendant la grossesse du fait d'une faute lourde ayant privé la mère de la possibilité de recourir à une interruption de grossesse ». Il nous paraît important d'inscrire dans la loi qu'on a privé la mère de cette possibilité.
Je note au passage que nous avons retenu la notion de faute lourde, car cela nous paraît normal - j'y reviendrai tout à l'heure -, ainsi que les cas de particulière gravité.
Ensuite, nous avons repris à peu près le texte de l'Assemblée nationale. Toutefois, dans notre logique simple, nous considérons qu'il appartient aux tribunaux d'apprécier le préjudice, de reconnaître la faute lourde et le lien de causalité. Nous considérons que cette faute empêchant les parents de recourir à l'interruption volontaire de grossesse entraîne pour eux un préjudice.
Le préjudice peut prendre des aspects moraux, matériels ou économiques - comme on voudra - parce que, du fait de leurs obligations envers cet enfant, de leurs obligations morales certes, mais aussi de leurs obligations légales, qui sont celles du code civil, les parents sont obligés de subvenir aux besoins de cet enfant. Il est tout à fait évident qu'il y a un lien de causalité direct entre l'erreur commise et la surcharge d'obligations pour eux.
De ce fait, il nous a semblé qu'il fallait introduire dans le texte une sécurité que je vais mentionner parce qu'elle explique probablement la démarche de la Cour de cassation, qui a pu surprendre.
On veut réparer, on veut compenser la surcharge résultant pour les parents d'avoir un enfant handicapé alors qu'ils auraient préféré ne pas avoir cette charge.
La compensation peut prendre la forme d'un capital ou d'une rente. Il est préférable qu'elle prenne la forme d'une rente, nous semble-t-il, à la suite d'une proposition de M. Dreyfus-Schmidt. S'il s'agit d'un capital, encore faut-il qu'il ne serve qu'à aider les parents à faire face à leurs obligations à l'égard de l'enfant et que ces derniers ne soient pas libres de l'utiliser comme ils le voudraient. Ils pourraient faire un mauvais placement - cela arrive par les temps qui courent - ou partir avec l'argent et, hélas ! laisser l'enfant à la DASS.
Pour que cette indemnité permette, via les parents, de mieux subvenir aux besoins de l'enfant et profiter donc à ce dernier - c'est la justification d'une telle compensation - nous avons eu un souci de sécurité afin que les parents ne s'en servent que pour remplir leurs obligations à l'égard de l'enfant.
L'arrêt de la Cour de cassation était extrêmement peu motivé. Mais je crois avoir compris, le rapport annuel nous ayant davantage éclairés, que la Cour de cassation avait considéré qu'il ne convenait pas de donner à des parents une somme importante susceptible de servir à autre chose qu'à subvenir à leurs obligations vis-à-vis de l'enfant. D'où le souci de sécuriser cette somme, ou ces sommes s'il s'agit d'une rente.
Le dispositif que nous avons imaginé est donc le suivant : « L'indemnité doit être gérée dans l'intérêt exclusif de la personne handicapée. Si elle n'est pas utilisée à cette fin, tout intéressé peut saisir le juge des tutelles à l'effet de voir désigné un administrateur ad hoc chargé de gérer cette indemnité.
« L'indemnité mentionnée au présent article est incessible et insaisissable. En cas de prédécès des parents, elle n'est transmise qu'à la personne handicapée à laquelle elle est affectée. Elle est exonérée de droits de mutation. »
Ce dispositif est un peu compliqué mais, sur un sujet aussi délicat que celui-ci, il est nécessaire de prévoir toutes les éventualités si l'on veut vraiment sécuriser cette indemnité.
Notre amendement n° 250, je le répète, reprend les idées principales retenues par l'Assemblée nationale, en exigeant une faute lourde du professionnel ou d'un établissement de santé et en ne faisant intervenir sa responsabilité que dans le cas d'un handicap particulièrement grave.
En outre, et ceci est un élément essentiel sur lequel on n'a pas assez attiré l'attention, l'Assemblée nationale a prévu que l'indemnité destinée à soulager les parents de la surcharge de leurs obligations serait calculée au-delà de ce qui est prévu par la sécurité sociale ou par les allocations versées par la collectivité. Ce préjudice économique complémentaire, en quelque sorte - j'attire votre attention sur ce point et je parle là en tant que praticien - réduit pratiquement des deux tiers, quelquefois des trois quarts, voire des quatre cinquièmes, la charge qui va peser sur le praticien concerné ou sur son assurance. C'est une réduction considérable !
Au total, ce dispositif, sur lequel je serai amené à revenir, tout en permettant une application correcte, me semble-t-il, du droit et des contrats, tient compte du fait que ce métier n'est pas facile. Le Monde, hier encore, rendait compte de la situation d'un certain nombre d'échographistes dans un article que j'ai lu avec beaucoup d'attention et une certaine émotion. Personnellement, j'ai reçu des lettres sur le même thème. Il ne faut pas créer une situation décourageante pour cette profession si estimable, si intéressante et si utile.
Par conséquent, pour aménager le système des responsabilités sans toucher au principe essentiel, nous proposons de modifier le texte présenté pour que la responsabilité du praticien ne joue qu'en cas de faute lourde et de handicap d'une particulière gravité. Cela réduit pratiquement de moitié les cas considérés.
Souvenez-vous de la disposition que nous avions votée quand nous avons décidé que la responsabilité pénale pour imprudence ou négligence ne jouerait qu'en cas de faute caractérisée. Alors que j'étais optimiste, M. Vasselle, qui était, lui, franchement pessimiste, pensait que cela ne jouerait pas. Nous en parlions encore hier. Or, un an après, nous constatons que cela a complètement changé un siècle de jurisprudence !
