SEANCE DU 1ER AOUT 2002


soutien à l'emploi des jeunes
en entreprise

Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 390, 2001-2002) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, réunie ce matin au Sénat, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise.
Cet accord me paraît extrêmement important pour ce texte particulièrement attendu par les jeunes, qui sont les premiers touchés par l'aggravation actuelle du chômage.
Le projet de loi vise en effet à compléter nos dispositifs d'insertion par une nouvelle mesure d'accès direct à l'emploi des jeunes les moins qualifiés, qui sont - et de loin ! - les plus exposés au risque de chômage.
En première lecture, le Sénat a pleinement souscrit à l'économie générale du texte présenté par le Gouvernement. La commission des affaires sociales du Sénat - faut-il le rappeler ? - l'appelait d'ailleurs de ses voeux depuis de nombreuses années.
Ce texte permet en effet de concilier insertion professionnelle durable dans l'entreprise et allégement significatif du coût du travail non qualifié.
Pour mémoire, je rappellerai brièvement les trois particularités du nouveau dispositif qui en font tout l'intérêt. Il s'agit, d'abord, d'un ciblage des jeunes les plus en difficulté. Il s'agit, ensuite, d'un contrat de travail à durée indéterminée, le droit commun, avec, bien entendu, un accès au « plan formation » de l'entreprise, lui aussi de droit commun. Il s'agit, enfin, d'un dispositif à la fois suffisamment long, véritablement incitatif et construit pour éviter tout risque de « trappe à bas salaire ».
En première lecture, s'inscrivant dans la logique proposée par le Gouvernement, le Sénat a choisi d'améliorer le texte dans une double direction.
Il a d'abord souhaité renforcer la portée de ce texte pour maximiser les effets de celui-ci sur l'emploi. Il a notamment étendu la mesure à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, afin d'ouvrir le plus largement possible les opportunités d'accès à l'emploi pour les jeunes. Dans la mesure où l'objectif central était d'offrir un vrai travail aux jeunes les plus en difficulté, il était bien sûr indispensable de ne leur fermer aucune porte.
Notre assemblée a également souhaité favoriser plus encore les perspectives d'insertion professionnelle durable des jeunes. A cet égard, elle a encadré les possibilités de recours au temps partiel, en le limitant à au moins un mi-temps, afin de ne pas encourager la multiplication des « petits boulots ». Elle a aussi voulu responsabiliser les partenaires sociaux, en leur confiant le soin de mettre en place un accompagnement socioprofessionnel du jeune et de veiller aux possibilités d'accès de ce dernier au bilan de compétences et à la formation.
L'Assemblée nationale a repris toutes ces modifications en y apportant d'utiles précisions à travers sept amendements qu'elle a adoptés à l'issue de deux jours de débats.
J'observe, enfin, que le projet de loi initial a été enrichi par deux articles additionnels répondant également à une urgence évidente.
L'article 3, introduit par le Sénat sur l'initiative du Gouvernement, vise à donner une base légale à l'accord interprofessionnel du 19 juin 2002 pour ses stipulations relatives au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle. L'Assemblée nationale a adopté un amendement de sa commission visant à reporter la date d'entrée en vigueur de la nouvelle contribution spécifique. Il s'agira donc du 1er septembre prochain.
L'article 4 introduit par l'Assemblée nationale, là encore sur l'initiative du Gouvernement, permet la prolongation, à titre exceptionnel, des contrats des aides-éducateurs de l'éducation nationale conclus avant le 30 juin 1998. On peut s'interroger sur les raisons de cette mesure. En l'occurrence, l'objectif est d'anticiper au mieux les évolutions à venir, tant pour les établissements scolaires que pour les jeunes, afin de préparer dans les meilleures conditions la « sortie en bon ordre » du dispositif que vous appelez de vos voeux, monsieur le ministre.
Au total, le projet de loi ainsi modifié ne voit pas son équilibre initial bouleversé. Le texte élaboré par la commission mixte paritaire, qui reprend intégralement la rédaction adoptée hier à l'Assemblée nationale, tend, au contraire, à prolonger et à compléter la logique de ce projet de loi, en reprenant tous les apports du Sénat.
Votre commission a la conviction que ce texte simple et pragmatique constitue, sans être, bien sûr, la « solution miracle », une réponse appropriée à la douloureuse question qui doit nous préoccuper tous : l'inadmissible chômage des jeunes qui, trop souvent, les conduit à l'errance et à l'exclusion.
Il est désormais plus que temps d'offrir enfin une seconde chance aux jeunes qui sont les plus en difficulté.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les principales conclusions de la commission mixte paritaire sur ce texte. J'ajouterai que nous y avons, bien sûr, mis tout notre coeur. Je remercie mes collègues de la commission des affaires sociales qui m'ont apporté leur concours et qui ont contribué à faire de ce texte un dispositif acceptable, pour le bien de nos jeunes, qui sont notre espoir, et, nous l'espérons, pour le bien de la France en général. ( Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. )
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la première lecture de ce projet de loi devant le Sénat, le groupe socialiste avait décidé, sur le sujet difficile, préoccupant, de l'emploi des jeunes et s'agissant du premier texte qui nous était proposé, d'attendre que l'orientation du Gouvernement se précise clairement. Après le débat qui vient d'avoir lieu à l'Assemblée nationale, c'est maintenant chose faite.
La lecture du texte initial nous avait permis de relever deux points positifs : l'obligation de conclure des contrats à durée indéterminée et le fait que le contrat-jeune soit réservé aux entreprises de moins de 250 salariés, c'est-à-dire des PME. En revanche, nous avions insisté sur une grave lacune : l'absence d'une formation inscrite dans le contrat. Depuis, les députés de l'UDF ont exprimé les mêmes préoccupations. Nous vous avions aussi interrogé, monsieur le ministre, sur l'avenir des emplois-jeunes, notamment dans les collectivités territoriales et au sein des associations.
A l'issue de ces débats, on peut s'interroger : quelles réponses avons-nous obtenues, et surtout, avec nous, l'ensemble des acteurs concernés ?
Sur le contrat-jeune lui-même, le seul aspect positif qui demeure est qu'il s'agit toujours d'un CDI, un contrat à durée indéterminée. Le plafond de 250 salariés pour l'entreprise bénéficiaire a sauté, ce qui modifie complètement la portée du texte et éclaire ses objectifs profonds. S'il avait été réservé aux PME et aux entreprises artisanales, ce dispositif aurait pu s'apprécier comme une véritable aide à la création d'emplois ou même à la transformation d'emplois précaires en emplois durables.
