SEANCE DU 2 OCTOBRE 2002


JUGES DE PROXIMITÉ

Discussion d'un projet de loi organique

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique relatif aux juges de proximité (n° 376, 2001-2002). [Rapport n° 404 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dès la première session extraordinaire de cette nouvelle législature, le Parlement a adopté la loi d'orientation et de programmation pour la justice afin de mettre en oeuvre, sans attendre, l'action du Gouvernement pour rétablir l'autorité de l'Etat et garantir la sécurité des Français.
Ce texte a été validé par le Conseil constitutionnel et promulgué le 9 septembre dernier.
Parmi les nombreuses mesures nouvelles introduites afin de répondre à la très forte attente de nos concitoyens à l'égard de la justice figure la création d'une véritable juridiction de proximité, qui constituait un engagement majeur du Président de la République.
L'inauguration d'une juridiction de proximité a un objectif essentiel, pourtant non satisfait à ce jour : apporter aux petits litiges de la vie quotidienne, ainsi qu'aux petites infractions aux règles élémentaires de la vie en société, une réponse judiciaire simple, rapide et efficace, permettant ainsi de rendre la justice plus crédible et plus proche de nos concitoyens.
Le choix effectué est clair : celui d'une juridiction autonome nouvelle, composée d'un ou de plusieurs juges de proximité, qui exerceront une part limitée des fonctions exercées par les magistrats des juridictions de première instance.
D'autres voie auraient été possibles. Votre rapporteur, M. le sénateur Fauchon, à qui je rends une nouvelle fois un hommage bien mérité, l'a souligné.
Je ne reviendrai pas sur ce débat si ce n'est pour dire que, si l'autonomie de la juridiction de proximité permet de gagner en lisibilité, le Gouvernement est cependant parfaitement conscient de l'importance de cette autre forme de justice proche des justiciables, mais plus technique, que constitue le tribunal d'instance.
Il y a entre les deux une complémentarité de fonctions que je tiens à nouveau à souligner.
Cela étant, et puisque vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, l'opportunité de recourir à des méthodes expérimentales en ce domaine, je voudrais vous indiquer que le projet de loi constitutionnelle que j'aurai prochainement l'honneur de vous présenter accroît les possibilités d'expérience au niveau tant législatif que réglementaire. Nos conversations du mois de juillet ont porté leurs fruits ! Nous aurons donc bientôt des instruments permettant de prendre en compte votre préoccupation.
S'agissant des juges de proximité, notre objectif, dans les cinq ans à venir, est d'en recruter 3 300. Si vous adoptez le texte soumis à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs, ce recrutement pourra être lancé dès le début de l'année 2003. Mes services travaillent actuellement en ce sens. D'ores et déjà, la Chancellerie reçoit de nombreuses lettres de candidature - plus de 500 à ce jour -, ce qui augure bien, je crois, du devenir du juge de proximité.
La loi d'orientation et de programmation pour la justice a déjà fixé les compétences de cette juridiction en matière civile comme en matière pénale, ainsi que ses principales règles d'organisation et de procédure.
Il reste - mais c'est essentiel - à déterminer le statut du juge de proximité.
Ainsi que je l'ai indiqué au cours des débats relatifs au projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, c'est la compétence du législateur organique qui a paru devoir être retenue, compte tenu des attributions dévolues aux juges de proximité : juges à part entière, ils seront appelés à rendre de véritables jugements, ayant force exécutoire et s'imposant à tous.
Le texte qui vient aujourd'hui en discussion devant vous décline donc, de façon classique, les règles applicables aux juges de proximité en matière de recrutement, de nomination, de formation, d'incompatibilités et de discipline.
Le choix du Gouvernement est de confier la juridiction de proximité non à des magistrats de carrière, mais à des juges recrutés à titre temporaire qui assureront, en fonction de leur disponibilité, un certain nombre de vacations.
Pour autant, les juges de proximité doivent bénéficier, dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles, de garanties d'indépendance de même niveau que celles qui protègent les juges professionnels. Bien sûr, des adaptations sont rendues nécessaires par les modalités de leur intervention, en particulier par le caractère intermittent de leurs fonctions.
A cet égard, le Conseil constitutionnel a, comme vous le savez, déjà eu l'occasion, notamment à propos des magistrats recrutés à titre temporaire, juges non professionnels comme les juges de proximité, de préciser les conditions propres à assurer cette indépendance comme d'ailleurs celles qui sont requises s'agissant de leur qualification.
Le présent projet de loi organique satisfait pleinement, bien évidemment, à ces exigences.
Il fixe tout d'abord les conditions de nomination aux fonctions de juge de proximité.
Les juges de proximité doivent, naturellement, présenter des compétences qui les rendent pleinement aptes à l'exercice de fonctions juridictionnelles.
Cette nécessité se traduit par la double exigence d'une formation juridique supérieure de niveau bac + 4 et d'une expérience professionnelle à caractère juridique d'une durée de quatre ans au moins.
Pourront notamment être nommés juges de proximité les anciens magistrats de l'ordre administratif comme de l'ordre judiciaire, les anciens fonctionnaires, les auxiliaires de justice tels que les avocats, les notaires, les huissiers de justice, ou encore les juristes d'entreprise.
La commission des lois a souhaité élargir le champ du recrutement à plusieurs catégories de personnes dont l'expérience professionnelle, particulièrement importante, est de nature à garantir l'aptitude à ces fonctions. Tel est le cas, notamment, des conciliateurs de justice, ou encore des personnes ayant exercé pendant une durée suffisante des responsabilités de direction ou d'encadrement dans le domaine juridique, administratif, économique ou social.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Ou » !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. J'indique dès à présent à la Haute Assemblée que le Gouvernement est favorable à ces amendements, car ils font à juste raison une place plus large à l'expérience professionnelle, gage d'une justice fondée également sur une appréciation concrète des faits, ce qui est essentiel à la notion même de proximité. Je suis de même favorable à une nouvelle extension au bénéfice des assesseurs des tribunaux pour enfants ayant exercé ces fonctions au moins quatre ans. En effet, ces personnes apportent déjà, aux côtés du juge des enfants, une contribution importante au fonctionnement de la justice, et ce dans des attributions de nature juridictionnelle.
S'agissant de l'âge requis pour exercer ces fonctions, le recrutement s'adressera à un large public. Le projet de loi prévoit à cet égard qu'il est ouvert aux personnes âgées de trente ans au moins à la date de leur nomination. La commission des lois propose de porter cette condition d'âge à trente-cinq ans. Le Gouvernement n'y voit pas d'objection, dans un souci de cohérence, cet âge minimum étant aussi celui qui est exigé des candidats au recrutement en qualité de magistrat sur titres ou par concours complémentaire.
Les juges de proximité seront nommés pour une durée de sept ans, ce qui permettra d'assurer une certaine permanence dans des fonctions qui sont par nature intermittentes. Afin de garantir l'indépendance des juges de proximité dans l'exercice de leur activité juridictionnelle, et en l'état des réflexions préparatoires à vos débats, mesdames, messieurs les sénateurs, il a été arrêté que leur nomination ne soit pas renouvelable. Bien sûr, ils pourront solliciter, au cours des sept années d'exercice de leurs fonctions, une mutation dans une autre juridiction de proximité, par exemple en cas de changement de résidence.
L'indépendance des juges de proximité sera également garantie par le mode de nomination, qui interviendra dans les formes prévues pour les magistrats du siège : ils seront donc nommés, sur la proposition du garde des sceaux, par décret du Président de la République pris sur l'avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège. Aucune nomination ne pourra donc intervenir sans l'aval de ce Conseil.
La promotion d'une justice de proximité de qualité suppose également que ces juges puissent bénéficier, préalablement à leur prise de fonctions, d'une formation d'adaptation centrée sur l'actualisation des connaissances théoriques, sur les spécificités de leurs fonctions et sur les règles déontologiques. Cette formation sera organisée par l'Ecole nationale de la magistrature et comportera un stage pratique en juridiction.
S'agissant, en second lieu, des modalités d'exercice des fonctions de juge de proximité, le projet de loi prévoit que ces juges exerceront leurs missions à temps partiel, sur la base de vacations.
Les modalités de leur rémunération seront fixées par un décret en Conseil d'Etat dans des conditions qui, naturellement, ne seront pas de nature à porter atteinte au principe d'égalité de traitement avec les magistrats professionnels.
Dès lors qu'ils n'exerceront leurs fonctions juridictionnelles que pour une part limitée de leur temps, les juges de proximité auront la possibilité d'exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, du moins, bien sûr, si cette activité ne porte pas atteinte à leur indépendance. Ainsi, sera exclue toute fonction d'agent public, à l'exception de celles de professeur et de maître de conférences des universités, dont l'indépendance est garantie par un principe à valeur constitutionnelle. Il va de soi que cette activité ne devra pas non plus être de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction.
S'agissant des membres des professions libérales juridiques et judiciaires, tels que les avocats, les notaires, les huissiers ou les greffiers de tribunaux de commerce, les liens étroits qu'ils entretiennent professionnellement avec l'institution judiciaire commandent, en outre, de poser des règles particulières d'incompatibilité de nature à prévenir au maximum les risques de conflit d'intérêt. Il est ainsi raisonnable de prévoir qu'ils ne pourront être juges de proximité dans le ressort du tribunal de grande instance où se situe leur domicile professionnel, dans lequel ils exercent, généralement, la majeure partie de leur activité.
Dans le même sens, je suis favorable à l'amendement qui vise à préciser ce dispositif en prévoyant que les membres des professions juridiques réglementées ne pourront effectuer aucun acte professionnel dans le ressort ou concernant le ressort du tribunal dans lequel ils seront juges de proximité.
Pour compléter ces dispositions, le Gouvernement vous proposera un amendement tendant à interdire aux juges ou aux anciens juges de proximité de faire état de cette qualité dans le cadre de leur activité professionnelle.
Par ailleurs, dans un double souci de transparence et de bonne gestion, je souhaite compléter le dispositif qui vous est soumis par des règles de répartition objective des juges de proximité et des dossiers qui leur sont confiés entre les différents services de la juridiction.
Cette mission sera dévolue au président du tribunal de grande instance qui, dans le cadre des règles habituelles d'organisation du service, fixées par le code de l'organisation judiciaire, prendra les ordonnances nécessaires après avis de l'assemblée générale. Des dispositions réglementaires, prenant place au sein du code de l'organisation judiciaire, pourraient préciser, en outre, que l'avis du juge chargé de l'administration du tribunal d'instance sera sollicité.
Enfin, les juges de proximité, qui prêteront le même serment que les magistrats professionnels, relèveront, comme ces derniers en matière disciplinaire, de la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège.
Par ailleurs, il est apparu urgent et nécessaire de compléter le présent projet de loi organique, qui met en oeuvre certaines des orientations de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, par deux amendements relatifs à des mesures de gestion destinées, dans le droit-fil de cette loi de programmation, à améliorer le fonctionnement des juridictions judiciaires.
Il s'agit, en premier lieu, de pérenniser la possibilité, pour les magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance, d'être maintenus en activité en surnombre en juridiction pendant trois ans après leur admission à la retraite par limite d'âge. Cette possibilité n'est aujourd'hui ouverte que jusqu'au 31 décembre 2002. (MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Jean-Jacques Hyest s'exclament.)
