SEANCE DU 17 JUILLET 2002


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Emmanuel Hamel, pour explication de vote.
M. Emmanuel Hamel. En 1997, j'avais osé, ce qui me fut vivement reproché par certains, voter l'amendement de financement des emplois-jeunes, proposé par Mme Aubry. A plus forte raison aujourd'hui, je voterai, monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous proposez, en espérant que vous allez persévérer dans cette voie du soutien à l'emploi des jeunes avec l'esprit qui vous anime de volonté de progrès social. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon intervention lors de la discussion générale, nous avons accueilli avec intérêt votre texte, l'enjeu en étant l'emploi des jeunes en difficulté d'insertion.
Tout au long du débat, nous avons souhaité que vous donniez un signe positif en faveur d'un complément de formation professionnelle, qualifiante et générale.
Vous n'avez pas cru devoir le faire, et vous nous avez présenté un certain nombre d'arguments qui ne nous ont pas tout à fait convaincus.
Toutefois, un vote contre ce projet de loi exprimerait une défiance au regard d'un dispositif que nous estimons bénéfique pour une fraction de notre jeunesse.
Aussi, la très grande majorité de mes amis radicaux de gauche s'abstiendra et, pour ce qui me concerne, ce sera une abstention bienveillante.
M. Eric Doligé. Quel ministre !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Au nom de la sensibilité que je représente, je veux dire que la majorité sénatoriale a toujours défendu la nécessité d'alléger les charges sociales pour favoriser l'emploi. Notre pays détient, en effet, un triste record en termes de poids des prélèvements sociaux.
Aujourd'hui, le Gouvernement nous propose de suivre cette démarche dans le cadre tout particulier de l'emploi des jeunes les moins diplômés. Nous ne pouvons donc, et vous n'en doutez pas, que partager cette volonté qui, je tiens à le rappeler, s'inscrit dans le droit-fil des propositions qui ont été faites par le Président de la République durant la campagne présidentielle et qui ont été confirmées lors de la campagne pour les éléctions législatives.
Quels défis nous sont lancés ?
Il s'agit tout d'abord d'un défi économique, celui de combattre un taux de chômage des jeunes qui est très au-dessus de la moyenne nationale tous âges confondus - on parle d'un taux de 30 % . Notre excellent rapporteur Louis Souvet nous a d'ailleurs dressé un bilan exhaustif et alarmant de ce phénomène.
Mais nous devons aussi relever un défi humain. Comme l'ont souligné plusieurs orateurs, il s'agit d'offrir une nouvelle chance à ces jeunes. Confrontés à la spirale de l'échec scolaire, ils se voient enfin concrètement proposer un emploi salarié, de droit commun, solvable, dans le secteur marchand concurrentiel, un emploi qui leur offre dignité et autonomie.
Le débat de cet après-midi a été riche, et je tiens à remercier chaleureusement M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, pour la qualité de la discussion. Vous avez fait preuve, monsieur le ministre, d'une écoute attentive très appréciable à l'égard des interrogations et des propositions de la Haute Assemblée, et je tenais à le souligner.
Ainsi, sur l'initiative de notre excellent rapporteur, M. Louis Souvet, qui a effectué un travail remarquable - mais qui s'en serait étonné ? -, le Sénat a amélioré le texte sur différents points importants.
Il a d'abord consolidé la sécurité juridique du dispositif en soulignant qu'il s'agit d'un soutien de l'Etat équivalent, pour l'employeur, à une exonération de charges. En pratique, l'employeur sera toujours tenu de payer ces charges, mais elles lui seront remboursées par l'Etat sur une base forfaitaire.
En outre, le champ d'application du dispositif est étendu aux établissements employant plus de 250 salariés, parce que, comme nous l'avons souligné, les grandes entreprises sont bien armées pour accueillir dans les meilleures conditions les jeunes les moins qualifiés. Elles sont à même de leur offrir de vraies perspectives d'insertion professionnelle, car elles peuvent facilement organiser un accompagnement du jeune dans l'entreprise.