L'ouverture aux grandes entreprises, alors même que les chiffres du chômage ne sont pas bons, vous entraîne, monsieur le ministre, sur la voie illusoire du traitement statistique du chômage. Il risque aussi de se produire un effet d'aspirateur qui amputera l'accès des PME au contrat-jeune. A ce moment-là, vous nous expliquerez que le succès de votre dispositif a dépassé toutes les espérances, alors que les entreprises qui auraient vraiment besoin de ce dispositif et qui le méritent n'en auront pas bénéficié.
De plus, il s'agit d'un véritable cadeau aux grandes entreprises, qui n'ont, en réalité, nul besoin de se voir ainsi allouer un nouveau volant de main-d'oeuvre.
On peut désormais craindre que ces jeunes, lorsqu'ils auront fini de « rapporter » des exonérations de cotisations sociales patronales, ne soient renvoyés à peu de frais dans le circuit de la précarité, voire dans des agences d'intérim qui sont elles-mêmes des filiales de groupes industriels.
Permettez-moi, à cet égard, d'appeler votre attention sur l'étude qui vient d'être publiée par l'un de vos services, la DARES, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, et qui contredit la dernière étude de l'INSEE. Elle indique que les allégements de cotisations sociales n'ont pratiquement plus eu d'effet en 2001 sur les créations d'emploi, contrairement à ce que l'on pouvait penser lors des années de croissance. Parallèlement, l'effet de l'ensemble des politiques de soutien à l'emploi s'est d'ailleurs vite atténué.
Voilà qui montre à quel point l'effet d'aubaine, que vous accentuez par l'élargissement du dispositif à toutes les entreprises, risque, en fait, de jouer fortement.
L'absence d'obligation de formation, à laquelle vous êtes obstinément résolu, est un autre point qui pose gravement problème. Elle constitue, bien entendu, un cadeau sans contrainte ni contrepartie pour l'entreprise. Mais, surtout, elle obère l'avenir du jeune et, dans de nombreux cas, condamnera celui-ci à exécuter durablement des tâches non qualifiées et mal rémunérées.
M. Michel Caldaguès. Vous parlez de l'avenir, mais le présent des jeunes qui n'ont pas de travail, qu'en faites-vous ? Vous vivez sur une autre planète !
M. Gilbert Chabroux. Avec une formation, ils auraient encore plus de chance, au lieu d'entrer dans la précarité lorsqu'ils sortiront du dispositif !
Chacun sait que la formation dans les entreprises est en priorité réservée aux salariés qui sont déjà formés. Les statistiques sont connues de tous, et rien ne parvient à faire vraiment changer le comportement des employeurs. Pour des raisons que l'on peut au demeurant comprendre, ils souhaitent que le plan de formation, quand il y en a un, prévoie des formations qui apportent un avantage de compétitivité nouveau et immédiat à l'entreprise. Il est donc parfaitement illusoire d'espérer que les contrats-jeunes bénéficieront en masse d'une formation professionnelle.
Pourquoi, comme vous l'évoquez, le jeune qui a obtenu par votre dispositif un CDI irait-il signer un contrat de formation en alternance qui est un contrat à durée déterminée ? L'employeur lui-même y trouverait-il un avantage ? Rien n'est moins sûr !
Une mesure spécifique est toujours nécessaire lorsque l'on met en place un dispositif qui concernera des centaines de milliers de personnes. Ne pas la prendre, c'est renoncer de fait à la formation.
Manifestement, cette question de la formation des jeunes sans diplôme ni qualification et de leur avenir ne vous préoccupe pas, pas plus qu'elle ne préoccupe la direction du MEDEF.
Elle préoccupe, en revanche, les organisations syndicales et vos alliés députés de l'UDF, qui, les uns et les autres, ont ainsi pu mesurer l'influence qu'ils exercent sur le cours de la politique du Gouvernement et de l'UMP. Je note au passage que, au Sénat, nos collègues qui sont membres de l'UDF ont été très discrets sur cette question de la formation.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Peut-être parce que l'on apprécie la position du ministre.
M. Gilbert Chabroux. Peut-être surtout parce que vous faites déjà partie de l'UMP.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Parce que je crois que le dispositif est bon !
M. Gilbert Chabroux. Peut-être parce qu'il n'y a plus de différences, plus de nuances. Il n'y a pas de groupe UDF ici, il n'y a peut-être plus de sénateurs UDF.
Heureusement qu'il y a encore des députés UDF !
M. Michel Mercier. Laissez-nous nous organiser nous-mêmes !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Chabroux !
M. Gilbert Chabroux. Monsieur Mercier, vous auriez pu vous exprimer au nom de l'UDF sur ce problème des contrats-jeunes.
M. Dominique Braye. C'est vous qui le faites !
M. Gilbert Chabroux. Je suis obligé de le faire à votre place puisque vous ne le faites pas vous-mêmes !
Permettez-moi également de m'exprimer à votre place sur les emplois-jeunes, parce que je suis sûr que vous êtes tous préoccupés et que vous aurez tous des problèmes si vous n'y prenez garde !
M. Louis Souvet, rapporteur. On s'en est expliqué !
M. Gilbert Chabroux. Permettez-moi de préciser encore !
M. le président. Monsieur Chabroux, veuillez poursuivre votre intervention. Vous savez bien que le dialogue n'est pas de règle dans notre assemblée.
M. Gilbert Chabroux. J'en viens donc aux emplois-jeunes.
En première lecture, monsieur le ministre, vous avez déclaré : « Le présent dispositif n'est pas un substitut aux emplois-jeunes. La discussion sur les emplois-jeunes s'ouvrira à l'occasion de la loi de finances. »
Depuis, nous avons lu la presse, et nous avons appris, qu'« il n'y a pas lieu de créer de nouveaux emplois-jeunes ».
M. Dominique Braye. Hier, on nous a dit qu'il ne fallait pas écouter la presse !
M. Yves Coquelle. Mais laissez-le parler !
M. Gilbert Chabroux. Votre position aurait donc évolué en quelques jours, sans doute au rythme de la préparation de la loi de finances au sein du Gouvernement et des économies qui se dessinent sur le budget de l'emploi.
