SEANCE DU 16 OCTOBRE 2002


M. le président. « Art. 20. - Les deux premières phrases du 2° de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité sont remplacées par les dispositions suivantes :
« 2° Les installations qui utilisent des énergies renouvelables ou qui mettent en oeuvre des techniques performantes en termes d'efficacité énergétique, telles que la cogénération. Un décret en Conseil d'Etat fixe les limites de puissance installée des installations de production qui peuvent bénéficier de l'obligation d'achat. Ces limites, qui ne peuvent excéder 12 mégawatts, sont fixées pour chaque catégorie d'installation pouvant bénéficier de l'obligation d'achat sur un site de production. Pour apprécier le respect de ces limites, deux machines électrogènes, appartenant à une même catégorie d'installations, exploitées par une même personne ou par les sociétés qu'elle contrôle directement ou indirectement et bénéficiant de l'obligation d'achat, ne peuvent être considérées comme situées sur deux sites distincts si la distance qui les sépare est inférieure à une distance minimale fixée par décret. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 249, présenté par M. Coquelle, Mmes Beaufils, Didier et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 85, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le second alinéa (2°) de cet article :
« 2° Les installations qui utilisent des énergies renouvelables ou qui mettent en oeuvre des techniques performantes en termes d'efficacité énergitique, telles que la cogénération lorsque ces installations ne peuvent trouver des clients éligibles dans des conditions économiques raisonnables au regard du degré d'ouverture du marché national de l'électricité. Un décret en Conseil d'Etat fixe les limites de puissance installée des installations de production qui peuvent bénéficier de l'obligation d'achat. Ces limites, qui ne peuvent excéder 12 mégawatts, sont fixées pour chaque catégorie d'installation pouvant bénéficier de l'obligation d'achat sur un site de production. Pour apprécier le respect de ces limites, deux machines électrogènes, appartenant à une même catégorie d'installations, exploitées par une même personne physique ou par les sociétés qu'elle contrôle directement ou indirectement au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce et bénéficiant de l'obligation d'achat, ne peuvent être considérées comme situées sur deux sites distincts si la distance qui les sépare est inférieure à une distance minimale fixée par décret. »
Le sous-amendement n° 254, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase du texte proposé par l'amendement n° 85 pour le second alinéa (2°) de cet article, supprimer les mots : "lorsque ces installations ne peuvent trouver des clients éligibles dans des conditions économiques raisonnables au regard du degré d'ouverture du marché national de l'électricité". »
Le sous-amendement n° 255, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans la dernière phrase du texte proposé par l'amendement n° 85 pour le second alinéa (2e) de cet article, supprimer le mot : "physique". »
L'amendement n° 209, présenté par M. Coquelle, Mmes Beaufils, Didier et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter in fine la première phrase du second alinéa (2°) de cet article par les mots : ", si elles ont un caractère de prototype ou de tête de série industrielle". »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils pour défendre l'amendement n° 249.
Mme Marie-France Beaufils. L'article 20 est irrecevable en ce sens qu'il ne vise qu'à introduire, de façon tout à fait artificielle, une modification de la loi « électricité » de février 2000 sans rapport réel avec l'objet du présent texte puisque celui-ci vise à la transformation de la directive « gaz ».
Cet article est d'autant plus un « cavalier » qu'il tend à fixer une distance minimale entre des installations électrogènes pour qu'elles ne soient pas considérées comme constituant un seul et même site de production. Or ce genre de disposition relève tout naturellement du décret d'application et non de la loi.
Même si nous approuvons cette disposition « anti-tricherie », nous ne cautionnerons pas la procédure « cavalière » et nous demandons la suppression de l'article 20.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 85.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement répond en fait à deux soucis.
Tout d'abord, la collectivité publique ne saurait accorder le bénéfice de l'obligation d'achat à un prix bonifié à un opérateur qui pourrait écouler sa production aux conditions du marché. D'où la première modification proposée au texte du 2° de l'article 20.
Ensuite, il s'agit de faire explicitement référence au code de commerce.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée pour défendre les sous-amendements n°s 254 et 255.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. En ce qui concerne, d'abord, l'amendement n° 249, je dirai que l'article 20 du projet de loi a en effet pour objet d'éviter les contournements du dispositif de l'obligation d'achat en prévoyant que l'appréciation du respect du seuil de puissance maximale sera faite pour un même site par filière et par groupe, et cela en tenant compte de la distance.
J'ai noté que Mme Beaufils approuvait l'idée contenue dans l'article 20, mais qu'elle le considérait comme une sorte de « cavalier ». Bien entendu, je ne partage pas ce dernier sentiment. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 249. S'agissant de l'amendement n° 85, le Gouvernement y est favorable, sous réserve de l'adoption de deux sous-amendements.
Concernant le sous-amendement n° 254, je dirai que, pour le bénéfice de l'obligation d'achat, l'appréciation du fait que les installations de production ne peuvent trouver des clients sur le marché est déjà assurée à travers la fixation des limites de puissance pour chaque filière de production. Dès lors, il ne paraît pas utile d'imposer des formalités supplémentaires aux entreprises pour effectuer à nouveau cette appréciation, au cas par cas, pour chaque installation.