Le fait d'introduire la notion de faute lourde plutôt que celle de faute simple changera considérablement l'appréciation que les magistrats porteront sur ces affaires et réduira le nombre de cas. Nous le réduirons encore avec la notion de handicaps les plus graves et, enfin, en ne prenant en compte que le surplus du préjudice économique, c'est-à-dire ce qui ne fait pas l'objet d'une réparation par la collectivité nationale, réparation que nous jugeons insuffisante, nous en sommes tous d'accord et, personnellement, je souscris aux propos, que j'ai écoutés avec beaucoup d'attention et d'émotion, de Mme Demessine et de M. About hier. Les responsabilités me paraissent assez partagées entre les uns et les autres.
Je rappelle au passage - car cela mérite de l'être - que nous devons cette fameuse loi de 1975 à M. Giscard d'Estaing. Auparavant, rien n'était en effet prévu pour les handicapés, que l'on ignorait et que l'on cachait. Nous avons connu ce temps-là !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Les prestations accordées par la collectivité ne pourront aller qu'en augmentant, monsieur le ministre, et la partie que j'ai qualifiée de complémentaire ne pourra donc que diminuer.
Avec ce dispositif, nous rendons, je crois, le risque supportable et surtout assurable d'autant que, dans un autre dispositif, nous préconisons de limiter le montant des indemnités par sinistre et la possibilité de recours dans le temps, cela, encore une fois, afin que le risque soit assurable. Nous sommes bien conscients, en effet, qu'on ne peut exercer ce genre de profession sans avoir une couverture d'assurance correcte.
Telle est la teneur du dispositif que nous proposons dans l'amendement n° 250 et les raisons pour lesquelles j'ai la faiblesse de croire - pardonnez ce langage direct - qu'il est le bon ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre le sous-amendement n° 419 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je serai très bref, car ce sous-amendement comporte une rectification identique à celle que je proposais tout à l'heure pour l'amendement de la commission des affaires sociales.
Je dirai seulement qu'il n'est jamais bon de légiférer à chaud, c'est-à-dire sous le coup de l'émotion, la pression de campagnes de presse, de lobbies, etc. Je regrette par conséquent que ce sujet soit abordé à l'occasion du projet de loi relatif aux droits des malades, d'autant que ce texte se suffisait à lui-même et qu'il aurait pu - nous pouvions l'espérer - faire l'objet d'un accord en commission mixte paritaire.
Qu'adviendrait-il si cet amendement empêchait - ce qui serait particulièrement dommageable - de parvenir à un accord sur l'ensemble ? Que se serait-il passé si l'arrêt Perruche avait été rendu le 23 février 2002, c'est-à-dire juste après que le Parlement eut suspendu ses travaux pour une période de six mois ? Nous n'aurions évidemment pas pu légiférer.
Pour le reste, encore une fois, il suffisait, d'une part, d'ôter expressément à l'enfant la possibilité de recourir et, d'autre part, de préciser qu'il ne saurait être reproché à une femme d'avoir ou de ne pas avoir interrompu sa grossesse.
Il manque, par rapport à mon sous-amendement précédent, le remplacement du mot « irrévocablement » par le mot « définitivement », la commission des lois ayant déjà réparé cette erreur.
M. le président. La parole est à M. Picheral, pour défendre le sous-amendement n° 407.
M. Jean-François Picheral. En prévoyant l'insertion dans l'amendement n° 250 d'un alinéa précisant que « toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité nationale », ce sous-amendement vise, au même titre que le premier alinéa dudit amendement, à placer en exergue le principe général d'une véritable prise en charge du handicap financée par la collectivité nationale.
Ce principe, qui a été rappelé à plusieurs reprises hier au cours de la discussion générale, doit être clairement inscrit dans la loi.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour présenter les sous-amendements n° 389 et 390.
M. Alain Vasselle. Le sous-amendement n° 389 visant à une simple précision rédactionnelle, je ne m'y attarderai pas.
En revanche, je m'attarderai un peu plus longuement sur le sous-amendement n° 390.
Certains se sont étonnés et s'étonneront encore qu'appartenant à la commission des affaires sociales j'aie choisi de sous-amender non pas l'amendement de celle-ci, c'est-à-dire l'amendement n° 15, mais celui de la commission des lois. Je veux sur ce point m'expliquer.
Mon objectif est uniquement de préserver les dispositions auxquelles je tiens, s'agissant de l'indemnité qui pourrait être versée aux parents en réparation d'un préjudice subi.
Deux démarches nous sont proposées.
Le première est celle qui a été adoptée par la commission des affaires sociales. Après avoir entendu les justifications du dépôt de l'amendement n° 15 et m'être expliqué au sein de la commission sur son contenu, je dis tout de suite que mes inquiétudes ont été apaisées et mes interrogations satisfaites.
La seconde est celle de la commission des lois. Si la Haute Assemblée se prononçait majoritairement en faveur de l'amendement n° 250 de M. Fauchon, je défendrais alors les dispositions que je propose dans mes sous-amendements.
J'en viens au sous-amendement n° 390, qui a pour objet d'apporter un certain nombre de précisions.
La première concerne la notion de « faute caractérisée », qui me semble plus opportune que celle de « faute lourde ». C'est d'ailleurs celle qui a été retenue par le législateur lorsque celui-ci, s'interrogeant sur le problème de la responsabilité des élus, avait examiné, sur l'initiative de M. Fauchon - il l'a rappelé tout à l'heure -, la proposition de loi tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, appelée depuis loi Fauchon. Les dispositions adoptées en leur temps visaient non pas une catégorie spécifique de Français, mais tous les citoyens responsables, quelles que soient leur activité professionnelle ou leurs responsabilités.
Les dispositions législatives en vigueur font donc bien référence à la faute caractérisée. C'est pourquoi il m'a semblé nécessaire, pour rester en harmonie avec ces dispositions, de ne pas créer un cas d'espèce pour les médecins, ce à quoi tend l'amendement de M. Fauchon en faisant référence à une « faute lourde ».
En outre, les termes de « faute caractérisée » ont été retenus dans l'amendement originel du Gouvernement et dans celui de la commission des affaires sociales.
