SEANCE DU 22 OCTOBRE 2002


M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 12, adressée à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la veille de la discussion budgétaire et au moment où l'éducation nationale a cessé d'être une priorité gouvernementale, il apparaît légitime de poser une nouvelle fois le fameux problème de l'inadaptation du mode de calcul utilisé pour la répartition des postes budgétaires d'instituteurs entre les départements.
L'inadaptation de ce mode de calcul a des conséquences très négatives pour le département de la Gironde ; je m'en faisais déjà l'écho à cette même tribune voilà deux ans presque jour pour jour. Mais la situation s'est aggravée dangereusement cette année.
C'est ainsi que, malgré l'octroi de 218 postes supplémentaires depuis cinq ans, le rapport entre le nombre d'enseignants et le nombre d'élèves reste en Gironde parmi les plus faibles de France. Alors que ce rapport est en moyenne pour la France métropolitaine de 5,34 %, celui de la Gironde atteignait à peine 4,98 % à la rentrée 2001.
Pourtant, à la dernière rentrée scolaire, le département de la Gironde a accueilli près de 120 000 élèves, soit environ 400 élèves supplémentaires par rapport à la rentrée 2001.
Pour faire face à cette augmentation d'effectifs, 47 postes seulement ont été attribués à la Gironde, alors que 350 postes seraient indispensables pour rattraper le retard. La Gironde occupe le 97e rang des départements pour le nombre d'élèves par classe.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, c'est sous votre haute autorité que sont attribués les postes à l'académie et c'est ensuite au recteur qu'il appartient de doter les départements. Or la répartition académique des postes s'avère très pénalisante pour la Gironde ; en effet, bien que prenant en compte les effectifs corrigés des critères sociaux et territoriaux, la dotation qui est affectée à ce département fait apparaître un défaut de 350 postes. Les disparités entre les cinq départements de l'académie sont très fortes. Ainsi, en Gironde, 16,3 % des écoles sont en ZEP, zones d'éducation prioritaires, alors que le pourcentage est de 3 % et de 4 % dans les autres départements de l'académie. Les critères sociaux utilisés ne prennent pas en compte la réalité de cette situation.
En effet, le poids social calculé en fonction du taux de population défavorisée, de chômeurs et de RMIstes qui est de 20,8 % en Gironde contre 18,3 % à 20 % dans les autres départements, ne correspond pas à la réalité de la situation scolaire.
Le taux de scolarisation des enfants âgés de deux ans n'y est que de 21 % alors que, dans les autres départements, il est de 34 %, de 35 %, voire de 37 %. Rappelons que la moyenne nationnale est de 29,2 %. Autant de chiffres et d'exemples qui illustrent l'inadaptation de la répartition des postes budgétaires !
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que la Gironde détient le triste record des classes surchargées, des remplacements non effectués ; 7,38 % des postes sont destinés au remplacement pour une moyenne nationale de 7,85 % ; les formations continues sont amputées et de nombreux directeurs d'écoles ne sont pas déchargés d'enseignement.
En Gironde, 110 écoles sur les 931 que compte le département n'ont pas de directeur.
Cette situation de précarité entrave gravement les conditions d'exercice du métier d'enseignant et bafoue un principe fondateur du service public : l'égalité d'accès à la connaissance et à un enseignement de qualité.
Au moment où chacun s'accorde à reconnaître que l'éducation nationale porte en elle l'avenir de la nation - c'est elle qui transmet les connaissances, les apprentissages, les valeurs de la citoyenneté ; c'est elle qui constitue le socle de la démocratie et de notre République - il apparaît pour le moins paradoxal qu'elle ne bénéficie pas de tous les moyens lui permettant d'assumer ses missions. L'Etat ne peut pas se résigner à ce que la fameuse égalité des chances soit réduite à néant ! M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, avant d'aborder le problème spécifique de la Gironde, je veux souligner que l'éducation nationale reste une priorité, notamment dans le premier degré, qui fait l'objet de votre question, puisque nous avons augmenté le nombre de postes par rapport à ce qu'avait prévu le plan pluriannuel pour l'emploi de mon prédécesseur.
Je voudrais cependant vous rappeler aussi, monsieur le sénateur, que, dans le premier degré, la répartition des moyens repose à l'échelon national et académique sur une méthode rénovée qui a été approuvée par tous nos partenaires. Elle a d'ailleurs été définie par un groupe de travail national comprenant des représentants des élus, de l'administration et de tous les membres de la communauté scolaire. Cette méthode de répartition a été examinée à plusieurs reprises par la commission « Ecole » du Conseil supérieur de l'éducation nationale, qui en a garanti la validité et la fiabilité, ce qui nous a confirmés dans le bien-fondé du système d'indicateurs que nous utilisons.
Les critères de répartition renouvelés et transparents sont finalement peu nombreux, parce qu'ils doivent rester compatibles avec la volonté de donner toute sa place au pilotage académique et départemental.
L'objectif - vous avez raison, monsieur le sénateur - est d'assurer le respect du principe d'équité dans la répartition des moyens en pondérant la démographie scolaire par des critères sociaux, territoriaux, structurels. Ces critères sont mesurés par des indicateurs objectifs et reconnus, établis à partir des données de l'INSEE. Les dotations ainsi définies, notifiées globalement au recteur d'académie, permettent la mise en oeuvre de la politique nationale dans chaque académie.
Sur la base de ces critères et dans un souci d'équité entre les départements de l'académie de Bordeaux, le département de la Gironde a bénéficié, pour le premier degré, de l'attribution de 47 emplois lors de la rentrée scolaire de 2002 : ainsi, le taux d'encadrement global est passé, à la rentrée de 2002, à 5 postes pour 100 élèves.
Il est important, par ailleurs, de rappeler que la gestion est rendue difficile en Gironde - vous le savez mieux que personne, monsieur le sénateur - par l'hétérogénéité démographique du département, qui, à côté de l'importante agglomération bordelaise, comprend une zone rurale assez étendue ; une école sur trois ne compte que quatre classes, voire moins ; une école sur quatre seulement a plus de sept classes.
Cela dit, depuis 1998, un effort important a été mis en oeuvre pour faire face à l'augmentation des effectifs : 218 postes ont été attribués dans le premier degré, 53 classes ont été créées à la rentrée de 2002, 175 postes ont été implantés en collège, 39 en sections d'enseignement général et professionnel adapté, les SEGPA, 85 en lycée. Sans nul doute, cet effort important n'est pas étranger aux résultats satisfaisants que l'on a pu constater, résultats qui furent même, pour le CAP ou le baccalauréat général, supérieurs aux moyennes de l'académie.
Enfin, nous avons décidé d'attribuer, au 1er janvier de l'année prochaine, une prime de 925 euros, quelle que soit la dimension de l'école, à tous les directeurs de façon à susciter des vocations pour l'accomplissement de cette mission.
Je tiens à vous assurer que l'effort accompli se poursuivra lors des prochaines rentrées scolaires. Ainsi, le département de la Gironde disposera des moyens nécessaires, tant pour faire face à l'augmentation des effectifs que pour améliorer, de manière significative, les conditions d'enseignement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais je ne peux que continuer à dénoncer la pénurie d'enseignants du premier degré qui empêche l'ensemble des écoliers de Gironde de bénéficier des conditions les plus favorables à la réussite scolaire, et ne permet pas aux enseignants d'exercer leur métier comme ils le souhaiteraient. Je vous demande donc, monsieur le ministre, de porter une grande attention à la situation : selon le recteur lui-même, il manque, en réalité, 350 postes.

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