Nous avons déjà fait part, en première lecture, de notre inquiétude d'élus locaux sur le sort des emplois-jeunes dans nos collectivités et dans les associations. Je n'entends pas me répéter et redire ce qui vous a été dit également à l'Assemblée nationale. Il vous reviendra, monsieur le ministre, d'assumer seul - ne comptez pas trop sur la solidarité gouvernementale ! - devant l'opinion ce choix que nous rejetons avec force. Les jeunes, les familles, les responsables d'associations, les élus locaux que nous sommes tous, même les ministres qui ont des emplois-jeunes dans leur collectivité en disent beaucoup de bien.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Effet d'aubaine !
M. Dominique Braye. Voilà, vous le dénonciez il y a dix minutes !
M. Gilbert Chabroux. Et les services rendus et les activités nouvelles !...
En tout cas, vous aurez à rendre compte, et nous apprécierons tous, au niveau où nous nous situons, au-delà des discours, les effets de votre créativité budgétaire et sociale.
Il est, en effet, parfaitement vain d'imaginer que, demain, l'économie marchande viendra absorber la totalité des jeunes demandeurs d'emploi, diplômés ou non.
Au demeurant, l'économie marchande ne rend pas les mêmes services à la société que les collectivités et les associations.
Quoi que vous en ayez dit au départ, les contrats-jeunes dans le secteur privé sont bien appelés à remplacer statistiquement les emplois-jeunes. Il s'agit non pas d'un renforcement de la politique de lutte contre le chômage des jeunes mais d'une simple substitution, consistant pour l'essentiel désormais en un cadeau aux grandes entreprises.
Ce faisant, le contenu de ce projet de loi participe à la nette inflexion, dans le sens du libéralisme, quel que soit l'adjectif dont on l'affuble - social ou pas social du tout - de votre politique.
Voilà quelques semaines que vous êtes au Gouvernement, et il devient possible de dessiner les contours d'une politique qui est nettement orientée vers le libéralisme en matière économique. Elle se traduit dans les faits non seulement par ce projet qui est finalement destiné à fournir une masse de manoeuvres aux grandes entreprises, mais également par le refus de l'augmentation du SMIC et la hausse de la quasi-totalité des tarifs publics.
Dans le même temps, le prétendu retour à l'ordre s'affiche avec l'adoption de lois sécuritaires destinées à récupérer l'électorat d'extrême droite, un électorat le plus souvent populaire, qui est aussi le premier à être touché par les bas salaires, les hausses de tarifs, le chômage et la précarité.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Gilbert Chabroux. Votre souci de la moralité s'applique même à ce projet de loi par lequel vous prétendez « redonner sens aux vertus du travail, du mérite et de la récompense ».
M. Jean Chérioux. Eh bien oui !
M. Gilbert Chabroux. Nous sommes persuadés que le travail et le mérite seront en effet du côté des jeunes salariés, la récompense étant, quant à elle, beaucoup plus incertaine. En revanche, le bénéfice est déjà pleinement assuré aux gros employeurs.
Ce déséquilibre, qui est désormais flagrant, nous conduit bien entendu, monsieur le ministre, à voter contre votre projet de loi, d'où toute dimension sociale a été évacuée. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présentation en urgence de ce texte consacré à l'emploi des jeunes non qualifiés a donné lieu à des débats limités, par volonté gouvernementale, au seul aspect de l'exonération des charges sociales.
L'exposé des motifs du projet de loi, comme la présentation par M. le ministre, en commission des affaires sociales, des raisons selon lesquelles le coût du travail serait la seule cause du taux élevé du chômage chez les jeunes non qualifiés confirment une position dogmatique, assumée ou non tant à droite qu'à gauche.
Aucune démonstration n'est produite, aucune étude sérieuse n'est présentée, seule l'exigence patronale est prise en compte.
En la matière, rien n'est jamais suffisant : aucune limite n'est fixée pour ces exonérations diverses, qu'il s'agisse des charges sociales, fiscales, réglementaires ou conventionnelles. Il en faut toujours plus pour les uns, au détriment des salariés !
Certes, je vous le concède, votre majorité n'a pas seule la paternité de cette logique destructrice, et croyez bien que je le déplore profondément ! Toutefois, je tiens à souligner que votre capacité à accompagner, voire à devancer les exigences du MEDEF est particulièrement impressionnante.
M. Jean Chérioux. Rien que cela !
M. Roland Muzeau. Il en a été ainsi avec l'amendement supprimant le seuil des 250 salariés, qui ouvre un formidable effet d'aubaine supplémentaire.
Toute l'argumentation que M. le ministre a développée lors de son audition par la commission des affaires sociales sur l'importance de ce seuil a volé en éclats. Le sort des PME, les vraies difficultés dont elles nous font part n'ont en aucun cas été pris en compte.
Les vannes sont largement ouvertes, les grands groupes industriels ont, une fois de plus, accès à la manne publique, à une nouvelle subvention.
M. Philippe Marini. Ils vont créer des emplois !
M. Roland Muzeau. On en reparlera !
M. Dominique Braye. Les jeunes n'auraient pas le droit d'aller dans les grandes entreprises. Merci pour eux !
M. Roland Muzeau. Je rappelle aussi que votre dispositif va permettre de subventionner une partie du salaire : c'est une première !
L'élan libéral de votre majorité l'a conduite jusqu'à vouloir exclure pendant deux ans ces jeunes des effectifs des entreprises, afin - avez-vous dit - qu'elles n'aient pas à subir les effets de la législation du travail liés aux changements de seuil du nombre de salariés.
A l'occasion de notre explication de vote, sur ce thème, je me suis réjoui que nous ayons pu, sinon vous convaincre, du moins amener le Gouvernement à refuser l'amendement, tellement l'effet en aurait été désastreux.
La réussite d'un dispositif d'accès à l'emploi, si critiquable soit-il, passe par l'existence d'un volet intégration et formation.
Vous pouvez rétorquer que les jeunes n'en veulent pas, vous ne convaincrez personne pour autant. Plus les jeunes privés d'emplois sont démunis de qualification, moins ils sont employables. Ils ont besoin, comme l'entreprise, qu'existe un accueil clair, structuré, au poste de travail. Rien ne justifie votre refus d'un tutorat, dont pourtant l'efficacité a été démontrée. J'ai en mémoire les contrats emplois-solidarité, qui comportaient cette disposition et dont l'efficacité formatrice a été réelle.