Comme l'a expliqué très justement M. Fauchon, hormis cette notion de faute lourde, son amendement n° 250 a seulement pour objet d'améliorer en droit et dans un sens un peu plus sécuritaire la rédaction de l'Assemblée nationale. J'en viens donc aux autres dispositions dont nous avons à débattre.
Tout d'abord, nul ne peut se prévaloir d'une indemnité liée à un handicap résultant de sa naissance. Ce premier point devrait faire l'objet d'un consensus au sein de notre assemblée.
Les deux suivants sont en fait des rappels de notre droit et concernent la faute directe et la faute caractérisée, conséquence de la loi Fauchon.
Il est un quatrième point sur lequel nous divergeons : l'indemnité.
En fait, l'Assemblée nationale comme le Gouvernement ne faisaient que conforter, par leurs propositions, l'arrêt Perruche : l'indemnité du préjudice subi avait pour objet d'apporter un soutien financier non seulement aux parents, mais également à l'enfant handicapé né par la faute caractérisée d'un médecin qui n'aurait pas livré à temps l'information du risque de handicap que pouvait présenter cet enfant, d'où cette notion de préjudice.
Rejoignant la position de la commission des affaires sociales, nous avons considéré que le préjudice donnant lieu à une indemnité devait être lié au fait que les parents - nous estimons en effet que la mère n'est pas la seule à être concernée dans ce type de situation - n'avaient pas été informés du risque de handicap que présentait l'enfant. A partir du moment où les parents sont privés de cette information, il faut envisager une réparation, car la mère de famille n'a pas eu le choix de recourir, éventuellement, à une interruption de grossesse.
Mais doit également donner lieu à réparation le préjudice subi par le couple qui aurait décidé, même en ayant eu connaissance en temps et en heure du handicap de l'enfant, de garder cet enfant en raison de convictions religieuses ou philosophiques. D'ailleurs, M. Dreyfus-Schmidt l'a bien compris, puisqu'il prévoit, par un sous-amendement à l'amendement de M. Fauchon, une disposition qui priverait de tout recours les parents qui auraient fait le choix de garder leur enfant.
Je voudrais que l'on comprenne bien ma démarche, car il semble qu'il y ait eu, à un moment donné, quelques malentendus ou quiproquos sur ce point : il s'agit non pas de remettre en cause le droit à l'interruption volontaire de grossesse ou à l'interruption thérapeutique de grossesse, qui est prévu par la loi, mais de prendre en compte le préjudice subi par les parents qui n'ont pas pu se préparer à l'accueil d'un enfant handicapé. Vous imaginez, mes chers collègues, le désarroi de la mère de famille qui se prépare à la joie de mettre au monde un enfant normal et qui découvre, le jour de la naissance, que son enfant est handicapé !
Elle subit un préjudice d'ordre psychologique, car elle n'a pas pu se préparer, pendant les neuf mois de grossesse, à l'accueil de cet enfant qui souffre de handicap. Et ce préjudice s'accompagne également d'un préjudice matériel, car il faut prévoir les conditions d'hébergement de l'enfant handicapé soit dans le foyer, soit dans un établissement, afin de lui assurer un accueil digne de notre époque.
Ce préjudice mérite réparation au même titre que celui qui est subi par la mère de famille qui a fait le choix de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. Ma démarche vise le préjudice subi non pas en aval mais en amont de la naissance.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'ai sous-amendé l'amendement déposé par M. Fauchon. Je souhaite donc que l'on en revienne à la notion de faute caractérisée et que l'on prenne en considération aussi bien la situation de la mère qui aurait choisi de recourir à l'interruption volontaire de grossesse que celle des parents qui auraient décidé de garder l'enfant.
Cela étant, je retirerai éventuellement mes sous-amendements, le moment venu, en fonction de la position qui me paraîtra ressortir des débats au sein de notre Haute Assemblée et de l'avis des commissions.
M. le président. La parole est à M. Picheral, pour présenter les sous-amendements n°s 408 rectifié, 415, 409 et 410.
M. Jean-François Picheral. Le sous-amendement n° 408 rectifié prévoit non seulement, d'un point de vue formel, une nouvelle rédaction pour le troisième alinéa de l'amendement n° 250, mais il tend également à préciser substantiellement les conditions d'ouverture de l'action, dont la mise en oeuvre est prévue dans cet alinéa. Il insiste également sur la notion de préjudice moral.
S'agissant du sous-amendement n° 415, les orateurs précédents ont déjà longuement débattu de cette question. Je n'y insiste donc pas.
Le sous-amendement n° 409 vise à éviter que l'indemnité correspondant aux charges particulières du handicapé ne soit allouée aux parents pour une charge qu'ils n'assument pas ou qu'ils n'assument plus.
Le sous-amendement n° 410 a pour objet de rendre plus cohérente la construction du cinquième alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 250 et, de supprimer la disposition prévoyant l'exonération des droits de mutation. En effet, cette mesure figure déjà dans le code général des impôts.
M. le président. L'amendement n° 281, présenté par M. Fauchon, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« Après l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 114-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 114-6. - Il est créé, dans des conditions définies par décret, un observatoire de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées, chargé d'observer la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées en France et de présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement et au Gouvernement visant à assurer, par une programmation pluriannuelle continue, la prise en charge de ces personnes. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement de codification. Je ne pense pas qu'il pose de problème, en tout cas d'ordre philosophique.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Hélas ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 386 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 23 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Nul, fût-il handicapé, ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.
« La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer.
« Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap d'une particulière gravité non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute lourde, les titulaires de l'autorité parentale peuvent demander une indemnité destinée à la personne handicapée, correspondant aux charges particulières découlant, tout au long de sa vie, de son handicap, déduction faite du montant des allocations et prestations, de quelque nature qu'elles soient, dont cette personne bénéficie au titre de la solidarité nationale ou de la sécurité sociale.
« Dans ce cas très précis, les organismes sociaux ne peuvent exercer de recours à l'encontre de l'auteur de la faute pour obtenir le remboursement des allocations et prestations versées.
« Les actions en responsabilité visées au présent article se prescrivent par dix ans à compter du premier diagnostic du handicap.
