SEANCE DU 3 AOUT 2002


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, de donne la parole à M. Claude Estier, pour explication de vote.
M. Claude Estier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme lors de l'examen par notre assemblée, le groupe socialiste votera contre le projet de loi portant amnistie tel qu'il résulte des débats de la commission mixte paritaire.
Certes, on l'a rappelé, l'amnistie est une tradition républicaine dont les gouvernements de toutes les époques et de toutes les sensibilités ont fait usage. Pourtant, le fait que la liste des exclusions s'allonge chaque fois témoigne d'un réel embarras à l'égard de ce qui est, qu'on le veuille ou non, une incitation périodique à l'incivisme.
Alors que le Président de la République, pendant la campagne électorale, s'est prononcé pour l'« impunité zéro », alors que le Parlement a siégé en session extraordinaire, pour légiférer, notamment, sur la sécurité, ce projet de loi portant amnistie nous paraît en complet décalage avec les intentions affichées par le Gouvernement. Il est temps, pensons-nous, de mettre un terme à cette coutume désuète.
C'est pourquoi le groupe socialiste émettra un vote négatif, en espérant que c'est la dernière fois que le Parlement aura eu à examiner un projet de loi portant amnistie.
M. le président. La parole est à M. Xavier de Villepin.
M. Xavier de Villepin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste, dans sa très grande majorité, votera le projet de loi portant amnistie.
Le dispositif retenu par la commission mixte paritaire permet, selon nous, de concilier le pardon traditionnel de certaines fautes commises par le passé et la nécessaire efficacité du droit pénal.
Pourtant, l'oubli consenti par le législateur n'est pas sans limites, certains actes, toujours plus nombreux, ne pouvant se soustraire à la réprobation de la société.
Le projet de loi portant amnistie répond à ce principe. Il est le plus restrictif de tous ceux qui ont été adoptés depuis le début de la Ve République. Son champ d'application est moins étendu que par le passé, et la liste des infractions exclues de l'amnistie n'a jamais été aussi longue.
Par là, il tient compte - et nous nous en félicitons - de la priorité accordée par le Gouvernement à la lutte contre les différentes formes d'insécurité. Il s'agit d'un texte équilibré et limité qui n'empêche pas la fermeté pour l'avenir. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous ne voterons pas ce texte.
Ni moi ni les membres de mon groupe ne nous sommes reconnus dans les propos de M. le rapporteur selon lesquels l'opposition faisait de l'opposition systématique.
L'amnistie va s'éteindre, sans aucun doute, mais probablement parce que ce qu'elle contenait de générosité et de pardon, peut-être d'oubli, a été détourné de son sens. Lorsqu'elle se cantonne à des contraventions, en particulier à des contraventions au code de la route, on ne voit plus très bien en quoi le pardon et la générosité de la République seraient nécessaires.
Le débat a clairement montré que nous nous dirigions vers une extinction de l'amnistie, évolution qui s'est confirmée, mes chers collègues, lorsque vous avez refusé, pour commencer, toute proposition concernant les conflits sociaux, notamment les syndicalistes. Vous avez ensuite refusé les dispositions qui avaient été adoptées par l'Assemblée nationale, avec l'accord de M. le garde des sceaux, sur l'initiative des députés communistes et qui tendaient à exclure de l'amnistie les délits patronaux d'entrave à l'activité syndicale et de mise en cause des institutions en raison d'activités du personnel. Enfin, vous avez fait preuve d'une sévérité excessive en refusant d'inclure dans le champ de l'amnistie la peine d'interdiction du territoire français, la « double peine ». M. le garde des sceaux a reconnu lui-même qu'il fallait tenir compte du contexte familial et personnel pour l'application de la double peine. Preuve est faite que celle-ci est particulièrement injuste.
Tant à cause de son contenu que de l'orientation qui a progressivement été retenue par le Gouvernement, nous voterons contre ce projet de loi portant amnistie.
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les orateurs de l'opposition dire que ce projet de loi portant amnistie n'est pas bon et s'interroger, par ailleurs, sur le point de savoir si, compte tenu du nombre des exclusions et du fait qu'il vise surtout les contrevenants au code de la route, il a bien une utilité.
Certes, l'amnistie des contraventions au code de la route ou des infractions au stationnement peut paraître curieuse, mais c'est l'usage, et je voudrais dire aux orateurs de l'opposition que, si j'étais à leur place, je me méfierais de la tentation d'inscrire dans nos pratiques républicaines l'exclusion de toute amnistie.
Si l'on s'engage dans cette voie, il faudra aussi s'interdire toute intervention en tant que parlementaire auprès des ministres pour protester contre la sévérité de tel réglement, la lenteur de la justice ou contre certaines décisions dont les électeurs tentent d'obtenir la réforme en s'adressant à leurs élus.
Je prends un pari : si par excès de vertu nous nous engagions tous à chasser les lois d'amnistie de notre paysage républicain, d'ici à dix ans, ceux-là mêmes qui auraient été les plus acharnés à en demander la suppression seraient les premiers à réclamer des lois de pardon. En d'autres termes, comme l'a fort bien dit Pascal, « qui fait l'ange fait la bête ». Faisons donc preuve de prudence quand nous prenons vigoureusement position sur ce point !
M. Claude Estier. Qui est l'ange ? Qui est la bête ?
M. Josselin de Rohan. Monsieur Estier, ne m'incitez pas à rappeler que des textes votés dans le passé par la majorité d'alors visaient à amnistier des faits autrement plus scabreux que ceux que nous sommes amenés à pardonner aujourd'hui.
Un sénateur du RPR. Et comment !
M. Josselin de Rohan. Monsieur Estier, mes chers collègues, ne confondons pas « amnistie » et « amnésie ». Si nous amnistions aujourd'hui, nous avons encore quelques souvenirs. Bien entendu, le groupe du RPR votera le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.

(Le projet de loi est adopté.)

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