Quant au sous-amendement n° 255, il est purement rédactionnel.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils pour défendre l'amendement n° 209.
Mme Marie-France Beaufils. L'article 20 met, à juste titre, en évidence le fait que les dispositions d'obligation d'achat de l'électricité produite par des cogénérateurs ou par des énergies dites « renouvelables » peuvent susciter des tricheries et excès de nature diverse : la division artificielle des sites de production n'en est qu'un exemple.
Ainsi, sait-on que certaines entreprises démontent des éoliennes implantées dans d'autres pays de l'Union européenne pour les remonter en France, où les tarifs d'achat sont plus élevés ? Evidemment, cela ne fait pas, en Europe, un kilowattheure supplémentaire d'électricité produite à partie d'une énergie renouvelable ! Cela coûte seulement plus cher aux usagers français !
Le vrai problème vient d'abord de ce que le bénéfice de l'obligation d'achat est accordé par la loi sans discernement suffisant. Il vient également de ce que les tarifs d'achat fixés par voie réglementaire provoquent des effets d'aubaine tout à fait étrangers à l'intérêt général.
Nous proposons donc de corriger le premier des défauts constatés, celui qui découle de la loi.
Il est dans l'intérêt de notre pays que s'y développe une industrie de moyens de production d'électricité à partir des énergies renouvelables. Mais cela ne signifie pas qu'il faille engraisser des entreprises qui importent des équipements de ce type pour bénéficier de l'obligation d'achat. Cela ne signifie pas non plus qu'il faille encourager la reproduction en série de ces installations sans qu'en découle la moindre avancée technologique, ni qu'il en résulte une diminution des coûts de production.
L'aide apportée aux techniques de production d'électricité « renouvelable » doit inciter au progrès technique, à la réalisation d'investissements productifs par kilowatt, bref, à rendre concurrentiels sur le marché européen et mondial les équipements considérés, donc à développer notre industrie et l'emploi dans notre pays.
Pour cela, nous proposons de limiter l'obligation d'achat à celles des installations considérées qui ont un caractère de prototype ou de tête de série industrielle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 249, sur les sous-amendements n°s 254 et 255, ainsi que sur l'amendement n° 209 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission est, bien sûr, totalement défavorable à l'amendement n° 249 car, contrairement à ses auteurs, nous tenons à conserver dans ce texte les dispositions qui tendent à modifier la « loi électrique ».
Le sous-amendement n° 254 est tout de même, madame la ministre, d'une portée légèrement plus grande que vous ne l'avez laissé entendre : il revient en fait à supprimer les trois quarts de ce qui constitue la première de mes deux propositions.
Néanmoins, à titre personnel, puisque ce sous-amendement n'a pas été examiné en commission, j'émettrai un avis favorable.
Quant au sous-amendement n° 255, il est effectivement purement rédactionnel, et j'y suis également favorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 209, je dirai, pour résumer, qu'il est très « anti-cogénération » et « anti-énergies renouvelables ».
Mme Marie-France Beaufils et M. Yves Coquelle. Pas du tout ! Il ne s'agit absolument pas de cela !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Enfin, cela revient au même parce que vous voulez aller très vite dans la réduction de l'obligation d'achat.
Mme Marie-France Beaufils. Nous voulons simplement qu'elle soit encadrée !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous avons été une bonne dizaine d'orateurs, lors de la discussion générale, à dire que, si nous étions, sur le plan du principe, favorables à la cogénération et au développement des énergies nouvelles, nous considérions qu'il ne fallait pas faire n'importe quoi à n'importe quel prix. Nous avons tendance à penser que, dans la porte qui a été largement ouverte, se sont engouffrés des petits malins qui, grâce à cette obligation d'achat, font de gros bénéfices.
Mme Marie-France Beaufils et M. Yves Coquelle. Voilà ! C'est cela l'esprit de notre amendement !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il est vrai que cette disposition d'obligation d'achat était un des éléments importants de la politique du gouvernement précédent en faveur de la cogénération et des énergies renouvelables.
Pour ma part, je n'ai pas changé de position. Je pense qu'il faut être prudent et ne pas laisser faire n'importe quoi. Mais je ne vais pas jusqu'où vous voudriez nous entraîner, madame Beaufils. C'est la raison pour laquelle nous avons émis un avis défavorable sur l'amendement n° 209. Cela étant, je ne trouve pas mauvais que l'on rappelle, de temps en temps, certaines choses !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 209 ?
Mme Nicole Fontaine ministre déléguée. J'approuve entièrement ce que vient de dire M. le rapporteur. Le Gouvernement est tout à fait favorable au développement des énergies renouvelables et il considère que le dispositif de l'obligation d'achat doit être maintenu. C'est la raison pour laquelle il ne peut accepter cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 249.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 254.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 255.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85, modifié.
Mme Marie-France Beaufils. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 209 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 20, modifié.

(L'article 20 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 20