SEANCE DU 5 FEVRIER 2002


M. le président. L'amendement n° 102, présenté par M. Dériot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du second alinéa du texte proposé par le 1° du I de l'article 40 pour l'article L. 4133-6 du code de la santé publique, après les mots : "dotations publiques", insérer les mots : "versées par l'Etat". »
La parole est à M. Dériot, rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur. Cet amendement précise les conditions de financement du Fonds national de la formation médicale continue. Il prévoit que les dotations publiques - c'est un terme pour le moins imprécis, quelque peu sybillin - que recevra ce fonds seront versées par l'Etat et non par l'assurance maladie ou par les collectivés locales.
Une telle précision nous apparaît logique s'agissant d'un fonds qui est placé auprès du ministre de la santé et ayant à l'évidence une mission de santé publique.
On peut toujours dire que l'on peut prendre l'argent d'un côté ou de l'autre, puisqu'il s'agit toujours de l'argent des contribuables. Mais puisque la formation initiale des médecins, comme d'ailleurs celle des autres professionnels de la santé, est financée non par les caisses d'assurance maladie, mais par des dotations de l'Etat, il nous semble logique qu'il en soit de même pour la formation médicale continue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour des raisons exactement inverses de celles que vous venez d'exposer, monsieur le rapporteur.
Il ne faut pas limiter les possibilités de financement dans ce domaine qui concerne très particulièrement la maladie, le médecin et le malade ; bien sûr, l'Etat doit participer à la formation continue, et il s'y prépare.
Cela dit, l'intérêt primordial du système que nous avons présenté - vous l'avez reconnu, je crois bien - c'est qu'il va fonctionner, contrairement aux précédents qui ne fonctionnaient absolument pas.
Pourquoi, dans certains cas très précis, ne ferait-on appel qu'au budget, forcément limité, de l'Etat ? Pourquoi se priverait-on de financements complémentaires, en particulier de ceux de l'assurance maladie ?
M. Nicolas About, président des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est quelque peu risqué de laisser penser que les financements pourraient venir de l'assurance maladie.
La formation ne relève pas de l'assurance maladie.
De plus, si l'assurance maladie finançait la formation continue, elle pourrait exercer un contrôle dont on sait qu'il aurait forcément des visées strictement économiques, ce qui n'est pas souhaitable.
M. Alain Gournac. A chacun sa place !
M. Gérard Dériot, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur. Monsieur le ministre, j'ajoute qu'il est dangereux - constitutionnellement parlant - d'utiliser des fonds provenant du budget des caisses d'assurance maladie pour des dépenses qui ne sont pas liées à l'assurance maladie !
Par ailleurs, je me demande quelle part du financement relèvera de l'assurance maladie. Vous ne nous avez apporté aucune précision sur ce point.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 102.
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le ministre, je partage le point de vue de la commission des affaires sociales, mais je me demande, puisque les systèmes de financement seront ouverts, puisque l'Etat seul n'assumera pas la charge de la formation continue, quelle sera la part des laboratoires pharmaceutiques.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler que, en fait, les laboratoires pharmaceutiques financent très largement ce qu'ils considèrent, eux, comme de la formation médicale continue. Je ne parlerai ni des croisières... (Protestations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants)... Voyons, vous savez très bien que cela existe !
M. Jean-Pierre Godefroy. Moins qu'avant !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Cela a existé, mais n'en parlons pas.
Nous avons tous condamné la formation continue telle qu'elle a été mise en oeuvre par le passé, en particulier dans les domaines de la thérapeutique et des médicaments. Espérons que nous n'en reviendrons pas à de telles pratiques.
Plus précisément, monsieur le rapporteur, vous ne critiquez pas le fait que l'établissement français des greffes ou l'ANAES soient financés par l'assurance maladie, ce qui est tout à fait logique. Si nous menons une campagne de formation sur la nécessité des greffes d'organes, sur les progrès réalisés dans les transplantations hépatiques ou pancréatiques, pourquoi nous priverions-nous des ressources de l'assurance maladie ? Je pourrais multiplier les exemples, mais ce n'est pas la peine.
