SEANCE DU 16 OCTOBRE 2002


M. le président. L'amendement n° 231, présenté par MM. Raoul, Trémel et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le cinquième alinéa du I de l'article 50 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 susmentionnée est complété in fine par une phrase ainsi rédigée :
« Un nouveau plan de desserte gazière sera arrêté dans le cadre du prochain contrat de groupe liant l'Etat à Gaz de France pour la période 2003-2006, notamment en vue de permettre, sous certaines conditions, l'éligibilité à ce plan des groupements de communes qui en feraient la demande. »
La parole et à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. L'amélioration de la desserte publique en gaz naturel est un réel enjeu de l'aménagement du territoire et du développement économique de nos communes.
Il a fallu de longues discussions, qui remontent maintenant au début des années quatre-vingt-dix, pour que les pouvoirs publics proposent, enfin, au Parlement un nouveau dispositif visant à étendre la desserte gazière de notre territoire. Ce fut l'objet de l'article 50 de la loi du 2 juillet 1998, qui a permis l'établissement d'un plan de desserte gazière ayant comme objectif la desserte de 1 300 nouvelles communes par l'opérateur public Gaz de France à l'horizon 2003, objectif qui est en passe d'être atteint.
Ce plan, s'il a connu un grand succès, a aussi généré des déceptions. En effet, sur environ 5 000 communes qui ont postulé, seules 1 300 ont été retenues. Les pouvoirs publics doivent trouver une solution face à ces demandes non satisfaites, le gaz n'étant pas une énergie « universelle », c'est-à-dire qu'il n'est pas accessible à tous en tout point du territoire.
Seul l'opérateur public peut faire face à ces demandes. Il est à craindre que la nouvelle organisation gazière, telle qu'elle se profile - si j'en juge par ce projet de loi -, ne donne un coût d'arrêt à l'extension de la desserte de gaz à de nouvelles communes. En effet, pour rendre crédible l'ouverture à la concurrence, les tarifs d'utilisation des réseaux vont être revus à la baisse. Gaz de France et les autres distributeurs, devant réduire leurs dépenses, économiseront tout naturellement sur les investissements et, par conséquent, sur les extensions.
Les opérateurs privés, encore plus sensibles que Gaz de France aux questions de rentabilité, ne vont pas se précipiter pour améliorer la desserte du territoire, et ce n'est pas l'article 14 du projet de loi, qui tend à faire sauter le verrou sur la nature minoritairement publique du capital de l'opérateur autorisé à desservir en gaz les communes, qui va changer les choses, puisque toutes ces communes ne sont pas jugées assez rentables !
Nous devons, dès lors, donner à Gaz de France de nouvelles ambitions en ce domaine. Par cet amendement, nous demandons donc l'établissement d'un nouveau plan de desserte gazière dans le cadre du prochain contrat liant l'Etat à l'opérateur public et nous suggérons au Gouvernement de réexaminer le fameux critère B/I - bénéfices sur investissements -, comme l'avait fait le gouvernement précédent, cela pour éventuellement envisager l'éligibilité à ce plan, sous certaines conditions, des demandes émanant des groupements de communes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission est très réservée.
Elle est favorable au principe, car il est évident que tous les élus souhaitent qu'un maximum de maisons soient raccordées au réseau de gaz et que le plan de desserte s'étende à toute la France. Mais il faut tenir compte de la réalité !
Au cours de la discussion générale, Mme la ministre nous a rappelé que le plan de desserte gazière en cours comprenait le raccordement de 1 690 communes. Mais environ 600 ont été effectivement raccordées à ce jour. De plus, dans les dernières communes raccordées, nous sommes déjà à un taux de rentabilité zéro. Cela signifie que, pour celles qui ne le sont pas encore, mais dont le raccordement est prévu dans le plan actuel - soit environ 1000 -, le taux de rentabilité sera négatif !
Emettre le souhait qu'un nouveau plan de desserte gazière soit établi pour la période 2003-2006 est, dans ces conditions, un voeu pieu et cet amendement ne servira pas à grand-chose.
Plusieurs d'entre nous l'ont dit, près de 75 % des Français sont « raccordables », mais pas raccordés ! Je souhaite, bien sûr, que ce taux augmente le plus vite possible, mais je ne traduirai pas ce souhait dans une disposition de loi que je crois impossible à appliquer ! Voilà pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Le Gouvernement partage tout à fait l'avis de la commission et est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. L'amendement qui nous est proposé va tout à fait dans le sens de ce que nous souhaitions tout à l'heure dans notre amendement réécrivant l'article 11, à savoir une extension du raccordement aux habitants qui ne sont pas raccordés dans les communes desservies.
A la place du terme d'« éligibilité », souvent utilisé par les élus dans l'expression « communes éligibles », nous aurions peut-être pu parler d'accès possible des groupements de communes qui en feraient la demande à ce nouveau plan de desserte. Il est en effet souhaitable qu'un nouveau plan permette de répondre à la demande. Cela signifie qu'il faut non pas agir dans la précipitation, mais continuer à se fixer des objectifs allant dans ce sens.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Masson pour explication de vote.
M. Jean-Louis Masson. Je partage tout à fait l'analyse de M. le rapporteur sur la situation actuelle. Il faut reconnaître que, au cours des années passées - voilà cinq à dix ans - l'opérateur Gaz de France était beaucoup trop restrictif et bloquait la desserte des communes. Toutefois, un effort très important a été accompli. Cela me conduit à partager la position de M. le rapporteur, ce que je n'aurais pas fait il y a dix ans.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel pour explication de vote.
M. Pierre-Yvon Trémel. Il s'agit d'un point très important, car l'attente est grande en ce qui concerne la desserte en gaz. Lorsque Mme la ministre est venue s'exprimer devant la commission des affaires économiques, je l'avais interrogée sur ce point particulier et elle m'avait alors annoncé qu'il y aurait une suite au plan de desserte gazière. Aujourd'hui, elle prend une position différente devant notre assemblée.
Par conséquent, nous maintenons notre amendement et nous demandons, monsieur le président, que le Sénat se prononce par scrutin public.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Il n'y a pas du tout de contradiction entre ce que j'ai pu dire devant la commission et les propos que j'ai tenus aujourd'hui. Un bilan du présent plan de desserte gazière sera établi à la fin de l'année 2003 et, à l'évidence, il faudra tenir compte des conséquences de la seconde directive avant de prendre une décision.
Aujourd'hui, il est trop tôt pour inscrire ces dispositions dans le présent projet de loi. Mais c'est bien l'objectif que nous cherchons tous à atteindre.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 231.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 7:

Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 113
Contre 199

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.