« Les dispositions du présent article sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation.
« II. - Il est créé, dans des conditions définies par décret, un Observatoire de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées, chargé d'observer la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées en France et de présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement et au Gouvernement visant à assurer, par une programmation pluriannuelle continue, la prise en charge de ces personnes.
« III. - le I du présent article est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis-et-Futuna et à Mayotte. »
Je suis saisi de six sous-amendements présentés par M. Picheral et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Le sous-amendement n° 402 est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 386 rectifié, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité nationale. »
Le sous-amendement n° 405 est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 386 rectifié, remplacer les mots : "ou l'a aggravé" par les mots : ", l'a aggravé". »
Le sous-amendement n° 414 est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le troisième alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 386 rectifié :
« Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap qu'une faute a empêché de déceler et qui a privé la mère d'une information claire et loyale, l'indemnité compensera outre le préjudice moral toutes les charges particulières résultant du handicap, déduction faite du montant des allocations et prestations de toute nature dont cette personne bénéficie au titre de la solidarité nationale ou de la sécurité sociale. Les organismes sociaux ne peuvent exercer de recours à l'encontre de l'auteur de la faute pour obtenir le remboursement des allocations et prestations concernées. »
Le sous-amendement n° 404 rectifié est ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 386 rectifié :
« I. - Remplacer les mots : "handicap d'une particulière gravité" par le mot : "handicap".
« II. - Remplacer les mots : "faute lourde" par le mot : "faute". »
Le sous-amendement n° 403 est ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 386 rectifié, remplacer les mots : "les titulaires de l'autorité parentale" par les mots : "les parents". »
Le sous-amendement n° 406 est ainsi libellé :
« Après le troisième alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 386 rectifié, insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« L'indemnité doit être gérée dans l'intérêt exclusif de la personne handicapée. Si elle n'est pas utilisée à cette fin, tout intéressé peut saisir le juge des tutelles à l'effet de voir désigné un administrateur ad hoc chargé de gérer cette indemnité.
« En cas de prise en charge du handicapé par une personne autre que son père ou sa mère, la part de l'indemnité ou de la créance d'indemnité, correspondant à ces dépenses, sera transmise de plein droit à cette personne. En cas de prédécès des parents, elle n'est transmise qu'à la personne handicapée à laquelle elle est affectée.
« L'indemnité mentionnée au présent article est incessible et insaisissable. »
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 386 rectifié.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Cet amendement tend à reprendre in extenso le texte voté par les députés en première lecture, sous réserve de l'ajout d'un alinéa relatif à la prescription.
Comme je l'ai développé hier, le Gouvernement a entendu mettre un terme à la jurisprudence Perruche. Je ne reviendrai pas sur ce point ; la discussion a été longue et intéressante. Nous avons voulu revenir à une appréciation stricte du lien de causalité entre la faute médicale commise lors de la grossesse de la mère et le handicap de l'enfant.
L'action de l'enfant né avec un handicap est possible lorsque la faute a directement provoqué le handicap, l'a aggravé ou n'a pas permis de prendre les mesures nécessaires pour l'atténuer. Tel est le sens du deuxième alinéa de l'amendement.
Nous avons encadré l'action en réparation engagée par les parents victimes d'une faute médicale qui ne leur a pas permis de disposer d'une information complète et qui ont été privés du choix de recourir à l'interruption de grossesse.
Plusieurs questions sont posées.
Tout d'abord, quelles sont les personnes recevables à engager cette action en responsabilité ? Notre texte vise les titulaires de l'autorité parentale, mais j'ai indiqué précédemment que nous n'étions pas opposés au fait de revenir strictement sur le terrain de la responsabilité contractuelle et de limiter l'action aux seuls parents.
Ensuite, de quelle faute s'agit-il ? Notre texte fait référence à la faute lourde retenue par l'Assemblée nationale. Le texte initial du Gouvernement mentionnait la faute caractérisée. Je rappelle que le droit de la responsabilité médicale s'appuie sur la faute ; M. Picheral l'a dit tout à l'heure. Je préférerais, pour ma part, que nous en restions à la notion de faute.
Enfin, quelle est l'étendue du droit à réparation des parents ? Le Gouvernement n'a pas entendu limiter l'étendue du droit à réparation des parents. Il leur appartient de déterminer leur dommage et il revient au juge d'apprécier ; nous avons longuement débattu de ce point hier soir. Néanmoins, si le juge alloue une indemnité au titre du préjudice matériel constitué par les charges particulières leur incombant en raison de leur obligation d'entretien, l'indemnité doit effectivement être utilisée conformément à sa destination et elle ne peut comprendre les dépenses prises en charge au titre de solidarité nationale, qui doit s'exercer en priorité.
Par ailleurs, le Gouvernement a inséré dans le texte voté par l'Assemblée nationale un nouvel alinéa permettant d'appliquer les conditions de prescription de dix ans prévues pour les autres actions en responsabilité médicale aux actions intentées en réparation du préjudice congénital.
M. le président. La parole est à M. Picheral, pour présenter les sous-amendements n°s 402, 405, 414, 404 rectifié, 403 et 406.
M. Jean-François Picheral. Je retire le sous-amendement n° 402, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 402 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur Picheral.
M. Jean-François Picheral. Le sous-amendement n° 405 tend à apporter une plus grande clarté à l'amendement n° 386 rectifié. En évitant la répétition du terme « ou », nous donnerons à ce texte essentiel la fluidité nécessaire à sa lisibilité et à sa compréhension.
Le sous-amendement n° 414 vise non seulement, d'un point de vue formel, à proposer une nouvelle rédaction pour le troisième alinéa de l'amendement n° 306 rectifié, mais également à préciser substantiellement les conditions d'ouverture de l'action dont la mise en oeuvre et prévue dans cet alinéa.
Le sous-amendement n° 404 rectifié a déjà été présenté.
Le sous-amendement n° 403 vise à remplacer les termes généraux « les titulaires de l'autorité parentale » par les mots « les parents », afin de limiter l'exercice de l'action en responsabilité pour faute.