De la même manière, je le dis sans malice, nous avons décidé, vous avez décidé avec nous, que la prévention serait désormais financée par l'assurance maladie. C'est un progrès parce que l'Etat n'avait pas suffisamment d'argent pour financer l'amont de la maladie, l'amont de la prise en charge.
Je le dis sans aucune intention idéologique : il y a l'argent de l'assurance maladie, il ne faut pas s'en priver, nous risquerions de le regretter.
Pour ce qui est, monsieur Murat, du financement de la formation continue par les laboratoires, nous l'acceptons, mais encadré et contrôlé : désormais finies les croisières que j'ai évoquées !
M. Gérard Dériot, rapporteur. Dans quelle proportion ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je n'en sais rien. Vous me reprocheriez d'être dogmatique si je vous donnais un pourcentage ! Peut-être 25 %, 75 % ... Cela dépendra des sujets, des disponibilités, du dépannage qui sera fait dans un système ou dans l'autre. Il faut faire preuve de souplesse ! Je ne veux pas donner l'impresion de vous forcer à financer la formation à 80 % par l'assurance maladie. Ce n'est pas du tout cela. Mais je pense qu'il ne faut pas s'en priver, voilà tout !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce que j'entends est quelque peu surréaliste !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oh, quel compliment ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Voilà que vous voulez faire supporter la formation médicale continue par l'assurance maladie,...
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Une petite partie !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... qui est déjà déficitaire chaque année de 15 milliards de francs !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Sur 1 000 milliards de francs, ce n'est pas beaucoup !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais le problème qui se pose est celui de la gestion. Quand on n'a pas assez, comment peut-on donner plus ? Manifestement, ce n'est pas un problème pour le Gouvernement ! Il suffit de demander. On l'a vu avec le fonds Biotox.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Ah oui !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On n'avait plus rien, mais on a trouvé 1,3 milliard de francs pour le financer !
M. Alain Gournac. Nous les avons prêtés !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, l'Assemblée nationale ayant cassé la position du Sénat, on les donnés ! Mais comme on n'avait rien, ou plutôt si, on avait un trou, on a creusé un peu plus pour trouver ce 1,3 milliard ! Souvenez-vous du FOREC ou du Fonds de réserve pour les retraites !
L'assurance maladie devrait aussi financer - cela fait partie des créations à grands effets d'annonce - le fonds de promotion pour l'information médicale et médico-économique.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. C'est exact.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais il n'y a pas un franc dans le fonds !
Essayez-vous de nous duper en nous disant que l'on va, par une dotation, assurer la formation médicale continue ? Nous n'y croyons pas. Il n'y a même pas aujourd'hui le début du commencement du financement du fonds de promotion pour l'information médicale et médico-économique.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Il faut voter pour cela !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, vous venez un peu facilement - permettez-moi de vous le dire - de rappeler certaines dérives des laboratoires, dont je vous donne acte.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Ah !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais, au moment où le Gouvernement n'est pas capable d'assurer ni l'information sur le médicament ni la formation professionnelle, est-il bon de rappeler les insuffisances du passé des autres ?
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. D'autant que, actuellement, les vôtres sautent aux yeux trop cruellement !
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Par pitié, assumez ce qui est de votre ressort, mais ne faites pas peser sur l'assurance maladie, qui a déjà bien des difficultés, la formation professionnelle continue ! Pourquoi pas aussi, demain, le fonctionnement des facultés de médecine ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je ne veux pas allonger le débat, monsieur le président, mais permettez-moi de profiter de l'occasion pour dire non pas le fond - ce serait trop facile ! - mais une petite partie de ma pensée.
Qu'est-ce que l'assurance maladie par rapport au budget de l'Etat ? C'est un impôt ciblé, c'est-à-dire que, pour la première fois, les citoyens de ce pays, qui y vont, si j'ose dire, de leurs cotisations par l'intermédiaire de la CSG, savent à quoi il sert. J'ajoute que la CSG est maintenant étendue à l'ensemble des revenus,...