Au-delà de la primo-insertion, la formation permet au jeune de s'insérer durablement dans l'emploi et d'être vraiment à son aise dans le travail.
Sans formation, ce jeune n'aura jamais accès à une liberté essentielle, celle de choisir son parcours professionnel, de construire sa vie d'adulte hors de tout assistanat.
Prétendre, comme vous le faites, que ces jeunes ne veulent plus rien entendre qui ait quoi que ce soit à voir avec la formation est profondément injuste à leur égard. En effet, s'il est vrai que l'échec scolaire frappe durement des dizaines de milliers de jeunes, il est faux de systématiser un mouvement de refus de formation.
Toutes les expériences d'insertion par l'économie, accompagnées de formation, ont fait la preuve de leur intérêt pour les jeunes.
Je me refuse à vous suivre dans la stigmatisation de ces jeunes ; je me refuse à accepter votre positionnement ultra-libéral.
Au cours de ses débats, l'Assemblée nationale a inclus plusieurs dispositions nouvelles.
Elle a ainsi décidé que les employeurs pourront transformer des contrats à durée déterminée en cours et utiliser le dispositif d'exonération qui nous est soumis.
C'est un pas de plus vers l'effet d'aubaine que notre groupe a dénoncé ; nous n'étions pas les seuls, d'ailleurs. Il est significatif que M. le rapporteur, en commission mixte paritaire, ait dû reconnaître qu'il partageait ces craintes, mais que, au nom de la solidarité avec le Gouvernement, il ait accepté l'amendement.
Que dire de l'article 4 issu de l'Assemblée nationale, sinon qu'il concrétise dans la loi la fin des contrats d'aides éducateurs ?
Que vont devenir ces dizaines de milliers de salariés qui ont fait la preuve de l'utilité de leur emploi ? En prorogeant d'un an le dispositif pour ces seuls aides-éducateurs, vous reconnaissez par là même que ces postes sont incontournables. Cependant, vous ne donnez aucune perspective positive aux besoins des établissements scolaires. Dans un même mouvement, vous balayez les besoins des associations, qui, je vous le rappelle, travaillent pour la plupart à l'insertion des jeunes les plus en difficulté. Or ces jeunes constituent une partie du public visé par ce texte.
Concernant les intermittents du spectacle, je confirme les propos tenus par le groupe communiste républicain et citoyen en première lecture.
L'absence d'audition des syndicats et des associations par la commission n'a pas permis de connaître l'opinion de ceux qui, pourtant, sont indispensables à la vie des entreprises. Ainsi, après la CGT et la CFDT, FO vient de dénoncer, dans le journal La Tribune du 30 juillet dernier, « les effets des contrats-jeunes ».
A l'issue de la commission mixte paritaire, la seule disposition positive demeure la nature du contrat, le CDI, comme je l'ai souligné dans la discussion générale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen confirme son opposition résolue et argumentée à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en écoutant nos collègues Gilbert Chabroux et Roland Muzeau, je me demandais où nous étions et en quelle année nous discutions.
Nous vivons dans un pays qui a adhéré à l'Union européenne, nous avons tous en poches des euros, c'est-à-dire une monnaie européenne. Il faut donc, si nous voulons que les jeunes Français ou ceux qui vivent sur le territoire français puissent trouver un emploi, que nos entreprises soient compétitives, qu'elles s'insèrent dans le cycle productif dans des conditions satisfaisantes, afin que nous puissions tenir notre rang et continuer à créer des emplois. Tel est en tout cas l'objectif que nous devons viser.
Le texte que nous propose à cette fin M. le ministre, contient plusieurs éléments fondamentaux.
Ainsi, pour la première fois - et Dieu sait si dans cette enceinte, depuis vingt ans, nous avons discuté des problèmes d'emplois pour les jeunes ! - on offre à des jeunes non qualifiés la possibilité d'accéder directement à des contrats à durée indéterminée. Comme M. Muzeau vient de le souligner, c'est, à mon avis, le point fort du dispositif. En effet, tous les mécanismes tatillons, réglementaires ou législatifs, qu'on a pu inventer depuis vingt ans ne prévoyaient jamais le passage direct du collège - dont certains sortent sans avoir rien appris, mais passons ! à l'entreprise. On offre ainsi au jeune la possibilité de signer un contrat à durée indéterminée, avec tous les éléments qui y sont liés : information, insertion, tutorat dans l'entreprise.
En dépit d'un certain nombre de propositions, nos deux assemblées ont résisté à la tentation de relever le seuil de qualification des jeunes. Comme le souhaitait le Gouvernement, le dispositif demeure destiné aux non-qualifiés.
Mes chers collègues, nous avons entendu glorifier les emplois-jeunes, notamment par M. Chabroux. Mais je vous ferai remarquer que 75 % des titulaires d'emplois-jeunes recrutés par les collectivités locales et par les associations étaient titulaires, au minimum, du baccalauréat. On peut donc dire que le dispositif des emplois-jeunes a échoué pour ce qui est de l'insertion professionnelle des jeunes non qualifiés.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. Plusieurs d'entre nous font partie de ceux qui s'occupent depuis quelques années de l'insertion professionnelle des jeunes en difficulté, c'est-à-dire ceux qui sont mal sortis du primaire, qui ont végété dans les collèges et qui, à seize ans, se trouvent complètement démunis.
Eh bien, pour la première fois, à ces jeunes qui fréquentent nos missions locales, nos associations de soutien, nos associations d'aide scolaire, etc., nous pourrons offrir autre chose que des contrats à durée déterminée ou des « petits boulots », et c'est tout à fait essentiel.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. Restent deux questions, qui ont d'ailleurs été débattues ici même, en première lecture, à l'Assemblée nationale et encore ce matin en commission mixte paritaire : celle de la formation, d'une part, et celle de la limitation de la possibilité de recrutement aux petites et moyennes entreprises.