Le sous-amendement n° 406 se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Nous comprenons le souci de cohérence de M. Dreyfus-Schmidt, mais, dans la mesure où son sous-amendement n° 418 rectifié s'éloigne des préoccupations exprimées dans l'amendement n° 15, la commission des affaires sociales y est défavorable.
S'agissant des sous-amendements n°s 422 et 416, la commission a émis un avis favorable.
La commission n'a pas examiné le sous-amendement n° 421 mais, à titre personnel, j'y suis favorable.
J'en viens à l'amendement n° 250. J'avoue avoir été très impressionné par la rigueur du raisonnement et la stricte logique juridique de M. Fauchon. Cependant, il se trouve que la philosophie de l'amendement retenu par la commission des affaires sociales s'écarte quelque peu de la solution préconisée par M. le rapporteur pour avis. La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 250 et, par voie de conséquence, sur les sous-amendements n°s 419 rectifié, 407, 389, 390, 408 rectifié, 415, 409 et 410.
L'amendement n° 281 est satisfait par l'amendement de la commission.
Quant à l'amendement n° 386 rectifié, présenté par le Gouvernement, il reprend mot pour mot ce qui a été décidé par l'Assemblée nationale. Les débats qui se sont engagés à ce propos ont montré clairement les modifications souhaitées par la commission des affaires sociales. Vous comprendrez donc aisément que le rapporteur ne puisse qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement et, par voie de conséquence également, sur les sous-amendements n°s 405, 414, 404 rectifié, 403 et 406 de M. Picheral.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, il n'est pas toujours facile d'être ministre de la santé. (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Nous n'en avons jamais douté !
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Heureusement, il y a les malades ! Sans eux, il n'y aurait pas de ministre ! (Nouveaux sourires.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. En effet, monsieur le rapporteur pour avis, et c'est bien le malade qui est au coeur de nos débats.
J'ai beaucoup appris hier, sur un sujet à la vérité difficile, et je n'étonnerai personne en le reconnaissant devant vous. Mais ce sera mon seul lamento !
S'agissant de l'amendement n° 15, le Gouvernement a déjà indiqué qu'il partageait la préoccupation de la commission des affaires sociales sur la priorité qui doit être celle de la solidarité nationale. Je le confirme, il n'y a aucun doute à ce sujet. Cette préoccupation trouve sa traduction concrète dans l'amendement que j'ai présenté tout à l'heure.
Vous connaissez la position et les intentions du Gouvernement - elles ont été également développées hier - en ce qui concerne l'étendue du droit à réparation du préjudice des parents. Je reconnais que nous avons avancé les uns vers les autres. La commission mixte paritaire sera donc extrêmement intéressante. Hélas, je n'assisterai pas à ses travaux, mais je suis sûr que vous m'en donnerez le détail, monsieur le rapporteur.
Donc - vous l'avez deviné - le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 15.
Le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement n° 418 rectifié de M. Dreyfus-Schmidt. Les conditions de recevabilité de l'action en réparation exercée par la personne née avec un handicap sont fixées par un alinéa rédigé en termes identiques dans les trois amendements respectifs de la commission des lois, de la commission des affaires sociales et du Gouvernement. Il y a donc lieu d'en rester à une rédaction qui recueille visiblement le plus large consensus.
De surcroît, aucune action en responsabilité n'ayant jamais été intentée contre une mère qui avait choisi de ne pas interrompre sa grossesse, il n'y a pas lieu de modifier la rédaction du premier alinéa de l'amendement n° 15 de la commission des affaires sociales dont le texte suffit pour nous prémunir contre l'éventualité d'une telle action. Je le répète : « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. »
S'agissant du sous-amendement n° 422, il nous semble qu'il s'agit d'une restriction du droit à indemnisation des parents victimes d'une faute médicale. Sur cette affaire, j'ai personnellement beaucoup évolué. Néanmoins, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
En revanche, il est favorable au sous-amendement n° 416, étant rappelé qu'il est défavorable à l'amendement n° 15 ! Le Conseil national consultatif des personnes handicapées, renforcé, peut exercer les missions dévolues à l'Observatoire de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées.
S'agissant du sous-amendement n° 421, je m'en remets à la sagesse du Sénat, tout en attirant l'attention sur la difficulté de mise en oeuvre de cette disposition. Elle implique de former, au sein de nos ambassades, les attachés sociaux et humanitaires de façon adéquate. Mais, je suis d'accord avec vous, il ne faut pas faire de différence enter les handicapés selon qu'ils résident en France ou à l'étranger.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. J'en viens à l'amendement n° 250 de M. Fauchon. Après avoir dit, hier, qu'il fallait se garder d'une rectitude ou d'un suivisme trop étroit en matière de législation, je reconnais que cet amendement est présenté avec talent. Tant que nous n'aurons pas réfléchi différemment sur ce sujet, je crois vraiment que c'est M. Fauchon qui a raison et je soutiens cet amendement. D'ailleurs, il reprend très largement les termes de l'amendement n° 386 rectifié du Gouvernement ! Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
Pour des raisons déjà indiquées, je suis défavorable au sous-amendement n° 419 rectifié.
Je suis, en revanche, favorable au sous-amendement n° 407.
Tout en comprenant les arguments développés par M. Vasselle, je suis défavorable au sous-amendement n° 389.
S'agissant des sous-amendements n°s 390 et 408 rectifié, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Il émet un avis favorable sur les sous-amendements n°s 415, 409 et 410.
S'agissant de l'amendement n° 281, pour les mêmes raisons que précédemment, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. C'est dire que, en réalité, il y est favorable !
S'agissant de l'amendement n° 386 rectifié, j'y suis bien évidemment favorable, puisqu'il s'agit d'un amendement du Gouvernement. Mais cela peut étonner certains ! (Sourires.) Moi le premier, parfois !
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. C'est une cohérence dont il ne faut pas abuser, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Tout à fait, monsieur Fauchon ! Et, en cas d'abus, l'affaire devient proprement médicale !