Il est nécessaire, je crois, de lui donner maintenant un caractère permanent, comme vous l'avez déjà décidé dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice, s'agissant des magistrats des juridictions administratives. Cette mesure contribuera très utilement à la politique de réduction des délais de jugement et de résorption des stocks d'affaires à juger, améliorant ainsi au même titre que l'instauration de la juridiction de proximité la qualité de la réponse judiciaire.
En second lieu, je vous proposerai de retirer la fonction de juge des affaires familiales de la liste des fonctions spécialisées du siège dont la durée d'exercice est limitée à dix ans.
Prévue par la loi organique du 25 juin 2001, cette spécialisation, qui doit se traduire par la localisation des emplois correspondants, conduirait en effet, compte tenu de l'importance de l'effectif concerné, à introduire dans la gestion des juridictions une rigidité extrêmement préjudiciable à leur bon fonctionnement. C'est ce que nous confirment les rapports nous parvenant des présidents des tribunaux de grande instance.
Il m'apparaît donc préférable de revenir sur ce point à l'état de droit antérieur, dans lequel cette fonction était attribuée par l'ordonnance de roulement du président de la juridiction.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes du projet de loi organique que le Gouvernement soumet aujourd'hui à votre examen.
Je crois l'ensemble du dispositif pleinement équilibré et propre à permettre la mise en place rapide de cette justice de proximité souhaitée par les Français.
Je ne doute pas que le Sénat y contribuera en votant le projet de loi qui vous est soumis, enrichi des propositions de la commission des lois et de son rapporteur, que je remercie très vivement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Hyest. Il le mérite ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne crois pas devoir procéder à une nouvelle analyse du texte qui vous est proposé puisque M. le garde des sceaux vient de nous le présenter excellemment. Je bornerai donc mon propos au rappel des idées directrices qui font que la commission des lois attache une très grande importance à la justice de proximité et à l'évocation de quelques compléments ou ajustements proposés par la commission.
Notre conception générale procède de trois convictions.
Première conviction : il existe une profonde différence de nature entre le contentieux de la vie quotidienne, de voisinage, de la civilité, de la consommation et du plus grand nombre des relations interpersonnelles, d'une part, et le contentieux des affaires complexes, où les éléments de fait et de droit étroitement mêlés appellent des analyses approfondies, une culture juridique actualisée - car, par les temps qui courent, il ne suffit pas de posséder une culture juridique générale - et des décisions mûrement réfléchies, d'autre part.
Il faut recourir davantage au bon sens pour apprécier le premier type de contentieux, davantage à des connaissances techniques et juridiques approfondies pour le second. Le premier doit présenter les vertus d'accessibilité, dans le temps comme dans l'espace, d'intelligibilité, de rapidité, de simplicité et d'humanité auxquelles renvoie globalement le terme de « proximité », tandis que le second doit revêtir diverses formes de technicité qui requièrent une spécialisation de plus en plus poussée.
Le contentieux de proximité - qui est aussi un contentieux de masse par son caractère répétitif et son abondance croissante - n'est pas actuellement traité, reconnaissons-le, d'une manière adaptée par la justice, en dépit des efforts louables, auxquels chacun rend hommage, de nos tribunaux d'instance.
A côté de ceux-ci, des processus judiciaires ou para-judiciaires nouveaux ont été mis en place depuis quelque temps pour tenter de répondre à une demande croissante : conciliateurs, médiateurs délégués des procureurs, maisons de justice constituent autant d'avancées utiles et dont il importe de ne pas oublier les enseignements au moment où le Gouvernement, traduisant l'impulsion du chef de l'Etat, nous invite à donner une réponse globale et cohérente à cette demande.
Deuxième conviction : la recherche de la conciliation, ou du moins de la compréhension, doit rester la préoccupation première, sinon déterminante, du contentieux de proximité. Elle suppose la présence physique des parties et leur écoute attentive par des magistrats disponibles, ayant une expérience personnelle concrète des « choses de la vie », disposant d'une autorité naturelle qui leur permette non de faire prévaloir leur point de vue si ce n'est pas nécessaire, mais d'inciter les parties à la compréhension plus qu'à la confrontation. Dans une telle optique, la « capacité » requise par la Déclaration de 1789 pour l'accession aux charges publiques, à laquelle le Conseil constitutionnel se réfère à juste titre, ne peut s'entendre que dans son sens général d'« aptitude » impliquant des composantes qui ne sont pas seulement ni même nécessairement de l'ordre de la connaissance ou de l'expérience proprement juridique, mais qui reconnaissent dans l'expérience acquise des responsabilités une condition qui peut suffire à rendre un homme ou une femme très capable de contribuer, en qualité de magistrat, à l'exercice de la justice de proximité.
Troisième conviction : si notre justice connaît les difficultés que l'on sait, c'est d'abord - et, dans des rapports successifs, que je ne vais pas énumérer une fois de plus, la commission des lois n'a pas cessé de le regretter depuis près de vingt ans - pour des raisons d'ordre quantitatif qui tiennent à la montée indéfinie du nombre des affaires, notamment des affaires dites « du contentieux de masse », par rapport aux moyens et aux méthodes classiques en elles-mêmes assez satisfaisantes, encore que perfectibles, mais foncièrement inadaptées, du fait même de leur sophistication, au traitement de ce contentieux de masse.
Identifier clairement ces deux types de contentieux, sans méconnaître, bien entendu, une zone inévitable d'interférences, mettre en place une réponse adaptée au contentieux de masse, c'est décharger les juridictions classiques d'un poids insupportable, mettre fin à ces audiences « d'abattage », selon la formule des magistrats eux-mêmes, et rendre à l'appareil judiciaire le rythme de respiration maîtrisée sans laquelle il n'y a pas de justice sereine, c'est-à-dire de justice digne de ce nom.
Dans la perspective de ces considérations, la commission, ainsi que nous l'avons déjà déclaré lors du vote de la loi d'orientation et de programmation pour la justice ayant institué les juridictions de proximité, considère que cette création, accompagnée de l'institution des juges spécialisés issus de la société civile et officiant à temps partiel, que j'appellerais volontiers des magistrats auxiliaires, constitue une innovation de grande portée à la condition que les moyens soient à la hauteur de l'ambition, ce qui implique tout à la fois les moyens financiers et l'engagement résolu de la hiérarchie judiciaire, à commencer, bien évidemment, par la Chancellerie elle-même.
La quasi-unanimité de la commission - d'accord avec celles des personnalités entendues qui ne sont pas opposées au recrutement de magistrats auxiliaires - considère en outre que, dans une étape ultérieure, il sera sans doute opportun, voire nécessaire, de regrouper les juges de proximité et les juges d'instance afin de constituer des équipes dont le magistrat professionnel juge d'instance assumera la direction générale et l'animation.
Je sais que notre collègue José Balarello y attache beaucoup d'importance, à juste titre, comme avocat et comme élu et administrateur local puisqu'il a une pleine expérience de ce type de problème dans les Alpes-Maritimes.
M. le président. Et même ailleurs ! (Sourires.)
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Quelques expérimentations d'un tel système pourraient être utilement mises en place, et je remercie M. le ministre de m'avoir tout à l'heure répondu d'une manière tout à fait positive et constructive en ce sens. Je crois que c'est la bonne voie.
La loi votée en juillet fait d'ailleurs de grands pas en ce sens, puisque, d'ores et déjà, elle prévoit l'unification des greffes et le principe du renvoi au juge d'instance des affaires complexes, renvoi qui n'a pas été censuré par le Conseil constitutionnel, ce que l'on pouvait craindre, et qui porte en germe le système de répartition logique des affaires auquel je viens de faire allusion.
Dès maintenant, nous vous proposerons, mes chers collègues, un amendement tendant à confier aux juges d'instance l'organisation de la justice de proximité. Je reconnais que cet amendement n'est peut-être pas parfait. Nous l'avons rédigé tout à l'heure, à partir de l'impulsion dynamique de M. Balarello. Nous tâcherons de le mettre au point d'ici à demain. De toute façon, mes chers collègues, nous sommes en première lecture et devant la première assemblée saisie. Tout est perfectible et il faut bien nourrir la navette ! (Sourires.)
Pour en revenir à la présente loi organique, je me bornerai à souligner l'importance de la principale disposition que nous proposons, et que vous avez bien voulu approuver, monsieur le ministre, qui consiste dans l'élargissement de l'accès aux fonctions de juge de proximité.
Dans l'esprit de notre deuxième considération, nous croyons qu'il faut apprécier les aptitudes au sens large et que la pratique de responsabilités dans différents domaines - nous avons à ce propos élargi la suggestion de notre collègue Jacques Mahéas, au-delà de la notion de compétence strictement professionnelle - est parfaitement propre à permettre aux intéressés de rendre une justice de proximité et d'apporter un concours très utile aux tâches exigées par cette justice de proximité.
Disant cela, nous voulons non seulement affirmer notre conviction que la capacité d'arbitrer les litiges de proximité peut résulter de l'expérience acquise tout autant que de la formation juridique, mais ausi élargir le plus possible l'accès à de telles fonctions à tous ceux qui en auront la vocation.
C'est sur ce terme de vocation que je conclurai, car le principal problème restera en pratique de susciter un volontariat qui réponde en nombre et en qualité à la grande ambition dont ce texte est porteur.
Je suis tenté en cet instant, monsieur le ministre, de reprendre une formule que vous avez utilisée pour le recrutement des agents pénitentiaires : « La justice change, aidez-nous à la changer ! »
C'est dans cet esprit que la commission des lois vous proposera, mes chers collègues, d'adopter ce projet de loi organique assorti de quelques amendements que nous examinerons plus tard. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comment le Sénat n'adhérerait-il pas au principe de la justice de proximité ?
Nous avons déjà accepté ce principe au mois d'août lors de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice. Le principe étant posé, nous en venons aux modalités d'application. Et, puisqu'il fallait modifier le statut de la magistrature pour créer une nouvelle catégorie de magistrats, une loi organique était nécessaire ; le présent projet de loi découle donc de l'adoption de la loi de programmation.
S'il n'était humble et réservé de nature, M. Fauchon aurait pu rappeler qu'il s'est toujours fait le promoteur de la justice de proximité et des juges de proximité. En effet, dans le rapport qu'il avait rédigé, avec notre ancien collègue M. Jolibois, il préconisait déjà la mise en place d'une justice de proximité.
Il s'agit bien d'une recherche constante et permanente.
Je pourrais évoquer aussi la loi organique du 19 janvier 1995, dont l'objet était un peu différent puisqu'il s'agissait d'instituer les fameux juges à titre temporaire dont nous savons comment ils ont prospéré, puisqu'en huit ans il n'y en a eu que treize ! C'est d'ailleurs un exemple de ce que, la résistance de la structure étant telle, malgré les efforts et malgré la volonté politique, nombre de réformes n'aboutissent pas.
Je ne souhaiterais pas, bien sûr, qu'il en aille ainsi de celle que l'on nous propose aujourd'hui et dont nous espérons la réussite.
Certains de nos collègues ont la nostalgie des juges de paix. Je rappellerai que cette institution s'était fortement dégradée au fil du temps et qu'elle n'était plus adaptée aux contentieux nouveaux.