Pour ce qui est de la formation, il est clair que, comme l'a très bien dit le ministre lors de la précédente lecture, proposer aujourd'hui un système impliquant une entrée en formation à nos jeunes déqualifiés, notamment à ceux qui ont un peu connu la « galère » entre seize et vingt ans, c'est aller droit à l'échec.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. La pratique locale, sur le terrain - car il ne s'agit pas ici d'asséner des présupposés, idéologiques mais de parler de la réalité -, nous montre que 40 % des jeunes qui entrent dans le programme TRACE en sortent parce qu'ils n'acceptent pas ce qu'on leur propose, que nous ne disposons pas de moyens de formation suffisamment délocalisés, autonomes et modulaires pour les intéresser et que nous ne pouvons leur offrir que des systèmes de formation beaucoup trop sommaires.
A cet égard, monsieur le président de la commission des affaires sociales, il suffirait d'aller faire un tour en Suède ou au Pays-Bas pour voir comment, dans ces pays, on a utilisé les passerelles existant entre l'enseignement professionnel et l'entreprise et mis en place des systèmes de formation très modulaires qui sont très bien acceptés par des jeunes ayant pourtant peu profité de leur passage dans l'enseignement secondaire.
Dans notre pays, ce n'est malheureusement pas possible, et il faudra consentir quelques efforts pour y parvenir.
Des chefs d'entreprise que j'ai rencontrés - il y en a quelques-uns dans la commune que j'ai l'honneur d'administrer - m'ont confié que deux ans à deux ans et demi étaient nécessaires pour faire d'un jeune non qualifié un travailleur sérieux.
Par conséquent, l'aspect dégressif et limité de l'avantage qui est octroyé aux entreprises qui vont recruter me paraît tout à fait correspondre à la durée nécessaire pour qu'un jeune en CDI, avec tous les avantages du CDI - c'est-à-dire la possibilité d'accéder directement aux plans de formation -, puisse devenir un travailleur compétent. Et je connais beaucoup de chefs d'entreprise qui vont ainsi recruter nos jeunes - je dis « nos jeunes » parce qu'ils pèsent sur nos structures depuis un certain nombre d'années - dans des conditions satisfaisantes.
Autrement dit, l'idée d'inclure dans ce texte une obligation de formation est totalement étrangère à tous ceux qui savent comment fonctionnent effectivement les entreprises aujourd'hui.
Car nous ne sommes plus dans le monde de Zola, cher monsieur Chabroux ! Nous parlons des entreprises de ce début du xxie siècle, qui sont en compétition avec leurs concurrents étrangers. Ce sont des entreprises dans lesquelles la formation fait partie intégrante de l'organisation des tâches et du développement.
Par conséquent, je crois que soulever cette question de la formation, c'est poser un faux problème.
A l'Assemblée nationale, me dites-vous, M. Albertini a estimé que la formation était essentielle. Eh bien, je dis, moi, à M. Albertini, qu'il ne sait pas comment fonctionnent aujourd'hui nos entreprises grandes et moyennes.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Dans une entreprise moderne et bien gérée, lorsqu'on embauche un jeune non qualifié, en deux ans, on peut en faire un travailleur sérieux, à condition qu'il accepte de travailler, mais, selon moi, 75 % à 80 % des jeunes accepteront de se plier aux règles de l'entreprise.
M. René Garrec. 90 % !
M. Jean-Pierre Fourcade. Nous aurons, par conséquent, beaucoup de succès.
J'en viens à la question du seuil.
Lors de l'examen du projet de loi en commission, j'ai indiqué que la fixation d'un seuil ne me paraissait pas raisonnable. En effet, beaucoup d'entreprises moyennes et petites éprouvent des difficultés à organiser la formation des jeunes qu'elles embauchent, à la fois faute d'un encadrement adéquat et aussi, tout simplement, parce qu'elles sont quotidiennement confrontées à des tâches urgentes liées à leurs activités.
Dès lors, permettre à toutes les entreprises, quelles qu'elles soient, d'entrer dans le dispositif me paraît aller dans le bon sens car c'est le plus sûr moyen d'atteindre notre objectif : faire en sorte que le plus grand nombre possible de jeunes non qualifiés soient intégrés dans les entreprises.
M. René Garrec. Très bien !
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. Nous apporterons ainsi des réponses positives aux questions qui nous sont posées dans les missions locales, dans toutes les structures que nous animons, en y consacrant beaucoup de temps et beaucoup d'énergie.
Ce matin, en commission mixte paritaire, les deux assemblées se sont mises d'accord sur quatre points : le ciblage sur les jeunes non qualifiés, l'embauche sous contrat à durée indéterminée, la possibilité pour tous de bénéficier des dispositions proposées et l'instauration d'un système dégressif, puisqu'il ne s'agit pas d'un mécanisme permanent. Le dispositif ainsi mis au point me paraît tout à fait satisfaisant.
J'ai fait part de mon inquiétude sur la conversion, dans une entreprise, de CDD en CDI en s'appuyant sur le nouveau système.
Parce qu'il y a aussi des jeunes qui ont refusé un CDD en disant qu'ils ne voulaient pas d'un « petit boulot » et qu'ils préféraient attendre un « véritable emploi ». En général, ce qu'ils attendent, c'est un emploi municipal, pour être tranquilles et avoir une longue carrière.
M. Hilaire Flandre. Il va falloir avoir beaucoup d'emplois communaux !
M. Roland Muzeau. N'exagérez pas, monsieur Fourcade !
M. Jean-Pierre Fourcade. Mais c'est ce que nous entendons lorsque nous discutons avec les jeunes !
M. Roland Muzeau. N'en rajoutez pas !
M. Jean-Pierre Fourcade. J'ai accepté l'amendement de l'Assemblée nationale dans un souci d'égalité entre les jeunes, car il ne faut pas décourager ceux qui ont fait un effort.
Cela étant, monsieur le ministre, il sera utile que vous nous communiquiez les statistiques concernant les emplois consolidés et les emplois nouveaux, de manière que nous puissions apprécier, au cours des trois ans à venir, les effets réels du système.
Mes chers collègues, nous sortons d'une réglementation tatillonne. Dieu sait si on nous a fait l'éloge des emplois-jeunes ! Pourtant, c'était un système d'une durée de cinq ans dans lequel aucune formation n'était imposée. Que n'avez-vous dit, monsieur Chabroux, lorsqu'on a créé les emplois-jeunes, qu'il fallait ajouter un élément de formation ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'était pas encore à l'UDF ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Au demeurant, monsieur le ministre, vous avez raison de consolider jusqu'à la fin de l'année scolaire qui s'est ouverte les emplois-jeunes dans l'éducation nationale ; il serait en effet absurde de renvoyer ceux qui n'auraient pas fini l'année scolaire.
