SEANCE DU 31 JANVIER 2002


M. le président. L'amendement n° 290 rectifié, présenté par M. About, est ainsi libellé :
« Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa (2°) de l'article L. 344-5 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« 2° Et, pour le surplus éventuel, de l'aide sociale sans qu'il soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à l'obligation alimentaire à l'égard de l'intéressé. Les sommes ainsi versées ne font pas l'objet d'un recouvrement sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire, ni à l'encontre du bénéficiaire, lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune. »
« II. - Les pertes de recettes résultant, pour les départements du I, sont compensées par une augmentation, à due concurrence, de la dotation globale de fonctionnement. Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I sont compensées par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. About.
M. Nicolas About. J'ai été saisi récemment d'un dossier qui m'a révolté. Dans un département que je ne citerai pas parce que ce cas aurait pu se produire n'importe où en France, le conseil général a tenté de récupérer le petit capital d'assurance-vie que des parents avaient constitué pour leur enfant handicapé placé en institution. Après plus de dix ans de capitalisation, la somme s'élevait à 300 000 francs. Le conseil général, l'ayant appris, a immédiatement demandé que ce capital lui soit reversé, ruinant ainsi les efforts faits pendant des années par des parents en vue de constituer un capital dont pourrait profiter, à leur décès, leur enfant handicapé.
Est-ce là la réponse que nous avons voulue tout à l'heure en votant nos amendements ? Toute notre discussion a consisté à dire que la solidarité nationale devait venir en aide aux handicapés. Est-ce que, dès lors, il doit y avoir récupération sur le patrimoine laissé, à leur mort, par les parents ou, avant la mort de ces derniers, sur le petit capital qu'ils ont réussi à mettre de côté ? C'est là une véritable insulte à l'effort des parents de personnes handicapées ! C'est mettre ces parents, déjà frappés de désarroi, dans une situation de grande détresse : ils savent qu'ils partiront certainement avant leur enfant et que ce dernier aura alors besoin de ce capital mis de côté.
Je demande donc que, comme nous l'avons fait pour les handicapés qui vivent chez eux, toute récupération de l'aide sociale à l'encontre des personnes handicapées vivant en établissement de rééducation fonctionnelle, en centre d'aide par le travail et en foyer de vie soit supprimée, et que la perte pour les départements soit compensée par une dotation de l'Etat, celle-ci étant naturellement gagée par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Telle est la seule réponse acceptable après tout ce que nous avons affirmé depuis deux jours ! Ou alors, tous nos propos n'étaient que mensonges ! En effet, nous ne pouvons pas dire que le handicap relève de la solidarité nationale et, simultanément, envisager la récupération, sur le dos des familles, de l'aide accordée au titre de cette même solidarité nationale.
Adopter cet amendement serait manifester la volonté du Parlement de s'orienter vers la réforme de la loi de 1975.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 290 rectifié.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous voterons cet amendement, qui vise à supprimer toute récupération de l'aide sociale à l'encontre des personnes handicapées placées en établissement.
Notre collègue Nicolas About pose un problème qui a été largement débattu précédemment, lors de l'examen de la loi de modernisation sociale, de la loi relative à l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA.
A cette occasion, notre groupe avait déposé un certain nombre d'amendements destinés à calquer le régime de la récupération sur succession des personnes handicapées sur celui des personnes âgées.
En adoptant l'amendement n° 290 rectifié, nous mettrions fin à une inégalité.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je me réjouis de l'initiative de Nicolas About, qui n'est en définitive, comme l'a rappelé très justement M. Fischer, qu'un amendement de cohérence avec les dispositions adoptées par le Parlement concernant les recours sur succession.
C'est effectivement dans la loi de modernisation sociale et dans la loi relative à l'APA, dont j'ai été le rapporteur, que ces dispositions avaient été adoptées. Les associations de handicapés n'avaient pas manqué de réagir alors spontanément, ne comprenant pas qu'on puisse créer des situations différentes entre des catégories de personnes bénéficiaires de l'aide sociale ou de la solidarité nationale.
Je suis étonné par le fait que le Gouvernement n'émette qu'un avis de sagesse sur cet amendement. J'avais pensé que nous pouvions compter sur un avis nettement favorable à la proposition de notre collègue Nicolas About. J'espère en tout cas qu'une très large majorité se dégagera au sein de notre assemblée afin de montrer clairement à l'Assemblée nationale et à l'opinion publique la volonté du Sénat de faire jouer à fond la solidarité nationale à l'égard des personnes qui souffrent d'un handicap.
M. Bernard Cazeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Le groupe socialiste votera cet amendement pour les mêmes raisons que celles que M. Fischer a invoquées.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 290 rectifié, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant le titre Ier (avant l'article 1er).
L'amendement n° 291, présenté par M. About, est ainsi libellé :
« Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 58 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée : "Ces bulletins comportent obligatoirement la transcription du nom du candidat en braille". »
La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Cet amendement peut paraître anecdotique. Peut-être même l'est-il !
En son article 3, la Constitution précise que « le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret ». Par ailleurs, l'article L. 59 du code électoral dispose que « le vote est secret ».
Or les personnes non voyantes ne bénéficient toujours pas de la confidentialité du vote dans la mesure où, ne disposant pas de bulletins en braille, elles sont tenues d'être accompagnées par une tierce personne pour accomplir leur devoir civique. En ne respectant pas les principes édictés par la Constitution, ce sont les fondements mêmes de notre démocratie que nous mettons en péril. Offrir aux électeurs des bulletins portant une mention en braille permettrait de mettre un terme à cette inégalité.
Tout à l'heure, on nous a opposé l'inconstitutionnalité de certaines mesures. Nous sommes là dans une inconstitutionnalité totale.
On m'a dit que cette disposition coûterait horriblement cher : faute d'informations suffisantes sur son coût, je retire l'amendement. Cette prise en compte du handicap aurait pourtant été bien perçue à la veille de l'élection présidentielle.
Au demeurant, la considérant comme importante, d'autant qu'elle est déjà appliquée en d'autres pays, je souhaite qu'elle revienne en discussion lors du débat sur le handicap.
M. le président. L'amendement n° 291 est retiré.

Article additionnel avant l'article 1er