Il est vrai que le droit d'eau, le bornage ou un certain nombre d'autres sujets qui étaient fondamentaux dans une société agricole et rurale ont perdu beaucoup de leur intérêt, bien que les problèmes de voisinage provoquent toujours des conflits extrêmement graves entre nos concitoyens.
En vérité, ce que demandent avant tout les citoyens à la justice, c'est l'accessibilité. La proximité géographique n'est pas la seule donnée à retenir, sinon il faudrait organiser différemment les juridictions sur notre territoire. Monsieur le garde des sceaux, à ce propos, soyez assuré que je ne réclamerai plus jamais la révision de la carte judiciaire, qui a pourtant été préconisée par le Sénat pendant vingt ans, qui a été souhaitée par toutes les autorités publiques de l'Etat, parce que cela ne sert à rien.
Il faut essayer de transformer d'une manière souple, prévoir par exemple des audiences foraines pour les juridictions qui ne se justifient plus, parce que, en fait, toute réforme directive de la carte judiciaire est impossible, comme d'ailleurs toute réforme des structures de l'Etat. Tout le monde le sait. Il en va ainsi, et je suis payé pour le savoir pour un certain nombre d'autres domaines, comme la police et la gendarmerie.
On a donc cherché des solutions : il y a eu la création des conciliateurs, des médiateurs, des maisons de la justice et du droit. Tout cela a concouru, parallèlement à des initiatives locales intéressantes, souvent très positives, à la recherche d'une meilleure proximité de la justice, d'une meilleure écoute des demandeurs et d'une meilleure confrontation entre les parties de nature à apaiser les conflits, car c'est bien ce que l'on recherche.
Enfin, monsieur le garde des sceaux, je citerai un dernier rapport, qui n'est pas secondaire, celui de la mission d'information du Sénat Quels métiers pour quelle justice ? dont le rapporteur était Christian Cointat ici présent. Après un travail approfondi, nous avons estimé que le vrai juge de proximité, s'il était disponible, c'était le juge d'instance.
Bien sûr, Pierre Fauchon l'a dit, l'encombrement est tel que les audiences n'ont plus guère de sens dans la mesure où elles ne permettent pas cette écoute qui est indispensable. Il reste que c'est quand même une procédure simple : on n'a pas besoin d'assignation, on peut venir simplement devant le tribunal pour exposer ses arguments. Au demeurant, dans un certain nombre de cas, nous l'avons vu, beaucoup de juges d'instance font un travail remarquable.
Cela dit, la réforme qui avait été envisagée dans le cadre des entretiens de Vendôme prévoyait de regrouper le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance. Une telle voie me paraissait erronée et elle est, heureusement, aujourd'hui abandonnée. Certes, il faut renforcer le pouvoir du juge d'instance, parce qu'il joue réellement un rôle de juge de proximité, mais nous savons bien que cela ne suffira pas : d'où la création de ces juges de proximité, initiative que j'approuve sans réserve.
Il s'agit alors de définir précisément la fonction que rempliront ces juges au sein des juridictions. C'était l'objet du débat que nous avions eu, notamment avec M. Pierre Fauchon et M. José Balarello : doivent-ils être rattachés au tribunal d'instance ou au tribunal de grande instance ? Il nous faut trouver une formule qui garantisse la permanence de cette juridiction et assure le flux des contentieux qui sont confiés à ces juges.
C'est là un point très important qui mérite débat, mais l'intérêt de la réforme et la justification de votre texte, monsieur le garde des sceaux, ne s'en trouvent nullement remis en cause.
Et puis il y a la question du statut. Tout juge, fût-il bénévole, fût-il à titre temporaire, doit être impartial, indépendant et avoir une certaine compétence.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Capacité !
M. Jean-Jacques Hyest. Ou capacité !
Le président de la Cour de cassation parlait, à propos de ces juges, d'« autorité morale de conviction ». Notre excellent rapporteur a estimé, quant à lui, que ces juges « devraient peut-être avoir moins de science juridique mais, à coup sûr, plus de connaissance du terrain et des hommes. »
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comme Saint Louis !
M. Jean-Jacques Hyest. Ne nous le cachons pas, la très grande complexité du droit actuel exige que ces juges disposent tout de même de certaines compétences juridiques. Nous avons d'ailleurs toujours lutté, les uns et les autres, pour faire en sorte que n'importe qui ne puisse pas se déclarer compétent en matière de droit. On voit à quels déplorables résultats on aboutit lorsque certains dispensent des conseils juridiques sans être véritablement juristes !
Un minimum de garanties est donc nécessaire à cet égard, et c'est bien ce que prévoit le texte.
Cela étant, il ne faudrait pas non plus, à l'inverse, ouvrir la porte de manière trop restrictive, car nous risquerions alors de manquer de candidats. C'est un risque qu'il convient aussi de prévenir.
Souvenons-nous de ce qui s'est passé avec les magistrats à titre temporaire, même si le contexte était totalement différent.
En tout cas, ne nous le dissimulons pas : les structures administratives savent très bien comment faire pour que les choses deviennent difficiles et qu'en fin de compte les candidats ne soient pas agréés...
Autrement dit, pour que la mise en place des juges de proximité réussisse, il faut, monsieur le garde des sceaux, une volonté politique forte et aussi une réelle implication de tous les échelons de la hiérarchie judiciaire.
Telles sont les réflexions que je voulais formuler, tout en soulignant que je soutiens à la fois ce projet de loi organique et les amendements de la commission.
Je conclurai en insistant sur le fait que - et je suis certain que Christian Cointat pense de même -, pour être efficaces et acceptés par les juridictions, les juges de proximité doivent être encadrés. Or, selon moi, c'est le tribunal d'instance qui constitue pour eux le cadre le plus adéquat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi organique qui nous est soumis aujourd'hui est nécessaire à l'application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, votée bien hâtivement au cours du mois de juillet. Vous en aviez, monsieur le garde des sceaux, présenté le titre II, relatif à la création d'une justice de proximité, comme un moyen d'atteindre l'un de vos objectifs les plus importants : rapprocher la justice des citoyens. J'ai eu l'occasion d'exprimer, au nom de mon groupe, notre opposition à cette loi dans sa globalité et à votre conception de la proximité.
Aujourd'hui, ce que nous pouvons savoir des projets du Gouvernement qui vont préciser les lois de juillet relatives à la justice et à la police ne fait que confirmer nos craintes et donc nous conforter dans notre opposition résolue à ces textes. M. le ministre de l'intérieur a révélé lui-même à la presse comment il entendait traiter un certain nombre de problèmes, que l'on peut qualifier de « problèmes de proximité », présents dans notre société, à travers un prisme, hélas !, déformant. Problèmes sociaux, insécurité sociale, mal-vivre, revendications seraient désormais synonymes de délinquance ! Les étrangers, les prostituées, les jeunes de banlieue, les gens du voyage, les SDF, les squatters seraient les nouvelles classes dangereuses de notre société !
La sécurité et la salubrité publiques dépendent prioritairement de la police. Pour la prévention, la réinsertion, le traitement effectif des problèmes et de leurs causes, nous attendons !
A travers ce prisme, la justice est en quelque sorte subordonnée à la police.
La procédure judiciaire sera amplement modifiée afin de simplifier au maximum le travail des forces de police, au détriment des magistrats et avocats, qui se retrouvent exclus de cette procédure. La loi sur la présomption d'innocence est ni plus ni moins vidée de son sens.
Concernant la garde à vue, la présence de l'avocat dès la première heure pour les délits et crimes les plus graves est remise en cause, le droit au silence est supprimé, la procédure ne pourra plus être annulée dans le cas où les droits du gardé à vue ne lui auront pas été notifiés immédiatement, la prolongation de la garde à vue des 16-18 ans sera facilitée.
Pour ce qui est de la phase judiciaire de la procédure, la comparution immédiate deviendra la règle, au détriment des droits de la défense et d'une justice équitable puisque les juges n'auront que quelques minutes pour décider du sort des prévenus à partir des seules enquêtes de police.
Et je peux encore citer de nombreuses atteintes aux libertés publiques qui nous sont annoncées, si l'on en croit les déclarations de M. le ministre de l'intérieur par la presse. Je mentionnerai ainsi, entre autres, les perquisitions de nuit et sans consentement, la mise sur écoute laissée au libre arbitre des policiers, l'institutionnalisation des fichiers...
A des demandes sociales fortes vous répondez par du pénal, alors que l'insécurité n'est souvent que la traduction d'un malaise social profond.
J'ajoute que la précipitation qui prévaut depuis juillet dans l'élaboration de ces textes montre ses limites. Après avoir annoncé à maintes reprises sa volonté de sanctionner les parents d'enfants en difficulté scolaire, en leur faisant payer une amende de 2 000 euros en cas d'absences répétées et injustifiées de leurs enfants, le Gouvernment est bien obligé de constater qu'il est souhaitable de consulter ! Cela vaut mieux, en effet !
Mais cela n'empêche pas le Gouvernement de supprimer plus de 5 000 postes de surveillants. Or les surveillants sont, en général, plutôt proches des jeunes et donc aptes à détecter des comportements préoccupants ou déviants.
Peut-être auriez-vous dû appliquer cette méthode de consultation dans bien d'autres domaines, notamment en ce qui concerne l'outrage à enseignant, que vous avez accepté allègrement, et sans concertation, en juillet.
L'expérience nous apprend que légiférer nécessite réflexion et prudence. L'utilisation par Maurice Papon de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades - loi pourtant juste - nous en apporte la démonstration.
Mais je reviens au présent projet de loi organique pour dire d'emblée que ce n'est pas la création d'une nouvelle catégorie judiciaire, d'un nouveau niveau de justice, qui permettra de réaliser la nécessaire amélioration des rapports entre le service public de la justice et les citoyens, tant du point de vue de l'équilibre entre sanctions et mesures de réinsertion qu'en termes d'efficacité, de rapidité et de qualité.
Nous ne sommes pas opposés à une « justice de proximité », loin de là. En effet, l'idée d'une justice de proximité, au sens d'une justice proche du citoyen, efficace, compréhensible et rapide, ne peut être que respectable. Encore faut-il que cette justice soit équitable. Mais ce n'est apparemment pas ce que vous nous proposez, monsieur le ministre, dans ce projet de loi organique. En effet, vous créez un sous-juge en retirant des compétences au juge d'instance, et ce sous-juge sera « réservé » aux catégories les plus modestes de la société puisqu'il ne pourra connaître des litiges qu'à hauteur de 1 500 euros.
Encore une fois, n'aurait-il pas fallu conserver et améliorer ce que nous avons déjà ? Le juge d'instance, véritable juge de proximité, aurait mérité de voir ses moyens renforcés. Au lieu de quoi vous remettez en cause sa compétence concernant ce que vous appelez de « petits litiges ». Au demeurant, 1 500 euros, ce n'est pas rien pour qui gagne le SMIC !
Ne devrait-on pas plutôt privilégier les procédures de conciliation, de médiation et de transaction, renforcer la publicité autour des maisons de la justice et du droit ? Plus généralement, il conviendrait de favoriser les procédures alternatives au procès : procédures alternatives aux poursuites dans le domaine pénal et procédures de règlement amiable des conflits en matière civile.