En tout cas, nous devrons sérieusement réfléchir à ce que nous allons faire en matière d'emplois-jeunes au cours des prochaines années.
En ce qui me concerne, j'ai tout fait pour orienter les emplois-jeunes que j'ai recrutés - une cinquantaine - vers le secteur privé, après leur avoir donné une formation.
En utilisant à égalité la formation des emplois-jeunes, la formation des contrats d'apprentissage et la formation des contrats de qualification, nous disposons de trois systèmes sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour essayer d'insérer des jeunes qui sont peu qualifiés.
C'est pourquoi toute la majorité sénatoriale soutient le projet tel qu'il résulte des travaux de la commission mixte paritaire, et je crois, mes chers collègues, que nous pouvons le voter sans aucune réserve.
Ce que nous avons entendu tout à l'heure me paraissait terriblement daté. Nous sommes en 2002. Nous avons un certain nombre de jeunes qui ont été massacrés par notre système scolaire...
M. Claude Estier. On en reparlera dans six mois !
M. Dominique Braye. On dirait que vous ne voulez pas que ça marche !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... et qu'il faut essayer de faire entrer dans la vie professionnelle. C'est cela le vrai sujet !
Monsieur le ministre, je vous félicite d'avoir pris cette initiative et, surtout, de nous avoir soumis aussi rapidement un texte simple, qui peut avoir des effets extrêmement importants sur cette masse de jeunes non qualifiés, pour lesquels nous n'avions guère pu trouver, dans nos collectivités locales, que des solutions transitoires ou des subterfuges.
Avec le nouveau système, ils vont être orientés d'emblée vers le secteur productif, c'est-à-dire, ne l'oublions pas, celui qui finance, pour l'essentiel, les associations et les collectivités locales. Il faut bien, de temps en temps, penser, en termes européens, à aider ce secteur car c'est lui qui sous-tend l'activité essentielle du pays. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je veux « tordre le cou » à une critique qui a été émise par MM. Chabroux et Muzeau et que je trouve assez cocasse. Ils ont en effet fait allusion à une mesure de droit commun introduite dans le code du travail par l'article 129 de la loi de modernisation sociale - un texte que vous avez soutenu, me semble-t-il, chers collègues - et qui prévoit qu'à tout moment un CDD peut être rompu par son titulaire si celui-ci a obtenu une promesse de CDI. Il faut tout de même rester cohérent !
M. Roland Muzeau. Vous aviez les mêmes positions que nous, monsieur le rapporteur !
M. Louis Souvet, rapporteur. Mais, moi, je n'ai pas soutenu cette loi !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France détient un triste record et ce depuis longtemps ; de tous les grands pays européens, le nôtre est celui qui comprend le nombre le plus élevé de jeunes au chômage.
M. Claude Estier. Ce nombre a diminué au cours des cinq dernières années !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il a baissé dans tous les pays européens, dans le nôtre comme dans les autres, en raison de la croissance internationale et de la création des emplois-jeunes financés par le budget de l'Etat. Néanmoins, nous détenons toujours le triste record du nombre de jeunes au chômage. En effet, le taux global des jeunes au chômage est supérieur à 20 % et il dépasse 30 % pour les jeunes non qualifiés.
D'ailleurs, le chômage des jeunes non qualifiés n'a quasiment pas diminué au cours de ces dernières années, malgré la croissance et malgré les emplois-jeunes, dont ces jeunes-là n'ont pas profité.
Tous les gouvernements ont cherché à lutter contre ce fléau, qui mine notre pacte républicain et qui est sans doute l'une des causes - peut-être la plus importante - de la crise politique et sociale que nous traversons encore et qui hypothèque gravement l'avenir de notre pays.
En vérité, je n'ai aucune certitude en matière d'emploi des jeunes et de lutte contre le chômage. J'aimerais en avoir mais, en l'occurrence, la circonspection s'impose. En tout cas, il faut tout essayer et il me semble par conséquent utile d'ajouter un nouveau dispositif à ceux qui ont été mis en oeuvre par les majorités successives, afin de compléter l'offre d'emplois pour les jeunes.
Il y a l'alternance, il y a les contrats de qualification, il y a le programme TRACE, il y a les emplois-jeunes. Comment expliquez-vous que, malgré l'existence de tous ces dispositifs, le chômage global des jeunes ait augmenté de 15 % en un an et que le chômage des jeunes sans qualification soit à un niveau aussi élevé ? La raison en est simple : ces dispositifs ne permettent pas de répondre aux besoins des jeunes sans qualification.
La formation en alternance n'offre pas, aujourd'hui, suffisamment de postes pour que tous les jeunes qui souhaiteraient obtenir un tel contrat puissent en bénéficier. Les entreprises n'ont tout simplement pas la capacité d'accueillir tous ces jeunes. Il faut également prendre en compte le fait que l'ensemble de notre dispositif de formation exclut chaque année 60 000 jeunes, qui en sortent sans aucun diplôme et s'engagent alors dans des « galères » successives qui les éloignent de plus en plus de la formation.
Nous, nous avons choisi non pas de jeter l'anathème sur les solutions qui ont été mises en oeuvre par nos prédécesseurs mais d'ajouter un nouveau dispositif, qui est simple, clair et qui doit s'appliquer aux jeunes non qualifiés.
Ce dispositif a été, il faut le rappeler très enrichi par le débat que nous avons eu dans cet hémicycle en première lecture, et je tiens à dire à votre assemblée que le Gouvernement a défendu les positions du Sénat à l'Assemblée nationale.
M. Louis Souvet, rapporteur. Nous vous en remercions, monsieur le ministre !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ainsi, le texte qui est issu de la première lecture à l'Assemblée nationale est, à peu d'éléments près, le texte du Sénat, et le résultat de la commission mixte paritaire de ce matin a confirmé cette situation.
Nous allons continuer à encourager l'alternance. Nous sommes déjà au travail avec les partenaires sociaux pour relancer la politique en la matière et pour faire en sorte qu'elle soit plus efficace.
