SEANCE DU 6 FEVRIER 2002


M. le président. L'amendement n° 341, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, après les mots : "produits de santé", insérer les mots : ", à l'état de produits finis,". »
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. L'article L. 1142-2 qui définit le champ de l'assurance de responsabilité civile vise notamment les « producteurs, exploitants et fournisseurs de produits de santé mentionnés à l'article L. 5311-1 » du code de la santé publique, c'est-à-dire l'ensemble des produits relevant de la compétence de l'AFSSAPS l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, à l'exclusion des produits de désinfection des locaux, des lentilles non correctrices et des produits cosmétiques.
Cette définition aboutit à imposer l'obligation d'assurance à tous les fabricants intervenant dans les différentes étapes de la fabrication d'un produit de santé, ce qui est de nature à majorer le coût de l'assurance car chaque intervenant est ainsi susceptible d'indemniser en totalité les victimes d'un défaut du produit fini.
Mais, partant du constat que l'indemnisation des victimes peut être correctement assurée par l'obligation de souscrire une assurance imposée au seul producteur du produit fini, cet amendement a donc pour objet d'ajouter les termes : « , à l'état de produits finis » après les mots « produits de santé ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement vise à limiter l'obligation d'assurance aux seuls producteurs de produits finis, ce qui est suffisant pour indemniser les éventuelles victimes. La commission y est donc favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 341, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 343, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, après les mots : "à l'exclusion des", insérer les mots : "5°, sous réserve des dispositions de l'article L. 1222-9,". »
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué Cet amendement a pour objet d'exclure du champ de l'obligation d'assurance les produits sanguins labiles. Ainsi, l'Etablissement français du sang, ou EFS, sera exonéré de son obligation d'assurance à l'égard des receveurs : en cas d'accident médical, c'est l'EFS lui-même qui indemnisera les préjudices subis par les victimes. Toutefois, l'EFS reste soumis à une obligation d'assurance à l'égard des donneurs de sang.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 343, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 209, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, après les mots : "responsabilité civile", supprimer les mots : "ou administrative". »
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel : il est habituellement d'usage de parler d'« assurance en responsabilité civile », qui couvre la responsabilité civile et la responsabilité administrative.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable, car il lui a été affirmé le contraire à l'Assemblée nationale.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 209, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 210 est présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 251 est présenté par M. Fauchon, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Après le premier alinéa du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les contrats d'assurance souscrits en application de l'alinéa précédent peuvent comporter des limitations quant aux montants et à la durée de la garantie. Les limitations minimales de garanties sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
L'amendement n° 342 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'article 58 pour l'article L.1142-2 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :
« Les contrats d'assurance peuvent prévoir des plafonds de garantie. Un décret pris en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles le montant de la garantie peut être plafonné pour les professionnels de santé exerçant à titre libéral. »
La parole est à M. Lorrain, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 210.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission des affaires sociales est favorable à cet article qui reprend d'ailleurs les principes fixés par l'article 60 de la proposition de loi de M. Claude Huriet, adoptée le 26 avril 2001.
Cet article a cependant suscité une certaine inquiétude parmi les assureurs des professionnels et des établissements de santé, qui font valoir les risques financiers qu'entraîneraît pour eux cette obligation d'assurance. Il serait en effet inutile de prévoir une obligation d'assurance si aucun assureur n'est plus disposé à couvrir un tel risque ! C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous propose d'adopter à cet article un amendement prévoyant que ces « contrats d'assurance... peuvent comporter des limitations quant aux montants et à la durée de la garantie. Les limitations minimales de garantie sont fixées par décret en Conseil d'Etat ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 251.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Nous sommes tous conscients du fait que, d'une manière générale, les progrès de nos sociétés, dans tous les domaines ou à peu près, ne se font que grâce aux systèmes d'assurance ; on ne le dira jamais trop !
Encore faut-il que les assurances soient possibles. Il y a, en effet, des limites qu'il faut admettre ; il ne faut pas tenter l'impossible et créer une situation aboutissant au désengagement des assurances, en raison de risques incalculables qui dépassent les possibilités d'assurance. Une telle situation semble d'ailleurs s'esquisser dans certains secteurs. C'est là un problème auquel on se trouve actuellement confronté sur le plan mondial et auquel il faudra certainement continuer à réfléchir.