M. Guy Fischer. Pas assez !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. ... actions, propriétés, retraites - pour M. Fischer ce n'est évidemment pas assez ! - et en plus aux cotisations patronales !
Qu'y a-t-il d'incongru ou de surréaliste, monsieur le président de la commission, à faire appel aux fonds consacrés à la santé pour financer la santé ?
Evidemment, l'éducation est une tâche régalienne. Mais je connais des pays - je le dis avec précaution ! - où la formation est confiée à la santé ! Ce n'est pas une hérésie. Pour le moment, c'est l'éducation nationale qui est en charge d'une part très importante, mais incomplète, car où se forment les médecins ? A l'hôpital. Et qui paie l'hôpital ? L'assurance maladie !
M. Alain Gournac. Et les 35 heures !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Il n'y a donc aucune hérésie à proposer, comme je l'ai fait, le financement d'une toute petite partie : un dixième, cela paraît très peu. Mais arrêtons cette discussion. Ce qui est important, c'est de mettre en place la formation médicale continue qui, jusque-là, ne fonctionnait pas.
Ne voyez ni malice idéologique ni position extraordinairement rigide dans mon intervention. Le jour où, en tout paritarisme, le financement de l'assurance maladie et la distribution de ses ressources seront complètement transparents, on comprendra beaucoup mieux à quoi sert l'argent de cet impôt ciblé. Il est a priori tout à fait naturel, selon moi, qu'on se tourne vers l'Etat pour financer une dépense modeste en faveur de la formation médicale continue - elle ne sera d'ailleurs pas aussi modeste que cela. C'est tout ce que je voulais dire. J'ajoute qu'il est important de ne pas rigidifier le système.
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. J'ai écouté M. le ministre, qui nous a donné force arguments avec beaucoup d'éloquence. Je voudrais lui répondre sur deux points.
D'abord, je vais monter un comité de défense de l'assurance maladie ! (Sourires.) On a déjà utilisé les mêmes arguments pour les 35 heures : cela ne représente pas beaucoup, ce n'est pas anormal, etc. (M. le ministre lève les yeux au ciel.) Aujourd'hui, il est donc normal de prélever sur l'assurance maladie pour financer la formation médicale continue !
Je suivrai le rapporteur et le président de la commission des affaires sociales, qui ont parfaitement raison de dire qu'il ne faut pas aller dans cette direction.
Pour en revenir aux laboratoires dont vous avez parlé, permettez-moi de vous répondre - je ne me fais pas leur défenseur - qu'il est facile de caricaturer, comme vous l'avez fait, les relations qu'ils ont avec les médecins ! Ces derniers étaient pourtant bien contents que les laboratoires leur fournissent une formation qui - ne l'oublions pas -, dans nos campagnes notamment, n'était dispensée par personne ! Alors on peut toujours présenter les choses d'une manière caricaturale en parlant des voyages ! Mais les médecins étaient très heureux... (M. le ministre est dubitatif.)
Si, monsieur le ministre ! Demandez-leur ! Vous connaissez bien les médecins, puisque ce sont vos collègues.
Les voyages, je suis d'accord avec vous, il ne faut peut-être pas aller jusque-là ! Mais regardez les choses en face et suivez-moi dans le comité de défense de l'assurance maladie ! (Sourires.)
M. Bernard Cazeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Nous sommes soucieux de ne pas nous cantonner à une seule source de financement. Notre volonté est que la formation médicale continue fonctionne car - cela a été dit - elle est indispensable dans ce métier qui a beaucoup évolué ces dernières années et qui continue à évoluer de façon importante.
Nous ne faisons aucun sectarisme particulier par rapport à la sécurité sociale. Il me paraît normal, et même tout à fait judicieux, qu'elle contribue à la formation médicale continue dans des proportions à déterminer, d'autant que cette formation va permettre de faire des économies ; je pense à la prévention de certains cancers notamment.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Bien sûr !