S'agissant du sous-amendement n° 405, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Sur le sous-amendement n° 414, il émet un avis favorable, ainsi que sur le sous-amendement n° 404 rectifié. Je n'étais pas opposé à l'introduction d'un critère de gravité, mais n'y revenons pas, nous nous sommes expliqués sur ce point.
S'agissant enfin des sous-amendements n°s 403 et 406, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 418 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, mon sous-amendement comporte un paragraphe II sur lequel je n'ai pas entendu les explications de la commission des affaires sociales. Il « ne mange pas de pain », puisqu'il vise à remplacer le mot « irrévocablement » - dont le responsable était le Gouvernement, car cet adverbe figurait dans le texte voté par l'Assemblée nationale - par le terme « définitivement ». Il me semble que la commission des affaires sociales pourrait tout de même l'accepter.
Pour le reste, je crois que tout a été dit. Ce sous-amendement permet de régler le seul problème qui soit posé par la jurisprudence Perruche dans une rédaction plus claire que celle de l'amendement n° 15 - « nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait d'être né handicapé » - puisque nous prévoyons, beaucoup plus simplement, qu'il ne peut y avoir de recours contre la mère.
Le Sénat appréciera, mais je demande tout de même à la commission des affaires sociales de retenir le changement d'adverbe.
M. Francis Giraud, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Giraud, rapporteur.
M. Francis Giraud, rapporteur. La commission reste « irrévocablement » sur sa décision, monsieur Dreyfus-Schmidt ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 418 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 422.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre le sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le sous-amendement n° 422 prévoit que « lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse, à la suite d'une faute caractérisée, les parents ne peuvent demander d'indemnité qu'au titre de leur seul préjudice ». Je comprends la logique de ce sous-amendement qui revient à dire que l'enfant, lui, ne peut pas demander la réparation du préjudice qu'il a subi et que l'on ne peut pas la demander pour lui, ce qui me paraît éminemment regrettable en soi.
Il serait d'ailleurs indispensable - peut-être pourrons-nous y réfléchir en commission mixte paritaire - de faire une différence selon que les enfants handicapés seront ou ne seront pas, après leur majorité, incapables majeurs.
Vous ajoutez qu'« aucune indemnité ne peut être due au titre du handicap de l'enfant », mais il est bien évident que la réclamation faite par les parents, en réparation de leur préjudice, est formée au titre du handicap de l'enfant. Je crois donc que, dans votre optique, il aurait fallu écrire : « aucune indemnité ne peut être due à l'enfant au titre de son handicap. » Si c'est ce que vous voulez dire, je vous invite à rectifier en ce sens votre sous-amendement parce que, sinon, vous irez beaucoup plus loin que vous ne le voulez !
Pour le reste, je persiste à être contre ce sous-amendement. Je pense qu'il est tout à fait normal de réparer le préjudice subi par les parents, et cela jusqu'à la fin de la vie de l'enfant. Je reviendrai tout à l'heure sur la notion de prescription. Il faudrait que les incapables majeurs, lorsqu'ils atteignent leur majorité, puissent aussi demander une réparation de leur préjudice, si personne ne l'a fait avant eux, mais je m'expliquerai sur ce point à propos de l'amendement du Gouvernement.
Pour l'instant, je suis donc contre ce sous-amendement, que je vous invite instamment à rectifier, madame Demessine.
Mme Michelle Demessine. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur Dreyfus-Schmidt, mon sous-amendement à l'amendement n° 15 de la commission des affaires sociales s'inspire d'une tout autre philosophie que celle qui sous-tend votre proposition ainsi que celle du Gouvernement.
Il est dommage que vous n'ayez pas été présent, hier soir...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'ai pas perdu un mot de la discussion !
Mme Michelle Demessine. Tant mieux, car je pense que nous nous sommes suffisamment expliqués, hier soir, sur les inquiétudes que suscitaient de nombreux points, notamment l'ouverture d'un droit à réparation par l'obtention d'une rente pour les enfants handicapés, qui risquait d'introduire des inégalités entre les personnes handicapées elles-mêmes.
Le sous-amendement n° 422 que je propose apporte une sécurité en empêchant que le seul préjudice ne puisse donner lieu à indemnité au titre du handicap de l'enfant.

Votre sous-amendement, monsieur Dreyfus-Schmidt, ainsi que l'amendement du Gouvernement poseront plus de problèmes qu'il n'y en a actuellement. Ma grand-mère disait avec bon sens : « le papier, il se laisse faire ». Je ne vois pas comment nous allons pouvoir faire la différence entre ce qui relève de la solidarité nationale et ce qui aurait été obtenu au titre du droit à réparation. Cela sera ingérable et occasionnera encore plus de tourments aux parents.
Franchement, je ne vois absolument pas comment nous allons pouvoir organiser cela dans la pratique. On ne peut pas voter un texte sans avoir une idée de la manière dont on pourra l'appliquer ; ce serait tromper les gens.
Voilà pourquoi, étant certaine que la disposition que vous proposez sera, en définitive, ingérable, j'y suis très opposée.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je tiens à dire d'emblée que je voterai ce sous-amendement extrêmement important, dont je partage la philosophie. J'adhère aux objectifs qu'il vise et, de ce point de vue, je suis sur la même ligne que Mme Demessine. Nous nous situons, en la circonstance, bien au-delà de nos engagements politiques réciproques.
Ce sous-amendement invite d'ailleurs l'assemblée à prendre en compte la situation que vivront tant les parents et les familles que l'enfant handicapé lui-même.
J'ajoute cependant à cette approbation une interrogation, que j'adresse à M. Fauchon, rapporteur pour avis de la commission des lois. J'ai encore en mémoire le débat que nous avons eu lors de l'examen de sa proposition de loi sur les délits non intentionnels, débat qui faisait sans cesse référence à la faute caractérisée ; je me rappelle également le souci de l'auteur de cette proposition de loi, qui en était en même temps le rapporteur, de veiller à ce que les dispositions législatives que nous adoptions aient un caractère - je ne sais pas si le terme est adéquat, mais je l'ai utilisé tout à l'heure - universel, c'est-à-dire qu'elles ne présentent pas d'aspects inconstitutionnels et placent l'ensemble des Français sur le même plan.