Quoi qu'il en soit, dans l'immédiat, la commission des lois considère raisonnable de fixer des limitations s'agissant tant des indemnités, qui seront certainement élevées, que de la durée de garantie, même si une petite incertitude subsiste dans mon esprit à cet égard.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 342 rectifié et pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 210 et 251.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. L'amendement n° 342 rectifié vise à préciser que l'assurance à laquelle devront souscrire les professionnels et les établissements concernés sera encadrée par des plafonds de garantie.
S'agissant des établissements et des producteurs de produits de santé, le plafond sera déterminé par voie contractuelle. En revanche, en ce qui concerne les professionnels de santé exerçant à titre libéral, un niveau minimal de garantie sera fixé par décret en Conseil d'Etat afin de faciliter l'adéquation de la couverture d'assurance à l'activité de chaque praticien.
Le Gouvernement, compte tenu du dépôt de cet amendement, émet un avis défavorable sur les amendements n°s 210 et 251, même si, monsieur le rapporteur pour avis, je ne suis pas hostile au raisonnement général consistant à dire qu'il ne faut pas exagérer.
Il est évident que les choses doivent s'équilibrer. Mais, dans le cas présent, nous avons beaucoup travaillé, et ces plafonds de garantie devraient permettre de bien encadrer les contrats d'assurance de responsabilité civile médicale. Voilà pourquoi j'ai la faiblesse de préférer mon amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 342 rectifié ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission considère que les deux amendements identiques n°s 210 et 251 sont plus complets dans la mesure où ils prévoient une limitation dans la durée. Elle émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 342 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 210 et 251, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 342 rectifié n'a plus d'objet.
L'amendement n° 392, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'assurance des établissements, services et organismes mentionnés à l'alinéa précédent couvre leurs salariés agissant dans la limite de la mission qui leur a été impartie, même si ceux-ci disposent d'une indépendance dans l'exercice de l'art médical. »
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Cet amendement vise à constater une évolution récente de la jurisprudence : selon une décision de la Cour de cassation de 1995, la responsabilité civile des salariés d'un établissement de santé qui disposent d'une certaine indépendance dans l'exercice médical peut être engagée. C'est notamment le cas des sages-femmes, avec lesquelles j'ai entamé de longues discussions, des dentistes et, bien entendu, des médecins salariés.
Cette évolution a entraîné une augmentation importante des primes d'assurance des professionnels concernés, augmentation à laquelle ils ne peuvent faire face. Par exemple, les primes pour une sage-femme peuvent atteindre le montant de son salaire mensuel, ce qui est tout de même excessif !
Si la plupart des compagnies d'assurance proposent aux établissements concernés une garantie couvrant également ces salariés, ce n'est pas le cas de tous les assureurs. Il devient dès lors indispensable de prévoir cette obligation dans la loi afin de protéger ces salariés qui, sinon, ne pourraient pas travailler.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 392, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 211 est présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 252 est présenté par M. Fauchon, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« A la fin du second alinéa du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, remplacer les mots : "à l'alinéa précédent" par les mots : "au premier alinéa". »
La parole est à M. Lorrain, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 211.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 252.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Le duo se poursuit... (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Le Gouvernement approuve ce duo (Nouveaux sourires) , et émet un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 211 et 252, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 366, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-2 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de manquement à l'obligation d'assurance prévue au présent article, l'instance disciplinaire compétente peut prononcer des sanctions disciplinaires. »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Nous terminons l'examen du texte proposé pour l'article L. 1142-2 du code de la santé publique instituant une obligation d'assurance à la charge des professionnels de santé exerçant à titre libéral, des établissements de santé, services de santé, etc.
Les deux commissions, relayant les inquiétudes des assureurs, proposent de limiter dans le temps et en termes de montant les garanties offertes, l'objectif étant de ne pas mettre en péril l'assurance médicale.
Dans la pratique, comme on le sait, la grande majorité des professionnels est assurée. Cette disposition aura donc des effets limités pour les assureurs, spécialisés ou non dans le domaine médical.
Pour les professionnels - échographistes, anesthésistes, obstétriciens... - considérés par les assureurs comme générateurs de grands risques, le bureau central de la tarification devrait jouer son rôle de régulateur et contenir les exigences des compagnies.
Qui dit obligation d'assurance dit, comme dans les autres domaines où l'assurance est obligatoire, sanction en cas de non-respect. Le premier projet de loi prévoyait des sanctions disciplinaires lors de manquement à cette obligation d'assurance. Notre amendement vise à réintroduire cette possibilité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Sagesse.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 366, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement est adopté à l'unanimité.
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 1142-2 du code de la santé publique.

(Ce texte est adopté.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.