M. Bernard Cazeau. Il faut, une bonne fois pour toutes, arrêter ce délire de nos collègues de droite sur le FOREC ! (Protestations sur les travées du RPR.)
On a vu dans quel état était la sécurité sociale à l'époque : elle était pratiquement au bord de la faillite !
M. Jean Chérioux. Fin 1993, oui !
M. Bernard Cazeau. Je ne veux pas refaire l'histoire !
MM. Paul Blanc et Alain Gournac. Oh non !
M. Jean Chérioux. N'ayez pas la mémoire sélective !
M. Bernard Cazeau. Non, j'ai en mémoire...
M. Jean Chérioux. Beaucoup trop sélective !
M. Bernard Cazeau. ... le déficit de l'époque !
M. Jean Chérioux. En 1993, c'était pis !
M. Bernard Cazeau. Mais, encore une fois, je ne veux pas refaire l'histoire !
M. le président. Mes chers collègues, nous avons un débat qui est intéressant et qui se déroule dans une bonne ambiance. Poursuivons-le dans les mêmes conditions !
Si vous voulez prendre la parole, je vous la donnerai, mais cessez d'interrompre l'orateur.
M. Cazeau, seul, a la parole.
M. Jean Chérioux. Mais on ne peut pas le laisser dire n'importe quoi !
M. Bernard Cazeau. Cessons, pour un oui ou pour un non, de reparler toujours du FOREC. Le problème dont nous débattons est autre et, dans le cas précis, la formulation du Gouvernement me paraît la meilleure.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je peux comprendre la position de M. le ministre quand il affirme que l'on peut prélever de l'argent sur l'assurance maladie.
Cela étant, je souhaite que l'on apporte une fois pour toutes une véritable réponse au problème de la formation professionnelle continue des médecins.
Il a, par exemple, été reproché à ces derniers - ceux de secteur 1, c'est vrai - de bénéficier d'une réduction de leurs cotisations par le biais des malades. Mais existe-t-il d'autres professions qui bénéficient de ce type d'avantages ? C'est donc bien fonction de certains engagements !
Il faudra, je crois, en venir à une vraie séparation, afin que la formation continue devienne une véritable entité. Or ce ne sera possible que dans le cadre d'une régionalisation de la santé. C'est la seule façon d'obtenir une véritable clarification, car tous les débats que nous pourrons avoir sur le sujet, même s'ils sont fructueux et s'ils nous donnent l'occasion de progresser, ne nous permettront pas de résoudre définitivement le problème.
M. Paul Blanc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le ministre, j'avoue que vous m'avez fait un peu de peine, en parlant de la formation professionnelle financée par les laboratoires. Certes, quelques dérives ont pu se produire, mais le médecin généraliste et rural que je suis se rappelle que, grâce aux laboratoires, des patrons venaient de Montpellier pour nous faire un peu de formation professionnelle après nos heures de travail, jusqu'à minuit, voire une heure du matin. Et le laboratoire qui avait contacté le patron nous offrait simplement des rafraîchissements et quelques petits fours. Ce n'est pas, me semble-t-il, aussi condamnable que vous avez l'air de le dire ! Sachez en tout cas que sans cette formation professionnelle, il n'y aurait rien eu d'autre.
J'en viens à l'argument qui consiste à dire que la formation est assurée par les hôpitaux sur le dos de la sécurité sociale. Vous savez aussi bien que moi, monsieur le ministre, sans le travail fourni par les externes et les internes qui, de surcroît, perçoivent des salaires dérisoires, combien de personnels faudrait-il pour permettre à nos hôpitaux de fonctionner ? C'est un argument d'autant plus mauvais que les étudiants en médecine et les médecins qui bénéficient de ces formations rendent en retour de fieffés services à la sécurité sociale et permettent de faire de sérieuses économies ! Ce débat n'est pas un bon débat !
Sur le fond, on ne peut pas continuellement demander à la sécurité sociale de tout financer. Par ailleurs, je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous parlez d'un impôt. La sécurité sociale est avant tout une assurance : l'assurance-maladie. Solidarité et mutualisation devraient être les maîtres mots de la sécurité sociale.