Nous allons également continuer à encourager la politique des contrats de qualification. Je l'ai dit au Sénat, je l'ai dit à l'Assemblée nationale, nous allons amplifier le dispositif TRACE en le transformant progressivement en un nouveau contrat sur lequel le Président de la République s'est engagé : le contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS.
Enfin, nous allons continuer à financer les 220 000 emplois-jeunes pour lesquels des contrats ont été signés. C'est pourquoi, à ceux qui disent que le Gouvernement veut faire des économies sur la politique de l'emploi, en particulier sur la politique de l'emploi des jeunes, je dis : quel contresens ! Nous allons inscrire dans le budget de 2002 près de 3 milliards d'euros pour financer les contrats-jeunes en cours, qui ne sont évidemment pas remis en cause.
Non seulement ces contrats ne sont pas remis en cause, mais certains d'entre eux vont même être prolongés, en particulier grâce au texte que vous allez voter. De plus, comme je l'ai indiqué à l'Assemblée nationale hier, nous allons proposer aux associations de poursuivre les dispositifs qui avaient déjà été imaginés par le gouvernement précédent pour prolonger pendant trois ans, de manière dégressive, les emplois-jeunes arrivant en fin de contrat.
Nous allons donc inscrire les crédits nécessaires pour financer ces 220 000 contrats et nous allons y ajouter ceux qui sont nécessaires pour financer le présent contrat sans charges, ce qui signifie que le budget de l'emploi des jeunes va être en croissance par rapport à l'année précédente.
C'est vrai, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet marque un changement de politique : nous ne faisons pas exactement la même politique que nos prédécesseurs.
M. Henri de Raincourt. Heureusement !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cela ne vous étonnera pas ! Nous menons une politique qui n'est pas une politique socialiste, nous menons une politique qui est plus favorable à l'entreprise, plus favorable à la liberté, plus favorable à l'idée selon laquelle une relation de confiance doit être établie entre les pouvoirs publics, l'entreprise et les partenaires sociaux.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et établie durablement !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous vous soumettrons, dans les mois et les années à venir, beaucoup d'autres textes tels que celui-ci. Ils viseront à alléger les contraintes qui pèsent sur notre économie, à donner aux partenaires sociaux plus de liberté pour négocier, en fonction des secteurs géographiques et professionnels, les conditions d'organisation de la formation et les conditions d'organisation du travail.
C'est la raison pour laquelle je suis convaincu que la critique qui a été formulée ici ou là sur l'absence de formation - en raison de la cible que nous avons choisie - disparaîtra d'autant mieux que les partenaires sociaux mettront en place dans les branches et dans les entreprises les systèmes de formation nécessaires.
M. Jean Chérioux. Et adaptés !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ajoute sur ce sujet, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'opposition a vraiment mauvaise grâce à critiquer un système qui est, finalement, plus sécurisant pour les jeunes que le dispositif des emplois-jeunes, qu'elle porte pourtant aux nues. En effet, ce dernier ne comportait pas d'obligation de formation, il n'offrait que des contrats précaires puisque conclus pour cinq ans, des contrats qui ne débouchaient pas facilement sur une insertion professionnelle durable.
En offrant aux jeunes en difficulté un vrai contrat de travail et un vrai salaire, nous leur tendons la main. Ces contrats sont en effet de nature - en tout cas je souhaite qu'ils le soient - à résoudre une partie du problème du chômage des jeunes.
Je souhaite bien du plaisir à tous ceux qui, dans l'opposition, devront expliquer dans leur département et dans leur circonscription qu'ils ont choisi de ne pas soutenir ce projet de loi au motif que les grandes entreprises pourraient en bénéficier.
A cet égard, l'une des critiques qui a été formulée tout à l'heure par M. Chabroux est révélatrice de la vraie crainte de l'opposition : vous craignez que ce dispositif ne réussisse...
M. Dominique Braye. Absolument ! Ils ont peur que cela marche !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... car, lorsque vous dites que les grandes entreprises pourraient priver les petites et les moyennes entreprises de l'opportunité que nous offrons avec ce contrat, cela signifie que vous pensez que les grandes entreprises vont embaucher les 300 000 jeunes que nous ciblons et qu'il n'en restera pas pour les PME. Honnêtement, si tel était le cas, cela signifierait que notre plan a fonctionné, au-delà même de nos espérances !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce serait le Pérou !
M. Louis Souvet, rapporteur. Si vous croyez au ciel, il faut prier !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Une nouvelle fois, cet après-midi, des arguments navrants ont été employés. Ils sont d'ailleurs souvent le résultat d'un aveuglement idéologique qui, au-delà de nos débats, est préoccupant pour la recherche d'une solution aux problèmes de fond que connaît notre pays.
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les allégements de charge ne seraient pas utiles à la création d'emplois ? Si tel était le cas, je me demande pourquoi nous héritons des 15 milliards d'euros d'allégements, qu'il nous faut aujourd'hui honorer et qui ont été accordés pour faciliter le passage de certaines entreprises françaises - toutes n'y sont pas encore - aux 35 heures. Imaginez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que notre pays aurait pu réaliser avec ces 15 milliards d'euros !
M. Jean Chérioux. Hélas !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Et, en disant 15 milliards, je crois que je suis en dessous du chiffre.
Nous aurions pu, chaque année, les investir dans des programmes de lutte contre les vraies injustices qui existent dans notre pays et qui, vous le savez, sont encore nombreuses.
J'ai entendu une nouvelle fois rappeler que le Gouvernement avait refusé d'augmenter le SMIC.
M. Henri de Raincourt. Oh !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est avec des arguments de ce type que les responsables politiques, toutes tendances confondues, suscitent le mépris de la population française : quand on leur dit des choses fausses et qu'on les leur répète à la façon des médias qui, tous les quarts d'heure, nous ressassent les mêmes erreurs, on finit par susciter le mépris des Français.
Le SMIC n'a pas augmenté depuis trois ans parce que, mécaniquement, les décisions que le Gouvernement précédent a prises empêchaient son augmentation.
M. Louis Souvet, rapporteur. Evidemment !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Augmenter le SMIC aujourd'hui, ce serait creuser l'écart entre les différents SMIC et rendre impossible la convergence qui, pourtant, était prévue...
M. Dominique Braye. Et indispensable !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... - sans que le mécanisme soit décrit, d'ailleurs - dans la loi instaurant les 35 heures.