Certes, vous augmentez les crédits nécessaires à la mise en oeuvre des orientations figurant dans votre projet de loi sur la justice. Vous décidez le recrutement, sur crédits de vacations, de 3 300 juges de proximité et assistants de justice, soit l'équivalent de 330 magistrats à temps plein. Le recrutement de personnel aurait été tout aussi utile auprès des juges d'instance déjà existants.
Nous refusons d'autant plus l'idée d'une juridiction de proximité que ce projet de loi organique déforme l'idée de justice équitable : il remet en cause le principe d'égalité devant la loi, énoncé par l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, repris à l'article 2 de notre Constitution.
Mais vous ne vous contentez pas de remettre en cause la compétence du juge d'instance en matière civile : vous le faites également en matière pénale, ce qui est encore plus grave et attentatoire aux libertés ! Pour la première fois sera ainsi conféré un rôle pénal à un juge unique non professionnel.
En effet, au pénal, ces juges seront compétents pour juger les contraventions des quatre premières classes, c'est-à-dire les infractions les moins graves commises par les majeurs, mais aussi par les mineurs. Et voilà, entre parenthèses, comment vole en éclat le principe de spécialisation de la justice des mineurs !
Certes, vous excluez de leur champ de compétence en matière pénale tout ce qui pourrait entraîner des sanctions telles que l'emprisonnement. C'est heureux puisque, aux termes de la Constitution, seule l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle.
Or ces juges de proximité ne sont pas membres du corps judiciaire puisqu'ils ne sont pas professionnels ; ils ne devraient donc pas pouvoir prononcer de sanctions pénales, même s'il ne s'agit pas de peines d'emprisonnement.
Le raisonnement est le même en ce qui concerne leur compétence pénale envers des mineurs. Ces juges ne posséderont pas les connaissances et la formation nécessaires en matière de délinquance juvénile, qui doit rester de la compétence exclusive de magistrats spécialisés, même pour ce que l'on appelle les « petits litiges ».
Pour aggraver encore ces mesures qui entament largement la compétence des juges d'instance, le projet de loi ne précise nulle part si les décisions rendues seront ou non susceptibles d'appel. Il semble qu'elles ne le soient pas puisque les litiges concernés correspondent à ceux qui sont jugés en premier et dernier ressort par le tribunal d'instance.
Heureusement pour le justiciable, ces litiges ouvriront droit à cassation, comme toute décision de justice, mais ce n'est sûrement pas cela qui permettra d'endiguer l'inflation judiciaire ou de réduire les délais de jugement !
A ce propos, rien n'indiquait, dans votre projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, quels seraient précisément les crédits alloués à l'amélioration du traitement des dossiers en correctionnelle et à l'accélération des procédures en appel, alors que ce sont ces juridictions qui souffrent le plus d'un manque de moyens.
Indiscutablement la juridiction la plus accessible, la moins coûteuse, la plus efficace, grâce à son formalisme réduit, est la juridiction d'instance. Or c'est précisément celle que vous remettez en cause ! Joli paradoxe !
S'agissant des règles statutaires contenues dans ce projet de loi, de nombreuses imprécisions sont à relever.
Tout d'abord, les conditions de recrutement sont floues, ce qui n'est absolument pas satisfaisant.
En ce qui concerne les compétences juridiques des candidats, l'exigence d'un diplôme sanctionnant une formation juridique d'au moins quatre ans et celle d'une expérience professionnelle de quatre ans au moins sont louables.
Il conviendrait toutefois d'apporter des précisions sur la seconde exigence. Avoir une expérience professionnelle est certes indispensable, mais qu'en est-il si l'on n'a pas exercé de profession juridique depuis dix à quinze ans ? Le droit, vous le savez bien, est en constante évolution, même pour les petits litiges ; il demande par conséquent un suivi permanent !
On souligne d'ailleurs que l'âge limite d'exercice de la fonction de juge de proximité est de soixante-quinze ans ! Nous avons donc proposé un amendement visant à abaisser à soixante-cinq ans, l'âge de la retraite, cet âge limite.
Vous affirmez également, monsieur le garde des sceaux, que l'indépendance des juges de proximité sera assurée par leur mode de nomination : ils seront nommés dans une juridiction déterminée par un décret du Président de la République pris sur avis conforme du Conseil national de la magistrature. Cette exigence d'un avis conforme est rassurante, mais quels éléments d'appréciation prendra-t-il en compte pour rendre sa décision ?
Il existe un risque de dérapage vers un recrutement de notables. Alors que le concours de recrutement des magistrats professionnels pose le principe de l'ouverture à tous - concours ouverts aux étudiants, voie de l'intégration et concours exceptionnels - le recrutement des juges de proximité s'effectuera parmi les professions libérales juridiques ou judiciaires.
La commission des lois veut ouvrir le recrutement à des fonctionnaires de catégorie A et aux militaires en retraite. Tout un programme !
Si la référence, c'est la société civile, il serait souhaitable d'élargir l'accès aux fonctions de juge de proximité à d'autres catégories professionnelles n'ayant pas forcément de formation juridique - par exemple les personnes titulaires d'un mandat syndical - mais dont l'expérience professionnelle les rend aptes à exercer ces fonctions judiciaires. Nous le proposerons par l'un de nos amendements.
Des doutes subsistent sur la formation même de ces juges. Ses modalités d'organisation et sa durée sont en effet renvoyées à un décret en Conseil d'Etat. En outre, aucune précision n'est apportée quant à l'indemnisation de cette formation pratique et théorique.
Parlons maintenant de la rémunération de ces juges de proximité une fois en poste ! Certes, elle sera fixée, elle aussi, par décret en Conseil d'Etat, mais de quelle nature sera-t-elle ? Sera-t-elle symbolique, comme celle du délégué du procureur, ou sera-t-elle attractive ?
Si est fixée à 230 euros la vacation autant prendre sa retraite et exercer la profession de juge de proximité à temps partiel pour, en sus, être plus rémunéré qu'un magistrat professionnel !
A propos du statut lui-même, je note que le juge de proximité pourra exercer une activité professionnelle, à condition que cette activité professionnelle ne porte pas atteinte à la dignité de la fonction et à son indépendance.
Quoi qu'il en soit, même si cette activité professionnelle ne peut être exercée dans le ressort du tribunal d'instance où les juges de proximité ont leur domicile professionnel, leur indépendance et leur impartialité seront forcément mises en cause. Imaginez un juge de proximité exerçant la profession d'avocat dans une juridiction voisine et qui retrouve un collègue associé défendant les intérêts de l'une des parties. Croyez-vous que l'indépendance et l'impartialité seront respectées dans cette affaire ?
D'ailleurs, si une incompatibilité survient, c'est le juge de proximité qui a l'initiative de prévenir le président du tribunal de grande instance, de même qu'il détient l'initiative de le prévenir en cas de conflit d'intérêts lors d'un litige.
Ne peut-on prévoir un meilleur suivi des affaires portées devant le juge de proximité afin de connaître les incompatibilités éventuelles, et sanctionner ces incompatibilités par la cessation immédiate des activités ? Nous avons déposé un amendement dans ce sens. M. le rapporteur l'a jugé simpliste. Il a pourtant lui-même proposé un amendement ayant le même objet.
Enfin, en ce qui concerne l'obligation de réserve à laquelle sont soumis les magistrats professionnels, vous décidez de n'y soumettre ces nouveaux juges qu'à compter de la cessation de leurs fonctions judiciaires !
La commission estime également que, comme tout magistrat, ces juges disposent d'un droit de réserve. Dont acte ! mais alors, pourquoi le prévoir quand ils seront à la retraite ?
Ce projet de loi organique brille, ces remarques le prouvent, par son imprécision quant au statut de ces nouveaux juges de proximité. Le renvoi systématique à un décret en Conseil d'Etat concernant les différentes règles statutaires censées s'appliquer à ces magistrats ne laisse pas beaucoup de possibilité au législateur pour réagir.
De plus, le fait que les compétences de ces juges ne soient pas clairement définies de nouveau dans ce projet de loi organique - vous précisez simplement, à l'article 41-17, que les juges de proximité seront nommés pour « exercer une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance » montre votre désir à plus ou moins court terme d'élargir la compétence du juge de proximité.
Par ailleurs, nous émettons des doutes sur la constitutionnalité de ce projet de loi organique. En effet, les dispositions partielles sur le statut des membres des juridictions de proximité ne semblent pas conformes à l'alinéa 15 de la décision du Conseil constitutionnel du 29 août 2002. Dans cet alinéa, le Conseil constitutionnel considérait, à propos du silence du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice sur le statut de ces membres, que les « juridictions de proximité ne pourront être mises en place, qu'une fois promulguée la loi, dont nous parlons aujourd'hui, fixant les conditions de désignation et le statut de leurs membres » et que « cette loi devra comporter des garanties approriées permettant de satisfaire au principe d'indépendance, indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles, et aux exigences de capacité qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789 ».
Or il nous semblé que le projet de loi organique que vous nous présentez aujourd'hui ne propose pas les garanties appropriées et claires sur l'indépendance et l'impartialité de ces juges dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires.
Le Conseil supérieur de la magistrature lui-même, dans son avis du 19 septembre dernier - si j'en crois ce qui en a été publié - critique les conditions de nomination et d'exercice des juges de proximité. Il estime que certaines dispositions du projet de loi ne satisfont pas entièrement l'exigence d'impartialité qu'implique la fonction de juger et que ce texte n'apporte pas toutes les garanties propres à satisfaire au principe d'indépendance, qui comprend l'exigence d'impartialité. Il considère que les auxiliaires de justice, les avocats et les officiers ministériels ne devraient pas pouvoir exercer leurs nouvelles fonctions dans le ressort de la cour d'appel où ils ont leur domicile professionnel. Je pense qu'il faut prêter attention à ces remarques.
Sur la formation des futurs magistrats de proximité le CSM considère que ceux d'entre eux qui n'ont jamais exercé de fonctions juridictionnelles devraient effectuer un « stage probatoire » ; ce qui constituerait une garantie supplémentaire de bonne application de la justice.
Ces avis, pour le moins mitigés, prouvent bien que ce projet de loi comporte de nombreuses lacunes. Les dispositions statutaires ne répondent pas aux inquiétudes émises tant par le CSM que par les divers syndicats de la magistrature.
Pour l'heure, la commission des lois a rejeté nos amendements. Le débat, je l'espère, nous permettra peut-être de résoudre les problèmes que je tenais à soulever. En tout état de cause, mon groupe ne votera pas le projet de loi dans sa rédaction actuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'éprouve un très vif sentiment de proximité ; au moins temporelle. Nous avons fait ensemble la fermeture, fin juillet ; nous faisons ensemble l'ouverture, début octobre. Nous avons juste eu le temps de reprendre souffle.
Aujourd'hui, nous examinons un fragment de ce qui avait été longuement débattu au moins de juillet : la justice de proximité.
Il existe une admirable unanimité sur le principe. Je ne connais personne qui soit contre la justice de proximité ; j'ai même été étonné que le sondage réalisé auprès de nos concitoyens ne révèle que 90 % d'approbation. Je ne vois pas qui pourrait dire qu'il est contre la justice de proximité, surtout si l'on considère ce que les justiciables en attendent.
Les justiciables attendent une justice de proximité, une justice accessible, rapide, dépouillée de formes, prenant le temps d'écouter et de rendre des décisions immédiatement exécutoires.
De leur côté, en revanche, les magistrats et les avocats, c'est-à-dire l'ensemble de ceux qui participent à la mission de justice, attendent, lorsqu'on parle de justice de proximité, autre chose, ce qui conforte l'idée qui a été évoqué tout à l'heure. Les magistrats, en particulier, attendent de cette justice de proximité qu'elle libère l'institution judiciaire du poids des contentieux répétitifs. Ils souhaitent pouvoir consacrer plus de temps à des affaires qui sont plus complexes ou qui relèvent des libertés individuelles.
Certes, il y a bien accord sur le principe, mais lorsqu'on en arrive aux modalités, évidemment, les choses changent !
Je considère, pour ma part, comme je l'ai déjà dit à vos prédécesseurs, monsieur le garde des sceaux, qu'il est aujourd'hui une conception très simple, très claire, à mon sens, de la restructuration de notre justice au regard des exigences que je viens d'invoquer : c'est de faire en sorte que l'on puisse disposer autant que faire se peut, en amont du procès et afin d'éviter celui-ci, de conciliateurs, de médiateurs et - pourquoi ne pas le dire ? - d'arbitres qui émergent des corps professionnels et qui permettent, sans que l'institution judiciaire ait à en supporter le poids et le coût, d'aboutir à la solution du litige en souplesse, en douceur, en écoutant, en conciliant. Les solutions auxquelles on parvient ainsi sont d'ailleurs souvent les mieux acceptées par les justiciables.
Ce qui est nouveau, c'est que, dans tous les Etats de l'Europe occidentale - et j'ai eu l'occasion, il y a très peu de temps encore, de m'en entretenir longuement avec Lord Woolf, que nous avions rencontré à Londres, vous vous en souvenez, monsieur Fauchon et qui est maintenant votre homologue - on reconnaît que c'est à partir d'un mode de solution des conflits dit alternatif que l'on peut le mieux réussir à sauver les justiciables et protéger l'institution du flux qui la menace.
J'ajoute que toutes les expériences - et il y en a eu ! tous les efforts conduits par les juridictions elles-mêmes - pour promouvoir la conciliation et la médiation ont été extrêmement positifs. Le premier président Coulon a d'ailleurs fait état, avec une satisfaction ô combien justifiée, de 50 % de réussite pour les conciliateurs.
Dès lors, quand on s'interroge sur la justice de proximité, on part d'un constat, que vous-même, d'ailleurs, monsieur le garde des sceaux, avez fait le 25 juillet dernier : « Il existe une juridiction de proximité : le tribunal d'instance. » Et c'est une évidence ! La formule qui, de très loin, emporterait le maximum d'avantages et le minimum de coût - je ne pense pas que notre éminent rapporteur, qui a beaucoup travaillé ces questions, me démentirait - ce serait, selon les termes mêmes qu'avait utilisés M. Fauchon, de faire du tribunal d'instance le pivot de la justice de proximité.
Ainsi, seraient placés sous l'autorité du juge d'instance, et travailleraient donc ensemble des conciliateurs - il en existe déjà - des médiateurs et - pourquoi pas ? des arbitres, auxquels on pourrait avoir recours et dont le juge d'instance pourrait ensuite aisément contrôler la légalité des décisions. Des auditeurs de justice pourraient également apporter leur concours.
Le juge d'instance, alors reconnu comme juge de proximité, disposerait ainsi des moyens nécessaires. La question serait réglée à l'avantage général.
Vous aviez à cet instant-là fortifié le juge d'instance, accru les moyens de cette juridiction et considérablement simplifié ce qui va advenir dans la mise en place de ce juge de proximité que vous avez instauré.
Tel n'est pas le choix qui a été fait, il paraissait pourtant s'imposer et, je le dis très clairement, je le regrette profondément.
Vous aviez, lors des débats sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, expliqué votre choix. Vous aviez dit : « Le Gouvernement a choisi de créer une juridiction autonome nouvelle. Ce choix clair m'apparaît comme le plus lisible pour nos concitoyens (...). »
En fait, je ne suis pas sûr que la première préoccupation de nos concitoyens, quand il s'agit de la justice, soit autre chose que la qualité du service qu'elle rend. La lisibilité, c'est-à-dire l'exercice de la communication, je souhaiterais qu'elle n'interfère pas, qu'elle ne soit pas considérée comme une priorité.
Vous aviez ajouté : « Je conviens volontiers qu'un autre choix était possible, qui eût consisté à rester dans le cadre du tribunal d'instance et à assister les juges d'instance de magistrats non professionnels. »
Vous aviez poursuivi : « La création d'un juge de proximité autonome est plus claire pour nos concitoyens. » Je pense qu'il n'en ira pas ainsi et je le regrette.
En effet, vous avez choisi de créer une juridiction et de recruter 3 300 juges de proximité, qui auront le statut de magistrat. A partir du moment où vous créez une juridiction, vous lui assignez nécessairement, nous le savons tous, un bloc de compétences. Cette délimitation de compétences, qui sont en quelque sorte prises sur celles qui relèvent du tribunal d'instance, et dans une moindre mesure, du tribunal de grande instance, entraînera inévitablement une multiplication des conflits de compétences. En effet, bien des défendeurs diront que leur affaire relève de la compétence non pas du juge de proximité, mais du juge d'instance et, à l'évidence, la discussion commencera d'abord par l'examen de cette question.
Si le juge de proximité se déclare compétent, ce qui est le réflexe presque naturel de toutes les juridictions, comme aucune procédure n'est prévue pour le cas où l'exception d'incompétence serait soulevée, c'est alors la Cour de cassation qui sera saisie. Je peux vous assurer que la Cour de cassation ne souhaite nullement se trouver en présence de ce développement singulier, à mon avis inévitable, de contentieux d'incompétence. Cela aurait pu être évité si l'on avait tout simplement inscrit les compétences de la justice de proximité dans celles du juge d'instance qui existaient déjà naturellement.
Votre choix aurait été déterminé par de simples raisons de lisibilité, afin de pouvoir arguer plus commodément, auprès de l'opinion publique, de la création d'un nouveau dispositif, alors que l'élaboration de bonnes dispositions aurait été très largement suffisante. A l'évidence, des problèmes surgiront en ce qui concerne la qualité de ces nouveaux juges.
Comme l'a rappelé le Conseil d'Etat - il semblait qu'on l'eût oublié - une loi organique est nécessaire s'agissant de la magistrature et du statut des magistrats. En effet, des garanties fondamentales sont requises du juge, non pas pour son confort, mais dans l'intérêt du justiciable et pour assurer la crédibilité de la justice, à savoir l'indépendance, l'impartialité, la compétence et l'efficacité.
Pour ce qui est de l'indépendance, Mme Borvo a rappelé, à juste titre, que le Conseil supérieur de la magistrature avait manifesté quelques inquiétudes.
S'agissant de la procédure de nomination et du statut, ces juges bénéficieront, à juste titre, de la règle de l'inamovibilité. Toutefois, monsieur le garde des sceaux, compte tenu de la jurisprudence de plus en plus ferme sur ce point de la Cour européenne des droits de l'homme, permettez-moi de rappeler l'axiome anglais : il ne suffit pas que la justice soit rendue, il faut encore qu'on pense qu'elle a été justement rendue. Il faut donc prêter la plus grande attention à ce que les justiciables peuvent penser.
Lorsqu'on fait allusion à l'indépendance des magistrats, on pense toujours à l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif. Je sais bien que la procédure de nomination qui a été adoptée s'inscrit dans le cadre naturel de la nomination des magistrats du siège. Mais c'est en amont qu'il faut regarder les choses. En principe, la sélection de nos magistrats a lieu par concours. C'est le concours républicain qui assure toutes les garanties d'objectivité et d'impartialité que l'on est en droit d'attendre. Depuis la IIIe République le concours républicain a toujours été considéré comme la voie la plus sûre pour éviter le choix, la faveur, la sélection, avec, en arrière-plan, le soupçon de considérations politiques ou personnelles. Rien de tel quand il s'agit d'un concours !
Dans le cas présent, on aurait pu prévoir un recrutement par concours. Lorsqu'on sait le nombre de concours auquel on procède, ce n'était pas hors des possibilités pour 3 300 juges sur cinq ans. Mais l'on se rabat sur une autre forme de recrutement.
Regardons ensemble les autres formes de recrutement, et je me tourne en particulier vers ce qu'a été la préoccupation du législateur en 1995.
S'agissant de juges du siège, ce que l'on veut par-dessus tout, c'est qu'à aucun moment n'intervienne le pouvoir exécutif dans le processus de sélection, quel qu'il soit.
En 1995, à l'occasion de la loi qu'avait présentée M. Méhaignerie pour le recrutement des juges à titre temporaire, on avait pris des précautions que l'on qualifie aujourd'hui - tel n'est pas du tout mon sentiment - d'extrêmes, sinon d'excessives. En d'autres termes, il a été dit que la sélection initiale - je souligne bien ce point - était le fait de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel. Ce sont donc les magistrats du siège qui effectuent la sélection aux fins de présentation et, ensuite, cela passe par la commission d'avancement.
Dans le texte qui nous est soumis, il n'y a plus d'assemblée générale ni de passage par la commission d'avancement. Vous savez, monsieur le garde des sceaux, que le Premier président de la Cour de cassation, M. Guy Canivet, dont l'autorité n'est plus à louer, s'en est inquiété.
Formellement, il est prévu la même procédure que pour les autres magistrats : les magistrats seront nommés par décret du Président de la République, sur proposition du garde des sceaux, avec un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. On pourrait se dire que c'est très bien. Or tel n'est pas le cas ! En effet, cette procédure suscitera inévitablement une inquiétude et l'inquiétude est la mère du doute. Du doute au soupçon, tout le monde le sait, il existe une très grande proximité.
Car qui choisira les candidats qui seront déférés à l'appréciation du Conseil supérieur de la magistrature ? Inévitablement, puisque cela ne passe pas par l'assemblée générale des magistrats du siège, ce seront les services de la Chancellerie, pour lesquels j'ai une grande considération. Dès lors, il conviendrait que soit maintenue l'exigence de transparence, c'est-à-dire la publication, pour l'ensemble de la magistrature, des mouvements envisagés, donc des recrutements prévus. Pour aller plus vite, on l'a supprimée ! Cela signifie que, pratiquement, ce seront les propositions de la Chancellerie qui seront transmises pour avis au Conseil supérieur de la magistrature. Ce dernier examinera ces propositions, mais il ne connaîtra pas nécessairement l'éventail des candidats, sauf si vous me précisez, monsieur le garde des sceaux, que c'est la totalité des candidatures qui lui sera soumise, non pas la totalité des candidatures que la Chancellerie présente pour nomination, mais la totalité des candidatures à ces fonctions.
A défaut de concours et de cette instruction préalable par les magistrats du siège réunis en assemblée générale, nous aurons tout simplement une sélection. On prendra l'avis du Premier président - j'en suis ravi - du procureur général - je n'ai que considération pour les procureurs généraux, mais je ne vois pas en quoi ils devraient intervenir dans la nomination de magistrats du siège eu égard au système qui est le nôtre - et on nommera ces juges de proximité.