Le Sénat a mieux encadré le recrutement à temps partiel, qui devra être au moins à mi-temps.
Il a également mis en place un accompagnement du jeune dans l'entreprise, par le tutorat et l'établissement de bilans de compétences, dont les modalités seront à définir par les partenaires sociaux dans chaque branche.
Enfin, le Sénat a réfléchi de manière approfondie à l'effort de formation qui est indispensable, en souhaitant que les négociations interprofessionnelles sur la formation professionnelle reprennent de façon constructive.
Le groupe du RPR considère que le présent projet de loi offre une réponse forte et rapide aux difficultés d'empoi des jeunes les moins qualifiés et que le texte possède trois qualités qui manquent trop souvent à notre législation : il est simple, lisible, mais également souple.
C'est pourquoi le groupe du RPR votera ce texte avec enthousiasme et détermination. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les débats de cet après-midi ont été très instructifs. Ils ont permis de mesurer combien la volonté du Gouvernement est grande quand il s'agit de mettre en place le dogme de la baisse des charges au nom de l'emploi, en l'occurrence de celui des jeunes non qualifiés.
L'ennemi désigné et responsable du chômage, c'est, pour votre gouvernement, à la fois les charges sociales, le montant des salaires, les droits des salariés, les impôts, et j'en passe.
En un mot, il nous a été parfaitement expliqué que l'heure est venue de libérer les énergies, celles du MEDEF, pour des intérêts exclusivement financiers.
Tout ce qui peut organiser des droits à la formation est balayé d'un revers de main. Tout ce qui peut s'inspirer d'un tutorat efficace et formateur est également écarté.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, avec une grande franchise, que ce dispositif d'allégement des charges constitue la première étape d'un allégement général. C'est là précisément ce que nous dénonçons, comme je l'ai démontré dans mon intervention lors de la discussion générale.
L'élan libéral nouveau que vous donnez par ce premier texte de la législature est, d'évidence, un signe fort envoyé au MEDEF. Il le réclamait, il l'obtient d'emblée.
M. Emmanuel Hamel. Il est obsédé !
M. Roland Muzeau. Le MEDEF obtient encore un peu plus de la majorité sénatoriale avec la suppression du seuil de l'effectif de 250 salariés. La problématique posée par les PME, qui méritait objectivement d'être débattue, n'a pas survécu longtemps.
Les vannes sont désormais grandes ouvertes. Les principaux groupes industriels vont pouvoir se servir des fonds publics. De la spécificité des artisans et des petites entreprises, il ne reste rien.
Néanmoins, je me réjouis, monsieur le ministre, que nous ayons pu sinon vous convaincre, du moins vous mettre en difficulté sur l'amendement téléguidé d'exclusion des effectifs pendant deux ans des jeunes recrutés au titre de ce dispositif.
Pour le reste, que dire des mots qui dérangent, comme celui d'« exonération », remplacé par le mot plus présentable de « soutien » ? Nous ne pouvons que sourire de ces changements qui démontrent que malgré tout, sur le fond, l'exonération patronale n'est plus vraiment populaire.
Vous avez confirmé la suppression des emplois-jeunes, y compris dans les quartiers difficiles et dans l'éducation nationale. Vous excluez ainsi près de 100 000 jeunes qui viendront massivement grossir les rangs des chômeurs.
Avec cette mesure, vous supprimez aussi des services publics qui sont pourtant vite apparus indispensables dans les écoles, les collèges, les lycées et les quartiers. Je vous rappelle que les membres de mon groupe demandent depuis longtemps l'intégration de ces métiers dans le statut de la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale.
Le dispositif que vous nous proposez, dégradé encore à l'issue de nos débats, amplifiera les dégâts résultant des mesures d'allégement de charges qui, depuis des années, déstructurent le marché de l'emploi et pèsent si négativement sur le niveau général des salaires et du droit du travail.
Ce que vous mettez en oeuvre est non pas un droit à l'expérimentation comme vous l'indiquez, mais plus classiquement l'aggravation du déjà fait et du déjà vu.
