SEANCE DU 5 FEVRIER 2002


M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 141, présenté par M. Dériot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Après le texte proposé par l'article 49 pour l'article L. 4393-3 du code de la santé publique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. 4393-4. - Les conditions d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Ce décret détermine notamment les conditions dans lesquelles des instances interrégionales peuvent se substituer aux instances régionales, ainsi que les conditions d'organisation et de fonctionnement desdites instances interrégionales. »
L'amendement n° 397, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après le texte proposé par l'article 49 pour l'article L. 4393-3 du code de la santé publique, insérer deux articles additionnels ainsi rédigés :
« Art. L ... - Lorsque, pour une ou plusieurs professions, le nombre de professionnels exerçant dans la région est inférieur à un seuil fixé par voie réglementaire, les instances régionales sont remplacées par des instances interrégionales, dont les attributions, la composition et les règles de fonctionnement sont identiques à celles des instances régionales.
« Art. L ... - Les conditions d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Ce décret fixe le ressort territorial des instances interrégionales. »
La parole est à M. Dériot, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 141.
M. Gérard Dériot, rapporteur. Cet amendement vise à autoriser les instances régionales de l'ordre à s'organiser sur une base interrégionale. Cela paraît nécessaire dans la mesure où, dans certaines régions, la faiblesse des effectifs des professions rendra très difficile l'organisation des instances ordinales.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 397 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 141.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je suis tout à fait favorable à l'ouverture d'une possibilité de regrouper plusieurs régions afin de constituer des instances interrégionales. Il est probable en effet que, dans certaines régions, les professions à faible effectif n'auront pas assez de candidats pour être convenablement représentées.
Cependant, l'amendement n° 141 me paraît présenter plusieurs difficultés.
Tout d'abord, il laisse entendre que les pouvoirs réglementaires pourraient fixer, pour les instances interrégionales, des conditions d'organisation et de fonctionnement différentes de celles des instances régionales, alors que celles-ci doivent être identiques, au moins en ce qui concerne les décisions prises à l'égard des professionnels.
De plus, les règles de composition des juridictions relèvent de la loi et non du pouvoir réglementaire. Or les chambres disciplinaires ont la nature de juridiction.
Le Gouvernement a donc déposé un amendement.
Le projet de loi pose le principe d'instances régionales et l'amendement n° 397 a pour objet d'ouvrir la possibilité de regrouper plusieurs régions afin de constituer des assemblées interprofessionnelles et des collèges professionnels interrégionaux. Ces instances interrégionales auront les mêmes compétences, les mêmes compositions et les mêmes règles de fonctionnement que les instances régionales.
Le pouvoir réglementaire aura seulement à déterminer le seuil d'effectif qui entraîne la création d'instances interrégionales et à fixer le ressort territorial de ces instances.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elles seront alors regroupées de façon arbitraire !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 397 ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. Cet amendement est en fait similaire à l'amendement n° 141 de la commission des affaires sociales.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui !
M. Gérard Dériot, rapporteur. Il est même plus précis, et répond au souci de créer des instances interrégionales pour garantir le fonctionnement effectif de l'ordre.
En conséquence, la commission des affaires sociales se rallie à cet amendement et retire l'amendement n° 141.
M. le président. L'amendement n° 141 est retiré.
Je vais mettre voix l'amendement n° 397.
M. Paul Blanc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Si l'amendement n° 397, ainsi que l'amendement n° 141 qui vient d'être retiré, peut paraître anodin, je ne peux néanmoins m'empêcher de me demander si, au fond, il ne vise pas à dessiner un autre aménagement du territoire français, avec un regroupement des régions et donc, un jour, des régions beaucoup plus importantes, tels les Länder allemands.
Par conséquent, je ne voudrais pas que, en votant cet amendement, nous mettions le doigt dans l'engrenage d'un nouveau paysage, à un nouveau découpage de la France fondé, par exemple, sur des critères paraissant tout à fait ridicules, tels ceux des préfixes téléphoniques de France Télécom - 01, 02, 03, 04, 05 et 06 -, et que, ainsi, nous aboutissions à la création de six régions.
Je voudrais donc être assuré que, derrière cet amendement, ne se cache pas quelque arrière-pensée de l'énarchie ou de ceux qui ont une autre vision de l'aménagement du territoire français. C'est une interpellation que, à l'occasion de la discussion de votre amendement, je me permets de vous adresser, monsieur le ministre.
M. Jacques Blanc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Je voudrais attirer l'attention sur les propositions de M. Jean-Louis Guigou, délégué à la DATAR, qui a failli créer de grandes difficultés lors de la discussion de la loi Pasqua en présentant des cartes figurant de nouvelles régions. Or il n'a pas abandonné ses projets, et c'est en permanence que sont relancées des idées que je qualifierai de folles.
Au moment où, en France, les régions ont besoin d'être confortées - nous sommes en effet en retard par rapport aux autres pays d'Europe -, plus enracinées, et de voir leur existence mieux perçue par la population, croyez-vous opportun d'aller dans le sens des conceptions d'un technocrate dangereux et de proposer des interrégions ?
Je suis favorable aux coopérations volontaires interrégionales. Ainsi, dans la région Languedoc-Roussillon, nous sommes ouverts vers Provence-Alpes-Côte-d'Azur, vers Midi-Pyrénées, ainsi que vers la Catalogne - nous croyons en effet aux euro-régions - , mais nous ne voulons pas d'un système nous faisant perdre notre âme. Si deux régions souhaitent fusionner - cela peut arriver -, elle le feront. Mais ne laissons surtout pas se développer par la bande un système qui remettrait en cause la chance que représentent les régions.