Je ne crois pas que vous ayez prévu toutes les garanties souhaitables, monsieur le garde des seaux, et je pense qu'il faudra y veiller à l'occasion des mesures réglementaires que vous prendrez.
Pour ma part, je regrette la suppression de la procédure de transparence, que j'ai instaurée voilà plus de vingt ans.
En ce qui concerne l'impartialité, chacun sait que la distance entre le juge et le justiciable est toujours considérée comme une sorte de garantie d'impartialité. A cet égard, la proximité pose des problèmes. Mais on va se trouver pour la première fois, à ma connaissance, dans une situation extraordinaire. Il existe, et c'est fort bien ainsi, des avocats qui deviennent magistrats. Il existe également de plus en plus de magistrats qui, généralement au terme de leur fonction, deviennent avocats. Mais il n'a jamais existé, me semble-t-il - je laisse de côté l'arbitrage et le fait de siéger pour compléter le tribunal - d'avocat qui exerce également la fonction de juge. Bien évidemment, cela ne manquera pas de poser des problèmes.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il y a eu, pendant un siècle, des juges de paix auxiliaires ! C'étaient souvent des avocats !
M. Robert Badinter. Pendant un siècle révolu ! Vous savez comme moi, monsieur le rapporteur, que cette confusion des parties a été l'une des raisons profondes pour lesquelles M. Debré a jugé bon de supprimer cette institution.
Mme Nicole Borvo. Bien sûr !
M. Robert Badinter. Il faut se prémunir contre cette confusion des rôles, car elle suscitera des arrière-pensées chez les justiciables. L'avocat qui siège en tant que magistrat redevient avocat le lendemain ! Or des affaires proches de celles qui auront été plaidées risquent d'être confiées à un cabinet, qui peut compter aujourd'hui des dizaines, voire des centaines de membres. La distance est donc une nécessité. C'est la raison pour laquelle, monsieur le garde des sceaux, la remarque formulée par le Conseil supérieur de la magistrature a toute sa force : il ne suffit pas, à cet égard, de prévoir une distance de tribunal à tribunal ; il faut aller jusqu'au niveau de la cour d'appel.
Les garanties de compétence et d'efficacité, car elles sont liées, soulèvent deux sortes de questions.
Une première question est en passe d'être résolue. J'ai eu le sentiment que l'on créait ces juges de proximité à mesure qu'on les pensait. En effet, il n'y a pas de juridiction - pour ma part, je n'en connais pas ! - sans un chef de juridiction. Or il n'y avait pas de chef de juridiction, on ne savait pas comment fonctionnerait le système, qui affecterait les magistrats de proximité, à quel endroit, quels dossiers ils traiteraient et comment on les répartirait. Heureusement, on a pris conscience de cet état de fait. Sinon, ils auraient été des électrons libres, sauf à choisir une élection par les juges de proximité qui soit du ressort du président de la juridiction de proximité. D'autres formules seront discutées lors de l'examen des amendements et nous pourrons donc essayer d'améliorer le système.
Mais une autre question se pose, qui fait l'objet d'un silence persistant. Monsieur le garde des sceaux, la rémunération des juges de proximité est d'une opacité extrême. Notre excellent rapporteur a repris, à la page 42 de son rapport, la déclaration, selon laquelle vous expliquiez que vous veilleriez « à assurer, en liaison avec le ministère du budget, avant que la loi organique ne soit votée, un équilibre entre la rémunération des magistrats professionnels et celle des juges de proximité ».
Je ne crois pas que Bercy soit demeuré indifférent - ou alors, les choses ont vraiment changé - à la question de la rémunération des juges de proximité. Par conséquent, nous attendons votre réponse sur ce point.
Dès le début, je me suis inquiété de cette question et la seule réponse que j'ai obtenue je la dois à l'excellent président Hubert Haenel, dont je ne saurais souligner assez les mérites, notamment dans le cadre de la convention de Bruxelles : le 29 juillet 2002, en réponse à une question que j'avais posée en séance publique, il m'a envoyé une lettre dans laquelle il dit : « Tout d'abord, il est apparu que le Gouvernement m'avait transmis une information erronée. » Cela peut arriver. Et il précise, à propos de l'emploi : « Chaque juge de proximité travaillera vingt-deux jours par an, soit quarante-quatre demi-journées. » Par parenthèse - il s'agit toujours des problèmes de communication - j'ai écouté le Premier ministre expliquer, avec talent et rondeur, que l'on avait créé 3 300 juges de proximité. (Mme Nicole Borvo s'exclame.) C'est un chiffre admirable pour le justiciable : 3 300 juges d'un seul coup ! Il faut savoir qu'il existe aujourd'hui 419 juges d'instance. Cela représente donc quasiment dix fois plus. Vous imaginez !
Seulement voilà : s'il est vrai que chaque juge de proximité travaille quarante-quatre demi-journées par an,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils siégeront tous les quinze jours !
M. Robert Badinter. ... encore faut-il préciser que cela correspond à peu près à une demi-journée par semaine. Ce n'est pas exactement la même chose que les 3 300 postes de magistrats dont la création est annoncée !
Mais je continue de citer l'excellent président Haenel : « Par ailleurs, lors des travaux préliminaires, (...) il a été question de rémunérer la vacation de 1 000 à 1 500 francs » - c'est-à-dire de 152 euros à 228 euros environ -, « chaque audience étant rémunérée trois vacations. » Certes, il faut compter avec le temps de travail de préparation de l'audience et la rédaction du jugement - au demeurant, rédaction d'une extrême simplicité -, mais, au terme d'un bref calcul, on ne peut s'empêcher de constater qu'une demi-journée de travail juridictionnel sera rémunérée de 3 000 francs à 4 500 francs ! C'est tout simplement admirable, si c'est bien le cas.
Toutefois, est-ce acceptable, au regard de la situation actuelle de la magistrature ? Peut-on croire un instant que cela ne suscitera pas - à juste titre - les plus fermes revendications ? Ayant fait un calcul de la rémunération horaire, j'ai constaté que, si tel est vraiment le chiffre retenu - vous me direz tout à l'heure ce qu'il en est -,...
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il ne s'agit pas de cela !
M. Robert Badinter. ... le juge de proximité percevra en trois ou quatre audiences, au maximum, l'équivalent de ce que gagne en un mois de pleine audience un juge d'instance, voire, paradoxe inouï !, un peu plus qu'un conseiller à la Cour de cassation !
Mme Nicole Borvo. Absolument !
M. Robert Badinter. Il faut que ce malentendu soit dissipé, monsieur le ministre, et que vous nous disiez quel est le montant prévu.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je vous répondrai !
M. Robert Badinter. Les juges travailleront très exactement une demi-journée par semaine ou tous les quinze jours, je ne le sais pas encore. Combien seront-ils rémunérés pour une audience d'une demi-journée ? Il est indispensable que nous le sachions au regard de l'ensemble des rémunérations pratiquées dans le reste de la magistrature.
Donc, pour conclure, vous créez là une juridiction, donc des conflits de compétence. C'est une juridiction de proximité, dites-vous. Soit, mais nous ignorons encore la répartition de ses membres. Vous annoncez la création de 3 300 de ces juges. Au regard du temps de travail effectif dont il s'agit, monsieur le garde des sceaux, je puis vous dire que vous seriez parvenu au même résultat, et pour un coût identique, en affectant à la justice de proximité qui existe, je veux dire la justice d'instance, 300 magistrats, venant en renfort des 419 actuels ! Sans compter les conciliateurs qui, eux, comme chacun le sait, sont bénévoles, ou les médiateurs, qui seraient rémunérés en fonction du résultat. Vous imaginez le progrès réalisé ?
Vous avez préféré une autre voie. C'est le choix, la responsabilité, et même la dignité du politique. Vous avez choisi la création de cette juridiction de proximité et, ce faisant, ce que je regrette, vous avez opté pour la difficulté, au détriment de l'efficacité.
Très vite, les problèmes ne manqueront pas d'apparaître dans les juridictions. De surcroît, je crains que l'on ne s'interroge beaucoup et excessivement, à mon sens, sur les arrière-pensées conduisant à ressusciter en quelque sorte une justice que l'on qualifiait de « justice de notables » et qui a disparu, du temps de M. Debré, en dépit des nostalgies poétiques que l'on pouvait éprouver pour la justice du XIXe siècle, précisément parce qu'elle charriait plus de soupçons qu'elle ne rendait de services. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je ne serai pas aussi long que mes deux prédécesseurs parce que je trouve que le texte présenté par notre excellent rapporteur, M. Pierre Fauchon, ne mérite pas toutes les critiques qui viennent d'être exprimées.
Il ne faut pas se tromper : la juridiction de proximité, si c'est une juridiction, n'est pas de la même nature que celles que nous connaissons, avec des magistrats professionnels, une hiérarchie, un avancement, un déroulement de carrière.
En réalité, la création des juges de proximité correspond essentiellement à la volonté de déjudiciariser un certain nombre de litiges. Cette déjudiciarisation, comme l'a souligné d'ailleurs dans son excellent rapport M. Pierre Fauchon, tend à remplacer, sans en maintenir les inconvénients, l'ancienne justice de paix, dont M. le rapporteur a lui-même qualifié la suppression de regrettable.
Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à la constance de M. Pierre Fauchon qui, depuis que je suis sénateur, m'a toujours dit qu'il fallait recréer les juges de paix. Au reste, la plupart des pays connaissent, outre les juges professionnels, des juges non professionnels. C'est l'une des caractéristiques des grandes démocraties. Même le système soviétique a connu des juges de proximité, avec les tribunaux de camarades compétents pour régler les petits conflits.
Nous tous, dans nos permanences, rencontrons suffisamment nos concitoyens pour savoir que les petits litiges ne trouvent pas, à l'heure actuelle, de bonnes solutions au sein du tribunal d'instance. Il suffit d'assister un matin à une séance d'un tribunal d'instance : ce sont quarante à cinquante affaires traitées à la fois ; c'est un justiciable complètement désarçonné devant un juge qui ne l'écoute pas, qui n'écoute pas davantage les avocats, car il n'a pas le temps de le faire. Or, l'une des caractéristiques du juge de proximité tient précisément au fait qu'il aura le temps d'écouter les justiciables. Il jouira d'une disponibilité que ne peut pas avoir un juge d'instance, même si, n'en déplaise à M. Badinter, on multipliait leur nombre par deux.
En réalité, trop de justiciables sont découragés après une première expérience de ces audiences d'instance, notamment en matière civile. Ils préfèrent ne plus jamais y revenir ! (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Charles Gautier. Cela va leur faire plaisir !
M. Patrice Gélard. Lorsque l'on constate la multiplication actuelle des petits litiges de voisinage, que nous essayons de résoudre par d'autres moyens également, on s'aperçoit qu'il y a là une demande profonde de nos concitoyens.
Bien sûr, le texte que nous discutons aujourd'hui, et qui est la suite logique de celui que nous avons adopté en août, sera certainement remanié. C'est la loi du genre quand on innove et qu'on ne veut pas répéter les erreurs passées : on ne peut pas tout prévoir et on ne peut pas tout envisager.
Je suis convaincu, monsieur le garde des sceaux, que, d'ici à dix-huit mois,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Avant !