Nos craintes relatives au financement et à l'utilisation de l'UNEDIC n'ont pas été levées par votre réponse. L'absence de concertation avec les partenaires sociaux et les associations de chômeurs n'est pas non plus l'expression d'une bonne méthode de travail.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en conséquence des observations, des avis et surtout des critiques de fond que je viens de rappeler, les membres du groupe communiste républicain et citoyen refuseront le texte résultant de nos travaux et émettront un vote négatif.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis les débats relatifs aux mesures visant à faciliter l'insertion des jeunes dans la vie professionnelle depuis la mise en place, en 1977, du premier pacte pour l'emploi des jeunes. J'en ai retenu quelques convictions.
La première est qu'il faut veiller à ce que des mesures annoncées comme étant destinées à aider les jeunes ne se transforment pas très vite en mesures destinées à aider la société, les entreprises ou les collectivités en ayant recours aux jeunes.
Ma seconde conviction est que, lorsque l'on veut vérifier la qualité d'un dispositif proposé aux jeunes, on l'évalue à l'aune des mesures visant à assurer à ceux-ci une situation stable dans la vie professionnelle, en les traitant comme tous les autres travailleurs. Ce n'est pas la même chose de proposer un stage ou de proposer un contrat de travail et, s'agissant des contrats de travail, ce n'est pas la même chose de proposer un contrat à durée déterminée ou de proposer un contrat à durée indéterminée.
Ce que l'on ne peut pas retirer au dispositif qui nous est soumis aujourd'hui, c'est qu'il vise spécifiquement la catégorie des jeunes les plus en difficulté, ceux qui, malheureusement, n'ont pas eu un bon parcours scolaire et qui risquent, si l'on ne leur permet pas de se retrouver quand même, comme tout le monde, en situation normale d'emploi, de dériver vers la marginalité et, peut-être, vers tous les comportements que nous déplorons par ailleurs. En effet, il existe un lien entre le travail que nous avons accompli aujourd'hui et la réflexion que nous devrons mener sur la délinquance des jeunes, de ceux d'entre eux qui, ne sachant que faire, s'engageront plus tard sur d'autres voies...
M. Louis Moinard. Tout à fait !
M. Jacques Legendre. Il est donc important de leur ouvrir la possibilité d'entrer dans une entreprise, d'y être embauchés non pas pour six mois ou un an, mais à titre permanent.
C'est ce qui nous est proposé aujourd'hui, mais est-ce à dire pour autant qu'un tel texte permettra de tout régler ? Evidemment, non ! A l'instar d'autres intervenants, je souhaite que les mesures que nous adoptons n'entrent pas en concurrence avec d'autres dispositifs utiles, par exemple la formation en alternance ou les contrats de travail de type particulier, comme les contrats d'apprentissage.
Quoi qu'il en soit, je crois que nous pouvons ce soir éprouver un sentiment de fierté en votant un texte qui vise à donner une chance aux jeunes les plus en difficulté de pouvoir fonder une famille, trouver un logement et entrer dans la vie avec un niveau de ressources suffisant. Il me semble que ce débat nous a permis de faire le tour du problème. J'estime pour ma part que nous devrons, périodiquement, revoir les dispositifs qui auront été mis en place, parce que, malheureusement, de bonnes mesures sont parfois détournées de leur finalité initiale.
Ce qui est certain, en tout cas, c'est que, en proposant aux jeunes en difficulté de ce pays des contrats de travail à durée indéterminée, c'est-à-dire une véritable entrée dans la vie professionnelle, nous leur donnons une chance.
Le Sénat s'honorera donc en approuvant la proposition du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Nous venons d'étudier, grâce à vous, monsieur le ministre, un projet de loi simple, lisible et adaptable. Je dirai, au nom du groupe de l'Union centriste, que nous avons beaucoup apprécié la façon dont ce texte nous a été présenté et a été enrichi par les amendements de la commission des affaires sociales.
Nous pensons surtout, à cette heure, aux jeunes qui, jusqu'à présent, étaient stigmatisés par certaines mesures. Désormais, ils entreront dans l'entreprise aux mêmes conditions que tous les salariés ; ils seront comme tous les autres citoyens français, ils auront droit au travail par le biais d'un contrat de travail de droit commun. C'est là une très grande avancée, et nous vous remercions, monsieur le ministre, de nous l'avoir proposée.
Les membres de mon groupe voteront donc avec beaucoup de satisfaction ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la position du groupe socialiste, à l'issue de ce débat, se situe entre le vote contre et l'abstention.
Nous n'avons pas obtenu les réponses, les assurances et les garanties que nous attendions. Nous nous interrogeons donc sur le dispositif qui nous a été présenté, au regard à la fois de l'entreprise et du jeune.
Je voudrais, à cet instant, relever les propos tenus par un certain nombre d'orateurs qui auraient en quelque sorte, à les entendre, le monopole de la solidarité que nous devons manifester à l'égard des jeunes. Je me demande toutefois si, en fait, ceux-là ne pensent pas d'abord à l'entreprise avant de penser aux jeunes.
Pour ma part, je souhaite rétablir l'ordre des facteurs, alors que les interventions des membres de la majorité sénatoriale ont presque toutes porté sur l'entreprise, sans doute considérée au regard du jeune que l'on va y insérer, mais en prenant d'abord en compte ses intérêts.
M. Louis Moinard. Et ceux des jeunes ! M. Gilbert Chabroux. Et, accessoirement, ceux des jeunes.
M. Emmanuel Hamel. Accessoirement ? Non, fondamentalement !
M. Eric Doligé. S'il n'y avait pas l'entreprise, on ne serait pas là !
M. Gilbert Chabroux. Je le redis : vous n'avez pas le monopole des jeunes...
M. Eric Doligé. Mais non !
M. Philippe Nogrix. Ne venez pas nous donner des leçons !
M. Emmanuel Hamel. Nous, nous n'en donnons pas !
M. Gilbert Chabroux. ... et vous n'avez pas de leçons à nous donner !
Je voudrais rappeler ce qui a été fait par le gouvernement précédent et dont nous n'avons pas à rougir.
M. Eric Doligé. Qui va payer ?
M. Gilbert Chabroux. Les chiffres sont têtus : les emplois-jeunes ont profité à 360 000 jeunes. Le taux de chômage des jeunes âgés de moins de vingt-cinq ans est passé, entre 1996 et 2002, de 25% à 20%.
M. Philippe Nogrix. Jusqu'à quand ?
M. Gilbert Chabroux. On compte tout de même 900 000 chômeurs de moins !
M. Philippe Nogrix. Ils n'auraient pas été embauchés dans les entreprises, par hasard ?
M. Gilbert Chabroux. Mes chers collègues, peu d'entre vous ont fait preuve de modestie et d'humilité, qualités qui sont pourtant à la mode... J'ai observé une autre attitude au fil de nos débats. Comme je l'ai indiqué, certains auraient volontiers tendance à nous donner des leçons.
Pour ce qui me concerne, je souhaite de tout coeur, monsieur le ministre, que, à la fin de la législature, vous ayez fait aussi bien que le gouvernement précédent en matière de lutte contre le chômage.
M. Philippe Nogrix. Aussi bien que Martine Aubry...
M. Gilbert Chabroux. Je souhaite que vous parveniez aux mêmes résultats. Si vous faites mieux, je le reconnaîtrai.
M. Emmanuel Hamel. Bravo !
M. Gilbert Chabroux. Bien entendu !
M. Philippe Nogrix. C'est de l'abnégation !
M. Gilbert Chabroux. Mais considérons le chemin accompli, voyons ce qui a été fait, mesurons les progrès réalisés, même si beaucoup de questions demeurent, même si nous nous interrogeons et même si nous sommes tout à fait convaincus qu'il est effectivement nécessaire de prévoir un dispositif spécifique pour les jeunes de seize à vingt ans non qualifiés et non diplômés. Nous sommes entièrement d'accord pour privilégier la création d'emplois à durée indéterminée - cela nous semble fondamental et positif - en faveur de cette catégorie de jeunes, qui est la plus éloignée de l'emploi. Encore une fois, nous sommes sensibles au sort de ces jeunes, autant que vous pouvez l'être, chers collègues de la majorité sénatoriale.
Nous pensons aux jeunes avant de penser aux entreprises,...
M. Jacques Legendre. Nous aussi !
M. Gilbert Chabroux. ... et nous voudrions qu'on leur donne une véritable chance. Vous avez parlé de « défi humain », mais il faut vraiment se soucier des problèmes que rencontrent les jeunes et savoir que leur vie est difficile, très dure, que la société est cruelle et que nous vivons dans un monde injuste. Nous ne voudrions donc pas, par notre vote, faire quoi que ce soit qui puisse être mal compris par ceux-là mêmes à qui nous devons redonner confiance. Nous ne pouvons pas voter contre les jeunes !
Lorsqu'il s'agit des entreprises, nous avons le droit de débattre, de ne pas être d'accord, de considérer que vous leur faites des cadeaux - vous leur en ferez encore beaucoup d'autres - et d'affirmer, à l'avenir, que vous présenterez des textes qui favoriseront le patronat. Vous choisirez alors votre camp, celui des entreprises - et des grandes entreprises autant que possible - et non pas celui des salariés !
Mes chers collègues, comme je l'ai annoncé, nous nous abstiendrons lors du vote sur ce texte, afin de prendre en compte les problèmes des jeunes. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Gérard Delfau applaudit également.)
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. J'avais pensé clore cette discussion par une intervention de portée tout à fait générale, mais les propos moralisateurs de notre collègue Chabroux m'incitent à lui répondre de façon plus précise.
M. Gilbert Chabroux. Vous confondez la hauteur avec la morale !
M. Louis Souvet, rapporteur. Permettez-moi de vous dire, mon cher collègue, que la hauteur que vous avez prise ce soir ne me semble pas de très bon aloi ! Vous n'avez pas le monopole du coeur, selon une expression bien connue.
M. Gilbert Chabroux. C'est Giscard qui a dit cela !
M. Louis Souvet, rapporteur. Comprenons-nous bien : les choses ne sont pas simples. Si elles l'étaient, cela se saurait, et nous ne serions pas là ce soir.
Vous vous êtes efforcés d'apporter votre pierre à l'édifice, vous avez fait ce que vous avez pu, tout ce que vous avez pu, vous avez fait des choix qui n'étaient pas les nôtres, et les résultats n'ont pas été, c'est le moins que l'on puisse dire, à la hauteur de vos espérances ni des nôtres ! En effet, c'est l'avenir de la France qui est ici en jeu, et ce sont les espoirs de notre pays, c'est-à-dire ses enfants, qui sont au coeur de ce débat.
A titre personnel, je n'ai jamais souhaité que les idées que vous avez développées sur le plan national débouchent sur un échec, mais il en a été ainsi, quoi que vous en disiez. La meilleure preuve en est que les Français vous ont sanctionnés, à moins que le peuple ne se trompe en permanence ! Il faut savoir raison garder.
Vous avez dit, monsieur Chabroux, que nous n'avions pas apporté les réponses que vous attendiez. C'est évident ! Si tel avait été le cas, nous aurions repris les projets que vous aviez défendus jusqu'alors. Ce n'était pas possible. Dans ces conditions, si l'on a changé de gouvernement et de majorité, il faut aussi, me semble-t-il, changer les méthodes de travail.
Vous avez également dit que les chiffres étaient têtus. Je vous rétorquerai que les chiffres sont têtus, certes, qu'ils ne mentent jamais, mais que tous ceux qui veulent mentir utilisent des chiffres. Par conséquent, ne nous lançons pas dans une bataille de chiffres !
Je ne crois pas que nous ayons travaillé pour les entreprises, comme vous l'avez affirmé. Nous avons placé au coeur de notre dispositif et de nos préoccupations les jeunes les moins favorisés à tous égards. Nous avons voulu faire en sorte que certains d'entre eux puissent trouver du travail. Nous ne sommes pas sûrs de réussir, car il est difficile de demander à un chef d'entreprise d'embaucher des jeunes peu ou pas qualifiés sous contrats à durée indéterminée. Ce n'est pas simple, pour un chef d'entreprise, que celle-ci soit petite ou grande ! Je voudrais que vous en preniez conscience.
Essayons de nous comprendre : je n'ai jamais imaginé que vous aviez des intentions cachées ; je n'en ai aucune pour ma part, pas plus, je pense, que le Gouvernement ou ceux de mes collègues qui siègent à la droite de l'hémicycle. Nous cherchons tous une voie pour apporter à des jeunes qui en ont bien besoin un maximum - ou un minimum - de réconfort et d'espoir.
Nous avons placé les jeunes au centre de nos préoccupations, je le répète, et, pour ce qui me concerne, je n'en sortirai pas : c'est à leur ouvrir une voie d'avenir que je m'attache, c'est pour eux que nous avons travaillé. Je ne suis pas certain que nous trouverons 300 000 emplois dans des conditions aussi délicates. C'est un défi difficile à relever : vous parliez tout à l'heure de hauteur, monsieur Chabroux ; eh bien la barre est placée très haut !
Pour conclure, je remercierai M. le ministre de sa compréhension. Constater que la majorité sénatoriale avait déposé vingt-six amendements sur un projet de loi comportant deux articles a pu l'inquiéter et l'émouvoir, je le conçois. Nous n'avions cependant pas l'intention, monsieur le ministre, de mettre à bas votre texte, bien évidemment !
Je remercierai par ailleurs mes collègues de la majorité sénatoriale de l'appui qu'ils m'ont apporté. Il n'est pas toujours aisé d'être rapporteur, car des cas de conscience se posent parfois, et il est bon alors de se sentir compris et soutenu.
Je remercierai enfin mes collègues de l'opposition pour la hauteur, précisément, des réflexions qu'ils ont formulées. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je remercie le Sénat de la qualité du travail qui a été effectué sur ce texte. Je rassure M. le rapporteur : le très ancien parlementaire que j'étais n'a pas été bouleversé par le fait que le Parlement ait eu envie de faire connaître son jugement sur ce texte et d'apporter ses modifications et ses aménagements.
Nous avons, je crois, bien travaillé pour les jeunes. Le chômage des jeunes, la violence qui les frappe préparent une crise politique et sociale à côté de laquelle celle que nous connaissons aujourd'hui paraîtra bénigne. Quand on commence sa vie dans l'exclusion et la violence, on ne peut ensuite accepter les règles du jeu que la société des adultes veut vous imposer.
Je l'ai dit tout à l'heure, nous n'avons pas de remède miracle contre le chômage des jeunes, et ce texte n'est qu'une pierre ajoutée à un ensemble de dispositifs dont certains ont été portés par la majorité précédente et continueront, pour une part, de fonctionner. Mais j'ai la conviction que ce texte permettra à de très nombreux jeunes d'entrer de plain-pied dans le monde du travail et dans le monde des adultes. La coopération qui vient de s'instaurer sur ce point entre le Gouvernement et le Sénat augure bien le travail de réforme que nous allons accomplir ensemble dans le domaine des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je veux vous en remercier et vous dire que, dans cinq ans, vous n'aurez pas à rougir de ce que vous venez de faire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Merci, monsieur le ministre.
M. Emmanuel Hamel. Un grand ministre !
M. le président. Au cours de cette longue séance, nous avons assisté à un bon débat. Permettez au président de séance de remercier tous ceux qui y ont participé, au premier rang desquels M. le ministre, mais aussi M. le rapporteur et tous nos collègues de la majorité comme de l'opposition.

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