Quant aux dérives qui ont été constatées, il faudra, un jour, revenir dans le droit chemin et se rappeler l'esprit dans lequel a été créée initialement la sécurité sociale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre. M. Bernard Kouchner, ministre délégué. J'aimerais bien conaître vos recettes. Je les cherche depuis longtemps ! Je suis sûr que vous améliorerez le fonctionnement du système de santé dès que vous le pourrez !
Réunir le soir quelques confrères pour parler était une activité à la fois conviviale et nécessaire et qui - pourquoi pas ? - apportait des informations.
Vous n'êtes pas naïf, monsieur Blanc, moi non plus ! Je sais très bien que les laboratoires agissaient non pas par philanthropie, mais parce que suivait le couplet sur la thérapeutique, lequel était d'ailleurs orchestré par un professeur venu d'ici ou d'ailleurs, et tout cela allait dans le sens du laboratoire.
M. Bernard Murat. C'est toujours comme ça !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Nous sommes tous responsables de cette situation, les médecins, l'Etat. A l'époque, l'organisation de la formation médicale continue était tellement compliquée que cela ne fonctionnait pas. Je vais vous citer un exemple pour vous montrer que je ne suis pas du tout en train de pourfendre des vérités premières.
La CSG est un impôt : elle représente 60 % du budget de la sécurité sociale, les 40 % restants étant constitués par la part patronale. J'aimerais que l'on sache beaucoup mieux quelle est l'affectation précise des sommes versées, comme dans n'importe quelle association ou fondation. J'espère qu'un jour on le saura !
Je prendrai l'exemple des antibiotiques, monsieur Blanc. L'antibiothérapie est beaucoup trop répandue dans notre pays et elle entraîne, vous le savez, des résistances microbiennes. Le pneumocoque est résistant dans les établissements hospitaliers à 50 % ; c'est le record d'Europe. Record d'Europe de la consommation antibiotique, record d'Europe de la résistance microbienne ! Evidemment, ce n'est pas un hasard puisque l'un correspond à l'autre. Cet acharnement prescriptif est dû au fait que l'on a imposé l'antibiothérapie.
J'ai essayé de proposer un plan pour une réduction mesurée : 10 %, 15 %, 20 %. J'ai suggéré le streptotest. La réaction a été assez négative, parce que les habitudes sont prises.
Si nous pouvions assurer la formation médicale continue avec la participation des laboratoires, mais en l'encadrant - elle serait dispensée d'une façon fraternelle, si j'ose dire - cela représenterait une amélioration.
Cela a été vrai dans un sens ; cela pourrait être vrai dans l'autre : la diminution des antibiotiques réduirait la résistance microbienne, laquelle conduit, vous le savez, à un certain nombre d'affections, parfois mortelles.
M. Paul Blanc. Ce sont les malades qui le demandent !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Ce n'est pas parce que les malades demandent des antibiotiques qu'on a raison de leur en donner ! Vous avez voulu qu'ils participent et qu'ils ne décident pas. C'est le cas ! (M. Paul Blanc s'exclame.)
M. Guy Ficher. Et le médecin, il est formé ou non ?
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. On ne peut pas, surtout au Sénat, faire preuve en permanence d'une mémoire sélective !
Certaines dates ont été avancées ; j'en ai avancé d'autres ; c'est un petit jeu qui n'amuse que nous. Il faut être sérieux ! Il y a une certaine continuité de l'Etat : tout à l'heure, M. le ministre faisait allusion à la fois à ce qu'ont fait avant lui d'autres gouvernements et à ce que feront après lui d'autres gouvernements. Cessons de parler de déficit enregistré à telle ou telle date ! (Exclamations sur les travées socialistes.) C'est trop facile !
M. Bernard Cazeau. Alors, arrêtez avec le FOREC !
M. Paul Blanc. Le FOREC risque de durer longtemps !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oublions le FOREC !