En matière de santé, monsieur le ministre, il est dommage que l'on n'aille pas plus loin vers une véritable régionalisation. Je pense en effet que, demain, pour répondre aux vrais problèmes des évolutions, aux problèmes des femmes et des hommes de notre pays, nous serons appelés à développer les responsabilités vraies au niveau régional.
Pour l'instant les agences régionales d'hospitalisation dépendent totalement du pouvoir central.
M. Claude Domeizel. Vous êtes hors sujet !
M. Jacques Blanc. Je crois à la régionalisation. Alerté par les propos de mon confrère, collègue, ami et homonyme Blanc, je me permets d'apporter une modeste contribution à notre réflexion : non aux schémas qui traînent à la DATAR ! Quels que soient les gouvernements, ce sont les mêmes schémas qui resurgissent ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Avec beaucoup de précautions, je dirai qu'il y a comme un complot entre MM. Blanc - « confrères, collègues, amis et homonymes » - que, franchement, je ne devinais pas ! (Sourires.)
Tout d'abord, je ferai remarquer à MM. Blanc-associés que l'expression « technocrate dangereux » est un pléonasme ! (Rires et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Mais je ne sais pas si cette formule s'adresse à l'excellent rapporteur M. Dériot...
M. Jacques Blanc. Oh non !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. ... ou M. Guigou, ce que je ne saurais tolérer !
M. Dériot et moi-même ne pouvons être soupçonnés d'aucune arrière-pensée. Croyez bien qu'au contraire nous allions dans le sens du premier sénateur Blanc par rapport au second ! L'amendement n° 397 vise simplement à la représentation des petites professions - elles sont petites au sens non pas de l'intérêt de la profession, mais de leur effectif - et rien d'autre. On note en effet, en termes d'effectifs, des différences extraordinaires : ainsi, les orthoptistes sont seulement 2 100 en France !
Ne voyez donc aucune malice, aucune volonté de faire disparaître la représentation d'une région par rapport à une autre. Sûrement pas !
M. Jacques Blanc. Vous n'êtes pas sous l'influence de Guigou, tant mieux !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je le suis, monsieur, et je m'en vante ! (Rires.)
M. Gérard Dériot, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dériot, rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur. Je vais aller tout à fait dans le sens de M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Et pourtant, vous ne subissez pas la même influence !
M. Gérard Dériot, rapporteur. Monsieur Jacques Blanc, les présidents de conseils régionaux n'aiment pas être englobés dans d'autres instances. Je serai donc tout particulièrement vigilant pour éviter ce genre de regroupement.
Cela étant dit, l'amendement n° 141 que j'ai retiré visait simplement à prendre en compte la réalité des choses : quand les professionnels ne sont pas assez nombreux dans une catégorie, il faut bien arriver à les regrouper. C'est en ce sens que j'avais personnellement présenté à la commission l'amendement n° 141.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En l'espèce, tout le monde a raison, que ce soient les sénateurs Blanc,...
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Les sénateurs Blanc réunis ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales... M. le rapporteur ou M. le ministre. Il faut essayer de rendre le système fonctionnel.
Cela étant, ne peut-on pas donner satisfaction à M. Jacques Blanc au sujet de la prise en compte de l'identité régionale et ne pas s'amuser, en profitant du décret, à réunir des régions qui, a priori, n'ont pas forcément grand-chose à voir les unes avec les autres ?
Si j'étais président de conseil régional, j'aurais peut-être inspiré un sous-amendement tendant à soumettre la réorganisation interrégionale à l'avis des présidents de conseils régionaux.
M. Jacques Blanc. Parfait !
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Jacques Blanc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, je dépose un sous-amendement à l'amendement n° 397, afin d'ajouter, à la dernière phrase les mots : « après avis des présidents de conseil régionaux. »
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 431, présenté par M. Jacques Blanc, et qui est ainsi libellé :
« Ajouter à la fin de l'amendement n° 397 les mots : "après avis des présidents de conseils régionaux concernés". »
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. Le sous-amendement n'enlève rien, mais pourquoi ne pas prévoir aussi l'avis des présidents de conseils généraux ?
Plusieurs sénateurs sur diverses travées. Et des maires !
M. Bernard Cazeau. Et des présidents de structures intercommunales ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Et de comités de quartier ! (Rires.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur le président, je constate qu'il n'y a pas que les technocrates qui soient dangereux ! (Sourires.)
Moi, je vous parlais de nos 2100 orthoptistes, et voilà qu'il est maintenant question de saisir pour avis, sur des problèmes strictement professionnels, les présidents de conseils régionaux, voire de conseils généraux ! Ce n'est pas sérieux ! On ne va tout de même pas demander à ces élus de se prononcer sur une question qui relève des professionnels !
M. le président. Il est évident que personne ici ne veut d'un « mammouth » ! (Sourires.)
Monsieur Blanc, je me permets de vous faire observer que, selon le texte proposé, les conditions d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Il va de soi que le débat qui vient de se dérouler ici sera pris en compte. Dès lors, vous avez tout de même certaines garanties. Tenez-vous donc vraiment à ce sous-amendement ?
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, puisque ce qui est dit dans cette enceinte sert de référence, je n'ai plus qu'à suivre votre sage conseil : je retire ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 431 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 397, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après le texte proposé pour l'article L. 4393-3 du code de la santé publique.

ARTICLE L. 4394-1 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE