SEANCE DU 29 JUILLET 2002


M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le quatrième alinéa du I de l'article 158 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Ce crédit d'impôt est égal au tiers des sommes effectivement versées par la société. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Alors que les comptes publics présentent un déficit plus important que prévu, nous nous devons d'examiner toutes les possibilités de remédier, fût-ce partiellement, à cet état de fait.
Comme nous l'avons déjà maintes fois souligné, notre système fiscal est perfectible et nombre de dispositions mériteraient sans doute d'être modifiées, et ce de manière fondamentale. L'une de ses caractéristiques est de reposer assez largement sur l'imposition des revenus du travail et l'exonération des revenus du capital, que d'aucuns appellent pudiquement, sur certaines travées de notre assemblée, l'« épargne ».
Il convient, à nos yeux, de remettre en cause cette situation. Il nous semble donc légitime, pour deux raisons, de réviser sensiblement à la baisse le taux de l'avoir fiscal, afin de chercher à atteindre cet objectif impérieux de justice sociale que nous venons de rappeler.
La première raison est que le taux de l'avoir fiscal est resté fixé au taux historique de l'impôt sur les sociétés, soit 50%, alors que ce dernier a été ramené par étapes à 33,33%. De notre point de vue, si l'on admet le principe de la double imposition des résultats des entreprises distribuant des dividendes, principe au demeurant fort contestable, cela suffirait amplement à justifier l'adoption de notre amendement.
La seconde raison tient à la convergence des législations européennes en matière fiscale. En effet, la France est aujourd'hui quasiment le seul pays de l'Union européenne à maintenir un dispositif tel que l'avoir fiscal dans sa législation. Dans les faits, l'avoir fiscal comme défini dans le code général des impôts est appelé à disparaître.
L'adoption de cet amendement pourrait constituer la première étape sur cette voie. Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'avis de la commission est tout à fait défavorable, car, contrairement à ce qu'affectent de croire nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, l'avoir fiscal n'est pas un cadeau.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un mécanisme destiné à éviter une double imposition.
Par conséquent, l'abaissement de son taux produirait des effets anti-économiques et nuirait à l'attractivité de la place de Paris, laquelle traverse actuellement une phase assez difficile, du fait de l'état des marchés financiers. Or il ne vous échappera pas, mes chers collègues, qu'une place de Paris qui fonctionne mal, ce sont des entreprises qui ne peuvent plus financer leurs projets. Je pense que vous faites bien le lien entre ces deux éléments !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et quand ça marche bien ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur une place de Paris dépréciée et peu attractive, les introductions en bourse sont suspendues, les augmentations de capital sont reportées, les restructurations industrielles et financières marquent le pas.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pauvres actionnaires !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne vous échappera pas davantage que, pour investir, pour créer des emplois, pour développer l'activité, il faut trouver des financements, notamment sur le marché financier. Une introduction en bourse, une augmentation de capital, une offre publique se traduisant par une restructuration créatrice de richesse économique sont autant d'opérations qui passent par le marché ; si celui-ci est bloqué, l'économie réelle en subit les conséquences.
Mme Marie-Claude Beaudeau. A bas la Bourse !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans ces conditions, il est particulièrement inopportun de plaider, comme vous l'avez fait, par idéologie...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et vous, vous ne faites pas d'idéologie ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et avec une ténacité que je salue, pour la baisse du taux de l'avoir fiscal. Des divergences de vues nous séparent, mais nous les assumons, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Pour les raisons qui ont été très bien exposées par M. le rapporteur général, cet amendement amènerait, s'il était adopté, un net durcissement de la fiscalité de l'épargne des actions, qui serait préjudiciable au financement des entreprises. Dans le contexte boursier actuel, cela pénaliserait en effet, comme l'a souligné M. le rapporteur général, la place de Paris.
Cela étant, je souhaiterais, afin de convaincre peut-être nos collègues de retirer leur amendement, attirer leur attention sur le fait que la mise en oeuvre du dispositif présenté pénaliserait également de nombreux ménages modestes : je pense en particulier ici aux retraités et aux salariés ayant constitué une épargne de précaution sous forme d'actions. J'indique aux auteurs de l'amendement que près de cinq millions de foyers, dont certains sont non imposables, déclarent des dividendes et bénéficient, corrélativement, de l'avoir fiscal.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'attire votre attention sur ce point. Si cet amendement n'était pas retiré, je demanderais au Sénat de bien vouloir le rejeter.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux. M. Jean Chérioux. Mes chers collègues, je suis contraint d'exprimer mon désespoir ! (Rires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous n'avons pas converti Mme Beaudeau !
M. Jean Chérioux. En effet, ce débat sur l'avoir fiscal perdure depuis des années et des années. Malgré toutes les explications qui ont pu être fournies par les différents rapporteurs généraux et toutes celles que j'ai pu moi-même essayer d'apporter, il me faut constater que les membres du groupe communiste républicain et citoyen n'ont pas compris ce dispositif. C'est pourquoi on revient sur cette question année après année !
Mme Marie-Claude Beaudeau. On a si bien compris qu'on continue !
M. Jean Chérioux. J'essaierai simplement, aujourd'hui, de pousser un peu plus loin l'explication qui vient d'être fournie par M. le ministre : l'avoir fiscal, mes chers collègues,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Crée des emplois !
M. Jean Chérioux. ... profite davantage aux pauvres qu'aux riches.
En effet, il est soumis à l'impôt sur le revenu. Par conséquent, ceux qui ont de faibles revenus bénéficient de l'avoir fiscal dans sa totalité, tandis que ceux qui sont imposés au titre des tranches d'imposition très élevées se voient prélever 50 % ou 60 % du montant de leur avoir fiscal. Vous devriez donc considérer qu'il s'agit d'une très bonne mesure, puisqu'elle favorise surtout les petits porteurs !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les biens professionnels définis aux 885 N à 885 Q sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.
« Lorsque le patrimoine comprend des biens professionnels, le plancher à partir duquel le tarif de l'impôt est applicable est porté à 914 694 euros. »
« II. - Après l'article 885 U du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les biens professionnels sont inclus dans les bases de l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque contribuable en fonction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée des sociétés et entreprises où sont situées les biens professionnels qu'il possède sur la base suivante :



ÉVOLUTION DU RATIO

masse salariale/valeur ajoutée

POURCENTAGE

taux d'intégration

Egale ou supérieure à une évolution de 2 points 15
Egale ou supérieure à une évolution de 1 point 35
Egale à 1 50
Entre 1 et - 1 65
Entre - 1 et - 2 85
Entre - 2 et - 3 100
Entre - 3 et - 4 et au-delà 125

La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à élargir l'assiette de l'ISF. Nous pensons qu'il est tout à fait pertinent à l'heure où la situation des comptes publics est particulièrement délicate et où l'exigence de justice fiscale demeure forte.
Nous ne procéderons évidemment pas à une trop longue analyse de la question de l'inclusion des actifs professionnels dans l'assiette de l'ISF, si ce n'est peut-être pour indiquer qu'il est plus que jamais anormal que l'exemption de ceux-ci figure encore dans notre législation.
De profondes inégalités existent, in fine, entre les contribuables soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune. La mesure que nous préconisons pourrait permettre de remédier pour partie à cette situation.
Cet amendement vise donc à imposer les actifs professionnels selon l'utilisation qui en est faite par leur détenteur, en particulier à pénaliser, autant que faire se peut, les détenteurs d'actifs qui ne cherchent que la rémunération la plus importante possible de leur capital, au détriment de l'emploi ou des investissements.
M. Alain Vasselle. C'est désespérant d'entendre de telles choses !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je partage l'opinion que vient d'exprimer M. Vasselle !
La réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune devra bien, en effet, être engagée un jour ou l'autre, mais en temps utile !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Dans le bon sens !
M. Philippe Marini, rapporteur général. A mon avis, cette réforme ne devra pas être entreprise dans l'optique souhaitée par le groupe communiste républicain et citoyen. Vous ne parvenez pas - pardonnez-moi de le répéter - à intégrer l'effet de la concurrence fiscale et à raisonner en termes d'attractivité fiscale de notre pays. C'est le principal reproche que la commission est fondée à vous faire.
Il convient de lutter contre la délocalisation des capitaux et des compétences. Avec la mesure que vous préconisez, si, par malheur, elle était adoptée, on irait vraiment contre les intérêts économiques de notre pays, en plaçant une charge excessive sur des détenteurs de biens professionnels, par exemple celui qui détient la majorité d'une petite ou moyenne entreprise et dont le patrimoine serait essentiellement constitué par la valeur des titres de la société qu'il dirige. Il est clair que si ces titres ne produisent qu'un flux insuffisant de revenus sous différentes formes l'entrepreneur en question devra vendre sa participation. Dans de nombreux cas, cela sera contraire aux intérêts de l'entreprise et de l'emploi.
L'amendement que vous proposez va donc à contre-courant de la réalité et j'en suis surpris depuis de nombreuses années, nous travaillons, dans cette assemblée, sur les problèmes liés à la concurrence fiscale et aux risques de délocalisation. Parmi les références qui sont les nôtres, figurent bien sûr les travaux qui ont été menés au Sénat à l'époque où Jean Arthuis était rapporteur général de la commission des finances ; il a été le premier à monter une mission d'information sur les délocalisations.