Ayant ces débats présents à l'esprit, j'ai le sentiment - peut-être à tort, mais, en conscience, je m'interroge sur ce point - qu'en adoptant une disposition de cette nature, nous instaurons une situation spécifique aux professionnels de la médecine, liée à un contexte particulier. Cela ne risque-t-il pas de poser un problème d'ordre constitutionnel ?
Cela ne m'empêchera pas de voter le sous-amendement n° 422, mais je pose cette question me souvenant que, lorsque j'avais moi-même déposé une proposition de loi relative au statuts des élus, on m'avait alerté sur le fait que mon texte pouvait donner le sentiment que je voulais instaurer un privilège juridictionnel au bénéfice des élus, alors qu'il fallait veiller à ce que les dispositions prises puissent s'appliquer à l'ensemble des citoyens, quelles que soient leur activité, leur origine, etc.
Je pense donc qu'en adoptant une disposition que nous encadrons en ce qui concerne les médecins nous introduisons une faiblesse juridique dans le texte.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ecoutant Mme Demessine présenter son sous-amendement, j'entendais résonner en moi l'écho de toutes les plaintes que nous avons reçues d'associations de handicapés et de familles de personnes handicapées.
Mme Demessine répond totalement à la demande qui nous est faite.
En effet, en affirmant que nul ne peut demander une indemnisation au titre du handicap de l'enfant, elle affirme qu'être un enfant handicapé n'est pas un préjudice. Ainsi se trouve préservée la dignité de la personne handicapée.
Par ailleurs, elle a raison de nous inciter à aller au-delà du préjudice simplement moral, à donner une ouverture supplémentaire au juge en ce sens. Nous avions tenté cette approche en commission, mais en vain, et la solution qu'elle propose est la bonne.
Effectivement, nous sommes typiquement dans le cas de la réparation d'une perte de chance qui va au-delà du préjudice moral, ce dernier ayant seulement une connotation d'indemnisation de l'affection. Là, nous sommes dans un autre domaine.
Ce n'est pas aux éminents juristes de notre assemblée que je l'apprendrai : la réparation d'une perte de chance, c'est autre chose que la réparation d'un préjudice moral. La perte de chance, c'est l'incapacité de bénéficier d'un élément favorable ou d'éviter un événement défavorable. C'est tout cela qui constitue le préjudice spécifique de perte de chance. Cette dernière est donc bien indépendante du préjudice final et, sous peine d'être censurés par la Cour de cassation, les juges ont même l'obligation de préciser que l'indemnisation est accordée pour perte de chance.
En revanche, l'indemnisation évolue : si le juge est tenu d'apprécier l'espoir déçu en fonction du fait générateur de la responsabilité, petit à petit, apparaît un lien avec le préjudice final, puisqu'il est dit qu'un lien avec le préjudice final peut être retenu en l'absence de lien de causalité entre le fait générateur et le dommage. Nous y sommes.
Curieusement, ces décisions se retrouvent dans le domaine médical : omission, défaut d'information ou de conseil, soins prodigués avec retard. Nous sommes totalement dans la jurisprudence traditionnelle de la perte de chance.
Ainsi, selon la Cour de cassation, le fait que la faute a une influence certaine suffit à engager la responsabilité, mais uniquement sur le fondement de la perte de chance, en présence de probabilité forte que le dommage aurait pu ne pas se produire. Nous sommes totalement dans cette situation, car nul ne sait vraiment si l'avortement aurait eu lieu. Il s'agit d'une probabilité.
C'est pourquoi, selon moi, Mme Demessine propose la bonne solution, celle qui permet de respecter la dignité de la personne handicapée et d'indemniser le préjudice des parents au titre de leur perte de chance. En votant son sous-amendement, nous répondrons à ce double défi et nous aurons certainement rempli une tâche très humaine. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. En dépit des applaudissements qui viennent de saluer les explications de mon excellent ami le président de la commission des affaires sociales, je voterai contre le sous-amendement n° 422 parce qu'il jette l'équivoque sur les dispositions proposées dans l'amendement n° 15.
Le dispositif de la commission des affaires sociales a au moins le mérite de la clarté : il admet le préjudice moral dans l'hypothèse dont il est question et rejette le préjudice dit matériel ou économique. En revanche, la démarche qui sous-tend le sous-amendement n° 422 manque quelque peu de franchise.
En effet, on nous propose de modifier la rédaction de l'amendement n° 15, afin de prévoir que « les parents ne peuvent demander une indemnité qu'au titre de leur seul préjudice ».
S'il ne s'agissait que de cela, je serais d'accord, parce que la notion de « seul préjudice » recouvre à la fois le préjudice moral et le fait, pour les parents, de supporter un surcroît d'obligations à l'égard des enfants.
Mais Mme Demessine ajoute une phrase tout à fait singulière : « Aucune indemnité ne peut être due au titre du handicap de l'enfant, dont la compensation relève de la seule solidarité nationale. » Je salue au passage le souci de solidarité collective qui est exprimé, mais qu'entend-on par la formule : « au titre du handicap de l'enfant » ? L'expression « au titre de » n'a pas d'effet juridique clair ; elle signifie simplement « en relation avec ». C'est très vague ! Par conséquent, si ce sous-amendement est adopté, lorsque les parents déclareront avoir subi un préjudice moral en raison du handicap de leur enfant, ce préjudice sera « en relation avec » le fait que celui-ci est handicapé. A fortiori, ils supporteront un préjudice matériel, lié à une surcharge de leurs obligations, « au titre du handicap de l'enfant ».
Par le biais du sous-amendement n° 422, vous proposez en réalité, madame Demessine, de supprimer dans le cas dont nous débattons toute possibilité, pour les parents ayant été privés d'une information essentielle qui les aurait amenés à changer d'attitude vis-à-vis de la naissance à venir, d'obtenir réparation...