M. Patrice Gélard. ... nous serons saisis d'un nouveau texte qui viendra compléter l'ensemble de ce dispositif pour faire en sorte que ce que nous avons prévu puisse résister à l'usure du temps et répondre aux impératifs de la justice.
Permettez-moi d'aborder, très brièvement, certains petits problèmes.
Monsieur le garde des sceaux, mais je sais que la question relève du pouvoir réglementaire, il faudra sans doute que les juges portent une tenue : un magistrat doit porter la toge de magistrat, d'autant que les parties seront généralement accompagnées d'avocats eux-mêmes en robe.
Par ailleurs, il est nécessaire de prévoir, pour ces juges de proximité, une formation initiale spécifique en fonction des personnes recrutées, et non pas uniforme. Car il y aura, bien sûr, des avocats ou des magistrats - ils auront, d'ailleurs, généralement cessé leur activité et seront, pour certains, en retraite -, mais aussi des représentants d'autres catégories socio-professionnelles qui auront besoin, les uns, d'une formation juridique, les autres, d'une formation psychologique. Je crois qu'il faudra diversifier la formation et ne pas dispenser systématiquement la même pour tous, à Bordeaux. A cet égard, une certaine délocalisation serait souhaitable pour permettre une formation diversifiée et adaptée aux publics recrutés.
Mais la formation initiale ne suffira pas, et il faudra également prévoir une formation continue, afin que les juges de proximité puissent échanger leurs idées sur la façon dont ils pratiquent, sur les difficultés qu'ils rencontrent. D'ailleurs, il sera très vite indispensable de créer une association nationale des juges de proximité qui assure, comme cela se passe pour les assesseurs des tribunaux pour enfants, la formation continue des juges de proximité.
De telles orientations, à mon avis, permettront d'améliorer à l'avenir le dispositif et de faire en sorte que l'institution trouve son rythme de croisière.
Enfin, monsieur le garde des sceaux, le juge de proximité doit être « de proximité ». A cet effet, il sera peut-être souhaitable d'envisager des audiences foraines du juge de proximité, en particulier là où il existait autrefois des tribunaux, avant la réforme, de façon à rapprocher le justiciable de celui qui le juge.
Ainsi, dans les grands départements très peuplés, il n'est peut-être pas souhaitable de cantonner le juge de proximité au siège du tribunal d'instance ; il en est de même lorsque le département ne compte qu'un tribunal d'instance. D'où l'intérêt d'envisager des audiences foraines.
Mais ces remarques sont secondaires. Le projet de loi organique qui nous est aujourd'hui soumis répond parfaitement à nos attentes : le juge de proximité ne sera pas un professionnel de la justice ; il ne sera pas plus un juge à temps complet, mais bien un juge à temps partiel, et à un petit temps partiel... Sa mission ressemblera à s'y méprendre à celle des assesseurs des tribunaux pour enfants, qui siègent une fois par mois, mais qui exercent d'autres activités. Un citoyen dévoué à la chose publique et à l'intérêt général, un citoyen qui consacre, par amour de la justice et du justiciable, un peu de son temps - qu'est-ce que six heures par mois ? - au bon fonctionnement d'une justice qui, à l'heure actuelle, ne peut pas répondre aux demandes des concitoyens, voilà comment il faut comprendre le juge de proximité.
Je ne pense pas que l'on puisse régler les problèmes actuels par la seule réforme du tribunal d'instance. Il faut créer les juges de proximité. Sans doute conviendra-t-il d'améliorer le dispositif, mais nous nous engageons sur la bonne voie.
Je souhaite donc bonne chance à cette nouvelle institution et aux juges qui la composeront. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la justice, comme l'éducation, tire son caractère pédagogique de la répétition.
Dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice que nous avons examinée et votée ici même il y a tout juste deux mois, la justice de proximité a vu le jour et des juridictions de proximité ont été instituées « dans le ressort de chaque cour d'appel ».
De cette façon, le Gouvernement, par votre intermédiaire, monsieur le garde des sceaux, faisait sans tarder de l'amélioration du fonctionnement quotidien de la justice l'une de ses priorités. Il répondait ainsi à une situation d'urgence, pour ne pas dire de crise, situation qu'avait très bien su diagnostiquer quelques semaines plus tôt la mission d'information sénatoriale sur « l'évolution des métiers de la justice » conduite par notre collègue Jean-Jacques Hyest.
Il suivait ainsi les axes principaux sur lesquels reposaient les nombreuses recommandations de cette mission d'information, au premier rang desquels il s'agissait de désengorger la justice et d'instaurer une véritable justice de proximité.
Je pense, mes chers collègues, que, comme le dit l'exposé des motifs de ce projet de loi, l'instauration de cette justice de proximité a pour objectif d'apporter aux petits litiges de la vie quotidienne et aux petites infractions aux règles de conduite élémentaires de la vie en société et pour lesquelles il n'existe pas actuellement de solution adaptée, une réponse judiciaire simple, rapide et efficace.
Il n'y a donc pas lieu de compliquer à outrance la mise en place de cette nouvelle justice de proximité et la nécessaire adaptation de son organisation. Dans ces conditions, et avant que ne soit consommée la rupture entre le citoyen et la justice, il est à mon avis grand temps de mettre au travail cette justice de proximité réclamée et attendue par tous les citoyens et dont la mission est d'apporter aux petits litiges de la vie quotidienne une réponse judiciaire simple, efficace et rapide.
Pour que ce nouveau juge, dont les compétences tant en matière civile que pénale sont définies et encadrées par la loi d'orientation du 9 septembre dernier, devienne une réalité, il nous faudra adopter le présent projet de loi organique qui détermine les règles statutaires applicables aux juges de proximité concernant leur recrutement, leur nomination et leur formation.
Autrement dit, qui seront ces juges ? Quel sera leur « profil », pour utiliser le langage des recruteurs ? Quelles seront les garanties de leur autorité ?
Les juges de proximité sont une forme de résurgence des juges de paix d'autrefois. Ces derniers, créés en 1790 et dont les compétences furent renforcées avec la loi du 12 juillet 1905 avant de disparaître en 1958, étaient, dans une large mesure, des notables qui bénéficiaient de l'influence et de la moralité nécessaires pour conférer à leurs décisions toute l'autorité de la chose jugée.
Aujourd'hui, les temps ont changé et l'influence du notable a fait place à l'expertise du spécialiste. C'est pourquoi l'expertise des juges de proximité sera garantie et assurée par leur formation juridique - du niveau de la maîtrise en droit - et par leur expérience professionnelle à caractère juridique d'une durée minimale de quatre ans.
A ces deux conditions viendra s'ajouter celle de l'âge - avoir plus de trente ans et moins de soixante-quinze ans - qui demeure, quoi qu'on dise, un gage de sagesse.
Ces conditions de nomination permettent, semble-t-il, de s'assurer d'un recrutement de qualité, à la fois compétent et expérimenté, pour traiter des petits litiges de la vie quotidienne.
Les garanties de leur indépendance, contenues dans le projet de loi organique, tout autant que les incompatibilités prévues, me paraissent nécessaires et suffisantes.
Je souhaiterais néanmoins en savoir davantage, monsieur le garde des sceaux, sur la formation « théorique et pratique » - je cite l'article 41-18 - qui leur sera dispensée à l'Ecole nationale de la magistrature, avant leur prise de fonctions effective. Aussi, pour ma part, je suis favorable à une nomination pour sept ans non renouvelable, comme le précise le projet de loi. Je suis donc opposé à l'avis de notre rapporteur, qui propose de rendre possible une seconde nomination, portant à quatorze ans l'exercice de la fonction de juge de proximité. En effet, une telle durée, ainsi que le fait de solliciter une seconde nomination, me semblent difficilement compatibles avec la nécessaire assurance d'une large indépendance, dont dépendent bien évidemment l'autorité des décisions rendues, mais aussi le succès attendu de cette nouvelle juridiction. D'ores et déjà, les échos que nous pouvons avoir ne semblent pas aller dans le sens d'une pénurie de juges de proximité ou même de difficultés quant à leur recrutement.
Vous serait-il possible, monsieur le garde des sceaux, de nous livrer sur ce point quelques informations dont vous pourriez bénéficier ?
Enfin, si j'approuve les conditions d'exercice de la fonction de juge de proximité, à savoir le temps partiel, la possibilité d'exercer une activité professionnelle concomitante, l'impossibilité de cumuler cette fonction avec celle d'agent public, je souhaiterais quelques précisions de votre part, monsieur le ministre, sur le montant de l'indemnité de vacation. Son taux horaire sera-t-il du même ordre que celui qui est appliqué au traitement des magistrats professionnels en début de carrière ?
Je vous remercie par avance, monsieur le garde des sceaux, des réponses que vous m'apporterez sur ces quelques points bien précis.
Mes chers collèges, la justice de proximité ne saurait attendre plus longtemps ses juges de proximité, car nos concitoyens ne sauraient, quant à eux, se satisfaire plus longtemps d'une justice aussi éloignée du terrain, aussi difficile d'accès et, surtout, beaucoup trop longue à agir et à juger, faute de moyens et faute de juges. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ainsi donc le Conseil constitutionnel a estimé qu'en ce qui concerne les juges de proximité la loi du 9 septembre 2002, ne peut pas entrer en vigueur avant le vote d'une loi organique sur le statut - et sur le statut seulement ! - de ces mêmes juges.
Qui pourra être juge de proximité ? M. le garde des sceaux a dit - phrase citée tout à l'heure par M. Robert Badinter - que le juge de proximité serait sans doute payé assez grassement en expliquant qu'il faut tenir compte du « niveau élevé de diplôme et de l'expérience » qu'auraient ces personnes « sans toutefois leur servir une rémunération excessive. » Or le voilà favorable aux amendements de la commission qui admettent qu'un juge de proximité puisse n'avoir aucune formation juridique. Telle est l'idée de notre rapporteur Pierre Fauchon - père des juges à titre temporaire et dont force est de constater qu'il a beaucoup moins d'enfants qu'il ne le croyait !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je suis aussi le père des assistants ! Et j'en ai beaucoup plus que nos amis le prédisaient !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En effet, j'omettais les assistants qui rédigent les arrêts. Or, il arrive qu'interpellé, un président de chambre à la cour explique que, si un arrêt est critiquable, c'est parce que c'est un assistant qu'il l'a rédigé. (M. le rapporteur fait un signe de protestation.)
M. Christian Cointat. Ils en sont seuls responsables !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, cela existe, j'en atteste !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il y a aussi des juges qui se trompent !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On en revient à la justice de Saint Louis ! C'est cela, la proximité !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. On a vu pire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Peut-être le droit était-il moins compliqué qu'il ne l'est aujourd'hui, non ?
Il s'agirait de petits litiges parce que leur source serait une convention de moins de 1 500 euros. Mais la demande peut être sans limites - n'est-il pas vrai ? - et les questions de droit à résoudre peuvent être très compliquées. Un petit litige, ce n'est pas forcément une question simple sur le plan juridique. Les problèmes qu'évoquait tout à l'heure notre collègue M. Hyest, ne fussent-ils que ceux de tours d'échelle, n'en sont pas moins des problèmes de droit.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il n'y a pas de droit des tours d'échelle. C'est une erreur, cela n'existe pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pourtant, lorsqu'un mur est construit sur la limite de propriété et que le voisin ne veut pas que son propriétaire le crépisse, cela renvoie à une législation et à une jurisprudence qui ont l'une et l'autre évolué à travers le temps.