Au mois d'octobre prochain, nous vous proposerons un schéma de convergence des SMIC qui sera notre façon de lutter contre les bas salaires tout en en finissant avec un dispositif qui, finalement, a remis en cause un acquis social dont nous sommes, dois-je le rappeler, les auteurs, à savoir la mise en place d'un salaire minimum de référence qui, éclaté aujourd'hui, ne joue plus le rôle pour lequel il avait été imaginé.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que vous puissiez approuver ce texte, enrichi par un amendement qui permet de prolonger les emplois-jeunes dans l'éducation nationale jusqu'à la prochaine rentrée,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ce qui n'avait pas été prévu par le précédent gouvernement.
Je pense que ceux qui voteront ce texte n'auront pas à rougir de ce premier pas social du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, premier pas qui sera suivi très rapidement, dès le mois d'octobre prochain, d'un deuxième pas sur la convergence des SMIC, sur l'assouplissement des 35 heures et sur la reconfiguration des allégements de charges sociales des entreprises. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, le Sénat se prononce par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :
« Art. 1er. - Le code du travail est ainsi modifié :
« 1° L'article L. 322-4-6 est ainsi rétabli :
« Art. L. 322-4-6. - Afin de favoriser l'accès des jeunes à l'emploi et de faciliter leur insertion professionnelle, les employeurs peuvent, pour une durée de trois années au plus, le cas échéant de manière dégressive, bénéficier d'un soutien de l'Etat lors de la conclusion de contrats de travail à durée indéterminée, à temps plein ou à temps partiel à la condition que la durée du travail stipulée au contrat de travail soit au moins égale à la moitié de la durée collective du travail applicable, conclus, à compter du 1er juillet 2002, avec des jeunes âgés de seize à vingt-deux ans révolus, dont le niveau de formation est inférieur à un diplôme de fin du second cycle long de l'enseignement général, technologique ou professionnel.
« Ce soutien est calculé par référence aux cotisations et contributions sociales patronales obligatoires de toutes natures, dont le paiement est exigé à raison du versement du salaire. Ce soutien n'est pas cumulable avec une autre aide à l'emploi attribuée par l'Etat. Il est cumulable avec les réductions et les allégements de cotisations prévus aux articles L. 241-6-4, L. 241-13, L. 241-13-1 et L. L. 241-14 du code de la sécurité sociale ainsi qu'aux articles L. 241-13 et L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale tels que visés par l'article L. 741-4 du code rural et aux articles L. 741-5 et L. 741-6 de ce dernier code.
« Un décret précise le montant et les modalités d'attribution du soutien ainsi que les conditions d'application du présent article. » ;
« 2° Sont insérés cinq articles L. 322-4-6-1 à L. 322-4-6-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 322-4-6-1. - Bénéficient du soutien mentionné à l'article L. 322-4-6, pour chaque contrat de travail, les employeurs soumis aux obligations de l'article L. 351-4, à l'exception des particuliers. Bénéficient également du soutien les employeurs de pêche maritime.
« Le soutien de l'Etat n'est accordé que si les conditions suivantes sont réunies :
« 1° L'employeur n'a procédé à aucun licenciement pour motif économique dans les six mois précédant l'embauche du salarié ;
« 2° Il est à jour du versement de ses cotisations et contributions sociales ;
« 3° Le salarié n'a pas travaillé chez l'employeur dans les douze mois précédant cette embauche, sauf s'il était titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire.
« Art. L. 322-4-6-2. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 122-5, les contrats de travail mentionnés à l'article L. 322-4-6 peuvent être rompus sans préavis, à l'initiative du salarié, lorsque la rupture du contrat a pour objet de permettre à celui-ci d'être embauché en vertu de l'un des contrats prévus aux articles L. 117-1 et L. 981-1 ou de suivre l'une des formations mentionnées à l'article L. 900-2.
« Art. L. 322-4-6-3. - L'Etat peut confier la gestion du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes prévu à l'article L. 322-4-6 aux institutions mentionnées à l'article L. 351-21 ou à une personne morale de droit public.
« Art. L. 322-4-6-4. - Une convention ou un accord collectif de branche peut prévoir les conditions dans lesquelles les salariés visés à l'article L. 322-4-6 bénéficient d'un accompagnement et du bilan de compétences mentionné à l'article L. 900-2.
« Art. L. 322-4-6-5. - Dans les professions dans lesquelles le paiement des congés des salariés et des charges sur les indemnités de congés est mutualisé entre les employeurs affiliés aux caisses de compensation prévues à l'article L. 223-16, les modalités selon lesquelles les employeurs régulièrement affiliés à ces caisses peuvent bénéficier du soutien mentionné à l'article L. 322-4-6 au titre de ces indemnités sont déterminées, compte tenu des adaptations nécessaires, par décret. Ce soutien doit s'entendre comme n'étant pas calculable par référence aux cotisations et contributions sociales patronales de toutes natures dues au titre de ces indemnités par lesdites caisses de compensation. »

« Art. 3. - L'article L. 351-14 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Du fait de l'aménagement de leurs conditions d'indemnisation prévu au présent article, l'allocation d'assurance versée aux salariés involontairement privés d'emploi relevant des professions de la production cinématographique, de l'audiovisuel ou du spectacle peut, en sus de la contribution prévue à l'article L. 351-3-1, être financée par une contribution spécifique à la charge des employeurs et des salariés relevant de ces professions, assise sur la rémunération brute dans la limite d'un plafond, dans des conditions fixées par l'accord prévu à l'article L. 351-8. Ces dispositions sont applicables aux avenants aux annexes VIII et X au règlement annexé à la convention du 1er janvier 1997 relative à l'assurance chômage signés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2002-311 du 5 mars 2002 relative au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle.
« La contribution spécifique mentionnée au deuxième alinéa est applicable à compter du 1er septembre 2002. »
« Art. 4. - Les contrats d'aides-éducateurs conclus avant le 30 juin 1998, en application des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18 du code du travail, peuvent être prolongés jusqu'au 30 juin 2003. L'aide de l'Etat est maintenue jusqu'au terme de cette période. »
Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'un de ces articles ? ...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que l'Assemblée nationale n'a pas terminé l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire que nous devrions examiner maintenant sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002.
Il me faut donc suspendre la séance, qui sera reprise dès que le texte nous sera parvenu et que M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, pourra être présent dans l'hémicycle.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quarante.)