Si tout cela ne vous conduit pas à modifier certaines de vos analyses, chers collègues du groupe communiste républicain et citoyen, c'est que nous n'en faisons pas assez, ou que nous ne diffusons pas encore avec assez de conviction les résultats de nos travaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert ministre délégué. Une telle mesure aurait un effet désastreux sur les entreprises et sur l'emploi. Je voudrais attirer de nouveau l'attention des auteurs de cet amendement sur le dispositif qu'ils proposent. Celui-ci aurait pour effet de favoriser les services et de pénaliser l'industrie. Comme je ne peux pas penser que ce soit leur objectif, je leur recommande vivement de retirer l'amendement. A défaut, j'inviterai la Haute Assemblée à le rejeter.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 1° de l'article 1467 du code général des impôts est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« c. L'ensemble des titres de placement et de participation, les titres de créances négociables, les prêts à court, moyen et long termes. Ces éléments sont pris en compte pour la moitié de leur montant figurant à l'actif du bilan des entreprises assujetties. Pour les établissements de crédits et les sociétés d'assurance, le montant net de ces actifs est pris en compte après réfaction du montant des actifs représentatifs de la couverture des risques, contrepartie et obligations comptables de ces établissements.
« La valeur nette des actifs, déterminée selon les dispositions du précédent alinéa, est prise en compte après réfaction de la valeur locative des immobilisations visées au a. »
« II. - L'article 1636 du même code est ainsi rétabli :
« Art. 1636 - Le taux grevant les actifs définis au c de l'article 1467 au regard de la valeur ajoutée globale créée par l'entreprise est fixé par arrêté ministériel. »
« III. - 1 - Le II de l'article 1648 A bis du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° La moitié du produit résultant de l'imposition des actifs définis au c de l'article 1467, suivant les règles fixées par l'article 1636. »
« 2 - Le I de l'article 1648 B bis du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° La moitié du produit résultant de l'imposition des actifs définis au c de l'article 1467, suivant les règles fixées par l'article 1636. »
« IV. - 1 - Dans le deuxième alinéa du 1 du I ter de l'article 1647 B sexies du même code, après les mots : "la base", sont insérés les mots : "à l'exception de celle définie par le c de l'article 1467".
« 2 - Le premier alinéa du 4° du I de l'article 39 du code général des impôts est complété in fine par les mots : "et de l'imposition résultant de la prise en compte des actifs financiers définis au c de l'article 1467, selon les règles fixées par l'article 1636". »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Alors que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie se déclare favorable à une nouvelle baisse de la taxe professionnelle - et il n'est pas le seul -, nous proposons, par cet amendement, une réforme en profondeur de cet impôt : la prise en compte des actifs financiers dans le calcul de son assiette.
Cette proposition, que vous connaissez, a un double objet. Il s'agit, d'une part, de conférer une nouvelle ressource aux communes et à leurs groupements. La prise en compte des actifs financiers permettrait en effet de tripler le montant de la dotation globale de fonctionnement. Ainsi, les collectivités pourraient résoudre les graves problèmes financiers qu'elles rencontrent. Elles pourraient ne pas augmenter les impôts locaux ; M. le rapporteur général les a encouragées en ce sens ce matin. Il s'agit, d'autre part, d'inciter les entreprises qui détiennent des actifs financiers à réorienter leur épargne vers des investissements productifs et vers l'emploi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. A plusieurs reprises, le Sénat a repoussé des propositions de même nature. Je pense qu'il ne se déjugera pas. L'amendement qui est proposé créerait toutes sortes de distorsions économiques. On voit mal la raison pour laquelle il conviendrait de taxer une entreprise dont le flux d'activité génère plus de trésorerie que ce n'est pas le cas pour une autre entreprise.
Cette proposition du groupe communiste républicain et citoyen ne peut être acceptée et c'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

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