M. Paul Blanc. Oh là, oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Excusez cette précision ! Cela vaut également, vous le savez bien, pour les servitudes de passage comme pour maints autres problèmes compliqués, qui peuvent se poser par exemple en matière de loyers.
Or quelle est l'idée de notre collègue Fauchon ? Que n'importe qui - on va le voir, n'importe qui ! - puisse résoudre un tel litige ! Ce n'était pas le cas, je le rappelais tout à l'heure, dans la rédaction initiale du Gouvernement, qui envisageait d'ailleurs de payer les juges de proximité fort correctement du fait de leur niveau d'études et de leur expérience juridique !
Vous connaissez, cher monsieur Fauchon, la chanson L'Ours de Charles Trénet, dans laquelle l'ours apprivoisé fait tout si bien que, « depuis qu'il siège au tribunal », on s'aperçoit...
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Que cela ne va pas plus mal !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. « ... que cela ne va pas plus mal ». En effet ! C'est visiblement votre idée. Ce n'est pas la nôtre !
Nous, nous estimons que, pour rendre la justice, pour se prononcer en droit, il faut avoir des qualités et des connaissances en droit. Quelle était la rédaction initiale ? « Les anciens magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif, les personnes âgées de trente ans au moins que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement - vous supprimez d'ailleurs « particulièrement » - pour exercer ces fonctions doivent, soit être titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation juridique d'une durée au moins égale à quatre années d'études supérieures après le baccalauréat ou d'un doctorat en droit ou d'un diplôme équivalent... » Les conditions énumérées, extrêmement strictes, rassureraient quelque peu quant à la « capacité » au sens de la Déclaration des droits de l'homme.
Or que propose de rajouter la commission dans l'amendement n° 3 auquel vous venez de vous dire favorable ? « Les personnes justifiant de vingt-cinq années au moins d'activité dans des fonctions impliquant des responsabilités de direction ou d'encadrement dans le domaine juridique » - ce qu'on pourrait admettre bien qu'on puisse avoir dans le domaine juridique des responsabilités qui n'aient strictement rien à voir avec la compétence ratione materiae qui, aux termes de la loi du 9 septembre 2002, est celle du juge de proximité - « administratif », après il y a « économique », enfin il y a « ou social ». Je dis bien « ou », pas « et » !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Parfaitement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'amendement n° 4 retient ensuite tout le monde : « Les anciens fonctionnaires de catégorie A de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, les anciens militaires... ». Clemenceau disait que « la guerre est une chose trop sérieuse pour la confier aux militaires ». Il apparaît que pour vous, la justice est une chose trop sérieuse pour la confier aux magistrats !
Nous ne sommes pas d'accord avec vous.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Et que dites-vous des jurés d'assises ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par ailleurs, je ne comprends pas, monsieur le garde des sceaux, que vous acceptiez l'adjonction dans ce texte, - et vous-même le faites par un amendement - d'une disposition sans aucun rapport avec le statut des juges de proximité et totalement contradictoire avec la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, dans laquelle il est écrit : « Le siège et le ressort des juridictions de proximité sont fixés par décret en Conseil d'Etat. La juridiction de proximité statue à juge unique. Elle peut tenir des audiences foraines... ». C'est une nouvelle juridiction, c'est un « ordre nouveau de juridiction », pour reprendre les termes qui sont répétés à cinq ou six reprises dans la décision du Conseil constitutionnel.
Or, voilà que vous voulez maintenant que soient réparties les fonctions entre les juges de proximité, au sein du tribunal d'instance. J'entends bien que le ressort peut à la rigueur être le même. Pourquoi pas ? Mais a priori , comme c'est une juridiction en soi, avec un juge unique, vous devez lui donner un ressort et ne pas répartir les tâches ! Les tâches, elles sont les mêmes pour le juge qui constitue la juridiction.
Votre loi ne sera pas applicable, et je tenais à le souligner tant je suis sûr que cela intéressera, le cas échéant, le Conseil constitutionnel de constater que la loi organique est en complète contradiction avec la loi du 9 septembre 2002, dont vous devriez donc, pour le moins, proposer la modification. Car vos « juges de proximité » seraient non plus des juges de proximité, mais des assistants des juges d'instance.
Quant aux tâches, on ne voit pas lesquelles il faudrait répartir puisque, je le répète, la compétence ratione materiae figure dans la loi du 9 septembre 2002 non pas pour un juge, mais pour tous les juges de proximité.
Telles sont les observations que je tenais à faire. Vous annoncez 3 300 nouveaux juges. C'est surtout un effet d'affiche que vous recherchez alors que, parce qu'ils ne seront utilisés qu'à temps partiel - deux demi-audiences par mois ! - ils n'équivalent qu'à 300 postes, la plupart sans la capacité attendue d'un magistrat digne de ce nom.
Monsieur le garde des sceaux, nous écouterons avec beaucoup d'intérêt vos réponses à ces observations. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je voudrais remercier l'ensemble des orateurs des observations ou questions qu'ils ont bien voulu formuler.
M. le rapporteur ainsi que M. Hyest ont évoqué la problématique des rapports entre la justice de proximité et la justice d'instance. Je dirai simplement - sans revenir sur le débat qui nous a déjà longuement occupés au cours du mois de juillet - que le juge d'instance sera - c'est vrai à plusieurs égards - le pivot de la juridiction de proximité. Il apportera en effet son appui logistique, il interviendra si le nombre de juges de proximité est insuffisant et donnera également son avis - c'est la proposition que j'ai faite - au président du tribunal de grande instance sur l'organisation du service au sein du tribunal de proximité. Cette bonne collaboration entre juridictions est prévue dans le projet du Gouvernement.
Mme Borvo est revenue sur le débat du mois de juillet, ce que, pour ma part, je ne ferai pas. Je soulignerai simplement qu'il peut apparaître contradictoire de se dire favorable à la justice de proximité pour, immédiatement après, expliquer toutes les raisons pour lesquelles on y est opposé. Nous en reparlerons si Mme Borvo le souhaite. Je crois, en tout cas, que le dispositif que nous vous proposons de mettre en place correspond à un vrai besoin.
Je ne comprends pas la frilosité de certaines interventions par rapport à une exigence qui dépasse le cadre d'une discussion strictement juridique. Dans mon esprit, ainsi que pour le Gouvernement et le Président de la République, il s'agit de prendre un certain nombre de décisions et de mettre en place des orientations afin que la justice soit portée par l'ensemble de la société.
Il est donc très important que la fonction de justice soit également assumée par des femmes et des hommes qui peuvent apporter leur expérience professionnelle et qui, par définition, ont une capacité d'échange permanent avec la société civile.
Je suis absolument convaincu de l'importance de cette capacité qui peut paraître modeste au premier abord, mais elle est, je le crois, tout à fait fondamentale. Il faut réduire la distance qu'un certain nombre de nos institutions ont prise par rapport à la société. (M. Alain Gournac fait un signe d'approbation.) Nous ne réussirons pas cette réconciliation sociale sans modifier le fonctionnement d'un certain nombre de nos institutions.
Certes, il faut agir avec prudence, monsieur Badinter, en respectant un certain nombre de règles, en veillant à éviter les dérives. Mais, pour autant, cette exigence me paraît politiquement, au meilleur sens du terme, tout à fait fondamentale. Cela n'enlève rien aux propos que vous avez tenus, et que je partage, sur la nécessité de développer la conciliation et la médiation. La problématique est d'ailleurs la même : avoir une justice plus efficace, mieux à même de gérer la masse considérable des dossiers qui affluent vers l'institution judiciaire. Il s'agit là d'apporter une réponse à des affaires de nature différente en vérité.
Vous avez évoqué un point important relatif au rôle de la direction des services judiciaires. Son rôle consistera à vérifier la recevabilité des dossiers. C'est une tâche indispensable qui, à l'évidence, relève d'un service ministériel. Ensuite, il appartiendra au Conseil supérieur de la magistrature de déterminer si les candidatures sont acceptables quant au fond du dossier. Mais il me paraît normal que ce soit un service administratif qui examine la recevabilité des dossiers, c'est-à-dire leur compatibilité avec le texte que le Sénat et l'Assemblée nationale voteront afin que le Conseil supérieur de la magistrature ne soit pas submergé par des dossiers inutiles.
MM. Badinter et Othily ont évoqué la question de la rémunération. L'objectif est qu'en équivalent temps plein les juges de proximité perçoivent une rémunération - je m'exprime en francs, veuillez m'en excuser - de l'ordre de 12 000 francs, sachant qu'une vacation d'une demi-journée correspond à un jour et demi de travail.
Nous sommes donc bien en deçà des montants que vous avez évoqués tout à l'heure, monsieur Badinter.
Tel est le chiffre qui fait l'objet d'une discussion avec le ministère des finances, et qui me paraît tout à fait équitable en ce qu'il correspond au montant perçu par un magistrat professionnel en début de carrière.
Un autre point a été soulevé par un certain nombre de magistrats ainsi que par M. Badinter, qui est celui de l'incompatibilité d'exercice : on choisit soit le ressort du tribunal de grande instance, soit celui de la cour d'appel.
J'ai proposé dans le texte l'incompatibilité d'exercice dans le ressort du tribunal de grande instance, ce qui me paraît raisonnable et conforme à la réalité, étant donné que la carte de l'activité économique ne correspond pas toujours à la carte judiciaire.
M. Othily m'a très judicieusement interrogé sur la formation.
Elle sera assurée par l'Ecole nationale de la magistrature qui, comme vous le savez, outre son rôle de formation initiale pour les jeunes étudiants, assume aussi un rôle au moins aussi important de formation continue, et sera dispensée au siège des cours d'appel. Bien entendu, elle sera suffisamment souple pour s'adapter à la demande des uns et des autres et consistera en un enseignement tout à fait pratique.
M. Dreyfus-Schmidt est, lui aussi, revenu sur le débat du mois de juillet. Je me permettrai de lui rappeler qu'une partie de ses interrogations a été tranchée par le Conseil constitutionnel, n'y revenons donc pas.
Vous m'aviez annoncé des choses épouvantables de la part du Conseil constitutionnel, monsieur Dreyfus-Schmidt. Or, j'observe que rien de tel n'est arrivé ! Cela, je le dis dans un esprit totalement sportif...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne suis pas autorisé à commenter les décisions du Conseil constitutionnel.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Moi non plus d'ailleurs ! Ce que je commente, ce sont vos déclarations et non pas les décisions du Conseil constitutionnel.
Quant à vos observations sur les amendements, nous en reparlerons lors de l'examen des articles. Personnellement, j'estime que l'on ne peut pas opposer, comme vous le faites, capacité et expérience professionnelle. Il faut tout de même reconnaître que vingt-cinq années de vie professionnelle, cela a une signification en termes d'acquis professionnels ! Alors que nous essayons, dans d'autres secteurs de notre activité législative, de valoriser les acquis professionnels dans les cursus de formation, n'enlevons pas toute valeur à vingt-cinq années de vie professionnelle et d'exercice des responsabilités !
C'est une première observation que je voulais faire à propos de vos déclarations.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.

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