Mme Hélène Luc. Pas du tout !
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. ... du fait que cette information ne leur a pas été communiquée à la suite, il faut sans cesse le rappeler, d'une faute lourde.
Cela étant, je veux bien croire que telle n'était pas vraiment votre intention, madame Demessine. J'insiste cependant sur la confusion que risque d'entraîner l'introduction de l'expression « au titre de », dont la signification est très large. L'équivoque sera complète ! Je supplie donc le Sénat d'en rester à l'amendement n° 15 de la commission des affaires sociales, qui a le mérite d'être clair.
M. Nicolas About, président de la commision des affaires sociales. Vous avez dit qu'il était anticonstitutionnel !
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Il n'est pas possible de prévoir que les parents ne pourront plus rien demander en compensation du handicap de leur enfant, car ce serait nier totalement leurs droits dans le cadre contractuel de leur relation avec le médecin.
Je demande donc instamment au Sénat de ne pas voter ce sous-amendement.
M. Francis Giraud, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Giraud, rapporteur.
M. Francis Giraud, rapporteur. Je crois que ce débat a permis à chacun de s'exprimer. La commission des affaires sociales s'est réunie avant la séance pour examiner le sous-amendement n° 422 de Mme Demessine, et ceux de ses membres qui étaient présents ont émis un avis favorable. En tant que rapporteur, j'indique que nous maintenons cette position.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En matière d'accidents, par exemple, on calcule le préjudice global et on déduit toutes les sommes versées par ailleurs, notamment par la sécurité sociale.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Une naissance n'a rien à voir avec un accident de la route !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans le cas qui nous occupe, il ne serait pas difficile de déduire les diverses indemnités touchées. Je ne peux donc pas laisser dire que le dispositif serait ingérable.
Vous avez dit, monsieur le président de la commission des affaires sociales, que le fait d'être handicapé ne constitue pas un préjudice. Permettez-moi de vous dire que cela dépend de l'importance du handicap.
La preuve en est d'ailleurs que vous admettez que c'est tout de même une chance de ne pas avoir un enfant handicapé,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non ! Pas du tout !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... puisque vous affirmez vouloir compenser la perte de chance qui résulte de la naissance d'un tel enfant.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pourtant bien ce que je croyais avoir compris, mais n'insistons pas sur ce point.
Quoi qu'il en soit, dans la mesure où je n'ai pas réussi à me faire entendre, je dépose un sous-amendement analogue à celui de Mme Demessine et tendant à préciser qu'« aucune indemnité ne peut être due à l'enfant au titre de son handicap,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... dont la compensation relève de la seule solidarité nationale ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est l'arrêt Quarez !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est sans doute ce que vous vouliez dire, monsieur About. En effet, lorsque vous prévoyez que l'on ne pourra pas réclamer d'indemnité au titre du handicap de l'enfant, cela signifie que les parents ne pourront plus rien réclamer du tout,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... puisque leur demande est précisément liée au fait que leur enfant est handicapé !
Vous affirmez vouloir compenser une « perte de chance », mais cette chance consistait précisément à pouvoir décider de ne pas avoir d'enfant handicapé.
M. Jean Chérioux. Elle était de pouvoir choisir !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je croyais que c'était ce que vous aviez voulu dire, monsieur About. Un certain nombre de membres de la commission que vous présidez m'ont d'ailleurs confié qu'en donnant un avis favorable, avant la séance, au sous-amendement n° 422 de Mme Demessine, ils avaient cru approuver la disposition présentée dans le sous-amendement que je viens de déposer.
Je ne comprends donc pas pourquoi vous n'acceptez pas celui-ci, sauf à imaginer que vous ayez quelque idée derrière la tête...
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 423, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et ainsi libellé :
« Après les mots : "qu'au titre de leur", rédiger comme suit la fin du troisième alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 15 : "seul préjudice. Aucune indemnité ne peut être due à l'enfant au titre de son handicap, dont la compensation relève de la seule solidarité nationale". »
Ce sous-amendement sera mis aux voix avant le sous-amendement n° 422, car il est plus éloigné du texte de l'amendement n° 15.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je ne peux pas laisser M. Dreyfus-Schmidt m'attribuer des propos que je n'ai pas tenus.
Ainsi, si j'ai en effet évoqué la perte d'une chance, cela ne signifie nullement que je considère que le handicap de l'enfant soit un préjudice. Quand je m'exprime en homme de la rue, on m'objecte que je ne suis pas juriste ; quand j'emploie le terme juridique exact, on essaie de faire accroire que je porte atteinte à la dignité des personnes handicapées, ce qui est tout à fait faux. Je ne peux accepter ce procédé !
Vous n'étiez malheureusement pas présent hier dans l'hémicycle, monsieur Dreyfus-Schmidt, lorsque j'ai affirmé que je ne condamnais pas du tout la déficience que peut présenter un enfant. En effet, nous sommes tous nés déficients : il suffit d'attendre quelques années pour s'en rendre compte ; la génétique finit toujours par parler ! Nous mourrons tous un jour, la déficience est inscrite dans nos gènes. La dignité de tout être humain doit être respectée, quelle que soit la déficience qui l'affecte.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes d'accord !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En revanche, le handicap est créé par la société, qui n'offre pas de réponse aux difficultés liées à la déficience d'un certain nombre de ses membres. Voilà ce qu'est un préjudice ! Les parents d'un enfant déficient, dans l'optique de la perte de chance qu'ils subissent, ont bien entendu droit à réparation du préjudice causé par la société, laquelle ne soulage pas les contraintes excessives qui leur sont imposées. L'enfant n'a rien à y voir !
Nous souhaitons, par conséquent, permettre l'indemnisation du préjudice subi par les seuls parents. Il ne s'agit en aucun cas de présenter la naissance d'un enfant comme un préjudice : ce serait alors porter atteinte à la dignité de celui-ci. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Michelle Demessine. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Je demande une suspension de séance, monsieur le président.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à douze heures dix.)