M. Francis Giraud, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Giraud, rapporteur.
M. Francis Giraud, rapporteur. Monsieur le ministre, vous venez de faire allusion à l'utilisation excessive, dans le pays en général et dans les hôpitaux en particulier, des antibiotiques. Vous avez certainement raison sur le plan de la quantité des produits distribués. Mais je ne partage pas tout à fait le sens de votre propos. Que les laboratoires jouent un rôle, qui n'est pas innocent, dans le fait que les médecins - il s'agit de prescriptions médicales - prescrivent sans doute trop d'antibiotiques, je vous en donne acte. Mais si l'on veut vraiment évoquer le problème, il faut dire qu'il n'y a pas que cela, et vous le savez fort bien. Et nous revenons, monsieur le ministre, au titre Ier du projet de loi dont nous avons débattu et qui concerne la relation entre médecins et malades.
M. Paul Blanc. Exactement !
M. Francis Giraud, rapporteur. Si les patients, les usagers, les citoyens - appelez-les comme vous le voulez - avaient une réelle confiance en leur médecin, la situation serait différente. Pourquoi le médecin qui décèle chez un enfant une rhinopharyngite, qui comprend très bien qu'elle est d'origine virale et que l'antibiotique n'y fera évidemment rien, sauf à créer des résistances, prescrit-il des antibiotiques ? Vous connaissez la réponse : c'est parce que l'usager, le patient, le citoyen l'exige plus ou moins. Il est le premier à dire : « Docteur, vous ne donnez pas d'antibiotiques ? »
M. Marcel Lesbros. « Il ne m'a rien prescrit ! »
M. Francis Giraud, rapporteur. Et le médecin qui ne prescrit pas d'antibiotiques est un mauvais médecin ! Alors que si la confiance était rétablie, le médecin dirait : « C'est viral, donnez un peu d'aspirine et un bol de tisane à l'enfant. »
Les médecins et les laboratoires travaillent ensemble, vous le savez. Dans le service hospitalier que j'ai eu l'honneur de diriger pendant de longues années, nous avons constaté une dérive. Les laboratoires ont une part de responsabilité dans cette dérive, mais la société française et les médecins également. Attention à ne pas faire de procès à sens unique ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il est clair que nous sommes presque d'accord...
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Nous sommes d'accord !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... pour réaffirmer que la formation professionnelle doit relever de fonds publics, c'est-à-dire de l'Etat.
Nous sommes surtout inquiets, je le répète, de voir les partenaires sociaux auxquels est confiée l'assurance-maladie obligés de répondre sans cesse à des demandes nouvelles fixées par la loi chaque année, sans raison particulière et sans qu'ils en aient nécessairement discuté entre eux. Soit on attache beaucoup de soin au respect du paritarisme et on laisse les partenaires sociaux débattre de l'utilisation des fonds qu'ils ont collectés, soit on la leur impose, mais telle n'est pas la volonté du Sénat. Je ne citerai pas les cas où l'on a tenté d'imposer à l'assurance-maladie des dépenses qui ne relevaient pas de son domaine. Il faut arrêter ! Nous pourrons peut-être en reparler le jour où l'assurance-maladie sera en équilibre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Elle est en équilibre !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 333 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par le 1° du I de l'article 40 pour l'article L. 4133-6 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :
« Les agents du Fonds national de la formation médicale continue sont régis par les dispositions des articles L. 5323-1 à L. 5323-4. »
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Le présent amendement a pour objet de préciser les catégories de personnel auxquelles le Fonds national de la formation médicale continue pourra faire appel. Comme pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué par l'article 58 du projet de loi, il est proposé de retenir les mêmes règles que celles qui sont applicables aux personnels de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. Il est logique que le personnel du Fonds national de la formation médicale continue ne soit pas seulement constitué de fonctionnaires. Le fonds doit également pouvoir faire appel à des contractuels de droit privé, comme c'est actuellement le cas pour la plupart des établissements publics compétents en matière de santé publique.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 333 rectifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 4133-6 du code de la santé publique.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 4133-7 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE