SEANCE DU 12 NOVEMBRE 2002


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Candidatures à une commission mixte paritaire (p. 1 ).

3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 2 ).

4. Avenir de l'Europe. Discussion d'une question orale européenne avec débat (Ordre du jour réservé.) (p. 3 ).
MM. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, auteur de la question ; André Dulait, président de la commission des affaires étrangères ; Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères ; Mme Danielle Bidard-Reydet.

5. Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires grecs (p. 4 ).

6. Avenir de l'Europe. - Suite de la discussion d'une question orale européenne avec débat. (Ordre du jour réservé.) (p. 5 ).
MM. Serge Vinçon, Aymeri de Montesquiou, Jacques Blanc, Robert Badinter, Denis Badré.
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères ; Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes ; MM. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne ; le président.
Clôture du débat.

7. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 6 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 7 )

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

8. Décès d'un ancien sénateur (p. 8 ).

9. Mise au point au sujet d'un vote (p. 9 ).
MM. Jean-Marie Poirier, le président.

10. Responsabilité civile médicale. - Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission. (Ordre du jour réservé.) (p. 10 ).
Discussion générale : MM. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Christian Jacob, ministre délégué à la famille ; Francis Giraud, Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 11 )

MM. Gilbert Chabroux, le président, Alain Vasselle, Jean Chérioux, Paul Blanc, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; le ministre délégué.
Amendement n° 3 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 4 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur, Guy Fischer, le président de la commission, Jean-Pierre Godefroy, André Lardeux. - Adoption.
Amendement n° 5 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 1 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° 2 de M. Jean-Pierre Godefroy. - Devenu sans objet.
Amendement n° 6 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 13 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur, Alain Vasselle. - Adoption.
Amendement n° 7 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 2. - Adoption (p. 12 )

Article 3 (p. 13 )

Amendement n° 8 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 4 (p. 14 )

M. Jean-Pierre Godefroy.
Amendement n° 9 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 10 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 11 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 5. - Adoption (p. 15 )

Article additionnel après l'article 5 (p. 16 )

Amendement n° 12 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l'ensemble (p. 17 )

MM. André Vantomme, Guy Fischer, le rapporteur.
Adoption de la proposition de loi.
M. le président de la commission.

11. Activités physiques et sportives. - Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission. (Ordre du jour réservé.) (p. 18 ).
Discussion générale : MM. Bernard Murat, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Jean-François Lamour, ministre des sports.
Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 19 )

Amendement n° 2 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 3 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article unique modifié.

Intitulé (p. 20 )

Vote sur l'ensemble (p. 21 )

MM. Serge Lagauche, Dominique Leclerc, Mme Annie David.
Adoption de la proposition de loi.

12. Rappel au règlement (p. 22 ).
Mme Hélène Luc, M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

13. Solidarité et renouvellement urbains. - Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission. ( Ordre du jour réservé. ) (p. 23 ).
Discussion générale : MM. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; Aymeri de Montesquiou.
MM. le rapporteur, le ministre, Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques ; Aymeri de Montesquiou.

Suspension et reprise de la séance (p. 24 )

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 25 )

MM. Daniel Goulet, Philippe Darniche, Jean-Yves Mano, Mme Valérie Létard, MM. Yves Coquelle, Yves Dauge, Pierre Jarlier.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.

Question préalable (p. 26 )

Motion n° 3 de M. Yves Coquelle. - MM. Roland Muzeau, Jean-Paul Alduy, le rapporteur, le ministre, Jean-Yves Mano, Jack Ralite. - Rejet par scrutin public.
M. le président de la commission.

Suspension et reprise de la séance (p. 27 )

M. le président de la commission.

Article 1er (p. 28 )

MM. Denis Badré, Yves Coquelle.
Amendements identiques n°s 12 de M. Yves Coquelle et 30 de M. Jean-Yves Mano ; amendements n°s 31, 32 de M. Jean-Yves Mano, 62 (priorité) du Gouvernement, 26 rectifié, 27 de M. Dominique Braye ; amendements identiques n°s 33 de M. Jean-Yves Mano et 64 du Gouvernement ; amendements n°s 50, 24 rectifié de M. Denis Badré et 58 de M. Christian Demuynck. - MM. Yves Coquelle, Jean-Yves Mano, le ministre, Dominique Braye, Denis Badré, Christian Demuynck, le rapporteur, le président de la commission. - Demande de priorité de l'amendement n° 62 ; retrait des amendements n°s 58 et 50 ; rejet des amendements n°s 12, 30, 32, 26 rectifié, 27 et 24 rectifié ; adoption des amendements n°s 62, 33 et 64, l'amendement n° 31 devenant sans objet.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.

Article 2 (p. 29 )

Amendements identiques n°s 13 de M. Yves Coquelle et 34 de M. Jean-Yves Mano ; amendements identiques n°s 9 de M. Jean-Paul Alduy, 35 de M. Jean-Yves Mano et 65 (priorité) du Gouvernement ; amendements n°s 36 à 38 de M. Jean-Yves Mano et 66 rectifié du Gouvernement. - MM. Yves Coquelle, Jean-Yves Mano, le ministre, Jean-Paul Alduy, le rapporteur. - Demande de priorité de l'amendement n° 65 ; retrait des amendements n°s 13 et 37 ; rejet des amendements n°s 34, 36 et 38 ; adoption des amendements n°s 65, 9, 35 et 66 rectifié.
Adoption de l'article modifié.

Article 3 (p. 30 )

Amendements identiques n°s 14 de M. Yves Coquelle et 39 de M. Jean-Yves Mano ; amendements n°s 40 à 44 de M. Jean-Yves Mano, 28 de M. Dominique Braye, 67 à 69 du Gouvernement et 10 de M. Jean-Paul Alduy. - Mme Evelyne Didier, MM. Jean-Yves Mano, Dominique Braye, le ministre, Jean-Paul Alduy, le rapporteur. - Retrait des amendements n°s 10 et 28 ; reprise de l'amendement n° 10 rectifié par M. Jean-Yves Mano ; rejet des amendements n°s 14 et 39 à 44 ; adoption des amendements n°s 67 à 69, l'amendement n° 10 rectifié devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article 4 (p. 31 )

Amendement n° 15 de M. Yves Coquelle. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.

Article 5 (p. 32 )

Amendement n° 16 de M. Yves Coquelle. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.

Article 6 (p. 33 )

Amendements n°s 17 de M. Yves Coquelle, 45 de M. Jean-Yves Mano et 29 de M. Dominique Braye. - MM. Gérard Le Cam, Jean-Yves Mano, Dominique Braye, le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements n°s 17 et 45 ; adoption de l'amendement n° 29.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel avant l'article 7 (p. 34 )

Amendement n° 52 de M. Daniel Goulet. - MM. Daniel Goulet, le rapporteur, le ministre, Yves Dauge. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 7 (p. 35 )

Amendements identiques n°s 18 de M. Yves Coquelle et 46 de M. Yves Dauge ; amendement n° 5 rectifié de M. Jean-Paul Alduy. - Mme Odette Terrade, MM. Yves Dauge, Jean-Paul Alduy, le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements n°s 18 et 46 ; adoption de l'amendement n° 5 rectifié.
Adoption de l'article modifié.

Article 8 (p. 36 )

Amendements identiques n°s 19 de M. Yves Coquelle et 47 de M. Yves Dauge. - Mme Odette Terrade, MM. Yves Dauge, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.

Article additionnel avant l'article 9 (p. 37 )

Amendement n° 6 de M. Jean-Paul Alduy. - MM. Jean-Paul Alduy, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Article 9 (p. 38 )

Amendements identiques n°s 20 de M. Yves Coquelle et 48 de M. Yves Dauge. - MM. Yves Coquelle, Yves Dauge, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.

Article 10 (p. 39 )

Amendements identiques n°s 21 de M. Yves Coquelle, 49 de M. Yves Dauge et 53 rectifié de M. Daniel Goulet ; amendement n° 7 de M. Jean-Paul Alduy. - MM. Yves Coquelle, Yves Dauge, le président de la commission, Daniel Goulet, Jean-Paul Alduy, le rapporteur, le ministre, Charles Revet, Pierre Jarlier, Philippe Arnaud. - Retrait des amendements n°s 53 rectifié et 7 ; rejet, par scrutin public, des amendements n°s 21 et 49.
Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 10 (p. 40 )

Amendement n° 1 rectifié de M. Jean François-Poncet. - MM. Charles Revet, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 8 de M. Jean-Paul Alduy. - MM. Jean-Paul Alduy, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendements identiques n°s 22 rectifié quater de M. Jean Arthuis et 57 rectifié bis de M. Henri de Richemont ; amendements n°s 55 rectifié et 54 de M. Daniel Goulet. - MM. Philippe Arnaud, Jean Bizet, Daniel Goulet, le rapporteur, le ministre. - Retrait des quatre amendements.
Amendement n° 25 de M. Henri de Raincourt. - MM. Henri de Raincourt, le rapporteur, le ministre, Yves Dauge. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l'ensemble (p. 41 )

MM. Yves Coquelle, le président de la commission, le ministre, le rapporteur.
Adoption de la proposition de loi.

14. Ordre du jour (p. 42 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CANDIDATURES À UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l'évaluation globale du statut social de l'ensemble des personnels sous contrat travaillant à l'étranger, établi en application de l'article 34-V de la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

4

AVENIR DE L'EUROPE

Discussion d'une question orale
européenne avec débat
(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale européenne avec débat n° QE-2.
Cette question est ainsi libellée :
M. Hubert Haenel demande à M. le ministre des affaires étrangères d'exposer au Sénat les attentes du Gouvernement sur les travaux menés au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe ainsi que les points essentiels sur lesquels il estime souhaitable que la France fasse entendre sa voix dans la perspective de la prochaine Conférence intergouvernementale.
Je rappelle au Sénat que cette discussion intervient dans le cadre de l'ordre du jour réservé.
La parole est à M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, auteur de la question.
M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, mes premiers mots ne concerneront pas le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Je voudrais en effet, en tout premier lieu, vous féliciter, monsieur le ministre, pour l'action opiniâtre que la France a menée au sein du Conseil de sécurité, afin que la question iraquienne soit traitée dans le cadre des Nations unies et non par des voies unilatérales.
J'en viens au sujet qui est à l'ordre du jour. Je soulignerai tout d'abord qu'il nous faut prendre la mesure de l'originalité, de la spécificité, de la Convention sur l'avenir de l'Europe.
Originale, la Convention l'est par sa formule, qui associe toutes les légitimités : gouvernements, Commission européenne, Parlement européen, enfin, et surtout, parlements nationaux, puisque - je le rappelle - les représentants des parlements nationaux sont majoritaires au sein de la Convention : nous sommes cinquante-six sur cent cinq membres. C'est également la première fois que des représentants des pays candidats participent à part entière à un exercice intéressant l'Union dans son ensemble.
Originale, la Convention l'est aussi par son fonctionnement, très différent de celui d'une conférence diplomatique : il ne s'agit pas, ici, d'arriver avec une position et de négocier ensuite ; la Convention est le lieu d'échanges nombreux, d'évolutions incessantes, d'une décantation progressive. C'est en participant effectivement aux débats, et non en se bornant à donner lecture d'une position préétablie, que l'on peut avoir une influence. Ce n'est pas un hasard si le ministre allemand des affaires étrangères a décidé de siéger personnellement à la Convention.
Originale, la Convention l'est surtout par son objet. Lorsque la méthode de la Convention a été employée pour la première fois - j'en étais, il y a deux ans - pour élaborer la charte des droits fondamentaux de l'Union, il s'agissait, pour l'essentiel, de codifier des droits existants, de les mettre en forme. L'objet était donc très circonscrit. Cette fois-ci, l'exercice est d'une tout autre ampleur.
Si le Conseil européen a décidé de lancer le processus de la Convention, c'est parce qu'il était conscient que la construction européenne avait besoin d'un acte refondateur. La Communauté s'était bâtie dans le contexte du conflit Est-Ouest : une même opposition au système soviétique cimentait, en quelque sorte, les Etats membres et tenait lieu de projet politique commun. Par ailleurs, les frontières de l'ensemble à unifier ne prêtaient guère à discussion.
Depuis la fin de l'affrontement des blocs, l'Europe a perdu beaucoup de ses repères et, si elle continue à avancer, c'est sans direction claire. Le sens du projet européen et l'identité européenne elle-même sont devenus incertains : l'Union va passer, sous peu, de quinze à vingt-cinq membres ; d'ici à dix ans, elle en comptera peut-être plus de trente, et personne ne peut dire aujourd'hui de manière assurée où, exactement, doit s'arrêter l'élargissement. On craint de poser la question des frontières de l'Union.
Durant les années quatre-vingt-dix, la réussite de l'Union économique et monétaire, couronnement de la réalisation du marché unique, était le grand dessein qui rassemblait les Européens. La monnaie unique est aujourd'hui entrée dans les faits - pour notre plus grand bien - mais aucun grand projet mobilisateur n'a véritablement pris le relais.
Parallèlement, chacun peut constater que l'Europe continue à n'occuper qu'une place réduite dans les débats politiques des Etats membres et que la participation aux élections européennes décline de scrutin en scrutin. La construction européenne n'est toujours pas pleinement ancrée, enracinée au sein des pays membres, et, de ce fait, sa légitimité paraît encore fragile lorsqu'il s'agit d'aborder des questions directement politiques telles que la justice et les affaires intérieures, la politique étrangère et la défense, qui sont pourtant au coeur des attentes des citoyens vis-à-vis de l'Europe.
La Convention a donc une tâche singulièrement lourde à remplir. Elle doit réassurer les bases de l'entreprise commune, pour une Europe privée d'ennemi identifié mais non de menaces, engagée dans un processus d'élargissement d'une ampleur sans précédent. Elle doit dire pourquoi nous sommes ensemble, ce que nous voulons faire ensemble, et avec quels instruments ; elle doit aussi faire en sorte que les institutions communes bénéficient d'une légitimité plus forte qu'aujourd'hui.
La Convention sera-t-elle à la hauteur de sa tâche ? Je mesure l'honneur que m'a fait le président du Sénat en me désignant pour y représenter notre assemblée, et la responsabilité que cette désignation entraîne. Précisément pour cette raison, je ne dissimulerai pas que j'éprouve parfois - heureusement pas toujours - une certaine inquiétude devant la tournure que prennent les débats de la Convention.
La Convention travaille beaucoup. Elle a déjà tenu onze sessions plénières. Elle a créé une dizaine de groupes de travail, parmi lesquels quatre ont d'ores et déjà rendu leur rapport. Je peux affirmer que nous ne chômons pas ! Ces nombreuses réunions ne sont pas vaines puisque, peu à peu, des consensus partiels se dessinent et qu'une première décantation s'est opérée. Alors pourquoi avoir des inquiétudes ?
La Convention travaille dans des conditions bien particulières. Les réunions se tiennent dans les locaux du Parlement européen et les réunions des groupes de travail se tiennent toutes à Bruxelles. Les parlementaires européens, qui se trouvent en quelque sorte chez eux, avec les facilités que cela entraîne, sont très présents dans toutes les réunions. Je peux dire, par exemple, que, au sein du groupe de travail sur le rôle des parlements nationaux auquel j'ai participé, ce sont paradoxalement les parlementaires européens qui se sont, et de loin, le plus exprimés ! Il faut bien admettre que, s'il est très facile à un parlementaire français d'aller à Bruxelles, il n'en est pas de même pour un député grec ou lituanien, qui hésitera à entreprendre un voyage de deux jours simplement pour participer à un groupe de travail.
Par la force des choses, les parlementaires européens jouent donc un rôle central au sein de la Convention, d'autant que la Commission a une certaine propension à appuyer leurs vues. Une sorte de « vulgate » a ainsi tendance à se former au sein de la Convention, autour d'un petit nombre de thèmes.
Tout d'abord, nous l'entendons sans relâche, « il ne faudrait pas de nouvelles institutions », comme si c'était l'alpha et l'omega de nos travaux.
Ensuite, il existerait une méthode simple, efficace, éprouvée, pour résoudre les problèmes européens : c'est la « méthode communautaire », où la Commission seule propose et où le Parlement européen et le Conseil codécident, sous le contrôle de la Cour de justice. Cette méthode ayant fait ses preuves pour la construction du marché commun, il faudrait l'appliquer aux questions de justice et d'affaires intérieures, puis, progressivement, aux questions de politique étrangère, voire, ultérieurement, de défense.
Enfin, pour rendre les institutions plus démocratiques, il faudrait tout simplement que le président de la Commission soit élu par le Parlement européen.
En somme - je schématise - il suffirait de conserver ce qui existe en l'amplifiant. Cette attitude conservatrice rencontre un certain écho, il faut le reconnaître, chez un certain nombre de « petits » pays qui, encore traumatisés par les débats qui ont précédé le traité de Nice, ont tendance à voir derrière toute innovation le spectre d'un « directoire des grands ».
Pour autant, peut-on croire sérieusement qu'un simple ravaudage va suffire pour donner une base solide à la grande Europe de vingt-cinq membres, peut-être de trente membres après-demain ?
Qu'on s'entende bien : je crois qu'il faut préserver la méthode communautaire partout où elle convient, c'est-à-dire pour les questions économiques, sociales, environnementales. Mais affirmer que, puisque cette méthode a fait ses preuves pour ces questions, elle doit aussi être appliquée telle quelle à toutes les autres, c'est, me semble-t-il, un raisonnement un peu sommaire ! Une chose est de trouver un point d'équilibre entre des intérêts nationaux, autre chose est de trancher des questions directement politiques.
J'aurais même tendance à craindre qu'à vouloir appliquer la méthode communautaire à tout domaine on n'en vienne à ruiner ce qui fait sa force. Pour que la méthode communautaire fonctionne bien, il faut une Commission forte et indépendante, qui soit un trait d'union entre les Etats membres. Mais dès lors qu'on veut lui donner, à peu de choses près, les compétences d'un gouvernement, il devient inévitable de proposer aussi qu'elle reflète la majorité du Parlement européen. Or, peut-on imaginer un instant qu'une Commission ainsi dépendante d'une majorité parlementaire pourrait conserver son rôle de médiateur entre les Etats membres et de gardienne impartiale des traités ?
Je ne crois pas que nous ayons intérêt à réduire le débat institutionnel européen au dilemme, il est vrai un peu caricatural, entre méthode communautaire et méthode intergouvernementale. C'est un dilemme que nous devons, au contraire, dépasser.
On entend souvent dire à la Convention que ceux qui sont à fond pour le communautaire sont les bons européens, et que ceux qui estiment qu'il y a encore place pour quelque temps encore pour l'intergouvernemental sont en quelque sorte les mauvais européens.
Nous ne sommes plus dans les années cinquante. Bien au contraire, comme le disait il y a quelques jours M. le Premier ministre, nous sommes au bout du système conçu dans les années cinquante. Nous devons raisonner en fonction d'un contexte entièrement nouveau pour nous, mais qui, en réalité, renoue le fil avec des époques plus anciennes.
Permettez-moi de poser la question : n'est-ce pas au Moyen Age que l'Europe est née ? Un excellent historien a d'ailleurs écrit, voilà quelques années, un article qui s'intitulait « Mille ans de construction européenne ». C'est un fait que l'Europe existe profondément, que nous avons été en quelque sorte Européens avant d'être Français. Il suffit de parcourir l'Europe, des deux côtés de l'ancien rideau de fer, pour voir partout les traces de ce qui nous unit depuis des siècles. Nous, Européens, nous avons un héritage commun qui nous est propre, un héritage culturel, humaniste et religieux. Je n'ai pas peur du mot, dans lequel j'inclus les trois grandes religions monothéistes. Il s'agit de savoir ce que nous allons faire de tout cet héritage.
Pour reprendre des termes qui ont eu leur mode, je dirai que l'Europe existe en soi, mais pas encore pour soi parce qu'elle hésite encore à s'affirmer vis-à-vis de l'extérieur et parce que ses institutions restent encore un peu superficielles, sans véritable ancrage dans les peuples. Le plus grand défi que nous ayons à relever, me semble-t-il, c'est d'enraciner les institutions européennes, de faire en sorte qu'elles aient une signification pour les citoyens, qu'ils se reconnaissent en elles. C'est ainsi que l'Union européenne aura la légitimité requise pour aborder les questions où les attentes sont aujourd'hui les plus fortes. Je pense, bien entendu, à la sécurité et à la justice, à la politique étrangère et à la défense.
Les premières séances de la Convention ont été précisément consacrées à ce thème : qu'attendons-nous de l'Europe ? Or la très grande majorité des intervenants ont estimé qu'il n'y avait pas lieu d'accroître sensiblement les compétences de l'Europe en matière économique et sociale. Nous pouvons espérer, en poussant beaucoup dans ce sens, obtenir certaines avancées en matière fiscale, encore que le débat récent sur la gouvernance économique ne nous laisse que peu d'espoirs. Il est clair cependant, même si l'on peut le regretter, que, par exemple, il n'y a pas de consensus pour aller très loin vers une harmonisation sociale. En revanche, l'exigence d'une action européenne plus forte et plus efficace pour lutter contre la criminalité transfrontalière a été unanimement reconnue.
M. Pierre Fauchon. Encore heureux ?
M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Le consensus a été presque aussi large pour demander que l'Europe s'affirme davantage sur la scène internationale. C'est manifestement autour de ces thèmes qu'une Europe ayant retrouvé son identité devra trouver un nouvel élan.
Pour disposer des institutions correspondant à cette tâche, il faudra bien innover. Le Président de la République a proposé la mise en place d'une présidence stable du Conseil européen. C'est une proposition qui va au-delà du simple aspect institutionnel. Bien sûr, elle répond d'abord à une nécessité fonctionnelle : on voit bien qu'il n'est pas possible d'exister sur la scène internationale avec une présidence changeant tous les six mois ! Qui peut croire que les pathétiques apparitions des troïkas assurent une quelconque crédibilité extérieure à l'Europe ? Mais donner une présidence à l'Union répond à une nécéssité plus profonde. L'Europe a besoin d'être incarnée, d'être symbolisée. Les citoyens doivent pouvoir lui donner un visage. Et les opinions publiques doivent pouvoir se situer vis-à-vis d'un responsable ultime qui soit identifiable. Pour qu'il y ait une démocratie européenne, il faut qu'apparaisse un espace public commun ; or, pour qu'un tel espace se constitue, il faut des repères pour les citoyens, il faut un centre. Avec la mise en place d'une vraie présidence de l'Union, l'Europe pourrait prendre conscience d'elle-même.
Une autre proposition importante dont la Convention est saisie est celle du « Congrès des peuples d'Europe », lancée par le président Giscard d'Estaing. Si nous voulons donner une capacité de décision politique à l'Europe, il faut lui donner en même temps une légitimité plus forte et plus large, c'est-à-dire impliquer aussi les parlements nationaux, de manière à associer toutes les légitimités, comme la Convention en donne déjà l'exemple. Le Congrès annuel, où se retrouveraient parlementaires européens et nationaux, serait un « temps fort » de la vie politique européenne, identifiable par les citoyens, où aurait lieu un grand débat sur l'état de l'Union amenant les différents responsables européens à s'expliquer et à rendre des comptes. La vie politique européenne se trouverait ainsi reliée aux vies politiques nationales, et ce serait un pas vers l'ancrage de la construction européenne dans les peuples.
Je voudrais également mentionner ici un problème que la Convention s'est jusqu'ici ingéniée à éviter, mais qui est sans doute incontournable, celui des « coopérations renforcées » permettant à certains Etats membres d'aller ensemble plus vite et plus loin dans tel ou tel domaine d'approfondissement de la construction européenne. Les coopérations renforcées sont certes déjà prévues par les traités, mais elles sont enfermées dans des conditions si nombreuses et si strictes que nul n'a essayé jusqu'à présent de se glisser dans un pareil carcan. Pourtant, comment croire que, quand l'Union comptera vingt-cinq membres, nous pourrons progresser à la même allure dans tous les domaines d'intégration ? Si elle ne se dote pas de formules plus souples, la construction européenne risque fort d'entrer dans une ère de stagnation. Là encore, ce n'est pas en restant crispés sur les schémas antérieurs que nous pourrons trouver la solution du problème.
Mais la Convention se montrera-t-elle capable d'aller vers des voies nouvelles ? Aujourd'hui, ce n'est pas sa tendance dominante, mais rien n'est joué. Les positions ne sont pas figées. Cependant, pour que la Convention accepte de s'engager dans des voies nouvelles, il faudra une impulsion forte qui, aujourd'hui, ne peut venir que du couple franco-allemand. Non pas pour imposer des vues préétablies, ce n'est pas ce que les conventionnels attendent, mais pour donner un élan et une direction. Je sais bien qu'en matière institutionnelle, comme dans beaucoup d'autres matières, les vues françaises et les vues allemandes ont spontanément tendance, pas toujours, mais parfois, à se situer aux antipodes.
Raison de plus pour essayer de parvenir à une synthèse dynamique qui aura, du fait même de la différence des sensibilités de départ entre la France et l'Allemagne, une force d'entraînement considérable. Les deux pays ont aujourd'hui, au moins autant qu'hier, un devoir envers l'Europe, une responsabilité que nul ne peut exercer à leur place, car ils forment, ensemble, ce que j'ai coutume d'appeler un « fondu enchaîné » européen. Ces deux pays voisins constituent le point de rencontre d'un grand nombre d'aspects différents, voire opposés, de l'identité européenne : du côté de la France, les dimensions atlantique et méditerranéenne, l'influence latine et catholique, la tradition de l'Etat-nation centralisé ; du côté de l'Allemagne, le rayonnement vers le Nord et l'Est, l'influence du protestantisme, le fédéralisme associé et la tradition du « capitalisme rhénan ». L'ensemble franco-allemand est ouvert sur tous les espaces maritimes européens, touche à toutes les aires culturelles et linguistiques de l'Europe. C'est pourquoi un rapprochement des deux pays prend naturellement une dimension qui les dépasse, qui les transcende, car il ne peut se faire que sur la base d'une synthèse de la diversité européenne.
Voilà qui m'amène, monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, à citer en conclusion un propos du général de Gaulle, extrait d'un discours prononcé en 1965, à Bonn, à l'adresse du chancelier allemand : « Nous autres Européens, nous sommes les bâtisseurs de cathédrales [...]. Et maintenant nous entreprenons, vous et nous, la construction de l'Europe occidentale [...]. Et qui sait, quand nous aurons abouti, [...] peut-être voudrons-nous alors, et pourrons-nous alors, construire une cathédrale encore plus grande et encore plus belle, je veux dire l'union de l'Europe tout entière. »
Eh bien, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, telle est bien la tâche qui est aujourd'hui devant nous. J'espère que nous saurons faire preuve d'autant d'audace et de réalisme que les bâtisseurs qui nous ont précédés. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi à mon tour, après le président Haenel, de vous dire combien nous sommes fiers, au nom de la commission des affaires étrangères, de l'important travail accompli sous votre autorité par l'ensemble de notre diplomatie. Elle nous a permis - acceptons-en l'augure - de rester dans le cadre onusien pour le règlement de la très importante question iraquienne.
J'en viens maintenant aux questions que nous souhaitons vous poser, monsieur le ministre.
Comment renforcer et rendre plus visible l'Europe sur la scène internationale ? C'est l'une des questions auxquelles la Convention sur l'avenir de l'Europe devra formuler des propositions de réponse, sur la base des réflexions conduites par les deux groupes de travail créés à cet effet en son sein : relations extérieures, d'une part, défense, d'autre part.
Les débats sur la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, et même, plus récemment, sur la politique européenne de sécurité et de défense, la PESD, qui en constitue désormais un élément essentiel, présentent généralement une même tonalité : on met dans la balance, d'un côté, la réalisation politique unique que constitue la construction européenne, son poids économique, commercial et désormais monétaire, et, de l'autre, sa capacité - parfois son incapacité - à répondre efficacement et rapidement aux désordres du monde, à exprimer concrètement ses idéaux de paix.
Il était donc essentiel que la réflexion générale en cours sur l'avenir de l'Europe tente de dépasser cette contradiction pour développer son influence dans le monde.
Sur ces questions, une attitude de prudence et de réalisme s'impose d'abord à nous pour au moins deux raisons.
La première raison est que tous les Etats membres n'ont pas la même ambition internationale pour l'Europe. Certains pays, assez peu nombreux, dont le nôtre, entendent lui conférer une capacité d'influence et d'action globale axée sur des objectifs de paix et de stabilité fondés sur le rejet de l'unilatéralisme, sur le droit international, mais aussi, s'il le faut, sur le recours à la force légitime. Dans une Europe bientôt élargie, les disparités d'objectifs et d'ambitions risqueront d'empêcher d'aller au-delà de la seule diplomatie humanitaire ou de proximité.
La seconde raison est que, pour longtemps encore, la politique étrangère relèvera du pouvoir régalien des Etats et de la souveraineté qui s'y attache. C'est pour cette raison que toute proposition tendant à recourir en matière de politique étrangère et de sécurité commune à la méthode communautaire me paraît particulièrement audacieuse, même si celle-ci a su faire preuve, dans d'autres domaines de l'action extérieure de l'Europe, d'une efficacité certaine.
M. Pierre Fauchon. Eh oui !
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Cette disparité d'objectifs et d'ambitions entre partenaires européens vaut aussi pour la politique européenne de sécurité et de défense : la relation avec l'OTAN, selon la priorité politique et opérationnelle que certains membres lui accordent ou non, pèse lourdement, en ce moment même, sur l'évolution de la démarche lancée à Saint-Malo et explique en partie sa paralysie actuelle. Les « missions de Petersberg », définies voilà dix ans, sont-elles encore adaptées à l'après 11 septembre ? Convient-il, au contraire, d'en clarifier l'interprétation, d'en réévaluer le contenu et de les élargir ? C'est également un élément de division au sein des Quinze. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous faire part de votre sentiment à cet égard ?
J'ajoute que nous sommes aujourd'hui à quelques semaines de la mise en oeuvre possible de deux applications concrètes de la PESD qui sont essentielles pour sa crédibilité. S'il semble acquis que l'Union européenne pourra relayer au début de l'année prochaine, sans trop de difficultés, la mission de police de l'ONU en Bosnie-Herzégovine, qu'en sera-t-il, le 15 décembre prochain, de la succession de l'OTAN par l'Union de l'opération « Renard roux » en Macédoine, opération relativement simple n'impliquant que 700 hommes mais se heurtant à un blocage de nos alliés turcs quant à la conclusion d'un accord sur la mise à disposition de l'Union des moyens de planification de l'OTAN ?
Une attitude de prudence et de réalisme s'impose également dans les moyens dont dispose l'Union sur la scène internationale.
S'agissant en premier lieu de la PESC, quelques chiffres parlent d'eux-mêmes : les budgets des diplomaties nationales des pays membres, hors développement, atteignent 60 milliards d'euros ; le budget d'action extérieure de la Communauté s'élève à 6 milliards d'euros, soit le dixième ; le budget propre de la PESC atteint seulement 35 millions d'euros, un montant reconnu par beaucoup comme étant nettement insuffisant.
S'agissant en second lieu de la PESD, on sait que l'un des enjeux de son développement en termes de capacité militaire repose sur l'effort budgétaire des Etats membres, effort que, pour l'heure, seules la Grande-Bretagne et la France ont décidé de soutenir. L'idée « d'objectifs de convergence » en la matière est intéressante. Quelle en serait toutefois la valeur contraignante ?
Une fois rappelés ces quelques obstacles préalables qui tiennent en fait à la volonté politique des partenaires - volonté qui ne se décrète pas mais qu'il faut construire pas à pas -, je souhaite aborder maintenant les procédures et les mécanismes qui, pour la PESC comme pour la PESD, sont au coeur des travaux de la Convention.
Depuis 1999, la création du poste de Haut représentant pour la PESC a constitué une innovation concrète et positive permettant d'incarner l'Union européenne sur la scène internationale. Si l'Union a su s'impliquer, avec des résultats qu'il ne faut pas sous-estimer, par ses actions multiformes, le travail de ses représentants spéciaux, notamment dans la crise des Balkans et, d'une manière différente, au Proche-Orient, c'est bien à cette fonction et à celui qui l'occupe que le crédit doit en revenir.
N'y a-t-il pas là pour la Convention un acquis à valoriser ? Renforcer la fonction du Haut représentant pourrait consister à placer sous sa compétence les fonctions du commissaire aux relations extérieures afin de renforcer la cohérence et la synthèse entre les multiples instruments d'intervention extérieure de l'Union.
Pourrait-on également aller jusqu'à conférer au Haut représentant un droit d'initiative ?
La France préconise, pour sa part, la création d'un poste de ministre des affaires étrangères, qui regrouperait les fonctions de Haut représentant et de commissaire aux relations extérieures et qui présiderait un conseil spécifique « relations extérieures ». La gestion de deux domaines relevant l'un de l'intergouvernemental et l'autre de la méthode communautaire pourrait être une source de difficultés. Quelle serait, par ailleurs, la nature de ses liens avec le Conseil et la Commission ? Pourriez-vous, là encore, monsieur le ministre, nous préciser votre position sur ce point ?
Les interrogations portent également sur les procédures décisionnelles. Pour l'essentiel, en matière de PESC, l'unanimité reste la règle. Peut-on concevoir l'introduction, sur certains sujets, du vote à la majorité qualifiée ?
Ne conviendrait-il pas, par ailleurs, contrairement à ce qui a été décidé à Nice, d'ouvrir la procédure des coopérations renforcées à la PESD ? Cela a été évoqué par M. Haenel.
Il reste enfin, s'agissant de la défense européenne, la question de sa sécurité collective. Les dix-neuf membres de l'OTAN bénéficient de l'article 5 du traité de Washington. Les dix membres de l'Union européenne également membres de l'UEO peuvent recourir à l'article 5 du traité de Bruxelles, mais, à ce jour, rien ne concerne la défense de l'intégrité territoriale des Quinze, et demain des Vingt-cinq, voire davantage. Ce paradoxe pourrait, c'est l'une des propositions françaises, être résolu par l'introduction du principe de sécurité collective et d'assistance mutuelle entre les membres de l'Union.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, en matière de politique étrangère comme de politique de défense, les risques d'inertie iront grandissant avec l'élargissement prochain. Il revient à la Convention et à la contribution de notre pays de tenter de conjurer ce risque. Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer les propositions que vous serez amené à faire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, en nous réunissant aujourd'hui pour parler de la Convention sur l'avenir de l'Europe, le Sénat, sur l'initiative du président Haenel, que je voudrais saluer, a choisi le bon moment.
Le Conseil européen de Bruxelles a lancé, voilà à peine trois semaines, la phase finale des négociations d'adhésion. Ce faisant, il a enclenché le compte à rebours très serré du démarrage de l'Europe élargie : signature du traité d'adhésion en avril prochain, ratification dans les vingt-cinq pays concernés, entrée des nouveaux Etats membres courant 2004.
Le processus d'élargissement n'est, comme vous le savez, qu'un des éléments de l'agenda européen. Le programme de travail est particulièrement chargé dans les prochains mois et années qui viennent : réforme des institutions, négociations commerciales multilatérales du cycle de Doha, définition du cadre financier de l'Union pour les années 2007 à 2013.
Ce calendrier nous fournit l'occasion d'une réflexion approfondie sur l'Europe de demain, au moment même où nous pressentons, les uns et les autres, qu'une véritable refondation s'impose. L'Europe à vingt-cinq, demain à trente - ou plus après-demain -, doit nous inciter à aborder les questions de fond à partir d'une double exigence : l'élargissement bouleverse notre horizon et doit nous conduire à repenser l'évolution de notre Union ; notre réflexion sur les institutions et les politiques européennes doit également s'adapter à cette nouvelle réalité et se fixer une ambition nouvelle.
Je vous remercie de me donner l'occasion de partager avec vous les orientations que le Gouvernement se propose de suivre.
L'élargissement pose la question de l'évolution de l'Union européenne. Tout part de là en effet. La réforme des institutions, engagée sous les auspices de la Convention, n'est pas une fin en soi. C'est un moyen pour répondre à une question qui prend aujourd'hui, à la veille de l'adhésion de dix nouveaux Etats membres, un sens tout particulier. L'Europe a toujours avancé en se fixant de nouvelles frontières : charbon-acier en 1951, marché commun en 1958 puis marché unique en 1986, monnaie unique en 1992. L'élargissement est cette nouvelle frontière, ce nouvel objectif qui peut permettre de mobiliser les esprits et les énergies. C'est à la fois une chance et un formidable défi.
Personne ne sous-estime le défi que représente cet élargissement pour l'Europe telle que nous la connaissons. Le nombre des Etats membres va pratiquement doubler avec l'adhésion en 2004 des « dix de Copenhague », suivis, nous l'espérons, dès 2007 par la Roumanie et la Bulgarie.
Avec 74 millions d'habitants supplémentaires en 2004, et 31 millions de plus en 2007, l'Union dépassera bientôt les 480 millions d'habitants.
Cet élargissement transformera profondément la nature même de l'Union, laquelle va s'enrichir d'une diversité d'expériences et de préoccupations nouvelles. Il va poser les limites d'un système institutionnel conçu pour six Etats membres et conservé, au fil des élargissements successifs, sans que les réformes nécessaires soient adoptées.
Ne nous y trompons pas : les effets du nombre seront considérables ; il faut donc les analyser et apporter les réponses nécessaires. L'élargissement a un coût financier et institutionnel ; il aura aussi des conséquences pour l'élaboration des politiques communautaires et pour les instruments d'intervention qui les accompagnent.
Cet élargissement s'inscrit dans une perspective historique. Soyons clairs, en effet : au nom de quoi fermerions-nous la porte aux pays candidats et à leurs peuples ? Sont-ils moins européens que nous ? Est-ce parce qu'ils sont moins prospères ? Depuis que la brèche ouverte dans un mur de béton, à deux pas de la porte de Brandebourg, il y a treize ans, leur a soudainement rendu les perspectives d'avenir qui leur avaient été confisquées, les pays candidats ont consenti, année après année, d'immenses sacrifices pour rattraper le temps perdu, pour s'adapter aux règles de l'économie de marché, pour intégrer dans leurs réglementations ce que nos experts appellent l'acquis communautaire.
Comme le dit très bien le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, M. Hubert Haenel, l'idée européenne est en réalité une idée ancienne, déjà présente au Moyen Age, vécue comme une réalité tout au long des siècles. Songeons aux déplacements des artistes de la Renaissance, pour lesquels travailler à Florence, à Paris, Amboise ou Bruges constituait l'ordinaire d'une vie de créateur.
Rappelons-nous les voyages des philosophes des Lumières : leur précurseur, Descartes, partageant sa vie entre la France, les Pays-Bas et la Suède ; la présence de Diderot à Saint-Pétersbourg ; les séjours de Voltaire à Londres...
Derrière cette circulation des hommes et des idées, il y a déjà les prémices de notre grand marché unique. Il y a surtout l'émergence d'un humanisme européen, nourri de dialogues et d'échanges, fait de tolérance et d'ouverture, qui représente la marque de l'esprit européen.
Or c'est ce même esprit qui doit aujourd'hui nous inspirer dans le processus de l'élargissement. Nous ne ferons ainsi rien d'autre que de revenir aux sources les plus hautes de la pensée européenne, celle qui fait notre honneur et notre originalité, celle qui nous rend fidèles à nos illustres ancêtres, celle qui fait de notre continent une terre de liberté et de solidarité.
C'est cette vision historique et cet esprit de l'Europe qui doivent nous inspirer dans notre appréciation de la candidature de la Turquie.
La perspective d'adhésion de ce pays a été introduite dès le premier accord d'association en 1963, et, en 1999, le conseil européen d'Helsinki a accepté la candidature turque. Les élections du 3 novembre 2002 ont porté au pouvoir, à Ankara, le parti de la justice et du développement, l'AKP, dirigé par M. Erdogan. Nous avons pris acte du choix démocratique du peuple turc, et nous le respectons.
Les dirigeants de l'AKP ont fait des déclarations favorables au processus de rapprochement de la Turquie et de l'Union européenne. Nous les jugerons sur leurs actes. Pour notre part, nous sommes prêts à travailler avec eux dans un partenariat exigeant, fondé sur les valeurs européennes communes dont l'appartenance à l'Union suppose le partage : le respect des droits de l'homme, de la démocratie, de l'Etat de droit. C'est à l'aune de ces valeurs communes que l'action du nouveau gouvernement turc et la candidature de la Turquie seront évaluées.
L'élargissement est aussi et surtout une grande chance pour l'avenir.
L'histoire récente a montré que nous ne devions rien tenir pour acquis, et que la tentation existait de remettre en cause des équilibres issus de la guerre et de rouvrir des plaies anciennes. L'élargissement étendra cette stabilité à l'échelle du continent. Le principal acquis de l'Union est bien d'être un espace de paix et de stabilité dans un monde incertain et dangereux.
L'élargissement est une chance pour les pays européens et pour la France, sur les plans humain et économique : il apportera du sang neuf à nos nations, des marchés à nos entreprises, des relais à nos idées. Aux pays candidats, il apportera la garantie du développement, l'assurance de la démocratie, la paix et la stabilité.
L'élargissement est une chance pour le monde, dont il renforcera la sécurité et auquel il apportera un nouvel acteur conscient de ses responsabilités, et un modèle à suivre, modèle de paix, de tolérance et de prospérité.
Enfin, cet élargissement est le bienvenu, car il nous force à nous poser des questions trop longtemps différées sur l'organisation institutionnelle du système européen. Au moment où la géographie de l'Union va changer de dimension, l'Europe politique et institutionnelle doit absolument suivre, faute de quoi elle croulera sous le poids du nombre.
L'élargissement répond ainsi à une exigence politique et morale : la réunification de la famille européenne. Il pose, ce faisant, la question des frontières de l'Europe.
« Tout Etat européen qui respecte les principes énoncés à l'article 6 peut demander à devenir membre de l'Union », dispose l'article 49 du traité sur l'Union européenne. Ce qui pose la question de savoir où s'arrête l'Europe.
La réponse à cette question est fondée sur deux éléments : le désir d'Europe exprimé par tel ou tel Etat ou par l'Union ; le respect des critères d'adhésion posé par le traité et par l'Union. Cependant, cette réponse ne saurait être autre que politique ; elle doit, pour ce faire, s'inspirer d'une double préoccupation.
En premier lieu, l'Europe doit trouver un nécessaire équilibre entre l'unité et la diversité, sinon cet espace indéfiniment recomposé risque de perdre ses assises. Bien plus, nous courons le risque, adhésion après adhésion, de créer un sentiment d'incertitude chez nos concitoyens, qui ont besoin de savoir quel est leur horizon, quel est leur avenir.
En second lieu, ce souci légitime d'identité et de stabilité doit s'opérer dans l'esprit d'ouverture que j'évoquais auparavant.
Il faut donc inventer une politique forte des frontières, une politique de coopération étroite, d'imagination féconde et de volonté active pour que, entre l'adhésion pleine et entière, d'une part, et l'association, d'autre part, il existe une formule originale de partenariat aussi nourri que possible, qui aille au-delà de ce qui s'est fait jusqu'à présent et qui soit ouvert, audacieux et efficace.
Ce serait un partenariat où nos voisins bénéficieraient de la prospérité de l'Union, de son expérience en matière de sécurité, de son assistance technique. Nous aurions là un échange réciproque, bénéfique pour les deux parties : l'Europe y gagnerait la stabilité à ses frontières ; ses partenaires y trouveraient une coopération propre à favoriser leur développement, sans être forcément intégrés dans le cadre institutionnel de l'Union.
L'Union s'est déjà dotée de très nombreux instruments adaptés aux pays voisins. Ainsi ont été conçus les accords d'association pour les pays méditerranéens - sujet qui sera au coeur des préoccupations des présidences grecque et italienne en 2003 -, les accords de stabilisation et d'association pour les Balkans, les accords avec l'Ukraine et, bien sûr, avec la Russie. Sans doute devrons-nous faire évoluer ces accords pour répondre aux besoins de chacun, jusqu'à pouvoir mettre en oeuvre une politique cohérente et homogène de partenariat avec l'ensemble des voisins de l'Europe élargie.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France a, n'en doutez pas, une grande ambition pour l'Europe élargie. Notre pays a toujours été au coeur des progrès de l'Europe ; il est, aujourd'hui, déterminé à ce que l'élargissement soit une réussite. Pour cela, nous devons adapter les institutions et préciser les fonctions que nous attendons de l'Europe de demain.
Cette ambition française pour l'Europe élargie doit être servie par des institutions réformées.
Le moment est venu de tirer un premier bilan des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Union, qui a reçu pour mandat de tracer les contours de la nouvelle Europe.
La Convention a engagé ses travaux au début du mois de mars dernier par une phase d'écoute. Elle a entamé, voilà quelques semaines, sa phase d'étude, caractérisée par l'activité soutenue de dix groupes de travail. A compter du début de l'année prochaine démarrera la troisième et dernière phase des travaux de la Convention, celle des propositions.
Les travaux des conventionnels progressent. On observe déjà une certaine convergence de vues sur plusieurs des sujets qui ont été abordés à ce stade : le principe de l'élaboration d'une Constitution ; la volonté de privilégier des procédures homogènes ; la reconnaissance de la personnalité juridique de l'Union ; l'intégration dans le Traité de la charte des droits fondamentaux ; l'accroissement du rôle des parlements nationaux.
Tout cela est encourageant, mais il faut être lucide : le plus important reste à faire. Les dossiers de l'action extérieure et de la défense viennent d'être ouverts ; d'autres questions, comme la coordination des politiques économiques, semblent rencontrer de fortes oppositions ; les thèmes institutionnels commencent à peine à être abordés.
Le plus difficile est donc encore devant nous. Nous le savons tous, l'avenir de l'Union se joue autour de l'émergence d'une volonté commune des Européens de dépasser leurs rivalités actuelles entre grands et petits Etats, ou encore entre partisans de la méthode intergouvernementale et de la méthode communautaire. Il faut, désormais, aller à l'essentiel, c'est-à-dire oeuvrer à la mise en place d'un dispositif institutionnel efficace, démocratique et transparent, qui permette à l'Europe élargie d'avancer dans la recherche de meilleures politiques communes et dans le renforcement de son rôle dans le monde.
Le projet d'architecture de la future constitution présenté à la Convention la semaine dernière est une étape importante de ses travaux.
Ce projet a le mérite d'engager le débat sur la base de propositions à la fois précises et ouvertes. Il correspond à notre objectif de disposer d'un texte fondamental, clair et lisible, qui permette aux citoyens de mieux s'approprier l'Europe. Les principes qu'il pose, à savoir la transparence, la démocratie, la présence internationale, l'efficacité, sont ceux que nous avons assignés au futur de l'Europe. Il reste à rendre ces principes plus opérationnels.
Nos réactions se feront donc au fil des prochains travaux de la Convention. Nous veillerons, en particulier, à ce que les principales politiques communes existantes - non seulement la politique agricole commune, mais aussi la concurrence, la politique commerciale, EURATOM - figurent à leur juste place. Par ailleurs, le traité devra garantir une union sans cesse plus étroite entre les peuples d'Europe et une dynamique de solidarité, notamment au moment où l'Europe s'élargit.
Là encore, notre action devra se concentrer sur la nécessité de donner un véritable élan au projet européen à travers cette constitution. Un tel texte est en effet indispensable pour que l'opinion européenne soit convaincue de la capacité de ses responsables à refonder un système compréhensible et efficace.
Enfin, nos représentants participent activement aux travaux, tant au sein des groupes de travail qu'à la session plénière.
Le dialogue entre les représentants du Gouvernement, ceux du Parlement français - à ce titre, je salue le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, M. Hubert Haenel, ainsi que son suppléant, M. Robert Badinter - comme ceux du Parlement européen, se déroule bien. Mme la ministre déléguée aux affaires européennes réunit au Quai d'Orsay l'ensemble des conventionnels français avant chaque session plénière de la Convention. Je suis heureux de saluer ici le travail et l'engagement de Noëlle Lenoir.
Ainsi, grâce à ces échanges entre nos conventionnels, le message porté par notre pays est celui d'une France ambitieuse en Europe, généreuse envers ses partenaires et exigeante au titre des objectifs qu'elle se fixe.
Car la France mesure bien les enjeux qui sont devant nous. Au-delà de la valorisation de l'acquis communautaire, il faut repenser les institutions européennes en nous inspirant de l'expérience passée.
La position française est d'abord inspirée par le souci de dépasser la querelle traditionnelle entre partisans de la méthode communautaire et partisans de la méthode intergouvernementale.
Pour ce qui concerne le marché intérieur et ses politiques d'accompagnement, la France est convaincue de l'avantage offert par la méthode communautaire, gage de vitesse et d'efficacité. Nous souhaitons donc, dans ces domaines, renforcer le rôle de proposition de la Commission, accroître le champ du vote à la majorité qualifiée au Conseil, renforcer les prérogatives du Parlement européen.
En ce qui concerne, en revanche, des domaines comme la diplomatie et la défense, la problématique n'est pas de même nature ; il s'agit davantage de volonté politique, dans un cadre où le besoin de légitimité est particulièrement fort. C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'une communautarisation pure et simple est prématurée ; nous proposons une approche fondée sur une coopération organisée et une solidarité renforcée, qui doit aller plus loin que la démarche intergouvernementale classique.
La position française repose, en réalité, sur trois principes simples : la transparence, la démocratie et l'efficacité.
D'abord, premier principe, la transparence.
Les traités sont devenus incompréhensibles, non seulement pour les citoyens, mais pour les spécialistes eux-mêmes. Nous devons donc impérativement simplifier le système institutionnel. Cela passe par la fusion des traités actuels dans une Constitution intégrant la Charte des droits fondamentaux et par toute une série de dispositions annexes telles que la clarification des compétences, l'attribution de la personnalité juridique à l'Union, ou encore un traité en deux parties avec des règles de modification différentes.
Ensuite, deuxième principe, la démocratie.
Les parlements nationaux doivent être davantage impliqués dans le système européen. Nous approuvons le principe d'un Congrès qui réunirait, deux ou trois fois par an, leurs représentants avec ceux du Parlement européen. Le Congrès pourrait tenir chaque année un débat sur l'état de l'Union et participer à la procédure de révision ou de ratification de la seconde partie de la Constitution européenne. Les parlements nationaux pourraient également être associés au contrôle de la subsidiarité ; le groupe de travail créé au sein de la Convention et présidé par M. Mendez de Vigo a fait des propositions intéressantes à cet effet, sous forme d'un mécanisme d'alerte précoce.
Enfin, troisième et dernier principe, l'efficacité.
Si l'on ne veut pas que la machine européenne s'arrête sous le poids du nombre, il faut lui donner un nouveau moteur, une nouvelle ambition, une vraie direction à sa tête. Dans ce contexte, la formule de la présidence tournante et semestrielle du conseil des ministres doit être réformée. Comme l'a dit très justement M. Haenel, cette présidence doit avoir une permanence qui lui permette d'incarner une certaine forme d'autorité de l'Union.
C'est l'objet des propositions du Président de la République, visant à élire un président du Conseil européen et à désigner, auprès de celui-ci, un véritable ministre des affaires étrangères. Le président du Conseil européen pourrait ainsi présider le conseil Affaires générales, dont le rôle de coordination serait par là même assuré, tandis que le ministre des affaires étrangères présiderait le conseil Relations extérieures.
Un tel schéma ne signifie pas que notre pays veut déséquilibrer les rapports entre le Conseil et la Commission. Nous cherchons, au contraire, à rehausser l'équilibre actuel en encourageant la Commission, elle aussi, à renforcer son efficacité et en prônant une meilleure coordination entre ces deux institutions afin de favoriser à l'avenir des orientations politiques claires, acceptées par tous et susceptibles de constituer un cadre commun pour l'action de l'Union.
L'ambition de la France vise aussi une Europe inspirant confiance aux Européens et forte sur la scène internationale.
L'Europe que nous voulons doit être capable de mobiliser les Européens sur des projets et des politiques qui répondent à leurs intérêts et à leurs préoccupations.
Le conseil européen de Lisbonne a fixé l'objectif que l'Europe devienne, dans dix ans, la zone de croissance et de prospérité la plus forte dans le monde.
Cet objectif, qui vise la pleine intégration de notre continent dans le monde moderne, doit s'appuyer sur les trois caractéristiques qui font la spécificité de l'Europe : un modèle social affirmé ; une identité forte ; enfin, un espace de liberté, de sécurité et de justice. Ces objectifs doivent être aussi ceux de l'Europe élargie : ils constitueront, comme le furent en leur temps l'établissement du marché unique et le lancement de l'euro, les grands projets mobilisateurs de demain.
La politique économique et sociale doit favoriser la croissance et l'emploi. L'Europe doit rattraper son retard, en privilégiant les facteurs internes de la croissance tels que la cohésion sociale et territoriale à travers le développement durable. Une réelle coordination des politiques économiques est également indispensable.
Ensuite, l'Union doit affirmer haut et fort le modèle social européen, en accélérant l'harmonisation des législations sociales, en développant le dialogue social européen et en consacrant les services d'intérêt économique général.
La promotion de la diversité culturelle doit quant à elle dépasser l'adoption de mesures strictement défensives. Une action vigoureuse est nécessaire pour promouvoir l'Europe de l'intelligence et de la connaissance, et aider l'Europe à franchir la frontière technologique. Il nous faut plus d'échanges d'étudiants, plus de laboratoires de recherche, plus de programmes emblématiques comme Galileo.
Enfin, l'Union doit mieux prendre en compte l'aspiration de ses citoyens à la sécurité et assurer un meilleur fonctionnement de l'espace de liberté et de justice. Il faut aller plus loin, en rendant plus efficaces les instruments de la coopération judiciaire pénale et de la coopération policière, en établissant un socle de compétence européenne en matière pénale, en renforçant les pouvoirs d'Eurojust pour progresser par étapes vers la création d'un véritable parquet européen.
L'Europe de demain devra également être une Europe responsable, capable de peser réellement sur les affaires du monde, pour en garantir la paix et la stabilité.
La chute du mur de Berlin et la globalisation ont rendu le monde instable. Si nous voulons répondre aux grands défis qui nous attendent, il faut prendre acte, en tant qu'Européens, d'une solidarité face aux menaces, mais aussi d'une commune vision du monde. Nous voulons une planète régie par le respect du droit, et non par la domination des armes ; nous voulons une communauté internationale fondée sur le partage et le dialogue, et non pas déchirée par les conflits ethniques, religieux ou culturels.
L'Europe a besoin de sens. Nous sommes les descendants d'une même histoire. Nous appartenons au même continent. Rien de ce qui arrive à l'un de nos voisins ne peut nous laisser indifférents. L'Europe de la défense s'inscrit dans cette réalité profonde. Nous devons être en mesure d'évaluer ensemble les menaces qui pèsent sur nos concitoyens, de forger ensemble les instruments d'une réponse commune efficace.
La France a l'ambition d'une Union s'affirmant comme un acteur majeur sur la scène internationale, à la mesure du rôle de premier plan qu'elle joue aujourd'hui sur le terrain économique et commercial, mais cette ambition est encore loin de se traduire dans les faits.
Des avancées significatives ont certes été faites au cours de ces dernières années. La création, par le traité d'Amsterdam, du Haut représentant pour la politique extérieure et de sécurité commune a contribué pour une part importante à la montée en puissance de la politique extérieure des Quinze.
Ainsi, grâce à l'action de Javier Solana et de ses représentants spéciaux, l'Union a été capable de développer une politique globale pour les Balkans, depuis le sommet de Zagreb. Son engagement en Macédoine notamment a été décisif pour éviter à ce pays de sombrer dans les divisions meurtrières.
Toutefois, cet exemple reste isolé. Au Proche-Orient par exemple, où s'exprime une forte demande d'Europe, l'Union n'est pas suffisamment active et visible. Malgré les efforts sur le terrain de son représentant spécial, M. Moratinos, malgré sa présence au sein du Quartet, malgré les financements importants qu'elle apporte, l'Europe n'est pas parvenue à traduire en actions concrètes les grandes orientations définies par le Conseil européen pour retrouver le chemin de la paix.
Cette incapacité européenne n'est pourtant pas due à un manque de moyens. Ceux des Etats, conjugués à ceux dont dispose la Commission, sont considérables : 1,4 milliard d'euros ont été apportés par l'Europe à la Palestine au cours des dix dernières années !
L'incapacité européenne est d'autant plus grave que l'élargissement rendra l'Union plus hétérogène et que les nouvelles menaces - le terrorisme, la prolifération, le crime organisé - appellent des réponses urgentes.
Face à ce bilan en demi-teinte, nous proposons d'apporter à la diplomatie européenne une plus grande unité de la part des Etats membres et une direction plus forte à sa tête.
Plus d'unité, pour que l'Europe cesse d'apparaître divisée alors que les positions des Quinze sont en réalité très proches, comme c'était le cas sur l'Iraq. Je suis frappé par le décalage qui existe entre les positions exprimées par mes collègues au cours de nos réunions de travail, où nous sommes très proches, et leur expression sur la scène diplomatique et médiatique, où ce sont les différences qui sont soulignées plus que les convergences, pourtant plus nombreuses.
Plus de direction, de permanence et de visibilité, c'est l'objectif des propositions du Président de la République que j'ai mentionnées : l'élection d'un président du Conseil européen et la désignation d'un ministre des affaires étrangères européen. La volonté politique ne se décrète pas, elle doit être guidée. Ces propositions répondent, je crois, au souci, exprimé par le président de la commission des affaires étrangères, M. Dulait, de renforcer les prérogatives du Haut représentant afin de donner plus de poids à son rôle.
Enfin, l'exigence d'efficacité nous conduit aujourd'hui à réfléchir à l'introduction d'un recours plus large à la majorité qualifiée dans le domaine de la politique étrangère et à examiner les modalités concrètes de mise en oeuvre de celle-ci.
En matière de défense et de sécurité, l'Europe a pris conscience de son rôle politique et les premières réalisations doivent être confortées par la mise en place des capacités nécessaires.
Depuis le sommet de Saint-Malo, en 1998, et le Conseil européen de Cologne, nous avons défini les moyens de conduire des opérations de gestion de crise : comité politique et de sécurité, comité militaire, état-major de l'Union. Les structures sont désormais en place et l'Union s'est déclarée opérationnelle au Conseil européen de Laeken. M. Dulait a raison de rappeler que les premières occasions de mettre en oeuvre ces nouvelles capacités sont imminentes. C'est le cas en Bosnie, où, à partir de janvier prochain, l'Europe déploiera une force de 470 policiers. C'est aussi le cas en Macédoine, mais, dans ce pays, nous sommes encore loin du compte, dès lors que la plupart de nos partenaires européens ne veulent pas s'engager dans la relève de l'OTAN si la délicate question des relations entre cette organisation et l'Union européenne n'a pas trouvé, au préalable, une solution.
Notre pays est bien décidé à poursuivre l'effort en vue de doter la défense européenne d'une véritable ambition. Nous entendons formuler plusieurs propositions à cet effet, comme l'insertion dans le futur traité du principe de sécurité collective et d'assistance mutuelle face aux défis qui peuvent affecter notre sécurité, ou la mise en place d'une agence européenne de l'armement, destinée à renforcer l'harmonisation du besoin opérationnel des armées européennes.
Enfin, avec la nouvelle loi de programmation militaire, la France a décidé de répondre à l'enjeu d'un monde instable en se dotant d'équipements militaires modernes et performants. Elle l'a fait pour la sécurité de ses concitoyens, mais également avec la volonté d'apporter une contribution significative aux missions de la défense européenne. D'autres pays doivent s'engager dans le même sens. Nous proposons que soient définis des objectifs de convergence dans ce domaine, car il y va de la crédibilité de notre outil militaire.
Ces propositions françaises pour l'Europe n'auront de sens que si elles sont de nature à susciter un très large accord en Europe, dans les Etats membres, dans les institutions européennes et dans la Convention. C'est la raison pour laquelle nous avons engagé une concertation approfondie avec nos partenaires.
Dans ce contexte, le travail franco-allemand est essentiel, hier sur le chapitre agricole des négociations d'élargissement comme aujourd'hui dans les travaux de la Convention et demain sur le financement de l'Europe après 2006 et la réforme des politiques. Après l'accord franco-allemand du 24 octobre sur le volet agricole des négociations d'adhésion, la détermination est la même des deux côtés du Rhin.
Les rencontres entre le Président de la République et le Chancelier dans le cadre du processus de Blaesheim se tiennent à un rythme élevé ; mes contacts avec mon homologue Joschka Fischer comme ceux de Noëlle Lenoir avec ses homologues sont tout aussi réguliers.
Portés par leur responsabilité partagée, assurés d'un horizon politique dégagé pendant les années cruciales à venir, les deux gouvernements entendent bien, ensemble, faire avancer l'Europe et réussir son élargissement. L'occasion nous sera donnée, le 22 janvier prochain, lors du 40e anniversaire du traité de l'Elysée, de réaffirmer toute la force de la coopération franco-allemande et de lui donner l'élan nécessaire pour continuer à être l'un des moteurs essentiels de la construction européenne.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le moment est venu de parler de nouveau d'Europe avec les Français et de les convaincre des mérites de l'élargissement : sans une forte adhésion populaire, l'Europe élargie que nous voulons réussir ne sera pas en mesure de démarrer. Le chantier qui s'ouvre est donc celui de la reconquête de l'opinion publique. Expliquons cet élargissement à nos compatriotes et, j'en suis convaincu, la France ouverte et généreuse saura tendre la main à cette autre Europe qui nous rejoint. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, l'initiative de ce débat sur le travail de la Convention et l'avenir de l'Europe est particulièrement opportune : elle coïncide avec la présentation de l'avant-projet élaboré par la Convention et avec l'affirmation d'une volonté politique de l'Union européenne de faire prévaloir le droit international sur toute position unilatérale reposant sur la force. Elle succède au forum social européen de Florence, dans la perspective de la construction d'une alternative reposant sur les besoins de tous les peuples à un modèle où les intérêts économiques et financiers des puissants creusent chaque jour davantage le fossé entre les riches et les pauvres, entre le Nord et le Sud.
Dans notre monde complexe et instable, l'Union européenne peut et doit devenir un pôle de référence et de stabilité. Son élargissement est pour nous d'une grande importance et constitue un véritable défi historique.
Nous apprécions d'ailleurs que, comme nous l'avions demandé, les pays candidats soient associés à cette réflexion collective et que des groupes de travail aient auditionné des organisations syndicales et des associations de la « société civile ».
Passer à court terme de quinze à vingt-cinq pays, ou plus à moyen terme, nécessite un autre fonctionnement mais aussi l'élaboration d'un nouveau traité intégrant les exigences sociales et démocratiques revendiquées par les citoyens.
L'aspect institutionnel de la nouvelle construction européenne, aussi important soit-il, est loin d'être fondamental. La question essentielle demeure celle-ci : quelle finalité pour l'Europe ?
Suivant la réponse, les peuples se sentiront plus ou moins concernés. Il convient donc de définir un projet ambitieux, répondant à leurs aspirations. Si tel n'était pas le cas, nous conforterions leur scepticisme et nous aggraverions le fossé entre l'Union européenne et les citoyens, avec le risque de voir ceux-ci s'en désintéresser, se réfugier dans l'abstention ou exprimer leur colère en se tournant vers des démagogues populistes.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, je limiterai mon intervention à trois points essentiels : l'Europe sociale, l'Europe force de paix, l'Europe démocratique.
A l'heure des nouvelles technologies et de l'informatique, une Europe unie, forte et solidaire doit être une Europe du progrès social.
Des députés avaient d'ailleurs proposé la création d'un groupe de travail sur ce sujet. Nous regrettons que cette proposition n'ait pas été retenue. Il est pourtant urgent d'engager collectivement une réflexion pour combattre le chômage et permettre aux investissements de privilégier l'emploi.
On ne peut pas parler du respect de la dignité et des droits de l'homme en ignorant le droit au travail, revendiqué depuis le milieu du xixe siècle déjà.
Le plein emploi est, en effet, au centre des préoccupations des citoyens européens. Emploi et formation sont intimement liés. Formation initiale de qualité pour les jeunes et formation permanente assurant aux salariés une sécurité d'emploi durant leur vie active et aux chômeurs la possibilité de se réinsérer sont indispensables.
L'Union européenne doit avoir un droit de regard sur les grands trusts qui font des bénéfices considérables et délocalisent pour accroître leurs profits au détriment de milliers de salariés, condamnés au temps partiel ou au chômage.
La question est centrale pour conforter la croissance, développer la consommation et lutter contre la pauvreté, laquelle, je le souligne, touche 60 millions de personnes au sein de l'Union européenne. Ne pourrait-on pas créer un « pacte pour l'emploi, la croissance et l'investissement » ? Le Gouvernement français peut-il se faire le porteur de cette exigence sociale et l'intégrer aux travaux de la Convention, monsieur le ministre ?
La relance du progrès social passe également par le développement de services publics modernes et de qualité. On ne peut pas, en effet, laisser tous les secteurs à l'économie de marché.
Par sa politique unilatérale, l'Union européenne déréglemente les services publics et les livre aux marchés financiers. Après l'ouverture de La Poste, des transports et de l'énergie, elle ambitionne, dans la même logique, d'autres déréglementations.
Pourtant, les citoyens ont montré leur attachement aux services publics de qualité, répondant à l'intérêt général et aux besoins de tous, quels que soient leur lieu d'habitation, leur niveau de vie et leur origine.
Aussi, nous demandons que les services publics aient toute leur place dans le futur traité, non pas comme une simple dérogation à la libre concurrence, mais comme un facteur essentiel de limitation des inégalités, d'aménagement du territoire et de cohésion sociale.
Une charte des services publics ne devrait-elle pas être annexée au nouveau traité ? Quelles sont les propositions du Gouvernement dans ce domaine ?
Une relance des dépenses à finalité sociale doit aussi être envisagée, notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé, de la recherche et de l'environnement.
Enfin, il est difficile de parler de progrès social sans remettre en cause non seulement le pacte de stabilité, que de nombreux pays, dont la France, ont beaucoup de mal à respecter, mais également le statut de la Banque centrale européenne, totalement indépendante de toute autorité politique et qui ignore la question de l'emploi. On ne pourra construire du neuf sans réformer ces deux institutions.
M. François Autain. Très bien !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Concernant l'Europe de la paix, il ne faudrait pas oublier que l'Europe a été, jusqu'en 1945, un immense champ de bataille. Sans évoquer les périodes antérieures, elle a vécu, avec la Première Guerre mondiale puis la Seconde, des affrontements inhumains dans lesquels des millions de combattants et de civils ont été victimes de l'horreur.
Si nous devons respecter le devoir de mémoire, il nous faut dépasser cette période, car nous voulons construire autre chose.
L'Union européenne doit promouvoir une mondialisation solidaire où la coopération, les échanges et l'aide doivent permettre aux pays les plus pauvres de réduire leur retard de développement et de vaincre les grands fléaux que sont la faim, l'ignorance et la maladie.
Elle doit participer à une culture de paix, respectueuse des peuples et des droits de l'homme. Ce choix est d'ailleurs devenu un principe identitaire inscrit dans les traités de partenariat entre l'Union européenne et d'autres pays.
Dans ce monde d'incertitudes, d'injustices et d'humiliations, terreau de violences et de tous les extrémismes, nous devons clairement établir les lignes de force de notre action, respectueuse d'un droit international élaboré sur des valeurs reconnues et acceptées par la communauté des Nations unies.
Il nous paraît prometteur que, pour la crise irakienne, les pays de l'Union européenne aient, quelles que soient leurs différences, réaffirmé en commun le rôle du Conseil de sécurité et de l'ONU pour privilégier, par la diplomatie, le recours à une solution politique plutôt qu'à une intervention militaire quelle qu'elle soit.
C'est un principe absolu, qui doit être intangible. L'Union européenne sera jugée certes sur ses déclarations, mais surtout sur l'application qu'elle en fera. C'est une question de crédibilité.
Avec la crise iraquienne, n'oublions pas d'autres violations du droit international, comme en Palestine ou en Tchétchénie. Là encore, la fin du conflit appelle une solution politique pour laquelle le rôle de l'Union est indispensable.
L'Europe démocratique est une exigence commune, mais aujourd'hui les décisions sont le fait des gouvernants et de spécialistes bien éloignés des préoccupations des citoyens.
Ces derniers sont rarement informés des débats et des enjeux, encore plus rarement consultés, et n'ont aucun moyen d'évaluer la justesse des décisions.
Pourtant, l'Union européenne ne sera viable que si les peuples participent à sa construction.
Une information régulière doit être diffusée et des débats doivent être organisés dans les différents pays européens sur des questions comme le vote majoritaire ou le vote unanime, le maintien d'un droit de veto quand les intérêts fondamentaux d'un pays sont en jeu, ainsi que la répartition claire des compétences entre l'échelon européen et l'échelon national.
Quelles propositions l'Etat français peut-il formuler pour donner plus de place aux citoyens et aux acteurs sociaux ?
Pouvez-vous déjà garantir une consultation par référendum du peuple français avant l'adoption du nouveau traité ?
Quant aux parlementaires, mandatés par les peuples, ils doivent être mieux associés à la construction européenne.
Les parlementaires européens doivent voir élargi leur pouvoir de codécision avec le Conseil. Leurs décisions doivent être respectées.
Il me semble anormal que le Parlement européen, s'appuyant sur la clause du respect des droits de l'homme du traité d'association avec Israël, ait décidé à la majorité, compte tenu de la situation, de suspendre provisoirement l'application du traité et que ce vote soit resté lettre morte.
Les parlementaires nationaux doivent être consultés en amont de toute décision afin qu'ils ne soient pas de simples chambres d'enregistrement.
Pourquoi ne pas prévoir, avant des échéances importantes, une information et une discussion dans les parlements nationaux permettant de donner une sorte de mandat d'objectifs aux ministres concernés ?
Pour conclure, nous pensons que cette nouvelle construction européenne doit être l'occasion de faire grandir l'exigence d'une transformation en profondeur, l'exigence d'un traité réellement nouveau, qui tire les leçons des années écoulées et qui intègre les aspects sociaux et démocratiques.
L'Europe politique a besoin de l'intervention des citoyens, notamment des plus jeunes. C'est pour eux que nous voulons construire une Europe solidaire, de justice sociale et de paix. Bâtissons avec eux ce projet commun.
La Convention doit rendre son travail au milieu de l'année 2003. Il nous reste du temps pour l'enrichir. Nous y sommes déterminés pour réussir l'Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION
DE PARLEMENTAIRES GRECS

M. le président. Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation de membres du Parlement hellénique, conduite par M. Vassilios Kontogiannopoulos, président du comité Grèce-France de cette assemblée, en visite en France à l'invitation du groupe d'amitié France-Grèce du Sénat, présidé par notre collègue Marc Massion.
Cette délégation sera reçue cet après-midi par notre collègue Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne.
Je forme des voeux pour que le séjour de cette délégation renforce les liens d'amitié qui nous unissent de longue date à la Grèce, séjour qui prend une portée particulière dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne à de nouveaux pays de l'Europe centrale et orientale.
Au nom du Sénat tout entier, je me réjouis de cette visite et je souhaite à la délégation une très chaleureuse bienvenue au Sénat de la République française, où nous sommes heureux de l'accueillir. (M. le ministre, Mme la ministre déléguée, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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AVENIR DE L'EUROPE

Suite de la discussion d'une question orale
européenne avec débat
(Ordre du jour réservé)

M. le président. Nous reprenons la discussion de la question orale européenne avec débat n° QE-2.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Serge Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, si vous visitez la maison de Jean Monnet, vous y verrez, dans une petite vitrine, un croquis représentant les productions comparées du charbon et de l'acier de l'Europe et des Etats-Unis dans les années cinquante. Ce croquis avait été en quelque sorte son vade-mecum au moment où, avec Robert Schuman, il avait proposé de créer la Communauté du charbon et de l'acier pour lier de manière irréversible les ennemis d'hier, mais aussi pour permettre à l'Europe de retrouver sa juste place dans le monde. Si, aujourd'hui, vous réalisez le même exercice à propos des efforts de défense des Etats-Unis et de l'Europe, comment ne pas arriver à la même conclusion : la nécessité absolue d'agir, de franchir une étape supplémentaire dans la construction européenne ?
Je crois que les Européens en ont désormais pleinement conscience. L'Europe peut avoir pour objectif légitime de gérer les crises dans son environnement proche et doit être plus présente dans le monde pour faire entendre sa voix.
Comment comprendre, en effet, qu'elle soit, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le premier bailleur d'aide à la reconstruction ou au développement en ex-Yougoslavie, en Afghanistan ou en Palestine et qu'elle compte si peu dans le règlement des conflits ou dans le retour à la paix ?
Il est donc parfaitement logique que l'organisation future de la politique étrangère, de sécurité et de défense commune soit devenue l'un des sujets majeurs de la Convention sur l'avenir de l'Union européenne, dont la commission pour la défense est présidée par le commissaire français Michel Barnier. Non seulement les attentes sont fortes dans ce secteur, mais, surtout, les solutions qui seront proposées auront un impact direct sur la souveraineté des Etats , et joueront donc un rôle fondamental dans la définition des institutions futures.
Afin que l'Union puisse s'exprimer plus efficacement sur la scène internationale, elle doit progresser dans trois directions : la définition d'une politique étrangère et de sécurité commune, la personnalisation accrue de cette politique et le développement de solidarités concrètes dans le domaine de la défense.
Comment, d'abord, améliorer la définition d'une politique étrangère et de sécurité commune ? Dans les autres domaines d'action de l'Union européenne, cette question est résolue par l'application de la « méthode communautaire ». Or la PESC obéit à une logique intergouvernementale respectant la règle de l'unanimité. C'est pourquoi il est si difficile de parvenir à un consensus. Chaque Etat a son histoire, ses traditions et la mémoire de conflits particuliers. Au sein de l'Union, quatre Etats sont neutres et excluent a priori de participer à une quelconque alliance militaire. D'autres, même s'ils sont membres de l'OTAN, se refusent à s'engager dans une politique de sécurité commune. D'autres, enfin, craignent qu'une telle politique n'affaiblisse les liens transatlantiques.
Comment également ménager la susceptibilité des exécutifs qui voient dans la politique étrangère l'expression privilégiée d'une souveraineté parfois récemment recouvrée ? Au sein de l'Union européenne, deux Etats, la France et la Grande-Bretagne, détiennent l'arme nucléaire et conçoivent encore leur action extérieure sous forme de politique, si ce n'est de puissance, du moins d'influence, alors que d'autres l'ont définitivement rejetée par des dispositions constitutionnelles.
Comment, dans ces conditions, trouver un terrain d'entente sans pour autant s'aligner sur le plus petit dénominateur commun ? Le développement de coopérations renforcées dans les domaines de la politique étrangère et de la défense est-il souhaitable ?
Je crois en tout cas que l'Europe ne peut avoir de politique étrangère commune forte si chacun des Etats européens n'a pas lui-même une volonté de politique étrangère forte. Au cours des derniers mois, grâce à la fin de la cohabitation, la France a retrouvé tout son dynamisme diplomatique. Comme Jean-Pierre Raffarin l'a dit à Estoril : « La France est de retour. » Et quel retour ! Relance du couple franco-allemand comme moteur de l'Europe, réconciliation avec l'Italie et vote, voilà quelques jours, d'une résolution, inspirée par la France, sur l'Iraq, au Conseil de sécurité. Ces six premiers mois auront été utilisés à plein. Les impulsions du chef de l'Etat sont parfaitement relayées par votre action, monsieur le ministre. Les résultats obtenus sont autant de promesses pour l'avenir. Sachez qu'au Sénat vous pourrez compter sur notre appui !
L'Union a ensuite besoin, mes chers collègues, d'une voix unique pour porter la politique qu'elle aura déterminée en commun. Souvenons-nous que Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, racontait qu'il avait été plusieurs fois appelé par Ronald Reagan pour parler de politique étrangère et qu'il avait dû le renvoyer vers les chefs d'Etat et de gouvernement, n'étant lui-même pas compétent pour cela !
Depuis lors, des progrès ont bien sûr été réalisés. Les Quinze ont pris l'habitude de nommer des « représentants spéciaux » pour les représenter dans les négociations ou les crises. Le traité d'Amsterdam a permis la désignation d'un Haut représentant pour la PESC placé auprès du Conseil. Ces fonctions ont ensuite été fusionnées avec celles de secrétaire général de l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO. M. Javier Solana, nommé à ce poste depuis 1999, a d'ailleurs mené une action très utile, mais des améliorations doivent encore être apportées pour convaincre nos partenaires étrangers de la réalité et de l'unité de l'action extérieure européenne. Les travaux de la Convention tendent vers un accroissement des missions et de la marge de manoeuvre de ce « M. PESC » par la fusion de ses fonctions avec celles qu'assume actuellement le commissaire chargé des relations extérieures.
Cette démarche me paraît constructive dès lors que le Haut représentant reste rattaché aux exécutifs des Etats membres et bénéficie de la confiance qui résultera d'une telle proximité.
Enfin - et c'est pour moi un sujet de réelle préoccupation -, la crédibilité de la politique extérieure de l'Union est conditionnée par l'existence d'une force d'intervention européenne et de moyens militaires opérationnels. Comment faire pour concrétiser les engagements qui ont été pris et pour renforcer les « solidarités concrètes » dans le domaine de la défense ?
Des progrès institutionnels incontestables, et même inespérés, ont été accomplis au cours des trois années passées ; le traité de Nice les a consacrés. Les outils ont été forgés ; les comités politique et militaire, l'état-major de l'Union commencent à fonctionner. Les Etats se sont entendus sur la mise en place, d'ici à 2003, d'une force de réaction rapide.
Mais je constate dans le même temps que la coopération européenne peine à trouver sa traduction dans les faits.
D'une part, des difficultés persistent dans la définition des rapports avec l'OTAN. A ce sujet, je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir indiqué l'état des négociations relatives aux « arrangements permanents », qui permettraient à l'Union européenne de prendre la suite de l'opération « Renard roux » conduite en Macédoine.
D'autre part, la « déclaration d'opérationnalité » de Laeken ne parvient pas à cacher la persistance d'importantes lacunes capacitaires et la difficulté à les combler grâce à la procédure « ECAP », le plan d'action européen sur les capacités. L'Europe reste confrontée à l'insuffisance des efforts budgétaires de ses membres, une faiblesse d'autant plus grande que ces efforts ne sont pas coordonnés. La « saga » du financement de l'Airbus A-400M est alarmante, au moment même où les différentes conférences de capacités mettent précisément l'accent sur les lacunes européennes en matière de transport stratégique.
A contrario , le succès obtenu entre la France et l'Italie en matière navale semble être l'exemple à suivre d'une coopération politique, industrielle et opérationnelle par le biais de la construction de bâtiments communs, notamment de vingt-sept frégates multi-missions.
Développer aujourd'hui une véritable politique industrielle européenne de l'armement me paraît être d'une extrême urgence. Dans le domaine aéronautique, malgré les succès obtenus en matière de consolidation industrielle autour d'EADS et de Thalès, il faut désormais mettre en place une solution de rechange à l'avion de combat futur américain. Nous ne pouvons nous résoudre à voir l'aéronautique militaire européenne passer sous la coupe de Boeing alors que, dans le domaine civil, Airbus est un formidable succès ! Plus encore, dans les domaines de l'armement terrestre et de l'armement naval, tout, ou presque, est à faire. Là aussi, il y a urgence. Les industriels américains ont déjà pris des positions très fortes dans l'armement terrestre en Espagne et dans l'armement naval en Allemagne. Prenons garde à ce qu'il soit toujours possible demain de maintenir l'indépendance de l'Europe, son savoir-faire technologique et, en définitive, les emplois et la croissance économique.
J'aimerais donc savoir où en sont, dans ce domaine, les projets européens de créer, à partir de l'OCCAR, l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, une véritable agence européenne de l'armement, seule à même d'assurer la définition commune des besoins, la gestion des programmes et le développement d'une forte interopérabilité permettant à la défense européenne d'être efficace et crédible aux yeux du monde entier.
Sur ces questions, nous avons pris note de vos réponses, monsieur le ministre, et nous sommes certains que, là aussi, le dynamisme nouveau de la diplomatie française saura trouver les moyens de convaincre l'Europe d'exister par elle-même et de financer son propre développement afin d'avoir une défense à la hauteur de son rayonnement historique, culturel, économique, humaniste et politique. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, vous venez de brosser à grands traits l'histoire et la problématique actuelle de l'Europe ainsi que les horizons ouverts par la Convention. Les orientations que vous souhaitez pour les futures institutions européennes apparaissent.
Il était indispensable de savoir quelle Europe la France voulait. En effet, ce débat intervient au moment où les Français se désintéressent du grand rêve européen. Nous avons la responsabilité commune de trouver les mots justes pour sensibiliser l'opinion publique et lui redonner confiance en l'Europe.
Les attentes que nous formulons aujourd'hui n'ont de sens que par la volonté claire que vous venez d'exprimer. Sans cela, ce débat eût été dérisoire, voire inutile, car les Français s'interrogent : quelle Europe le Gouvernement veut-il ? Souhaite-t-il une Europe qui évolue au fil des années vers une intégration de plus en plus forte ou bien estime-t-il, au contraire, qu'une grande zone de libre-échange peut, seule, être un objectif raisonnable ?
Répondons à ces interrogations par une refonte des institutions, grâce à la réflexion du Président de la République, Jacques Chirac, et à l'esprit novateur du ministre allemand des affaires étrangères, Joschka Fischer. Toutefois, rédiger une Constitution, qui plus est pour l'Europe et non pour un Etat-nation, est un exercice ardu et nouveau.
L'Union européenne a inventé un mode de relations entre Etats sans précédent dans l'histoire et rien ne serait plus absurde que de vouloir plaquer sur l'Europe des solutions conçues en d'autres temps pour d'autres organismes : prenons conscience que nous ne pouvons pas construire l'Europe à l'image de la France ! L'opposition entre une conception immédiatement intégrationniste et une conception intergouvernementale de l'Europe est aujourd'hui abstraite et théorique. L'Union européenne est à mi-chemin entre ces deux extrêmes, avec cependant une prédominance de plus en plus marquée par son aspect intégrationniste. Ne feignons pas d'ignorer la marche de l'histoire !
L'article 1er de l'avant-projet de traité conventionnel est clair et vise une « union d'Etats européens, conservant leur identité nationale, qui coordonnent étroitement leurs politiques au niveau européen et qui gèrent, sur le mode fédéral, certaines compétences communes ». De même, à l'article 5 sont évoquées la reconnaissance d'une « double citoyenneté », d'une double allégeance, l'une nationale, l'autre européenne, et la possibilité d'utiliser l'une ou l'autre librement. De l'audace : tel pourrait être l'aiguillon du président Valéry Giscard d'Estaing.
Monsieur le ministre, le texte que choisira, sur la base des travaux de la Convention, le Conseil européen en 2004 fera-t-il l'objet d'un référendum pour être ratifié par la France ? Une telle démarche scellerait le contrat moral unissant le peuple français à l'Europe.
J'aborderai maintenant la question de la proximité. La déclaration de Laeken du 15 décembre 2001 appelait à « rapprocher les institutions européennes du citoyen ». Cette volonté d'impliquer les citoyens rejoint celle de l'actuel gouvernement français. En particulier, l'article 72-1 de la Constitution présenté par l'article 5 du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République tend à reconnaître le droit de pétition aux électeurs de chaque collectivité territoriale et à instaurer des référendums locaux.
Un forum représentant la société civile européenne a été institué pour être associé à l'action de la Convention. Cependant, l'article 5 du projet de loi constitutionnelle ne mentionne, pour les citoyens européens, que la reconnaissance de leur droit de vote aux élections municipales et à l'élection au Parlement européen.
Quid des élections cantonales ? Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de la logique et s'arrêter ainsi au milieu du gué ?
Par ailleurs, l'article 34 de l'avant-projet de traité constitutionnel énonce le principe d'une « démocratie participative » et « transparente » ; il devrait apporter davantage de précisions.
Ce souhait est indissociable de celui d'un partage net entre les attributions de l'Union et celles des Etats membres. Nos concitoyens regrettent que l'Union européenne s'immisce là où elle n'a rien à faire et soit absente là où elle devrait être présente. L'article 7 de l'avant-projet réaffirme ainsi le principe de subsidiarité, introduit par le traité de Maastricht, alors que l'article 8 précise que « toute compétence non attribuée par la Constitution à l'Union demeure de la compétence des Etats membres ».
Cependant, la Convention, pour l'heure, n'a toujours pas fixé les règles du contrôle effectif du principe de subsidiarité par les Parlements nationaux. Ce débat est plus que jamais ouvert car trois réponses sont possibles.
La première, avancée par le président Giscard d'Estaing, défend l'idée d'un Congrès rassemblant les parlementaires nationaux et européens, sur le modèle de la Convention actuelle. Cette réponse souligne l'idée d'une souveraineté populaire et d'un pouvoir parlementaire européen, mais elle manque peut-être de souplesse.
La deuxième met l'accent sur l'amélioration du dialogue entre le Gouvernement et le Parlement, à l'instar de ce qui se passe au Danemark, en Suède ou encore en Grande-Bretagne. Elle est sans doute insuffisante.
La troisième réponse, enfin, se trouve dans le rapport très original du groupe de travail « Subsidiarité », présidé par M. Mendez de Vigo, qui propose, pour la première fois, d'ériger les parlements nationaux en gardiens de la subsidiarité. La Commission aurait alors le devoir de joindre à toutes ses propositions de texte une fiche « subsidiarité ». Les Parlements nationaux, grâce au mécanisme d'« alerte précoce », pourraient s'exprimer au début de la procédure sur la conformité ou non des propositions législatives de la Commission européenne au principe de subsidiarité. S'ils n'obtenaient pas gain de cause, ils pourraient ensuite saisir la Cour de justice pour violation de ce principe essentiel, clef de voûte de tout l'édifice européen. Cette solution a le mérite d'être simple et de ne pas alourdir l'architecture institutionnelle européenne.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, confirmer le choix du Gouvernement entre ces trois réponses ?
J'évoquerai aussi - et surtout - la simplification. Nous devons au plus vite simplifier et rationaliser l'architecture de l'Europe, car les citoyens attendent davantage de lisibilité et de visibilité des institutions européennes. Pour que les citoyens aiment l'Europe, ils doivent la comprendre. Là aussi, la Convention va dans le bon sens et veut donner de la chair à l'Europe.
L'article 4 de l'avant-projet de traité constitutionnel reconnaît explicitement la personnalité juridique à l'Union européenne, mettant fin à une situation juridique floue et permettant la nécessaire fusion des différents traités régissant l'Europe. L'article 9 énumère les trois catégories de compétences de l'Union : compétence exclusive, compétence partagée, compétence d'appui. L'article 14, enfin, établit que l'Union dispose d'un « cadre institutionnel unique ».
Cette simplification institutionnelle va de pair avec les efforts indispensables pour que l'Europe soit personnifiée. Quatre personnages clefs devraient devenir les futurs piliers de la maison « Europe ». Le président du Conseil européen, le président de la Commission, le Haut représentant pour la politique étrangère seront-ils nommés ou élus ? S'ils sont élus, le seront-ils par leurs pairs ou au suffrage universel direct ? Ces questions sont restées sans réponse, respectivement aux articles 15 bis , 18 bis et 41 de l'avant-projet.
Nous souhaiterions également que la proposition de notre collègue Hubert Haenel d'instituer un Haut représentant pour la justice et les affaires intérieures, quatrième personnage clef, rencontre un écho favorable auprès de la Convention.
Monsieur le ministre, défendez-vous l'idée de l'élection au suffrage universel direct de ces représentants de l'Europe ?
Je terminerai en évoquant l'humanisme. La Convention doit montrer sa fidélité à l'héritage moral de l'Europe et à notre universalisme respectueux des différences, en un mot : à nos valeurs humanistes.
Ainsi, l'éloge de la liberté est indissociable de l'idée même d'Europe, et la Convention reconnaît que la liberté est inhérente aux individus, mais aussi aux Etats. En effet, les Etats sont libres d'adhérer ou non à l'Union - article 43 -, mais ils sont libres également de la quitter - article 46.
L'article 45 rappelle que tous les Etats membres de l'Union doivent respecter scrupuleusement leurs obligations, notamment en ce qui concerne les droits fondamentaux des individus. Or, sur ce point, la Convention n'a pas encore décidé définitivement si la charte doit être réintégrée totalement à l'article 6 de l'avant-projet ni si l'Union doit adhérer à la Convention européenne des droits de l'homme. Pour notre part, nous nous rangeons résolument aux conclusions du groupe de travail « Charte », présidé par M. Vitorino, qui répond « oui » à ces deux questions.
Monsieur le ministre, quelle place souhaitez-vous accorder à la défense des droits fondamentaux dans la future Constitution ?
Chers collègues, nous devons donc apporter des réponses au grand débat sur les institutions européennes, débat que notre Premier ministre, européen convaincu, a promis pour l'année 2003. Certes, il aurait fallu réformer les institutions avant l'élargissement de 1995 ; alors, ne laissons surtout pas échapper cette ultime occasion qui nous est offerte par la Convention sur l'avenir de l'Europe. Faisons tout notre possible pour que l'ordre logique et l'ordre politique ne s'opposent pas, pour que l'urgence de l'élargissement aboutisse enfin à la nécessaire réforme des institutions européennes.
Si le Gouvernement français souhaite une Europe économique et politique, alors l'Europe retrouvera non seulement un projet, mais aussi la fierté d'être une entité qui pèsera sur l'avenir du monde. Elle procurera à chaque citoyen français ce sentiment d'appartenance propre au patriotisme. Ce choix, monsieur le ministre, sera conforme à l'histoire d'un grand pays comme le nôtre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, « l'Europe avance à petits pas », disait l'un de ses pères fondateurs, Robert Schuman ; « l'Europe ne peut traiter bien qu'une chose à la fois », disait un spécialiste européen, Raymond Barre, et, aujourd'hui, nous sommes bien conscients que l'Europe doit franchir un grand pas, qu'elle doit relever plusieurs défis.
Elle doit franchir un grand pas - vous l'avez dit, monsieur le ministre - et nous espérons qu'elle en sera capable grâce aux travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe. Qu'il me soit d'ailleurs permis de remercier M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, membre éminent de la Convention, d'avoir pris l'initiative de cette question. La Convention sur l'avenir de l'Europe doit réussir à donner à l'Europe une vraie constitution. Son président, européen convaincu - il l'a démontré - auquel je tiens à rendre hommage, pourra peut-être arriver à dégager ces synthèses qui, au moment où l'on désespère, montrent souvent la capacité de gagner en Europe.
Aujourd'hui, même si l'on peut regretter que cette démarche institutionnelle n'ait pas précédé l'élargissement, on ne peut que se féliciter de voir avancer deux défis : le premier, l'institution, le second, l'élargissement. Sur ce point, nous pouvons rendre hommage au Gouvernement, en particulier à vous-mêmes, madame, monsieur le ministre, et au Président de la République. En effet, combien étaient optimistes à la veille du Conseil de Bruxelles ? Il suffit de relire la presse : il était expliqué dans nombres d'articles qu'on allait s'enfermer, qu'un blocage était inévitable. Mais vous avez réussi - la France, ainsi que l'Allemagne, a joué un rôle majeur à cet égard - à débloquer la situation, sans renoncer à la défense de politiques européennes qui restent fondamentales et à partir desquelles l'Europe a fait ses premiers pas : je pense à la politique agricole commune. On a d'ailleurs oublié que c'est dans ce domaine qu'une première monnaie, la monnaie verte, avait été mise en oeuvre. Et pour avoir négocié, en tant que secrétaire d'Etat à l'agriculture, le démantèlement des montants compensatoires monétaires...
M. Denis Badré. Et très bien négocié !
M. Jacques Blanc. ... - M. Denis Badré doit s'en souvenir -, il me paraît bon que l'Europe n'abandonne pas la défense de ces politiques européennes fondamentales pour réussir l'élargissement.
Vous avez donc réussi à engager l'Europe, depuis ce conseil, dans ce que vous avez appelé « la phase finale d'élargissement pour dix pays ». Cela fait vingt-cinq pays. Demain, combien y en aura-t-il ?
Vous avez aussi évoqué, monsieur le ministre, et je vous en remercie, non seulement l'intégration, mais aussi l'association. Et entre ces deux termes, il y a le partenariat euro-méditerranéen, sur lequel je reviendrai.
Le troisième défi de l'Europe, c'est que les peuples d'Europe retrouvent la flamme, l'amour de l'Europe, que se lèvent espérance et enthousiasme, que l'on perde ce sentiment d'éloignement des institutions européennes, d'une technocratie qui aurait pris le pouvoir, que l'on cesse aussi de rejeter sur l'Europe tout ce qui n'irait pas, en oubliant que les choses qui vont bien dépendent souvent de l'Europe, voire que les comportements eux-mêmes changent : il est en effet trop facile, quand on revient d'un Conseil à Bruxelles - et je l'ai un peu fait ! - de dire que l'on a obtenu telle ou telle chose, mais que, s'agissant d'un autre point, on n'a pas été suivi. Il nous faut retrouver une vraie dimension.
Pour y parvenir, je ferai une proposition, que d'aucuns considéreront comme secondaire, et d'aucuns comme dangereuse. Je n'ai bien sûr pas l'intention d'ouvrir le faux débat entre Europe des Etats et Europe des régions. En revanche, permettez-moi de dire que les régions peuvent apporter une contribution pour jouer le rôle de messager, tant auprès des institutions européennes qu'auprès de leur territoire et de leur population.
J'ai eu l'immense honneur d'être élu le premier président du comité des régions d'Europe, organisme dont la création a été prévue par le traité de Maastricht, mais qui est passée inaperçue même aux yeux d'éminents spécialistes européens - je ne les citerais pas ! D'ailleurs, combien de Français ont-ils lu le traité ?
En tant que membre du conseil consultatif que le président Delors avait instauré à l'époque auprès de la Commission, j'avais eu la chance de me battre pour le comité des régions d'Europe. Je l'avais fait aussi au sein de l'assemblée des régions d'Europe, reprenant un peu le combat que le président Edgar Faure avait engagé à travers l'assemblée des régions européennes.
Pour avoir installé ce comité des régions, pour l'avoir fait évoluer en tant que président puis vice-président - j'y participe d'ailleurs activement et je vais y partir tout à l'heure -, j'ai la conviction que, si l'on sait ne pas entrer dans de faux débats, les régions peuvent contribuer à relever ce défi d'une adhésion nouvelle vers l'Europe. Je soutiens d'ailleurs l'idée du congrès : pourquoi ne pas associer dans une telle démarche à la fois le Parlement européen, les parlements nationaux et le comité des régions d'Europe ? Sachant que l'Europe a rappelé à la France la nécessaire subsidiarité - et je me réjouis que nous ayons voté ici même la semaine dernière le premier texte constitutionnel sur la décentralisation -, croyez-vous bien raisonnable d'éliminer l'ensemble des régions d'Europe ? Je ne suis pas fédéraliste, mais il existe des pays fédéralistes en Europe. Pourquoi alors ne pas ouvrir au comité des régions d'Europe une participation au congrès et au contrôle de la subsidiarité ? C'est indispensable eu égard à l'organisation même de certains pays en Europe. Or, nous occultons ce point. Je me permets donc de rappeler cette réalité. Il conviendrait ainsi de faire émerger le comité des régions d'Europe au titre d'institution, de lui laisser un rôle consultatif - je ne demande pas l'instauration d'une codécision du comité des régions, la réservant au Parlement euopéen, - afin d'adopter une dimension nouvelle indispensable pour gagner le défi fondamental qu'est l'adhésion des citoyens à l'Europe.
Pour gagner cette adhésion, madame, monsieur le ministre, il est également capital que l'Europe garde des équilibres. Il n'est pas question, là aussi, de déclencher une guerre entre le Nord et le Sud. Toutefois, au moment ou l'Europe s'élargit vers l'Est, qui peut fermer les yeux sur l'exigence visant à donner une place plus grande à l'Euro-Méditerranée ?
Permettez-moi de relater une expérience personnelle : j'ai participé, lors de la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone, à un dîner...
M. Xavier de Villepin. Veinard ! (Rires.)
M. Jacques Blanc. ... où étaient assis côte à côte Arafat et le ministre d'Israël, ce qui ne serait plus possible aujourd'hui. Tous les pays de la Méditerranée, alors associés, s'engageaient dans un pacte de paix et s'engageaient à créer cette Euro-Méditerranée qui doit devenir en 2010 une zone de libre-échange.
Comment ne pas demander que soient relancées très fortement les chances de réussite de cette Euro-Méditerranée ?
M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Très bien !
M. Jacques Blanc. La France a un rôle majeur à jouer à cet égard.
Comme le président Giscard d'Estaing l'avait fait à l'époque avec le grand Sud-Ouest, pour réussir l'élargissement vers la Grèce, le Portugal et l'Espagne, comme l'Europe l'a fait avec les PIM, les programmes intégrés méditerranéens, pour que réussissent ces élargissements, le Gouvernement ne pourrait-il pas se mobiliser pour que des programmes nationaux et européens, et l'évolution des programmes MEDA puissent nous armer pour réussir l'Euro-Méditerranée ?
Enfin, comment ne pas aussi être vigilants pour que, dans la réforme des politiques agricoles communes, dans celle des fonds structurels et de la politique régionale, cet aspect euro-méditerranéen ne soit pas non plus oublié ?
Monsieur le ministre, j'ai aujourd'hui la conviction que le Sénat, une nouvelle fois, joue un rôle majeur pour nous permettre, dans la sérénité mais avec conviction et une grande espérance, de nous mobiliser. M. le Premier ministre nous y a invités en 2003. Nous anticipons cette mobilisation pour que vive l'Europe. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mi-parcours des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe et à ce stade de nos préoccupations concernant l'Europe, l'initiative de cette discussion est heureuse, et nous devons en remercier tout particulièrement M. Haenel. Le moment est en effet favorable à la fois pour apprécier ce qui est déjà acquis, qui est important - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, - et ce qui demeure à faire, qui est considérable, sinon essentiel.
L'acquis, s'agissant de la Convention, c'est d'abord l'accord sur le terme même et sur la nécessité d'une constitution européenne. Sera-t-elle, comme nous le croyons indispensable, soumise à un référendum après son adoption ? Je crois que l'on ne pourra pas et que l'on ne devrait pas y échapper. Je conçois mal les Etats européens et les peuples européens se dotant d'une constitution - événement considérable dans l'histoire européenne - sans que les peuples eux-mêmes l'aient approuvée.
L'acquis, c'est aussi la fusion des traités actuels, entraînée logiquement par le principe d'une constitution, l'affirmation de la personnalité morale internationale de l'Union et l'incorporation de la charte des droits fondamentaux, évoquée par notre excellent collègue M. de Montesquiou. Il n'y a plus de difficultés sur ce dernier point. Lors du groupe de travail auquel j'ai participé et qui a été excellemment présidé par M. Vitorino, un accord est intervenu malgré quelques réticences de la part de nos amis britanniques. Tout est maintenant acquis, et la charte sera donc incorporée.
La question de l'adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme, quant à elle, se trouvera réglée ultérieurement par les instances compétentes au sein des institutions européennes. Voilà pour l'acquis, qui est important !
Ce qui reste à faire s'avère évidemment considérable.
Nous avons pour l'instant, il faut le reconnaître, bien des problèmes au regard de la question de la gouvernance économique. Sans aller jusqu'à une véritable coordination économique, voire à un gouvernement économique, l'avenir sur ce point difficile paraît incertain. Il faut donc se remettre au travail.
Vous savez combien le domaine social est important aux yeux du groupe socialiste, au nom duquel je m'exprime en cet instant ; nous avons accueilli avec satisfaction la création d'un groupe de travail sur les questions sociales. C'est un progrès qu'il convient de saluer.
Il est indispensable que soit affirmée, conformément d'ailleurs au voeu du Gouvernement, l'importance de la dimension sociale de l'Union européenne. Ce point doit figurer dans le traité, et il conviendra de développer les instruments de l'Union à cet égard, ainsi que tout ce qui est de nature à renforcer les services publics et à consacrer le rôle de partenaires sociaux.
De même, nous devons proclamer comme objectif prioritaire la sauvegarde de l'environnement, non seulement en Europe mais dans le monde ; c'est une question clé, indissociable de celle du développement durable, et l'Union européenne doit assumer, dans ces deux domaines, une contribution majeure.
M. Louis Le Pensec. Très bien ! C'est effectivement capital !
M. Robert Badinter. Il reste que, dans une Constitution, c'est la définition des institutions, de leurs pouvoirs et de leur équilibre qui est l'essentiel. Disons-le, toute Constitution est aussi une entreprise juridique. Certains de nos grands prédécesseurs aimaient à dire que c'étaient des « machines », au sens où on l'entendait au xviiie siècle. Il est de belles machines ; il en est d'autres qui fonctionnent moins bien. Etant d'un naturel pessimiste - mon pessimisme fût-il actif -, il m'arrive de craindre que, si nous ne parvenons pas à mieux définir l'équilibre et la répartition des pouvoirs, notre machine ne soit qu'un « machin ». Nous verrons ! Nous sommes encore dans l'expectative.
L'avant-projet, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, a été présenté avec grand talent par le président Giscard d'Estaing. Il m'a fait penser à un plan de thèse : vous sont communiqués les intitulés des différentes parties, les têtes de chapitres, mais très peu d'informations - voire aucune - quant aux contenu. Vous savez comment procèdent alors les présidents de jury : ils décryptent les énoncés sibyllins pour essayer de deviner ce qui s'annonce. Or, à lire ces énoncés, je n'ai pas trouvé dans cet avant-projet le souffle historique qui inspire les grandes oeuvres constitutionnelles. Mais peut-être est-ce, là encore, une manifestation de ce pessimisme naturel que j'évoquais à l'instant.
Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, je le confesse volontiers, j'ai toujours considéré le constitutionnalisme comme un art. Doterons-nous l'Europe d'un chef-d'oeuvre constitutionnel ?
A ce stade, j'ai plutôt l'impression que se profile une rénovation ou une transformation, mais pas nécessairement une création.
En tout cas, j'ai relevé que le concept si riche de fédération d'Etats-nations avait perdu quelque peu de sa flamme, de son lustre, en cours de route.
Le caractère fédératif de l'Union aurait dû, selon moi, se traduire par l'affirmation du principe premier de la majorité qualifiée, quelles qu'en soient les modalités. Or, en examinant de près le texte de l'avant-projet, je n'y ai vu nulle part les mots de « majorité qualifiée ». S'ils figurent dans les explications, ils ne sont pas dans le texte lui-même. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas espérer que la majorité qualifiée devienne la préférence et même le principe, celui de l'unanimité étant alors abandonné.
On a vu disparaître la distinction, complexe, bien difficile à faire comprendre, même aux spécialistes, entre les différents piliers, surtout dans les rénovations intervenues. Cela est bien. Dans les trois domaines de la PESC, de la défense et de la politique commune en matière de police et de justice pénale, on parle de « procédure d'application ». Une telle expression fait toutefois penser à une action commune des Etats, à une coopération entre eux, plutôt qu'à une action propre de l'Union.
Je n'interviendrai pas, à ce stade sur la question, qui mérite un débat à elle seule, de la PESC et de la défense. Vous en avez très bien posé les termes, monsieur le ministre, et elle a fait l'objet d'une excellente intervention de M. Vinçon.
S'agissant de la justice et de la sécurité, je tiens à dire que les grandes menaces qui pèsent aujourd'hui sur l'ensemble des Etats de l'Union européenne relèvent de la criminalité organisée. Qu'il s'agisse du terrorisme, du trafic de stupéfiants, de la traite des êtres humains, de la prostitution ou des infractions financières, c'est toujours sous la forme de criminalité internationale organisée que nous rencontrons l'adversaire. Or nous ne pouvons pas continuer à lutter contre cette criminalité avec les moyens dont nous disposons actuellement ; il y va des intérêts premiers de nos concitoyens et de nos Etats.
Le président Haenel a avancé à juste titre l'idée - ce ne serait qu'un premier pas mais j'approuverais totalement une telle initiative - de la création d'un Haut commissaire pour la politique de justice et de sécurité commune.
Je regrette que l'avant-projet ne fasse pas preuve de plus d'audace à cet égard. Je regrette aussi que n'y soit pas mentionnée la création, pourtant nécessaire, d'un parquet européen, dont la compétence serait d'ailleurs supérieure à celle qui est généralement envisagée.
En tout cas, dans ce domaine, l'action de l'Union doit absolument être commune et rigoureuse.
Pour le reste, j'évoquerai seulement deux institutions : le Congrès et la présidence de l'Union.
L'idée d'un Congrès, séduisante à première vue, a été accueillie - tous ceux qui étaient présents l'ont remarqué - avec une certaine réserve, pour ne pas dire une certaine froideur.
S'il s'agit d'un forum, d'un espace de discussion permettant la rencontre annuelle de représentants des parlements nationaux et de membres du Parlement européen, c'est parfait. Ce serait en effet l'occasion d'évoquer des problèmes communs. Mais cela ne mérite pas d'être institutionnalisé. Ce serait une sorte de COSAC améliorée, sous un autre nom.
Pourquoi ne faut-il pas l'inscrire dans le traité ? Parce que toute procédure de révision ou de modification d'une disposition constitutionnelle à l'intérieur d'un traité comme celui-là engendrera des difficultés considérables.
Si l'on doit aller vers un forum élargi, renouvelé, je dis bravo ! Mais l'inscrire dans le traité et, surtout, l'appeler Congrès, me paraît une erreur. Partout, en effet, le terme « Congrès » évoque l'instance supérieure. Nous savons dans quelles circonstances solennelles nous nous réunissons en Congrès. Aux Etats-Unis, le Congrès est bien l'instance suprême. Et je n'ai pas besoin de rappeler ce que cela signifiait du temps du système soviétique ! Dès lors, l'institution d'un « Congrès » donnerait à penser qu'il s'agit d'une instance supérieure par rapport au Parlement européen.
On comprend, alors, les réserves que cette idée a aussitôt suscitées.
S'il s'agit de faire respecter les prérogatives des Parlements nationaux européens, on peut résoudre le problème autrement.
Il y a d'abord la question essentielle des dispositions de droit constitutionnel interne et celle du renforcement, nécessaire, de l'intervention du Parlement dans le cadre de chaque Etat.
En ce qui concerne le respect, important pour les Parlements nationaux, du principe de subsidiarité ou des principes généraux régissant les compétences respectives de l'Union européenne et des Etats, des propositions intéressantes ont été faites. Mais je rappelle qu'il ne serait pas concevable qu'un Parlement national ou, pis encore, une chambre d'un Parlement ait le droit de saisir la Cour de justice en ce qui concerne le respect de la subsidiarité : en effet, les chambres des Parlements ne disposent pas, au regard d'un Etat, de la personnalité juridique internationale. On n'imagine pas la Cour de justice saisie par une chambre d'un Etat alors que le Gouvernement de ce même Etat aurait, lui, une position radicalement contraire. Que deviendrait alors la notion même d'Etat ?
C'est donc dans d'autres directions qu'il faut chercher la réponse, et la réflexion à cet égard mérite d'être poursuivie.
J'en viens à la présidence de l'Union, sujet essentiel, et qui me tient particulièrement à coeur.
La présidence de l'Union ne peut plus être tournante : ce qui était parfaitement adapté à six et pouvait encore se concevoir à douze devient absurde à quinze et plus encore à vingt-cinq.
Je sais la réticence des petits Etats, qui souhaitent pouvoir affirmer leur appartenance à égalité avec les grands par le recours à la présidence tournante. Mais, à vingt-cinq Etats, avec une présidence différente tous les six mois, le tour de chacun ne revient que tous les douze ans et demi ! Et, si l'on porte à un an la durée de la présidence, c'est une fois par quart de siècle ! Cela rappellerait les itinérances de la cour royale de château en château !
En vérité, il faut fixer la présidence à la personne d'un président. Je crois profondément à la nécessité de l'incarnation de l'Union européenne en la personne d'un Président de l'Union européenne.
Je marque que cette haute fonction, pour qu'elle prenne toute sa dimension, doit être exercée par une personnalité européenne prestigieuse, qui aura rendu des sercices éclatants, éminents à la cause européenne.
Incarnant l'Union, son président devra évidemment la représenter dans toutes les grandes circonstances internationales, mais aussi à l'intérieur des Etats membres, ainsi que devant le Parlement européen.
Cela me paraît indispensable pour que l'Union prenne conscience de son unité profonde, pour que tous ses citoyens se souviennent qu'ils habitent une même Europe, que celle-ci n'est pas seulement un espace d'échanges commerciaux, que l'Europe d'aujourd'hui est aussi l'héritière d'une grande histoire, la dépositaire d'une grande culture et de valeurs fondamentales. C'est à cette personnalité qu'il appartiendra de faire entendre ce message à travers l'Europe et au-delà.
Nous le savons bien, des poisons menacent toujours l'Union européenne, comme d'autres ensembles démocratiques : racisme, xénophobie, intolérance, fanatisme. Il reviendra au Président de l'Union européenne de rappeler à tout moment que l'Union européenne est résolument fondée sur des valeurs qui sont contraires à ces poisons-là.
Pour une Union européenne comprenant 480 millions d'habitants et composée de vingt-cinq Etats - peut-être plus -, le magistère du Président de l'Union sera essentiellement d'ordre moral, voire symbolique. Il ne peut s'agir d'une fonction politique au sens où le président aurait la responsabilité de la direction de l'Union. Il vient un moment où, dans un espace si vaste et si différencié, l'unité est plurielle, bien que fondée sur des valeurs communes, et les Européens doivent se reconnaître dans cette personnalité, sans penser à sa couleur politique.
C'est la raison pour laquelle, partant de l'idée de la double souveraineté, phénomène extraordinaire qui caractérise l'Union européenne - en l'occurrence la souveraineté des Etats membres de l'Union, fédération d'Etats souverains, et la souveraineté du peuple européen, cette immense communauté de 480 millions de citoyens -, le Président de l'Union devra être désigné par le Conseil européen et investi par le Parlement de l'Union.
Je le répète, c'est un magistère moral et non pas une responsabilité politique qu'il doit exercer, ou alors, si l'on considère l'adjectif « politique » dans un sens noble, je veux bien, en cet instant, admettre que c'est simplement dans cette dimension-là que cette responsabilité sera assumée par lui.
Le pouvoir exécutif, au sein de l'Union, étant infiniment complexe, je ne l'évoquerai pas, pour l'heure, en détail. Vous connaissez mes opinions sur ce sujet, qui mérite que l'on y travaille encore.
En revanche, j'attire votre attention sur un point : un président du Conseil européen, qui ne serait ni un chairman ni un président de la IIIe République, mais qui assumerait véritablement cette fonction, préparerait le Conseil, veillerait à l'exécution des décisions, présiderait le Conseil des affaires générales, jouerait un rôle politique de toute première grandeur, j'y insiste, et aurait une fonction politique considérable non seulement au sein de l'Union mais aussi au-delà de celle-ci.
Si l'on exerce une fonction politique dans une démocratie, comment ne pas concevoir que ce président du Conseil européen ne soit pas investi, au-delà de sa désignation par le Conseil européen, par le Parlement européen ? Et si le Parlement européen, qui est l'expression de l'autre souveraineté, celle des citoyens européens, intervient comme il doit le faire pour l'investiture, on ne peut pas, s'agissant d'une fonction politique, échapper à ce qui est l'essence même de toute démocratie, c'est-à-dire l'exercice d'un contrôle parlementaire, voire la censure. Sans cela, nous ne parviendrons pas à rééquilibrer notre Union.
Ainsi donc, si la présidence du Conseil européen, telle qu'elle est envisagée, n'inclut pas le contrôle et la mise en cause de la responsabilité éventuelle, elle ne répondra pas aux exigences que j'évoquais tout à l'heure. Fonction politique, il en faut une ; pouvoir exécutif fort, il en faut un ; mais incarnation de l'Union, je ne saurais trop souligner combien cette fonction symbolique et morale est essentielle pour cette union complexe.
En conclusion, je formulerai, au nom de tous les membres du groupe socialiste, un rappel et un voeu.
Je rappelle d'abord qu'aucun progrès substantiel n'est jamais intervenu dans l'Union sans que la France en ait été, avec l'Allemagne, l'initiateur et l'artisan.
Nous souhaitons, par ailleurs, qu'un audacieux projet commun prenne en compte les équilibres complexes d'une fédération d'Etats souverains qui, on ne le soulignera jamais assez, n'est pas un Etat fédéral. Si nous parlions d'un Etat fédéral, il faudrait penser les institutions autrement.
Nous devons élaborer, ce qui est unique, les institutions d'une fédération d'Etats souverains. Nous souhaitons que ce projet commun recueille une large adhésion en Europe. Pour notre part, nous ne ménagerons pas notre concours à un tel projet. Il doit correspondre à la vision de l'Union européenne en tant qu'ensemble porteur de paix, de progrès économique, de justice sociale et de solidarité internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, sur celles du RDSE, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants. - M. le président de la délégation applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, les candidats à l'adhésion ont entrepris des efforts extraordinaires pour l'Europe. Mais, comme le souligne le commissaire Günter Verheugen, ils étaient de toute façon, à titre individuel, appelés à réaliser ces progrès. La perspective de l'adhésion à l'Union a simplement motivé, orienté, polarisé leurs efforts.
L'Union nous motive-t-elle encore pour accomplir les progrès que nous sommes toujours appelés à réaliser ? En effet, nous ne sommes pas exemplaires dans tous les domaines. La mondialisation nous condamne à une compétitivité sans merci, de tous les instants. De surcroît, dans un monde ouvert, l'expérience d'ouverture intérieure proposée par l'Union prend une résonance particulière parce qu'elle est facteur de progrès, bien sûr sous certaines conditions. Une Europe responsable et respectueuse de chaque peuple et de chaque citoyen trace un chemin vers une mondialisation humanisée que nous souhaitons tous effectivement.
Qui, aujourd'hui, parle de l'Europe de la manière la plus forte et la plus convaincante ? Ce sont nos amis d'Europe centrale et orientale. Ils ne le font ni par naïveté, ni par angélisme, ni par intérêt, ni par méconnaissance du sujet. Ils le font plutôt au nom de cette « utopie » dont Bronislaw Geremek dit qu'elle est indispensable à un véritable engagement politique. Ils croient en un avenir qu'ils entendent bâtir avec nous ! Affirmons haut et clair que nous y croyons également et que nous partageons leur volonté, même si leur regard neuf nous invite à un retour sur nous-mêmes et sur notre passé.
Nous nous souvenons des discours prononcés à cette tribune par M. le président Vaclav Havel ou par Mme la présidente de la République de Lettonie, Vaira Vike-Freiberga, il y a quelques semaines.
Ce qui permet à un peuple de supporter l'oppression, nous disait, voilà quelques jours, Sandra Kalniete, ambassadeur de Lettonie en France, après avoir rappelé qu'elle était née en Sibérie, ce sont sa langue et sa culture.
Elle ajoutait que la culture est à un peuple ce que le visage est à une personne, c'est ce qui lui permet de se reconnaître et d'être reconnue, ce qui exprime immédiatement et profondément son identité. Cette image me paraît très forte.
Oui, bien plus qu'un marché unique dont l'intérêt n'est remis en cause par personne, nous voulons construire une Europe au sein de laquelle chaque Européen et chaque peuple puissent être identifiés comme uniques et irremplaçables.
Si les Etats candidats sont ceux qui, aujourd'hui, parlent avec le plus d'espérance de l'Union, ce sont aussi ceux qui contribuent le plus concrètement à sa construction, plus que ne le font les membres de l'Union ou le couple franco-allemand. Nous devons en prendre conscience et l'accepter en toute humilité.
Ils le font d'abord en étant candidats, c'est-à-dire en disant que ce projet, devenu pour nous un peu banal, peut plus que jamais séduire et que, s'il n'existait pas, nous devrions sans doute l'inventer.
Il existe un besoin d'Europe sur notre vieux continent, comme vous le rappeliez tout à l'heure, monsieur le ministre, mais aussi dans le monde.
Je participais, il y a quelques semaines, dans le cadre de la Fondation Robert Schuman, à une réunion de parlementaires de l'ensemble des Balkans, de l'Albanie à la Roumanie, et de la Croatie à la Grèce. Ces derniers savent mieux que personne que la diversité des races et des religions peut engendrer les plus grands malheurs. Ils ont aussi compris que l'Union européenne était « la » solution pour surmonter ces malheurs, et surtout pour éviter leur retour.
Si la construction européenne n'avait jailli des cendres des conflits franco-allemands, l'idée pourrait en être lancée aujourd'hui dans les Balkans, ce qui ne veut pas dire que tout y deviendrait simple, comme par enchantement. Cela, nous le savons aussi, puisque nous travaillons à notre propre construction depuis cinquante ans.
Les pays candidats servent aussi directement et très concrètement la construction européenne, en nous obligeant à nous poser de vraies questions que la lassitude pourrait nous faire encore éluder. C'est un service inestimable qu'ils nous rendent ainsi.
Ce que nous faisions à six, nous l'avons fait à neuf, à douze, à quinze ; pourquoi ne le ferions-nous pas à vingt-cinq, en élargissant d'ailleurs toujours la gamme des sujets que nous avons l'ambition de traiter ensemble ?
Toutefois, un moment viendra où le mieux sera l'ennemi du bien, où la complexité engendrera la paralysie. Il fallait donc un choc pour faire éclater la réalité et pour montrer que le temps n'était plus au ravaudage. Sans doute fallait-il aussi un choc pour nous permettre de mesurer le chemin parcouru et de dire combien nous en sommes fiers, ce que nous ne faisons d'ailleurs pas assez non plus.
Par conséquent, tout reste à faire pour donner tort à ceux qui, aujourd'hui, poussent à un élargissement au fil de l'eau parce qu'ils souhaitent la mort de l'idée européenne.
Oui, l'Europe doit s'élargir. Son génie, son histoire et son destin l'y invitent. Le projet européen, celui qui nous réunit tous à l'échelle du continent, doit rayonner dans le monde. L'humanisme des pères fondateurs de l'Europe leur avait très vite fait prendre conscience que l'idée de constituer un petit club fermé n'avait aucun sens.
Comme vous le rappeliez, monsieur le ministre, tout à l'heure, les accords de Yaoundé puis ceux de Lomé ont très vite confirmé ce constat. Nous sommes tous convaincus de l'importance de ces accords et, incidemment, je rappelle que l'avenir de l'Union européenne et son rayonnement mondial seront aussi fonction de notre capacité à faire vivre ces accords.
Par ailleurs, le traité de Rome prévoyait explicitement l'élargissement de l'Europe. Quelle Constitution de quel Etat a jamais présenté semblable disposition ? Dès l'origine, nous étions donc hors des normes. Sachons y demeurer et sachons continuer à innover.
Dans ces conditions, comment refuser la réunification de l'Europe ? Comment fermer notre porte à des peuples européens qui, pendant un demi-siècle, ont été retranchés de cette Europe par la force ? Réussir une Europe plus large est bien sûr plus difficile. Mais il n'y a pas d'autre solution. Sur ce point, nous avons une obligation de résultat. Comme toujours, s'agissant de la construction européenne, tout n'est qu'affaire de volonté politique, de volonté des peuples, des parlements, des gouvernants.
La Convention, venue à son heure, doit déboucher sur des propositions non seulement opérationnelles et concrètes, mais aussi - j'y insiste - sur des propositions simples, lisibles et compréhensibles par tous les Européens. Sinon, à quoi bon rêver et faire rêver d'une Europe des citoyens ?
L'idée d'une Constitution pour l'Europe a fort heureusement fait son chemin. Dire ce que l'Union doit faire et quels moyens elle doit employer ne peut choquer personne. Cela ne manifeste ni une volonté bureaucratique, ni une régression historique, ni une violation des consciences. Cela doit simplement être l'expression d'une volonté bien naturelle de peuples qui choisissent librement de s'unir. Cette démarche politique doit, de plus, être emblématique et clairement affichée.
L'étape actuelle de l'histoire de la construction européenne est aussi naturelle que le début de l'histoire des communautés qui avait vu naître un Conseil, réunissant de manière tout à fait originale - prenons-en conscience - un représentant par Etat ainsi qu'une personne chargée de rappeler à tous que l'intérêt commun qui les unissait s'ajoutait aux intérêts propres à chacun et qu'il fallait progresser en cherchant sans cesse à rendre ces différents intérêts compatibles.
Il y avait là une forme inédite de fédéralisme qui consistait, de manière tout à fait originale, à agir ensemble en étant toujours un de plus autour de la table, cette personne supplémentaire étant la Commission.
La même formule a d'ailleurs, et ce n'est sans doute pas un hasard, été reprise lorsqu'il s'est agi de mettre en place les institutions de l'Union monétaire. Le conseil des gouverneurs réunit un représentant par Etat, ainsi que le président de la Banque centrale européenne. L'idée est la même, le président de la Banque centrale jouant au sein du système monétaire européen absolument le même rôle que le président de la Commission au sein du Conseil.
Rappeler ainsi que la Commission est un membre du Conseil n'est pas inutile, ne serait-ce que pour récuser sans appel l'idée que la Commission devrait elle-même réunir un représentant de chaque Etat membre, donc devenir à son tour une sorte de Conseil bis , mais sans la Commission. Il y a là une absurdité devant laquelle il faut réagir. La Commission est membre du Conseil, elle n'est ni un nouveau Conseil, ni un Conseil bis au rabais.
La Convention doit nous proposer des institutions susceptibles de continuer à gérer ce qui relève du « commun », c'est-à-dire ce qui reste de la compétence des Etats avec mise en place de communautés. Elle doit nous proposer aussi des institutions pour mettre en oeuvre ce qui est appelé à devenir unique, donc les compétences transférées à l'Union après décision des peuples.
Au-delà des institutions, je citerai rapidement une série de sujets qui doivent également être au coeur de nos réflexions actuelles, si nous voulons - et je ne doute pas de cette volonté - réussir l'élargissement. Ces questions, que l'élargissement nous donne l'opportunité de traiter, qu'il nous condamne même à traiter dès maintenant, ne peuvent plus être éludées.
Parmi ces questions, la première, bien sûr, qui a été évoquée largement pendant ce débat est « jusqu'où l'Europe ? » La question de l'adhésion de la Turquie est posée ; demain se poseront celles de l'Ukraine ou de la Russie. Je parlais tout à l'heure des Balkans. Je pense que l'Union, affichée comme européenne, est appelée à réunir des membres qui se retrouvent dans une loi commune qu'ils acceptent librement.
J'ajoute qu'il est important que chaque membre, présent ou futur, de l'Union s'interroge pour savoir ce qu'il apporte aux autres, ce que ceux-ci peuvent attendre de lui. Il trouvera alors mieux sa place parmi eux et l'Union sera plus forte. Madame le ministre, sans doute vous souvenez-vous d'un débat que nous avions eu sur ce sujet avec des Bulgares.
Autre sujet, l'Europe de la défense doit progresser rapidement. Il n'y aura pas d'Europe vraiment politique qui ne commence par prendre en charge sa sécurité.
Les Etats-Unis militent activement auprès de chacun des candidats à l'Union pour qu'ils participent prioritairement à la seule vraie alliance politique à leurs yeux, l'Alliance atlantique. Ils militent donc pour que les candidats rejoignent rapidement l'OTAN.
L'Union européenne entend être un pilier majeur de cette Alliance atlantique ; elle doit le faire comprendre d'urgence aux candidats : leur participation aux institutions de défense de l'Union européenne est, pour eux, vitale.
L'Union européenne ne dispose pas d'un budget digne de ce nom. Comment peut-on parler de démocratie, alors que les dépenses sont votées par le Parlement européen et les recettes par les parlements nationaux ? Comment peut-on parler du principe, fondamental en démocratie, du consentement à l'impôt, alors qu'on demande simplement aux Etats de cotiser à l'Union sans leur donner le moindre droit de regard sur les dépenses de cette Union ?
Cette situation nourrit par ailleurs tous les réflexes anticommunautaires qui s'appuient sur le principe du « retour net », principe qu'il faut condamner définitivement. Mais pour cela, il faut que l'Europe dispose d'un vrai budget.
Je souhaite évoquer rapidement la politique agricole commune, la PAC, dont il ne faut plus ajourner la réforme.
Les Etats candidats ont une agriculture dont la situation rappelle étrangement celle des membres de l'Union lorsque la PAC a été fondée, à ceci près que notre PAC d'origine reposait sur un choix de société : les consommateurs acceptaient de payer les produits alimentaires à un prix tel qu'ils contribuaient à assurer la sécurité quantitative et sanitaire de leur alimentation, sa qualité et l'équilibre du monde rural.
Depuis, la PAC a été complètement dénaturée lorsqu'ont été mises en place des aides directes à l'américaine, qui reprenaient la formule du deficiency payment et n'avaient rien à voir avec la logique de la PAC.
L'élargissement de la PAC, qui signifie aujourd'hui l'élargissement des aides directes, est consternant. En effet, cela ne résoudra pas le problème de pays qui ne sont pas dans la même situation que celle que nous connaissions en 1992. L'écheveau est totalement emmêlé et les choix de société ont disparu, chez nous et chez les candidats. Ils sont pourtant plus que jamais nécessaires, pour nous, comme pour eux. Ayons le courage d'y revenir maintenant, car nous n'aurons plus très longtemps la chance de pouvoir le faire. Nous ne disposons que d'un temps limité. Nous prendrions une lourde responsabilité si nous ne l'exploitions pas immédiatement et complètement.
Je me limite à ces quelques sujets très concrets : institutions, défense et sécurité, budget et PAC. Je pourrais en évoquer, bien sûr, beaucoup d'autres : l'élargissement nous offre une opportunité unique de réagir pour aller de l'avant.
Ne refusons ni l'élargissement, ce qui serait suicidaire, ni de réagir, ce qui serait nous condamner à une mort lente.
La construction européenne attend la Convention, mais elle attend surtout, et encore bien plus, la France. Elle attend que la France montre à nouveau la voie.
Enfin, nos concitoyens, en grande majorité, n'ont pas encore vraiment compris ce que représentait l'élargissement. Ils ne mesurent ni sa difficulté, ni les chances qu'il offre, ni les défis à relever, ni les enjeux en cause. Ils n'ont pas saisi non plus que la question se pose aujourd'hui. Pour eux, cette question reste un peu théorique, un peu floue. Un effort de pédagogie sans précédent doit être entrepris.
Monsieur le ministre, vous parliez fort justement de « reconquête de l'opinion publique ». Oui, il faut reconquérir l'opinion publique dans notre pays, mais il faut aussi conquérir celle des pays candidats. Ensemble, nous devons nous y employer, afin que l'Europe soit vraiment, pour reprendre l'expression de M. Tandar, ambassadeur d'Afghanistan auprès de l'Union européenne, « non pas un tiroir-caisse, mais un trésor d'idées et de cultures, une éthique, une vision, un projet pour l'avenir du monde ». (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Robert Badinter applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés au nom des groupes politiques de la qualité de leurs interventions. Mme Bidard-Reydet, MM. Vinçon, de Montesquiou, Jacques Blanc, Badinter et Badré ont confirmé par leurs propos la haute tenue de ce débat, engagé par les présidents Haenel et Dulait.
Je souhaite répondre en particulier aux questions concernant la politique étrangère et la défense, mais aussi le schéma institutionnel futur, avant de passer la parole à Mme Noëlle Lenoir, qui répondra, aux autres importantes questions soulevées ce matin.
Dans son intervention consacrée à la politique étrangère et à la défense, M. Vinçon a posé trois questions, toutes essentielles.
La première est de savoir comment concilier l'ambition ou le volontarisme politique et le nombre. Comme le remarque également, à juste titre, le président Dulait, tous les Etats membres n'ont pas la même ambition internationale pour l'Europe. J'en conviens avec eux. C'est la raison pour laquelle la France considère qu'il faut introduire dans la diplomatie européenne plus de direction ou de leadership, ainsi que plus de permanence. Nos propositions en faveur d'un président élu du Conseil européen et d'un ministre des affaires étrangères répondent à cet objectif de volontarisme.
La deuxième question de M. Vinçon porte précisément sur ce ministre des affaires étrangères européen.
Je suis convaincu qu'il faut aujourd'hui dépasser le statut, quelque peu subordonné, du Haut représentant pour en faire un responsable politique à l'égal des membres du Conseil, dont il doit présider les travaux pour ce qui concerne les ministres des affaires étrangères. Le ministre européen doit clairement relever du Conseil : c'est de lui qu'il tire son mandat et la légitimité de son action ; c'est au Conseil qu'il rend compte, sous l'autorité du Conseil européen incarnée par son président élu.
Pour être efficace, la politique étrangère européenne doit pouvoir utiliser de manière cohérente l'ensemble des moyens à sa disposition, y compris les moyens d'action extérieure de la Communauté européenne, dont la gestion incombe à la Commission. Il est donc indispensable que le ministre européen des affaires étrangères puisse recourir, en tant que de besoin, aux moyens communautaires, notamment budgétaires ou commerciaux. Nous devrons donc veiller à définir les articulations nécessaires à cette fin.
La troisième question de M. Vinçon est consacrée aux moyens militaires et aux questions d'armement. J'ai souligné dans mon intervention que nous souhaitions promouvoir une sorte de pacte de convergence des dépenses de défense, souscrit volontairement par les Etats membres, en augmentant l'effort d'équipement et en rationalisant l'allocation des ressources. Nous réfléchissons à la possibilité de fixer dans ce domaine un ou des objectifs de convergence afin que chacun participe à l'effort commun.
Cette approche commune pourrait, le cas échéant, faire l'objet d'une coopération renforcée. Il me paraît essentiel également de développer une politique multisectorielle de l'armement afin de développer l'harmonisation des besoins opérationnels et la préparation du futur, en renforçant notre base industrielle et technologique de défense et en progressant vers un marché européen de l'armement. Une agence européenne de l'armement pourrait être créée à cette fin, sur la base des mécanismes de coopération existants.
J'en viens à présent aux questions institutionnelles. M. Badinter, en particulier, a publié voilà quelques semaines un schéma de Constitution qu'il a bien voulu nous présenter ce matin. Ce projet repose, entre autres ambitions, sur une volonté affirmée de dépasser les catégories institutionnelles de l'Union actuelle, pour bâtir un nouveau système articulé autour de deux personnalités.
Un président de l'Union serait en quelque sorte le visage de l'Europe et son garant moral. Il serait assisté d'un Premier ministre qui serait le responsable de la machine européenne, en dirigeant à la fois les travaux du Conseil des ministres et ceux de la Commission.
La réflexion de M. Badinter va droit à l'essentiel et identifie de manière très précise les défauts du système actuel de présidence semestrielle du Conseil. Il vise à corriger les inconvénients résultant de la multiplication de personnalités exerçant un rôle de président : à la tête du Conseil européen, du Conseil des ministres, de la Commission et du Parlement européen. Cette proposition est très intéressante et l'idée d'un magistère moral est bien dans la ligne de la conception humaniste de l'Europe que nous voulons bâtir.
Pour sa part, le Gouvernement a choisi de retenir, à ce stade des travaux de la Convention, des options fondées à la fois sur l'expérience, les acquis et les réussites des institutions.
Je ne crois pas que les développements de l'Europe aient encore atteint le point où le Conseil et la Commission puissent aujourd'hui partager un président commun. Dans le système communautaire, l'indépendance et l'autonomie de la Commission sont le garant de la neutralité de ses positions, qui ne doivent être inspirées que par le souci de l'intérêt général européen. En outre, le partage dans le système européen du pouvoir exécutif comme du pouvoir législatif obéit à des règles très différentes de celles que l'on observe dans les Etats classiques. Les institutions inventées par les pères fondateurs de l'Europe répondent aux besoins très spécifiques de ce système original pour ce qui concerne la méthode communautaire. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a choisi de concentrer ses propositions sur la dimension institutionnelle de la politique étrangère et de la défense, où tant la méthode communautaire que la méthode intergouvernementale ont amplement montré leurs limites. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE. - M. Robert Badinter applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, le débat que vous avez engagé est de ceux qui confortent notre démocratie. Les questions sont en effet majeures : quelle Europe voulons-nous pour demain, pour quoi faire et comment ? Les réponses sont urgentes et concernent en particulier la représentation nationale.
Comme M. Dominique de Villepin, je tiens à saluer et remercier les intervenants à ce débat, qui a été des plus enrichissants.
Eu égard au mode de fonctionnement de la Convention, comme l'a souligné le président Haenel, il est particulièrement important, pour Dominique de Villepin comme pour moi, d'établir ainsi un contact étroit et constant avec vous sur ces questions fondamentales pour l'avenir de notre pays. C'est d'ailleurs dans cet esprit que je me rendrai, ce soir même, auprès de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Plusieurs interventions, notamment celles de Mme Bidard-Reydet et de M. de Montesquiou, ont mis l'accent sur l'exigence de démocratie. Cette exigence passe-t-elle par la ratification par référendum du texte qui sera issu des propositions de la Convention et élaboré par la Conférence intergouvernementale ? Pourquoi pas ? Ce sera au Président de la République d'en décider. Mais ce n'est pas dans cette assemblée que j'ai besoin de rappeler que la démocratie ne se résume pas au seul référendum.
Votre Haute Assemblée illustre d'ailleurs aujourd'hui tout l'intérêt qu'il y a à mieux impliquer les parlements nationaux dans le débat européen. C'est dans cet esprit que nous avons très favorablement accueilli plusieurs des propositions importantes figurant dans les rapports des premiers groupes de travail à la Convention. Ainsi, la création d'un mécanisme d'alerte précoce permettant d'impliquer les parlements nationaux dans le contrôle de subsidiarité, selon des règles qui restent à définir, monsieur Badinter, nous semble très intéressante. Ce contrôle serait mis en oeuvre bien avant l'adoption de l'acte - directive ou règlement - par le Conseil, d'où son intérêt !
De même, nous soutenons l'idée d'un Congrès qui, sans devenir une deuxième chambre susceptible de rendre encore plus complexe la procédure législative, tiendrait, à intervalles réguliers, une réunion de parlementaires nationaux et européens et permettrait notamment de débattre, chaque année et solennellement, de l'état de l'Union. C'est une idée qui nous paraît très riche. Nous n'oublions pas pour autant l'importance, que M. de Montesquiou a eu raison de rappeler, du contrôle des gouvernements par les parlements nationaux, contrôle qui n'a pas cependant à être régi par l'échelon européen.
La démocratie en Europe, c'est d'abord l'intervention d'élus dans le processus décisionnel. Mais c'est aussi, vous avez été nombreux à le rappeler, le respect de la minorité et des droits des individus. Dans la France d'aujourd'hui, tout particulièrement au Sénat, il n'est pas nécessaire d'opposer, comme le faisait jadis Victor Hugo, qui fut l'un des vôtres, le droit et la loi.
En Europe même, le respect des droits fondamentaux, l'affirmation de l'Etat de droit peuvent encore être consolidés. Nous pensons qu'il est possible à cet égard d'améliorer nettement le dispositif de la protection des droits fondamentaux des citoyens dans l'Europe.
Ainsi, et cela a été souligné à plusieurs reprises, un consensus se dégage sur l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la Constitution. Nous y sommes, nous aussi, résolument favorables.
Cette réforme consacrerait la vocation de l'Europe comme promoteur de la défense des droits de l'homme. A cet égard, la Charte pourrait trouver, selon nous, une plus large application si étaient retenues les propositions que nous avons faites sur une ouverture encadrée du droit de recours des particuliers devant la Cour de justice de Luxembourg. Ce serait à notre sens une avancée non négligeable.
Plus de démocratie passe également, mais pas seulement, par un rôle accru du Parlement européen. Il faut donc conforter sa position de colégislateur, tout en prévoyant une simplification des procédures.
Le comité des régions ne sera pas oublié non plus, monsieur Blanc. Il sera inclus dans cette réflexion sur l'équilibre institutionnel démocratique de l'Union.
Mme Bidard-Reydet a évoqué pour sa part la création d'un groupe de travail en matière sociale. Comme M. Badinter l'a dit, nous avons demandé et obtenu, lors de la dernière session plénière de la Convention, la création d'un groupe de travail sur l'Europe sociale. Les conventionnels représentant l'exécutif ont d'ailleurs d'ores et déjà déposé une contribution écrite qui comprend des propositions précises quant à la recherche d'un équilibre entre efficacité du marché et impératifs de cohésion sociale et territoriale, notamment par une meilleure coordination des politiques économiques et des politiques de l'emploi.
Cette contribution prévoit également une approche des règles de concurrence et de compétitivité qui, selon votre souhait, intègre le progrès social et la préservation des services publics, ainsi que la constitution d'un socle minimal de droits sociaux.
M. Badré a, pour sa part, évoqué plus spécifiquement la problématique de l'élargissement. Nous pensons, comme lui, que l'élargissement a, parmi ses mérites, celui de nous obliger à nous concentrer sur une réforme institutionnelle de grande ampleur, sans laquelle l'Europe deviendrait ingouvernable.
M. Badré va plus loin, puisqu'il pose également la question de l'impôt européen, qui constitue, il est vrai, un pilier de toute démocratie et le fondement même de la légitimité démocratique de toute entité politique. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement examine à l'heure actuelle avec un esprit ouvert l'opportunité d'un tel impôt communautaire.
Comme le souligne également M. Badré, l'élargissement est la donnée qui sous-tend l'ensemble de la construction de l'avenir de l'Europe, notamment l'avenir d'une de ses politiques fondatrices, à savoir la politique agricole commune, la PAC. Avec l'accord obtenu par le Président de la République à Bruxelles, nous avons, vous le savez, pérennisé le financement de la dépense agricole au moins jusqu'en 2013, de même que nous avons garanti la non-remise en cause de l'accord de Berlin jusqu'à 2006.
Pour la période 2007-2013, il faudra, vous l'avez souligné, examiner quel type de politique agricole commune nous voulons pour maintenir une ligne d'action ambitieuse et réfléchie, tout en respectant les niveaux de dépense agréés à Bruxelles. Cela passera nécessairement, monsieur le sénateur, vous avez eu raison de le souligner, par une réforme de certains mécanismes. Nous veillerons, en tout état de cause, à maintenir une politique commune efficace et ambitieuse pour l'agriculture européenne.
Monsieur Badré, vous avez aussi souligné l'importance des réseaux transeuropéens dans la construction de la grande Europe. Cette politique se développe, il est vrai, à nos yeux, à un rythme insuffisamment rapide. Les 2,78 milliards d'euros prévus pour la période 2000-2006 devront être concentrés sur la traversée des barrières naturelles et la lutte contre les goulets d'étranglement. Ces priorités, qui sont celles de la Commission, reflètent bien les intérêts français et la politique de notre pays, telle qu'elle ressort, par exemple, du relevé de conclusions signé lors des récentes rencontres franco-italiennes de jeudi dernier. Je pense en particulier à la liaison ferroviaire Lyon - Turin, dont l'intérêt n'a pas besoin d'être souligné ici.
M. Denis Badré. Merci, madame !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. La construction de l'Europe de demain ne passe pas seulement par la création de réseaux sur le continent européen. Elle suppose en outre de réussir le partenariat stratégique - et non seulement économique - que nous avons lancé avec nos partenaires méditerranéens. Et je remercie donc M. Jacques Blanc d'avoir posé la question.
Le processus de Barcelone, lancé en 1995, est l'instrument qui permet de réussir ce partenariat. L'élargissement nous impose désormais de faire preuve de vitalité dans la conduite de ce processus. C'est ce que la présidence espagnole, fortement soutenue par nous, a déjà fait valoir lors de la conférence de Valence, en avril dernier, en adoptant un plan d'action pour relancer ce processus.
Il faut mettre en oeuvre, à cette fin, un plan charpenté et orienté vers le développement économique et les échanges humains. Vous n'ignorez pas que, hélas ! le volet politique du dialogue euroméditerranée connaît certains blocages en raison de la situation au Proche-Orient. Nous espérons donc vivement que les présidences grecque et italienne, qui vont se succéder l'année prochaine, permettront de surmonter ces difficultés, car il est essentiel pour nous de relancer sans délai la dynamique euroméditerranéenne.
En conclusion, mesdames, messieurs, je souhaite vous redire notre conviction profonde : la France a inventé la Communauté, devenue l'Union européenne. Elle a construit, avec ses partenaires, une organisation hors du commun, sans précédent dans l'histoire. Qu'est-ce que l'Europe ? Une union sans cesse plus étroite entre les peuples - c'est certain -, une fédération d'Etats-nations sans doute. Le paradoxe est riche de sens. L'Europe c'est aussi, et surtout, une fédération des légitimités démocratiques et des valeurs humanistes. Les peuples, les Etats, l'idéal européen, ses valeurs de diversité et d'universalité : voilà ce qu'est l'Europe.
Notre propre histoire de puissance européenne, de puissance maintenant attachée au respect du droit et à un certain ordre sur le continent européen, nous impose plus que jamais un devoir politique et moral, celui de continuer à jouer un rôle majeur dans la construction de l'Europe, dans la refondation de l'édifice de l'Europe élargie de demain.
C'est ce que nous nous engageons à faire, le Président de la République, le Premier ministre, Dominique de Villepin et moi, maintenant, sans délai, au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe d'abord, puis au sein de la conférence intergouvernementale qui lui succédera. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Rassurez-vous, je ne vais pas relancer le débat. Je veux seulement, au nom du président de la commission des affaires étrangères et en mon nom, remercier tous les orateurs qui sont intervenus au nom des différents groupes.
Ce débat, qui a été voulu et qui était attendu, a été salutaire, et l'avenir de l'Europe méritait bien les trois heures de discussion que nous y avons consacrées. Cela prouve, s'il en était besoin, que le Gouvernement, à travers vous, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, ainsi que le Sénat attachent beaucoup d'importance aux travaux de la Convention. Il n'y a pas un jour où mes collègues ne m'interrogent sur ce point !
Le débat d'aujourd'hui nous a permis de faire un tour d'horizon général. Les groupes ont pu exprimer leurs interrogations, leurs inquiétudes et leurs suggestions. M. Badinter et moi-même, qui sommes les « conventionnels » du Sénat, puisque nous représentons le Sénat à la Convention, ressentions également le besoin d'ancrer et d'enraciner nos positions dans un débat de qualité, tel celui que nous venons d'avoir. Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, je vous en remercie. (Applaudissements.)
M. le président. Je m'associe très volontiers aux remerciements qui viennent de vous être adressés, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée. Je remercie également MM. Haenel et Dulait ainsi que tous ceux qui sont intervenus dans ce débat, qui a été d'une très grande tenue et qui fait honneur au Sénat ! (Applaudissements.)
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

7

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. René Garrec, Jean-Jacques Hyest, Patrice Gélard, Laurent Béteille, Georges Othily, Mme Michèle André et M. Robert Bret.
Suppléants : MM. Nicolas Alfonsi, Robert Badinter, Christian Cointat, Bernard Saugey, Jean-Pierre Schosteck, Simon Sutour et François Zocchetto.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Robert Castaing, qui fut sénateur du Gers de 1989 à 1998.

9

MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE

M. Jean-Marie Poirier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Poirier.
M. Jean-Marie Poirier. Monsieur le président, pour des raisons impératives, je n'ai pu être présent mercredi dernier, en fin de séance, lors du vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République. Or j'ai eu la désagréable surprise de constater que j'avais été porté comme n'ayant pas pris part au vote, alors que j'avais pris le soin de laisser expressément un pouvoir.
Je souhaite donc simplement indiquer publiquement aujourd'hui que j'ai, en fait, apporté mon soutien sans réserve au texte du Gouvernement, tel qu'il résultait des travaux de notre assemblée.
M. le président. Mon cher collègue, acte vous est donné de cette mise au point, qui figurera au Journal officiel.

10

RESPONSABILITÉ CIVILE MÉDICALE

Adoption des conclusions modifiées

du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 49, 2002-2003) de M. Jean-Louis Lorrain, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi (n° 33, 2002-2003) de M. Nicolas About relative à la responsabilité civile médicale.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative à la responsabilité civile médicale déposée le 25 octobre dernier par notre collègue Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, vise à apporter une première réponse aux difficultés que connaît aujourd'hui l'assurance en responsabilité civile médicale.
Comme vous le savez, ces difficultés sont anciennes. Contrairement à ce qui est parfois avancé, elles sont malheureusement bien antérieures à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Elles tiennent, notamment, au développement important du contentieux médical et à une jurisprudence de plus en plus souvent défavorable aux professionnels de santé. Elles proviennent également de facteurs propres au monde de l'assurance et des difficultés que ce secteur connaît depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Ces difficultés ont aujourd'hui un retentissement direct sur le fonctionnement de notre système de santé : le retrait, très médiatisé, de plusieurs compagnies d'assurance du marché de la responsabilité civile médicale prive de nombreux médecins libéraux, la moitié des cliniques privées et certains hôpitaux publics de la possibilité de s'assurer.
Si rien n'était entrepris, cette situation pourrait, dès le 1er janvier 2003, interdire à ces professionnels et à ces établissements de santé de poursuivre leur activité.
Cette situation génère une inquiétude bien compréhensible et, comme l'a vu récemment, des mouvements sociaux chez les professionnels de santé et au sein des établissements, qui voient dénoncer les contrats d'assurance qui les couvraient jusqu'alors.
Le Gouvernement a rapidement pris les mesures du péril qui menaçait ainsi des pans entiers de notre système de santé. Après avoir largement consulté les représentants du système de soins, les assureurs et les associations de malades, qu'il a réunis lors d'une table ronde le 7 octobre dernier, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a annoncé qu'une modification de la loi du 4 mars 2002 apparaissait nécessaire, afin d'inciter les assureurs à revenir sur le marché de la responsabilité civile médicale.
Tel est précisément l'objet de la proposition de loi déposée par le président de la commission, Nicolas About. Issue largement de cette concertation, elle vise à rétablir le bon fonctionnement du marché de l'assurance en responsabilité civile médicale, tout en préservant les droits des malades, notamment des victimes d'infections nosocomiales.
Afin de rendre véritablement effective l'obligation d'assurance des professionnels et établissements de santé, introduite par la loi du 4 mars 2002, il est en effet apparu nécessaire à l'auteur de cette proposition de loi ainsi qu'à votre commission d'adapter les conditions de mise en cause de la responsabilité de ces derniers et les conditions d'intervention de leurs assureurs. Il serait vain, en effet, d'imposer une obligation d'assurance si aucun assureur n'est disposé à couvrir le risque médical.
L'article 1er de la proposition de loi tend ainsi à opérer un partage de la réparation financière des dommages qui résultent d'infections nosocomiales entre les assureurs et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l'ONIAM, institué par la loi du 4 mars 2002.
Est appelée infection nosocomiale, rappelons-le, toute infection qui apparaît au cours ou à la suite d'une hospitalisation, alors qu'elle était absente à l'admission dans l'établissement de santé. Lorsque l'état infectieux du patient à l'admission est inconnu, l'infection est classiquement considérée comme nosocomiale si elle apparaît après un délai de quarante-huit heures d'hospitalisation.
On distingue plusieurs types d'infections nosocomiales, qui relèvent de modes de transmission différents : les infections d'origine endogène : le malade s'infecte avec ses propres germes, à la faveur d'un acte invasif ou en raison d'une fragilité particulière ; les infections d'origine exogène : il peut s'agir soit d'infections croisées, transmises d'un malade à l'autre par les mains ou les instruments de travail du personnel médical ou paramédical, soit d'infections provoquées par les germes portés par le personnel ou les visiteurs, soit d'infections liées à la contamination de l'environnement hospitalier - l'eau, l'air, le matériel, l'alimentation, etc.
Selon une enquête réalisée en 2001 par l'Institut de veille sanitaire auprès de 1 533 établissements de santé, publics ou privés, regroupant 78 % des lits d'hospitalisation en France, 7 % des patients hospitalisés avaient contracté cette année-là une infection nosocomiale lors de leur séjour.
Votre gouvernement a décidé des réductions d'impôts qui favorisent les plus aisés, en même temps que la mise en extinction des emplois aidés CES, CEC, emplois-jeunes. Il a réformé la réduction du temps de travail et envisage de réduire la porté du texte sur la modernisation sociale. Tout cela n'annonce rien de bon, surtout au moment où le nombre de bénéficiaires du RMI recommence à augmenter : plus 1 % au cours des six premiers mois de 2002, soit plus d'un million d'allocataires comptabilisés fin juin, dont 31,7 % n'ont aucun autre moyen de subsistance, soit 2,4 % de plus que six mois auparavant. Non seulement la situation ne s'améliore pas, mais elle s'aggrave.
Quant à la CMU, nous regrettons qu'elle ne soit toujours pas ouverte de droit aux bénéficiaires de l'allocation pour adulte handicapé, ni à ceux de l'allocation de parent isolé, ni à ceux du minimum vieillesse. La participation de l'Etat est en hausse de 2,7 % par rapport au budget initial pour 2002, mais en baisse de 13,7 % si l'on tient compte de la loi de finances rectificative.
Tout confirme, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, que nous sommes loin, avec ce budget, de mettre en oeuvre une véritable politique de santé publique à la hauteur des défis.
Si ces crédits modestes ne disent pas clairement ce qu'est votre politique de santé, renvoyée, pour leur utilisation réelle, à des conférences ou projets de loi futurs, les récentes déclarations de M. Barrot, sont, elles, plus explicites. Vous vous êtes voulu rassurant mardi derniere, monsieur le ministre. Mais M. Barrot est resté sur ses positions en indiquant, dès le lendemain, qu'« il faudra mieux préciser les contours du panier de soins, chantier confié » - par vous - « à M. Chadelat ».
Il ne faut pas tenter de tromper nos concitoyens. Personne ne met en cause l'assurance complémentaire en soi. Tout le monde sait son importance, mais tout le monde comprend aussi ce qu'il y a à comprendre, malgré les discours divers et contradictoires.
Vous dites vous-même que l'augmentation des dépenses de santé est inéluctable. Il faut comprendre, je l'espère, que cette appréciation vaut pour tout le monde, y compris les plus modestes.
M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Evidemment !
Mme Jacqueline Fraysse. Vous dites aussi qu'il y a un problème de recettes insuffisantes pour la protection sociale, mais vous ne proposez aucune modification de l'assiette en vue de financements nouveaux.
Dans ce contexte, le dispositif qui résulterait de la présente proposition de loi distingue, d'une part, les infections nosocomiales ayant généré de faibles dommages, qui resteraient couvertes par les assureurs des professionnels et des établissements et dont le régime d'indemnisation n'est pas modifié et, d'autre part, les infections nosocomiales ayant généré des dommages graves, qui seraient indemnisées par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.
Naturellement, ce dispositif ne remet en cause en aucune façon le niveau de garantie et d'indemnisation dont bénéficieront les victimes d'infections nosocomiales. Il répartit simplement de manière plus équilibrée la charge financière que représente cette indemnisation.
Comme le souligne l'auteur de la proposition de loi, une telle modification de la loi du 4 mars 2002 n'est cependant possible que si l'incitation des établissements à maîtriser le risque nosocomial est parallèlement renforcée. Le risque serait évidemment que le transfert à la charge de la solidarité nationale de l'indemnisation des dommages graves provoqués par les infections nosocomiales ne contribue à déresponsabiliser les établissements de santé et l'ensemble des personnels soignants. Tel n'est évidemment pas l'objet de la proposition de loi.
La lutte contre les infections nosocomiales constitue, aux yeux de la commission des affaires sociales du Sénat, un enjeu essentiel de santé publique. Les efforts menés depuis une vingtaine d'années pour sensibiliser l'ensemble des équipes aux mesures d'hygiène et d'asepsie qui permettent de prévenir ces infections doivent, à l'évidence, être poursuivis et accentués. Comme l'a souligné avec raison l'auteur de la proposition de loi, les infections nosocomiales ne sont pas une fatalité.
C'est la raison pour laquelle la proposition de loi, dans son article 1er, maintient la possibilité d'un recours subrogatoire de l'ONIAM contre l'assuré responsable de l'infection nosocomiale en cas de faute établie à l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales.
De même, ce texte prévoit que les commissions régionales d'indemnisation informeront le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation compétent, ainsi que l'ONIAM, des infections nosocomiales dont elles auront connaissance et qui présentent le caractère de gravité requis pour ouvrir droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale.
Dans un souci de transparence accrue, l'article 1er prévoit également que l'ONIAM adressera au Parlement et à la Commission nationale des accidents médicaux, placée auprès des ministres chargés de la santé et de la justice, un rapport semestriel sur les infections nosocomiales dont il a aura eu connaissance. Ce rapport sera rendu public et sera, dès lors, accessible à tous.
Loin d'alléger la responsabilité qui pèse sur les professionnels et établissements de santé en matière d'infections nosocomiales, le dispositif proposé fait peser sur ceux d'entre eux qui se rendraient coupables de fautes ou de négligences la double menace d'une action subrogatoire de l'ONIAM et d'une publicité qui, il faut le dire, serait particulièrement dissuasive.
L'article 2 de la proposition de loi tend à reporter l'application des dispositions pénales introduites par la loi du 4 mars 2002, applicables aux professionnels et établissements de santé en cas de manquement à l'obligation d'assurance. Il précise ainsi que ces dispositions entreront en vigueur à une date prévue par le décret créant le bureau central de tarification, et au plus tard le 1er janvier 2004.
L'article 3, introduit sur l'initiative de la commission et qui ne figurait donc pas dans la proposition de loi initiale, tend à lever toute ambiguïté quant à la date d'application du dispositif d'indemnisation de l'aléa thérapeutique mis en place par la loi du 4 mars 2002. Il confirme l'intention du législateur, pour qui ce dispositif s'applique aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales survenus au plus tôt six mois avant la publication de la loi, soit postérieurement au 5 septembre 2001.
Les articles 4 et 5 définissent les modalités d'une limitation dans le temps de la durée de garantie des contrats d'assurance de responsabilité civile médicale, concrétisant ainsi le souhait qui avait été formulé par le Sénat, sur l'initiative de votre rapporteur, lors de l'examen du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité de système de santé.
L'article 4, qui constituait l'article 3 de la proposition de loi, modifie le code des assurances afin d'adapter les contrats de responsabilité civile médicale à la spécificité des dommages consécutifs à des accidents médicaux, dommages qui peuvent survenir de nombreuses années après la réalisation des actes de soins.
Enfin, l'article 5, qui figurait dans la proposition de loi sous la forme d'un article 4, définit les modalités d'entrée en vigueur des dispositions issues du nouvel article 4.
Une indemnisation des infections nosocomiales mieux partagée, des professionnels et des établissements de santé rassurés et effectivement assurés, les droits des victimes préservés : l'adoption de la présente proposition de loi devrait contribuer, en restaurant le marché de la responsabilité civile médicale, à préserver la pérennité et la qualité de notre système de soins. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. - M. le président de la commission applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de vous transmettre les excuses de M. Mattei qui, vous l'imaginez, souhaitait participer à la discussion de cette proposition de loi, mais qui s'en trouve empêché, retenu qu'il est en ce moment par la présentation à l'Assemblée nationale du budget du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.
Il m'a chargé de le représenter pour l'examen d'une proposition de loi dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle conditionne à très court terme le fonctionnement même de notre système de santé.
Je veux d'ailleurs remercier très vivement, au nom du Gouvernement, M. le président de la commission des affaires sociales d'avoir pris l'initiative de déposer ce texte devant le Sénat et, ayant parfaitement saisi l'urgence de la situation, d'avoir permis son inscription rapide à l'ordre du jour de la Haute Assemblée. Je souhaite également remercier M. le rapporteur et les membres de la commission des affaires sociales de la rapidité et de la qualité de leurs travaux.
Vous l'avez rappelé à l'instant, monsieur le rapporteur, depuis plusieurs mois, l'émotion grandit et l'inquiétude gagne dans les établissements d'hospitalisation et chez les professionnels de santé, surtout chez ceux que le risque médical concerne au premier chef. Je pense, bien sûr, aux anesthésistes-réanimateurs, aux gynécologues-obstétriciens, aux chirurgiens et aux sages-femmes. Cette émotion est aussi celle des associations de malades.
La situation, vous la connaissez. Deux assureurs importants, ACE et Saint Paul, ont décidé de se désengager du marché de la responsabilité civile médicale. Ces décisions auraient pu être normalement gérées par une substitution de l'offre dans un marché normalement constitué, c'est-à-dire concurrentiel. Mais à ces assureurs s'en sont ajoutés d'autres, dans un effet de contagion qui a encore déprimé l'offre d'assurances. Je pense à Gerling ou aux Lloyd's, et la liste n'est pas close.
Si rien n'était fait, la moitié au moins des établissements de soins privés pourraient se trouver sans assurance, ainsi que probablement la quasi-totalité des gynécologues-obstétriciens et des anesthésistes.
Bien sûr, les gestionnaires d'établissements se démènent pour trouver des solutions de prorogation ou un nouvel organisme ; les syndicats de médecins, via leurs courtiers, cherchent, eux aussi, des formules alternatives. Il s'agit cependant de solutions transitoires qui ne résolvent pas le problème de fond. En effet, le marché de la responsabilité civile médicale est actuellement déstabilisé, et les assureurs s'en détournent en raison de l'ampleur des risques potentiels et de l'impossibilité dans laquelle ils se trouvent de limiter dans le temps les garanties de ces contrats, faute de dispositions législatives.
La loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades est venue se greffer sur une situation qui était déjà fragilisée. Cette loi a créé l'obligation d'assurance pour l'ensemble des professionnels, et elle a réparti le financement de l'indemnisation des dommages entre, d'une part, l'ONIAM, pour ce qui concerne l'aléa thérapeutique, et, d'autre part, les assureurs, pour ce qui concerne la faute.
Quant aux infections nosocomiales, c'est-à-dire les infections qui apparaissent au cours ou à la suite d'une hospitalisation, la loi du 4 mars 2002 a consacré la jurisprudence, qui retient une responsabilité pour faute de l'établissement, sauf à celui-ci de s'en exonérer en prouvant une « cause étrangère », ce qui est quasiment impossible.
Les compagnies d'assurance, confrontées aux exigences croissantes des réassureurs, ont alors considéré que, désormais, elle se trouvaient contraintes tout à la fois d'assurer des professionnels et des établissements qu'elles ne souhaitaient pas assurer et d'assumer l'indemnisation de dommages de grande ampleur sur des durées quasiment illimitées.
Face à cette situation, le Gouvernement n'est pas resté inactif : des échanges techniques ont eu lieu dès le mois de juillet entre les administrations - la direction du Trésor et le ministère de la santé - et les représentants des assureurs pour évaluer de très près la situation ainsi créée et identifier toutes les solutions possibles. D'autres contacts ont évidemment été pris avec les représentants des professionnels, des établissements et des associations de malades.
Le Gouvernement a souhaité trouver une solution d'équilibre conciliant la protection légitime des victimes d'accidents médicaux, la nécessité de restaurer un marché de l'assurance en responsabilité civile médicale sans lequel aucune couverture assurantielle ne peut exister et la garantie donnée aux professionnels et aux établissements de santé qu'ils pourront continuer à travailler dans la sérénité retrouvée à compter du 1er janvier 2003.
Je rappelle les principes généraux de cette solution : la limitation dans le temps des garanties définies dans les contrats ; la mise en oeuvre d'un système d'indemnisation fondé sur la réclamation et écartant les « trous de garantie » qui pénaliseraient les médecins et les établissements ; une répartition plus équitable des risques entre les assureurs et l'ONIAM, sans remettre en cause pour autant ni le principe de la présomption de faute en cas d'infection nosocomiale ni le niveau de réparation aux victimes.
M. Jean-François Mattei a organisé une table ronde le 7 octobre dernier ; il a mis en présence l'ensemble des parties concernées et a confirmé l'accord des parties en présence sur cet équilibre.
J'observe que les dispositions de la présente proposition de loi tiennent largement compte de cette concertation, et je m'en réjouis.
Le dépôt de la présente proposition de loi a déjà eu un effet concret : les établissements et les assureurs ont anticipé une dynamique de restauration du marché de l'assurance en mettant en place un « pool » destiné à assurer une couverture d'assurance à l'ensemble des établissements et professionnels non encore assurés.
Votre proposition de loi, monsieur le président de la commission, me semble tout à fait de nature à répondre au problème posé afin de sortir rapidement le système de santé de cette situation préoccupante.
Le Gouvernement sera conduit à proposer à la Haute Assemblée quelques amendements qui auront pour objet soit de préciser certains points du texte, soit d'introduire des modifications destinées à rendre plus opérationnel le dispositif qui résultera de vos travaux.
Je terminerai mon propos en soulignant combien les mesures qui sont examinées par la Haute Assemblée cet après-midi sont cruciales pour la restauration de la confiance des 55 000 médecins spécialistes libéraux et des 2 300 établissements de santé. L'enjeu est simple : il s'agit de permettre aux professionnels de santé de continuer à effectuer en toute sérénité des accouchements, des interventions chirurgicales graves et des actes d'anesthésie dans un peu plus d'un mois.
Ce sera un soulagement pour celles et ceux qui accomplissent déjà une tâche difficile de pouvoir continuer à travailler sans être menacés sur leurs biens propres pour la réparation d'éventuelles fautes médicales, lesquelles sont malheureusement le lot de toute activité humaine.
Ce sera aussi un soulagement pour les associations de malades, qui verront garantis les droits à indemnisation.
Au nom du Gouvernement, je remercie de nouveau la Haute Assemblée de contribuer ainsi à rétablir la confiance parmi les professionnels de santé. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. - M. le président de la commission ainsi que M. le rapporteur applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Francis Giraud.
M. Francis Giraud. Menace de retrait des compagnies du secteur de l'assurance en responsabilité civile médicale, augmentation prohibitive des primes des contrats déjà conclus, tels sont les faits qui risquaient, monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, de conduire, dès janvier 2003, à la cessation d'activité de certains professionnels et établissements de santé. Tels sont les faits qui risquent aussi de confirmer une tendance à la désaffection de certaines spécialités que l'on constate chez les futurs professionnels de santé.
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans son titre IV, avait pour objectif de régler les problèmes posés par les risques sanitaires et leur réparation. Ce texte attendu, louable dans ses intentions, n'a pas tout résolu, loin s'en faut ! L'obligation d'assurance et les remous provoqués par l'arrêt Perruche ont exacerbé les positions des uns et des autres, notamment des médecins radiologues et échographistes.
Les raisons d'une telle situation ont été déjà recensées : une augmentation des recours, une jurisprudence souvent défavorable aux professionnels et une médiatisation importante, voire excessive, des aléas médicaux.
Comme il vient d'être rappelé, compte tenu de cette crise, M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées a consulté les différents acteurs, avant d'annoncer qu'une modification de la loi du 4 mars 2002 était nécessaire.
Le président de la commission des affaires sociales du Sénat, M. Nicolas About, a donc déposé la proposition de loi soumise à notre examen aujourd'hui, qui tend à favoriser le bon fonctionnement de l'assurance, en préservant les droits des malades. Ce texte a été excellemment rapporté par notre collègue M. Jean-Louis Lorrain, qui vient de préciser devant nous les aspects juridiques de cette question.
Le praticien que je suis souhaite revenir sur certaines conséquences de ces désordres relationnels, dangereuses pour l'avenir de notre système de santé.
En effet, le législateur peut bien s'efforcer de préserver la relation « soignés-soignants », rien ne changera fondamentalement sans une prise de conscience de la réalité.
Les infections nosocomiales justifient à elles seules que des mesures draconiennes d'hygiène soient prises.
Bien sûr, des négligences se produisent. Il n'est pas question d'absoudre ceux qui les commettent ! Encore faut-il, cependant, rappeler les conditions de travail dans lesquelles elles se produisent et corriger le mal à la racine : des services hospitaliers publics et privés surchargés,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. Francis Giraud. ... des horaires exagérément lourds,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. Francis Giraud. ... une insuffisance de postes, rien de tout cela ne permet un exercice serein de la médecine.
Selon les chiffres publiés dans le dernier rapport du conseil médical du Groupe des assurances mutuelles médicales, le GAMM, sur un total de 127 576 médecins sociétaires, libéraux et salariés confondus, le nombre de recours s'élevait, l'an dernier, à 2 255.
Certaines spécialités, et donc certains spécialistes, sont plus exposés que d'autres. Ainsi, les chirurgiens, d'après les mêmes sources, figurent en première ligne, avec un taux de recours de près de 10 %. Viennent ensuite les gynécologues-obstétriciens et les anesthésistes-réanimateurs. Or, dans les trois spécialités ainsi concernées, on constate que la démographie des candidats est en chute libre.
Vous me permettrez d'insister particulièrement sur le problème de la gynécologie-obstétrique. Le suivi de la grossesse, la qualité des accouchements, la prise en charge des nouveau-nés sont les éléments déterminants de la prévention des handicaps. Or la spécialité est menacée. Les conséquences peuvent être dramatiques, avec la naissance possible d'enfants souffrant de désordres neurologiques graves.
La proposition de loi qui vous est soumise tend à rétablir un équilibre entre les différents acteurs. Des amendements du Gouvernement et de la commission des affaires sociales permettront de préciser de nouvelles modalités d'indemnisation et de réparation.
Nous voterons ce texte, dans l'attente de la réorganisation d'un système de santé qui, s'il est considéré comme étant le meilleur du monde, est pourtant fréquemment mis en cause.
La semaine dernière à Marseille, M. le ministre de la santé a annoncé qu'il entreprenait l'élaboration d'une loi de programmation quinquennale relative à la santé publique, comprenant l'éducation à la santé.
Si les professionnels de la santé et les établissements doivent être exigeants en matière de sécurité, il relève de la responsabilité du patient de renoncer à assimiler l'acte médical à une simple prestation de services.
Il faut expliquer au citoyen, dès son plus jeune âge, que le risque zéro n'existe ni pour les médicaments ni pour les interventions. En clair, il faut simplement rappeler que le mieux est souvent l'ennemi du bien.
Sur cette voie difficile, les sénateurs du groupe du Rassemblement pour la République accompagneront et soutiendront le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. - M. le président de la commission et M. le rapporteur applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons tente d'apporter une réponse législative à la désertion de grands groupes d'assurances, américains notamment, généralistes ou spécialisés du marché de l'assurance en responsabilité civile et médicale.
Il est vrai que, à la suite de l'adoption le 4 mars 2002, de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, les assureurs, en résiliant tour à tour les contrats qui les liaient aux cliniques privées, aux hôpitaux et aux praticiens, font peser de graves menaces sur le fonctionnement de notre système de santé, faute de couvrir la responsabilité civile médicale.
Il est faux d'attribuer la paternité de ces difficultés, comme se plaît pourtant à le faire la Fédération française des sociétés d'assurances, à la loi Kouchner.
M. Michel Mercier. C'est un peu vrai !
M. Guy Fischer. C'est faux !
M. Michel Mercier. Les responsabilités sont partagées.
M. Guy Fischer. Vous avez voté cette loi, monsieur Mercier.
M. Roland Muzeau. Vous l'avez votée puisqu'elle a été adoptée à l'unanimité !
M. Michel Mercier. Pour une fois que nous faisons la même erreur ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Très justement, l'exposé des motifs de la proposition de loi, comme vous-même, monsieur le rapporteur, indique que les handicaps rencontrés par ce secteur sont bien antérieurs à la loi incriminée.
Ils proviennent en partie de l'augmentation du contentieux médical, de l'instabilité jurisprudentielle, mais également de facteurs propres au monde de l'assurance, touché par la chute des marchés financiers à la suite du 11 septembre 2001.
Dans un article paru le 10 septembre dernier dans Les Echos , intitulé « Responsabilité civile : les assureurs demandent une vaste réforme », la démonstration est faite que « la question de la responsabilité civile médicale est l'arbre qui cache la forêt », le secteur de la responsabilité civile étant « dans son ensemble en crise ».
Les collectivités locales sont elles aussi touchées. Elles sont nombreuses à chercher une compagnie d'assurances pour les conséquences des dommages aux biens. Comme dans le domaine médical, les assureurs ont fortement augmenté les primes et réduit la couverture du risque.
Dans ce cas, pourquoi cédons-nous aux pressions des assurances privées qui invoquent les effet « pervers » de certaines dispositions contenues dans le volet réparations des conséquences des risques sanitaires de la loi Kouchner pour avancer sur le terrain beaucoup plus général de la responsabilité civile, afin d'obtenir le rétablissement d'une entière liberté contractuelle ?
La Fédération française des sociétés d'assurances, toujours selon ce quotidien qui a eu connaissance du mémorandum qu'elle a remis au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, veut qu'il soit mis un terme à la jurisprudence tant administrative que judiciaire qui annule les clauses des contrats limitant dans le temps la garantie de l'assureur.
Les articles 4 et 5 de la proposition de loi répondent à cette préoccupation en limitant la durée de garantie des contrats d'assurance en responsabilité civile médicale.
Les possibilités qui sont actuellement offertes au patient victime d'un accident médical pour obtenir réparation du préjudice subi ne se trouvent-elles pas réduites, monsieur le ministre ?
Lors de l'examen du texte sur les droits des malades, nous nous sommes opposés à la proposition similaire que présentait le rapporteur. Aujourd'hui, notre appréciation est tout aussi négative, voire plus encore, dans la mesure où la proposition de loi modifie deux dispositions du code de la santé publique.
Qu'il s'agisse de la définition de la responsabilité des dommages résultant d'infections nosocomiales ou de l'obligation d'assurance pour les professionnels de santé libéraux et pour les établissements de santé, il me semble, messieurs, que vous étiez favorables aux solutions consacrées par la loi Kouchner.
Vous envisagez toutefois de transférer l'indemnisation des dommages lourds causés par les infections nosocomiales des assureurs à la solidarité nationale. Selon l'auteur de cette proposition de loi, le président de la commission, M. Nicolas About, il s'agirait d'une « répartition plus équilibrée » de la charge financière des dommages nosocomiaux. Il s'agit surtout, à notre sens, de soulager les assureurs du domaine sanitaire de la prise en charge de risques lourds, pécuniairement importants.
Vous incitez fortement les compagnies d'assurance à revenir sur le marché ; l'objet de la proposition de loi est on ne peut plus clair ! Pour l'essentiel, vous faites en sorte qu'elles assurent sans risques !
Un tel mécanisme de partage, les risques lourds relevant de la solidarité nationale et les risques plus légers relevant de l'assurance privée, me rappelle des faits dont je dois vous faire part.
A l'issue de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, le chef de file de l'UMP, M. Barrot, n'a-t-il pas avancé un tel schéma concernant la couverture du risque maladie ?
Nous n'entendons pas laisser privatiser notre système de protection sociale de manière rampante, monsieur Chérioux...
M. le président. Monsieur Fischer, ne provoquez pas M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Il tient des propos si extravagants que je préfère me taire.
M. Robert Bret. Qui ne dit mot consent !
M. Guy Fischer. L'avenir le dira.
Nous n'entendons pas laisser privatiser notre système de protection sociale de manière insidieuse, louvoyante, déguisée, masquée. Nous ne voulons pas non plus adopter des dispositions qui seraient de nature à faciliter encore davantage l'entrée des assurances privées dans le domaine de la santé.
Le porte-parole du collectif interassociatif des usagers du système de santé a accusé le Gouvernement de « laisser les assureurs imposer leur vision du monde de la santé ». Ce matin, un grand quotidien national, Libération,...
M. Jean Chérioux. Un grand quotidien ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a des inexactitudes dans ce quotidien !
M. Guy Fischer. Vous voulez comparer avec Le Figaro ?
M. Paul Blanc. Avec L'Humanité !
M. Guy Fischer. Ce quotidien a titré, au sujet de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur : « Du surmesure pour les assureurs ».
Je reprends, en m'y associant, les propos d'Alain-Michel Ceretti.
M. Robert Bret. C'est du cousu main !
M. Guy Fischer. « On bénéficie aujourd'hui d'un système de sécurité sociale qui repose intégralement sur la solidarité nationale et on laisse un acteur privé le faire dérailler. C'est tout le système de santé qui est aujourd'hui à la merci des marchés financiers. Ces primes d'assurance risquent de faire exploser les honoraires et de creuser le trou de la sécurité sociale. »
M. Nicolas About, président de la commission. C'est tout à fait l'inverse du texte proposé.
M. Guy Fischer. On s'en expliquera.
Nous partageons ces craintes. Ces dérives sont d'autant plus inacceptables que le domaine de la santé n'est pas un marché comme un autre.
La singularité de la relation entre le patient et le médecin exige, au contraire, une approche dénuée de toute exigence économique.
Le traitement distinct des infections nocosomiales les plus graves envisagé par la proposition de loi aura pour conséquence de déplacer la charge financière de l'indemnisation des victimes vers un fonds public, l'ONIAM.
Pour un gouvernement et une majorité parlementaire qui font de la baisse des prélèvements obligatoires et de la maîtrise des dépenses de santé ses priorités, avouez que cela est paradoxal !
Concrètement, si vous chargez l'ONIAM d'indemniser les victimes, encore faut-il que la dotation allouée dès cette année à ce fonds par la loi de financement de la sécurité sociale soit suffisante, ce qui ne semble manifestement pas être le cas.
L'introduction de la distinction de la gravité des dommages résultant d'une infection nosocomiale soulève d'autres problèmes.
La loi Kouchner énonce clairement le principe selon lequel la responsabilité des professionnels et des établissements de santé repose sur la notion classique de faute et le principe de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale de l'aléa médical, tout en précisant, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, que les établissements de santé sont responsables des dommages résultant des infections nosocomiales, sauf s'ils apportent la preuve d'une cause étrangère.
Le présent dispositif introduit, selon nous, une certaine confusion.
L'obligation de sécurité de résultat, jusqu'alors à la base de la responsabilité des professionnels ou des établissements en matière d'infection nosocomiale, ne perd-elle pas de sa force ?
Quelles que soient les justifications avancées, malgré l'existence d'un recours subrogatoire de l'ONIAM contre l'assuré, les dispositions contenues dans l'article 1er sont de nature à déresponsabiliser les établissements et les professionnels de santé. L'exigence de qualité en matière d'hygiène ou de santé publique ne sera pas la même puisque les établissements ne se sentiront plus directement responsables de dommages dont ils n'assumeront plus la charge financière.
Certes, la proposition de loi n'est pas allée jusqu'à avancer la notion de responsabilité pour faute, moyen radical de limiter le nombre de déclarations de maladies nosocomiales et, par conséquent, le montant de l'indemnisation par les assureurs ! Toutefois, le compromis qui a été trouvé ne saurait nous satisfaire.
Les assureurs ont toujours vu d'un mauvais oeil la création du bureau central de la tarification, chargé de fixer le montant de la prime et de désigner un organisme d'assurance lorsque les professionnels de santé ne trouvent pas d'assureur. Il était pourtant légitime qu'un tel système existe dans la mesure où l'obligation d'assurance en responsabilité civile médicale était posée.
La proposition de loi règle la question, l'article 3 envisageant le report de l'application des sanctions pénales encourues en cas de non-respect de l'obligation d'assurance incombant aux établissements et aux professionnels de santé.
Je comprends pourquoi la Fédération française des sociétés d'assurances fait du vote de cette proposition de loi la « condition du respect de son engagement à tout mettre en oeuvre pour qu'aucun libéral, aucune clinique ne soient sans couverture en assurance responsabilité civile médicale au 1er janvier 2003 ».
Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à trouver une solution législative aux questions posées. Le dépôt de cette proposition de loi devrait rapidement satisfaire le lobby des assurances, en réglant en partie la question de l'assurabilité des établissements et des professionnels. Toutefois, comme l'ont très justement craint les médecins spécialistes libéraux ayant appelé, la semaine dernière, à la grève, la question du coût du risque reste entière.
Les anesthésistes, les gynécologues-obstétriciens, les chirurgiens ne verront pas pour autant leurs primes d'assurance diminuer, alors même que le nombre de déclarations pour dommages déposées contre les médecins sont en baisse.
Pour ces diverses raisons, notre appréciation sur le contenu de la présente proposition de loi est plus que négatif : nous ne pouvons que voter contre. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que l'urgence n'ait pas été déclarée, c'est bien dans l'urgence que nous examinons la proposition de loi relative à la responsabilité médicale, sous la pression du monde des assurances.
Le retrait de plusieurs compagnies d'assurance du marché médical prive de nombreux professionnels de santé de la possibilité de s'assurer, comme il leur en est fait obligation par la loi du 4 mars 2002, les autres se voyant imposer une hausse exorbitante des primes.
Les assureurs mettent directement en cause la loi Kouchner, laquelle avait été adoptée, je le rappelle après d'autres, à la quasi-unanimité des membres du Parlement. C'est inadmissible, et il me semble donc nécessaire de rétablir quelques vérités.
Les difficultés rencontrées en matière de responsabilité médicale sont bien antérieures à la loi du 4 mars 2002.
Elles tiennent, pour une part, au développement du contentieux médical, à la sensibilité nouvelle des malades aux accidents médicaux, à l'évolution à long terme de certaines maladies, autant de facteurs d'incertitude qui fragilisent un marché somme toute secondaire pour beaucoup de ces compagnies d'assurances.
Elles tiennent encore à la gestion prévisionnelle défaillante de ce secteur, qui a souvent manqué de clairvoyance : primes mal adaptées, hausses erratiques...
Surtout, les événements du 11 septembre 2001 et la catastrophe d'AZF ont paniqué le monde de l'assurance, entraînant une crise des réassureurs, lesquels font à leur tour pression.
Par ailleurs, est-il inconvenant de se demander si certaines compagnies d'assurances ne souhaitent pas aussi faire payer aux organismes de santé publique certains déboires spéculatifs ?
La loi relative au droit des malades et à la qualité du système de santé vise à apporter une sécurité juridique aux médecins et aux patients grâce à la mise en place d'un système d'assurance obligatoire ; pour mettre un terme à l'incertitude jurisprudentielle dans laquelle se trouvaient les professionnels et les établissements de santé en cas d'accident survenu à un patient et afin de permettre aux personnes victimes d'accidents médicaux d'être plus rapidement indemnisées de leur préjudice, elle prévoit une procédure exceptionnelle d'examen des contentieux, dans le cadre de commissions de conciliation et d'indemnisation décentralisées au niveau régional.
Mais les assureurs ont saisi avec opportunisme le changement de gouvernement et de majorité pour lancer leur offensive contre la loi du 4 mars 2002 !
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Leur tactique a consisté à attendre le dernier moment pour faire peser une pression plus forte encore et nous obliger aujourd'hui à mettre en place un dispositif qui opère, une fois de plus, un transfert de charges vers la solidarité nationale.
Les assureurs voudraient assurer sans risque. Cette démarche est fortement contestable, mais c'est pourtant celle que l'on nous propose d'entériner dans la présente proposition de loi.
Les assureurs contestent le fait que les professionnels et les établissements de santé soient désormais obligés de s'assurer.
Cette obligation apporte tout d'abord une garantie de solvabilité dans un secteur où des préjudices corporels parfois très graves peuvent survenir, mais c'est aussi la contrepartie du fait que, pour garantir le versement de l'indemnisation à la victime, le fonds se substitue à l'assureur lorsque celui-ci conteste l'avis de la commission régionale. Sans cette obligation, on assisterait à un transfert de l'ensemble du risque vers la solidarité nationale.
Le code des assurances prévoit, par ailleurs, un dispositif spécifique pour écarter les professionnels qui présenteraient des risques anormaux : les assureurs ne sont pas obligés de les couvrir lorsqu'ils sont dangereux ou incompétents.
On peut penser que les assureurs sont en train de réussir un véritable hold-up : les contrats qui ont été passés l'ont été avec une forte hausse des primes alors que la présente proposition de loi dédouane les assureurs de l'obligation d'indemniser les gros risques, c'est-à-dire les risques les plus coûteux. Il y a là une logique spéculative que nous ne pouvons accepter. Les établissements qui n'ont pas pris la précaution de prévoir la possibilité de dénoncer rapidement leur contrat seront victimes - en même temps que la solidarité nationale - d'un véritable marché de dupes : ils auront versé des primes extravagantes, mais l'assureur, lui, sera dégagé de toute responsabilité !
Bernard Kouchner l'a très justement dit : « La médecine est faite pour les malades, pas pour les assurances ; notre système est performant grâce à l'existence de la CNAM, pas du bureau des assurances. Assurer sans risque, bien sûr, ce serait le rêve. » Mais nous ne vivons pas dans une société parfaite : le risque existe, et c'est d'ailleurs ce qui permet aux assureurs d'exister. Qu'ils assurent le risque, ou qu'ils changent de métier !
Les assureurs disent craindre une généralisation des contentieux et du versement d'indemnités aux patients. Pourtant, on ne constate pas de hausse des contentieux depuis le mois de mars 2002 : si les établissements de santé notent un plus grand nombre de demandes de consultation du dossier médical, ce qui est une bonne chose - c'est totalement dans l'esprit de la loi -, ils ne font pas, à ma connaissance, état d'une augmentation notable du nombre de contentieux. Sauf infirmation de votre part, monsieur le ministre, force est de reconnaître que cette situation rend la position des assureurs encore plus contestable.
Si la situation des cliniques et établissements privés est en apparence la plus alarmante, tous les professionnels, y compris les hôpitaux publics, sont concernés par les difficultés actuelles. Les hôpitaux de Paris, comme ceux de Lyon, ont décidé ou vont décider de devenir leurs propres assureurs.
M. Nicolas About, président de la commission. Ils le sont déjà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous nous proposez, monsieur le ministre, un amendement visant à permettre au ministre de la santé d'accorder, par arrêté ministériel, la possibilité aux établissements publics d'être leur propre assureur. Quels seront les critères ? Comment de petits hôpitaux pourront-ils avoir accès à cette possibilité ?
M. Nicolas About, président de la commission. Ils l'ont déjà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Eux seront donc soumis à la loi du marché. Or, dans le cadre habituel, le code des marchés publics impose la concurrence. Si celle-ci ne joue plus, ce sera au détriment des petits hôpitaux.
Par ailleurs, les établissements publics de santé subissent eux aussi une hausse des primes, donc des coûts. La dotation globale de fonctionnement des hôpitaux sera-t-elle augmentée en 2003 pour faire face à cette hausse ?
M. Nicolas About, président de la commission. Pour nourrir les assureurs, alors ? (Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Le coût du contrat d'assurance de certains établissements privés a été multiplié par cinq. On peut s'en inquiéter quand on sait que, pour certaines cliniques privées, le coût de l'assurance représente entre 2 % et 3 % du chiffre d'affaires, car cela a pour conséquence d'amputer une part non négligeable des bénéfices, lequels leur permettent de se moderniser et de maintenir la qualité de l'offre de soins.
L'un des objectifs du titre IV de la loi du 4 mars 2002 était de garantir l'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en responsabilisant les professionnels de santé.
Pour les infections nosocomiales, le dispositif prévoit déjà un partage des indemnisations entre l'ONIAM et les assureurs privés en fonction du taux d'IPP. Les paragraphes V et le 2° du VI de l'article 1er de ce texte nous inquiètent, car ils vont beaucoup plus loin : en cas de dépassement du seuil de 25 % d'IPP, la solidarité nationale, donc l'ONIAM, prendrait en charge, bien sûr, la personne concernée mais elle rembourserait en plus à l'assureur les dépenses engagées antérieurement.
Ce deuxième point nous semble pour le moins contestable.
M. Nicolas About, président de la commission. Il est logique !
M. Jean-Pierre Godefroy. On ne voit pas pourquoi l'assureur devrait, dès l'instant où un malade dépasse le seuil de 25 % d'IPP, être dédouané pour toute la période antérieure. C'est incompréhensible ! C'est un cadeau extraordinaire au monde de l'assurance !
Qu'au moins les assureurs assument la période pendant laquelle le taux de l'IPP était inférieur à 25 % !
Se pose aussi un problème de chiffres. Quel est le nombre exact d'infections nosocomiales ? M. le rapporteur nous a donné quelques chiffres en commission, mais on ne sait pas grand-chose. Quel est le nombre de décès consécutifs à ces infections ? Quel est le nombre d'invalidités dont le taux est supérieur à 25 % ? Autant de chiffres qui nous seraient indispensables pour évaluer si la dotation de l'ONIAM, de 70 millions d'euros, qui est inscrite à l'article 30 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 sera suffisante.
Dans l'esprit de la loi relative aux droits des malades, ce sont les établissements qui sont responsables. Nous tenons à cette conception, car c'est la seule manière de lutter efficacement contre les infections nosocomiales. Il en est allé ainsi pour la responsabilité des entreprises en cas d'accidents du travail. Il est maintenant admis que les primes payées par les usines diminuent si la sécurité au travail est mieux assurée, donc les accidents plus rares. Il faut qu'il en soit de même pour les établissements de santé, et ce point est d'ailleurs effleuré dans l'exposé des motifs.
Monsieur le ministre, nous ne contestons ni l'urgence de la situation ni le fait que le Gouvernement essaie d'y remédier, mais, lors de la table ronde du 7 octobre dernier - dont nous méconnaissons la teneur -, il aurait peut-être pu être plus ferme à l'égard des assureurs, lesquels instrumentalisent la loi du 4 mars 2002 pour traiter des problématiques qui sont en fait en grande partie internes au monde des l'assurance.
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que nous émettions les plus vives réserves sur la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Le titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
« I. - Après l'article L. 1142-1, il est inséré un article L. 1142-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1142-1-1. - Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale :
« 1° les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ;
« 2° les dommages résultant de l'intervention, en cas de circonstances exceptionnelles, d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme en dehors du champ de son activité de prévention, de diagnostic ou de soins. »
« II. - A la fin du premier alinéa de l'article L. 1142-2, les mots : "dans le cadre de cette activité de prévention, de diagnostic ou de soins" sont remplacés par les mots : "dans le cadre de l'ensemble de son activité".
« III. - L'article L. 1142-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les dommages résultent d'une infection nosocomiale présentant le caractère de gravité prévu à l'article L. 1142-1-1, la commission signale sans délai cette infection nosocomiale à l'autorité compétente mentionnée à l'article L. 6115-3 ainsi qu'à l'Office national d'indemnisation institué à l'article L. 1142-22. »
« IV. - L'article L. 1142-17 est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, après les mots : "au titre du II de l'article L. 1142-1", sont insérés les mots : "ou de l'article L. 1142-1-1" ;
« 2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Cette action subrogatoire ne peut être exercée par l'Office lorsque les dommages sont indemnisés au titre de l'article L. 1142-1-1, sauf en cas de faute établie de l'assuré à l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales."
« V. - Après l'article L. 1142-17, il est inséré un article L. 1142-17-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1142-17-1. - Lorsque la commission régionale estime que l'aggravation de dommages résultant d'une infection nosocomiale entraîne pour la victime un taux d'incapacité permanente supérieur au pourcentage mentionné au 1° de l'article L. 1442-1-1 ou son décès, l'Office adresse à la victime ou à ses ayants droit une offre d'indemnisation dans les conditions prévues à l'article L. 1142-17 et rembourse à l'assureur les indemnités initialement versées à la victime. »
« VI. - L'article L. 1142-21 est ainsi modifié :
« 1° Après les mots : "au titre du II de l'article L. 1142-1", sont insérés les mots : "ou de l'article L. 1142-1-1" ;
« 2° Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu'il résulte de la décision du juge que l'Office indemnise la victime ou ses ayants droit au titre de l'article L. 1142-1-1, celui-ci ne peut exercer une action récursoire contre le professionnel, l'établissement de santé, le service ou l'organisme concerné ou son assureur, sauf en cas de faute établie à l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales. L'Office signale sans délai l'infection nosocomiale à l'autorité compétente mentionnée à l'article L. 6115-3.
« Lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables de l'aggravation d'une infection nosocomiale, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du 1° de l'article L. 1142-1-1, l'Office est appelé en la cause et rembourse à l'assureur, le cas échéant, les indemnités initialement versées à la victime. »
« VII. - Au premier alinéa de l'article L. 1142-22, après les mots : "dans les conditions définies au II de l'article L. 1142-1", sont insérés les mots : ", à l'article L. 1142-1-1".
« VIII. - Après l'article L. 1142-22, il est inséré un article L. 1142-22-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1142-22-1. - L'office adresse au Parlement et à la Commission nationale des accidents médicaux, un rapport semestriel sur les infections nosocomiales dont il a eu connaisance en application des articles L. 1142-8 et L. 1142-21. Ce rapport est rendu public. »
« IX. - L'article L. 1142-23 est ainsi modifié :
« 1° Le septième alinéa (1°) est ainsi rédigé :
« Une dotation globale versée par les organismes d'assurance maladie dans les conditions fixées par décret. La répartion de cette dotation entre les différents régimes d'assurance maladie s'effectue dans les conditions prévues à l'article L. 174-2 du code de la sécurité sociale. Le montant de cette dotation est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale. » ;
« 2° Il est ajouté, à la fin de cet article, un 5° ainsi rédigé :
« 5° Une dotation versée par l'Etat en application de l'article L. 3111-9. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, sur l'article.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, le groupe socialiste n'entend pas multiplier le nombre de ses interventions, mais il souhaite néanmoins préciser sa position.
Nous reconnaissons qu'il y a un réel problème : nous pourrions nous trouver dans une impasse le 1er janvier 2003 si les assureurs décidaient de ne plus assurer les praticiens.
M. Alain Vasselle. C'est le cas !
M. Gilbert Chabroux. Si nous mesurons la gravité de la situation, nous exprimons néanmoins de très fortes réserves quant aux propositions qui nous sont faites, notamment à l'article 1er, clé de voûte de la proposition de loi.
Nous ne voudrions pas que, à cette occasion, la loi du 4 mars 2002 soit remise en cause. Certains émettent des critiques, j'ai même entendu ce matin le mot « bêtise ». J'aimerais que l'on n'emploie pas de tels termes, sachant que cette loi a été votée à la quasi-unanimité par les députés et par les sénateurs. Elle constitue un très grand progrès, qui ne saurait être remis en cause. J'insiste pour qu'il me soit donné acte que c'est dans cet esprit que doit se dérouler le débat.
La loi relative aux droits des malades doit être considérée comme une base ; sans doute peut-on discuter du problème particulier de l'assurance en responsabilité civile médicale, mais sans pour autant remettre la loi en cause.
Les difficultés que connaît l'assurance en responsabilité civile médicale sont anciennes, M. Jean-Pierre Godefroy l'a fort bien dit. Elles ne sont pas liées à la loi Kouchner !
Il n'est pas établi, contrairement à ce qu'a affirmé M. le rapporteur, qu'il y a eu au cours des dernières années un développement important du contentieux médical.
M. Nicolas About, président de la commission. Si !
M. Hilaire Flandre. Il faut lire le journal !
M. Jean Chérioux. Lisez Libération !
M. Gilbert Chabroux. La récente enquête publiée par le groupement des entreprises mutuelles d'assurance n'a pas fait apparaître une augmentation de l'activité contentieuse dans ce domaine. Nous aurions aimé avoir des chiffres.
M. Nicolas About, président de la commission. Plus de 10 % par an !
M. Gilbert Chabroux. S'il y a en effet des chiffres dans l'article publié par le journal Libération , nous aurions aimé trouvé des données fiables dans le rapport ; il n'y en a pas et force est de constater que nous discutons de cette proposition de loi dans une certaine précipitation. Je reconnais qu'il y a urgence, qu'il y a des problèmes, que l'échéance du 1er janvier 2003 se rapproche, mais nous aurions aimé disposer d'un rapport un peu plus complet, contenant quelques statistiques, notamment en matière contentieuse.
Certaines affaires ont été très médiatisées, l'arrêt Perruche par exemple, et les assureurs ont pu en tirer prétexte pour se désengager du marché de l'assurance en responsabilité civile médicale.
Il faut tout de même situer la responsabilité des assureurs, et c'est le deuxième point que je développerai.
Les assureurs s'élèvent, en fait, contre la loi relative aux droits des malades, car ses dispositions assoient l'indemnisation des victimes d'accidents sans faute sur la solidarité naionale ; elles vont ainsi à l'encontre des propositions qu'avaient faites les assureurs, qui souhaitaient eux un dispositif purement privé. Ils ont donc été frustrés d'un marché lucratif,...
M. Jean Chérioux. Il faudrait savoir !
M. Gilbert Chabroux. ... et l'on peut se demander dans quelle mesure ils ne veulent pas prendre une revanche.
Maintenant, ils rechignent à intervenir dans le domaine qui leur était laissé par la loi, celui de la responsabilité des établissements pour les accidents nosocomiaux. Cette responsabilité est importante, et les établissements doivent réagir et veiller à la propreté et à l'hygiène.
Le problème est comparable, d'une certaine manière, à celui des accidents du travail. Or les entreprises ont trouvé des assureurs et ont pu mettre en place un système d'assurance qui fonctionne normalement. Pourquoi n'en irait-il pas ainsi s'agissant des établissements hospitaliers et des infections nosocomiales ? Celles-ci constituent un véritable fléau, que les professionnels ont l'obligation, je le réaffirme, de faire reculer.
Le système mis en place par le biais de la loi Kouchner paraissait tout à fait approprié, et avait d'ailleurs été adopté à la quasi-unanimité des députés et des sénateurs.
Cependant, il est remis en cause par les assureurs, qui ne veulent pas faire leur métier normalement et qui voudraient, en quelque sorte, assurer sans risques ou n'assurer que les petits risques, la solidarité nationale se substituant aux compagnies d'assurances dès que le risque est trop grand. Est-ce cela, le métier d'assureur ?
M. Hilaire Flandre. Caricature !
M. Gilbert Chabroux. Nous regrettons que le Gouvernement ait cédé aux pressions des assureurs et soit à l'origine de la proposition de loi qui nous est présentée. Nous ne mettons pas en cause la bonne volonté de l'auteur de celle-ci, M. Nicolas About, ni celle du rapporteur, M. Jean-Louis Lorrain, mais il nous semble qu'il y avait d'autres manières de conduire la discussion avec les assureurs et de les amener à faire preuve de davantage de sens civique.
Nous regrettons également la distinction qui est faite entre gros risques et petits risques, les premiers étant pris en charge par la solidarité nationale, les seconds par les assureurs. Cette distinction, comme l'a très bien dit Guy Fischer, rejoint celle qui a été faite récemment par Jacques Barrot, qui proposait de restreindre la couverture par la sécurité sociale aux « maladies graves », les autres risques étant couverts par les assurances complémentaires : c'est le même système que vous voulez mettre en place.
Cela constitue un précédent dangereux ; nous exprimons de très fortes réserves, mais nous comprenons, encore une fois, que la situation est vraiment difficile, qu'il est urgent d'agir et qu'il faut sortir de l'impasse. Quoi qu'il en soit, nous sommes perplexes au vu des solutions qui nous sont présentées par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Monsieur Chabroux, voilà huit jours, une personne est morte dans un hôpital de l'Assistance publique de Marseille, à la suite d'une infection nosocomiale. Je me suis alors demandé si l'on n'allait pas mettre en examen le président du conseil d'administration de l'Assistance publique de Marseille...
J'aimerais donc que l'on règle le problème soulevé aujourd'hui, parce que je ne me sens nullement responsable de ce qui a pu arriver.
M. Guy Fischer. Vous allez devenir votre propre assureur, monsieur le président !
M. Nicolas About, président de la commission. Il l'est déjà !
M. le président. En effet. De nombreux élus de grandes villes ont d'ailleurs déjà souscrit des polices d'assurance personnelles, ne serait-ce que pour être en mesure, éventuellement, de payer des avocats.
M. Paul Blanc. Il n'y a pas que dans les grandes villes !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Il est clair que nous sommes entrés, depuis quelques années déjà, dans l'ère du contentieux.
M. Paul Blanc. Tout à fait !
M. Alain Vasselle. Ainsi, nos administrés n'hésitent plus à engager des procédures, et les élus ont été les premiers à en faire l'expérience.
Aujourd'hui, les professionnels de santé se trouvent dans une situation particulièrement délicate, résultant d'un ensemble de circonstances liées à la nature du risque et au développement du contentieux. De surcroît, l'adoption par le Parlement de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ne peut que l'aggraver.
Certes, on comprend bien que des victimes cherchent à obtenir réparation dans l'hypothèse où un praticien de santé aurait commis une faute caractérisée, mais nos concitoyens s'engagent également dans la voie contentieuse quand il s'agit d'un délit non intentionnel, c'est-à-dire d'un préjudice subi par un patient à la suite de ce que l'on considère comme une erreur médicale, qui peut être simplement le résultat d'un manque d'information du médecin concerné. Les professionnels de santé n'échappent pas à cette tendance générale qui veut que l'on demande réparation de tout préjudice subi, dans quelque domaine que ce soit.
Lorsque l'on a l'occasion de s'entretenir de ce sujet avec des professionnels de santé, ceux-ci font valoir que le risque n'est que l'une des difficultés qu'ils rencontrent. De plus en plus, en effet, ces professionnels recherchent une meilleure qualité de vie. Ils souhaitent en outre bénéficier des dispositions qui ont été mises en oeuvre au profit de l'ensemble des salariés des entreprises et des agents hospitaliers, à savoir les 35 heures. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Roland Muzeau. Un salarié sur deux seulement bénéficie des 35 heures !
M. Alain Vasselle. Quand on considère l'accumulation de ces facteurs - l'effet de la mise en place des 35 heures, la recherche d'une meilleure qualité de vie, les risques et le vote par le Parlement de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé -,...
M. Guy Fischer. On voit que vous êtes pour le progrès social !
M. Alain Vasselle. ... on ne peut s'étonner de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, ni des états d'âme et des difficultés dont les professionnels de santé nous font part. On peut affirmer que la responsabilité de cet état de choses incombe à la majorité précédente ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. Bien sûr !
M. Alain Vasselle. Vous n'avez pas su, chers collègues de la minorité sénatoriale, lorsque vous souteniez le gouvernement de M. Jospin, mener les actions d'information et de sensibilisation qui auraient permis d'obtenir une véritable adhésion aux réformes que vous avez engagées. Aujourd'hui, c'est nous tous qui payons les pots cassés, et la France souffre ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées. - Applaudissements sur les travées du RPR.)
J'avais l'intention, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, de déposer un amendement à l'article 1er de cette proposition de loi. J'ai finalement préféré prendre la parole sur l'article, afin d'exprimer mes inquiétudes ou mes interrogations quant au dispositif prévu.
J'entends bien que l'on veuille apporter une réponse à tout patient qui aurait souffert d'une infection nosocomiale et, en même temps, couvrir un risque qui n'est pas le fait du médecin ou d'un service qui fonctionne dans les meilleures conditions possibles, mais qui peut tenir à tout autre chose qu'à la pratique médicale elle-même.
A cette fin, un partage de la réparation des dommages nosocomiaux a été prévu selon que le taux d'incapacité permanente de la victime sera ou non supérieur à 25 % : le second cas regroupe la majeure partie des petits risques, le premier correspond aux risques les plus importants, que l'ONIAM devra couvrir. Donc acte !
Cela étant, je m'interroge à propos des petits risques qui devront être couverts par les assureurs. En effet, M. Jean-François Mattei a indiqué à la commission des affaires sociales du Sénat qu'une mutuelle de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur avait décidé de ne plus s'intéresser à ce créneau du marché des assurances et que l'on constatait le retrait d'un certain nombre de compagnies d'assurance ou de mutuelles. Nous assistons donc à une raréfaction de l'offre d'assurance pour les praticiens de santé. Dès lors, sommes-nous certains qu'un nombre suffisant de compagnies d'assurance accepteront d'assurer la couverture du risque ne relevant pas de l'ONIAM, compte tenu de la psychose et des difficultés actuelles ?
M. Guy Fischer. Non !
M. Alain Vasselle. On me répond que, d'une part, les praticiens de santé sont tenus de s'assurer, et que, d'autre part, les compagnies d'assurance présentes sur le marché ne peuvent s'en retirer et refuser de proposer une police d'assurance aux professionnels de santé. Or je constate une raréfaction de l'offre d'assurance dans ce secteur, et je crains que cette situation n'entraîne une hausse des tarifs pour les établissements hospitaliers et les professionnels de santé.
On m'objecte alors qu'une tarification va s'imposer aux compagnies d'assurance. Encore faut-il que celle-ci soit supportable pour les praticiens et pour les petits établissements hospitaliers ! Un amendement du Gouvernement prévoit la faculté, pour les établissements hospitaliers qui le souhaiteraient, d'être leur propre assureur, mais quid des petits établissements hospitaliers ou des petites cliniques qui n'auraient pas une assise financière suffisante pour couvrir eux-mêmes les risques ne relevant pas de l'ONIAM ? Ils devront faire appel à une compagnie d'assurance, et si les tarifs augmentent en raison de l'insuffisance de l'offre, on reviendra à la « case départ » !
Par ailleurs, ne risque-t-on pas, en imposant un tarif, de mettre certaines compagnies d'assurance en difficulté ? (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Elles se sont mises en difficulté en spéculant !
M. Alain Vasselle. Enfin, il est prévu que, si une compagnie d'assurance refuse d'assurer les professionnels de santé, elle pourra se voir retirer, partiellement ou totalement, son agrément d'assurance. Qu'entend-on par un tel retrait partiel ou total ? S'il s'agit de retirer à cette compagnie son agrément d'assurance pour ce qui concerne le seul risque santé, elle ne pourra que s'en réjouir ! En revanche, s'il s'agit de lui retirer totalement son agrément d'assurance, elle disparaîtra du marché français.
Telles sont les questions que je souhaitais soulever. L'amendement que je comptais déposer visait à garantir que tout praticien ou établissement hospitalier pourrait trouver sur le marché français des compagnies d'assurance tenues d'assurer la couverture du risque ne relevant pas de l'ONIAM. Si M. le ministre, M. le président de la commission et M. le rapporteur pouvaient apaiser mes inquiétudes sur ce point, je pense que cela permettrait également de rassurer l'ensemble des praticiens hospitaliers, qui se posent des questions fondamentales quant à l'avenir de leur profession.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je ne comptais pas prendre la parole, mais compte tenu du tour qu'a pris le débat, je crois devoir exprimer mon étonnement devant la politisation du problème qui nous occupe par nos collègues de gauche. (M. Robert Bret rit.)
A l'évidence, le problème est réel et doit donc être résolu. M. Chabroux lui-même l'a reconnu, ajoutant que la solution devrait être intervenue au 1er janvier 2003.
Cela étant, il nous accuse d'être en contradiction avec nous-mêmes parce que nous avons voté la loi Kouchner. Or, ce que nous reprochons à M. Kouchner, ce n'est pas d'avoir élaboré et soumis au Parlement un texte qui, comme l'a dit M. Chabroux, constitue effectivement un progrès car il vise à tenir compte de l'augmentation du nombre des contentieux dans le domaine médical et du coût qu'ils représentent. Avoir créé l'ONIAM est, à cet égard, une bonne solution.
Toutefois, on peut formuler deux critiques sur le texte de M. Kouchner.
En premier lieu, il ne permet pas de résoudre les questions financières qu'il soulève et que nous sommes donc obligés de régler aujourd'hui. M. Kouchner aurait pu se pencher sur le problème qui se pose aux compagnies d'assurance.
M. Gilbert Chabroux. Il y a eu un changement de gouvernement !
M. Jean Chérioux. En effet, celles-ci ne cherchent pas uniquement à conserver des parts de marché ou à gagner de l'argent ; le coût de la couverture des risques dont il s'agit ici est très élevé, et M. Kouchner le savait ! Il aurait pu essayer de régler le problème !
M. Gilbert Chabroux. Mais il l'a fait !
M. Jean Chérioux. En second lieu, la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a encore accru le coût de la couverture des risques. Il faut être logique ! Une loi a été votée ; cela était nécessaire mais, malheureusement, elle est incomplète, et son auteur n'a pas mené sa tâche à bien. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Il nous a laissé le soin de régler aujourd'hui la question la plus difficile, celle du financement !
Le progrès, monsieur Chabroux, a un coût, et nous devons aujourd'hui payer. Soyez logiques avec vous-mêmes, chers collègues de l'opposition : vous avez considéré que la loi Kouchner représentait un progrès, et, dans une certaine mesure nous étions d'accord avec vous ; mais, aujourd'hui, acceptez de payer l'addition et n'essayez pas de vous défausser comme vous le faites en prétendant que le problème tient aux compagnies d'assurance !
MM. Guy Fischer et Roland Muzeau. Mais si !
M. Robert Bret. Vous le savez bien !
M. Jean Chérioux. A l'évidence, si les compagnies d'assurance - et je ne suis pas là pour les défendre ! - ne pratiquaient pas une politique d'ajustement du montant de leurs primes, elles iraient à la faillite. Si c'est ce que vous souhaitez, dites-le ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Je me félicite tout d'abord que le président de la commission des affaires sociales ait déposé ce texte, parce que, moi qui viens de la « France d'en bas » (Exclamations amusées sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen), je rencontre tous les jours des praticiens et des directeurs de clinique confrontés à ce problème d'assurance. Or j'ai écouté M. Chabroux avec beaucoup d'attention et je l'ai entendu souligner précisément qu'il était urgent d'y apporter une solution. Seulement, quand nous faisons une proposition, chers collègues de la gauche, vous vous y opposez !
C'est, je crois, la philosophie générale qui a animé nombre de textes présentés au cours de la précédente législature.
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est la démocratie !
M. Paul Blanc. En réalité, il y a, d'un côté, le dogmatisme, au nom duquel on propose beaucoup de choses (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen), et, de l'autre, le pragmatisme. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Aujourd'hui, le Sénat peut s'enorgueillir d'être avant tout pragmatique.
M. Guy Fischer. Toujours en direction des mêmes !
M. Roland Muzeau. Par rapport à ce que dit Ernest-Antoine Seillière !
M. Guy Fischer. Kessler est content !
M. Paul Blanc. La situation actuelle appelait une réponse. Par cette proposition de loi, nous apportons une réponse. Je m'en réjouis, comme les praticiens et les directeurs de clinique. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'ai écouté très attentivement les intervenants.
Monsieur Chabroux, la loi Kouchner a effectivement été adoptée par le Sénat à une large majorité, au demeurant pour des raisons très différentes selon les travées sur lesquelles siégeaient ceux qui l'ont votée.
M. Paul Blanc. Absolument !
M. Nicolas About, président de la commission. Je ne m'étendrai pas sur ce point. Je dirai simplement que, s'agissant de l'arrêt Perruche, le Sénat a su faire prévaloir une position très délicate et difficile, d'ailleurs assez largement partagée. D'autres dispositions du texte de Bernard Kouchner ne nous plaisaient pas nécessairement. Mais comme, selon nous, nous étions à l'aube d'une nouvelle période et que le temps viendrait où nous pourrions éventuellement corriger ces dispositions, nous avions considéré que ce texte ne devait pas donner lieu à un affrontement. En effet, le texte était trop important. Le droit des malades, c'est quelque chose de symbolique, et c'est pourquoi nous nous sommes retrouvés.
M. Gilbert Chabroux. Bien sûr !
M. Nicolas About, président de la commission. Toutefois, monsieur Chabroux, vous avez été trop loin en affirmant que l'Assemblée nationale avait fait de même. En effet, au Palais-Bourbon, la droite n'a pas voté le texte.
M. Gilbert Chabroux. Elle n'a pas voté contre, elle s'est abstenue !
M. Nicolas About, président de la commission. Alors, c'était, comme le disaient naguère nos amis communistes, une abstention positive ! (Sourires.)
M. Gilbert Chabroux. Très positive !
M. Robert Bret. Je crois qu'on peut le voir ainsi !
M. Nicolas About, président de la commission. En effet !
Il n'y a pas de chiffres, dites-vous. C'est parce que vous ne lisez pas un quotidien spécialisé ou une revue spécialisée ! (M. Gilbert Chabroux s'exclame.) Je vous en prie, monsieur Chabroux, je ne vous agresse pas ! Si, au lieu de lire Libération, vous aviez consulté, par exemple, Le Concours médical, qui est tout de même une publication de référence, vous y auriez trouvé un certain nombre d'informations. En effet, dans son dernier numéro, en date du 26 octobre, il est précisé que, sur les dix dernières années, le nombre de déclarations d'accidents médicaux a évolué de façon continue, de 15 % par an en moyenne. Dans le même temps, le total des indemnités versées aux victimes d'accidents fautifs a été multiplié par 6,9. La progression est donc très nette en ce qui concerne non seulement le nombre d'accidents, mais également le montant des indemnités versées aux victimes. Le monde de l'assurance du risque de santé, qui n'avait pas forcément pris en compte, à travers les primes, la progression importante des infections nosocomiales et leur impact sur le plan des indemnités versées aux victimes, s'est trouvé peu à peu confronté à une situation à laquelle il ne pouvait plus faire face lui-même, sauf à faire exploser le montant des primes. Nous sommes aujourd'hui confrontés à ce problème.
Certains sont partis sur la pointe des pieds, attirés par d'autres cieux. D'autres ont eu des charges extrêmement lourdes au moment du 11 septembre - je parle des étrangers. Restent les sociétés mutualistes, celles qui s'intéressent vraiment au risque médical, qui assument seules aujourd'hui ce risque médical. A côté de ces sociétés existent, bien sûr, les grands centres hospitaliers, comme l'Assistance publique, qui s'auto-assurent s'agissant du risque que nous évoquons.
Le Gouvernement était donc confronté à l'obligation de sauver le dispositif assurantiel. Une table ronde a eu lieu. Le but n'est pas de remplir les poches des assurances ! Il s'agit de savoir si nous voulons sauver les assurances mutualistes de France. Y a-t-il encore en France des structures capables d'assurer le risque médical ? Faisons-nous ce pas ensemble ou livrons-nous, pieds et poings liés, les professions de santé à un système assurantiel plus sauvage ? Or, si nous ne le faisons pas, si telle n'est pas notre démarche, nous condamnons à mort l'ensemble du système mutualiste de santé. C'est la raison pour laquelle nous présentons ce texte aujourd'hui, mes chers collègues.
M. Vasselle a également posé une excellente question : certes, les grosses structures pourront s'auto-assurer comme par le passé, ce qui est normal, mais qu'adviendra-t-il des petites cliniques qui courront un risque important et qui, éventuellement, ne trouveront plus d'assureur, car on ne peut pas demander l'impossible ?
Je lui répondrai que le Gouvernement s'est engagé à respecter ce qui était la loi Kouchner, c'est-à-dire à mettre en place le bureau central de tarification. Cependant - et là, je me tourne vers M. le ministre délégué - va-t-il le faire parallèlement à la montée en charge de ce texte, c'est-à-dire avant la fin de l'année, pour que l'ensemble du dispositif soit en place si une clinique ne peut pas s'assurer à un tarif raisonnable ou si on ne lui propose pas de tarif ? Si le bureau central de tarification est en place au 1er janvier prochain, il pourra imposer à la fois un montant de prime et un assureur à une clinique qui en serait dépourvue. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Monsieur le président About, je réponds bien sûr par l'affirmative à votre question : le bureau central de tarification sera opérationnel d'ici à la fin de l'année. Le décret en Conseil d'Etat sera d'ailleurs présenté dans les prochains jours. Il garantira à la fois la mise en place du pool et, au-delà, une assurance pour tous les établissements et les professionnels, et je réponds là également à la question de M. Vasselle.
J'aurai l'occasion, lors de l'examen des amendements qui ont été déposés sur cet article, de répondre aux autres questions qui ont été posées.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Au premier alinéa du même article, les mots : "à l'exclusion des 5°, sous réserve des dispositions de l'article L. 1222-9 (11°, 14° et 15°)" sont remplacés par les mots : "à l'exclusion du 5°, sous réserve des dispositions de l'article L. 1222-9, et des 11°, 14° et 15°". »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Il s'agit d'un amendement purement formel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter le II de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Après le premier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une dérogation à l'obligation d'assurance prévue au premier alinéa peut être accordée par arrêté du ministre chargé de la santé aux établissements publics de santé disposant des ressources financières leur permettant d'indemniser les dommages dans des conditions équivalentes à celles qui résulteraient d'un contrat d'assurance. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, contre l'amendement.
M. Guy Fischer. Cet amendement a fait l'objet d'une très vive et très large discussion en commission. En fait, il vise à revenir sur l'une des dispositions de la loi du 4 mars 2002.
Selon M. About, le bureau central de tarification réglera, d'ici à la fin l'année, les problèmes et s'assurera que les tarifs ne sont pas excessifs et qu'ils n'explosent pas. On peut être sceptique ! Nous considérons que, d'une manière ou d'une autre, qu'il s'agisse de l'Assistance publique de Paris, des Hospices civils de Lyon ou de l'Assistance publique de Marseille, il y aura un coût, qui devra être supporté par quelqu'un.
M. Jean Chérioux. C'est déjà le cas !
M. Guy Fischer. Il faudra définir ce coût. Compte tenu de sa répartition et du fait que, dans le même temps, le mode de financement des hôpitaux va être modifié puisqu'on va passer à un financement à l'activité, on peut s'interroger.
M. le ministre a confirmé que le bureau central de tarification permettra, d'ici à la fin de l'année, de résoudre tous les problèmes qui pourraient surgir. Tout à l'heure, il a été dit que la Fédération française des sociétés d'assurance créerait un pôle de coassurance. Cela laisserait à penser qu'elle fait un pas dans la bonne direction. Cependant, ce pôle ne sera créé que lorsque la présente proposition de loi aura été adoptée définitivement et après qu'elle aura encadré, d'une manière ou d'une autre, les engagements des assureurs privés.
A y regarder de plus près, les représentants de ce groupement temporaire des assureurs médicaux, pôle de coassurance en responsabilité civile, disent qu'il n'interviendra que lorsque les établissements ou les professionnels de santé justifieront que les assureurs du marché leur ont opposé deux refus de couverture. De surcroît, ils ont l'outrecuidance de dire qu'un tarif jugé trop élevé ne constitue pas un refus d'assurer. Cela relève du cynisme le plus pur ! Les sociétés d'assurance ont pour stratégie de se désengager complètement et, finalement, la part de la Fédération française des sociétés d'assurance sera marginale et nous serons confrontés aux difficultés que l'on sait.
Le Gouvernement revient donc sur une disposition de la loi Kouchner. Nous nous étions expliqués sur ce point. Je connais les arguments qui vont nous être opposés : « Vous voulez favoriser les surprimes ».
M. Nicolas About, président de la commission. Vous vous faites l'allié des assureurs !
M. Guy Fischer. Non ! Au sein de ce groupement temporaire des assureurs médicaux, les conditions - avoir été confronté à deux refus et sans avoir discuté les tarifs - seraient inacceptables. Le délégué général de la FFSA lui-même affirme qu'un tarif jugé trop élevé ne constitue pas un refus d'assurer.
Aussi, nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. L'examen de cet amendement suscite un certain nombre de remarques.
Il faut tout de même rappeler que, à la suite de l'appel d'offres européen qu'elle a lancé, l'AP-HP a obtenu pour seule réponse une proposition aux termes de laquelle le coût de la prime représentait trois fois le montant des indemnisations. Aussi, nous comprenons difficilement la logique qui anime notre collègue du groupe communiste républicain et citoyen. Prime ou indemnisation, il s'agit toujours de fonds publics !
Notre proposition ne vise pas à créer des ressources pour les assurances. La surface financière de l'AP-HP dépassant celle des assureurs, on comprend que ce type de dérogation soit proposé.
Certes, l'obligation d'assurance est prévue dans la loi Kouchner - que nous avons appréciée, à certains égards -, mais elle n'est pas sans entraîner un certain nombre de dysfonctionnements auxquels nous essayons de remédier. Notre objectif est de lutter contre le gaspillage.
M. le président. La parole est M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission. Il me semble que nous sommes en train d'examiner le meilleur des amendements déposés sur la proposition de loi.
En effet - première raison -, cet amendement donne satisfaction aux élus qui siègent sur ces bancs (M. le président de la commission se tourne vers la gauche de l'hémicycle), en particulier à M. Fischer, car il tend à exercer une pression sur les assurances. Les assureurs sauront désormais que, s'ils abusent, s'ils n'assurent pas, s'ils exagèrent en fixant le montant des primes demandées, le Gouvernement pourra les punir en permettant à des établissements qui en ont la capacité de s'auto-assurer, empêchant ainsi les grandes compagnies d'assurance, ces chefs du capital, de s'enrichir aux dépens des établissements de santé.
La deuxième raison - et mes collègues y seront sensibles sur l'ensemble des travées - concerne le bon usage des fonds publics. Quand un établissement de santé a la capacité de payer moins cher en s'auto-assurant, pourquoi vouloir lui imposer de verser une prime plus élevée ? C'est tout de même un comble ! Les établissements de santé ont autre chose à faire de leur argent !
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission. Troisième raison, et M. Godefroy devrait en être ravi, l'adoption de cet amendement n° 4 poussera les établissements concernés à lutter prioritairement contre le risque nosocomial, comme il l'a souligné tout à l'heure à la tribune.
M. Jean Chérioux. Exactement !
M. Guy Fischer. M. Giraud a fait remarquer qu'ils n'en avaient pas les moyens !
M. Nicolas About, président de la commission. S'ils s'auto-assurent, ils seront encore plus sensibles au fait qu'ils doivent faire des économies en luttant avec efficacité contre le risque nosocomial : ils sauront qu'ils sont comptables des indemnisations, qu'ils auront à verser sur leurs propres deniers, et qu'ils ne pourront pas s'en remettre aux assurances.
Parce que je sais que cet amendement vous donne satisfaction, chers collègues du groupe communiste républicain et citoyen, autant qu'à nous tous, je souhaite que nous puissions l'adopter à l'unanimité. (M. Jean Chérioux applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Notre discussion confirme pleinement le bien-fondé de notre opposition.
Monsieur About, vous venez de dire que l'Assistance publique de Paris paiera trois fois moins cher en s'auto-assurant qu'en se tournant vers les assurances. C'est donc bien que celles-ci exercent un véritable chantage sur les établissements de santé ! Tel est bien le sens de la démonstration que vous venez vous-même d'apporter.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission. Mais ils s'auto-assurent déjà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n'est pas parce que certains grands établissements pourront s'auto-assurer que tous les petits établissements pourront le faire ! Comment organisez-vous tout cela ? Car les petits établissements, qui sont les plus nombreux dans notre pays, resteront soumis à la loi du marché !
M. Nicolas About, président de la commission. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Godefroy. Et les grands assureurs, qui perdront la clientèle des grands groupes hospitaliers, ne manqueront pas de se rattraper sur les petits établissements. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. Nicolas About, président de la commission. Mais non !
M. le président. La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.
M. André Lardeux. Ce débat sur l'auto-assurance est un faux débat, car celle-ci ne concerne pas les seuls établissements hospitaliers.
M. Nicolas About, président de la commission. Elle concerne aussi les collectivités !
M. André Lardeux. L'Etat lui-même est son propre assureur dans tous les domaines d'activités, et les collectivités locales aussi ont parfaitement le droit de faire de même pour certains risques.
M. Nicolas About, président de la commission. Absolument !
M. André Lardeux. La collectivité que je préside vient de voir un contrat d'assurance dénoncé par une compagnie. Elle ne va pas s'assurer auprès d'une autre, parce qu'une étude a montré que le risque dont l'assureur estimait le coût trop élevé lui reviendra beaucoup moins cher en indemnités à verser aux éventuelles victimes.
M. Nicolas About, président de la commission. Absolument !
M. André Lardeux. Je ne vois donc pas pourquoi on fait autant de bruit autour d'une question qui me semble assez banale et à laquelle nous avons répondu d'une façon qui, sur le plan de la protection des victimes, apporte toute garantie et, sur le plan économique, relève d'une bonne gestion des deniers publics.
M. Nicolas About, président de la commission. Tout à fait !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa du même article, les mots : "de l'alinéa précédent" sont remplacés par les mots : "du premier alinéa". »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Il s'agit d'un amendement de pure forme qui n'a d'autre objet que de tirer la conséquence de celui que nous venons d'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
M. Guy Fischer. Le groupe CRC vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Godefroy, Chabroux et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« A la fin du texte proposé par le V de cet article pour l'article L. 1142-17-1 du code de la santé publique, supprimer les mots : "et rembourse à l'assureur les indemnités initialement versées à la victime". »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. J'ai déjà évoqué cet amendement, qui nous semble tout à fait indispensable, lors de la discussion générale.
Il est prévu dans votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, que, dès l'instant où le taux d'incapacité permanente dépasse 25 %, c'est la solidarité nationale, par l'intermédiaire de l'ONIAM, qui intervient ; en revanche, s'il est inférieur à ce pourcentage, les indemnités sont prises en charge par l'assureur.
Que l'ONIAM finance les indemnités si le taux d'incapacité, s'aggravant, franchit le seuil de 25 %, soit ; mais pourquoi devrait-il rembourser à l'assureur les sommes versées au cours de la période antérieure, lorsque le taux d'incapacité de la victime était inférieur à 25 % ? Cela revient à faire un cadeau royal à l'assureur, qui, dès lors, ne prend plus aucun risque !
Il convient en conséquence de supprimer cette disposition, afin que l'assureur assume sa responsabilité jusqu'au bout.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En effet, son adoption risquerait de créer une réelle distorsion entre la situation des patients dont le taux d'incapacité évolue, passant progressivement, par exemple, de 15 % à 30 %, et celle des personnes à qui l'on reconnaît d'emblée un taux d'incapacité de 30 %. En outre, elle aboutirait à alourdir les procédures de demande d'indemnisation des malades, qui n'ont vraiment pas besoin de cela !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je rappelle amicalement à M. Godefroy que, comme le disait Edgar Faure, l'amendement est mort alors qu'il était dans son droit, mais qu'il eût été tout aussi mort s'il avait été dans son tort ! (Sourires.)
L'amendement n° 2, présenté par MM. Godefroy, Chabroux et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« A la fin du second alinéa du texte proposé par le 2° du VI de cet article pour compléter l'article L. 1142-21 du code de la santé publique, supprimer les mots : "et rembourse à l'assureur, le cas échéant, les indemnités initialement versées à la victime". »
Cet amendement est devenu sans objet.
L'amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article L. 1142-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois un arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la sécurité sociale peut instituer une commission interrégionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales compétente pour deux ou plusieurs régions. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Nous proposons de mettre en place des commissions interrégionales en cas de besoin. En effet, dans certaines régions importantes, il peut être plus simple de raisonner sur la base de structures géographiques regroupées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Le début du quatrième alinéa de l'article L. 1142-15 est ainsi rédigé :
« Sauf dans le cas où le délai de validité de la couverture d'assurance garantie par les dispositions de l'alinéa 5 de l'article L. 251-2 du code des assurances est expiré, l'office est subrogé... (Le reste sans changement.) »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. J'approuve bien entendu cette disposition, mais je ne peux manquer de réagir à cette initiative en appelant le Gouvernement à réfléchir à l'extension de cette mesure à d'autres activités ou à d'autres fonctions.
M. Guy Fischer. Voilà ! Toujours plus !
M. Alain Vasselle. Je pense notamment aux élus qui vont prendre leur retraite : ils restent responsables des risques nés pendant leur mandat, même si les effets ne s'en manifestent que dix ans ou quinze ans après sa fin. Les élus continuent donc de pouvoir être appelés à réparer les conséquences de tels risques, soit directement, soit par le biais de leur assurance.
Au demeurant, nombre d'élus qui ne sont plus maires mais sont simplement maires honoraires se croient complètement libérés des responsabilités qu'ils ont assumées durant l'exercice de leurs fonctions...
M. Nicolas About, président de la commission. Ils ne le sont pas du tout !
M. Alain Vasselle. ... et ne pensent pas à garder une assurance pendant leur honorariat.
Par conséquent, je salue l'initiative prise par le Gouvernement pour les professionnels de santé,...
M. Nicolas About, président de la commission. Très bien !
M. Alain Vasselle. ... mais je profite de l'occasion pour lui demander de réfléchir à l'extension de cette mesure à d'autres cas, notamment aux fonctions électives. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. Monsieur le ministre, vous voilà questionné : nous avons tous en tête l'affaire des thermes de Barbotan.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Monsieur Vasselle, je partage votre préoccupation, mais la discussion de cette proposition de loi ne m'offre pas la possibilité de vous répondre officiellement. Toutefois, je pense que ce sujet pourra être largement évoqué à l'occasion de l'examen d'un texte qui vous sera prochainement soumis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article L. 1142-22, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les obligations de l'association France-Hypophyse nées de son rôle dans l'organisation du traitement des patients par l'hormone de croissance extractive entre 1973 et 1988 sont transférées à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Il s'agit du transfert à l'ONIAM des risques couverts par France-Hypophyse pour certains dommages.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - Il est inséré, après l'article 98 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, un article 98-1 ainsi rédigé :
« Art. 98-1. - Les dispositions des articles L. 1142-25 et 1142-26 du code de la santé publique entrent en vigueur à une date prévue par le décret mentionné à l'article L. 252-1 du code des assurances et au plus tard le 1er janvier 2004. » - (Adopté.)

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - L'article 101 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 précitée est ainsi modifié :
« 1° La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;
« 2° Il est inséré, après le premier alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du premier alinéa, portant sur des accidents médicaux, des affections iatrogènes ou des infections nosocomiales survenus au plus tôt six mois avant la date de publication de la présente loi, ne sont pas applicables aux instances ayant donné lieu à une décision de justice irrévocable. »
L'amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Le premier alinéa de l'article 101 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 précitée est ainsi rédigé :
« Les dispositons du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 de la présente loi, à l'exception du chapitre Ier, de l'article L. 1142-2 et de la section 5 du chapitre II, s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Cet amendement vise à clarifier la date d'effet de la disposition proposée : elle s'appliquera, rétroactivement, aux événements survenus à compter du 5 septembre 2001.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - Au chapitre Ier du titre V du livre deuxième du code des assurances, il est ajouté, après l'article L. 251-1, un article L. 251-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 251-2. - Constitue un sinistre, pour les risques mentionnés à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait générateur ou d'un ensemble de faits générateurs ayant la même cause technique, imputable aux activités de l'assuré garanties par le contrat, et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations.
« Constitue une réclamation toute demande en réparation amiable ou contentieuse formée par la victime d'un dommage ou ses ayants droit, et adressée à l'assuré ou à son assureur.
« Tout contrat d'assurance conclu en application de l'article L. 1142-2 du même code garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, et qui sont imputables aux activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation.
« Le contrat d'assurance garantit également les sinistres dont la première réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la date d'expiration ou de résiliation de tout ou partie des garanties, si ces sinistres sont imputables aux activités garanties à cette date, et s'ils résultent d'un fait générateur survenu pendant la période de validité du contrat. Ce délai ne peut être inférieur à cinq ans.
« Le dernier contrat conclu, avant sa cessation d'activité professionnelle ou son décès, par un professionnel de santé mentionné à la quatrième partie du code de la santé publique exerçant à titre libéral, garantit également les sinistres pour lesquels la première réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la date de résiliation ou d'expiration du contrat, si ces sinistres sont imputables aux activités garanties à cette date. Ce délai ne peut être inférieur à dix ans. Cette garantie ne couvre pas les sinistres dont la première réclamation est postérieure à une éventuelle reprise d'activité. Le contrat ne peut prévoir pour cette garantie un plafond inférieur à celui de l'année précédant la fin du contrat.
« Le contrat ne garantit par les sinistres dont le fait générateur était connu de l'assuré à la date de la souscription.
« Lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu la garantie apportée par plusieurs contrats successifs, il est couvert en priorité par le contrat en vigueur au moment de la première réclamation, sans qu'il soit fait application des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 121-4. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Après le partage des risques, institué à l'article 1er, l'article 4 présente la deuxième grande mesure destinée à inciter les assureurs à réintégrer le marché sanitaire en amoindrissant les coûts qu'ils pourraient devoir supporter. Selon ses termes, l'étendue de la garantie d'assurance courrait à partir du fait générateur et non plus de la consolidation du dommage, comme cela avait été prévu dans la loi Kouchner du 4 mars 2002.
Permettez-moi de regretter fortement, pour cet article comme pour la proposition de loi en général, que notre travail se fasse dans l'urgence : il n'est pas toujours très facile de vérifier dans le code des assurances le bien-fondé ou non d'une disposition !
Ainsi, je me demande si l'article 4 n'est pas source de complications et s'il ne comporte par certaines incohérences. J'aimerais que vous me répondiez sur ce point, monsieur le ministre. Le nouvel article L. 251-2 du code des assurances créé par cet article n'est-il pas susceptible de provoquer des discordances entre les différents délais de recours ?

Je m'explique : la loi du 4 mars 2002 a harmonisé à dix ans les délais de prescription des actions administratives et civiles ; la proposition de loi fixe les délais de garantie d'assurance envers un établissement ou un professionnel de santé à au moins cinq ans après la fin du contrat. Or, les points de départs des actions ne sont pas les mêmes : consolidation du dommage pour la prescription des actions civiles et administratives ; fait générateur lorsqu'il s'agit de la garantie des contrats d'assurance !
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire comment seront réglés, dans la pratique, cette absence de concordance et ce type de situation ?
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après les mots : "validité du contrat," rédiger comme suit la fin du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 251-2 du code des assurances : "quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, dès lors que le fait générateur est survenu dans le cadre des activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation". »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Cet amendement n° 9 me permet d'apporter une réponse à M. Godefroy. Il vise à la reprise du passé inconnu : l'assureur qui doit être en charge est l'assureur au moment de la réclamation et non pas nécessairement l'assureur au moment des faits antérieurs. Cet amendement vise à plus de simplification, à une réactivité plus grande, l'assureur qui intervient étant celui qui était assureur au moment de la réclamation des dommages, et à une clarification.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Avis favorable, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 251-2 du code des assurances, remplacer les mots : "du contrat" par les mots : "de tout ou partie des garanties". »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. L'amendement n° 10 concerne l'extension de la garantie de cinq ans et de dix ans, en cas de décès ou de cessation d'une partie partielle mais définitive de l'activité. Cet amendement vise notamment les médecins qui peuvent assurer deux spécialisations et décider d'en cesser une dans un premier temps et l'autre plus tard.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Favorable, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase du cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 251-2 du code des assurances, remplacer les mots : "si ces sinistres sont imputables aux activités garanties à cette date" par les mots : "dès lors que le fait générateur est survenu pendant la période de validité du contrat ou antérieurement à cette période dans le cadre des activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation". »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Cet amendement, comme l'amendement n° 9, vise à préciser que la réclamation est une condition suffisante de l'indemnisation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - L'article L. 251-2 du code des assurances s'applique aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la date de publication de la présente loi.
« Sans préjudice de l'application des clauses contractuelles stipulant une période de garantie plus longue, tout contrat d'assurance de responsabilité civile garantissant les risques mentionnés à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, conclu antérieurement à cette date, garantit les sinistres dont la première réclamation est formulée postérieurement à cette date et moins de cinq ans après l'expiration ou la résiliation de tout ou partie des garanties, si ces sinistres sont imputables aux activités garanties à la date d'expiration ou de résiliation et s'ils résultent d'un fait générateur survenu pendant la période de validité du contrat. » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 5



M. le président.
L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnance, à Mayotte, dans les territoires des îles Wallis et Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises et, en tant qu'elles concernent les compétences de l'Etat, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, les mesures législatives nécessaires à l'extension et l'adaptation de la présente loi ainsi que des dispositions relatives à la réparation des conséquences des risques sanitaires créées par le titre IV de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
« Un projet de loi de ratification de ces ordonnances devra être déposé devant le Parlement au plus tard six mois à compter de l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Il s'agit de la mise en cohérence des dispositions de ce texte à l'égard des territoires d'outre-mer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 5.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires sociales sur la proposition de la loi n° 33, je donne la parole à M. André Vantomme, pour explication de vote.
M. André Vantomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a des aspects paradoxaux de la situation à laquelle cette proposition de loi vise à répondre.
Le premier paradoxe est le déni d'assurance par retrait des assureurs ou, plus subtilement, par des majorations vertigineuses de cotisations. Je pense qu'il faudra s'interroger sur les conséquences de ces dysfonctionnements et sur la conception qu'ont certains assureurs de leur rôle social. Imaginons que, dans d'autres aspects de la vie sociale, d'autres catégories commencent à sélectionner leur activité en fonction de ce qui est rentable et de ce qui ne l'est pas.
J'en viens au deuxième paradoxe : la possibilité réservée à certains établissements hospitaliers importants de s'auto-assurer pose le problème de l'assurance sous un angle différent. Si certains établissements sont contraints à ce choix, c'est bien parce qu'il y a dans le monde de l'assurance des absences de réponses qui doivent nous amener à nous interroger : d'autres solutions publiques ne sont-elles pas à envisager pour l'avenir ? Après tout, la mise en place de l'office national des indemnisations des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des affections nosocomiales est déjà une première étape d'intervention publique. Souhaitons que les assurances l'aient bien compris. La nature a, dit-on, horreur du vide. On pourrait demain trouver dans l'attitude des assureurs des motifs légitimes pour aller vers des solutions plus plubliques et moins libérales.
Pour toutes ces raisons et pour les motifs qui ont été défendus tout au long de cette discussion par nos collègues MM. Gilbert Chabroux et Jean-Pierre Godefroy, le groupe socialiste s'abstiendra sur ce texte.
M. Paul Blanc. Ah ! Abstention positive ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai exprimé très explicitement notre opposition à cette proposition de loi, même si nous reconnaissons qu'un certain nombre de points doivent être traités.
Nous remarquons surtout que nous travaillons de plus en plus dans l'urgence et que nous sommes de plus en plus confrontés à des textes très complexes. Ainsi, nous n'avons découvert les amendements déposés par le Gouvernement que ce matin !
Cette manière d'élaborer la loi en répondant dans d'aussi courts délais à des interrogations qui peuvent être légitimes pose problème.
Mais nous sommes convaincus que l'adoption de cette proposition permettra surtout de satisfaire les demandes médiatisées et très fortes de la fédération française des sociétés d'assurance, qui est en train d'opérer un recentrage sur des activités plus lucratives ! Alors que je pensais l'action des sociétés d'assurance fondée sur une certaine forme de mutualisation et de partage des risques, j'observe, depuis un certain nombre d'années, un désengagement de ces compagnies : bien que les primes augmentent, nous assistons actuellement à un transfert sur la solidarité nationale de ce qui pourrait être légitimement partagé. En spéculant comme elles l'ont fait, en perdant des dizaines, voire des centaines de milliards, les sociétés d'assurance, comme certains établissements bancaires d'ailleurs, contribuent à rendre notre société plus inégalitaire, plus ultra-libérale et plus injuste.
C'est véritablement en raison d'une accentuation des inégalités et de transferts toujours plus importants sur la solidarité nationale de charges devant au contraire être partagées que nous confirmons notre opposition à cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je souhaite situer dans un contexte plus général la manière dont nous avons abordé la loi Kouchner et la proposition de loi que nous vous soumettons aujourd'hui.
Au-delà des procès d'intention que l'on nous fait, nous devons développer un esprit de médiation. C'est ce que je retiendrai de l'approche de cette proposition de loi.
Il est certain que, si nous délivrons une information très précoce, beaucoup moins de recours seront déposés. Nous avons également constaté que l'ordre des médecins était de plus en plus saisi. Les malades pensent en effet que l'Ordre doit sanctionner les praticiens. Le nombre de plaintes a été multiplié par deux en dix ans. Mais cela n'aboutit pas obligatoirement à des poursuites sur le plan pénal.
Il faut aussi préciser que notre souci est avant tout le patient. Et notre souhait de voir les pratiques médicales se dérouler dans des conditions sereines vise aussi l'intérêt des malades.
Les tribunaux ont tendance, c'est vrai, à indemniser le maximum de victimes, et de mieux en mieux. Mais notre souci est non seulement d'apporter une réponse dans l'urgence, mais aussi de donner à ce gouvernement les moyens de sa politique sanitaire.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi n° 33 (2002-2003).

(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce texte étant adopté, je tiens à remercier tous nos collègues qui ont contribué à l'élaboration de cette proposition de loi. Un grand quotidien du matin a dénommé ce texte abusivement « loi About ». Ce sera non « loi About », mais la loi de la République !
Si je n'ai pas souhaité m'exprimer sur ce texte tout à l'heure à la tribune, c'est non seulement parce qu'il est d'inspiration gouvernementale, mais aussi parce qu'il est le fruit de la réflexion des associations de malades, des professionnels de santé et des professionnels de l'assurance du risque médical. Il n'était donc pas normal que le président de la commission des affaires sociales tente de s'approprier ce travail commun !
En revanche, après le vote qui vient d'intervenir, je tiens à remercier une fois encore tous nos collègues, et en particulier M. le rapporteur, du travail qu'ils ont accompli. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)

11

ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES

Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 45, 2002-2003) de M. Bernard Murat, fait au nom de la commission des affaires culturelles sur sa proposition de loi (n° 28, 2002-2003), portant modification de l'article 43 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.
Dans la discussion générale, la parole est M. le rapporteur.
M. Bernard Murat, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai l'honneur de rapporter devant vous au nom de la commission des affaires culturelles présente, à mes yeux, un grand mérite : elle permet de résoudre une question importante en y apportant une réponse claire.
La question est importante, car il s'agit ni plus ni moins du droit de continuer à exercer leur métier pour des moniteurs, éducateurs, entraîneurs ou animateurs sportifs professionnels qui avaient accédé à ces professions avant l'entrée en vigueur de la loi du 6 juillet 2000, dite « loi Buffet ».
Avant l'entrée en vigueur de cette loi, les conditions d'entrée dans ces professions avaient été définies, en dernier lieu, par la loi Bredin de 1992.
Depuis 1993, l'exercice rémunéré de la profession d'éducateur sportif était donc subordonné à la détention d'un diplôme inscrit sur une liste d'homologation établie par le ministère des sports, ce diplôme pouvant être soit un diplôme d'Etat - l'homologation était alors de droit - soit un diplôme privé, c'est-à-dire dans les faits un diplôme fédéral.
Dans son texte initial, le projet de loi qui devait devenir la loi Buffet prévoyait une modification radicale de ce système. Il supprimait en effet l'exigence de diplôme, au profit d'une « qualification » définie par l'Etat, dont le contenu et les modalités d'obtention étaient on ne peut plus flous.
Vous vous en souvenez certainement, mes chers collègues, en dépit de l'examen de la loi en urgence et de l'échec de la commission mixte paritaire, un certain accord s'était manifesté entre les deux assemblées pour refuser ce schéma imprécis, dont les conséquences en termes de qualité des formations, et donc de sécurité des pratiquants, pouvaient être catastrophiques.
L'Assemblée nationale ayant partiellement fait siennes les positions du Sénat, la nouvelle loi avait maintenu l'exigence de diplôme et l'inclusion des professions sportives dans le champ des professions réglementées.
Un autre point d'accord s'était manifesté : les deux assemblées avaient en effet décidé de supprimer le système spécifique d'homologation des diplômes sportifs et de faire « rentrer » les formations sportives dans le droit commun de la formation professionnelle, qui était encore défini par la loi d'orientation sur l'enseignement technologique du 16 juillet 1971.
Le maintien de ce régime spécifique risquait en effet d'isoler les professions sportives des autres professions, d'autant qu'elles seraient alors restées à l'écart de la réforme annoncée du cadre juridique de la formation professionnelle, réforme qui a été réalisée depuis avec la loi de modernisation sociale de janvier 2002.
Cependant, en mettant fin au régime spécifique d'homologation des diplômes sportifs, cette réforme a suscité une vive inquiétude chez les titulaires de diplômes figurant sur la liste d'homologation du ministère des sports. Ceux-ci craignent de ne plus pouvoir continuer à exercer leur profession à compter du 1er janvier prochain.
Je crois pouvoir affirmer à cette tribune que ce n'était pas l'intention du législateur. La discussion du projet de loi avait au contraire mis en évidence que l'Assemblée nationale et le Sénat voulaient maintenir le cadre juridique général de l'accès aux professions sportives en raison de ses excellents résultats.
Je crois aussi pouvoir affirmer, monsieur le ministre, qu'aucun des parlementaires ayant participé au débat sur la loi Buffet n'aurait envisagé de retirer aux titulaires de diplômes homologués leur droit d'exercer.
Une telle décision, totalement injustifiée, aurait en effet été extrêmement grave. D'abord, elle aurait causé aux intéressés un préjudice immense. Ensuite, elle aurait complètement désorganisé l'encadrement des clubs sportifs, en particulier des plus petits d'entre eux, et de beaucoup d'activités sportives, dont la charge serait retombée uniquement sur les bénévoles.
On doit en outre admettre que la rédaction de la loi n'est pas assez précise, si bien que les professionnels et même le ministère ont pu craindre qu'elle ne soit interprétée comme retirant toute valeur aux diplômes homologués.
Il faut d'ailleurs regretter que cette question n'ait été ni évoquée ni réglée lorsque le gouvernement précédent a « improvisé » en 2001, dans le cadre de la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, dite « loi DDOSEC », une mesure transitoire permettant de prolonger le régime d'homologation pour pouvoir continuer de recruter des moniteurs, le nouveau texte étant inapplicable faute des mesures réglementaires indispensables.
Quoi qu'il en soit, il faut que la loi soit claire : l'avenir de quelque 30 000 diplômés fédéraux ne peut être suspendu à l'exégèse incertaine d'un texte mal rédigé.
C'est pourquoi il paraît indispensable d'affirmer sans équivoque le maintien du droit d'exercer des professionnels qui auront acquis ce droit en application des dispositions en vigueur avant la loi du 6 juillet 2000, y compris pendant la période de « prolongation » de l'homologation jusqu'au 31 décembre de cette année.
Le dispositiif que nous vous proposons d'adopter est très simple.
Son objet essentiel, que je viens d'exposer, résulte du II de l'article unique du texte adopté par la commission. Ce paragraphe affirme les droits acquis des personnes qui exerçaient légalement, avant le 31 décembre 2002, une fonction d'éducateur sportif. Cela signifie, en clair, qu'elles pourront continuer d'exercer leur profession sans qu'on puisse leur imposer quelque condition nouvelle que ce soit.
Mais il est également précisé que cette faculté de continuer à exercer ne leur est ouverte que dans la limite de leurs « droits acquis ». C'est ainsi que le titulaire d'un diplôme donnant le droit d'exercer de façon saisonnière ou occasionnelle, ou dans certaines conditions, pourra continuer de le faire. En revanche, s'il souhaite exercer son activité de manière permanente, il devra, bien sûr, acquérir les titres nécessaires dans les conditions prévues par la nouvelle loi.
Quant au I de l'article unique, il correspond à une simple mesure de toilettage et de coordination. En effet, pour des raisons tenant à la date de publication du code de l'éducation, qui a codifié la loi de 1971, la loi du 6 juillet 2000, promulguée postérieurement, fait toujours référence à la loi de 1971 et au régime d'homologation des diplômes qu'elle avait mis en place.
Il convient de corriger cet « accident de l'histoire » et de faire référence au régime de certification issu de la loi de modernisation sociale, dont tient d'ailleurs compte le tout récent décret d'application de l'article 43 modifié de la loi de 1984.
Tel est, mes chers collègues, l'objet de la proposition de loi que votre commission des affaires culturelles vous demande d'adopter. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il importe de resituer la proposition de loi présentée par M. Bernard Murat en tenant compte de la formidable évolution que le sport a connue ces vingt dernières années, évolution dont témoignent d'ailleurs les formations dispensées aux animateurs et éducateurs sportifs.
Jadis, l'organisation du sport reposait quasi exclusivement sur les bénévoles oeuvrant au sein du mouvement sportif. Ce mouvement s'est progressivement « professionnalisé », au sein même des fédérations et des clubs, sous l'effet du développement du sport dans notre société et de nouvelles exigences de la pratique.
En matière de formation, nous sommes parallèlement passés d'une préoccupation axée sur la technicité du sport, répondant aux besoins spécifiques des fédérations, à une logique qui, tout en continuant à s'appuyer sur des compétences techniques pointues, visait à répondre aux besoins d'employeurs de plus en plus diversifiés ; je pense ici plus particulièrement aux collectivités locales, dont l'investissement dans le champ sportif s'est considérablement accru, mais aussi aux structures plus commerciales.
Ces deux évolutions majeures ont débouché sur un besoin de professionnalisation plus important des éducateurs sportifs. En fait, de véritables métiers du sport ont émergé.
Dans le même temps, les exigences en termes de sécurité et de qualité de l'encadrement ont conduit les pouvoirs publics à réglementer la profession d'éducateur sportif afin d'apporter les garanties indispensables aux pratiquants.
A cet égard, force est de constater que l'article 43 de la loi sur le sport, dans un domaine d'une très grande complexité, pose aujourd'hui - faute, sans doute, d'une concertation préalable suffisamment poussée - de nombreuses difficultés d'application. La proposition de loi a pour objet de résoudre une de ces difficultés majeures.
Au travers de ce que nous a indiqué M. Bernard Murat, il apparaît que l'apport de cette proposition de loi est triple.
Sur la forme, tout d'abord, elle permet de rétablir les références législatives et les formulations adéquates.
Elle vise, ensuite, à clarifier la situation de personnes - 50 000, potentiellement - qui avaient acquis un diplôme leur permettant d'exercer contre rémunération et qui, à la faveur d'un changement législatif conduit dans l'urgence, risquent de se trouver placées, à compter du 1er janvier 2003, dans l'impossibilité de poursuivre leur activité professionnelle.
Enfin, elle apporte une réponse concrète aux employeurs du secteur sportif qui ont actuellement en matière d'encadrement des activités physiques et sportives, des besoins que la nouvelle formule de l'article 43 de la loi sur la sport ne permet pas de couvrir.
Je pense ici, tout particulièrement, aux emplois saisonniers ou occasionnels, qui sont nombreux dans le domaine des loisirs sportifs. Ces emplois étaient majoritairement couverts par les diplômes délivrés par les fédérations sportives figurant sur la liste d'homologation du ministère des sports, celle-là même qui est appelée à disparaître après le 31 décembre 2002.
Pour toutes ces raisons, la présente proposition de loi est de nature à répondre concrètement aux préoccupations exprimées par les professionnels, dont la compétence n'est, bien entendu, nullement en cause.
Je puis vous assurer que les inquiétudes sont vives et s'expriment largement au sein des états généraux du sport que nous réunissons actuellement avec le président du Comité national olympique et sportif français, Henri Serandour. Ces états généraux m'ont donné l'occasion de me déclacer dans dix-sept régions et d'entendre les différents acteurs sportifs. Et je sais que, l'échéance approchant, vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs, de plus en plus fréquemment interpellés sur cette question.
C'est la raison pour laquelle cette proposition de loi de M. Murat, qui permet d'apporter une réponse concrète à ce que nous entendons chaque jour sur le terrain, recueille le soutien du ministère des sports. Que M. Bernard Murat soit donc remercié pour son initiative.
L'architecture du nouvel article 43 de la loi sur le sport, telle qu'elle a été conçue, est d'une mise en oeuvre très complexe. Les délais nécessaires à l'adoption de son décret d'application, qui n'a été publié au Journal officiel que le 19 octobre dernier, en témoignent.
C'est d'ailleurs en raison d'un dispositif réglementaire qui se faisait attendre que le précédent gouvernement avait, à la hâte, dans le cadre de la loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, la fameuse DDOSEC, prorogé la validité de la liste d'homologation.
Je note aujourd'hui que, dans sa proposition de loi, M. Murat renonce fort judicieusement à la tentation facile de proroger une nouvelle fois la validité de la liste d'homologation.
Le choix opéré dans le cadre de la proposition de loi est pertinent pour trois raisons essentielles.
Il permet tout d'abord de clarifier définitivement la situation des titulaires des diplômes acquis en vertu de la précédente législation et, en cela, se conforme à une grande tradition juridique de notre pays : ne pas revenir sur les droits acquis. Le législateur ne raisonne donc plus en fonction d'une liste de diplômes ; il se préoccupe des personnes titulaires de ces diplômes.
Ensuite, les circonstances ne sont plus aujourd'hui les mêmes qu'en 2001. Au moment de l'adoption de la loi DDOSEC, le gouvernement précédent se trouvait dans une impasse.
En effet, les nouvelles conditions d'encadrement contre rémunération des activités physiques et sportives étaient applicables dès l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Or, le décret d'application n'étant pas publié et aucune passerelle n'ayant été prévue, le nouveau dispositif était inapplicable dans les faits. Il était donc indispensable de gagner du temps pour adopter les mesures d'application de l'article 43.
Aujourd'hui, la publication du décret d'application dudit article a permis l'entrée en vigueur complète du nouveau régime des diplômes. Il serait donc difficilement concevable de bénéficier d'un arsenal juridique complet et de décider de ne plus l'appliquer en prorogeant le système ancien.
Je note enfin que, si la manière de procéder en 2001 avait été pertinente, nous ne serions pas, aujourd'hui, dans l'obligation de modifier une nouvelle fois l'article 43 de la loi sur le sport.
Le Gouvernement est donc favorable à cette proposition de loi, qui lui paraît, en vérité, indispensable.
Je tiens d'ailleurs à confirmer que, eu égard aux enjeux de la formation et de l'encadrement de la pratique sportive, je serai très attentif aux conclusions des états généraux du sport sur cette question essentielle, tant pour la diffusion de la pratique que pour la fonction de cohésion sociale du sport.
A la lumière des préoccupations exprimées, je suis certain que cette question devra être évoquée à nouveau devant vous. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.

Article unique



M. le président.
« Article unique. - Le I de l'article 43 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est ainsi modifié :
« I. - Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le diplôme mentionné à l'alinéa précédent est enregistré dans le répertoire national des certifications professionnelles dans les conditions prévues par le II de l'article L. 335-6 du code de l'éducation nationale. »
« II. - Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions du présent paragraphe ne s'appliquent pas :
« 1° aux fonctionnaires relevant des titres II, III et IV du statut général des fonctionnaires dans l'exercice des missions prévues par leur statut particulier ;
« 2° aux personnes ayant acquis au 31 décembre 2002, conformément aux dispositions législatives en vigueur avant le 10 juillet 2000, le droit d'exercer contre rémunération une des fonctions mentionnées au premier allinéa, dans l'exercice de ce droit. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Dulait.
L'amendement n° 2 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Au début du deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le II de cet article pour remplacer le dernier alinéa du I de l'article 43 de la loi n° 84-610 relative à l'organisation et à la promotion des activités sportives, ajouter les mots : "aux militaires et". »
L'amendement n° 1 n'est pas soutenu.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Jean-François Lamour, ministre. La proposition de loi présentée par M. Murat doit être également l'occasion de rétablir, dans le champ de la dérogation à l'obligation de diplôme, les militaires lorsque leur activité s'exerce dans le cadre de leurs missions professionnelles. Tel est l'objet de l'amendement gouvernemental.
Il s'agit d'un rétablissement du droit prévalant jusqu'en 2000.
En effet, tous les agents de l'Etat bénéficiaient, en vertu de l'article 43 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984, relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, d'une dérogation à l'obligation de diplôme lorsque leur activité était accomplie dans l'exercice de leurs missions professionnelles.
Lors de la réécriture de cet article par la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000, la mention « agents de l'Etat », formulation qui incluait les militaires, a été remplacée par celle de « fonctionnaires relevant des titres II, III, IV du statut général des fonctionnaires ». Cette rédaction a involontairement privé les militaires du bénéfice de cette dérogation.
Au sein du ministère de la défense, près de 1 800 militaires sont chargés de l'encadrement, de l'entraînement et de l'animation d'activités sportives telles que l'escalade, le parachutisme et la plongée subaquatique. Il s'agit exclusivement d'activités sportives conduites pour ses besoins propres, à des fins de préparation opérationnelle, auprès de la population militaire.
Cette nouvelle rédaction est donc préjudiciable au fonctionnement des structures sportives du ministère de la défense et, par là même, à la satisfaction des missions qui sont dévolues aux armées. Les militaires exercent actuellement leur activité illégalement.
L'amendement présenté a donc pour objet d'aligner à nouveau le régime des militaires sur celui des fonctionnaires civils.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement qui, en réparant une erreur de rédaction de la loi du 6 juillet 2000, rétablit la situation antérieure et accorde ainsi les mêmes droits aux fonctionnaires civils et militaires.
M. Paul Blanc. Ce n'est que justice !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Paul Blanc. Est-ce une abstention positive ? (Sourires.)

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est aini libellé :
« Compléter le dernier alinéa (2°) du texte proposé par le II de cet article pour remplacer le dernier alinéa du I de l'article 3 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 précitée par une phrase ainsi rédigée : "Elles devront passer devant un jury présidé par le directeur régional du sport dont elles dépendent, avant le 30 juin 2003, afin de valider leur droit d'exercer." »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Comme vous l'avez rappelé à juste titre, monsieur le ministre, trop de lois tuent le sport. Alors, pourquoi autant de précipitation pour changer le contenu de celle-ci alors même que les états généraux sur le sport, initiés par le Président de la République, sont encore en cours ?
M. Charles Revet. Quand une loi n'est pas bonne, il faut la changer. Il faudrait d'ailleurs aller beaucoup plus vite. (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Annie David. Nous espérons qu'à l'issue de ces états généraux un projet cohérent de modification et de réactualisation de certaines dispositions législatives verra le jour. Nous pourrons alors envisager de travailler sur des sujets aussi sensibles que le financement des clubs, les droits télévisuels ou l'encadrement pour un exercice sécurisé du sport, notamment des sports de mer ou de montagne.
Comme l'a rappelé M. Murat, environ 30 000 personnes détenant un brevet homologué et possédant une compétence professionnelle reconnue peuvent se prévaloir d'une expérience certaine du terrain. En leur permettant de valider leurs acquis et leur expérience professionnelle, nous nous donnons les moyens de reconduire dans leurs fonctions des professionnels de qualité, éprouvés et aguerris, et de rassurer ainsi les petites structures, très inquiètes de la fragilisation de leur mode de fonctionnement.
Je suis élue d'un département de montagne et, comme je l'indiquais ce matin en commission, j'ai la chance d'habiter au pied du plateau de Saint-Hilaire, qui accueille les épreuves de la coupe Icare, mondialement connue, et donc de voir évoluer de nombreux parapentes et d'ailes delta. Je vois aussi, malheureusement, beaucoup d'hélicoptères effectuer des opérations de sauvetages pour récupérer des parapentistes malheureux ou des adeptes de l'aile delta, parfois en piteux état.
La pratique des sports à risque doit être encadrée par des règles strictes. Avec la validation des acquis et de l'expérience, non seulement nous pourrons assurer de meilleures conditions de sécurité mais, de plus, les entraîneurs, les éducateurs et les animateurs eux-mêmes seront gagnants. En effet, cela évitera la pérennisation de deux statuts différents que l'on connaît aujourd'hui, les diplômés d'Etat et les diplômés fédéraux. La validation de ces acquis permettra à tous les éducateurs d'avoir le même statut.
Tel est l'objet de l'amendement n° 3 que nous vous proposons aujourd'hui.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Nous avons déjà eu l'occasion de débattre avec notre collègue Annie David de la question soulevée à travers son amendement, sur lequel un malentendu subsiste.
Permettre à des professionnels diplômés de bénéficier d'une formation permanente pour améliorer leurs compétences, s'agissant du parapente par exemple, ne peut que recueillir notre accord. Mais ce n'est pas du tout le sens de cet amendement, qui est incompatible avec la position de la commission et avec le texte qu'elle a adopté.
Alors que nous proposons de reconnaître expressément les droits acquis par les titulaires de diplômes homologués, cet amendement les soumet à une obligation de validation de leur titre à exercer, validation dont on ne voit pas du tout à quoi elle correspondrait ni comment elle serait effectuée.
En somme, cet amendement dénie aux professionnels en exercice les droits que nous voulons leur reconnaître, en cohérence, je l'ai dit tout à l'heure, avec les positions prises par le Parlement au moment de l'adoption de la loi de 2000 et, comme l'a dit M. le ministre, avec nos traditions juridiques.
La commission est donc tout à fait défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Madame la sénatrice, je partage l'avis de la commission. En effet, rien n'empêche les diplômés fédéraux actuels de s'engager dans la valorisation des acquis. Il s'agit d'ailleurs d'une logique dont nous pourrons nous inspirer, dans le cadre d'une vraie concertation avec le mouvement sportif, pour examiner les éventuelles passerelles. Mais nous avions un problème urgent à régler : permettre aux petits clubs de continuer à bénéficier de l'encadrement des diplômés fédéraux.
Or, à partir du 31 décembre 2002, au terme d'une nouvelle prorogation de deux ans, si rien n'est changé, ils ne pourront plus en bénéficier. Pratiquement, rien n'avait été prévu pour régler les problèmes qui se posaient en termes de reconnaissance de l'expérience acquise par les diplômés fédéraux - qui font très bien leur travail, ce que tout le monde ici reconnaît - mais aussi de garantie pour les intéressés de pouvoir, à un moment donné, s'engager dans une logique de brevet professionnel, de formation leur permettant d'acquérir une qualification et des compétences précises dans tel ou tel domaine de la pratique sportive.
Une proposition nous avait été faite pour trouver une solution, au-delà de la énième prorogation, qui était d'inciter les diplômés fédéraux à s'engager dans une formation de brevet professionnel, qu'ils mènent ou non à bien cette formation.
Je considère, au-delà du fait qu'on est là dans l'illégalité la plus totale, que cette logique qui consiste à vouloir mettre en place un brevet professionnel et à l'utiliser comme support pour évacuer le problème des diplômés fédéraux n'est pas bonne. Si l'on doit reconnaître le brevet professionnel, il faut le reconnaître comme tel, mais, de grâce, laissons ceux qui ont passé leurs diplômes fédéraux continuer leur action.
De surcroît, ainsi que je l'ai rappelé tout à l'heure, et comme Bernard Murat l'a dit aussi, c'est une activité très saisonnière et elle se déroule en général sur une période de quatre ou cinq ans. Par conséquent, le fait de valider définitivement ces diplômes fédéraux permet, encore une fois, d'apporter aux clubs un certain soulagement et d'envisager, sur le moyen terme, un vrai travail de concertation avec le mouvement sportif et les différents partenaires sociaux pour trouver, effectivement, une évolution saine dans le cadre de cette qualification, qui, vous l'avez rappelé, est désormais une des priorités de l'encadrement sportif.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article unique, modifié.

(L'article unique est adopté.)

Intitulé



M. le président.
J'indique que la commission des affaires culturelles propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi modifiant l'article 43 de la loi 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. »
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi n° 45, je donne la parole à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapporteur du budget des sports, Bernard Murat, nous propose aujourd'hui d'adopter une modification de forme de l'article réglementant les activités d'encadrement, d'enseignement, d'entraînement et d'animation des activités physiques et sportives. Cette modification permettra de clarifier, une fois pour toutes, la situation des personnes qui remplissent ce type de fonctions, en vertu d'un diplôme obtenu entre 1992 et la fin de cette année 2002 et figurant sur une liste d'homologation « maison » du ministère chargé des sports, liste qui comprenait notamment les diplômes délivrés par les fédérations sportives.
Les quelque 30 000 personnes qui, conformément à ce type de diplômes, encadrent, entraînent, enseignent ou animent des disciplines sportives depuis plusieurs années ont pu légitimement nourrir quelques inquiétudes lors de la réforme de la loi de 1984 par la loi du 8 juillet 2000, qui a fait entrer les professions d'enseignement et d'animation sportives dans le régime de droit commun. L'exercice de ces métiers est désormais subordonné à l'obtention d'un diplôme délivré par l'Etat, récemment devenu, avec la loi de modernisation sociale, un diplôme figurant sur le répertoire national des certifications professionnelles.
Les personnes concernées par le dispositif de la proposition de loi ont déjà vu leur mode de qualification prorogé jusqu'à la fin de l'année 2002, faute d'application par le pouvoir réglementaire de la loi de juillet 2000.
Le terme du 31 décembre 2002 s'approchant, les inquiétudes des diplômés selon le mode de l'ancienne liste d'homologation ressurgissent.
Même si rien, dans les termes de la loi de 2000, ne laisse supposer que l'obligation de diplôme défini par l'Etat s'applique de manière rétroactive pour les diplômés selon l'homologation du ministère des sports, il me semble effectivement préférable, à l'instar de ce que propose notre collègue M. Murat, de rassurer une fois pour toutes les personnes inquiètes et d'inscrire dans la loi le caractère pérenne des diplômes sur liste d'homologation visée par le ministère chargé des sports, ainsi qu'en disposait la loi de 1992 modifiant la loi de 1984.
Je voterai donc, au nom du groupe socialiste que je représente, cette proposition de loi, car elle permettra de rassurer de manière définitive de nombreux acteurs du monde sportif, du mouvement associatif et des secteurs des loisirs et du tourisme.
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais rappeler que, le 7 mars 2000, lors d'un précédent débat sur la modification de la loi relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, notre collègue Bernard Murat dénonçait déjà les nombreuses failles de l'article 43 de la loi du 16 juillet 1984.
Il expliquait notamment que cet article, qui prévoyait que « tout enseignant, même bénévole, serait obligé de détenir une qualification » suscitait beaucoup d'inquiétude dans le milieu sportif. Notre collègue prenait l'exemple des bénévoles qui encadrent les activités sportives dans les petites communes et qui risquaient d'être « démobilisés » par une telle mesure.
Ce texte restait particulièrement obscur quant au sort réservé aux titulaires de diplômes homologués, comme il a été dit. D'où la nécessité de revenir de nouveau et au plus vite sur cet article.
C'est chose faite ce soir grâce à M. Bernard Murat, que je félicite pour son initiative. Je tiens également à remercier la commission des affaires culturelles pour son travail, qui met bien en évidence les trois priorités de cette proposition de loi.
D'abord, comme vient de l'expliquer M. le rapporteur, il était urgent de clarifier l'avenir des professionnels titulaires de diplômes homologués. Grâce à ce nouveau texte, ils sont enfin assurés de pouvoir toujours exercer après le 31 décembre 2002, comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre.
Ensuite, il fallait répondre aux inquiétudes de nombreuses associations et de nombreux clubs qui emploient ces éducateurs sportifs et qui craignaient de devoir renoncer à dispenser des activités sportives. C'eût été un comble !
Enfin, il était indispensable de conserver une certaine exigence quant à la qualité de la formation.
Je me permettrai également de noter, monsieur le ministre, que cette proposition de loi résulte d'une écoute attentive des acteurs du monde sportif et du souhait de concilier les besoins à la fois des professionnels et de celles et ceux qui pratiquent des activités sportives. Il est, de plus, en parfaite phase avec l'esprit de votre politique : une politique qui considère le sport comme une nécessité sociale et qui s'appuie avant tout sur la recherche de la conciliation, du meilleur encadrement possible en gardant pour objectif l'accès du plus grand nombre au sport.
Les états généraux du sport, dont les consultations, notamment dans ma région, ont contribué à bien mettre en évidence le malaise des professionnels à l'égard de cet article 43, sont la plus belle illustration de cette politique dynamique en faveur du sport.
Notre groupe considère, lui aussi, que le sport doit avoir toute sa place dans notre société, qu'il est un facteur d'intégration important et, par conséquent, que le travail de tout le personnel encadrant - j'insiste sur ce « tout » - doit être à la fois respecté, reconnu et encouragé.
C'est pourquoi il votera cette proposition de loi qui donne enfin une cohérence à l'article 43 de la loi du 16 juillet 1984. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il me semble très important que le sport soit pratiqué en toute sécurité par tous : les sportifs, les éducateurs ou les entraîneurs.
Cela dit, il est regrettable d'avoir précipité l'examen de ce texte. On aurait pu attendre la fin des états généraux qui sont actuellement réunis.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le groupe CRC s'abstiendra.
M. le président. Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi n° 28 (2002-2003).

(La proposition de loi est adoptée.)

12

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour un rappel au règlement.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux à nouveau attirer votre attention sur la situation de la compagnie Air Lib.
Le moment est critique : soit la compagnie continue à exister, soit elle disparaît avec ses 3 200 salariés. Monsieur le ministre, il s'agit de savoir si le Gouvernement veut créer les conditions d'un redressement qui s'avère possible grâce, d'une part, à la situation favorable dans le transport à bas prix et, d'autre part, à l'ouverture d'une ligne vers le reste de l'Algérie, les prévisions vers le reste de l'Afrique étant moins certaines.
Certes, les difficultés sont encore importantes car, comme je le rappelais au cours de la séance du 30 octobre dernier, Swissair, avec son président Ernest-Antoine Seillière et la société de Wendel, a laissé une situation catastrophique, avec un déficit de 6 milliards de francs.
De plus, sur les 1 400 milliards de francs que la compagnie a été condamnée à payer, elle doit encore verser 400 millions à Air Lib. Faudra-t-il un nouveau jugement pour que cette somme soit payée ?
La compagnie Air Lib ne peut pas honorer ses échéances. Mais son PDG, Jean-Charles Corbet, nous a affirmé, monsieur le ministre, qu'il serait en mesure de présenter un ou deux repreneurs dans les délais que le Conseil supérieur de l'aviation civile a fixés, le vendredi 8 novembre, lors de sa réunion plénière.
Monsieur le ministre, le moment est venu pour le Gouvernement de prendre ses responsabilités et de sauver une entreprise française et ses 3 200 salariés, qui sont inquiets au plus haut degré.
Les propos des membres du Gouvernement ont été interprétés par les médias comme devant laisser à penser qu'il n'y avait plus rien à faire pour que vive cette compagnie aérienne. Le Journal du dimanche , vous l'avez vu comme moi, a même titré sur l'après-Air Lib.
Imaginez l'inquiétude des salariés et de leurs familles, eux qui ont déjà connu une telle situation il y a quinze mois et qui se sont tant investis dans leur travail !
Ils ont commencé à s'en sortir avec l'aide que leur a apportée M. Gayssot, ministre des transports du précédent gouvernement (Murmures sur les travées du RPR), en leur octroyant un prêt de 30 millions d'euros, prêt que vous avez d'ailleurs prolongé, j'en prends acte, monsieur le ministre. Mais il faut aujourd'hui aller plus loin.
Deux décisions essentielles doivent être prises.
Il faut laisser un peu de temps à Air Lib. Il ne faut pas lui imposer des délais trop contraignants qui risqueraient de faire échouer ses démarches pour trouver un ou deux financiers.
Vous devez prendre la décision politique de sauver ces 3 200 emplois et une entreprise française. Easy Jet, une entreprise anglaise, et Ryan Air - pour ne parler que de ces deux compagnies - n'attendent qu'un mot pour occuper les créneaux qu'Air Lib laisserait vides à Orly. Vous ne devez pas le permettre, monsieur le ministre, et j'espère que vous ne le voulez pas.
Comme vous le savez, je suis restée en liaison durant tout le week-end avec votre ministère, avec vous personnellement, avec votre chef de cabinet et avec le Premier ministre. J'ai même alerté le Président de la République. J'étais également, bien sûr, en liaison avec M. Corbet et le comité d'entreprise d'Air Lib.
La situation est inquiétante pour Air Lib. Mais les conséquences de la fermeture de cette ligne pourraient être dramatiques également pour la Guadeloupe, surtout au moment où le groupe Accor annonce son départ.
L'Europe devra, par ailleurs, accepter la transformation du prêt.
Monsieur le ministre, vous affirmez ne pas vouloir créer de difficultés à Air Lib. C'est aussi le discours du président du Conseil supérieur de l'aviation civile. Mes amis du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même ne demandons qu'à vous croire et nous attendons vos actes.
Ma passion à défendre cette compagnie, ses salariés et leur famille n'a d'égale que ma volonté farouche de ne pas créer encore des chômeuses et des chômeurs.
Puisque nous avons la chance de bénéficier de votre présence au Sénat, monsieur le ministre, j'attends bien sûr que vous me répondiez et je souhaite de tout coeur que vous le ferez avec la sagesse qui sied dans notre assemblée.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ma réponse sera très sobre.
Les sujets de préoccupation n'ont pas manqué ces jours derniers, et le dossier Air Lib en fait partie. A l'évidence, nous ne voulons aucun mal à cette société. Bien au contraire, nous souhaitons qu'elle vive, qu'elle prospère, qu'elle continue à desservir bien des destinations. Nous souhaitons véritablement son succès et son développement.
Cependant, malgré tout ce que vous avez dit, madame la sénatrice, il faut reconnaître que nous avons déjà fait beaucoup en sa faveur.
Mon prédécesseur a alloué un prêt de 30,5 millions d'euros à cette société. Comme vous l'avez rappelé, nous avons prolongé ce prêt. Par ailleurs, Air Lib ne paye pas de charges, ni sociales ni fiscales. L'effort en fonds publics dont elle bénéficie ainsi s'élève à 60 millions supplémentaires depuis notre arrivée au gouvernement en mai 2002.
Aujourd'hui, ce n'est pas nous qui détenons la clé pour Air Lib. C'est à ses dirigeants qu'il appartient de définir une stratégie crédible et de convaincre des investisseurs qui lui permettront de se maintenir et de se développer.

13

SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS

Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 46, 2002-2003) de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur la proposition de loi (n° 37, 2002-2003) de MM. Dominique Braye, Gérard Larcher, Charles Revet, Jean François-Poncet, Georges Gruillot, Michel Mercier, Nicolas About, Pierre André, Gérard Bailly, José Balarello, Roger Besse, Laurent Béteille, Joël Billard, Jacques Blanc, Mme Brigitte Bout, M. Gérard Braun, Mme Paulette Brisepierre, MM. Robert Calmejane, Jean-Claude Carle, Auguste Cazalet, Gérard César, Jean Chérioux, Marcel-Pierre Cleach, Jean Clouet, Yvon Collin, Gérard Cornu, Jean-Patrick Courtois, Philippe Darniche, Fernand Demilly, Christian Demuynck, Eric Doligé, Michel Doublet, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Emin, Jean-Paul Emorine, Michel Esneu, Alain Fouché, Philippe François, Yann Gaillard, René Garrec, Philippe de Gaulle, André Geoffroy, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Paul Girod, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Louis Grillot, Charles Guené, Michel Guerry, Mme Françoise Henneron, MM. Pierre Hérisson, Jean-François Humbert, Jean-Marc Juilhard, Christian de La Malène, Jacques Larché, André Lardeux, Jean-René Lecerf, Philippe Leroy, Roland du Luart, Max Marest, Philippe Marini, Pierre Martin, Serge Mathieu, Jean-Luc Miraux, Georges Mouly, Bernard Murat, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Michel Pelchat, Jacques Pelletier, Jean Pépin, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Ladislas Poniatowski, André Pourny, Henri de Raincourt, Henri Revol, Henri de Richemont, Mme Janine Rozier, MM. Bernard Saugey, Jean-Pierre Schosteck, Louis Souvet, François Trucy, Alain Vasselle et Jean-Pierre Vial portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi a été déposée sur l'initiative du président de la commission des affaires économiques et du Plan, M. Gérard Larcher, et de nos collègues Charles Revet, Jean François-Poncet, Georges Gruillot et Michel Mercier. Elle a été cosignée par près de quatre-vingt-dix membres de la majorité de notre Haute Assemblée, parmi lesquels M. Ladislas Poniatowski, que je souhaite tout particulièrement saluer car il a beaucoup travaillé au moment de la discussion de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Je tenais à le remercier pour l'aide qu'il nous a apportée.
Cette proposition de loi n'a pas pour finalité de réviser l'ensemble des dispositions de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », mais simplement pour objectif très ciblé d'en corriger certaines dispositions précises qui rencontrent des difficultés d'application évidentes et très concrètes.
Une révision et une mise en cohérence des quatre textes de loi présentés successivement par Mme Voynet, MM. Chevènement, Gayssot et Vaillant s'avèrent manifestement indispensables et feront l'objet, en 2003, je crois, d'un projet de loi spécifique présenté après un long et minutieux travail gouvernemental.
Les initiateurs de cette proposition de loi ont simplement voulu, en leur qualité de représentants des collectivités territoriales, proposer des réponses pragmatiques, efficaces et rapides face à des points de blocage concrets et parfaitement identifiés de la loi SRU, qui leur ont été signalés par un très grand nombre d'élus locaux de toutes sensibilités politiques.
Outre ce souci de déblocage rapide et pragmatique, trois principes ont inspiré et guidé le rapporteur du texte qui vous est soumis.
Il nous faut, d'abord et avant tout, maintenir les objectifs de mixité sociale et de droit au logement pour tous qui ont été posés par la loi SRU.
Contrairement à ce qui a été dit et écrit un peu partout, il n'est nullement question de remettre en cause l'objectif des 20 % de logements locatifs sociaux. Au contraire, nous voulons l'atteindre plus rapidement en changeant de méthode.
Il nous faut, ensuite, inventer un système qui permette aux acteurs locaux que sont les élus de devenir de véritables partenaires de l'Etat pour relever ce défi du logement social. Car l'Etat, nous le voyons bien depuis des décennies, est incapable de relever seul ce défi.
Enfin, nous devons prendre en compte les réalités du terrain et les contraintes spécifiques des collectivités locales, qui ont été totalement oubliées dans la loi SRU, ce qui explique les blocages qu'elle a entraînés sur tout le territoire ainsi, il faut bien le dire, que l'incompréhension et le manque d'adhésion des élus locaux.
L'ambition de cette proposition de loi est donc d'introduire davantage de souplesse pour atteindre plus rapidement des objectifs qui sont partagés, je le sais, par l'ensemble des collègues siégeant dans cet hémicycle, à savoir la mixité sociale et le droit à un logement décent pour tous, à commencer par les plus modestes de nos concitoyens.
Pour cela, en ce qui concerne les dispositions relatives au logement, notamment celles de l'article 55, il faut impérativement mettre un terme à la méthode de la coercition autoritaire et uniforme, précédée et non pas suivie d'un régime de sanction incompris car aveugle. Cette politique est non seulement injustifiée mais surtout inefficace, car elle entraîne de multiples résistances et tentatives de contournement.
Monsieur le ministre, il faut donc très rapidement la remplacer par une politique fondée sur la confiance. C'est justement la philosophie retenue dans le texte que j'ai l'honneur de vous présenter. Il substitue en effet le contrat à la contrainte, la confiance à la méfiance. Il entend ainsi faire des communes et de leurs élus de véritables partenaires de l'Etat dans la mise en oeuvre de la politique du logement social.
Au moment où nous voulons donner à notre pays un nouvel élan par la décentralisation, l'Etat ne peut plus décider contre les collectivités locales. Il doit, au contraire, décider avec elles. C'est ainsi que seront obtenus les meilleurs résultats, notamment dans le domaine du logement social.
La méthode actuelle de la loi SRU, qui consiste à stigmatiser, contraindre, pénaliser et punir les élus locaux, ne saurait être une bonne pratique pour atteindre un objectif, aussi louable soit-il. En revanche, les convaincre, les inciter et les associer au sein d'une démarche de partenariat créera, n'en doutez pas, mes chers collègues, les conditions de la dynamique du succès.
Mais revenons maintenant à la genèse de la présente proposition de loi. Quel était le constat de base sur la loi SRU ? Il était simple et incontournable : moins de deux ans après son entrée en vigueur, son application se heurte à de lourdes difficultés concernant, d'une part, les obligations de construction de logements locatifs sociaux et le régime de sanctions en découlant, institués par l'article 55, et, d'autre part, l'économie des documents d'urbanisme, désormais dénommés plans locaux d'urbanisme, PLU, et schémas de cohérence territoriale, SCOT.
Mes chers collègues, j'ai été, en juillet dernier, mandaté par la commission des affaires économiques afin de procéder à une large consultation auprès des élus locaux pour recueillir leur sentiment et leur analyse sur la loi SRU. Cette enquête m'a conduit à interroger non seulement plus de 400 élus locaux, dont un grand nombre de maires, mais aussi tous les présidents d'associations départementales des maires et tous les présidents d'agences d'urbanisme.
Au vu des multiples réponses qui me sont déjà parvenues, il est possible d'affirmer qu'un grand nombre de dispositions de la loi SRU suscitent de grandes difficultés d'application dans de nombreuses communes. Cette analyse est aujourd'hui partagée par l'immense majorité des élus locaux, de toutes sensibilités politiques, je tiens à le souligner.
Concernant le logement, la loi SRU repose sur des principes tels que la mixité sociale ou le droit au logement pour tous, qui ne peuvent que faire l'objet d'une approbation et d'un consensus très larges. Je l'ai déjà souligné et j'y insiste encore - je ne le ferai jamais assez -, car ces principes découlent de la conception républicaine que nous avons de notre société et sur lesquels votre rapporteur n'entend faire aucune concession.
Cette proposition de loi tend donc à renforcer et à obtenir une meilleure application de ces grands principes républicains, mais de manière pragmatique, plus réaliste et donc, forcément plus efficace. Il s'agit en effet de parvenir à une meilleure prise en compte des spécificités territoriales par la loi, de définir des obligations réalistes de construction de logements sociaux et de bâtir un dispositif inspiré par la confiance et le contrat.
Tout d'abord, mes chers collègues, les élus locaux manifestent, vous le savez, une très forte hostilité au mécanisme coercitif institué par l'article 55. Comme l'a souligné très justement notre excellent collègue Daniel Hoeffel, en tant que président de l'Association des maires de France, rien ne justifie de pénaliser les nouvelles équipes municipales élues en 2001. Ces dernières doivent ainsi souvent solder un passé en payant des pénalités sur un stock insuffisant de logements sociaux, alors qu'elles n'en sont pas responsables. Or, si l'on ne peut être rendu responsable d'un héritage, on est en revanche comptable de l'utilisation qu'on en fait.
En outre, l'article 55 constitue par excellence un exemple de mécanisme déresponsabilisant pour les communes.
En effet, les plus riches d'entre elles peuvent très bien, avec l'article 55 tel qu'il est rédigé aujourd'hui, s'exonérer de toute participation à l'effort national de construction de logements locatifs sociaux en payant les pénalités.
Pour notre part, nous faisons confiance aux élus, à leur capacité à remplir leurs engagements, et nous souhaitons qu'ils s'investissent pleinement dans la construction de logements locatifs sociaux.
Le mécanisme que nous vous proposons en complément de l'article 55 repose sur plusieurs principes de bon sens et sur un souci d'efficacité. Il vise, je ne le dirai jamais assez, à substituer le contrat à la contrainte et à responsabiliser les élus locaux.
En effet, le contrat négocié localement doit se substituer à la norme abstraite, uniforme et contraignante venue du sommet. De la sorte, les collectivités locales pourront devenir de véritables partenaires de l'Etat pour la mise en oeuvre des politiques du logement social.
Le seuil des 20 % n'est en aucun cas remis en cause, mais les moyens pour l'atteindre sont modifiés pour obtenir de meilleurs et de plus rapides résultats. Le coeur du dispositif qui vous est ainsi proposé permet aux communes disposant d'un stock insuffisant de logements locatifs sociaux de s'engager par délibération sur un objectif triennal de construction de tels logements. Cet engagement doit être au minimum égal à 33 % du flux des nouvelles constructions réalisées sur la période triennale à venir.
Néanmoins, mes chers collègues, pour éviter toute dérive et pour obliger les communes à atteindre les 20 %, il est défini un seuil minimal de construction de logements locatifs sociaux, fixé à 1 % du total des résidences principales de la commune.
Ce n'est toutefois que dans le cas où le tiers du flux de nouvelles constructions amènerait à des obligations inférieures au seuil de 1 % que ce dernier trouverait à s'appliquer. C'est bien, mes chers collègues - ne l'oubliez jamais ! -, le flux de 33 % qui prime dans la proposition de loi qui vous est soumis.
Notre objectif, contrairement à celui de la loi SRU actuelle, n'est pas de pénaliser, de faire payer et de sanctionner les communes pour un passé dont elles ne sont pas responsables. Il est de faire en sorte qu'elles rattrapent leur retard en construisant suffisamment de logements locatifs sociaux pour satisfaire aux demandes de nos concitoyens.
Des pénalités sont, certes, prévues, mais n'interviendraient qu'en fin de période triennale, si - et seulement si - ces communes n'ont pas respecté leurs engagements. Ces pénalités seraient évidemment proportionnées à l'ampleur du non-respect du contrat.
Surtout, ce mécanisme tend à renforcer la dimension intercommunale et à favoriser l'intercommunalité. Dans le cas des communes membres d'EPCI compétents en matière de logement, cet engagement devra être appréhendé au niveau de l'échelon intercommunal, comme cela est prévu dans la loi Chevènement du 12 juillet 1999 si ces EPCI ne disposent pas d'un stock suffisant de logements locatifs sociaux au regard des 20 %.
Les communes membres d'un EPCI dans lequel le seuil des 20 % est dépassé ne seraient plus soumises aux obligations de construction de la loi, à condition que le programme local de l'habitat intercommunal, le PLHI, soit adopté à l'unanimité et garantisse une répartition équilibrée des logements sociaux sur le territoire intercommunal.
L'un des défauts majeurs de la loi SRU était - vous le savez - d'appliquer la même logique à tout le territoire français, et donc le même « remède » à des situations très différentes. Pourtant, la loi, pour être bien appliquée et efficace, doit permettre une large marge d'appréciation et de modulation.
Ainsi, il serait prévu que le préfet puisse réduire les obligations de construction des communes confrontées à des difficultés objectives liées, notamment, à une pénurie de réserves foncières ou à des servitudes résultant du droit de l'urbanisme ou de la protection de l'environnement.
En aucun cas, cependant, cet aménagement ne pourrait porter sur l'obligation de construire un tiers de logements sociaux par rapport au nombre de nouvelles constructions. La logique du flux des 33 % est incontournable.
Ainsi, actuellement, une commune couverte par un plan de prévention des risques lié à l'existence de zones inondables voit une grande partie - si ce n'est la totalité - de son territoire « gelée » pour ce qui est de construire, mais paradoxalement, dans le même temps, elle est soumise à l'obligation de construction de logements locatifs sociaux !
Je le répète, mes chers collègues, il ne s'agit nullement de renoncer ni à l'objectif des 20 % ni au principe de la mixité sociale.
Bien au contraire, il vous est proposé un mécanisme pragmatique qui est susceptible, en réaménageant l'article 55 de la loi SRU, fondé désormais sur la confiance et le contrat, d'enclencher et de renforcer une dynamique de construction de logements locatifs sociaux dans un très grand nombre de communes.
Pour conclure le volet « logement » de cette proposition de loi dont j'ai l'honneur et le plaisir d'être le rapporteur, je veux insister une dernière fois sur l'état d'esprit qui l'a inspirée : c'est la conviction que le monde et nos sociétés changent, et que les rapports entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux doivent nécessairement, eux aussi, changer.
Le temps de l'Etat centralisateur, des politiques du bâton et des pyramides intangibles du pouvoir est révolu. Les citoyens aspirent, nous le savons, à l'exercice du pouvoir au plus près des réalités du terrain. Les élus locaux aussi ont besoin de ce pouvoir dans certains domaines, non pas pour s'opposer à l'Etat, mais pour faire à sa place ce qu'ils savent faire mieux que lui. Le domaine du logement et de l'équilibre social de l'habitat est justement l'un de ces domaines.
Il est donc impératif que les collectivités territoriales et leurs élus soient totalement associés à cette démarche et deviennent de véritables partenaires de l'Etat, si l'on veut obtenir de meilleurs résultats. C'est ce à quoi tend le volet « logement » de la proposition de loi qui vous est soumise.
J'en viens maintenant au volet « urbanisme ». Comme l'indiquait M. le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale : « La démocratie locale, c'est une décentralisation plus vivante. Plus les responsabilités sont assumées au plus près du territoire, meilleures sont les décisions. »
J'ai entamé, voilà six mois, une enquête sur la loi SRU. Je me permets de vous livrer un extrait d'une réponse que m'a récemment fait parvenir un maire. A la question : « La commune a-t-elle actuellement les moyens de maîtriser la pression foncière ? », la réponse fut : « La commune non, la DDE oui ! »
M. Charles Revet. C'est bien vrai !
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est précisément contre cet état de fait que nous voulons lutter, car il constitue non seulement un déni de démocratie mais aussi un risque important d'arbitraire.
L'enquête que je mène sur la loi SRU n'est pas encore terminée, mais des conclusions très claires peuvent d'ores et déjà être tirées à propos de certaines dispositions unanimement contestées en matière d'urbanisme, et qui nécessitent donc un réaménagement urgent. C'est pourquoi j'ai souhaité m'en tenir à ces dispositions dans notre proposition de loi.
Toutefois, M. le président du Sénat a décidé de créer, voilà quelque temps, en plein accord avec M. le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre (M. le ministre acquiesce), une structure de réflexion réunissant tous les premiers signataires de notre proposition de loi. Ce groupe de travail a identifié de nombreux sujets et en a sélectionné trois qui méritaient d'être traités dans les plus brefs délais.
Le premier d'entre eux concerne la faculté de fixer une surface minimale pour les parcelles à urbaniser. Les rédacteurs de la loi SRU ont en effet supprimé toute référence à la surface minimale qui permet au conseil municipal de fixer le « maillage » urbain de la commune.
Cette disposition est entièrement inspirée par la philosophie de la « densification » qui anime l'ensemble de la loi SRU ! On connaît les errements urbanistiques, trop souvent illustrés par les « grands ensembles », de l'Etat, qui n'hésite pourtant pas à s'arroger le droit de dicter aux communes la marche à suivre. En réalité, la suppression des surfaces minimales entraîne le plus grand désordre dans les communes, en interdisant au conseil municipal de fixer une telle limite.
Je ne méconnais pas, mes chers collègues, et vous non plus, les critiques émises par la coalition hétéroclite, mais ô combien active, des apôtres de la préservation de l'espace, qui veulent densifier à tout prix les zones déjà construites, et des « bétonneurs » aux aguets, qui saisissent toutes les occasions pour construire toujours et partout.
J'en veux pour preuve le témoignage d'un maire qui considère que, s'il est souhaitable de boucher les « dents creuses » dans les centres-villes, il ne convient pas, en revanche, « d'autoriser les promoteurs, qui sont toujours à l'affût, à construire dans les mêmes conditions dans le centre et à la périphérie des villages, où l'habitat est manifestement beaucoup plus aéré ».
La deuxième disposition soumise au Sénat tend à éviter qu'une densification à outrance ne résulte de la multiplication des divisions de parcelles. Cette densification est actuellement parfaitement possible depuis la suppression de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme. Il s'ensuit une multiplication non maîtrisée des pavillons, construits les uns sur les autres sur de minuscules terrains.
Là encore, au lieu d'édicter des normes nationales sans laisser le libre choix aux élus locaux, tirons ensemble les leçons de l'expérience passée. L'Etat a-t-il des leçons à donner, lui dont les « cités radieuses » sont aujourd'hui désertées par leurs habitants ? C'est la même idéologie densificatrice qui conduit à vouloir densifier encore et toujours des espaces périurbains.
La troisième et dernière disposition qui vous est proposée tend à abroger la règle dite des quinze kilomètres. Rarement une disposition aura été adoptée de façon aussi précipitée. Je regrette que ceux-là même qui déplorent aujourd'hui notre proposition de loi de dix articles ne se soient pas émus qu'une disposition aussi fondamentale ait été votée en urgence, noyée dans la masse des quatre cents autres dispositions de la loi SRU !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Eh oui !
M. Dominique Braye, rapporteur. J'observe d'ailleurs que, à l'époque, le Gouvernement lui-même s'était laissé dépasser par ses services...
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas vrai ! Ces dispositions ont été discutées assez largement !
M. Dominique Braye, rapporteur. ... et avait présenté un projet de loi initial prévoyant que toute la France serait couverte de schémas directeurs...
Mme Hélène Luc. Vous l'avez assez combattu ! Vous remettez en cause ce que vous êtes mécontents d'avoir vu voter !
M. Dominique Braye, rapporteur. Je vous remercie d'intervenir à ce moment, madame Luc, parce que le Gouvernement de l'époque prévoyait un magnifique « Gosplan urbanistique » pour tout notre pays. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Permettez-moi de vous rappeler que c'est à l'Assemblée nationale que la règle des quinze kilomètres est sortie du chapeau, par voie d'amendement, dans la plus grande précipitation, pour tenter de limiter les conséquences d'une disposition proposée par le Gouvernement et dont celui-ci n'avait pas mesuré initialement les effets dévastateurs ; je vous renvoie aux débats parlementaires de l'époque pour vérifier l'exactitude de mes affirmations.
Mme Hélène Luc. On peut effectivement revenir aux débats !
M. Dominique Braye, rapporteur. Nul ne mesurait alors les difficultés que cette mauvaise solution à la mauvaise application d'une mauvaise disposition allait susciter sur l'ensemble du territoire...
M. Yves Coquelle. Quel démocrate !
M. Dominique Braye, rapporteur. La règle des quinze kilomètres prévoit que, sur le territoire des communes situées à moins de quinze kilomètres d'une agglomération de plus de 15 000 habitants, l'ouverture à l'urbanisation de nouvelles zones est interdite en l'absence de schéma de cohérence territoriale.
M. Charles Revet. C'est scandaleux ! Cela bloque toute initiative !
M. Dominique Braye, rapporteur. Il s'ensuit que l'on traite de manière indifférenciée Cahors, Mazamet, Château-Gontier, Manosque, Lyon, Marseille, Rennes ou Bordeaux. En bref, cette règle n'obéit à aucun principe de réalité et de proportionnalité.
En outre, elle « gèle » des territoires qui pourraient être urbanisés dans des zones dépourvues de pression foncière, s'inspirant ainsi du même postulat que la loi Voynet, en vertu duquel les activités économiques sont pour les villes et les maisons de campagne pour les ruraux !
Cette règle, mes chers collègues, est à l'origine de nombreux imbroglios juridiques, car elle incite à créer des établissements publics de coopérations intercommunale uniquement pour lui échapper, puisqu'elle ne s'applique pas dès lors que le périmètre d'un tel établissement est défini. Et je ne parle pas des dérogations qu'elle prévoit, celles-ci consistant, en réalité, à s'en remettre à l'arbitrage du représentant de l'Etat. C'est là ce que l'un de nos collègues appelait, par antiphrase, la « décentralisation par le préfet ».
Je tiens enfin à souligner qu'on lit parfois que tous les problèmes sont réglés dès lors qu'existe un EPCI à l'intérieur du périmètre des quinze kilomètres. C'est aller très vite en besogne ! En effet, les communes qui se trouvent à l'intérieur du périmètre des quinze kilomètres, mais à l'extérieur du schéma de cohérence territoriale, sont, vous le savez, bloquées totalement et leur territoire est complétement « gelé ».
Nul plus que votre rapporteur, les auteurs de ce texte et la commission des affaires économiques, n'est conscient de la nécessité de trouver une solution aux problèmes de la « concurrence foncière » entre les collectivités locales, qui aboutit à l'absence de gestion des logements, des entreprises, des commerces et des infrastructures, bref, de tous les équipements.
Dès 1998, alors que ce sujet n'avait pas la même actualité brûlante, le président Gérard Larcher publiait un rapport sur les espaces périurbains, dans lequel il plaidait pour une relance de la planification urbaine. Si l'on avait, dès cette époque, entendu notre voix...
M. Michel Doublet. Eh oui !
M. Eric Doligé. C'est vrai !
M. Charles Revet. Il avait raison par avance !
M. Dominique Braye, rapporteur. ... et tenté de définir, en concertation avec les élus, des outils adaptés, je ne serais pas aujourd'hui dans l'obligation de vous demander, au nom de la commission des affaires économiques, d'abroger l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Eh oui !
M. Dominique Braye, rapporteur. Voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ensemble des modifications que nous avons souhaité apporter à la loi SRU, afin de lever au plus vite les principaux points de blocage et les difficultés d'application essentielles de cette loi, auxquels se trouvent confrontés quotidiennement l'immense majorité des élus locaux concernés, toutes sensibilités politiques confondues.
Mes chers collègues, en tant que légitimes représentants de ces élus locaux, je suis persuadé que vous voudrez bien les entendre et apporter votre soutien à cette proposition de loi qui entend répondre efficacement et pragmatiquement à certains de leurs soucis très concrets. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Cela dépend des élus ! Ils n'ont pas tous la même position !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui comprend deux séries de dispositions : les unes sont relatives à l'article 55 de la loi SRU, les autres portent sur certaines dispositions d'urbanisme de cette même loi.
Je commencerai par évoquer l'article 55, qui a déjà suscité de nombreux débats lors de son adoption par le Parlement.
Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises et je le répète ici très clairement au nom du Gouvernement : l'objectif de mixité sociale ne doit pas être remis en cause ; il doit être le fil conducteur de notre débat.
M. Guy Fischer. On en reparlera !
M. Gilles de Robien, ministre. La mixité sociale, c'est l'expression même de l'unité et de la solidarité nationale, qui fondent les valeurs de notre république et de notre démocratie.
Non seulement cet objectif ne doit pas être remis en cause, mais il doit être confirmé, et nous avons le devoir de trouver le meilleur chemin pour y parvenir.
Le Gouvernement souhaite développer l'offre locative sociale dans le parc public ou privé pour loger nos concitoyens qui ne peuvent accéder à un logement dans les conditions du marché, notamment dans les agglomérations où les tensions locatives sont les plus fortes.
Cet effort de solidarité nationale doit être réparti dans l'espace, entre les communes, si l'on ne veut pas recréer des concentrations telles que celles que l'on connaît dans certaines communes et qui ont pu conduire à des situations sociales explosives, situations auxquelles le Gouvernement souhaite apporter une réponse par une politique ambitieuse et sans précédent de renouvellement urbain.
Cet effort de solidarité doit aussi être partagé, parce qu'il correspond à un besoin d'une vie sociale harmonieuse dans nos villes grâce au mélange de personnes de statut familial, d'origine et de revenus divers.
Nous ne devons pas avoir peur de créer des logements sociaux, mesdames, messieurs les sénateurs, car la qualité actuelle des constructions et les efforts réalisés par les organismes d'HLM et les collectivités locales pour améliorer la qualité de service aux habitants nous garantissent que nous ne reconstruirons jamais les grands ensembles des années soixante. Il s'agira, au contraire - on le constate maintenant dans toutes nos villes -, d'un habitat à taille humaine, où chacun se sent bien.
Il faut également dénoncer - et je le fais bien volontiers - une assimilation qui est trop facile : logement social égale difficultés sociales ; logement social égale cas social. Eh bien ! mesdames, messieurs les sénateurs, les gens modestes sont aussi, très souvent, au moins autant que les autres, des gens sociables ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
Si vous en êtes convaincus - et je suis sûr que vous l'êtes -, il faut choisir les moyens les plus opérants pour aboutir vite et mieux qu'avec les dispositions actuelles. Car je ne crois pas que le dispositif en vigueur soit efficace.
M. Jean-Yves Mano. Mais si !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Le ministre a raison !
M. Gilles de Robien, ministre. Ce dispositif a une certaine efficacité, mais il a montré ses limites. Habile dans l'effet d'affichage, il s'est révélé piètre dans le changement concret de notre tissu urbanistique et social. En effet, son premier tort est de sanctionner financièrement des communes sur une situation de fait.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il n'y a pas d'autres moyens !
M. Guy Fischer. Cela n'a jamais été appliqué !
M. Gilles de Robien, ministre. Il est en cela profondément choquant et injuste, puisqu'il pénalise a priori des communes qui, aujourd'hui, n'ont pas 20 % de logements sociaux en raison de leur histoire et, le cas échéant, de leurs élus passés, même si les élus actuels souhaitent réaliser de tels logements au cours des années à venir.
La complexité du dispositif en vigueur accentue encore son caractère inéquitable. Vous savez qu'une commune est soumise, une année donnée, à un prélèvement brut proportionnel au nombre de logements sociaux qui lui manquaient l'année précédente pour atteindre le fameux objectif de 20 %. Mais ce prélèvement brut est diminué des sommes dépensées par la commune non pas l'année précédente, mais la pénultième année.
Compte tenu du décalage de deux ans entre les dépenses déductibles et le prélèvement effectué sur les recettes des communes, ce dispositif conduit à faire payer deux fois une commune qui veut réaliser des logements. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Larcher, président de la commission, et M. Dominique Braye, rapporteur. Effectivement !
M. Gilles de Robien, ministre. Une première fois par l'amende que lui impose d'emblée la loi, une deuxième fois pour financer des opérations de logements sociaux. Et la commune devra s'en acquitter jusqu'à ce qu'enfin les dépenses en faveur du logement social soient effectivement équivalentes au prélèvement. Les élus, c'est-à-dire les contribuables, sont donc soumis à une double peine.
En raison des nécessaires contraintes budgétaires de ces communes, cela peut prendre des années. Et encore faut-il que ces communes puissent disposer des terrains constructibles nécessaires pour ces projets ou, à défaut, des opportunités d'achat dans le parc existant !
Dans les faits, à l'exception de quelques communes qui ont pu anticiper sur une loi promulguée le 13 décembre 2000 et justifier, en 2002, de dépenses déductibles de 2000 supérieures aux prélèvements, les communes ont été contraintes de réduire parfois l'effort en faveur du logement social pour le recentrer sur le prélèvement.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Là est le paradoxe !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas un argument !
M. Gilles de Robien, ministre. Mais les problèmes ne s'arrêtent pas en 2002. Il suffit que, par malheur, une année, une opération se décale de quelques mois (Marques d'approbation sur les travées du RPR.) et ne soit prête, finalement, qu'en janvier, alors qu'elle devait l'être en décembre - des dérapages de deux mois dans l'immobilier, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun en connaît ! -, alors la commune ne pourra plus justifier, deux ans plus tard, de dépenses déductibles et elle tombera dans le cercle infernal, j'y insiste, de la double taxation.
Mme Hélène Luc. C'est un alibi !
M. Gilles de Robien, ministre. Ainsi, le système de pénalisation peut se révéler tout à fait contre-productif en matière de logements sociaux par l'« assèchement » a priori de communes pourtant favorables à l'augmentation de l'offre sociale.
M. Robert Bret. Quelle hypocrisie !
M. Gilles de Robien, ministre. Je vous remercie de votre appréciation, monsieur le sénateur, mais je vais vous prouver le contraire !
Au-delà de cette analyse sur le dispositif actuel, faut-il punir - je dis bien « punir » - autant de communes, c'est-à-dire de contribuables, qui n'ont pas réalisé aujourd'hui les 20 % de logements sociaux mais qui sont prêtes à s'engager à le faire, pour la seule raison qu'il y a peut-être quelques maires, très rares, qui sont récalcitrants, alors que les non-récalcitrants avoisinent les 36 000 ? Ce serait avoir une bien piètre idée de la démocratie locale et de la qualité des édiles locaux. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Gérard Larcher, président de la commission, et M. Dominique Braye, rapporteur. Absolument !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous l'affirmons donc avec force : il faut renforcer la mixité sociale et prouver notre efficacité dans ce domaine, en particulier là où il n'y avait qu'une affirmation avec des résultats trop modestes.
Pour parvenir plus efficacement à atteindre l'objectif de mixité sociale, j'ai toujours pensé - comme vous, monsieur le rapporteur ! - qu'il fallait faire confiance aux élus locaux. Je sais qu'ils sont prêts à s'engager, de façon conventionnelle, avec l'Etat, à créer des logements sociaux. Le Gouvernement est donc favorable à ce contrat pour la mixité sociale, qui est un véritable contrat de confiance. Substituons à la contrainte, qui n'est guère efficace, le contrat de mixité sociale. Si ce contrat de mixité sociale, précis sur des engagements pluriannuels, n'est pas respecté, alors il est normal que des pénalités s'appliquent à son échéance.
De même, pour les communes qui ne veulent ni construire de logement social ni souscrire de contrat de mixité sociale, le dispositif actuel doit s'appliquer.
M. Gérard Larcher, président de la commission, et M. Dominique Braye, rapporteur. Absolument !
M. Gilles de Robien, ministre. C'est leur choix, et elles doivent en assumer les conséquences ! C'est aussi cela, respecter les élus locaux et le suffrage universel !
Le dispositif à mettre en place doit donc répondre à trois principes essentiels : maintien de l'objectif de mixité sociale, mise en place d'un système contractuel incitatif plus efficace - j'insiste sur ce point -, enfin, maintien de pénalités pour les communes qui refuseraient de s'engager dans le dispositif ou qui ne le respecteraient pas. C'est aussi cela, la dignité de l'élu !
C'est donc à la lumière de ces trois principes que le Gouvernement a défini sa position sur les dispositions de la proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise.
Parallèlement, le Gouvernement soutiendra toutes les mesures contractuelles qui vont dans le sens d'une meilleure mixité sociale et s'opposera donc - ou s'opposerait - à toute disposition qui conduirait à faire sortir des communes du dispositif actuel.
Faire sortir des communes d'un dispositif remanié et maintenant contractuel serait, en effet, à notre sens, contradictoire et constituerait un acte de méfiance envers les élus concernés.
Pour le Gouvernement, le mécanisme conventionnel, c'est-à-dire le contrat pour la mixité sociale, est le coeur de votre proposition de loi.
M. Dominique Braye, rapporteur. Absolument !
M. Gilles de Robien, ministre. La proposition de loi prévoit qu'une commune qui s'engage sur une production minimale est exonérée du prélèvement initial et n'est pénalisée, le cas échéant, qu'en cas de non-respect de l'engagement.
Mes services ont procédé à une simulation de l'effet d'une telle disposition sur la production de logements sociaux. Etant rappelé, monsieur Bret, que le mécanisme actuel oblige à la production d'au mieux 21 000 logements, si toutes les communes soumises à l'article 55 actuel choisissent le mécanisme conventionnel, l'objectif de production accepté volontairement, contractuellement, par les collectivités locales sera augmenté pour atteindre 24 200 logements.
Je ne sais pas, monsieur le sénateur, si vous pouvez continuer à dire qu'il y a de l'hypocrisie dans mon propos ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Dominique Braye, rapporteur. Bravo !
M. Robert Bret. Nous verrons aux résultats !
M. Gilles de Robien, ministre. Effectivement, monsieur le sénateur, nous verrons aux résultats. Mais, en attendant, je vous donne rendez-vous pour la discussion des articles et l'examen des amendements que le Gouvernement a déposés sur ce texte.
Le Gouvernement soutient donc pleinement cette disposition, qui est parfaitement conforme à ses orientations. Néanmoins, sur le plan technique, il doit proposer à votre assemblée que l'engagement de production de logements sociaux corresponde au tiers des logements construits au cours des trois années précédentes - monsieur le rapporteur -, je me permets d'insister sur ce point, et pas des trois années futures. Il est en effet nécessaire que, en début de contrat, le maire sache exactement quels sont ses objectifs et non pas que ceux-ci fluctuent au fil des mois en fonction de la production. En somme, il faut se fonder sur le passé pour susciter des objectifs futurs.
Le Gouvernement dépose donc un amendement sur ce sujet.
La proposition de loi prévoit aussi la possibilité pour un EPCI doté d'un programme local de l'habitat approuvé de répartir les objectifs de production calculés commune par commune sur l'ensemble des communes membres.
Cette disposition existe déjà dans le dispositif initial, simplement elle se trouve étendue au dispositif conventionnel. Le Gouvernement y est favorable.
Enfin, la proposition de loi prévoit que, si une commune est soumise à des contraintes dûment justifiées limitant le foncier disponible, le préfet peut moduler à la baisse le seuil de 1 % du parc existant.
Tout ne peut pas être prédéfini depuis Paris. Il faut donc laisser aux représentants locaux de l'Etat un pouvoir d'appréciation et d'adaptation. Toutefois, ce pouvoir doit être encadré. Tel est l'objectif de l'amendement déposé par le Gouvernement. C'est plus clair dans la loi ; c'est plus transparent aussi.
Je vous le rappelle, l'objectif du Gouvernement est de construire plus de logements sociaux, sur la base de contrats pour la mixité sociale par lesquels les communes s'engagent librement. Le Gouvernement souhaite que ce dispositif incitatif fasse l'objet d'une évaluation avant la fin de la première période triennale au cours de laquelle les engagements contractuels devront être respectés. Le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens.
Je ne sais toujours pas, monsieur le sénateur, si vous confirmez le terme d'hypocrisie que vous avez eu la gentillesse de me destiner !
M. Robert Bret. C'est pourtant le mot qui s'impose !
M. Gilles de Robien, ministre. Concernant le volet « urbanisme » de la proposition de loi, il me semble important de présenter au Sénat un rapide point d'avancement du travail du Gouvernement dans ce domaine.
Dans son discours de politique générale, M. le Premier ministre a annoncé que les lois Voynet, Chevènement et Gayssot seraient modifiées dans le courant de l'année 2003. Les élus locaux le savent bien, au-delà des difficultés propres que pose chacune de ces lois, la cohérence, ou plutôt les incohérences entre ces textes posent des problèmes nombreux et sérieux.
Je n'en citerai que deux exemples. Les trois lois parlent d'agglomération, mais dans des sens différents. La notion de « projet » apparaît comme fil directeur, mais sous trois formes différentes : le projet d'aménagement et de développement durable des SCOT, le projet de développement durable des chartes de pays et des projets d'agglomération et le projet de développement communautaire des communautés d'agglomération. Une mère n'y retrouverait pas ses petits !
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est sûr !
M. Gilles de Robien, ministre. La mise en harmonie voulue par M. le Premier ministre ne sera réussie, mesdames, messieurs les sénateurs, que si nous prenons le temps d'une concertation très, très attentive. Ces sujets sont si complexes !
Dans cet esprit, Nicolas Sarkozy, Jean-Paul Delevoye, Patrick Devedjian et moi-même recevrons, dès mardi prochain, les principales associations d'élus. Cette concertation et une rigoureuse harmonisation des textes vont demander beaucoup de travail et un peu de temps. Le Gouvernement a cependant prévu de déposer un projet de loi devant le Parlement dès 2003.
M. Jean-Guy Branger. Bravo !
M. Gilles de Robien, ministre. Conscient de la nécessité de répondre dans l'urgence au problème de blocage des terrains, j'ai proposé au Premier ministre, qui l'a accepté, de présenter au Parlement un projet de loi sans attendre cette réforme.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Ce texte a été examiné ce matin par la section des travaux publics du Conseil d'Etat. Il sera présenté en conseil des ministres le 27 novembre et, à l'Assemblée nationale, le 10 décembre.
Je souhaite qu'il soit très rapidement étudié par la Haute Assemblée, si possible avant la fin de cette année, et il semble que ce soit possible.
M. Charles Revet. Et nous le souhaitons !
M. Gilles de Robien, ministre. Ce texte porte sur trois sujets qui, je le sais bien, sont au coeur de vos préoccupations, mesdames, messieurs les sénateurs : il s'agit de la règle des quinze kilomètres, de la participation pour voie nouvelle et réseaux et, enfin, de trois dispositions qui concernent les documents communaux, à savoir la transition entre les plans d'occupation des sols et les plans locaux d'urbanisme, le « projet d'aménagement et de développement durable » et, enfin, les conditions de modification ou de révision des documents d'urbanisme.
Le Gouvernement ne prétend pas avoir résolu ainsi tous les problèmes mais, je le redis, il a voulu que ce projet de loi soit limité aux problèmes urgents et que d'éventuelles évolutions plus importantes soient étudiées dans le cadre de la mise en harmonie voulue par M. le Premier ministre, après concertation avec les associations d'élus.
Cela me conduira à vous demander, au nom du Gouvernement, de reporter l'examen de certains amendements déposés sur la présente proposition de loi à la discussion du prochain projet de loi. Nous devons, en effet, éviter d'ajouter à la confusion, sachant que notre but commun est de clarifier la situation afin de la rendre plus compréhensible pour les élus locaux. Il serait souhaitable d'achever les deux lectures si possible avant la fin de l'année.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les points qu'il me paraissait important de préciser préalablement à l'examen des dispositions relatives à l'urbanisme.
Pour ne pas prolonger ce propos liminaire, j'indiquerai au fur et à mesure de l'examen des articles et des amendements de la présente proposition de loi le contenu du projet de loi qui vous sera soumis prochainement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 30 minutes ;
Groupe socialiste : 27 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 10 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur la spécificité urbaine de ce texte. Je souscris aux propositions qu'il contient, mais je veux souligner l'absence de prise en considération, dans cette proposition de loi, de la spécificité des zones rurales.
M. Gérard Braun. Tout à fait !
M. Aymeri de Montesquiou. Elu du Gers, président de l'association des maires de mon département, je me fais l'écho des inquiétudes des élus ruraux, qui me demandent depuis près de deux ans la modification de la loi SRU. Je puis vous l'affirmer, ces inquiétudes sont partagées par tous les élus des zones rurales, lesquelles représentent les trois quarts du territoire.
On ne peut tout axer sur la ville, comme l'a fait le gouvernement précédent. Nous nous devons de proposer un texte harmonieux qui prenne également en compte les spécificités des zones rurales.
Vos propositions sont, certes, très utiles pour corriger les travers de la loi SRU dans les zones urbaines, mais je déplore votre silence sur nos campagnes. Les élus ruraux sont confrontés à de réels problèmes d'application de la loi SRU, qui les ignore, comme l'indique son titre - la solidarité et le renouvellement « urbains » -, et qui confine parfois à l'absurde. Nous devons saisir l'opportunité, aujourd'hui, d'apporter les changements tant attendus.
Mme Hélène Luc. Personne n'a nié la nécessité de construire des logements sociaux dans les campagnes !
M. Aymeri de Montesquiou. C'est le sens de la proposition de loi que mon collègue Daniel Goulet et moi-même avons déposée et qui a été cosignée par quatre-vingt-dix de nos collègues au Sénat : cela démontre qu'elle répond à une très grande attente, et c'est pourquoi nous déposons des amendements aujourd'hui, pour que votre texte, monsieur le rapporteur, concerne à la fois les villes et les campagnes. Nos propositions s'articulent autour de deux axes : d'une part, permettre une participation des propriétaires au financement de l'extension de réseaux et, d'autre part, prendre en charge le coût de réalisation des documents d'urbanisme.
Nous proposons aussi de supprimer le caractère cumulatif des critères permettant la participation pour financement des voies nouvelles et des réseaux.
En l'état actuel des choses, les communes sont dans l'impossibilité de solliciter une participation pour une extension de réseaux si l'opération n'est pas accompagnée de travaux de création d'une voie ou d'extension d'une voie nouvelle. Les communes ne peuvent donc pas délivrer les permis de construire qui leur sont demandés, ou bien, pour contourner la difficulté, elles s'engagent dans des travaux de voirie qui confinent au gaspillage.
Faisons preuve de bon sens. Si un candidat à la construction préfère, comme 63 % de nos compatriotes, habiter dans une commune rurale, pourquoi l'empêcher d'acheter un terrain beaucoup moins cher qu'en zone urbaine, quitte à ce qu'il finance lui-même tout ou partie des réseaux ? Il pourra ainsi concrétiser son choix, et le faire à meilleur compte qu'en ville.
Pourquoi refuser ce rééquilibrage du territoire français, ce qui a pour conséquence de priver les communes rurales des ressources très importantes que sont pour elles le foncier bâti et la taxe d'habitation ? En un mot, répondons de façon positive au voeu de nos concitoyens et de nos élus ruraux.
Aujourd'hui, en raison de ces dispositions, les petites communes rurales, aux finances modestes, ne peuvent se développer et accueillir de nouveaux habitants. C'est pourtant un moyen de les faire vivre et, avec elles, de faire vivre nos campagnes. Dans les zones rurales, cinq habitants de plus ou de moins dans une commune, c'est une classe qui s'étoffe ou qui peut disparaître !
Par ailleurs, la réalisation des documents d'urbanisme devrait pouvoir être inscrite dans la section investissement du budget des communes, ce qui permettrait à ces collectivités de bénéficier du fonds de compensation pour la TVA. De plus, s'agissant d'un projet à long terme, il est tout à fait logique que ces dépenses soient considérées comme des investissements. Les directions départementales de l'équipement étant surchargées, il y a souvent obligation de faire appel à des acteurs économiques privés, dont le coût des prestations peut être très élevé.
Votre proposition de loi, monsieur Braye, concerne exclusivement les zones urbaines. Vous vous dites soucieux de « tenir compte des réalités et des spécificités locales », mais vous occultez la spécificité des zones rurales, ce que je regrette vivement.
M. Dominique Braye, rapporteur. Il y a les SCOT ! Et la surface minimale !
M. Aymeri de Montesquiou. Je vous l'accorde.
Si, grâce à la disposition relative au logement, l'obligation des 20 % de logements s'inscrit non plus dans un mécanisme coercitif mais bien dans un mécanisme incitatif et contractuel, je m'en réjouis. Mais le titre II relatif à l'urbanisme ne prévoit aucun article sur les zones rurales.
Les élus ruraux attendent avec impatience une modification de la loi, mais ils ne comprendraient pas que celle-ci soit exclusivement urbaine.
Ne les décevons pas ! Ils comptent sur nous pour modifier la loi SRU, dont l'application pénalise leurs communes. Les refus de délivrance de certificats d'urbanisme, et donc le blocage de nombreux permis de construire, paralysent le développement de bien des communes rurales.
M. Charles Revet. C'est vrai !
M. Aymeri de Montesquiou. N'adoptons pas un texte parcellaire, tronqué et incomplet. Engageons un aménagement harmonieux et durable du territoire. Montrons que le Sénat est sensible au développement à la fois de nos villes et de nos campagnes.
Mme Hélène Luc. Personne ne dit le contraire !
M. Aymeri de Montesquiou. Insérons donc les dispositions indispensables aux zones rurales à l'occasion de la discussion de cette proposition de loi pour présenter un texte équilibré et s'intégrant dans le grand projet de décentralisation de M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur de Montesquiou, en aucun cas ma proposition de loi ne s'attaque aux seuls problèmes urbains.
Mme Hélène Luc. Elle « s'attaque » ?
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas la guerre, tout de même !
M. Dominique Braye, rapporteur. Vous le savez, j'ai lancé une vaste enquête visant à recenser les difficultés d'application suscitées par la loi SRU sur l'ensemble du territoire. D'autres réponses continuent à nous parvenir et, par exemple, la réponse de la Lozère m'est arrivée aujourd'hui ; j'attends que d'autres remontent.
La possibilité de fixer des surfaces minimales dans le PLU la suppression de la règle des quinze kilomètres et le rétablissement de certaines dispositions de l'ancien article L. 111-5 du code de l'urbanisme sont autant de mesures qui sont demandées essentiellement par les communes rurales !
Sur les quatre mesures contenues dans notre proposition de loi, trois concernent les communes rurales. Et, si j'en crois les résultats de notre enquête, la totalité des mesures visant l'urbanisme intéressent au premier chef les communes rurales.
Certes, la proposition de loi est incomplète, puisqu'elle ne tient pas compte de tous les résultats de l'enquête que nous venons de mener et qu'un texte gouvernemental viendra prochainement la compléter, ainsi que M. le ministre l'a indiqué. Aujourd'hui, nous ne traitons qu'une partie des points les plus urgents.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Je veux à mon tour rassurer M. de Montesquiou. Le projet de loi dont vous serez saisis, je l'espère, très rapidement, tient compte du monde rural, notamment des participations pour les voies et réseaux nouveaux. Les maires devraient pouvoir délivrer des permis de construire sans aucune arrière-pensée, en sachant qu'il reviendra au maître d'ouvrage et non pas aux contribuables de leurs communes d'en supporter les conséquences.
De ce point de vue, les maires seront probablement satisfaits par le projet de loi dont nous débattrons prochainement.
M. Aymeri de Montesquiou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le rapporteur, j'ai signé votre proposition de loi. Je la soutiens donc tout à fait. Je pense cependant qu'il aurait été préférable de traiter des problèmes non seulement de la ville mais aussi des campagnes.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Monsieur le président, il convient d'organiser nos débats. M. le ministre a annoncé le dépôt d'amendements dont la commission n'a pas encore été saisie.
Monsieur le ministre, je le dis très aimablement, mais le fait de prendre connaissance des amendements du Gouvernement après le début de la discussion générale n'est pas une excellente méthode de travail !
La commission se réunira, par conséquent, à vingt et une heures pour examiner ces amendements. Au demeurant, aucun ne fait quatre pages, comme cela s'était produit au sujet des établissements publics fonciers !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Mes chers collègues, la commission étant encore réunie, nous ne pouvons reprendre nos travaux dès maintenant.
Je vais donc suspendre la séance pendant quelques instants.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures quarante-six, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion des conclusions du rapport de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur la proposition de loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet du gouvernement Jospin et de son ministre Gayssot, devenu loi SRU, avait déjà fait couler beaucoup d'encre dans cette maison, et M. de Rohan avait relevé que le fait qu'un ministre n'osât pas donner son nom à une loi par lui proposée était un bien mauvais présage...
Il ne s'était pas trompé et, depuis son adoption, la loi du 13 décembre 2000 a suscité d'énormes difficultés d'application, notamment en zone rurale.
Rappelons que la loi SRU comporte plusieurs volets, dont un concerne le logement, un autre l'urbanisme. Le premier est plus spécifiquement destiné aux zones urbaines, le second a vocation à s'appliquer partout puisqu'il procède à la refonte de l'ensemble des documents d'urbanisme en instaurant la carte communale, le plan local d'urbanisme, les schémas de cohérence territoriale, etc.
S'il est vrai qu'un toilettage et, surtout, une modernisation de nos documents d'urbanisme étaient nécessaires, la réforme n'a pas, loin s'en faut, donné les résultats escomptés.
Ainsi les craintes exprimées par le Sénat lors des travaux préparatoires étaient-elles justifiées.
Devant l'Assemblée nationale, M. Gayssot avait été très clair, indiquant, le 8 mars 2000 : « Le xxie siècle sera celui de la civilisation urbaine. »
Lors de la présentation de son projet devant le Sénat, le 26 avril 2000, il déclarait toutefois : « Ce n'est pas parce que ce projet concerne les villes qu'il est contre les campagnes. »
La réalité a malheureusement démontré le contraire. En effet, la loi SRU s'est révélée « ruralicide ». C'est pourquoi les élus ruraux ont appris avec beaucoup d'intérêt et beaucoup d'espoir la décision du Sénat de créer une commission d'évaluation de cette loi pour en proposer ensuite la révision.
Mais - je le dis en toute simplicité mais aussi avec beaucoup d'amitié à notre collègue M. Braye, rapporteur des conclusions de la commission -, même si je sais que sa mission n'est pas achevée, je suis un peu déçu, et bien d'autres le sont avec moi.
Combien d'entre nous, mes chers collègues, ont posé depuis deux ans des questions écrites ou orales sur les conditions d'application de ce texte ? Combien de propositions de loi sont restées sans suite et ne sont pas reprises ni même évoquées dans le rapport qui nous est présenté aujourd'hui ? De deux choses l'une : soit le texte dont nous débattons a vocation à devenir une sorte de « loi balai » - et dans ce cas pourquoi est-il elliptique s'agissant des questions relatives au monde rural ? -, soit il ne concerne que les villes et le logement - et alors pourquoi y avoir introduit un titre relatif à l'urbanisme ? Je ne peux croire que cette méthode de travail soit la meilleure. En tout cas, ce ne devrait pas être la nôtre.
Nous bénéficions certes d'une intéressante « niche » législative, mais était-ce une raison pour présenter une proposition de loi qui risque, à mon avis, de compliquer encore les choses, alors même que vous avez annoncé, monsieur le ministre, votre intention de déposer, d'ici au mois de décembre, un grand texte sur ce sujet et qu'aujourd'hui vous vous refusez, si j'ai bien compris, à prendre en compte certaines de nos suggestions ?
Nous savons bien que, par le jeu des navettes, ces deux textes risquent de se télescoper, à moins que le Gouvernement ne nous demande d'émettre un vote conforme dans l'attente de la loi à venir... Mais alors, quel est véritablement le rôle du Parlement ? D'ailleurs, un vote, fût-il conforme, ne réglera ni les problèmes de cohérence ni les questions urgentes qui resteront en suspens.
En outre, nous avions annoncé aux élus locaux, dans nos départements respectifs - parce que cela nous avait été promis -, que le texte portant révision de la loi SRU allait donner lieu à une large concertation.
A l'heure où le Premier ministre et le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales organisent, à juste titre d'ailleurs et à grand renfort de publicité, des assises de la démocratie locale dans chacune de nos régions, et alors que l'un des thèmes principaux en est l'aménagement du territoire et l'urbanisme, pourquoi ne pas attendre que ces assises se soient tenues pour légiférer en toute connaissance de cause ? Pourquoi légiférer aujourd'hui, en hâte et de façon partielle ?
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien ! C'est le bon sens !
M. Daniel Goulet. La loi SRU et, plus généralement, l'ensemble des textes relatifs à l'urbanisme doivent faire l'objet d'une véritable refonte, pas d'un « colmatage ». L'urbanisme en milieu rural constitue pour celui-ci l'élément majeur, déterminant, la clef de sa survie, la clef d'un aménagement harmonieux du territoire qui prenne en compte les spécificités de la ruralité, en respectant le fragile équilibre du couple ville-campagne.
Plus de nouveaux habitants, plus d'écoles ; pas d'habitants, pas de DGF ; pas de DGF, pas d'infrastructures ; pas d'infrastructures, plus de commerces et plus d'habitants : bref, un cercle vicieux que chacun ici connaît parfaitement...
Cette proposition de loi pourra-t-elle satisfaire les élus ruraux qui subissent de plein fouet les effets des réformes ou des « réformettes » votées ici, à Paris, où nous sommes parfois bien loin des réalités du terrain ?
Démunis de services techniques et de moyens financiers pour la plupart d'entre eux, les maires ruraux sont désarmés devant un amalgame de textes plus complexes les uns que les autres, qui s'ajoutent et se superposent, quand par bonheur ils ne se contredisent pas.
Comment leur expliquer, à ces élus de la « France d'en bas », qu'un texte portant modification de la loi SRU aura été voté par le Sénat et qu'il ne comportera aucune disposition visant à mettre un terme au calvaire qu'ils subissent depuis la mise en application de cette dernière ?
Tels sont les propos généraux et liminaires que je voulais tenir.
Si je comprends l'urgence qu'il y a, pour certains élus, à voir voter certaines modifications du droit au logement tel qu'il résulte de la loi SRU - je partage leur impatience -, je regrette vivement que le même empressement n'ait pu s'appliquer à la proposition de loi n° 389 relative aux questions d'urbanisme que j'avais déposée en juin 2001 et que nombre d'entre vous avait signée, mes chers collègues, ou au texte élaboré par Henri de Richemont sur le même sujet, texte repris par M. Aymeri de Montesquiou et moi-même et cosigné par quatre-vingts sénateurs.
Il y avait urgence à régler certaines questions portant sur l'urbanisme en milieu rural, et cette urgence demeure. Elle sera l'objet des amendements que nous présenterons.
La notion d'urgence est donc relative. Comme le disait naguère un célèbre humoriste, « tous les hommes sont égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres ». Toutes les urgences sont urgentes, mais certaines urgences sont, au Parlement, manifestement plus urgentes que d'autres !
Pour conclure sur ce point, je tiens à ajouter que la fin de la période de cohabitation donne au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, de nouvelles responsabilités. Nous ne pouvons plus arguer de cette discordance ni de majorités différentes à l'Assemblée nationale et au Sénat pour « accepter », faisant parfois contre mauvaise fortume bon coeur, des textes non conformes à nos souhaits et à nos préoccupations.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !
M. Daniel Goulet. Nos élus « d'en bas », selon l'expression désormais consacrée, ont compris le message des élections. La cohabitation a été rejetée pour donner au Gouvernement toutes les chances de succès...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !
M. Daniel Goulet. ... et nous l'aiderons !
Que ferons-nous de cette crédibilité et des espoirs suscités ? Je vous le dis tout net, mes chers collègues : prenons garde à accomplir notre tâche de législateur sans compromis et sans autosatisfaction, ayons un comportement réaliste, car sinon les réactions seraient sans équivoque, et nous n'aurions alors plus aucune excuse à faire valoir.
Venons-en maintenant au fond du texte présenté.
Je n'ai aucune observation à formuler concernant le titre Ier, relatif au logement. En revanche, et au bénefice des observations générales que j'ai faites précédemment, j'ai, avec quelques collègues, déposé plusieurs amendements qui relèvent, monsieur le ministre, de l'urgence que j'évoquais à l'instant.
Il s'agit tout simplement, pour le premier amendement, de remplacer le mot : « et » par le mot : « ou ». C'est un cas d'école de loi interprétative, une simple erreur de rédaction, sans aucun doute, mais aux conséquences dramatiques puisqu'elle amène à geler toute construction nouvelle en milieu rural... à moins que cette rédaction ne fût délibérée.
L'amendement qui sera défendu doit être adopté sans tarder et une circulaire ministérielle demandant aux services des DDE une application plus souple, le temps de la navette parlementaire, du texte existant doit être diffusée. Ce serait, en la circonstance, bien nécessaire !
M. Charles Revet. En effet !
M. Daniel Goulet. Merci, cher collègue ! (Sourires.)
Le deuxième et le troisième amendements visent le financement des documents d'urbanisme.
En effet, la loi SRU a laissé aux collectivités locales la charge des dépenses liées à ces documents. La circulaire d'application de la loi du 13 décembre 2000 avait toutefois indiqué aux services des DDE qu'ils devaient une assistance technique aux communes, à la condition que cela ne représente pas plus d'une demi-journée de travail. Nous savons que ces services sont parfois débordés, qu'ils manquent de personnel ; bref, comme le dit un vieux proverbe italien, « entre le dire et le faire, il y a la moitié de la mer »...
L'amendement présenté a donc pour objet de corriger cette incohérence et, pour tout dire, une injustice contraire à l'article 1614 du code général des collectivités territoriales s'agissant d'une obligation légale non compensée par des ressources équivalentes.
Le quatrième amendement aurait - j'ai bien employé, monsieur le rapporteur, le conditionnel - pour objet de supprimer l'article 10.
En effet, si la règle des quinze kilomètres pour le périmètre du SCOT est critiquable à bien des égards, la suppression pure et simple de cette règle sans que des dispositions transitoires soient prévues constitue une incohérence et, finalement, une prime aux élus qui n'ont pas respecté les lois de la République en ne mettant pas en place des SCOT dans les délais fixés par des textes normalement votés par le Parlement.
Quelles dispositions sont prévues, par exemple, pour les communes englobées malgré elles dans un périmètre ? Quelles règles prévoir pour leur sortie ? Faut-il supprimer cette règle sans avoir, au préalable, procédé à l'évaluation de son application dans toute la France ?
Entendons-nous bien : je ne suis pas, pour autant, favorable au maintien de la règle des quinze kilomètres, car je sais qu'elle peut contribuer à geler, dans certains cas, les constructions, mais je suis persuadé que la formule consistant à l'abandonner sans prévoir de dispositions transitoires représente un grand risque et une injustice.
Mme Jacqueline Gourault. Très bien !
M. Daniel Goulet. En effet, dans nos départements ruraux, les préfets ont souvent poussé certaines communes, un peu fort...
M. Henri de Raincourt. Un peu trop fort !
M. Daniel Goulet. ... - et l'on connaît la vulnérabilité des élus devant la force de persuasion de certains préfets -, à adhérer contre leur volonté à des SCOT.
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est vrai !
M. Daniel Goulet. Je pourrais citer quelques exemples à cet égard !
La circulaire d'application du 18 janvier 2001 précise qu'aucune commune ne doit être exclue contre son gré. Mais quid des communes intégrées contre leur gré ? Quid des communes qui sont aujourd'hui en phase d'élaboration de SCOT, c'est-à-dire dans une phase de concertation ? Chacun connaît la liste des procédures à suivre, et je souhaite beaucoup de courage aux communes concernées, mais, Dieu merci ! je crois que cette règle ne s'appliquera plus après que nous aurons voté ce texte.
La loi que nous sommes en train d'élaborer, mes chers collègues, réglera-t-elle tous les problèmes de ces communes ? Certainement pas ; mais elle peut être un signe très fort donné aux collectivités locales, qui n'en peuvent plus.
C'est cette préoccupation qui m'a guidé lorsque j'ai déposé l'amendement de suppression de l'article, car je souhaitais pouvoir au moins prendre la parole sur ce sujet pour essayer, dans une manière de provocation, d'envisager des solutions au problème que je viens d'évoquer.
En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais saisir l'occasion qui m'est offerte pour vous dire combien les missions de vos représentants sur le terrain, je veux parler des DDE, sont importantes dans les zones rurales.
Donnez donc à ces services déconcentrés les moyens de travailler au mieux et d'assister les communes et les communautés de communes, qui sont en butte à des réglementations de plus en plus complexes alors même qu'elles sont dépourvues de moyens financiers. La qualité et les compétences de ces services sont tels qu'il ne faut pas qu'ils soient remplacés par des bureaux d'études privés, bureaux auxquels nos élus sont contraints d'avoir recours même lorsqu'ils ne peuvent assumer la charge financière d'une telle procédure.
Au moment, monsieur le ministre, où s'ouvre un grand débat national sur la décentralisation, votre ministère se trouve concerné au premier chef, tant pour l'urbanisme que pour les transports et, par conséquent, pour cette équité que nous recherchons tous entre les territoires, c'est-à-dire entre les hommes qui y vivent et qui en sont les premiers acteurs.
Nous serons donc très vigilants, et vous nous trouverez à vos côtés lors de la présentation de votre budget, qui, je l'espère, sera l'exact reflet des promesses qui nous sont faites et, surtout, des nécessités du terrain, dont vous ressentez bien vous-même toutes les attentes. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi SRU a profondément modifié le droit du logement et le droit de l'urbanisme de notre pays. Je considère néanmoins - comme nombre de mes collègues, et au-delà des clivages politiques - que, au nom des sentiments les meilleurs de la première loi SRU, le pire est arrivé.
En effet, loin que soient rééquilibrés, comme le souhaitait le précédent gouvernement, les objectifs d'aménagement et de solidarité territoriale entre les collectivités locales, un fossé s'est de nouveau creusé en France, dans nos départements, entre les zones urbaines, d'une part, et les zones rurales et périurbaines, d'autre part.
C'est pourquoi, dans mon bref propos, je soulignerai avec détermination trois dysfonctionnements évidents, visibles sur le terrain. Le texte de notre excellent collègue Dominique Braye nous permettra, je le souhaite, de les corriger très rapidement et d'intégrer cette question dans le processus d'une plus grande décentralisation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la première erreur commise avec la loi SRU tenait, d'une part, à son caractère résolument « pro-urbain » et, d'autre part, à l'extrême complexité de son application sur le terrain, pour les élus.
Moins de deux ans après son entrée en vigueur, l'application du texte tel qu'il a été adopté s'est heurtée à de nombreuses difficultés de compréhension, sources d'insatisfaction générale.
Parlons franchement : la raison principale de cet état de fait tenait à la trop grande technicité du texte, incompréhensible pour beaucoup ou laissant trop souvent cours à des interprétations différentes selon les élus, mais aussi, d'un département à l'autre, selon les responsables des DDE.
Loi globale et portant exclusivement sur la ville, je dirai même, loi « globalisante de la ville », la « SRU première génération » a laissé sur le côté de la route un monde rural dynamique qui ne demande qu'à vivre en harmonie, dans l'équilibre et le respect des zones urbaines.
Monsieur le ministre, comment redonner de la cohérence au développement des villes sans penser une seule seconde aux villages de nos provinces ? C'est en confondant « urbanisation » et « décentralisation » que votre prédécesseur a commis l'erreur idéologique de penser avec précipitation que le renouvellement urbain pouvait se faire au profit de la décadence rurale en France.
Lors de la discussion du texte au Sénat, en janvier 2002, je m'étais déjà opposé à cette vision trop « systémique » des choses, et je m'étais clairement prononcé en faveur d'une plus grande volonté de simplification et d'accès concerté à l'offre foncière dans notre pays.
Mes deux dernières critiques - qui, je l'espère, deviendront sans objet au cours de la discussion des articles - portent tout particulièrement sur le secteur de l'urbanisme et sur la nécessité de gérer avec équilibre l'extension de l'urbanisation à proximité des agglomérations.
En effet, nous nous trouvons désormais dans l'impossibilité d'imposer des surfaces minimales pour la construction par le biais des fameux PLU, les plans locaux d'urbanisme. Je soutiens donc l'initative et le dispositif législatif visant à rétablir cette faculté pour les communes.
Par ailleurs, au lieu d'atténuer et de simplifier les règles applicables aux transferts des droits à construire en cas de division de terrains, la dernière loi SRU n'a cessé de complexifier la procédure existante.
Enfin, et surtout, comment ne pas s'indigner de l'application unilatérale de la règle dite des « quinze kilomètres » ? Ce dispositif, aberrant et liberticide pour nombre de petites communes rurales, prévoit que, en l'absence de schéma de cohérence territoriale, ou SCOT, les communes situées à moins de quinze kilomètres d'une agglomération de plus de 15 000 habitants, ne peuvent ouvrir de nouvelles zones à l'urbanisation.
Cette règle est inéquitable, car elle s'applique de la même façon autour des villes centre de 15 000 habitants et des villes d'un million d'habitants. Elle est coûteuse, car les études conduisant à l'élaboration des SCOT exigent de fortes dépenses de la part de communes déjà dépourvues de moyens. Elle est paralysante, enfin, parce qu'elle conduit à geler des territoires ruraux où existent un vaste espace urbanisable et une faible pression foncière.
Dans les faits, les difficultés pour mettre des SCOT en place ne se sont pas fait attendre,... ou plutôt, si, mes chers collègues : elles se sont fait attendre. Monsieur le ministre, est-ce répondre rapidement à nos concitoyens et à leurs élus quand la procédure d'élaboration d'un SCOT dure deux ans ? C'est pourquoi la suppression de la règle des quinze kilomètres est aujourd'hui vitale, et je la soutiens.
Enfin, je souhaite évoquer un sujet qui fait l'objet de très nombreux amendements, je veux parler de l'épineux problème de la participation pour voie nouvelle et réseaux, la PVNR, à propos de laquelle vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que vous envisagiez de nous soumettre un projet de loi.
En effet, aux termes du droit existant, les communes ne peuvent être aidées financièrement pour une extension de réseau que si, et seulement si, elles créent une voie nouvelle ou étendent une voie existante. Dans les faits, cette disposition les oblige parfois à refuser les permis de construire parce qu'elles ne disposent pas d'une capacité d'investissement suffisante, tandis que les communes plus riches répondent trop souvent dans la précipitation, en engageant des dépenses publiques inconsidérées.
Monsieur le ministre, je souhaitais vous interroger sur les réponses que vous comptiez donner à ce problème, mais vous nous les avez fournies. J'espère que les textes que vous nous proposerez pourront nous apporter des apaisements.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, fort du désir qui pousse chacun d'entre nous à tenir compte en permanence de la richesse et de la complexité des réalités locales et à réagir avec discernement, je soutiendrai avec conviction la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui.
L'heure est venue de répondre rapidement aux difficultés croissantes des élus locaux et de nos concitoyens en matière d'urbanisme. Nous avons besoin de lois simples et applicables, à même de rendre aux élus leur capacité d'initiative et de partenariat dans le temps. C'est pourquoi, défenseur du juste équilibre entre ville et campagne, je voterai avec détermination cette proposition de loi, qui résulte d'une observation pragmatique des difficultés que rencontrent nos élus, tout particulièrement dans les secteurs que nous venons d'évoquer. Son adoption permettra de redonner la parole aux élus des communes rurales et périurbaines confrontés à la demande sans cesse accrue d'aménagement du monde urbain, qui n'a jamais cessé d'être privilégié au détriment des « tout-petits ». (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano.
M. Jean-Yves Mano. Après sept mois de gouvernement, la seule action que vous nous proposez en faveur du logement, messieurs les initiateurs de cette proposition de loi, est donc de détruire. Il y avait urgence, à vos yeux, à vider de son contenu - certains diraient : à liquider - le volet de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains tendant à inciter les communes à créer des logements sociaux et à favoriser la mixité sociale.
« Logement social », « mixité sociale » : ces mots vous font peur.
C'est par la procédure de la proposition de loi que vous vous attaquez à la loi qui fonde le principe de solidarité urbaine. Vous avez tenté de le faire en catimini, sans étude d'impact, sans saisine du Conseil d'Etat ; certes, la procédure choisie vous le permet. Vous avez donc tenté de faire débattre le Sénat de cette proposition de loi entre deux textes importants, à une heure d'autant plus avancée de la nuit que tout semble montrer que nos discussions vont se poursuivre longtemps.
Pour autant, doit-on être surpris ? A priori, non, car votre texte est à l'image de ce que vous représentez, c'est-à-dire d'une droite sans complexe et qui l'assume, se laissant aller à ses penchants naturels, bref, pour qui la solidarité n'a plus sa place dans la société.
Tout cela est habilement présenté à partir des mots « contrat » ou « liberté ». Mais, me semble-il, c'est surtout la liberté de choisir d'accueillir qui l'on veut, où l'on veut, que l'on découvre dans ce texte ; c'est la faculté de sélectionner les populations désireuses de s'implanter dans les communes concernées.
Parce que je reste persuadé que cette position ne fait pas l'unanimité sur les travées de notre assemblée, je ne désespère pas, mes chers collègues, de faire évoluer votre vision des choses.
Mais reconnaissons à M. Braye, rapporteur de la proposition de loi, de la constance dans ses propositions ; car, dans le florilège des petites phrases historiques du débat initial, au mois de décembre 2000, il s'était particulièrement illustré en se souciant, notamment, de « ne pas pénaliser les riches », ou bien en qualifiant la loi SRU de « socialisme et rabaissement urbain. »
Vous me permettrez de procéder à un simple rappel : la loi SRU, dans son article 55, vise à développer le logement social sur l'ensemble du territoire. Ce sont 800 communes qui sont concernées, pour un objectif annuel de 20 000 logements.
Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, saisi par la droite parlementaire, le Conseil constitutionnel a validé le dispositif ? Il a même érigé en objectif d'intérêt général le principe de mixité sociale !
Les arguments que vous avancez pour modifier ce mécanisme de solidarité sont indéfendables. Vous faites état d'une mise en oeuvre difficile et d'une obligation contestée par les élus locaux. Certes, on peut toujours trouver des arguties juridiques, d'ordre financier ou technique, pour justifier la non-volonté politique de développer le parc social. Pensez-vous pour autant que le passage d'une loi instituant un mécanisme de solidarité entre communes à un contrat de liberté entraînera l'adhésion des maires à une politique de logements sociaux ? Hélas non ! Nous avons déjà essayé !
Le bleu budgétaire consacré au logement démontre que la loi est bien appliquée. En 2001, dès la première année, 18 000 logements - sur un objectif de 20 000 - ont été créés dans les communes concernées. Modifier la loi SRU, c'est casser la dynamique en faveur du logement social, c'est casser ce qui marche.
Avant d'évoquer le contenu de la proposition de loi, je voudrais vous poser quelques questions, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues. N'êtes-vous pas troublés par l'émotion et, pour tout dire, par la contestation émanant du monde associatif du logement, notamment de la Fondation abbé Pierre, à l'annonce de votre projet ? N'êtes-vous par interloqués par le rejet net de votre proposition de loi par le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, présidé par Xavier Emmanuelli, ancien ministre d'Alain Juppé ? Cette contestation est légitime, car les associations et le Haut comité savent comme nous que, dans ce pays, plus d'un million de ménages attendent un logement décent.
Dès le premier alinéa de l'article 1er de votre texte, vous éliminez du dispositif 43 communes d'Ile-de-France en portant à 3 500 habitants le seuil de population à partir duquel les communes auraient une obligation de construire des logements sociaux.
Dois-je vous rappeler que la spécificité concernant les communes d'Ile-de-France, voulue par le législateur, a été validée par le Conseil constitutionnel ? Dois-je vous rappeler que 400 000 ménages sont en attente d'un logement en Ile-de-France et que 70 % des ménages habitant cette région sont potentiellement éligibles à un logement social, compte tenu de leurs revenus ? Est-ce trop demander à ces 43 communes que de créer 288 logements par an, soit de cinq à sept logements par commune ? Monsieur le rapporteur, les besoins existent, y compris chez vos administrés, et vous refusez de créer cinq à sept logements par an ! Voulez-vous faire de votre commune un musée, une réserve que l'on visite ? Envisagez-vous de construire un mur vous mettant à l'abri de la réalité sociale qui vous entoure ?
A ce stade, arrêtons-nous un instant sur ce qu'est un candidat locataire, et M. le ministre lui-même le rappelait tout à l'heure : on est candidat à un logement social lorsque l'on est un policier, une infirmière, un enseignant, un éducateur et aussi, parfois, quand on rencontre des difficultés financières.
Cette mixité des populations est indispensable à l'équilibre de nos communes. Il est donc de notre responsabilité de fournir un logement à la fois aux personnes qui font vivre la ville et aux personnes en difficulté.
C'est à ce prix que nous pourrons garantir la quiétude et la sécurité de nos concitoyens.
Et pourtant - c'est un fait encore plus pernicieux et représentatif de votre volonté de négation de la mixité sociale -, vous souhaitez exempter de la contribution de solidarité les communes appartenant à une communauté urbaine, à une communauté d'agglomération ou à un EPCI ayant accepté à l'unanimité un programme local de l'habitat et possédant globalement 20 % de logements sociaux.
Cette proposition fige la répartition des logements sociaux, entérine les déséquilibres actuels entre communes et paralyse toute initiative. En un mot, les ghettos resteront des ghettos.
Dans l'article 2, la modification proposée exonère 35 communes importantes de la contribution de solidarité instaurée par la loi SRU, et donc de l'incitation à construire, en abaissant de 15 % à 10 % le seuil de déclenchement de la contribution.
Sous une apparence anodine, cette proposition de loi entraînera une diminution des engagements annuels de près de 2 000 logements. Des villes comme Nice, Hyères, Grasse seront exonérées. Pourtant, dans ces communes, les besoins existent et les capacités à construire sont incontestables.
Dans l'article 3, vous vous référez à un engagement triennal de réalisation de logements locatifs sociaux qui doit être au moins égal, d'une part, au tiers du nombre de logements réalisés sur le territoire de la commune au cours de la période triennale à venir et, d'autre part, à 1 % du total des résidences principales.
Après analyse de ces chiffres, je dirais que, si c'est une incitation, j'y vois surtout, pour ma part, une incitation à ne rien faire. Qu'on en juge ! Comparé au système précédent dans lequel le rattrapage devait se faire en vingt ans, les communes devront atteindre les objectifs en soixante ans. Est-ce sérieux ?
L'ensemble de ces mesures auxquelles s'ajoutent diverses dérogations minimisant les obligations auront un résultat catastrophique pour la construction de logements sociaux, et, surtout, pour les familles qui les attendent.
C'est a minima 10 000 logements de moins qui seront construits dans notre pays. M. Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, peut être rassuré : le budget du logement ne sera pas consommé.
Vous le comprendrez, compte tenu des conséquences négatives de ce texte, nous ne pourrons bien évidemment le soutenir.
Ce texte est en effet incohérent, notamment avec la politique annoncée par votre collègue, M. Borloo, ministre délégué à la ville. On ne peut à la fois vouloir démolir 200 000 appartements et refuser de voir construire des logements sur des espaces urbains moins denses et mieux répartis.
Monsieur le ministre, ce texte est contradictoire avec vos propos. Devant les associations s'occupant des personnes défavorisées, vous affirmiez en effet votre attachement au principe de la mixité sociale et au nécessaire développement du logement social.
Ce texte est contradictoire avec les propos que vous avez tenus devant le congrès de l'Union HLM, réunie en septembre dernier à Lyon : vous annonciez alors votre volonté de garantir aux acteurs du logement social les moyens d'une politique ambitieuse.
Ce texte va à l'encontre de la mixité sociale. Or, vous vous êtes prononcé vous-même contre toute tentative de revenir sur ce principe.
Ce texte ne vous ressemble pas, monsieur le ministre. Il ne correspond pas à votre image d'homme du centre, car c'est un texte d'exclusion sociale et de ségrégation sociale qui ne respecte pas le droit au logement.
M. Hilaire Flandre. N'importe quoi !
M. Jean-Yves Mano. Compte tenu des conséquences dramatiques de ce texte, je vous demande, monsieur le ministre, au nom du groupe socialiste, de solliciter vos amis politiques au sein de cette assemblée pour qu'ils retirent leur proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre, comme vous-même, je m'inscris résolument dans la démarche qui vise à élargir le champ de la mixité sociale dans notre pays. Technicienne de la politique de la ville, je connais trop les situations engendrées par la ghettoïsation de certains de nos quartiers pour ne pas mesurer à quel point l'objectif de l'article 55 de la loi SRU est louable. Cette lutte demeure la préoccupation première de tous les élus qui, dans leur commune, se battent contre la pauvreté et l'exclusion.
M. Denis Badré. Exact !
Mme Valérie Létard. Mais certaines communes sont plus démunies que d'autres dans ce combat. L'objet de mon propos est de rappeler ici leurs difficultés et de profiter de ce débat, monsieur le ministre, pour appeler votre attention sur leur situation.
Le 31 janvier dernier, lors d'une séance de questions d'actualité, j'avais évoqué la situation de la commune de Maing - 3 800 habitants -, membre de la communauté d'agglomération de Valenciennes. Cette commune ne remplissait pas les critères fixés par la loi, son taux de logements locatifs sociaux étant insuffisant, bien qu'elle héberge sur son territoire une communauté harkie socialement très fragile. Le prélèvement au titre de l'article 55 dont elle est redevable s'élève, en 2002, à 34 000 euros, somme considérable si l'on songe que cette commune dispose d'un potentiel fiscal par habitant de 198 euros et que 60 % des foyers fiscaux y sont non imposables.
C'est au nom des communes telles que Maing que je m'adresse à vous, monsieur le ministre. Si elles se sont inquiétées d'une taxation supplémentaire, ce n'est pas par opposition systématique à l'objectif de la loi ; c'est simplement que leurs moyens sont si limités qu'une contrainte supplémentaire, ajoutée à l'ensemble de leurs besoins, leur est apparue comme insupportable, tant est difficile déjà leur situation financière et sociale.
Dans la réflexion engagée aujourd'hui, il me semble important de prendre plus particulièrement en compte la situation de ce type de communes. Les dispositions de l'article 55 allaient dans ce sens en prévoyant, à l'article L. 302-7, un seuil différent pour les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine, la DSU. Toutefois, cette disposition ne va pas sans soulever des questions, et ce pour deux raisons.
Premièrement ne sont éligibles à la dotation de solidarité urbaine que les communes de plus de 5 000 habitants. Cela exclut toutes les communes plus petites, comme la commune de Maing, dont les moyens sont pourtant extrêmement faibles.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que l'on s'interroge sur la pertinence de ce seuil de 5 000 habitants. Le développement de plus en plus rapide de la « rurbanité » a entraîné de nombreuses communes à la périphérie de nos villes dans une logique urbaine dont on n'a, à l'évidence, pas encore tiré toutes les conséquences en matière de soutien financier. Pourquoi maintenir ce seuil couperet alors que les difficultés de ces communes sont les mêmes, à 4 000 habitants comme à 5 000 habitants ? Ces communes ne pourraient-elles bénéficier de l'éligibilité à la DSU au titre de leur appartenance à une communauté d'agglomération ou à une communauté urbaine ?
Mais, au-delà du seuil, n'y a-t-il pas lieu aussi, dans un second temps, de s'interroger sur le dispositif de la DSU tout entier ? Je rappellerai l'objet de cette dotation inscrit à l'article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales, qui est « de contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées ».
Si l'on se réfère strictement à cette définition, on s'attendrait à ce que les moyens qui sont affectés à cette fin soient concentrés sur les communes dont la situation est la plus difficile. Or, la DSU bénéficie de manière très large à 70 % des communes de plus de 10 000 habitants et au premier dixième des communes entre 5 000 et 9 999 habitants. Comment, dans ces conditions, éviter le saupoudrage de crédits qui ne profite vraiment à personne et, surtout, qui empêche de concentrer les efforts sur les communes les plus en difficulté, celles où le besoin d'un effet de levier puissant est le plus nécessaire ?
Où devons-nous concentrer notre effort ? Sur la ville de Nice - que mon collègue Jacques Peyrat ne me tienne pas rigueur de la citer en exemple ! - ou sur la commune de Maing ?
Au-delà de la seule problématique posée par l'application de l'article 55, cette réflexion sur la DSU me paraît un prolongement logique de notre débat, et je serai heureuse, monsieur le ministre, de recevoir, de votre part, l'assurance que le Gouvernement a l'intention d'étudier prochainement cette question. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est dans la plus grande précipitation que la Haute Assemblée est amenée à débattre ce jour de cette proposition de loi cosignée par M. Braye et plusieurs de nos collègues, dont le président Larcher, tendant à modifier la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Une telle démarche appelle au moins une première observation : n'est-ce pas, en effet, pervertir quelque peu le principe de l'initiative parlementaire et des journées consacrées à l'examen de l'ordre du jour réservé que de nous proposer d'examiner, toutes affaires cessantes, cette proposition de loi dont les attendus et les motifs sont plus que discutables ?
Pour étayer mon propos, je suis évidemment contraint de revenir sur le contexte dans lequel nous nous situons depuis les élections du printemps dernier.
En effet, depuis la constitution du nouveau gouvernement, nous remarquons l'absence de secrétaire d'Etat au logement, comme l'atteste de manière signifiante le fait que la question d'actualité que j'ai posée sur le sujet le jeudi 7 novembre n'a trouvé de réponse qu'auprès de M. Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme.
Nous entendons également un discours à géométrie variable, porté tant par M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, que par M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, et qui consiste à faire croire que l'Etat va puissamment s'engager dans une politique audacieuse du logement.
On annonce, ici, des chiffres ronflants, de vastes opérations de démolition et de reconstruction, là, une démarche volontariste de mise aux normes de qualité.
Mais que constate-t-on dans les faits ? Un budget qui baisse de 300 millions d'euros, avec une utilisation habile des reports de crédits pour faire croire au développement des dépenses d'équipement ; une remise en question des droits des allocataires de l'aide personnalisée au logement ; l'annonce de la suppression du parc social issu de la loi du 1er novembre 1948, et, surtout l'abandon programmé de la priorité à la construction de nouveaux logements sociaux, répondant aux besoins des populations.
C'est dans la discrétion des mois d'été que le ministère a procédé à une vaste réforme des modalités d'attribution des aides personnelles au logement, pénalisant singulièrement les salariés les plus modestes et les jeunes engagés dans des parcours de formation, le plus souvent logés en foyers de jeunes travailleurs.
De la même manière, ce gouvernement a décidé, dans le cadre de la loi de finances, de revenir sur ses engagements de financement du fonds de solidarité logement, destiné aux familles en difficulté.
Et tout cela se produit alors même que nous devons examiner à partir de demain ce projet de loi liberticide sur la sécurité intérieure qui stigmatise des populations particulièrement vulnérables et qui frappera notamment tous les exclus du droit au logement que sont les sans-abri.
Tout cela nous ramène donc au texte de cette proposition de loi, dont on sent fort bien qu'elle est inspirée par les conceptions ultra-libérales qui animent aujourd'hui la politique du Gouvernement en matière de logement.
Cette proposition de loi, polarisée sur les questions de la construction de logements sociaux, n'est - vous le savez fort bien, mes chers collègues -, qu'un projet de loi honteux que le Gouvernement ne pouvait évidemment décemment soutenir.
Elle a d'ailleurs reçu l'opposition du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, car elle va à l'encontre de deux objectifs majeurs affirmés par la loi SRU : le droit au logement et la mixité sociale.
Je dois constater que cette question est embarrassante pour le Gouvernement : nous ressentons en effet une certaine cacophonie entre les six signataires de ce projet de loi et le Gouvernement.
De plus, on nous annonce pour le mois de décembre un projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'habitat et à la construction, dont on peut s'attendre à ce qu'il ne soit qu'une remise en cause plus ou moins disparate des dispositions de la loi SRU ou de la loi Besson de 1990.
Revenons donc à la proposition de loi qui comprend, en fait, deux grandes parties.
Les six premiers articles de la proposition de loi portent sur les conditions d'application de l'article 55 de la loi SRU. Les quatre articles suivants portent, pour leur part, sur les modifications du droit de l'urbanisme et ne répondent manifestement pas aux problèmes posés par le développement de l'habitat dans notre pays.
Prétextant une consultation des professionnels pour motiver les dispositions préconisées, la proposition de loi peut en fait être résumée de manière relativement simple : d'une part, c'est un rejet forcené de la mixité sociale, destiné à rendre inopérantes les dispositions de la loi SRU sur l'obligation de réalisation de logements sociaux, rejet que l'on peut apparenter d'ailleurs à un égoïsme de classe que nous combattons énergiquement ; d'autre part, c'est un étonnant laxisme accordé aux élus locaux, aux promoteurs immobiliers et aux lotisseurs, en particulier pour construire, tant au coeur des villes qu'en zones périurbaines, à peu près n'importe quoi, sans se soucier des conséquences sociales, économiques et environnementales.
Cette proposition de loi est donc clairement régressive, pour ne pas dire réactionnaire, et ce n'est décidément pas un honneur pour la Haute Assemblée que d'avoir à en débattre dans la précipitation...
Les questions de l'aménagement et du développement urbains nécessitent d'autres choix que ceux qui guident cette proposition de loi.
Dois-je d'ailleurs rappeler ici aux auteurs de cette proposition de loi que c'est à la grande époque du gaullisme, au coeur des années soixante, que l'on a construit à la va-vite les grands ensembles de logements dont ils stigmatisent aujourd'hui les travers ?
M. Guy Fischer. Le général de Gaulle !
M. Yves Coquelle. Dois-je encore rappeler que cette politique-là ne s'est jamais véritablement souciée de la question des infrastructures, des lieux de vie et d'échange, et que seules les années de lutte des populations concernées, relayées ensuite par les gouvernements de gauche, ont pour partie répondu aux errements du passé ?
Je ne résiste pas, monsieur Braye, à la tentation de vous rappeler certains des choix que vous aviez manifestés lors de la discussion de la loi Gayssot et que votre proposition de loi reprend pour l'essentiel.
Vous aviez ainsi, selon vos propres termes, dénoncé dans l'article 55 du projet de loi - l'article 25 du texte initial -, « un mécanisme technocratique, autoritaire et profondément attentatoire à l'autonomie des communes » et vous aviez assimilé les dispositions de cet article à « un retour au passé ».
Vous disiez encore, lors de cette séance du 27 avril 2000, en vous adressant au ministre : « Ce désir, vous le niez par une définition trop étroite du logement social, qui exclut le logement social de fait, le logement intermédiaire et surtout l'accession sociale à la propriété. »
Monsieur Braye, vous et vos collègues vous opposerez-vous, le moment venu, à l'abrogation de la loi de 1948 qui définit spécifiquement le logement social de fait ?
La loi Gayssot, que vous combattez avec tant de force et d'énergie, pourquoi le gouvernement précédent a-t-il dû la faire voter ? C'est à cette question qu'il faudrait peut-être essayer de répondre ! S'il l'a fait, c'est tout simplement, mes chers collègues, parce que, dans la plupart des municipalités de droite, les portes sont verrouillées, cadenassées, aux populations socialement les plus en difficulté. (M. Hilaire Flandre s'exclame.)
Mme Jacqueline Gourault. N'importe quoi !
M. Yves Coquelle. Au fil des années, c'est dans les communes progressistes, et le plus souvent communistes, que se sont concentrées ces populations en grande difficulté sociale. Personne ne peut, honnêtement, nier cet état de fait.
D'ailleurs, lorsque l'on examine avec attention les propositions de loi que vous souhaitez soumettre au Parlement, une évidence saute aux yeux : sans ouvertement remettre en cause la loi Gayssot, vous avez le désir de protéger vos amis, élus et gérants des municipalités de droite, en leur permettant de détourner la loi, de ne pas l'appliquer.
Ainsi, une commune membre d'un EPCI dans lequel il existe 20 % de logements sociaux ne sera pas tenue de respecter le seuil de 20 % sur son propre territoire.
Plus grave encore, vous annoncez que les communes qui ne désirent pas appliquer le quota paieront une amende.
En fait, monsieur le ministre, les communes riches préféreront payer pour avoir le droit de ne pas accueillir des populations en difficulté. C'est proprement scandaleux !
M. Hilaire Flandre. C'est la loi Gayssot, celle de votre copain !
M. Jean Bizet. Celle de votre « camarade » !
M. Yves Coquelle. Votre proposition de loi, permettez-moi de vous le dire, mes chers collègues, n'est pas destinée à substituer le contrat à la contrainte en matière de réalisation de logements sociaux, elle n'est que l'illustration du plus parfait égoïsme et la déclinaison d'une pensée guidée par la volonté d'exclure, de diaboliser, de ne pas permettre la mise en oeuvre pleine et entière du droit au logement.
Mme Jacqueline Gourault. C'est vraiment n'importe quoi !
M. Yves Coquelle. Et, s'agissant des problèmes sociaux plus généraux qui se traduisent dans nos quartiers par le mal-vivre des populations, que faites-vous donc ?
M. Christian Demuynck. Le mal-vivre, c'est vous qui l'avez créé !
M. Yves Coquelle. Quand on vote des deux mains toutes les lois créant les conditions d'une précarisation forcenée du travail, quand on vote toutes les lois qui écrasent les salaires, au seul bénéfice du patronat, il ne faut pas s'étonner des conséquences qui en résultent au plan social dans certains de nos quartiers.
En fait, si votre proposition de loi est adoptée, elle se résumera ainsi : les logements sociaux, c'est bien et normal dans les municipalités de gauche mais pas dans celles de droite !
Je ne développerai pas davantage la seconde partie de votre proposition de loi, qui relève fondamentalement des mêmes attendus que la première et qui consiste à anéantir les avancées de la loi SRU en termes d'approche renouvelée de l'urbanisation.
Nous y reviendrons, notamment dans la présentation de la motion tendant à opposer la question préalable, mais sachez d'ores et déjà que notre groupe s'opposera sans la moindre ambiguïté à l'adoption des conclusions de la commission des affaires économiques sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, vous nous avez annoncé la présentation d'un projet de loi concernant l'urbanisme dans les semaines à venir. J'espère que nous aurons le temps d'y travailler sérieusement, car le sujet, on s'en rend compte, n'est pas toujours simple.
Vous nous annoncez également une concertation qui peut être utile pour mettre en cohérence, dites-vous, les trois lois Chevènement, Voynet et SRU. D'ailleurs, je fais partie d'une délégation qui doit prochainement vous rencontrer à ce sujet.
Il peut effectivement être utile de mettre en cohérence certains points. Autant le faire dans un esprit positif sans s'engager dans une voie systématiquement destructrice du travail législatif qui a été réalisé au cours des dernières années !
Je ne pense pas que ce soit l'état d'esprit qui vous caractérise. Toutefois, je ne peux m'empêcher de revenir sur l'événement de ce soir qui me paraît tout à fait stupéfiant : nous travaillons dans une totale improvisation.
Tout le monde veut des lois simples, mais, alors que nous abordons un sujet d'une immense complexité sur lequel on travaille depuis au moins une génération pour essayer de résoudre les problèmes d'urbanisme, de développement urbain, d'aménagement, tout à coup, un soir, on nous adresse des documents dans la précipitation.
M. Guy Fischer. A la veille de la Toussaint !
M. Yves Dauge. On nous reproche souvent de légiférer dans l'urgence, mais ce soir, nous battons tous les records ! C'est une attaque frontale, étonnante de la part de gens qui sont censés être des « sages », sur deux aspects fondamentaux d'un dispositif - dont on peut parler calmement par ailleurs - le fameux article 55 et les quinze kilomètres de protection à la périphérie urbaine.
Tous ceux qui ont travaillé sur la politique de la ville, tous ceux qui sont concernés à des titres divers par ces questions savent que l'on est face à deux enjeux majeurs : le désastre des périphéries urbaines auquel on assiste depuis trop d'années, et la crise urbaine, celle des ghettos, des quartiers, qui est devant nous encore pour de nombreuses années, deux sujets qui nécessitent que soient prises des mesures radicales.
J'ose le dire : malheureusement, l'amendement Carrez, il y a quelques années, a cassé, déjà, une loi d'orientation ! Vous ne reprenez pas, monsieur le ministre, cette attaque, mais les sénateurs font un travail de destruction de l'article 55 de la loi SRU qui est tout aussi dangereux et certainement plus pernicieux.
Heureusement, monsieur le ministre, vous avez quelque peu recadré la discussion tout à l'heure, en réaffirmant les grands principes. Vous mettez en avant l'idée du contrat. Je ne suis pas contre, personne n'est contre, d'autant que l'idée qui sous-tend le dispositif actuel, je me permets de le dire, c'est également le contrat.
M. Hilaire Flandre. C'est le contrat obligatoire !
M. Guy Fischer. Sur vingt ans !
M. Yves Dauge. A quoi bon se répandre en invectives qui, de toute façon, sont sans fondement !
M. Hilaire Flandre. C'est la réalité !
M. Yves Dauge. Je connais la différence entre les deux dispositifs, figurez-vous : nous avons compté année par année, et vous proposez de compter sur trois ans. Pourquoi pas, d'ailleurs ? Mais, au bout de trois ans, il faudra savoir si les règles que nous avions prévues en ce qui concerne le mode de calcul et les pénalités seront les mêmes.
Certes, nous avons tous le droit d'être intelligents et d'améliorer les choses ! Mais ne croyez pas qu'hier il n'y avait pas de contrat et que demain il y en aura un. C'est faux ! Vous n'avez qu'à lire les textes ! Et ceux qui ne veulent pas adopter le dispositif ne le font pas !
Vous l'avez très bien dit, si le nouveau dispositif que vous préconisez ne s'appliquait pas, on aurait alors recours à un système de sanctions. Il n'y a donc pas de rupture entre ce que nous avions prévu et de que vous défendez.
Vous voulez mettre l'accent sur une philosophie, qui est celle du contrat : nous partageons cette philosophie ! Mais le problème réside dans le mode de calcul dont j'aimerais bien que nous discutions à nouveau sérieusement. En effet, vous m'avez un peu surpris en annonçant le chiffre de 24 000 logements, alors que nous n'en comptons que 20 000. Il faudra vérifier les modes de calcul, mais on n'en est pas là !
Je suis surpris, monsieur le rapporteur, par votre attaque, qui sent la revanche. L'opinion que vous exprimez n'est guère partagée. Ayant écouté avec attention les orateurs qui se sont succédé, notamment Mme Létard, je constate qu'entre les groupes de la majorité l'approche sur le sujet est différente. Tant mieux !
Je crois donc qu'il faut se garder de radicaliser le sujet en voulant se faire plaisir par quelques effets d'annonce et des discours véhéments, monsieur le rapporteur, qui ne correspondent pas du tout à la réalité du sujet !
Vous allez déclencher des réactions très vives de la part de nombreuses associations et militants de la cause qui ne sont pas particulièrement engagés à gauche ou à droite. Ils sont sur le terrain, ils se battent comme des fous pour essayer de régler des problèmes graves, tandis que vous lancez un appel à la population à travers un discours selon moi un peu surprenant, car je pensais que vous connaissiez mieux le sujet.
Monsieur le ministre, je conclus avec l'urbanisme. Il faut être clair. L'enjeu majeur, c'est la périphérie urbaine. Il faut sauvegarder la règle des quinze kilomètres. Ne remettons pas en cause cette règle...
M. Hilaire Flandre. C'est n'importe quoi !
M. Yves Dauge. ... qui est fondamentale.
Etant maire d'une commune de 10 000 habitants, j'aurais aimé que le seuil soit fixé à 10 000, parce que j'ai besoin de cette règle pour protéger ma périphérie. J'ai absolument besoin que les abords de ma petite ville...
M. Hilaire Flandre. Les services dans la ville et le désert autour, voilà votre idéal !
M. Yves Dauge. ... soient protégés par l'application de cette règle, qui est une règle de sécurité. C'est une règle simple qui est parfaitement comprise. Je connais bien, moi aussi, le monde rural, et je vois les maires s'impliquer fortement dans la mise en place des SCOT.
Quelle révolution dénoncez-vous ? A quelle inapplicabilité faites-vous allusion ? Je veux bien que l'on discute des mesures transitoires et des interprétations que nous faisons de la loi s'agissant de ce qu'il est possible de faire ou de ne pas faire pendant l'application de ces mesures transitoires, je pense notamment à l'ouverture des zones d'aménagement. Le ministère a d'ailleurs édicté des règles. Vous avez vous-même, monsieur le ministre, répondu très clairement à des questions qui vous ont été posées sur ce sujet.
Avant de réviser les lois, je vous demande simplement d'expliquer clairement ce qu'elles prévoient. Nous vivons en effet dans la confusion.
Je veux bien reconnaître aussi que certaines directions, voire certains préfets - et ce n'est pas mon habitude de critiquer l'Etat -, ont quelquefois donné des explications qui ne correspondaient pas à la lettre et à l'esprit de la loi. Disons-le, avant de nous lancer brutalement, ce soir, dans des révisions improvisées, commençons calmement à essayer d'expliquer ce que signifient les lois d'aujourd'hui.
De la sorte, nous réglerons 90 % des problèmes, monsieur le ministre. Cela touche, par exemple, le financement des voies nouvelles. Les textes de votre ministère sont, sur ce sujet, parfaitement clairs. Après tout, pourquoi ne pas inscrire dans la loi les dispositions qui figurent dans les circulaires ?
Pourquoi ne pas clarifier ? En tout cas, ce n'est pas moi qui m'y opposerai.
J'évoquerai un dernier point.
J'ai entendu dire, non pas au Sénat mais à l'Assemblée nationale, qu'à l'heure de la décentralisation il fallait faire de la proximité, et donc faire sauter les verrous. Allons-y ! C'est la décentralisation !
Chers amis, j'étais directeur de l'urbanisme au ministère de l'équipement quand ont été votées les lois de décentralisation ; vous le savez vous aussi, monsieur le ministre. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Hilaire Flandre. On comprend mieux les choses !
M. Guy Fischer. Il sait de quoi il parle ! C'est un très grand spécialiste.
M. Yves Dauge. Ecoutez-moi, mes chers collègues, car c'est un point très important. A cette époque, les lois de décentralisation ont conféré aux maires beaucoup de responsabilités dans l'élaboration des documents d'urbanisme. Mais nous avions dit à ces maires que leur responsabilité consistait non pas à faire n'importe quoi, mais à appliquer la loi.
Nous avons alors étoffé le contenu des lois parce que beaucoup de choses étaient prévues par voie de circulaires et n'avaient donc pas force de loi. Quand nous avons transféré la responsabilité aux élus, nous avons ainsi très justement fait figurer dans la loi des éléments dont le contenu était porté par des circulaires et, ce faisant, nous avons élevé le niveau de la loi.
Cela montre bien que, quand on décentralise, on n'est pas obligé d'abaisser le niveau de la loi, ni de déréglementer. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Hilaire Flandre. C'est votre conception des choses ! Ce n'est pas nécessairement la nôtre !
M. Yves Dauge. Je dirai même que l'on est obligé, si l'on veut être responsable, d'élever ce niveau.
Chers amis, si vous ne faisiez qu'écouter les maires, comme vous le dites, monsieur le rapporteur - moi aussi je suis maire -, en prétendant qu'ils sont unanimes à dire qu'il ne faut plus de loi et à vouloir faire sauter les verrous, vous n'auriez pas de loi sur les secteurs sauvegardés ni sur le paysage, ni sur le littoral, ni sur la montagne.
Qu'est-ce que cette politique qui, au nom de la décentralisation, veut nous laisser croire qu'il n'y a qu'à faire sauter les verrous et abaisser le niveau de la loi ? Je regrette de vous le dire : c'est une grave erreur politique. Et j'espère que, dans sa sagesse, cette assemblée saura éviter ce piège. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Hilaire Flandre. Vous êtes resté un fonctionnaire !
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est pas surprenant de voir apparaître cette proposition de loi de M. Braye et plusieurs de ses collègues quelques mois seulement après l'application de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
En effet, comme nous l'avons dit à cette tribune de nombreuses fois, si, sur le fond, ce texte était nécessaire pour assurer une meilleure mixité sociale et une meilleure diversité des fonctions urbaines, périurbaines et rurales - formule ajoutée par le Sénat -, la procédure d'urgence adoptée à l'époque n'était pas compatible avec la complexité d'un tel sujet et de ses enjeux pour l'organisation territoriale de nos collectivités.
Certes, pour atteindre l'objectif d'un nouvel équilibre social dans la ville et à sa périphérie, une réforme du droit de l'urbanisme et de la politique du logement social était parfaitement justifiée.
Pour y parvenir, nous avons défendu, ici, au Sénat, une démarche territoriale respectueuse de la décentralisation et de la responsabilité de l'élu local. Nous avons plaidé pour une démarche reconnaissant pleinement le rôle des acteurs locaux, dans le cadre des nouveaux outils institutionnels favorisés par la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
C'est dans ce sens que nous avons défini de nouveaux outils d'aménagement fondés sur une approche territoriale de projet substituée à une logique trop restrictive de zonage foncier dont on a pu mesurer depuis trente ans les limites.
Dans le domaine du logement social, à la démarche coercitive retenue par le gouvernement de l'époque, qui traduisait une suspicion marquée à l'égard des collectivités locales et qui ne prenait pas suffisamment en compte la diversité des situations locales, nous avons préféré, ici, une démarche volontaire dans laquelle le contrat prévaut sur la contrainte, dans une logique de décentralisation reposant sur un véritable dialogue et un partenariat contractualisé entre l'Etat et les collectivités locales.
Ainsi, la notion de contrat d'objectif, reposant sur une réflexion non seulement communale mais également intercommunale, est sans aucun doute plus efficace et mieux adaptée à l'expression d'une mixité sociale au sein d'un bassin de vie.
Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, qui sont aujourd'hui, dotés des compétences en matière d'habitat, sont bien les garants d'une répartition équilibrée des logements sociaux sur ces territoires.
C'est dans ce même esprit que M. Braye et plusieurs de nos collègues nous proposent aujourd'hui un texte adapté aux réalités du terrain et à la nouvelle organisation intercommunale du développement local à partir d'un nouveau contrat de confiance entre les acteurs locaux et l'Etat, c'est-à-dire dans un cadre décentralisé faisant appel à la responsabilité de l'élu local.
C'est pourquoi nous soutiendrons cette initiative très attendue et déjà proposée dans ses grandes lignes par le Sénat il y a deux ans.
J'en viens aux dispositions relatives à l'urbanisme proposées par M. le rapporteur.
Le principe de l'assouplissement qui résulte des mesures qui nous sont soumises s'avère bien nécessaire au regard des nombreux blocages constatés sur le terrain.
Néanmoins, donner plus de liberté aux communes pour fixer une superficie minimale des parcelles à urbaniser devrait, à mon sens, être associé à des justificatifs issus du projet urbain, notamment en matière de paysage, d'environnement ou de fonctions urbaines spécifiques, pour ne pas compromettre la mixité sociale de la ville.
En ce qui concerne le régime des divisions des parcelles, donner la possibilité aux communes de répartir le solde des droits à construire sur des terrains ayant fait l'objet de divisions successives - en prenant en compte le calcul des droits à construire déjà utilisés - va dans le sens d'une meilleure maîtrise de l'urbanisation.
Une telle adaptation permettra surtout de respecter l'esprit du projet urbain dans un secteur identifié ayant fait l'objet d'un objectif moyen de densification.
On évitera de cette manière une mauvaise maîtrise de l'urbanisation et une surdensification des terrains, même si une évolution sera toujours possible par une modification des documents d'urbanisme, dont les élus conserveront évidemment la maîtrise.
J'en viens à l'abrogation du périmètre des quinze kilomètres autour des agglomérations de plus de 15 000 habitants, dans lequel les communes ne peuvent plus ouvrir de nouvelles zones à l'urbanisation si elles ne font pas partie d'un schéma de cohérence et d'organisation territoriale. Ce fut l'un des points de désaccord majeurs entre le Sénat et l'Assemblée nationale lors des débats sur le texte initial.
Les conséquences d'un dispositif aussi rigide, nous pouvons les constater aujourd'hui. Et je ne suis pas d'accord avec M. Dauge sur ce point. Combien de projets sont bloqués dans de nombreux secteurs périurbains ou ruraux ! Combien de situations conflictuelles entre les élus !
Quant aux périmètres, ils sont inadaptés du fait des nouvelles solidarités intercommunales, et les risques de contentieux se multiplient.
Il paraît donc opportun de revoir cette règle, parfois arbitraire, car elle ne correspond pas à la diversité de notre territoire, en particulier à la spécificité de nos zones rurales.
Pour autant, la recherche d'un aménagement territorial cohérent est majeure pour l'équilibre du développement local, car les micro-concurrences entre les collectivités sont génératrices de dépenses publiques superflues et conduisent, par exemple, à des déséquilibres économiques qui peuvent, à terme, provoquer des friches industrielles.
Le cas des implantations commerciales ou de la surenchère des installations d'entreprises illustre parfaitement ce propos.
C'est la raison pour laquelle, si nous décidions aujourd'hui de supprimer cette disposition, il faudrait, à mon sens, opter pour une mesure de transition qui devrait être suivie, très rapidement, d'un nouveau dispositif fondé sur la libre administration des collectivités locales.
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas la France !
M. Pierre Jarlier. A cette formule arbitraire - dont on mesure les conséquences désastreuses - doit en effet être substituée la concertation entre les communes, comme l'avait proposé le Sénat lors de la discussion du texte initial, une concertation pouvant générer de nouvelles solidarités intercommunales et qui serait conduite sur l'ensemble du territoire - agglomérations de plus de 15 000 habitants ou pas - car le problème se pose tout autant autour des villes-centre qu'autour des bourgs-centre des zones rurales.
Je souhaite enfin, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, attirer votre attention sur deux points qui découlent de cette loi et qui, parmi d'autres, appellent un nouveau débat rapidement.
Je veux parler de la fameuse participation au financement des voies nouvelles et réseaux, qui impose aux communes de réaliser à la fois des travaux de voirie et des travaux de réseaux, même quand les voiries existent, pour pouvoir solliciter les contributions financières des demandeurs de permis de construire dans les zones urbanisables.
Nous sommes là au coeur du problème posé par les interprétations extrêmement restrictives de l'administration à l'égard des textes votés par le Parlement.
Je veux également parler de l'indispensable adaptation des règles d'urbanisme actuelles en montagne, qui provoquent l'indignation des élus et un blocage quasi permanent des projets de développement.
Nous sommes tous favorables à la protection des zones de montagne, mais la superposition de textes inadaptés, et parfois contradictoires, empêche actuellement l'aboutissement de nombreux projets porteurs d'emplois ou susceptibles d'accueillir de nouvelles populations, alors même que ces territoires - notamment en moyenne montagne - connaissent des difficultés majeures sur les plans économique et démographique.
Nous devons ouvrir ce débat pour obtenir un équilibre réel entre protection et développement, objectif pourtant clairement affiché dans la loi Montagne de 1985.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il ne s'agit pas de remettre en cause les grands principes de mixité sociale et de diversité des fonctions de l'urbanisme, en ville comme à la campagne.
Nous souhaitons, comme nous l'avons déjà décidé ici, au Sénat, revoir la méthode, privilégier la simplicité sur la complexité, la responsabilité et la flexibilité sur la contrainte, l'initiative de terrain et la décentralisation sur une recentralisation insidieuse.
Autrement dit, nous voulons faire confiance aux acteurs locaux en tenant compte de la diversité de notre territoire, dans une démarche de projets, mais contractualisée, en cohérence avec les nouveaux textes relatifs à l'intercommunalité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Je répondrai rapidement aux différents orateurs.
M. Goulet s'est interrogé sur le rôle du Parlement en faisant état de deux textes qui se télescopent : cette proposition de loi, qui concerne essentiellement l'article 55 de la loi SRU et quelques dispositions en matière d'urbanisme, et, comme je l'ai dit tout à l'heure, un projet de loi relatif à l'urbanisme. Je vous confirme que ce projet de loi pourrait être soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat d'ici à la fin de l'année.
M. Goulet s'est beaucoup inquiété au sujet des services des DDE. Je l'assure que je partage son souci. Nous sommes extrêmement attentifs à la bonne efficacité des services déconcentrés, ainsi qu'à la clarté des consignes qui leur sont données afin qu'ils agissent comme des soutiens, des assistants, notamment auprès des élus locaux, et qu'ils ne soient pas, comme je l'entends dire parfois, quelque peu restrictifs de crainte de prendre des initiatives malheureuses. Il faut leur donner plus de liberté, et certainement des consignes plus nettes.
M. Darniche a souligné que la règle dite des quinze kilomètres était mal rédigée. Je partage totalement cette impression. Qu'il sache que nous y remédierons dans le projet de loi consacré à l'urbanisme.
Je lui adresserai la même réponse à propos de la participation pour voie nouvelle et réseaux.
Monsieur Dauge, vous admettez qu'une harmonisation est indispensable entre les lois Voynet, Chevènement et Gayssot. Je suis sûr que vous travaillerez avec les différents groupes qui vont se réunir, tout au long de l'année 2003, pour essayer d'harmoniser ces lois dans le sens d'une simplification, comme le souhaite le Premier ministre.
Vous vous êtes par ailleurs interrogé sur les 24 000 logements sociaux que j'ai annoncés. Je puis vous rassurer, dans la mesure où l'article 55 maintient ces objectifs, mais nous les réaliserons avec une méthode différente : le contrat et non la pénalisation.
Je tiens à votre disposition la liste de chacune des communes sur lesquelles nous prévoyons dix, vingt, cinquante, ou deux cents logements. Vous pourrez constater que le total fait bien 24 200 logements sociaux, dans la mesure où aucune disposition de la proposition de loi ne viendrait retirer de notre liste certaines de ces communes.
Je vous rappelle que ces chiffres sont beaucoup plus importants que les objectifs qui avaient été fixés par la loi actuellement en vigueur. Pour l'année 2001, c'est 18 000 logements ; avec notre dispositif, ce sera au moins 6 000 logements de plus.
M. Jarlier demande à juste titre qu'une plus grande liberté soit accordée aux communes, pour fixer notamment la taille des parcelles. Il a aussi raison quand il dit que cette liberté doit être assortie de justifications : dans certains cas excessifs, les parcelles contructibles risqueraient d'être si agrandies qu'on n'arriverait plus à réaliser les fameuses maisons de ville qui contribuent tellement à la mixité sociale.
M. Jarlier a également évoqué la règle des quinze kilomètres qui doit être, selon lui, modifiée. Il a parfaitement raison, il faut revoir cette règle. Cela ne signifie pas qu'il faille la supprimer. J'ai d'ailleurs bien compris l'appel du Sénat et des auteurs de la proposition de loi. Ils proposent de supprimer cette disposition, mais il s'agit d'un appel à la simplification. Nous aurons l'occasion d'en reparler tout à l'heure.
M. Jarlier a précisé que nous avons également besoin de cohérence, non seulement autour des villes-centres mais aussi autour des bourgs-centres. Cette cohérence est, il est vrai, indispensable, sauf à constater une sorte de développement anarchique autour de ces secteurs.
M. Jean-Yves Mano n'est pas d'accord pour relever le seuil de 1 500 à 3 500 habitants ; j'en ai pris acte.
Mme Valérie Létard, en demandant qu'on revoie la dotation de solidarité urbaine, a pointé un aspect extrêmement important de la mixité sociale, et au-delà, de la politique de la ville dans son ensemble.
Cette innovation qu'a constitué la DSU, je sais bien que la majorité d'aujourd'hui, moi y compris, a certainement voté contre.
M. Jean-Pierre Sueur. Certainement !
M. Gilles de Robien, ministre. Je reconnais qu'elle partait d'une bonne intention, mais je constate en même temps qu'elle n'atteint pas ses objectifs.
Finalement, du fait de la dispersion des sommes en cause, cette dotation ne permet pas de provoquer une discrimination suffisamment positive pour aider les villes qui en ont vraiment besoin en matière d'équipement, de logement. Bref, elle ne répond pas à la demande de la politique de la ville.
Sans m'engager, je peux affirmer que je suis très favorable à un réexamen des règles d'attribution de la DSU, de façon qu'elle soit mieux ciblée, que ses objectifs soient redéfinis.
Monsieur Coquelle, vous avez fait part de vos inquiétudes en matière de politique du logement social. Vous n'avez pas à vous inquiéter sur ce point !
Vous vous êtes aussi beaucoup inquiété des villes qui ne sont plus communistes. Eh bien, si elles ne sont plus communistes, c'est parce que les électeurs ont vu ce que donnaient les municipalités communistes. Et je suis bien placé pour en parler.
Tout simplement, il faut savoir que la misère étendue dans la plupart de ces villes gérées par des communistes a, dans un premier temps, fait peur à la population, puis, dans un second temps, amené cette dernière à s'affranchir du communisme, ce qui est une bonne chose. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Hilaire Flandre. Reste-t-il des villes communistes ?
M. Gilles de Robien, ministre. J'aurai l'occasion de revenir sur chacun de ces points au cours de la discussion des articles.
Enfin, monsieur le président, j'indique d'ores et déjà que le Gouvernement demandera l'examen par priorité des amendements n°s 62, à l'article 1er, et 65, à l'article 2. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

Question préalable



M. le président.
Je suis saisi, par M. Coquelle, Mmes Beaufils, Didier et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 3, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan (n° 46, 2002-2003), sur la proposition de loi portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Roland Muzeau, auteur de la motion.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un souci de cohérence des différentes formes d'intervention, tant de l'Etat que des collectivités territoriales ou des autres agents économiques, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains offrait une démarche et apportait des solutions adaptées.
Je ne reviendrai pas inutilement sur le détail des dispositions contenues dans les deux cent neuf articles de la loi finalement promulguée, pas plus que sur l'acuité particulière des débats qui avaient animé les deux assemblées afin de parvenir à ce résultat.
Qu'il s'agisse, en effet, de l'évolution de notre droit de l'urbanisme, de la politique du logement, du développement des infrastructures de transport, de l'exercice du droit au logement ou de la lutte contre l'insalubrité, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains peut légitimement apparaître comme l'un des éléments actifs les plus pertinents du travail législatif récent.
Qu'on le veuille ou non, pour tous ceux qui, comme nous, sont engagés quotidiennement dans le combat pour donner à la ville les couleurs de la vie, l'acquis des mesures de la loi a constitué à la fois l'aboutissement de nos démarches conjugées avec le mouvement social et le point de départ d'un nouveau développement de l'action en faveur d'un urbanisme à la hauteur des exigences de notre époque.
Nous avions eu l'occasion, lors du débat mené ici même, de constater que cette orientation était loin d'être partagée par certains, qui étaient littéralement arc-boutés sur leurs préjugés et aveuglés par les oeillères d'une vision plus que réductrice des problèmes posés.
Dans cet exercice, le moins que l'on puisse dire est que le premier des signataires de la présente proposition de loi s'était particulièrement distingué.
Le moins que l'on puisse dire également, à l'occasion de l'examen de la présente proposition de loi, est que, quant au fond, rien n'a changé. C'est bel et bien par pur égoïsme et pratiquement parce qu'il veut dispenser sa propre localité de tout effort financier ou de réalisation de logements sociaux...
M. Charles Revet. Il est scandaleux de tenir de tels propos !
M. Roland Muzeau. ... que notre collègue Dominique Braye défend sa proposition de loi avec tant d'acharnement.
Nous savons aussi, parce que nous l'avons démontré abondamment dans la discussion générale, qu'il s'agit ici non pas d'une véritable proposition de loi, mais de ce que l'on peut appeler un « faux nez », c'est-à-dire d'un projet de loi que le Gouvernement, particulièrement préoccupé de ses effets d'annonce en matière de politique du logement, n'aurait sans doute pas osé présenter et dont il a confié la soutenance à quelques élus sénatoriaux.
Pour faire bon poids, on ajoute à la liste des signataires le président et l'ancien président de la commission des affaires économiques, ou encore le rapporteur spécial du budget des collectivités locales, et l'on agrémente de quelques justifications techniques l'ensemble pour mieux le faire passer.
Cela retire-t-il quelque chose au caractère profondément régressif de la proposition de loi ? Manifestement, non, ainsi que je vais, au nom de mon groupe, le démontrer.
Que recouvre, en effet, la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui ? Ni plus ni moins que des dispositions contenues, pour l'essentiel, dans les amendements défendus par la majorité sénatoriale, dans la diversité de ses groupes et de ses sensibilités, lors du débat sur le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.
En bref, sous l'insistante et amicale pression du Gouvernement, on a demandé ici à certains élus de la majorité sénatoriale de démolir au plus vite une proposition de loi reprenant quelques-unes des positions exprimées lors du débat du printemps 2000.
Les objectifs sont clairs : rendre inopérantes les dispositions de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains en ce qui concerne la réalisation de programmes de logements locatifs sociaux, et revenir en arrière sur l'évolution du droit de l'urbanisme contenue dans les articles initiaux de la loi, évolution rendue pourtant nécessaire par le développement plus ou moins anarchique d'une urbanisation porteuse et source de futures difficultés, aussi sûrement que celle qui est issue de la politique des zones à urbaniser en priorité, les ZUP.
Revenons sur quelques-unes de ces dispositions.
On nous propose de procéder à une programmation de construction de logements sociaux en fonction d'objectifs définis à l'échelon intercommunal, sur la base d'un PLU adopté à l'unanimité par le conseil communautaire. Nous connaissons les motivations de cette proposition.
Il s'agit, par exemple, de considérer comme atteint l'objectif dans la commune de Mantes-la-Jolie, ce qui laisserait Buchelay, ville chère à notre collègue Dominique Braye, libre de ne pas acquitter de contribution de solidarité ou de ne pas réaliser le moindre programme de logements sociaux.
Il s'agit encore, en pondérant le Mont-d'Or par les Minguettes ou le Mas-du-Taureau, d'éviter que les banlieues les plus aisées de Lyon ne soient contraintes de payer ou de construire des logements HLM.
Les exemples sont nombreux pour montrer à quel point ce qui nous est proposé consiste, au mieux à en rester au statu quo , au pire à laisser partir à vau-l'eau les communes accueillant déjà sur leur territoire des logements sociaux en grand nombre et qui sont aux prises avec la paupérisation de la population.
Cela revient, par conséquent, à rendre effectivement totalement inopérant le dispositif de l'article 55.
Sur les aménagements contenus dans les autres articles de cette partie de la proposition de loi, un commentaire essentiel s'impose. Il ne s'agit en effet, dans l'esprit de ses auteurs, que de matérialiser et de sophistiquer un dispositif d'exclusion et de remise en cause du droit plein et entier au logement pour tous.
La démarche vaut également pour ce qui concerne les évolutions du droit de l'urbanisme. Les articles 7 à 10 de la proposition de loi ne nous proposent rien d'autre qu'un retour en arrière sur le cadre fixé par la loi, laissant de nouveau libre cours à la seule prérogative des élus locaux en matière d'aménagement urbain.
Les dispositions contenues dans la proposition de loi conduisent en effet, entre autres, à favoriser le mitage des centres urbains par des constructions plus ou moins anarchiques ne procédant pas d'une démarche cohérente d'aménagement.
De la même manière, les dispositions de l'article 10 laissent le champ libre, c'est le cas de le dire, à la réalisation d'opérations de lotissement de terrains à faible pression foncière en périphérie des agglomérations.
La loi SRU répondait aussi, je vous le rappelle, au souci de freiner l'étalement urbain, principal obstacle au renouvellement urbain, au développement durable et à l'utilisation des transports collectifs prônée dans tous les plans de déplacements urbains, les PDU. C'était une façon de limiter cette forme de développement qui est le moteur d'un gaspillage massif d'argent public, ce qui donne tout son sens à la règle des quinze kilomètres, dont l'objet est d'éviter la croissance désordonnée et sans limite des franges d'agglomération.
Le débat qui nous occupe est marqué, en fait, par un certain nombre de visions réductrices. La première, que notre collègue Dominique Braye a évoquée dans le passé et qu'il évoque encore aujourd'hui, c'est cette insupportable équation entre logements HLM, laideur architecturale et concentration des problèmes sociaux : immigration, échec scolaire, difficultés sociales et délinquance.
Si l'on en croit cette équation, pour le moins simpliste, les trois ou quatre millions de locataires de logements HLM seraient de dangereux individus, leurs enfants des délinquants potentiels, et les villes emplies de ces logements de véritables coupe-gorge. C'est là faire preuve à la fois d'aveuglement et de mépris, d'un mépris profond pour ces familles, pour leur courage face aux difficultés de la vie et pour les résultats obtenus dans les luttes qu'ils peuvent mener.
On pourrait d'ailleurs relever que, selon les études officielles les plus sérieuses, les logements HLM sont, en France, ceux qui présentent, et de loin, les meilleures garanties de confort, et que la densité de l'habitat n'est pas systématiquement au rendez-vous des politiques de construction de logements.
Elu d'une commune populaire des Hauts-de-Seine, j'ai, avec mes collègues, mené de longue date une politique d'aménagement de groupes de logements locatifs sociaux de haute qualité sur le plan tant de l'architecture que des services offerts, et j'invite ceux qui le souhaitent à venir se rendre compte in situ de ce que signifie cette orientation. D'autres villes de couleurs politiques différentes en ont fait autant. C'est donc possible !
Les logements de médiocre qualité, aux loyers élevés, mes chers collègues, c'est dans le parc privé que nous les trouvons, où de sinistres individus, tirant parti de la tension du marché du logement, par exemple dans la région d'Ile-de-France, proposent à des tarifs prohibitifs de véritables taudis, où tout se paie d'ailleurs souvent de la main à la main. Au demeurant, la définition du logement décent entrait aussi dans le champ de loi SRU.
Je ne peux que regretter qu'à l'examen des orientations budgétaires du ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer la ligne destinée au financement de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat subisse un recul, monsieur le ministre, de même que celle qui est destinée à la lutte contre le saturnisme.
J'estime donc parfaitement trompeuse l'assimilation entre logement social et accumulation de problèmes et de difficultés.
Je ne peux également manquer de souligner qu'en la matière le logement a bon dos, et faire porter la responsabilité dont souffre la société à la manière dont elle a répondu à une certaine époque à la demande en la matière est pour le moins malvenu.
Mes chers collègues, la majorité sénatoriale a été à la pointe de la lutte à la fois contre le développement du logement social et contre l'accroissement des droits des salariés lors de la discussion de la loi de modernisation sociale, par exemple.
Mais ne croyez-vous pas que c'est l'accumulation des plans sociaux et l'accroissement du chômage qui ont occasionné, dans bien des villes, l'émergence des difficultés que nous connaissons, plus sûrement encore que la dégradation de l'habitat lui-même ?
Mantes-la-Jolie n'est-elle pas un cas particulièrement significatif à cet égard, avec la contraction sérieuse des effectifs des entreprises du bassin ? Quand les pères qui travaillaient dans ces entreprises ont des enfants qui ne trouvent plus de débouchés professionnels, comment les situations peuvent-elles ne pas finir par se dégrader ?
Autre vision réductrice qui sous-tend le discours qui nous est tenu à l'occasion de la présentation de ce texte : l'accession à la propriété serait le rêve de tous nos compatriotes et la solution à tous les problèmes. C'est un peu ce que préconisent les articles de la seconde partie de la proposition de loi. Mais le problème est que le rêve est parfois gâché et que les exemples en la matière ne manquent pas.
Nous ne pouvons oublier que l'une des raisons qui ont favorisé le développement de lotissements de pavillons dits « industrialisés » est la pression foncière forte qui s'exerce dans les centres d'agglomération, repoussant toujours plus loin de ces centres les salariés modestes ou moyens.
M. Charles Revet. Absolument pas !
M. Roland Muzeau. Et le rêve de la maison à la campagne se double bien souvent de l'absence d'infrastructures de transport à la hauteur, de services publics de proximité, d'équipement commercial suffisant, sans compter les contraintes nées de l'utilisation d'un véhicule personnel pour se rendre à son lieu de travail et en revenir.
Nous estimons donc que le développement cohérent du territoire, si l'on souhaite répondre aux aspirations des Français, appelle d'autres solutions que celles qui consistent à neutraliser toute perspective de réalisation de logements sociaux au coeur des agglomérations et à laisser se développer une péri-urbanisation anarchique, où le lien social se distend aussi sûrement que dans les grands ensembles locatifs victimes de la crise économique.
C'est pourtant ce choix qui anime les auteurs de la présente proposition de loi, plus soucieux de défendre leurs prérogatives quelque peu égoïstes, reconnaissons-le, d'élus locaux que d'un développement équilibré des territoires, avec la conséquence dramatique et vérifiée d'un accroissement des ghettos, véritable apartheid social et spatial.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous ne pouvons que préconiser à la Haute Assemblée d'adopter notre question préalable tendant à clore la discussion des conclusions de la commission des affaires économiques sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, contre la motion.
M. Jean-Paul Alduy. Je serai bref, car M. le rapporteur et M. le ministre ont déjà développé de nombreux arguments qui militent contre cette motion tendant à opposer la question préalable. Je souhaite néanmoins en ajouter un autre.
Comment peut-on refuser de débattre de la loi SRU ? Comment la Haute Assemblée peut-elle, à une semaine du congrès de l'Association des maires de France, refuser de discuter d'une loi qui mobilise l'ensemble des maires ?
M. Guy Fischer. On se découvre ! Voilà une visée électoraliste !
M. Jean-Paul Alduy. Comment, nous, sénateurs, délégués des maires, pouvons-nous refuser d'écouter des milliers de maires de droite, de gauche, du centre et d'ailleurs,...
M. Roland Muzeau. Ecoutez les centaines de milliers de mal-logés !
M. Jean-Paul Alduy. Je vous ai écouté calmement, cher collègue. J'ai l'habitude de toujours écouter mes adversaires,...
M. Roland Muzeau. Moi aussi !
M. Jean-Paul Alduy. ... et je vous prie d'en faire autant.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy et à lui seul, pour quinze minutes.
M. Jean-Paul Alduy. Rassurez-vous, mes chers collègues, je n'utiliserai pas ces quinze minutes.
Comment, donc, peut-on refuser d'ouvrir ce chantier ?
J'ai entendu M. Yves Dauge dire, lui aussi, ses propres interrogations. Voilà pourquoi nous devons engager le débat et, ce faisant, envoyer des signaux clairs au pays.
Certains voudront sans doute s'accrocher à une loi jacobine, sans imagination autre que celle du bâton, de la taxation, bref, de la coercition.
Nous proposons de mettre l'accent sur la responsabilisation, avec le contrat pluriannuel et la planification au sein des établissements publics de coopération intercommunale. C'est la voie de la souplesse, la voie qui responsabilise les maires.
Sur la partie relative à l'urbanisme, comment ne pas avoir compris que passer d'une génération de documents d'urbanisme à une nouvelle génération de documents d'urbanisme demande du temps, trois ans, quatre ans, cinq ans ou plus ? Si donc on bloque l'ouverture des zones d'urbanisation future pendant trois ans, quatre ans, cinq ans ou plus, c'est la pénurie foncière, donc la spéculation foncière, donc la ségrégation sociale, soit un résultat inverse de celui qui était ambitionné avec la loi Gayssot.
M. Michel Doublet. Très bien !
M. Jean-Paul Alduy. Il nous faut donc, là aussi, introduire des souplesses : c'est précisément ce qui est proposé dans le présent texte. Mes chers collègues, on vous propose responsabilité et souplesse là où il y avait coercition et rigidité. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas refuser de débattre de cette proposition de loi et voilà pourquoi il nous faut voter contre la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. le président de la commission et M. le rapporteur applaudissent également.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur Muzeau, tout ce qui est excessif est dérisoire.
M. Roland Muzeau. C'est vrai, surtout s'agissant de votre intervention !
M. Dominique Braye, rapporteur. Nous avons assisté manifestement à une leçon de catéchisme communiste à laquelle je croyais que nous n'aurions plus droit.
Je partage tout à fait l'avis de M. le ministre, et je comprends pourquoi de moins en moins de Français vous écoutent parce que, quand on entend des choses pareilles, on croit vraiment être retourné cinquante ans en arrière. (Sourires.)
Je tiens à remercier mon collègue Jean-Paul Alduy d'avoir dit ce que la commission pensait, et de l'avoir fait fort brillamment. Permettez-moi simplement, puisque vous parlez de problèmes locaux, de prendre quelques exemples concrets. Ainsi, ma commune - vous m'avez cité -, petite commune de 2 200 habitants...
M. Henri de Richemont. C'est une grande commune !
M. Hilaire Flandre. Elle fait vingt fois la mienne !
M. Henri de Richemont. Et trente fois la mienne !
M. Dominique Braye, rapporteur. ... qui a la chance de posséder un territoire sur lequel peuvent se développer des zones d'activité économique, ma commune, donc, est la seule de France à avoir voté non seulement l'installation d'une zone d'activité économique de quatre-vingts hectares, mais aussi et surtout à avoir décidé de reverser la totalité de la taxe professionnelle aux deux communes voisines de Mantes-la-Jolie et de Mantes-la-Ville.
C'est ainsi que nous imaginons, nous, la solidarité, alors que la commune d'à côté, mes chers collègues, une commune communiste, Limay, qui compte 19 000 habitants et qui perçoit une taxe professionnelle énorme, ne veut pas entrer dans notre communauté d'agglomération par simple égoïsme fiscal, réaction que nous connaissons bien. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Roland Muzeau. Combien avez-vous de logements sociaux à Buchelay ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Voilà, mes chers collègues : d'un côté, le discours à l'Assemblée, de l'autre, l'attitude sur le terrain !
M. Jack Ralite. Avec 7,7 % de logements sociaux, vous n'en voulez plus !
M. Hilaire Flandre. Menteurs !
M. Jack Ralite. Ce sont les chiffres !
M. Dominique Braye, rapporteur. Mes chers collègues, si je suis maire de Buchelay, je suis aussi président de la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines, qui, à elle seule, compte plus de 50 % de logements sociaux et qui a le triste privilège d'avoir la plus grande ZUP d'Europe. C'est là que je rencontre au quotidien nos administrés et nos concitoyens les plus malheureux, ceux qui sont « assignés à résidence économique » dans ces cités : ils souhaitent en sortir, mais ne peuvent pas le faire, faute de moyens.
M. Roland Muzeau. Il n'y a pas de logements ailleurs !
M. Dominique Braye, rapporteur. Justement, c'est la preuve qu'il faut faire autre chose que ce que vous nous proposez.
Je voudrais simplement vous donner un certain nombre d'autres exemples.
Le maire de Fontenay-le-Fleury m'écrit, à propos de la loi SRU : « Sur le second point, je ne serai pas très original en observant le caractère arbitraire et rigide d'un quota (...). De même, il me paraîtrait plus sage de chercher un résultat, sans doute louable et nécessaire, par l'incitation plutôt que par la contrainte et d'utiliser les souplesses offertes par les regroupements de communes existants ou à créer. »
Le maire de Saint-Germain-de-la-Grange, commune de 1 642 habitants, ...
M. Henri de Richemont. C'est grand !
M. Dominique Braye, rapporteur. ... m'écrit : « Il ne faut pas sanctionner, car ce n'est pas de gaîté de coeur que l'on voit les manques en la matière, et c'est bien le manque de soutien de l'Etat pour avancer sur le sujet qui est le plus grand frein ».
De même, le maire de Villemoisson-sur-Orge, dans l'Essonne, m'écrit que la loi SRU exige de sa commune la construction de 284 logements HLM, alors qu'il n'existe plus d'espaces constructibles : « La loi est inapplicable physiquement et irrémédiablement. Mais il y a encore plus paradoxal. Notre commune a plus de logements sociaux qu'un quartier résidentiel de la commune voisine qui ne sera pas concernée, puisque ladite commune a des cités qui portent son taux de logements sociaux au-dessus des 20 %. »
Vous le voyez, on ne descend pas à l'échelle du quartier pour les grandes villes. De la même façon, il n'est pas souhaitable de descendre à l'échelle des petites communes pour les EPCI.
Je ne peux pas vous citer les quatre cent cinquante lettres que j'ai reçues (Exclamations ironiques sur les travées communiste républicain et citoyen)...
M. Henri de Richemont. Si ! Citez-les !
M. Dominique Braye, rapporteur. ... mais l'une d'entre elle me paraît particulièrement intéressante en ce qu'elle émane d'un élu qui n'a pas les mêmes opinions que moi - il siège sur les bancs de la gauche à l'Assemblée nationale.
Interrogé sur sa position par rapport à la loi SRU, il n'a pu faire autrement que de m'écrire en préambule : « Pour ma part, je suis convaincu que les dispositions générales de la loi répondent aux enjeux de notre société. »
M. Henri de Raincourt. Qui est-ce ?
M. Henri de Richemont. Son nom ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Il est aussi président d'une agence d'urbanisme et président d'une communauté d'agglomération ! Vous me permettrez de taire son nom, car je ne lui ai pas demandé l'autorisation de le citer. (Exclamations déçues sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Mais, après nous avoir dit à la première page à quel point la loi SRU était extraordinaire, à la deuxième page, il écrit :
« Dans ce contexte général qui nécessite une solidarité urbaine à mettre en oeuvre par des entités géographiques et politiques telles les communautés d'agglomération, la loi SRU s'avère peu satisfaisante dans son dispositif concernant l'obligation de construire des logements sociaux et les pénalités y afférentes.
« A l'expérience de la communauté d'agglomération de... » - permettez-moi de taire le nom - « et de l'application de son programme local de l'habitat, l'enjeu est de pouvoir mettre en place au niveau du territoire de la communauté une politique assumée par l'ensemble des communes qui la composent, qu'elles soient urbaines, périurbaines ou rurales.
« C'est le périmètre de l'ensemble de l'agglomération qui doit être concerné par les obligations de réalisation de logements sociaux et non les seules communes intégrées dans un périmètre d'agglomération au sens de l'INSEE. » Je précise que cinq communes sur dix-neuf sont dans sa communauté d'agglomération. « Le taux des 20 % obligatoire actuel doit faire l'objet d'une adaptation, à définir, tenant compte de la réalité des besoins connus au sein des agglomérations. »
D'un côté, c'est parfait, mais, de l'autre, il faut tout changer ! Voilà, mes chers collègues, le type de lettre que nous recevons.
Je vous propose de suivre la philosophie que nous avons choisie : le contrat plutôt que la contrainte, la confiance plutôt que la méfiance.
M. Dominique Braye, rapporteur. Il faut tenir compte des réalités locales auxquelles sont confrontés quotidiennement les milliers d'élus locaux sur notre territoire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Je serai extrêmement bref, monsieur le président : le Gouvernement émet évidemment un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Mano. Bien entendu, je soutiens la motion tendant à opposer la question préalable déposée par nos amis du groupe communiste républicain et citoyen. Non pas que l'on n'ait pas à discuter de la loi SRU, mais le faisons-nous de façon sereine ?
M. Henri de Richemont. Oui !
M. Jean-Yves Mano. Sur le fond, M. le ministre nous annonce le dépôt dans quelques jours d'un projet de loi relatif à l'urbanisme. Y a-t-il cohérence entre les dispositions de cette proposition de loi et celle du futur projet de loi ? A l'évidence, certaines sont contradictoires.
Mais aussi, comment voter éventuellement cette proposition de loi sachant que M. le ministre défendra prochainement un texte différent en conseil des ministres ? Y a-t-il cohérence entre la proposition de loi et les amendements du Gouvernement que nous avons découverts tout à l'heure, en séance ? A l'évidence, il y a des contradictions !
Donc, s'il est nécessaire, à l'évidence, de discuter au fond de l'évolution de la loi SRU, comme l'a fait mon ami Yves Dauge, il n'est pas moins nécessaire de le faire dans la sérénité et dans la quiétude !
Pourquoi ne pas saisir l'opportunité du projet de loi que déposera M. le ministre pour aborder ces questions sereinement et non pas dans la précipitation ?
Mais peut-être s'agit-il ici tout simplement d'avoir quelque chose à dire au congrès de l'Association des maires de France, dans quelques jours. Peut-être est-ce le véritable fondement de la proposition de loi qui nous est soumise.
Tout cela n'est pas sérieux ! On ne fait pas la loi pour faire plaisir à l'Association des maires de France qui se réunit en congrès dans quelques jours !
Voilà pourquoi je soutiens la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. Je voudrais m'exprimer sur cette question en tant que membre du Haut comité (Exclamations amusées sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)...
M. Jean Bizet. Central ! (Rires sur les mêmes travées.)
M. Jack Ralite ... du logement des personnes défavorisées.
Riez, souriez, je vous laisse la paternité de votre indécence !
Ce comité comprend des femmes et des hommes qui appartiennent à toutes les tendances politiques du Sénat comme de l'Assemblée nationale.
A l'unanimité, l'année dernière, dans son rapport annuel, ce comité...
M. Hilaire Flandre. Un comité Théodule !
M. Jack Ralite ... a soutenu l'article 55 de la loi SRU. Et, ces derniers jours, ayant pris connaissance du texte du maire de Buchelay, notre collègue M. Braye, le même comité a décidé, à l'unanimité encore, d'émettre un avis négatif sur cette proposition de loi.
M. Hilaire Flandre. C'est l'abbé Pierre !
M. Jack Ralite. Il faut réfléchir à cette attitude. Deux anciens ministres de votre sensibilité politique, monsieur le ministre, siègent au sein de ce comité. Par ailleurs, toutes les grandes associations religieuses, sociales ou juridiques qui s'occupent du droit des personnes y sont également représentées.
Le 2 décembre prochain, nous seront reçus par le Président de la République pour lui remettre notre dernier rapport, voté, lui aussi, à l'unanimité, intitulé : « Vers un droit au logement opposable ».
Mais, pour qu'il y ait un droit au logement opposable, encore faut-il qu'il y ait des logements !
Alors, on peut toujours ironiser, c'est facile. Mais prenez Saint-Maur-des-Fossés : 73 000 habitants, 5,4 % de logements sociaux ; Neuilly-sur-Seine : 59 800 habitants, 1,3 % de logements sociaux. Le ministre Sarkozy nous parle beaucoup de sécurité des pauvres à la télévision, mais, dans la ville dont il est le maire, il n'assure pas la sécurité du logement des pauvres.
M. Yves Coquelle. Très bien !
M. Jack Ralite. Or là est la question fondamentale. Pour Buchelay, notre collègue rapporteur nous dit : « J'ai 2 203 habitants ». Or sa commune compte 7,7 % de logements sociaux. Bien sûr, à Mantes, il y en a beaucoup plus. Cela étant, avec 2 203 habitants, la loi SRU est applicable chez lui. Alors, quand il propose le seuil général de 3 500 habitants, il s'exonère tout simplement de l'application de cette loi.
Et si tout le monde dit : « Je n'en veux pas », où iront les personnes ayant besoin de logements sociaux ?
M. Hilaire Flandre. C'est trop facile !
M. Jack Ralite. Moi, je n'utiliserai pas l'argument de M. de Robien, culpabilisant les maires communistes ayant construit beaucoup de logements sociaux. M. de Robien a succédé, à la mairie d'Amiens, à quelqu'un qu'il estimait, d'ailleurs, et que j'aimais beaucoup, mon ami et camarade René Lamps. C'est facile de dire ce que vous avez dit, monsieur le ministre ! Mais, les gens étant jetés de partout ailleurs, il faut bien qu'ils trouvent un endroit où être accueillis !
Dans ma ville, les logements sociaux représentent 42,31 % des voix (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)...
M. Dominique Braye, rapporteur. Il s'est trahi !
M. Jack Ralite. ... 42,31 % des logements, voulais-je dire. Mais quand le maire de Levallois-Perret chasse des membres de sa population parce qu'ils sont pauvres et de couleur (Oh ! sur les travées du RPR.), où les fait-il accueillir ? C'est tellement scandaleux que le conseil général des Hauts-de-Seine a dû intervenir. Il les a fait transporter dans des hôtels à Saint-Ouen, à Saint-Denis, à Sarcelles et à Aubervilliers ! Vous appelez cela la solidarité ?
Eh bien, l'article 55 est contre cela, et si vous êtes contre l'article 55, c'est que cela vous agrée !
C'est une question de morale. Je suis comme l'abbé Pierre (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Vous pouvez crier, vous vous dévoilez !
L'abbé Pierre s'indignait du fait que l'Etat ait les moyens d'imposer aux communes le passage d'une autoroute ou la construction d'un aéroport au nom de l'utilité publique et qu'il n'ait pas cette même capacité pour la construction de logements à vocation sociale.
Vous parlez de contraintes, mais la loi n'est pas la contrainte. Elle résulte de la délibération, avec des valeurs qui la nourrissent, elle devient une responsabilité publique applicable par tous. Le contrat, c'est le rapport de force permanent.
Or quel sort connaissent ceux qui n'ont pas de logement social ? En vérité, si l'on suivait M. le rapporteur, on contribuerait à créer des ghettos, à balkaniser les pauvres, à les assigner à résidence, à les faire obligatoirement séjourner dans une portion de l'espace social à échanges et à responsabilités limités. C'est une dénégation d'humanité.
J'en parle avec passion, parce que c'est ma vie quotidienne. Lorsque l'on me demande quel genre de maire je suis, je réponds que je suis une « cousette ». Tous les matins, je couds et, le soir, une paire de ciseaux a coupé le fil.
La loi Gayssot-Besson était porteuse d'une volonté humaniste de corriger cela. Cette loi peut certes être améliorée, mais aujourd'hui vous ne l'améliorez pas, vous ne l'assouplissez pas : vous la détruisez.
Lorsque nous avons célébré au Sénat l'anniversaire de la naissance de Victor Hugo, j'étais intervenu sur les aspects sociaux de son oeuvre.
M. Bruno Sido. C'était excellent !
M. Jack Ralite. Victor Hugo disait qu'il fallait détruire la misère et non pas seulement l'amoindrir. Ceux qui la vivent ont besoin qu'elle soit détruite. Or le devoir du législateur et de l'homme politique est de tout faire pour détruire la misère ! Avec votre proposition de loi, on la maintient, on la met dans un petit coin en espérant que les gens ne feront plus rien.
Par conséquent, je crois vraiment que la question préalable mérite d'être adoptée.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Ralite.
M. Hilaire Flandre. Il a déjà épuisé son temps de parole !
M. Jack Ralite. Je conclurai par un dernier argument.
J'ai mentionné le maire de Levallois-Perret, mais il me souvient que la ville de La Courneuve, lorsque j'étais député, a vu se construire 4 000 logements sans aucune concertation parce que la Ville de Paris ne voulait plus souffrir la présence d'ouvriers dans les quartiers de La Fourche. Elle les a donc priés d'aller voir ailleurs !
Si vous voulez continuer à configurer la société de cette manière, vous n'êtes pas des législateurs dignes. Je lance ce soir un appel à la dignité ! (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.) Voter la motion tendant à opposer la question préalable est une question de morale, d'éthique et de républicanisme. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur celles du groupe socialiste.)
M. Hilaire Flandre. C'est du talent gaspillé pour la mauvaise cause !
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est une bonne cause !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je voudrais dire à mon collègue Jack Ralite que, personnellement, non seulement je comprends sa passion, mais encore que je la respecte très sincèrement pour la vivre, moi aussi, au quotidien. J'ajoute que j'apprécie également l'action du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées et qu'il nous faut tous, ici, consentir un véritable effort en faveur du logement social de qualité.
Quand vous dites, mon cher collègue, que nous n'allons pas améliorer le système, ayez au moins l'obligeance de croire que, si nous faisons cette proposition, c'est parce que nous pensons réellement que nous allons l'améliorer et obtenir de meilleurs résultats avec l'article 55 ! (Murmures sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Le haut comité dont vous faites partie l'admet puisqu'il indique que la frilosité des élus ne fait souvent que relayer les craintes de leurs administrés.
Je parle sous le contrôle de mon premier adjoint, qui est présent dans les tribunes. (Exclamations sur plusieurs travées.) J'ai créé vingt-huit logements sociaux l'année dernière dans ma petite commune, alors que son centre-ville est plus proche du Val-Fourré que ne l'est celui de Mantes-la-Jolie. Or j'ai pu constater à quel point les habitants sont tétanisés quand on leur parle de logements sociaux. Pourquoi le sont-ils ? Ils savent ce qui s'est passé à Trappes et ils se font une image fausse du logement social, composé de tours, de barres habitées par des cas sociaux. Voilà ce qu'ils pensent !
Eh bien l'élu que je suis, monsieur Ralite, a dû, dans ces conditions, menacer de démissionner pour faire vingt-huit logements sociaux. Le conseil municipal m'a suivi, en sachant, connaissant mon caractère, que j'étais assez fou pour le faire. Je peux à présent envisager d'en construire beaucoup plus.
Aujourd'hui, nous organisons des journées portes ouvertes auxquelles nous invitons non seulement la population, mais également les maires de toutes les petites communes alentour pour prouver que le logement social ne correspond pas à l'image qu'ils s'en font mais qu'il ressemble plutôt à celui que nous venons de réaliser. Nous organisons ces visites régulières pour leur faire comprendre que, contrairement à ce qu'ils voient à la télévision ou à ce qu'ils peuvent observer, quelquefois, à Mantes-la-Jolie, les logements sociaux ne sont pas forcément synonymes de cages d'escalier taguées, de boîtes aux lettres cassées en deux jours. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Eh oui, mes chers collègues : je suis le président d'une communauté d'agglomération ; or, au cours des opérations de rénovation du quartier du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie, les entrepreneurs nous demandaient de réceptionner les portes des cages d'escalier et les interphones à dix-sept heures trente, faute de quoi ils les démontaient pour les remonter le lendemain matin afin qu'ils ne soient pas cassés pendant la nuit !
Voilà la réalité, n'ayons pas honte de le dire, nous qui la vivons au quotidien ! C'est cela qu'il faut casser ! Je parle avec autant de passion que mon ami Jack Ralite, parce que c'est une réalité que nous vivons aussi, chacun à notre manière.
Sachez que la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines s'est saisie avec force de la politique de la ville. Elle est montrée en exemple dans ce domaine. Alors, je n'ai aucune leçon à recevoir. Je suis prêt à écouter ceux qui, comme mon collègue Jack Ralite, souffrent de ce problème au quotidien, parce qu'ils se mettent à la place de leurs concitoyens.
Ayez cependant l'obligeance de croire que nous mettons en place ce système non pas pour échapper à la loi SRU, mais bien au contraire pour obtenir de meilleurs résultats.
C'est ce que j'irai expliquer à Xavier Emmanuelli puisque nous devons nous rencontrer très prochainement. Une fois qu'il m'aura entendu, j'espère qu'il sera rassuré et qu'il conviendra que nous faisons tout pour améliorer le système qui a été mis en place.
Je reconnais qu'une certaine dynamique a été créée ; des maires ont été contraints de réaliser des logements sociaux, c'est sans doute un élément qui a été positif.
A présent, nous devons prendre le relais pour donner une nouvelle impulsion au logement social dans notre pays. ( Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 3, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 29:

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 320
Majorité absolue des suffrages 161
Pour l'adoption 114
Contre 206

Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Le Gouvernement vient de nous saisir d'un nouvel amendement. M. le ministre a par ailleurs demandé l'examen par priorité de deux amendements. Par conséquent, je souhaite réunir la commission pendant un quart d'heure pour faire le point.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à cette demande.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 13 novembre 2002 à zéro heure, est reprise à zéro heure trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission. La commission a pris plus de temps que prévu et je veux, monsieur le président, vous remercier de votre mansuétude.
Je rappelle que le Gouvernement a demandé, d'une part, que l'amendement n° 62, déposé à l'article 1er, soit examiné en priorité avant l'amendement n° 31, et, d'autre part, que l'amendement n° 65, déposé à l'article 2, soit examiné en priorité avant les amendements identiques n°s 9 et 35.
La commission est, je l'indique dès à présent, monsieur le président, favorable à ces deux demandes de priorité.

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AU LOGEMENT

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - L'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : "1 500 habitants en Ile-de-France et" et : "dans les autres régions" sont supprimés et, à la fin de la seconde phrase, le mot : "approuvé" est remplacé par le mot : "adopté".
« 2° Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "En sont également exemptées les communes appartenant à une communauté urbaine, une communauté d'agglomération ou une communauté de communes compétentes en matière de programme local de l'habitat, si cet établissement public de coopération intercommunale a adopté un programme local de l'habitat à l'unanimité et si le nombre total de logements locatifs sociaux représente plus de 20 % des résidences principales au niveau de cet établissement."
« 3° Le deuxième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis :
« 1° A une inconstructibilité résultant d'une zone A, B ou C d'un plan d'exposition au bruit approuvé en application de l'article L. 147-1 du code de l'urbanisme ;
« 2° A une inconstructibilité résultant d'une servitude de protection instituée en application des articles L. 515-8 à L. 515-11 du code de l'environnement ;
« 3° A des règles limitant la construction résultant d'un plan de prévention des risques, approuvé en application de l'article L. 562-1 du code de l'environnement.
« 4° A la fin de la première phrase de l'avant-dernier alinéa (4°), les mots : "l'article 185 du code de la famille et de l'aide sociale." sont remplacés par les mots : "l'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles."
« 5° A la fin du dernier alinéa, les mots : "celles qui figurent au rôle établi pour la perception de la taxe d'habitation." sont remplacés par les mots : "les locaux d'habitation assujettis à la taxe d'habitation en tant que résidences principales." »
La parole est à M. Denis Badré, sur l'article.
M. Denis Badré. Je ne suis pas intervenu dans le débat sur la motion tendant à opposer la question préalable. J'aurais pu le faire pour explication de vote et, surtout, pour réagir aux propos de notre collègue Jack Ralite comme à la présentation que M. Muzeau a donnée de l'ensemble du sujet. Je ne l'ai pas fait parce que je me réservais d'intervenir sur l'article 1er. Rassurez-vous cependant, mes chers collègues, je ne prolongerai pas le débat que nous avons eu à l'occasion de la motion, qui est clos.
Si je veux intervenir sur l'article 1er, c'est avec toute la courtoisie dont se flatte notre Haute Assemblée et qui lui permet de progresser avec efficacité sur des sujets aussi délicats, sujets que nous abordons tous avec la conviction d'hommes de terrain cherchant à faire de leur mieux.
Je veux le faire avec courtoisie parce que je sais que c'est possible, et je parle sous le contrôle de notre collègue Roland Muzeau, avec lequel j'évoquais tout à l'heure l'échange très approfondi qu'au conseil général des Hauts-de-Seine, département dont on a beaucoup parlé, nous avons eu, il y a quelques jours, entre l'ensemble des groupes sur le même sujet.
Nous nous sommes écoutés, nous nous sommes respectés et nous avons progressé. C'est donc possible, et ce que peut faire le conseil général des Hauts-de-Seine, notre Haute Assemblée doit être capable de le faire aussi.
C'est dans cet esprit que je veux intervenir maintenant, avec la courtoisie dont je parlais à l'instant, mais aussi avec le respect que les maires doivent aux autres maires.
Nous ne pouvons pas nous faire de procès d'intention les uns aux autres : un maire sait quels problèmes se posent dans une commune, un maire sait avec quelle humilité il faut traiter ces problèmes. Le maire est le mieux placé pour porter les misères de la commune - et toutes les villes de France ont les leurs - et il est parfois le seul à pouvoir le faire.
C'est dans cet esprit aussi que nous devons aborder ce débat difficile.
Reprenant une expression de M. Ralite, je dirai que nous sommes tous des « cousettes ». Tous ceux d'entre nous qui exercent la responsabilité de maire s'attachent à être des cousettes et à faire de leur mieux, et c'est donc en tant que cousette que j'interviens maintenant.
En mars dernier, j'étais, place Fontenoy, dans le salon d'attente du cabinet du ministre, pour présenter et défendre la situation de ma ville au regard des obligations imposées par la loi SRU, et je lisais une affiche, sur le mur en face de moi, proclamant : « La loi SRU, c'est le partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales. » Vaste programme ! Beau slogan !
Le ministre m'ayant donné audience, j'ai débuté mon propos en citant la phrase que je venais de lire dans son antichambre et je l'ai conclu en exprimant le souhait que nous en démontrions la véracité.
C'est ce à quoi nous nous sommes attachés, mais force est de constater que le fait qu'un maire de bonne volonté pouvant faire valoir sa bonne volonté avec des arguments irréfutables doive aller jusque chez le ministre pour faire cette démonstration est déjà en lui-même anormal.
Cela signifie qu'il n'était pas question de décentralisation dans la loi SRU, laquelle ne laissait pas à la commune la possibilité de faire jouer quelque marge de manoeuvre que ce fût.
J'ajoute que je suis allé discuter de mon problème chez le préfet, que celui-ci est venu pour une réunion de travail très approfondie dans ma ville, qu'il a examiné nos réalisations, nos projets et nos programmes, qu'il a constaté qu'ils étaient bons et de nature à nous mettre en règle par rapport aux obligations imposées par la loi SRU.
Le préfet, néanmoins, ne pouvait rien pour nous et nous a renvoyés au ministre : pas de décentralisation, mais pas de déconcentration non plus !
On ne peut parler d'un Etat proche des citoyens, et que de temps perdu pour tous ! Que de suspicions réciproques qui ne grandissent personne et empêchent le débat de progresser !
Surtout, il y a là de quoi décourager les maires les plus décidés à construire du logement social, et certains le sont même lorsque, comme dans ma commune, c'est particulièrement difficile parce qu'il n'y a pas de terrains, ou que les terrains disponibles sont chers, et que les communes résidentielles n'ont pas un sou de recette fiscale.
Même dans les pires conditions, nous construisons, ce qui pourrait d'ailleurs donner tort à la frange de nos administrés - il en existe toujours - qui considèrent qu'il vaut peut-être mieux payer que de faire du logement social.
Ne mettons donc pas les maires de bonne volonté en porte-à-faux par rapport à leurs administrés et ne les décourageons pas en les mettant dans des situations impossibles !
Il faut au contraire encourager ceux d'entre nous - et nous formons la très grande majorité - qui ont le souci d'avancer.
L'objet de la loi SRU était, si j'ai bien compris, de favoriser la construction de logements sociaux et non pas de « taxer », sans même examiner leur action ou leurs intentions, des maires dont on se méfiait a priori .
J'ai démontré au ministre que ma bonne volonté était totale. Je précise que la proportion des logements sociaux par rapport aux logements construits dans ma commune était de 40 % sur dix ans, ce qui n'est pas mal. Néanmoins, je n'arrivais pas au stock de 20 %.
Regardons donc les choses en face et traitons les problèmes tels qu'ils se posent et non pas tels que nous voudrions les poser.
Dans son principe, la loi SRU m'obligeait à faire toujours mieux ! C'est toujours mieux de faire mieux ! Mais la loi, dans son contenu, ne m'autorisait pas à faire mieux. Au contraire, elle me décourageait de le faire.
Deux exemples me paraissent, à cet égard, tout à fait éclairants.
Premier défaut de la loi SRU, elle fixe le nombre de logements à construire. Ce n'est pas une bonne chose. Si la loi m'impose un programme de construction de 2 000 mètres carrés et que je veux me mettre au plus vite en règle pour réduire le montant de la taxe que j'encoure, je fais un calcul simple : 2 000 mètres carrés, c'est 400 fois 5 mètres carrés. Je construis donc 400 logements de 5 mètres carrés, et j'ai fait un grand progrès au regard de mes obligations ...
M. Roland Muzeau. Il n'y a pas de logement de 5 mètres carrés !
M. Denis Badré ... mais je n'ai rien traité au regard des besoins de ma commune. Je suis un irresponsable dangereux, mais les contribuables de ma commune, qui ne veulent pas payer la taxe et attendent de moi que j'en fasse le moins possible, sont contents. C'est dans le cas contraire qu'on me traiterait de piètre gestionnaire !
La loi n'est donc pas satisfaisante sur ce point.
Deuxième défaut de la loi SRU, toujours pour un programme de 2 000 mètres carrés, si celui-ci coûte 4 millions de francs, la taxe annuelle à laquelle sera assujettie ma commune sera de 800 000 francs. Sur deux ans, cela fait 1,6 million de francs. J'aurai donc intérêt à ne réaliser que la moitié du programme plutôt que la totalité, si ma seule préoccupation est de payer le moins de taxe possible et d'être dans la situation la plus favorable possible aux yeux de mes contribuables.
Si, néanmoins, mon objectif est de construire des logements sociaux, je perdrai 2 millions de francs, sauf à différer de deux ans la réalisation d'une moitié du programme. Tant pis, les gens attendront ! Construire de petits logements, c'est faire attendre les familles. Différer une partie de la réalisation, étaler le programme, c'est faire attendre tout le monde.
Tout cela n'est pas raisonnable, et c'est pourquoi j'ai pris l'initiative, en homme de terrain responsable, de déposer une proposition de loi tendant très pragmatiquement, sans revenir sur les objectifs de la loi SRU, à faire en sorte que ceux qui ont la volonté d'avancer y soient encouragés plutôt que découragés.
Cette proposition de loi a été largement reprise dans la proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui par M. le rapporteur. Je soutiendrai donc, bien sûr, cette dernière dans ses grandes lignes, me réservant de l'amender ou de la préciser sur certains points.
Nous sommes en effet là pour rendre la loi SRU plus applicable, pour en faire une loi de terrain et non plus une loi relevant de l'idéologie - idéologie d'ailleurs discutable -, pour répondre au souhait qui est celui de tous les maires responsables : faire du logement social. C'est cet objectif que nous visons, et c'est pourquoi je plaide aujourd'hui pour que nous poursuivions le débat de la manière la plus courtoise, la plus responsable et la plus constructive possible.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 1er de la proposition de loi constitue, comme il est de coutume, l'élément principal donnant l'orientation qui sous-tend le texte soumis à notre examen.
Il appelle donc plusieurs observations, en complément de ce que nous avons d'ores et déjà pu dire au cours de la discussion générale et à la suite de la motion que nous venons de soutenir.
Comme nous l'avons déjà souligné, l'élaboration et le dépôt de cette proposition de loi ont été étroitement dictés par les circonstances ; or on ne peut faire de bonne loi à partir de situations particulières.
Nous avons déjà abondamment évoqué les motivations profondes de notre collègue Dominique Braye. Même si, en haut lieu, on a probablement guidé son stylo, cela disqualifie, pour une bonne part, le contenu de la proposition de loi qu'il a mission de rapporter aujourd'hui.
Je consacrerai néanmoins mon intervention à une question récurrente : pourquoi certains cherchent-ils à se prémunir contre la construction de logements locatifs sociaux par tous les moyens possibles - nous verrons, plus avant dans l'examen du texte, à quel degré de sophistication ils sont parvenus à cet égard - et selon tous les critères imaginables ?
Leur objectif est clair : laisser jouer la loi du marché dans la plus grande partie des communes du pays et ne pas permettre, par conséquent, que le droit pourtant affirmé par la Constitution à disposer d'un toit trouve à s'appliquer partout.
Il ne s'agit en effet bel et bien que de cela dans le texte de cette proposition de loi : interdire toute possibilité de logement aux ménages les plus modestes dans certaines localités qui seraient réservées à ceux qui ont les moyens d'y habiter ou qui commettent la folie de s'endetter... Quitte, par symétrie, à assigner à résidence dans les logements locatifs sociaux existants les personnes ainsi exclues du jeu de la loi du marché.
Nous ne pouvons évidemment pas approuver une telle orientation, qui tend à donner une dimension spatiale aux inégalités sociales déjà insupportables que connaît ce pays.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, malgré quelques défauts, avait au moins la vertu de rejeter cette spatialisation des inégalités, qui fait se côtoyer la pauvreté la plus noire et la richesse la plus insolente.
Comme vous le savez, mes chers collègues, Gennevilliers se trouve à moins de dix kilomètres de Neuilly-sur-Seine, et quand on poursuit sa route au-delà de l'avenue de ceinture qui longe le lac d'Enghien, on arrive en plein coeur des cités d'Argenteuil...
S'il veut répondre aux besoins collectifs en matière de logement, qui sont d'abord et avant tout des besoins en logements locatifs sociaux, notre pays n'a que peu à gagner au triomphe des particularismes et des égoïsmes qu'il nous est proposé de consacrer par le biais de ce texte.
Posons-nous aussi une autre question : que signifie cet acharnement à combattre la règle des 20 % de logements locatifs sociaux ? N'est-ce pas oublier un peu vite que cela signifie également que 80 % des logements peuvent ne pas être des logements locatifs sociaux ? Non, décidément, l'article 1er ne donne pas la réponse appropriée à la question du logement dans notre pays. Nous ne pouvons donc, encore une fois, que marquer notre opposition à son adoption.
M. le président. Je suis saisi de treize amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 30 est présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 31, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le 1° de cet article :
« A la fin de la seconde phrase du premier alinéa, le mot : "approuvé" est remplacé par le mot : "adopté". »
L'amendement n° 62, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Au début du deuxième alinéa (1°) de cet article, supprimer les mots :
« Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : "1 500 habitants en Ile-de-France et" et : "dans les autres régions" sont supprimés et ».
L'amendement n° 32, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le 2° de cet article. »
L'amendement n° 26, présenté par M. Braye, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le troisième alinéa (2°) de cet article pour compléter le premier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, remplacer les mots : "un programme local de l'habitat à l'unanimité" par les mots : "à l'unanimité un programme local de l'habitat garantissant équitablement la répartition des logements locatifs sociaux sur l'ensemble du territoire de cet établissement". »
L'amendement n° 51, présenté par M. Vial, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le troisième alinéa (2°) de cet article pour compléter le premier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, remplacer les mots : "l'unanimité" par les mots : "la majorité des quatre cinquièmes de ses membres". »
L'amendement n° 27, présenté par M. Braye, est ainsi libellé :
« I. - Compléter le texte proposé par le troisième alinéa (2°) de cet article pour compléter le premier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation par une phrase ainsi rédigée :
« Dans ce cas, les établissements publics de coopération intercommunale ayant adopté un programme local de l'habitat avant la date de promulgation de la loi n° ... du ... portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, et souhaitant bénéficier des dispositions prévues par la phrase précédente doivent procéder à une révision du programme local de l'habitat. »
« II. - En conséquence, dans la première phrase du troisième alinéa (2°) de cet article, remplacer les mots : "une phrase ainsi rédigée" par les mots : "deux phrases ainsi rédigées."
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 33 est présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 64 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer le deuxième alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation. »
L'amendement n° 50, présenté par M. Badré, est ainsi libellé :
« I. - Compléter le texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer le deuxième alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° A une inconstructibilité résultant d'un classement en espaces boisés conformément à l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme. »
« II. - En conséquence, dans le quatrième alinéa (3°) de cet article, remplacer les mots : "quatre alinéas" par les mots : "cinq alinéas". »
L'amendement n° 58, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :
« Après le 3° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Dans la première phrase du 4° de l'article L. 302-5, après les mots : "les places des centres d'hébergement et de réinsertion sociale" sont insérés les mots : ", les résidences et foyers affectés aux logements des étudiants". »
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Badré, est ainsi libellé :
« Compléter le dernier alinéa (5°) de cet article par les mots : "dont la surface habitable minimale est de 9 mètres carrés. »
Le Gouvernement a demandé la priorité de l'amendement n° 62 avant l'amendement n° 31 et la commission s'est déclarée favorable à cette demande.
Je consulte le Sénat sur cette demande de priorité.

(La priorité est ordonnée.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour présenter l'amendement n° 12.
M. Yves Coquelle. L'article 1er de la proposition de loi tend, dans l'esprit, à créer les conditions théoriques d'application de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Il vise, d'une part, à la modification du périmètre d'appréciation de la situation, en tenant compte de la réalité intercommunale, particulièrement développée depuis l'adoption de la loi Chevènement, et, d'autre part, à l'application d'un plan local de l'habitat approuvé par le conseil communautaire.
Cela soulève d'emblée un certain nombre de questions.
En premier lieu, on considère que l'adhésion à une structure intercommunale suffit pour dispenser certaines communes de participer, autant que faire se peut, au nécessaire effort national de réalisation de logements sociaux.
En second lieu, on lie cet effort à l'adoption d'un PLH, dont l'élaboration est, au demeurant, l'une des fonctions essentielles des structures intercommunales.
Nous pouvons donc en conclure que le choix fait par M. le rapporteur au travers de la rédaction de son texte est clair : il s'agit de rendre parfaitement inopérant dans de nombreuses communes le dispositif de la loi SRU en matière de construction de logements sociaux.
En fait, l'article 1er vise non à favoriser l'application de l'article 55 de la loi SRU, mais plutôt à laisser perdurer les inégalités d'accès au logement que nous connaissons. Cela revient, dans les faits, à exclure du droit au logement des centaines de nos compatriotes.
Il ne s'agit décidément que d'un article de circonstance, tendant à valider par avance toutes les politiques d'urbanisation ségrégatives dont vous vous faites ainsi le champion, monsieur le rapporteur.
La mise en oeuvre du droit au logement dans ce pays mérite mieux que cette forme d'arrangement qui fait fi des besoins sociaux criants de notre jeunesse et des familles salariées.
Nous ne pouvons donc qu'inviter le Sénat à supprimer l'article 1er en adoptant notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano pour défendre l'amendement n° 30.
M. Jean-Yves Mano. Le contenu de l'article 1er est objectivement la négation même de l'esprit de la loi SRU et de la solidarité urbaine.
Par cet article, les auteurs de la proposition de loi nient la spécificité parisienne, mais j'aurai l'occasion d'y revenir.
Ils prévoient en outre que l'on appréciera globalement le pourcentage de logements sociaux dans une communauté d'agglomération : c'est renoncer à une répartition équitable de ces logements sur l'ensemble du territoire, et l'on comprendra, que nous ne pouvons accepter une telle démarche.
Enfin, ils proposent d'instaurer une catégorie particulière de communes sur le territoire desquelles la construction, en raison d'un certain nombre de circonstances, peut être difficile. Pour autant, faut-il exonérer totalement ces communes, dont 50 % du territoire peut être inconstructible au regard de certains textes, de la réalisation de logements sociaux ? Ce n'est pas une raison suffisante, car le développement du logement social ne tient pas uniquement à la construction neuve, il peut résulter de l'exercice du droit de préemption et de l'acquisition d'immeubles existants pour les transformer en logements sociaux. C'est également ainsi que nous renforcerons la mixité sociale dans les villes.
Nous demandons donc la suppression de l'article 1er, dont tous les alinéas contredisent l'esprit de la loi SRU.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 62.
M. Gilles de Robien, ministre. La proposition de loi prévoit de fixer à 3 500 habitants pour l'ensemble de la France le seuil d'application du dispositif de l'article 55 de la loi SRU, alors qu'il n'était initialement que de 1 500 habitants pour l'Ile-de-France.
J'ai demandé à mes services de mesurer l'effet de cette disposition et, conformément à ma déclaration liminaire, je constate que son adoption conduirait à exonérer quarante-trois communes d'Ile-de-France sur un total de cent quatre-vingt-un, soit environ 30 % d'entre elles. Je me demande s'il est bien opportun, alors même que c'est dans la région d'Ile-de-France que le besoin de logements sociaux est le plus marqué, de relever le seuil à 3 500 habitants.
Cet amendement vise donc à supprimer la disposition en question.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour défendre les amendements n°s 31 et 32.
M. Jean-Yves Mano. Je me réjouis de la position adoptée par le Gouvernement sur ce sujet. En effet, comment nier la spécificité de la région d'Ile-de-France, qui compte 12 millions d'habitants et 400 000 demandeurs de logements sociaux ? Qu'on le veuille ou non, il est aujourd'hui indispensable d'envisager la répartition équilibrée sur l'ensemble du territoire de l'Ile-de-France de ces nombreux demandeurs de logements sociaux.
M. Hilaire Flandre. Envoyez-les en province !
M. Jean-Yves Mano. De surcroît, je pense que toutes les demandes de logements sociaux, y compris celles qui émanent d'habitants de communes que la proposition de loi prévoit de ne plus soumettre aux obligations inscrites dans la loi SRU, ne pourront être satisfaites, notamment à Paris et dans la petite couronne. On assiste aujourd'hui à une explosion du nombre des demandes !
Il est donc légitime, me semble-t-il, de demander aux communes de consentir un effort particulier pour accueillir dans des logements sociaux ne serait-ce que leurs propres résidants.
J'ai eu l'occasion, tout à l'heure, lors de la discussion générale, d'indiquer que l'obligation de réaliser des logements sociaux portait sur 280 logements par an. Faut-il prévoir des exemptions ? Il me semble que ce chiffre n'est pas très élevé, et c'est à ce prix que nous pourrons répartir l'effort nécessaire sur l'ensemble de la région d'Ile-de-France.
Je crois donc indispensable de conserver, pour l'Ile-de-France, le seuil de 1 500 habitants. Cette région constitue en effet un cas spécifique : on peut peut-être le regretter, mais c'est ainsi !
Par conséquent, le Gouvernement a raison, à mon sens, de vouloir maintenir le seuil de 1 500 habitants s'agissant de l'Ile-de-France.
J'en viens à l'amendement n° 32.
Le deuxième alinéa de l'article 1er a trait à la quantification, pour les communautés d'agglomération, les communautés urbaines et les communautés de communes, des logements sociaux par rapport aux résidences principales.
Soyons clairs : la mixité sociale, c'est la répartition équilibrée des types de logements sur l'ensemble d'un territoire, y compris celui d'une communauté de communes, d'une communauté urbaine ou d'une communauté d'agglomération.
Nous connaissons tous la situation qui prévaut souvent aujourd'hui, où les logements sociaux sont concentrés de façon excessive dans quelques agglomérations ou quelques communes. L'appréciation globale du taux de 20 % de logements sociaux ne correspond pas, me semble-t-il, à l'esprit de la loi SRU et à ce que souhaitaient le législateur et le gouvernement de l'époque. Or cette loi démontre son efficacité par la réalisation de logements sociaux dans les communes qui en étaient jusqu'alors dépourvues. Je pense donc qu'adopter la disposition proposée reviendrait à figer la situation et à maintenir les ghettos existants, ce qui va d'ailleurs à l'encontre des voeux de M. Borloo.
En effet, M. Borloo veut à juste titre faire démolir 200 000 appartements. Mais, aujourd'hui, ces appartements sont occupés, et il faudra donc reconstruire. Or, si l'on procède à la reconstruction au même endroit, rien n'aura été réglé !
Par conséquent, il faut accepter le principe de l'élaboration d'un schéma général comportant des implantations obligatoires, ou du moins des incitations, afin que les communes réalisent progressivement des logements sociaux et accueillent tous les publics.
Les dispositions de l'article 1er vont à l'encontre de cette démarche indispensable et de bon sens. Que vous le vouliez ou non, chers collègues, on ne pourra reconstruire au même endroit. La pression est telle qu'il faut accepter d'étendre à toutes les communes l'application du principe des 20 % de logements sociaux.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. Hilaire Flandre. L'erreur est humaine ! Persévérer est diabolique...
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour présenter l'amendement n° 26.
M. Dominique Braye. L'article 1er prévoit que seules les communes relevant d'EPCI comptant un taux de logements sociaux supérieur à 20 % et ayant adopté un programme local de l'habitat intercommunal à l'unanimité seront exemptées des obligations de construction de logements sociaux.
Cet amendement tend à renforcer cette précaution et à prendre en compte les craintes de nos collègues, notamment celles de M. Mano. Il prévoit que le programme local de l'habitat intercommunal doit garantir une répartition spatiale équitable des logements sociaux sur le territoire intercommunal. Il s'agit d'empêcher ainsi l'accentuation et de favoriser la réduction des phénomènes de ségrégation entre les communes que l'on peut constater dans certains bassins d'habitat.
A cette fin, l'amendement n° 26 présente une rédaction légèrement différente de celle de la proposition de loi, et je le rectifie d'ailleurs, monsieur le président, en remplaçant les mots : « équitablement la répartition » par les mots : « une répartition spatiale équilibrée ». Comme on peut le constater, nous avons travaillé dans l'urgence !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Braye, et ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le troisième alinéa (2°) de l'article 1er pour compléter le premier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, remplacer les mots : "un programme local de l'habitat à l'unanimité" par les mots : "à l'unanimité un programme local de l'habitat garantissant une répartition spatiale équilibrée des logements locatifs sociaux sur l'ensemble du territoire de cet établissement". »
L'amendement n° 51 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Dominique Braye, pour défendre l'amendement n° 27.
M. Dominique Braye. En complément des mesures que la commission vous propose pour les EPCI disposant déjà de plus de 20 % de logements sociaux, cet amendement tend à préciser que, pour bénéficier de ces dispositions, les programmes locaux de l'habitat, les PLH, déjà adoptés par les EPCI devront être révisés de façon à tenir compte du nouveau cadre juridique institué par la proposition de loi, à savoir l'exigence d'unanimité et de répartition spatiale équilibrée des logements sociaux sur le territoire intercommunal.
En effet, bon nombre des PLH déjà adoptés, vous le savez, sont assez imprécis et comportent peu d'obligations pour les communes. Il ne conviendrait donc pas que certaines collectivités puissent s'exonérer de leurs responsabilités au motif que les EPCI dont elles sont membres ont déjà adopté des documents peu contraignants qui ne prennent pas en compte les deux aspects que je viens d'exposer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour défendre l'amendement n° 33.
M. Jean-Yves Mano. Cet amendement a trait à la spécificité des communes dont le territoire est partiellement situé en zone inconstructible. En effet, je le répète, même dans ce cas, les villes bougent, les villes évoluent, et il est toujours possible de créer des logements sociaux. Je suis persuadé que ces communes aussi connaissent des réalisations neuves, des acquisitions ou des mutations, et je rappelle que le droit de préemption, le droit d'acquérir des immeubles existants pour en faire des logements sociaux est inscrit dans la loi. Je ne vois pas au nom de quoi ces communes seraient exonérées de toute évolution et de tout effort en matière de logement social !
C'est pourquoi je pense opportun de supprimer l'article 1er.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 64.
M. Gilles de Robien, ministre. Dans la loi actuelle figure déjà le principe d'exonération, qui permet de répondre à des situations de contraintes lourdes. Dans la proposition de loi, nous constatons que ce principe est étendu aux communes qu'un plan de prévention des risques rend partiellement inconstructibles. Il me semble que l'on peut trouver une autre solution.
Le Gouvernement a donc déposé à l'article 3 un amendement n° 68, tendant à faire du plan de prévention des risques un élément d'appréciation par le préfet du programme triennal que la commune peut réaliser dans le cadre du contrat pour la mixité sociale.
M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour présenter l'amendement n° 50.
M. Denis Badré. L'existence d'une forêt n'est pas un risque en soi, bien sûr, mais les forêts domaniales inaliénables sont encore plus inconstructibles que les zones inondables !
En Ile-de-France également, monsieur Mano, cher collègue, il faut des espaces verts, et nous devons les sauvegarder. Toutes les communes ne peuvent pas avoir à la fois 20 % d'espaces verts, 20 % de logements, 20 % de zones industrielles, 20 % de zones artisanales..., sans quoi nous serions complètement ligotés !
M. Roland Muzeau. C'est une caricature !
M. Denis Badré. Dans une agglomération continue comme l'Ile-de-France, certaines communes ont plus de logements, d'autres plus d'espaces verts, d'autres encore plus de zones industrielles, avec les recettes, les contraintes ou les charges que chacune de ces caractéristiques impose. Comme la mise en place de l'intercommunalité est également très difficile dans ces zones, je demande simplement qu'on tienne compte des situations particulières lorsque l'on examinera les termes du contrat.
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck, pour présenter l'amendement n° 58.
M. Christian Demuynck. Cet amendement tend à intégrer le logement étudiant dans le logement social. En effet, les insuffisances dont souffre la capacité de logement des étudiants dans notre pays doivent nous conduire à entreprendre toutes les réformes nécessaires pour répondre aux besoins de ceux qui seront les actifs de demain. A cet égard, l'aide personnalisée au logement, déjà mise en place avec succès par les caisses d'allocations familiales, a montré que le logement étudiant s'inscrivait pleinement dans le cadre du logement social.
C'est la raison pour laquelle nous devons apporter notre soutien aux communes qui y consacrent leurs efforts.
M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié.
M. Denis Badré. Il n'a échappé à personne que le taux de 20 % est un quotient et comporte donc un numérateur, qui représente le nombre de logements sociaux, et un dénominateur, qui représente le nombre total de logements.
Au début de l'année, au cours des négociations que ma commune a menées avec le préfet sur cette question, nous avons vu le numérateur diminuer de jour en jour, puisque de plus en plus de catégories de logements sociaux cessaient d'être considérées comme telles, tandis que le dénominateur augmentait parce qu'on prenait en compte de plus en plus de logements. On est allé jusqu'à nous dire que toute surface supérieure à cinq mètres carrés devait être comptabilisée comme logement, alors même qu'un décret du ministre de l'équipement paru au mois de janvier 2000 interdisait de considérer comme tel toute surface inférieure à neuf mètres carrés.
Nous demandons d'abord que l'Etat, partenaire au contrat, soit un partenaire loyal, prévisible et cohérent : retenons au moins la norme de neuf mètres carrés pour le numérateur comme pour le dénominateur, et veillons à ce que les règles sur lesquelles s'appuieront le contrat soient respectées de la même manière par l'Etat et par les collectivités territoriales, clairement et lisiblement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques n°s 12 et 30 déposés par MM. Coquelle et Mano, qui tendent tous deux à supprimer l'article 1er en s'appuyant, notamment pour l'amendement n° 12, sur des arguments et des raccourcis quelque peu simplistes.
La commission y est défavorable puisqu'elle propose un certain nombre de dispositions très importantes - nous y reviendrons lorsque nous aborderons la spécificité francilienne - concernant notamment la promotion de l'intercommunalité et la prise en compte des réalités et des exceptions locales. En effet, notre but, nous l'avons dit, est non pas de pénaliser les communes, mais de faire en sorte qu'elles construisent des logements sociaux. Rien ne sert de pénaliser ad vitam aeternam des communes qui sont dans l'impossibilité physique de construire de tels logements ! Il faut au contraire les stimuler, en gardant à l'esprit que la règle des 33 % du flux reste applicable dans ces communes : si elles parviennent à construire des nouveaux logements ou à en mettre sur le marché, qu'elles fassent usage de leur droit de préemption ou que ce soit par réhabilitation de logements existants, 33 % de ces nouveaux logements doivent être des logements sociaux.
En ce qui concerne la spécificité francilienne, que l'amendement n° 62 du Gouvernement tend à maintenir, nous nous en sommes expliqués, monsieur le ministre : vous savez que nous estimons que cette spécificité n'est pas justifiée. D'autres régions connaissent une pression foncière bien plus importante que certains départements d'Ile-de-France : je pense notamment à la région PACA ou à la région Rhônes-Alpes, et notre collègue Jean-Paul Alduy, qui connaît bien la région PACA et que sa profession amène à avoir un point de vue pertinent sur ces questions, pourra vous le confirmer. Cette pression est bien supérieure, par exemple, à celle qui existe en Seine-et-Marne ou dans les zones rurales des Yvelines.
Je dirai même que, si un seuil avait dû être fixé, il aurait dû l'être dans l'autre sens : car une ville de 1 500 habitants est souvent, dans les Yvelines, une toute petite commune, sans commerces, sans rien, alors qu'en province, quelquefois, c'est au contraire un gros bourg connaisssant une certaine activité.
J'attire votre attention sur un autre aspect qui me paraît extrêmement important, mes chers collègues : ces petites communes de 1 500 habitants ont souvent très peu de moyens et, de ce fait, offrent très peu de services à leurs habitants, notamment en matière de transports en commun.
M. Guy Fischer. Ce sont des habitants privilégiés !
M. Dominique Braye, rapporteur. Or, mes chers collègues, construire des logements sociaux dans de telles communes, c'est manifestement condamner des personnes qui, on le sait, n'ont pas les moyens d'avoir leur propre véhicule, à une ségrégation...
M. Guy Fischer. Quel argument !
M. Dominique Braye, rapporteur. Mais c'est un vrai problème, mon cher collègue !
Bien sûr, si M. le ministre nous assurait - puisque l'on sait que certaines communes de la région d'Ile-de-France ne supportent pas les prélèvements de transports en commun et, de ce fait, ne maîtrisent pas leurs moyens de transport - qu'il abondera les fonds du STIF, le Syndicat des transports parisiens et de la région d'Ile-de-France,...
M. Guy Fischer. On fait sauter la prescription des quinze kilomètres, puis on prend ce prétexte !
M. Dominique Braye, rapporteur. ... et que les communes disposeront des transports nécessaires, même les petites communes dans lesquelles, à certaines heures de la journée, le bus ne transporte qu'une personne, voire aucune, alors nous serions tout à fait prêts à reconsidérer le dispositif que nous proposons.
Je le répète avec force : loger des gens dans de petites communes sans qu'aucun moyen de transport soit mis à leur disposition, c'est exclure les jeunes de tout, c'est isoler les personnes à la recherche d'un emploi, c'est augmenter la ségrégation.
Voilà en tout cas ce que nous avons pu constater dans les petites communes de mon département.
M. Guy Fischer. Elles ne sont habitées que par des cadres supérieurs !
M. Dominique Braye, rapporteur. L'argument de M. Fischer est juste : le problème ne se pose pas dans les mêmes termes pour les cadres, car ils ont souvent deux voitures. C'est pourquoi il faut adapter les choses aux réalités locales. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. C'est une bonne raison pour ne rien changer !
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est un réel problème, que je suis obligé de constater !
M. Guy Fischer. Ah ! on nous prépare une belle France, une France des ghettos ! M. Borloo peut raconter ce qu'il veut !
M. Roland Muzeau. Des villes avec de hauts murs, comme l'écrivait Le Monde !
M. Dominique Braye, rapporteur. Vous savez que la commission avait émis un avis défavorable. Je ne sais pas si l'Assemblée nationale, compte tenu de vos explications, modifiera sa position.
Nous nous heurtons là à un vrai problème, et je souhaite que ce texte puisse faire l'objet d'une discussion approfondie au cours de la navette - puisque, contrairement à d'autres, comme la loi SRU, il n'a pas bénéficié de la déclaration d'urgence, malgré son importance - et qu'il sorte enrichi du débat parlementaire.
M. Guy Fischer. C'est cela !
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est une chance que nous n'avons manifestement peu eue, en d'autres temps, et sur des textes bien plus importants !
Pour cet amendement, je m'en remettrai donc à la sagesse du Sénat.
M. Roland Muzeau. La loi SRU a été enrichie au cours des débats !
M. Dominique Braye, rapporteur. L'amendement n° 31, présenté par M. Mano, vise à supprimer la spécificité francilienne : même cause, même effet, même avis de la commission !
L'amendement n° 32 vise à supprimer la disposition permettant aux communes membres d'un EPCI respectant déjà l'obligation de 20 % de logements sociaux sur l'ensemble du territoire de ne plus être soumises aux obligations de construction.
Encore une fois, c'est l'incitation à l'intercommunalité que cet amendement tend à supprimer alors que le territoire national n'est pas complètement couvert par les structures intercommunales, que tous les gouvernements et tous les responsables politiques souhaitent pourtant favoriser. Je trouverais dommage qu'on ne le fasse pas.
Je viens de passer trois jours à Grenoble, où j'ai participé à la treizième convention de l'ADCF, l'Association des communautés de France, qui est l'association de structures intercommunales la plus importante. L'ensemble des présidents et des élus locaux qui étaient présents, toutes sensibilités confondues, ont réaffirmé leur volonté de voir le problème du logement social traité à l'échelon pertinent, à savoir celui de l'agglomération. Au demeurant, la loi Chevènement du 12 juillet 1999 en a fait une compétence obligatoire pour les communautés d'agglomération, ce qui est bien la preuve que le niveau pertinent est l'agglomération.
Monsieur le ministre, vous avez dit au cours de la discussion générale que vous souhaitiez introduire une plus grande cohérence dans toutes ces lois, et vous avez même cité la question de l'agglomération. C'est le moment de faire confiance aux élus locaux et de les laisser organiser la répartition des logements sociaux entre les communes de l'EPCI de la façon qu'ils jugeront la plus adaptée. N'oublions pas que, dans les très grandes villes, celles qui comptent 300 000 ou 400 000 habitants, on ne descend jamais à l'échelon du quartier, quartier pourtant plus important que bien des communes concernées : certains quartiers ont 6 000 ou 7 000 habitants, alors que nous sommes en train de traiter le cas de communes de 1 500 habitants, monsieur le ministre !
Enfin, je suis d'autant plus défavorable à l'amendement que nous avons pris toutes les précautions : c'est bien un programme de l'habitat intercommunal qui doit être adopté à l'unanimité, en respectant la répartition équilibrée des logements sur l'ensemble du territoire intercommunal.
Quant à l'amendement n° 26 rectifié, la commission est naturellement favorable à un amendement déposé par son rapporteur !
L'amendement n° 33 tend à la suppression de l'exemption proposée pour les communes dans lesquelles plus de la moitié du territoire urbanisé est couvert par un plan de prévention des risques. Nous l'avons déjà souligné, il est manifestement paradoxal de soumettre ces communes à des obligations de construction alors que l'ensemble de la construction est souvent gelé sur leur territoire ! Cela revient souvent à les contraindre à payer éternellement une pénalité, sans leur laisser la possibilité de s'en sortir.
Nous souhaitons que ces communes soient effectivement soumises à l'obligation de construire 33 % de logements sociaux sur le flux des constructions nouvelles, mais qu'elles échappent au plancher des 20 % de logements sociaux quand elles n'ont pas la possibilité d'en construire. Si elles prouvent qu'elles ont la possibilité de construire, elles sont alors soumises à l'obligation de flux, qui les contraint à atteindre le taux de 33 % de logements sociaux sur la totalité des logements mis sur le marché. Je voudrais attirer l'attention de nos collègues sur deux points. Tout d'abord, nos concitoyens sont actuellement traumatisés par un certain nombre d'événements tels le drame de l'usine AZF à Toulouse, les inondations du Gard ou les problèmes des marnières en Normandie. Confrontés à ces problèmes, ils ont réagi en mettant très justement en cause la responsabilité des élus qui avaient laissé construire dans des endroits où il n'était pas souhaitable de le faire. Par conséquent, ne poussons pas les élus à la lisière de ce qui n'est pas souhaitable et ne les incitons pas à construire s'il ne le faut pas.
Ensuite il n'est pas contestable que le fait d'avoir plus de la moitié de son territoire gelé est un handicap fort pour la construction, et l'on doit donc en tenir compte.
La commission est favorable à l'amendement n° 33.
L'amendement n° 64 du Gouvernement va dans le sens des réflexions de la commission, ce matin, et rejoint les observations de M. Jean-Yves Mano. En effet, mon cher collègue, vous avez souhaité que les communes qui sont couvertes par un plan de prévention des risques ne soient pas complètement exemptées.
Le Gouvernement propose donc tout simplement que ces communes soient soumises à l'appréciation du représentant de l'Etat et que, dans ce cadre, les modalités soient changées. Il y aurait appréciation du représentant de l'Etat après avis de l'EPCI si jamais les communes en font partie ou après avis du conseil départemental de l'habitat si elles ne font pas partie de l'EPCI. La commission est favorable à l'amendement n° 64.
L'amendement n° 50 tend à ajouter une nouvelle exemption pour les communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis à une inconstructibilité résultant d'un classement en espace boisé. Il ne peut, naturellement, que retenir mon attention. Néanmoins, le rapporteur que je suis, n'ayant pas eu la possibilité d'effectuer des simulations et ne sachant pas combien de communes sont concernées, attend des explications et l'avis du Gouvernement pour savoir quelle position il donnera sur cet amendement.
L'amendement n° 58 tend à ajouter à la définition des logements locatifs sociaux « les résidences et foyers affectés aux logements des étudiants ».
Monsieur Demuynck, les logements étudiants constituent manifestement un vrai problème pour les communes qui en hébergent.
La commission a souhaité ne pas élargir la définition du logement social, car bien d'autres problèmes se posent. Il y a, bien sûr, le problème des logements étudiants dont vous nous parlez et il y a également le problème de l'accession sociale à la propriété dont nous avons beaucoup débattu en première lecture de la loi SRU. Mais tout cela, ce sont d'autres problèmes, si j'ose dire. Le logement locatif social constitue souvent la première étape du parcours résidentiel d'un certain nombre de personnes, et c'est quelquefois la seule étape pour des populations particulièrement modestes, que ce soient les personnes âgées ou les jeunes couples particulièrement modestes.
C'est donc bien ce type de logement que la proposition de loi que nous sommes en train d'étudier veut aider, en sachant qu'il faudra manifestement prendre d'autres dispositions pour le problème de l'accession sociale à la propriété et pour celui du logement des étudiants, qu'a soulevé notre collègue M. Demuynck. J'invite donc ce dernier, pour rester dans la philosophie défendue par la commission, à retirer son amendement.

M. le président. Monsieur Demuynck, l'amendement n° 58 est-il maintenu ?
M. Christian Demuynck. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 58 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. L'amendement n° 24 rectifié tend à préciser que les résidences principales retenues pour le calcul des seuils des 20 % sont celles dont la surface habitable minimale est de neuf mètres carrés. Cet amendement a été déposé dans le but tout à fait louable de ne pas prendre en compte les logements d'une superficie inférieure à neuf mètres carrés. Actuellement, les services de l'Etat retiennent le seuil de cinq mètres carrés pour le calcul des résidences principales telles que définies par l'article L. 302-5 du code de la construction.
La commission appelle votre attention, mes chers collègues, sur le risque qu'il y aurait, avec l'adoption d'un tel amendement, de ne plus prendre en considération l'existence de logements, sociaux ou non, qui sont encore indécents et de faire comme si cette situation intolérable n'existait pas. C'est pour cela, d'ailleurs, que la commission a refusé de prendre en compte le logement social de fait. En effet, elle ne veut pas entériner l'activité d'un certain nombre de personnes, notamment celles que l'on dénomme vulgairement « les marchands de sommeil », pour ne pas la favoriser.
Offrir à nos concitoyens la possibilité de se loger dans des conditions décentes et à un prix modique : telle est la définition du logement social. En aucun cas, des logements exploités par des marchands de sommeil ou ne correspondant pas à certaines normes de salubrité ne peuvent être pris en compte dans le texte de loi que nous défendons.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Dominique Braye, rapporteur. La commission souhaite recueillir l'avis du Gouvernement pour savoir quelle serait la portée de cette disposition visant à retenir une surface minimum de neuf mètres carrés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques n°s 12 et 30, qui tendent à supprimer l'article 1er, lequel contient d'excellentes dispositions.
L'amendement n° 31 vise à supprimer l'unification du seuil de population des communes entrant dans le champ de la loi à 3 500 habitants. Le Gouvernement, vous le savez, a déposé un amendement ayant pour objet le retrait de l'alinéa 1° de l'article 1er.
Comme l'a très bien dit M. le rapporteur, nous ne disposons pas, en l'état, d'expertise nous permettant de juger des effets de l'amendement n° 32. Il est vrai que ce texte tend à promouvoir l'intercommunalité, à laquelle nous sommes, la plupart du temps, favorables. Il aurait donc très certainement des effets positifs. Mais le Gouvernement ne peut, en l'état, donner un avis favorable. Nous allons donc mettre à profit la période séparant l'examen de ce texte au Sénat de la discussion à l'Assemblée nationale pour réaliser une expertise un peu plus précise, afin de pouvoir en donner les résultats à la représentation nationale, nous forger une opinion et nous prononcer de façon plus nette.
L'amendement n° 26 rectifié vise à préciser le contenu du PLH qui permet de faire sortir les EPCI ayant plus de 20 % de logements locatifs sociaux du champ de la loi. Comme pour l'amendement n° 32, le Gouvernement ne peut émettre un avis favorable.
L'amendement n° 27 vise à rendre obligatoire la révision des PLH anciens afin que l'adoption du PLH entraîne la sortie du champ de l'article 55. Le Gouvernement ne peut, là non plus, émettre un avis favorable.
S'agissant de l'amendement n° 33, le Gouvernement - je l'ai dit tout à l'heure - a déjà déposé un amendement qui vise au retrait de l'alinéa 3° de l'article 1er.
J'en viens à l'amendement n° 50, que le Gouvernement demande à son auteur, M. Badré, de bien vouloir retirer. Cet amendement n'est certes pas inintéressant - il vise en effet à ajouter les espaces boisés à la liste des exonérations de l'application de l'article 55 de la loi SRU -, mais, toujours dans l'esprit contractuel que j'ai tenu à souligner tout au long de ce débat, le préfet, pour favoriser la mixité sociale prévue à l'article 3, tiendra compte de la situation particulière de telle ou telle commune dont une très grande partie du territoire serait ou est inconstructible.
S'agissant de l'amendement n° 24 rectifié, qui vise la superficie de neuf mètres carrés, le Gouvernement le trouve relativement cohérent avec la définition du logement décent. Il s'en remet par conséquent à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Monsieur Badré, l'amendement n° 50 est-il maintenu ?
M. Denis Badré. Non, je le retire, étant certain que les préfets auront entendu ce que M. le ministre vient de dire et qu'ils interpréteront les contrats de manière constructive.
M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 12 et 30.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, sur l'amendement n° 62.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Comme M. le rapporteur l'a indiqué, cet amendement du Gouvernement ne va pas dans le sens des réflexions conduites par la commission.
Le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, en partant de l'hypothèse que ces quarante-trois communes de la région d'Ile-de-France ne réaliseraient aucun logement social, en a conclu que cela correspondait à 288 logements par an en moins sur un flux d'environ 8 000 logements. Il faut donc remettre les choses à leur place.
Naturellement, le problème ne se pose pas uniquement en Ile-de-France. Comme M. le rapporteur l'a dit, les régions PACA et Rhône-Alpes connaissent également des tensions foncières encore plus grandes que les communes de 1 500 habitants de la région d'Ile-de-France. Cela est vrai aussi dans la région Nord - Pas-de-Calais où les facteurs d'urbanisation sont tels qu'il nous faut réfléchir sur ce sujet.
Mais j'entends bien que le Gouvernement souhaite se donner, au-delà de tout cela, le temps de l'expertise, de l'analyse. Son souci est de ne pas diminuer les logements potentiels, d'autant plus que le programme local de l'habitat intercommunal, s'il était adopté à l'unanimité, pourrait permettre à ces communes, de 1 500 à 3 500 habitants, membres d'un EPCI remplissant l'obligation des 20 %, d'être exemptées des obligations de contruction.
Sur le fond, la spécificité francilienne ne nous paraît donc pas un bon choix. Il nous faut procéder à des analyses. Tout à l'heure, d'autres chiffres ont été avancés, et j'ai même entendu évoquer celui de 5 000.
En tout cas, cette proposition de loi parie sur le contrat, qui constitue un changement profond par rapport à la contrainte et qui repose sur le principe d'une société de confiance par rapport à une société de défiance. Si l'on examine les analyses des philosophes et des théologiens depuis le renouveau du XVIe hollandais, on voit bien que la société de confiance est une société ouverte qui croit en la capacité des hommes à contracter, à s'ouvrir et à cesser d'avoir peur ensemble, et que la société de défiance, tout au contraire, a pour principe une absence de confiance dans l'autre.
Personnellement, sans être convaincu, je voterai à titre personnel dans le sens du Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je souhaite simplement que l'on essaye de sortir de ces effets cliquets que nous ne cessons de poser au travers de notre société et qui nous condamnent, en fait, à être une société mitoyenne et non pas une société citoyenne. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 31 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur le président, j'aimerais que M. le ministre nous confirme qu'il est bien défavorable à cet amendement n° 26 rectifié.
M. Gilles de Robien, ministre. J'ai dit que je ne pouvais pas y être favorable !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 33 et 64.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur l'amendement n° 24 rectifié ?
M. Dominique Braye, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Mano. Il s'agit, avec cet amendement, de considérer qu'on peut faire du logement social à partir de neuf mètres carrés. J'imagine que l'auteur de ce texte a souhaité faire référence au logement décent ! Je rappelle que la notion de logement décent va bien au-delà de la surface et concerne bien évidemment les équipements de confort.
Objectivement, aujourd'hui, dans notre pays, on ne fait pas du logement social à partir d'une surface de neuf mêtres carrés. On ne respecte pas les normes en proposant un tel logement. Il n'est donc pas souhaitable de donner une suite favorable à l'amendement qui nous est proposé.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 30:

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 320
Majorité absolue des suffrages 161
Pour l'adoption 207
Contre 113

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - L'article L. 302-7 du même code est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, le taux : "15 %" est remplacé par le taux "10 %".
« 2° Les deuxième, troisième et quatrième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce prélèvement est fixé à 20 % du potentiel fiscal par habitant défini à l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales multiplié par la différence entre 20 % des résidences principales et le nombre de logements sociaux existant dans la commune l'année précédente, comme il est dit à l'article L. 302-5, sans pouvoir excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice.
« 3° Au cinquième alinéa, la somme : "25 000 F" est remplacée par la somme : "5 000 EUR".
« 4° Le sixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Dans le cas de mise à disposition par bail emphytéotique, bail à construction ou bail à réhabilitation de terrains ou d'immeubles à un maître d'ouvrage pour la réalisation de logements sociaux, le montant éventuellement pris en compte est égal à la différence entre la valeur vénale du terrain ou de l'immeuble donné à bail estimée par le service des domaines et une valeur fixée forfaitairement à quinze fois la redevance annuelle versée par le preneur du bail."
« 5° A la fin de la première phrase du septième alinéa, les mots : "de l'année suivante" sont remplacés par les mots : "des années suivantes" et la dernière phrase est supprimée.
« 6° Dans le dernier alinéa, après les mots : "fonds d'aménagement urbain", sont insérés les mots : "institué dans chaque région,". »
Je suis saisi de neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 34 est présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par M. Alduy.
L'amendement n° 35 est présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 65 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le deuxième alinéa (1°) de cet article. »
L'amendement n° 36, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le 1° de cet article, insérer un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis. - Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : "A compter du 1er janvier 2002, il est institué un mécanisme de solidarité entre communes urbanisées. A cet effet, il est effectué... (le reste sans changement.)". »
L'amendement n° 66 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa (3°) de cet article, remplacer le montant : "5 000 EUR" par le montant : "3 811 EUR". »
L'amendement n° 37, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le 3° de cet article, remplacer le montant : "5 000 EUR" par le montant : "4 000 EUR". »
L'amendement n° 38, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le 5° de cet article. »
Le Gouvernement a demandé la priorité de l'amendement n° 65 avant l'amendement n° 9 et la commission s'est déclarée favorable à cette demande.
Je consulte le Sénat sur cette demande de priorité.

(La priorité est ordonnée.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Yves Coquelle. Dans la mesure où le seuil de 1 500 habitants a été retenu, mon amendement devient sans objet. En effet, il est articulé essentiellement autour de cette question.
Je retire donc l'amendement n° 13.
M. le président. L'amendement n° 13 est retiré.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour présenter l'amendement n° 34.
M. Jean-Yves Mano. L'article 2 prévoit, dans son premier alinéa, que le taux de 15 % est remplacé par le taux de 10 %. Or, quand on étudie en détail les effets de cette règle qui peut paraître anodine, on constate que 34 % des communes et, parmi celles-ci, des communes assez importantes, sont exclues du champ de la contribution de solidarité. Cela ne nous paraît pas aller dans le bon sens, quant on sait notamment que des villes comme Nice, Cannes ou Hyères seraient exclues du dispositif. Il me semble que le Sénat, dans sa sagesse, devrait revenir à une position plus équilibrée en maintenant le taux initialement prévu de 15 %.
Il est également fait état, dans cet article, d'un certain nombre de considérations techniques. Ainsi, il est prévu que le coefficient de potentiel fiscal peut être ramené à 5 000 euros. Il me paraît plus sage de revenir à la proposition du Gouvernement, qui est 3 811 euros, c'est-à-dire à la traduction exacte de la proposition en francs contenue dans le texte initial, qui est d'ailleurs inférieure à celle que nous avions faite, qui était de 4 000 euros.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 65.
M. Gilles de Robien, ministre. La dotation de solidarité urbaine est versée à des communes, nous en avons parlé tout à l'heure, qui répondent à des critères précis. Il est tenu compte de l'inadéquation des ressources d'une commune par rapport à ses charges, notamment des charges de nature sociale qu'elle doit supporter du fait de populations à revenus modestes, de taux de chômage souvent important, d'occupation de logements sociaux.
Il n'est guère logique que soit repris d'une main ce que l'Etat a donné de l'autre pour aider des communes en situation difficile. C'était bien mon idée au départ et j'avais eu des échanges de vue intéressants avec M. le rapporteur et M. le président de la commission des affaires économiques sur cette question. Mais il est vrai que certaines communes sont, de façon apparemment surprenante, bénéficiaires de la DSU, toujours en fonction des critères dont on parlait tout à l'heure et qu'il faudrait probablement mieux cibler.
J'ai demandé à mes services de réaliser une étude d'impact, qui fait apparaître que la disposition proposée au 1° de l'article 2 ferait sortir du champ d'application cinquante-cinq communes - dont certaines sont très importantes - qui doivent aussi participer à l'effort collectif de construction dans certaines zones, comme la Côte-d'Azur, où la tension locative, on le sait bien, est particulièrement forte.
Aujourd'hui, la DSU est perçue par 70 % des communes de plus de 10 000 habitants. Elle n'est pas véritablement concentrée sur les communes qui connaissent le plus de difficultés sociales. Le Gouvernement ne peut donc qu'être défavorable à la disposition proposée et, par son amendement n° 65, il en demande la suppression.
M. Jean-Pierre Sueur. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour présenter l'amendement n° 9.
M. Jean-Paul Alduy. Il s'agit également de supprimer le 1° de l'article 2. Je rappellerai simplement que, lorsqu'on est passé de 20 % à 15 % pour les communes qui perçoivent la DSU, c'était précisément pour tenir compte du fait que ces communes avaient en général un parc social très important. Il n'en était pas tenu compte dans le calcul des logements sociaux et il était donc souhaitable d'abaisser le taux de logements locatifs sociaux de 20 % à 15 %. Mais l'abaisser jusqu'à 10 %, comme l'a dit M. le ministre, c'est aller beaucoup trop loin, d'autant que, dans ces communes, la demande de logement social est particulièrement importante. Je rejoins donc exactement M. le ministre dans sa volonté de maintenir le taux de 15 % dans les communes qui perçoivent la DSU.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour défendre les amendements n°s 35 et 36.
M. Jean-Yves Mano. Tout d'abord, je ne peux qu'approuver le Gouvernement qui, dans sa sagesse, a proposé lui aussi de supprimer le 1° de l'article 2 de la proposition de loi.
Pour ce qui est de l'amendement n° 36, je précise que le prélèvement institué à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation constitue, pour les communes n'ayant pas assez de logements sociaux, non pas une sanction mais une charge obligatoire, comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel, tant qu'elles n'ont pas atteint l'objectif fixé par la loi.
Ce prélèvement est obligatoirement redistribué à des communes ou à des établissements publics de coopération intercommunale. Il constitue un mécanisme de solidarité financière qui mérite d'être affiché comme tel dans la loi.
Avec cet amendement, il s'agit de rappeler que, dans son esprit, précisé dans son intitulé même - « solidarité et renouvellement urbains » -, cette loi vise bien à envisager une contribution de solidarité et non pas un prélèvement obligatoire. Il est bon que ce concept de solidarité apparaisse précisément dans la loi.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 66 rectifié.
M. Gilles de Robien, ministre. Le 3° de l'article 2 concerne le minimum de prélèvement. Le Gouvernement est défavorable à cette disposition qui conduirait à faire sortir quelques communes du dispositif, alors même que ces dernières auraient désormais la possibilité de conclure un contrat pour la mixité sociale.
Je rappelle que cette proposition de loi a pour objet essentiel de passer de la contrainte au contrat. Par conséquent, le Gouvernement souhaite la stricte transcription en euros du montant actuellement prévu en francs.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour défendre les amendements n°s 37 et 38.
M. Jean-Yves Mano. Je me rallie bien volontiers à la position du Gouvernement sur le sujet, même si notre générosité nous avait conduits à envisager une légère augmentation : 4 000 euros. Le Gouvernement s'en tient à la stricte transcription comptable et nous nous rallierons à sa position.
Par conséquent, je retire l'amendement n° 37.
M. le président. L'amendement n° 37 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur Mano.
M. Jean-Yves Mano. Selon l'article 2, les communes peuvent déduire du prélèvement de solidarité les dépenses qu'elles ont effectuées au titre du logement social. Si elles ont poursuivi une politique volontariste, le prélèvement peut être négatif. Dans ce cas, le surplus peut être déduit l'année suivante.
En permettant d'opérer cette déduction sur plusieurs années, la dynamique de réalisation de logements sociaux risque d'être freinée, notamment dans les zones fortement urbanisées, là où la demande est forte et où les coûts de construction sont plus élevés. C'est pourquoi nous proposons, avec l'amendement n° 38, d'en rester au droit existant.
Je rappelle simplement que lorsque, à Neuilly-sur-Seine, deux cents logements sociaux sont construits une année, compte tenu de la participation financière de la ville, il est bien évident que celle-ci peut être exonérée pendant quatre à cinq ans. Ce n'est pas avec une telle mesure que le parc social de cette ville se développera ! Il est donc souhaitable de s'en tenir au texte en vigueur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Pour ce qui concerne l'amendement n° 34 de M. Mano, qui tend à supprimer l'article 2, la commission émet naturellement un avis défavorable, puisque cet article contient un certain nombre de dispositions importantes.
La commission émettra, en revanche, un avis favorable sur certains amendements visant à le modifier.
Le prélèvement calculé en multipliant le nombre de logements sociaux manquants par 20 % du potentiel fiscal pour toutes les communes est plafonné et porté à 1 000 francs au minimum au lieu de viser les seules communes ayant moins de 5 000 francs de potentiel fiscal. Pourquoi pénaliser les communes dont le potentiel fiscal est le plus faible, et qui sont donc les plus pauvres ?
Il nous paraît donc légitime de proposer le taux de 20 % du potentiel fiscal pour toutes communes, afin de ne pas pénaliser les plus pauvres.
Voilà pourquoi la commission est défavorable à l'amendement n° 34.
Les amendements n°s 65, 9 et 35 sont des amendements de suppression de la disposition relative aux communes percevant la DSU. Nous avions présenté cette disposition, monsieur le ministre, vous le savez et l'avez vous-même rappelé. Vous avez à cette occasion affirmé qu'il paraisait juste d'exempter plus fortement ces communes soumises à la DSU, l'Etat ne pouvant reprendre d'une main ce qu'il donnait de l'autre.
Les simulations que vous avez réalisées prouvent que certaines communes emblématiques touchent la DSU. Cela ne remet pas en question la philosophie de l'amendement. Cela remet seulement en question la manière dont est versée cette DSU.
Monsieur le ministre, il n'est pas très rationnel de verser des sommes à des communes pour les aider et de les leur ponctionner par une pénalité. Il faudrait revoir très rapidement ce principe de la DSU.
Notre collègue Jean-Paul Alduy nous avait d'ailleurs, en commission, alertés, sur ce problème en nous expliquant le mécanisme prévu dans la loi SRU primitive. Nous nous étions interrogés sur le bien-fondé de cette disposition. Je suis tout à fait d'accord pour en revenir au chiffre de 15 %, qui me paraît préférable à celui de 10 %, compte tenu des dysfonctionnements de cette dotation.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir faire le nécessaire pour que la DSU soit versée plus équitablement aux communes qui en ont réellement besoin.
Avec l'amendement n° 36, notre collègue Jean-Yves Mano veut prouver qu'il s'agit d'un mécanisme de solidarité. Non ! Il faut avoir au moins la volonté et le courage d'assumer les décisions que l'on prend.
En effet, comme l'a rappelé M. le ministre, avec la loi SRU initiale, vous souhaitiez pénaliser les communes a priori , c'est-à-dire sur ce qu'elles ont fait dans le passé et non pour ce qu'elles feront ou ne feront pas dans le futur.
Nous, nous souhaitons effectivement sanctionner, pénaliser deux types de communes : d'une part, celles qui veulent absolument se soustraire à l'obligation qu'elles ont de construire des logements sociaux, parce que ce n'est pas conforme à la vision que nous avons de notre société ni aux principes républicains que nous souhaitons faire respecter par tout le monde, et, d'autre part, celles qui ne respectent pas le contrat.
Quand il y a contrat, il doit y avoir sanction. Il s'agira donc bien de pénalités ; ce ne sera pas un effort de solidarité.
Ayez le courage d'admettre que vous avez pénalisé les communes a priori pour un passé dont elles n'étaient souvent pas responsables !
M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout !
M. Dominique Braye, rapporteur. Nous, nous les pénaliserons dans l'avenir si elles ne rééquilibrent pas la situation sur leur territoire quand celle-ci n'est pas idéale.
M. Jean-Pierre Sueur. Pénaliser, sanctionner !... Je ne comprends pas très bien.
M. Dominique Braye, rapporteur. Nous pouvons tous deux assumer nos responsabilités sans avoir à nous cacher derrière des propos bien-pensants sur la solidarité,...
M. Jean-Yves Mano. Le mot solidarité vous gêne !
M. Hilaire Flandre. On en redira deux mots, si vous le voulez !
M. Dominique Braye, rapporteur. ... qui passent naturellement toujours mieux que le fait d'infliger des pénalités.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 36.
Avec l'amendement n° 66 rectifié, le Gouvernement propose d'effectuer le prélèvement à partir de 3 811 euros et non de 5 000 euros.
Monsieur le ministre, la Haute Assemblée a longuement discuté pour 11 euros. C'est dire à quel point nous ne travaillons pas dans la sérénité souhaitable pour prendre les bonnes décisions ! C'est d'autant plus regrettable que le logement social est un domaine qui mériterait effectivement, à mon sens, que l'on prenne les décisions dans la sérénité, avec une vision à long terme plutôt qu'en pensant à qui nous regarde et à ce qu'on en dira.
Alors, 3 811 euros ou 3 800 euros !... J'aurais envie de dire : « Qui dit mieux ? » Pour sa part, M. Mano avait proposé 4 000 euros !
La seule chose que je puisse vous dire, c'est que ce dispositif n'intéresse que huit communes, dont trois comptent plus de 19,5 % de logements sociaux et dont les cinq autres ont consenti des efforts excessivement importants en termes de logement social au cours de l'année écoulée.
Tout cela prouve que cette longue discussion est plutôt dérisoire. Je le regrette d'autant plus que cela reflète bien l'état d'esprit dans lequel nous discutons de cette proposition de loi !
M. Georges Gruillot. Ce n'est pas dérisoire, c'est ridicule !
M. Dominique Braye, rapporteur. La commission a cependant émis un avis favorable sur l'amendement n° 66 rectifié.
L'amendement n° 38 vise à supprimer la disposition offerte aux communes de déduire du montant du prélèvement les dépenses effectuées au titre du logement social sur plusieurs années.
Je l'ai déjà souligné, mais le répéterai une fois de plus aux auteurs de cet amendement : notre but n'est pas de pénaliser les communes, mais de faire en sorte qu'elles fassent du logement social.
En conséquence, monsieur Mano, plus elles dépenseront pour faire du logement social et mieux le rapporteur que je suis s'en portera. Plus elles dépenseront, plus elles pourront effectivement déduire des prélèvements.
Notre but n'est pas de faire de l'argent sur le logement social, c'est de faire en sorte que les communes construisent des logements sociaux.
Imaginez une commune qui, ayant demain l'opportunité d'acheter un bâtiment, la laisserait échapper au motif que des conseilleurs municipaux objecteraient : « Monsieur le maire, vous allez dépenser plus que vous n'avez le droit de déduire ! »
Cela me paraîtrait excessivement dommageable. Il est donc souhaitable de doter les communes de tous les moyens nécessaires à la réalisation d'un maximum de logements sociaux.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, qui met en lumière toute la philosophie et la vision de la société qui nous sépare. Comme cela a été dit, nous sommes contre la politique du bâton et de la contrainte.
M. Jean-Yves Mano. Mais pour la pénalisation !
M. Dominique Braye, rapporteur. Nous souhaitons la confiance et le contrat, car nous pensons que cette méthode donnera de bien meilleurs résultats que celle que vous défendez actuellement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Dans la mesure où il vise à supprimer l'article 2, le Gouvernement est naturellement défavorable à l'amendement n° 13.
S'agissant de l'amendement n° 9, présenté par M. Alduy, je rappelle que le Gouvernement a lui aussi déposé un amendement qui vise à supprimer le 1° de l'article 1er.
Quant à l'amendement n° 35 de MM. Mano et Dauge, il est identique à l'amendement précédent et l'avis du Gouvernement est le même.
Pour ce qui est de l'amendement n° 36 de MM. Mano et Dauge également, il n'apporte rien, le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Sur l'amendement n° 38, présenté par MM. Mano et Dauge encore, je rappelle que, si la loi SRU a prévu la possibilité de report des dépenses déductibles sur une seule année, la proposition de loi permet ce report sur plusieurs années, ce qui est beaucoup plus juste et nettement plus efficace. Le dispositif actuel peut en effet conduire une commune à reporter une opération d'une, ou même de plusieurs années, pour pouvoir imputer ces dépenses déductibles sur son prélèvement ce qui ne va pas dans le sens de l'accélération de la mixité sociale.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement n° 38.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 65, 9 et 35.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66 rectifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - L'article L. 302-8 du même code est ainsi modifié :
« 1° Dans la dernière phrase du quatrième alinéa, les mots : "avant le 31 décembre 2001" sont supprimés et le mot : "approuvé" est remplacé par le mot : "adopté".
« 2° Six alinéas ainsi rédigés sont ajoutés in fine :
« Les communes soumises à l'obligation de réalisation de logements locatifs sociaux peuvent s'engager par délibération du conseil municipal sur un programme triennal de réalisation de logements locatifs sociaux. Ce programme doit être au moins égal, d'une part, au tiers du nombre estimé de logements réalisés sur le territoire de la commune au cours de la période triennale à venir et, d'autre part, à 1 % du total des résidences principales définies à l'article L. 302-5 mesuré au début de la période et plafonné à 15 % du nombre de logements locatifs sociaux nécessaires pour atteindre 20 % du total des résidences principales. L'accomplissement de l'obligation à laquelle la commune s'est engagée s'apprécie, en tout état de cause, en fin de période triennale, sur le fondement des proportions ainsi fixées, au vu du nombre total de logements réalisés.
« Si les communes sont membres d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de programme local de l'habitat et si cet établissement public de coopération intercommunale se dote d'un programme local de l'habitat, celui-ci fixe un objectif triennal de réalisation de logements locatifs sociaux, dans les conditions définies à l'alinéa précédent, qui ne peut être inférieur à la somme des obligations des communes soumises à l'obligation de réalisation de logements locatifs sociaux en application de l'article L. 302-5 et qui est réparti sur le territoire des communes de l'établissement public. Les communes non soumises à l'obligation de réalisation de logements locatifs sociaux ne peuvent se voir imposer la construction de logements sociaux supplémentaires sans leur accord. Les communes soumises à l'obligation de réalisation de logements locatifs sociaux en application de l'article L. 302-5 doivent alors s'engager par délibération sur le programme triennal qui leur est assigné par le programme local de l'habitat.
« Le préfet peut, sur décision motivée, réduire ces obligations dans le cas de communes qui, du fait de servitudes ou de contraintes limitant la construction sur leur territoire, telles que, notamment, zones de risques miniers, protection de monuments historiques, forte densité urbaine, rencontrent des difficultés particulières pour réaliser des logements. Cette décision est prise après avis favorable de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de programme de l'habitat dont la commune est membre ou, à défaut, du conseil départemental de l'habitat.
« L'adoption des programmes triennaux suspend l'application du prélèvement prévu à l'article L. 302-7.
« Au terme de la période triennale, la commune établit un bilan portant sur le respect de l'engagement pris en matière de réalisation de logements locatifs sociaux, actualisé en fonction du nombre total de logements effectivement réalisés sur son territoire pendant cette période. Ce bilan est communiqué au préfet pour examen contradictoire.
« Au cas où le préfet constate, après cet examen, que l'engagement n'a pas été tenu, un prélèvement est effectué à titre de pénalité dans les conditions prévues au sixième alinéa de l'article L. 302-7. Ce prélèvement est calculé en multipliant, d'une part le rapport entre le nombre de logements locatifs sociaux non réalisés et l'objectif actualisé auquel la commune s'était engagée, d'autre part le prélèvement total qui aurait été effectué pendant la période triennale en l'absence d'engagement de la commune, majoré de 100 %. »
Je suis saisi de douze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 39 est présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 40, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le 2° de cet article. »
L'amendement n° 28, présenté par M. Braye, est ainsi libellé :
« Remplacer la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour compléter in fine l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation par deux phrases ainsi rédigées : "Ce programme doit être au moins égal au tiers du nombre estimé de logements réalisés, y compris les logements locatifs sociaux, sur le territoire de la commune au cours de la période triennale à venir. En aucun cas ce nombre ne peut être inférieur à 1 % du total des résidences principales définies à l'article L. 302-5 mesuré au début de la période et plafonné à 15 % du nombre de logements locatifs sociaux nécessaires pour atteindre 20 % du total des résidences principales". »
L'amendement n° 41, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour compléter in fine l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation, supprimer les mots : ", d'une part, au tiers du nombre estimé de logements réalisés sur le territoire de la commune au cours de la période triennale à venir et, d'autre part, à 1 % du total des résidences principales définies à l'article L. 302-5 mesuré au début de la période et plafonné". »
L'amendement n° 67, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour compléter in fine l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation, remplacer les mots : "d'une part, au tiers du nombre estimé de logements réalisés sur le territoire de la commune au cours de la période triennale à venir et, d'autre part, à 1 % du total des résidences principales définies à l'article L. 302-5 mesuré au début de la période et plafonné à 15 % du nombre de logements locatifs sociaux nécessaires pour atteindre 20 % du total des résidences principales", par les dispositions suivantes : "au tiers du nombre de logements commencés sur le territoire de la commune au cours des trois années précédentes. En aucun cas ce nombre ne peut être inférieur à 4 % du seuil des résidences principales définies à l'article L. 302-5 mesuré au début de la période et plafonné à 15 % du nombre de logements locatifs anciens nécessaires pour atteindre 20 % du total des résidences principales."
« II. - A la fin de la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour compléter in fine l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation, supprimer les mots : "actualisé en fonction du nombre total de logements effectivement réalisés sur son territoire pendant cette période". »
L'amendement n° 10, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour compléter l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation, remplacer le pourcentage : "1 %" par le pourcentage : "2 %". »
L'amendement n° 42, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour compléter in fine l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation. »
L'amendement n° 68, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour compléter in fine l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation, après les mots : "forte densité urbaine", insérer les mots : "plan de prévention des risques touchant plus de la moitié du territoire urbanisé,". »
« II. - Après la première phrase du même alinéa, insérer une phrase ainsi rédigée : " Ne peuvent faire l'objet d'une telle décision que les communes dans lesquelles le nombre de logements commencés dans les trois dernières années est, en moyenne annuelle, inférieur à 1 % des résidences principales". »
L'amendement n° 43, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le quatrième alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour compléter in fine l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation par une phrase ainsi rédigé : "Cette suspension est soumise, si la commune est membre d'un établissement public de coopération intercommunal compétent en matière de programme local de l'habitat, à l'accord de cet établissement". »
L'amendement n° 44, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour compléter in fine l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation : "Ce prélèvement est calculé en ajoutant au prélèvement total qui aurait été effectué pendant la période triennale en l'absence d'engagement de la commune le même montant multiplié par le rapport entre le nombre de logements locatifs sociaux non réalisés et l'objectif actualisé auquel la commune s'était engagé". »
L'amendement n° 69, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé ;
« A - Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - A l'issue de la première période d'application de ces dispositions, un bilan sera établi sur l'ensemble des communes qui auront pris un engagement résultant des alinéas précédents. Ce bilan donnera lieu à une évaluation dont il sera rendu compte au Parlement.
« B. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention : "I - ". »
La parole est à Mme Evelyne Didier, pour défendre l'amendement n° 14.
Mme Evelyne Didier. Avec cet article 3, vous nous parlez de mise en cohérence du dispositif créé par les deux premiers articles.
Il s'agit, en réalité, de passer, selon les termes de la proposition de loi, d'une logique de stock - qui a au moins le mérite de nous permettre d'appréhender la réalité des choses en termes de répartition de logements sociaux sur le territoire - à une logique de flux, qui prendrait en compte les constructions.
Dans les faits, et si l'on suit la logique propre de la proposition de loi, il s'agirait - à moins que nous ayons mal compris - de tenir comme intangible la réalité du parc immobilier existant et de ne considérer que les constructions à venir.
Soyons précis ! Une commune qui aurait mille logements sans le moindre logement locatif social et qui déciderait, à échéance de trois ans, de construire trente logements, dont dix sociaux, serait-elle dans les normes ? Obtiendrait-elle la dispense de toute participation au dispositif de solidarité ?
Voyez-vous, monsieur le rapporteur, nous ne sommes pas convaincus que cette définition des règles de construction de logements locatifs sociaux soit particulièrement contraignante. Il y a d'ailleurs fort à parier qu'elle sera aisément adaptée par ceux qui ne souhaiteraient pas consentir un effort majeur de réalisation de logements sociaux.
Permettez-nous de présenter quelques remarques. Il est évident que, pour retenir une population jeune et active, l'existence d'un parc locatif social est déterminante. De même, pour nombre de familles victimes de la précarité de l'emploi, le logement est une question cruciale.
Dans nos villes et nos villages, de nombreuses familles rencontrent ces problèmes et attendent une réponse à leur besoin d'un logement de qualité. Votre proposition consistera pourtant à les exclure de ce droit au logement, en limitant, de fait, la construction de logements sociaux.
Pour conclure, il est question ici de répondre aux besoins collectifs exprimés par la population. Dois-je rappeler que la moitié des redevables de l'impôt sur le revenu ne sont pas imposables ?
Que doit faire la loi ? Elle doit servir l'intérêt général ! La politique du logement mérite incontestablement d'autres choix que ceux qui sont définis - certes, en cohérence avec les deux premiers articles - par cet article 3, que nous vous invitons à supprimer, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour défendre les amendements n°s 39 et 40.
M. Jean-Yves Mano. Fidèle à la même logique, l'article 3 constitue le second volet de l'entreprise de démolition de l'article 55 de la loi SRU visant à favoriser la réalisation des logements locatifs sociaux dans les communes qui en comptent moins de 20 %.
Après l'avoir plus qu'édulcoré - soustraction de nombreuses communes sous divers prétextes - la majorité de la commission des affaires économiques propose d'ajouter un nouveau dispositif à celui de la loi SRU tendant à favoriser une « démarche contractuelle ».
L'idée de la contractualisation n'est pas critiquable en soi. Ce qui l'est, c'est que, sous prétexte de mettre en place une telle démarche, la commission en profite pour revoir à la baisse les objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux, pour les étaler dans le temps, pour diminuer le montant de la contribution de solidarité et pour donner au préfet la possibilité de réduire les obligations de certaines communes sur des critères volontairement imprécis et larges.
C'est ainsi que, dans le système proposé, une commune qui n'a pas de logements sociaux verra ses obligations divisées par trois, n'ayant plus que 1 % de logements sociaux à construire par période triennale, contre 3 % actuellement, et mettra donc soixante ans pour atteindre 20 % de logements sociaux, contre vingt ans actuellement.
Ce système est inacceptable car, dans les faits, il va se substituer à celui de la loi SRU, beaucoup plus volontariste. Il est surtout inacceptable, car en freinant ainsi la dynamique en faveur du logement locatif social et de la mixité sociale, il fait fi de la demande insatisfaite de près de 2 millions de ménages dans notre pays. Il fait également fi de la politique de la ville qui, par les opérations de démolition-reconstruction, a pour objet de reconstruire les logements démolis non pas sur les mêmes territoires, mais sur d'autres sites pour bâtir des villes plus harmonieuses.
C'est pourquoi il vous est proposé de supprimer cet article.
En ce qui concerne l'amendement n° 40, le deuxième alinéa de l'article 3 est extrêmement sophistiqué. Certes, on voudrait croire que c'est scientifique, puisque nous avons eu affaire à des mathématiciens eu égard à l'approche particulière du nombre de logements à créer. Le résultat est simple : c'est un étalement dans le temps de la contractualisation de nouveaux objectifs pour les communes. Mais comment peut-on accepter le fait qu'une commune dispose de soixante ans pour se mettre à niveau ?
Les candidats locataires qui viendront voir les maires de ces communes se verront répondre gentiment ceci : « J'ai fait ce qu'il fallait pendant mes dix premières années de mandat ; revenez me voir dans trente ou quarante ans ». Je doute qu'ils soient satisfaits d'une telle réponse ! Je pense que cette disposition n'est pas acceptable en l'état.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour présenter l'amendement n° 28.
M. Dominique Braye. Il s'agit d'un amendement de clarification. Il tend à préciser que l'exigence du tiers du flux prime sur le seuil de 1 % et que ce tiers s'applique à l'ensemble des nouvelles constructions.
Cet amendement tend donc à lever plusieurs ambiguïtés, notamment celle que mon collègue Jean-Yves Mano rabâche depuis le début,...
M. Jean-Yves Mano. C'est la réalité !
M. Dominique Braye. ... à savoir qu'il faudra soixante ans aux communes pour atteindre les 20 % de logements sociaux. Ce serait le cas si les communes ne construisaient que 1 % de logements sociaux !
C'est la raison pour laquelle nous voulons qu'il soit précisé, je le répète, que c'est l'exigence du tiers des logements construits sur la commune qui s'imposera.
Ce matin, en discutant avec Jean-Paul Alduy de ce problème du tiers, nous nous demandions s'il ne faudrait pas porter le seuil de 1 % à 2 %. Nous lui avons expliqué qu'en fait il fallait tenir compte non pas du 1 % mais du nombre de logements qu'il avait fait construire sur sa commune. Il nous a dit que ce nombre s'élevait à 1 500, soit 500 logements sociaux nouveaux par an. A l'énoncé de ce dernier chiffre, il a eu le réflexe d'un boxeur récevant un uppercut dans le foie : effectivement, ça fait beaucoup !
Soyons au moins honnêtes entre nous ! Reconnaissons que ce seuil de 1 % représente un plancher pour éviter que des communes ne détournent la loi. Il faut un minimum ! Mais, en réalité, c'est toujours l'obligation du tiers qui s'imposera, sachant que cette exigence de niveau correspond, comme l'a dit M. le ministre, à 24 000 logements sociaux construits par an si toutes les communes s'engagent dans une démarche contractuelle, ce qui est nettement supérieur à ce que prévoit la loi SRU dans sa version actuelle. Il faut en tenir compte !
A propos du plancher de 1 % - il faut faire un peu de technique ! - je tiens à rappeler qu'il ne s'applique qu'aux communes qui ont moins de 13 % de logements sociaux. Dans le cas contraire, ce serait leur imposer des obligations supérieures à la loi SRU actuelle. Ce seuil minimum serait donc plafonné à 15 % du nombre de logements locatifs sociaux manquants pour atteindre 20 % du total des résidences principales.
Ce seuil de 1 % a tout simplement pour objet de prendre en compte la situation de communes qui n'ont pas du tout de logements sociaux. On ne peut pas demander l'impossible : 1 %, c'est déjà beaucoup ! Parfois, elles ne sont pas responsables de cet état de fait. Nous souhaitons donc pénaliser les communes qui n'accompliraient aucun effort pour rattraper leur retard, et non pas celles dont la situation serait due à ce qui n'aurait pas été réalisé dans les années précédentes.
Notre objectif est toujours le même : faire en sorte que les communes construisent des logements sociaux, afin que les plus modestes de nos concitoyens puissent se loger dans des conditions décentes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour présenter l'amendement n° 41.
M. Jean-Yves Mano. Certes, le délai de soixante ans pour se mettre à niveau est peut-être un cas d'école mais il est des cas d'école qui peuvent se réaliser ! On ne peut pas dire que vous nous proposiez une politique volontariste en matière de construction de logements sociaux, bien au contraire !
J'en viens à l'amendement n° 41.
La démarche de contractualisation volontaire n'est acceptable que si les objectifs actuels sont maintenus. Une commune qui n'a pas de logements sociaux ne doit pas pouvoir se contenter d'un rattrapage en soixante ans de l'objectif de 20 % de logements sociaux. Ce rattrapage doit se faire en vingt ans.
C'est pourquoi il est proposé que l'engagement triennal de réalisation de logements locatifs sociaux soit au moins égal à 15 % du nombre de logements locatifs sociaux nécessaires pour atteindre 20 % du total des résidences principales.
Toute mesure qui va en deçà du texte initial ne favorise pas le développement du logement social dans ce pays.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 67.
M. Gilles de Robien, ministre. La rédaction actuelle de la proposition de loi amènerait les communes à prendre un engagement sur le nombre de logements, avec le risque que des écarts importants puissent apparaître, lesquels conduiraient à effectuer des rectifications en cours de parcours.
Il apparaît donc préférable au Gouvernement que l'engagement de la commune s'effectue en toute connaissance de cause, par référence au rythme de construction de la période récente, et non par rapport au rythme de la période future.
Par ailleurs, l'amendement du Gouvernement permet de clarifier le mode de calcul de l'engagement contractuel de la commune.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour présenter l'amendement n° 10.
M. Jean-Paul Alduy. Au risque d'apparaître un peu têtu, je vais vous citer l'exemple d'une commune de 100 000 habitants qui compte 50 000 résidences principales : 1 %, cela représente 500 logements, soit 166 par an, et si l'on applique la règle du tiers, cela fait 55 logements sociaux par an. Cela me paraît peu !
Par conséquent, dans le présent amendement, je vous propose de retenir le seuil de 2 %, et non pas de 1 % ; je reprends là la proposition que j'ai faite en commission, monsieur le rapporteur. En effet, se limiter à un plancher de 1 % ne permet pas à des communes qui sont très en retard de combler ce retard dans un délai suffisant, même si, je l'admets, c'est la règle du tiers et la contractualisation qui doivent prévaloir.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est le bon sens !
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour présenter l'amendement n° 42.
M. Jean-Yves Mano. Le troisième alinéa du texte proposé par le 2° de l'article 3 autorise le préfet, sous certaines conditions, à réduire les obligations d'une commune si elle fait l'objet de servitudes ou de contraintes liées à des risques miniers, à la protection des monuments historiques ou encore du fait d'une forte densité urbaine, au motif qu'elle ne disposerait pas de réserves foncières.
Permettez-moi de m'inscrire en faux contre de telles mesures, qui seraient vécues comme des contraintes. Certes, des difficultés peuvent surgir s'agissant de certains terrains. Mais je rappelle, une fois de plus, que d'autres possibilités existent pour construire des logements sociaux : droit de préemption pour acquérir des logements existants ; incitation des propriétaires privés à conclure des conventions avec l'ANAH et donc, à partir de ce moment-là, à pratiquer des loyers conventionnés dits « sociaux » ; acquisition des immeubles existants. Et on ne sait pas où s'arrête la notion de « forte densité urbaine » laissée à l'appréciation du préfet.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 68.
M. Gilles de Robien, ministre. Il s'agit d'encadrer les pouvoirs du préfet de telle manière que cette mesure ne puisse s'appliquer qu'à des communes où le rythme annuel de construction de logements est effectivement inférieur à la moyenne nationale.
Il est par ailleurs proposé d'ajouter parmi les éléments d'appréciation du préfet l'existence d'un plan de prévention des risques couvrant plus de la moitié du territoire urbanisé de la commune.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour présenter les amendements n°s 43 et 44.
M. Jean-Yves Mano. En ce qui concerne l'amendement n° 43, M. le rapporteur nous propose de soumettre la contribution des communes qui sont membres d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de programme local de l'habitat à l'accord de cet établissement. La suspension du prélèvement constitue une perte de recettes pour l'EPCI et doit donc être soumise à son accord.
L'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit que le prélèvement de solidarité est versé à l'EPCI dont est membre la commune lorsque cet EPCI est doté d'un plan local de l'habitat pour réaliser des logements locatifs sociaux.
Soumettre à l'accord de cet EPCI la supension du prélèvement est une question de principe puisque, de fait, cette suspension aboutit à une perte de recettes sur lesquelles les communes comptaient pour mener à bien une politique de développement du logement social.
L'amendement n° 44 a pour objet de garantir qu'une commune qui n'a pas respecté ses engagements n'aura pas, finalement, un prélèvement plus faible qu'une commune ayant accepté les obligations de la loi SRU.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 69.
M. Gilles de Robien, ministre. Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, le Gouvernement est absolument persuadé que le dispositif contractuel permettra d'obtenir de meilleurs résultats qu'un dispositif contraignant qui impose et pénalise d'emblée.
Pour prouver sa bonne foi et pour mesurer les effets de cette politique contractuelle, le Gouvernement vous propose, par l'amendement n° 69, d'évaluer, après trois ans d'exercice, les effets concrets de ce dispositif et d'inscrire cette mesure dans la loi.
M. Yves Coquelle. Nous sommes d'accord !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. L'article 3 de la présente proposition de loi constitue, chacun l'a bien compris, le coeur du dispositif de contractualisation. Il définit les conditions dans lesquelles les communes pourront désormais s'engager par délibération. La commission ne peut qu'émettre un avis défavorable sur les amendements identiques n°s 14 et 39 qui tendent à la suppression d'un article aussi fondamental.
Selon les simulations qui ont été effectuées, 24 000 logements devraient être construits si les communes s'engagent dans ce contrat.
M. Jean-Yves Mano. Je n'y crois pas !
M. Dominique Braye, rapporteur. Nous espérons obtenir de meilleurs résultats que précédemment, avec l'ancien dispositif.
L'amendement n° 40 aboutirait in fine à revoir à la baisse les objectifs de la loi. La commission a donc émis un avis défavorable.
L'amendement n° 41 tend à fixer les obligations contractuelles au niveau des obligations actuelles, c'est-à-dire à revenir à l'ancien dispositif. La commission a donc également émis un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 67, monsieur le ministre, la commission est prête à accepter comme période de référence les trois années passées et non pas les années à venir. Toutefois, une chose me gêne un peu : avec cette proposition de loi, la commission souhaitait faire table rase du passé. C'était la philosophie qui nous inspirait.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est tout le problème de cette proposition de loi !
M. Dominique Braye, rapporteur. On demandait aux communes de s'engager et elles auraient été pénalisées en fonction de ce qu'elles auraient fait.
Certaines communes qui ont, dans les années précédentes, beaucoup construit, auront désormais de lourdes obligations qu'elles auront de la peine à respecter. Inversement, des communes qui auront peu construit auront de faibles obligations alors qu'elles devraient en avoir de plus fortes.
Je comprends bien la clarification que cela apportera, notamment en ce que la disposition nous permettra d'avoir un objectif mesuré d'entrée. J'émettrai donc un avis favorable.
Cela étant, il est un problème que nous n'avons fait qu'aborder en commission et qui me paraît intéressant, monsieur le ministre, celui de ces logements sociaux que les élus n'arrivent pas, ou difficilement, à louer.
M. Gilles de Robien, ministre. C'est le problème des logements vacants !
M. Dominique Braye, rapporteur. Le maire de Rodez m'a saisi de ce sujet ainsi que M. Darniche, pour la Vendée, et bien d'autres élus encore : même avec moins de 20 % de logements sociaux, ils n'arrivent pas à trouver de locataires parce que la culture locale, c'est plutôt l'accession à la propriété.
Va-t-on obliger ces agglomérations à construire plus de logements sociaux avec pour seul effet d'accroître encore le parc de logements vacants ? Ce serait vraiment ne pas tenir compte de la réalité de notre pays. C'est un problème sur lequel il faudrait peut-être se pencher.
M. Hilaire Flandre. C'est la technocratie qui est la responsable !
M. Dominique Braye, rapporteur. L'amendement n° 10 vise à passer à 2 %. Ce qui prime pour nous, c'est le flux, c'est la base du contrat : l'objectif de 2 % des résidences principales quand on part de zéro me paraît trop difficile à atteindre.
Donc, pour ma part, je souhaite que M. Jean-Paul Alduy retire son amendement afin de ne pas obliger la commission à émettre un avis défavorable, ce que le rapporteur ne souhaite pas !
M. le président. Monsieur Alduy, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Alduy. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 10 est retiré.
M. Jean-Yves Mano. C'est un amendement excellent et je le reprends, monsieur le président !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 10 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. L'amendement n° 42 tend à supprimer la disposition offrant la possibilité au préfet de réduire les obligations des communes dans certains cas.
Nous ne pouvons prévoir tous les cas d'impossibilité, mais nous faisons confiance aux élus ainsi qu'aux représentants de l'Etat, qui jugeront des impossibilités objectives et avérées. Nous sommes donc opposés à l'amendement de M. Mano, d'autant plus que, s'il était adopté, l'amendement du Gouvernement deviendrait sans objet, ce que nous ne souhaitons pas.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 42.
En ce qui concerne l'amendement n° 68 et les plans de prévention des risques, la commission émet un avis favorable. L'idée de placer le dispositif à cet endroit-là du texte est excellente.
L'amendement n° 43 vise à soumettre à l'accord de l'EPCI dont la commune est membre la suspension du prélèvement annuel prévu par l'article 55.
Au moment où l'on veut stimuler l'intercommunalité, il ne s'agit pas d'exiger d'une commune appartenant à un EPCI une autorisation supplémentaire et donc de lui imposer une contrainte nouvelle. D'ailleurs, notre proposition de loi impose ces obligations au niveau de l'EPCI. C'est donc bien à ce niveau de l'EPCI que tout cela doit se passer, et je ne doute pas que tout se passera bien.
L'avis de la commission sur l'amendement n° 43 est donc défavorable.
L'amendement n° 44 tend à substituer aux mécanismes de pénalité prévus dans la proposition de loi un mécanisme différent. M. Mano nous propose, par cet amendement, de pénaliser plus fortement des communes qui ne seraient pas arrivés à respecter leur contrat que des communes qui n'auraient rien fait. Vous comprenez bien qu'à partir du moment où des communes s'engagent dans la construction de logements sociaux, même si elles ne respectent pas totalement leur contrat, nous souhaitons qu'elles soient moins fortement pénalisées que des communes qui ont décidé de ne rien faire.
M. Jean-Yves Mano. Mais non ! Ce n'est pas cela !
M. Dominique Braye, rapporteur. Je tiens à attirer l'attention de la Haute Assemblée sur ce point : des communes qui s'écarteraient par trop des obligations prévues au contrat pourraient effectivement être l'objet d'amendes d'un montant supérieur à celui des pénalités applicables à des communes qui auraient décidé de ne rien faire, et ce même si les communes en question étaient arrivées à 50 % d'exécution du contrat. Pénaliser, par exemple, une commune à qui il manque trois logements sociaux plus fortement qu'une commune qui a décidé de ne rien faire, cela me paraît peu raisonnable.
En conséquence, l'avis de la commission sur l'amendement n° 43 est défavorable.
Sur l'amendement n° 69, j'émettrai un avis excessivement favorable, car il est nécessaire d'avoir un débat dans trois ans.
M. Guy Fischer. Nous voilà rassurés !
M. Dominique Braye, rapporteur. Mon cher collègue, je crois vraiment que, dans trois ans, nous aurons de bonnes nouvelles et nous pourrons nous féliciter d'avoir adopté cette formule.
En tout cas, nous mettons tout en oeuvre pour y arriver.
M. Guy Fischer. Nous jugerons au bilan !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Les amendements identiques n°s 14 et 39 étant des amendements de suppression, le Gouvernement émet un avis défavorable. Cet article 3 est effectivement le coeur du dispositif. Il correspond exactement à la philosophie du Gouvernement, qui veut encourager les communes à s'engager à réaliser des logements sociaux et non à les punir comme dans le cadre du dispositif existant.
Sur l'amendement n° 40, contrairement aux affirmations de M. Mano, si toutes les communes s'engagent, la production de logements sociaux sera supérieure de 15 % à celle qui est prévue dans le dispositif actuel.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement n° 40, qui freinerait la réalisation de logements sociaux.
Sur l'amendement n° 28,...
M. Dominique Braye. Je le retire, compte tenu du fait que la commission a accepté l'amendement n° 67 du Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 28 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. L'amendement n° 41 ne nous semble pas avoir beaucoup de sens, puisqu'il fixe des objectifs identiques aux communes, qu'elles sortent du dispositif existant ou qu'elles y restent. La proposition de loi a précisément pour objet de fixer, selon les communes, des objectifs supérieurs ou inférieurs aux objectifs initiaux en fonction du rythme réel de construction dans la commune.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Pour l'amendement n° 10 rectifié, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Sur l'amendement n° 42, le Gouvernement émet un avis défavorable, étant rappelé que l'amendement n° 68 tend à encadrer le pouvoir du préfet.
L'amendement n° 43 introduirait une procédure supplémentaire, ce qui va à l'encontre de l'objectif de mixité sociale et de production de nouveaux logements sociaux, objectif partagé par le Gouvernement et, certainement, par les auteurs de l'amendement. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 44 prévoit un autre système de pénalisation qui serait complètement injuste, puisqu'une commune qui aurait réalisé 99 % de son contrat serait davantage pénalisée que la commune qui n'aurait pas contractualisé du tout. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 14 et 39.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 10 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - Dans la première phrase de l'article L. 302-9 du même code, le mot : "approuvé" est remplacé par le mot : "adopté". »
L'amendement n° 15, présenté par M. Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. L'article 4 de la proposition de loi découle naturellement de la rédaction des trois premiers articles. C'est donc tout à fait logiquement que nous proposons sa suppression à la Haute Assemblée, par simple cohérence avec notre position de fond.
Cependant, que se passera-t-il si le PLH n'est pas adopté ? Nous souhaiterions obtenir quelques éclaircissements sur cette question.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Je m'étonne de la démarche d'opposition systématique qu'a adoptée le groupe CRC.
En effet, monsieur Le Cam, cet article tend à préciser dans le code de la construction et de l'habitation que les programmes locaux d'habitat sont « adoptés », comme l'énonce l'article L. 302-2, et non « approuvés » comme le prévoit l'article L. 302-9. Cet article vise par conséquent tout simplement à corriger une inexactitude du code de la construction et de l'habitation.
Je ne vous cache pas que votre amendement ne manque pas de me surprendre, à moins que vous ne souhaitiez pas mettre en cohérence les deux articles du code. Je souhaite donc que vous retiriez votre amendement, monsieur Le Cam. Dans le cas contraire, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, car il estime que le terme « adopté » est tout à fait pertinent, et donc que la rédaction de la proposition de loi est meilleure.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - Le troisième alinéa de l'article L. 301-3 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : "Il donne notamment priorité aux engagements pris par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale en application de l'article L. 302-8". »
L'amendement n° 16, présenté par M. Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. L'article 5 pose quelques questions qui motivent de notre part un rejet pur et simple.
En effet, une fois déterminés des objectifs pour le moins modestes de réalisation de logements sociaux, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale répondant à la définition posée par les articles précédents de la proposition de loi bénéficieraient d'une priorité dans l'attribution des financements de la politique de l'habitat.
Permettez-nous, là encore, de nous poser des questions.
Nous touchons, en effet, l'une des données essentielles de la situation des dernières années, à savoir l'inadéquation entre les financements existants pour la réalisation de logements sociaux et la demande collective en cette matière.
Quelques avancées ont eu lieu ces dernières années, telles que la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien ou de réhabilitation, mais les conditions générales de financement demeurent largement insuffisantes et continuent, singulièrement en Ile-de-France, à renchérir le coût des opérations.
Même si nous touchons largement au domaine réglementaire, puisque le niveau de subvention des prêts locatifs aidés ou des primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, les PALULOS, est directement dépendant de l'enveloppe ouverte à ce titre par la loi de finances, nous constatons que la sous-consommation des crédits trouve en partie son origine dans la difficulté à boucler les financements.
Nous ne pouvons d'ailleurs que souligner que l'enveloppe inscrite dans le projet de loi de finances pour 2003, monsieur le ministre, est très largement insuffisante et risque d'aggraver la situation, déjà fort compromise.
Alors, accorder une priorité aux communes et aux EPCI engagés dans un processus de « rattrapage » par la mise en oeuvre de plans locaux de l'habitat est tout sauf une solution égalitaire et respectueuse des besoins.
Pourquoi en effet donner plus à certains quand, dans le parc social existant, il faut aussi faire face à des besoins importants ?
Que voulez-vous, nous ne croyons pas aux vertus de la priorité qui serait soudainement accordée à ceux qui se seraient si longtemps dispensés de réaliser des logements sociaux. Elle aurait d'ailleurs un caractère pour le moins injuste, ne tenant pas véritablement compte des réalités.
Il nous semble en outre, mais ce n'est sans doute qu'une impression, que la mesure préconisée par l'article 5 relève plus du domaine réglementaire que du domaine législatif.
C'est sans doute le travers d'une proposition de loi mal ficelée, qui n'aspire, au fond, qu'à rendre vaine toute initiative de solidarité nationale en matière de logement.
Au bénéfice de ces observations, je ne peux qu'inviter le Sénat à adopter notre amendement tendant à supprimer l'article 5.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Le rapporteur est toujours étonné par les propos de M. Le Cam.
L'article 5 tend tout simplement, dans l'hypothèse où les communes décident de s'engager dans la démarche contractuelle prévue à l'article 3, à permettre au préfet, dans son pouvoir de répartition des crédits, de favoriser les communes et les EPCI qui ont un déficit de logements sociaux.
Je croyais que nos collègues communistes souhaitaient mieux répartir le logement social sur le territoire. Alors, pourquoi ne pas aider ceux qui ont le moins de logements sociaux ? J'avoue, monsieur Le Cam, que je ne comprend absolument pas. Je peux, bien sûr, admettre que les crédits sont parfois insuffisants pour réaliser les opérations et vous avez pu constater, monsieur le ministre, à la lecture des lettres que j'ai pu citer au début de notre débat, que les maires se plaignaient de n'avoir pas pu engager des opérations, faute de bénéficier d'un soutien financier.
En tout cas, si le financement est insuffisant, monsieur Le Cam, et si nous voulons, comme vous le demandez depuis le début de la soirée, mieux répartir les logements sociaux, vous conviendrez avec moi que votre amendement de suppression de l'article 5 est excessivement étonnant dans la mesure où ce dernier permet précisément de construire plus de logements sociaux là où il y en a le moins !
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement souhaiterait d'abord répondre à l'interpellation de M. Le Cam sur les crédits du logement puisqu'ils augmentent, comme vous le savez, monsieur le sénateur, de 15 millions d'euros pour la ligne fongible et que, concernant les subventions pour surcharge foncière en Ile-de-France, c'est une augmentation de 25 % que vous aurez à voter, le cas échéant.
Voilà pour l'aspect budgétaire de la question...
En ce qui concerne votre amendement, je vous avoue franchement que vous allez exactement à contresens de ce que l'on pourrait appeler « le mieux-disant social », puisque la disposition à laquelle vous vous opposez donne la priorité aux communes qui sont soumises à l'article 55 pour l'obtention des aides de l'Etat destinées à la réalisation de logements locatifs sociaux.
Par conséquent, l'adoption de votre amendement aurait pour conséquence de freiner la construction de logements sociaux dans les communes qui en ont le plus besoin. A notre sens, c'est complètement illogique. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - Les sommes affectées au fonds d'aménagement urbain au titre du prélèvement de l'année 2002 en application de l'article L. 302-7 du même code sont reversées aux fonds d'aménagement urbain régionaux. Chaque fonds régional reçoit les prélèvements des communes situées dans sa région.
« Le prélèvement de l'année 2003 effectué en application de l'article L. 302-7 du même code est reversé aux communes qui ont adopté un engagement triennal défini au cinquième et au sixième alinéa de l'article L. 302-8 du même code avant le 1er janvier 2004. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 17, présenté par M. Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 45, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le second alinéa de cet article. »
L'amendement n° 29, présenté par M. Braye, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :
« Le prélèvement de l'année 2003 effectué en application de l'article L. 302-7 du même code sur les communes qui ont adopté un engagement triennal défini au cinquième et au sixième alinéa de l'article L. 302-8 du même code avant le 1er janvier 2004 leur est reversé. »
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Gérard Le Cam. Etrange article, à proprement parler, que l'article 6 de la proposition de loi dont nous débattons !
Nous avons souligné, dans la discussion des articles précédents, qu'il s'agissait clairement de créer les conditions permettant à certaines communes soumises aux dispositions de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation - qui traite du financement, par la solidarité nationale, de la réalisation de logements sociaux - de s'exempter au maximum de leurs obligations.
Par cet article 6, il s'agit d'alimenter les fonds urbains régionaux avec ce qui restera du solde dudit prélèvement - nous demandons à voir ce que cela peut donner, puisque le rapport ne le précise pas -, et donc, dans les faits, à consacrer une sorte de solidarité interne entre les communes que nous allons définir ci-après : si vous n'avez pas de logements sociaux sur votre territoire en nombre significatif et que vous ne vous engagez pas à en construire dans les trois années à venir, vous serez autorisés à vous acquitter d'un prélèvement qui sera prioritairement redistribué à des communes dont la situation est proche de la vôtre et ayant le bon goût d'en construire une poignée.
En clair, alors que le prélèvement institué par l'article L. 302-7 tendait à permettre le financement des opérations menées dans le cadre des grands projets urbains ou des contrats de ville, il serait désormais recentré sur le financement de timides objectifs de construction définis par les communes redevables.
Dans l'absolu, cela consisterait à faire financer les logements sociaux que l'on pourrait construire en petit nombre à Buchelay avec l'argent du Vésinet ou de Montfort-l'Amaury, tandis que la requalification du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie pourrait attendre. (M. le rapporteur sourit.)
De la même manière que pour l'article 5, cette forme de priorité accordée à quelques opérations de construction permettant de se donner bonne conscience et de se dégager à bon compte de ses obligations ne peut pas recevoir notre assentiment.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour défendre l'amendement n° 45.
M. Jean-Yves Mano. Il est injustifié que les sommes perçues au titre du prélèvement de solidarité de 2003 soient versées directement aux communes qui ont adopté un engagement triennal dans le cadre, soit du dispositif actuel, soit de celui qui est prévu par la proposition de loi, au motif qu'il faut tenir compte des délais de mise en oeuvre du nouveau dispositif alors qu'il n'est pas précisé que ces sommes sont affectées à la réalisation de logements sociaux.
Cette disposition rompt avec les choix qui ont été opérés dans la loi SRU. Elle prive par ailleurs les EPCI dotés d'un PLH de recettes qui leur reviennent de droit pour effectuer des réserves foncières, comme le prévoit l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour défendre l'amendement n° 29.
M. Dominique Braye. Cet amendement, purement rédactionnel, vise à clarifier le second alinéa de l'article 6, de façon à éviter les contestations juridiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. J'émettrai naturellement un avis défavorable sur l'amendement n° 17, qui vise à supprimer l'article 6 du texte dont je suis le rapporteur.
Je préciserai que le fonds d'aménagement urbain n'existe pas faute d'avoir été créé par décret. Les sommes qui lui étaient affectées représentaient 40,2 millions d'euros.
Monsieur Mano, en outre, 6 millions d'euros seulement ont été versés aux EPCI. Nous souhaitons que le reliquat soit affecté aux fonds d'aménagement urbains régionaux, de façon à être distribués et mis en oeuvre le plus rapidement possible auprès des communes. Ce serait une manière d'anticiper la décentralisation que nous souhaitons voir intervenir au niveau du logement et de l'habitat.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 45. Nous aurions souhaité, pour lancer un signal fort aux communes afin qu'elles s'engagent immédiatement dans la contractualisation en faveur du logement social, que le prélèvement de 2003 soit opérationnel dès le 1er janvier. Manifestement, le calendrier parlementaire ne le permet pas. Nous souhaitons inciter d'ores et déjà les communes à s'organiser en vue de la contractualisation.
Notre objectif, contrairement à vous, monsieur Mano, n'est pas de pénaliser les communes, mais de faire en sorte qu'elles construisent du logement social ; nous leur reverserons donc ces sommes si elles contractualisent avec l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 17.
Je rappelle à M. Le Cam que le précédent gouvernement voulait que les fonds d'aménagement urbain soient régionaux, mais que le Conseil d'Etat avait rejeté le projet de décret d'application. Je comprends donc mal que les auteurs de l'amendement veuillent empêcher la correction d'une erreur du précédent gouvernement.
S'agissant de l'amendement n° 45, je rappelle que le précédent dispositif ne prévoyait pas la gestion des phases transitoires. C'est l'objet du second alinéa de l'article 6, et le Gouvernement est donc défavorable à sa suppression.
L'amendement n° 29 tend au contraire à clarifier la rédaction de ce même alinéa, et le Gouvernement y est favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À L'URBANISME

Article additionnel avant l'article 7



M. le président.
L'amendement n° 52, présenté par MM. Goulet, Doublet, de Montesquiou, Türk et Demilly, est ainsi libellé :
« Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 121-7 du code de l'urbanisme est complété in fine par deux alinéas ainsi rédigés :
« Ces frais d'étude, d'élaboration, de révision ou de modification des documents d'urbanisme peuvent être inscrits dans la section d'investissement des budgets communaux, prévue à l'article L. 2311-1 du code général des collectivités territoriales.
« Lorsqu'elles engagent de tels frais, les collectivités locales et leurs groupements peuvent prétendre à ce titre aux attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. »
La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. Nous abordons un tout autre registre, puisqu'il s'agit maintenant d'urbanisme et, plus particulièrement - problème auquel nos communes, notamment les plus petites, sont confrontées -, de la prise en charge du coût de la réalisation des documents d'urbanisme.
La réalisation de ces documents représente une part très importante des budgets communaux, d'autant que leur conception ne peut pas toujours être réalisée par les directions départementales de l'équipement. Les communes, en premier lieu celles qui sont les plus démunies en personnel et en matériel, sont dès lors obligées de faire appel à des acteurs économiques privés.
Les frais correspondants étant inscrits au chapitre des dépenses de fonctionnement des budgets communaux, il vous est proposé de permettre aux communes, en particulier aux plus petites d'entre elles, d'inscrire leurs dépenses au chapitre des investissements - il s'agit d'ailleurs bien d'investissements sur l'avenir - afin qu'elles puissent bénéficier des attributions du fonds de compensation de la TVA.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. M. Goulet soulève un vrai problème, celui du financement des documents d'urbanisme, problème d'autant plus d'actualité qu'avec les PLU, les SCOT et autres documents d'urbanisme, les frais sont maintenant beaucoup plus importants qu'ils ne l'étaient auparavant ; notre collègue propose donc que ces frais soient inscrits parmi les dépenses d'investissement des communes afin que celles-ci puissent récupérer une partie de la TVA par l'intermédiaire du FCTVA.
Le rapporteur que je suis serait tenté d'être favorable à cette proposition, mais il ne peut s'empêcher de se tourner vers M. le ministre pour lui demander quelle serait son incidence financière et pour s'assurer de sa compatibilité avec la réforme de la décentralisation.
La commission souhaite donc entendre le Gouvernement, mais je peux dire d'emblée que son avis est un avis de sagesse plutôt positif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. J'aimerais pouvoir donner un avis identique, mais je ne le puis, même si je suis très sensible à la question que vous soulevez, monsieur Goulet.
Le financement des études d'urbanisme représente en effet une très lourde charge pour les communes, les petites et les moyennes surtout. Si je comprends votre préoccupation, j'estime cependant que l'amendement présenté n'apporte pas une réponse satisfaisante à la question du financement. Il induirait une dépense supplémentaire, qui serait compensée par l'augmentation d'une taxe, ce que le Gouvernement ne souhaite pas.
La question soulevée ne peut être examinée que dans le cadre du projet de loi de finances, dont c'est d'ailleurs la saison.
Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut qu'émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.
M. Yves Dauge. Je soutiens évidemment cet amendement, même si je suis conscient des problèmes techniques d'application qu'il soulève.
Je pense, monsieur le ministre, que les budgets d'urbanisme et les crédits d'études ne sont pas à la hauteur pour soutenir la politique de planification - c'est le moins que l'on puisse dire et c'est le cas depuis longtemps - et qu'ils mériteraient d'être réexaminés, si ce n'est pas possible ce soir, du moins dans le cadre du projet de budget, dans le sens positif de l'amendement n° 52.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. Je soutiens moi aussi cet amendement, qui m'amène à évoquer un autre problème, celui du financement des cartes communales.
Si les PLU et les SCOT peuvent être aidés au titre de la DGD, il n'en est pas de même pour les cartes communales. Or, les dispositions que nous avons adoptées étant plus lourdes en termes d'études, il nous faut aussi encourager les communes à se lancer dans ces démarches prospectives. Encore faut-il qu'elles en aient les moyens et j'attire donc votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de prendre en compte au titre de la DGD le financement des cartes communales.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 7.

Article 7



M. le président.
« Art. 7. - Le 12° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :
« 12° Fixer une superficie minimale des terrains constructibles qui ne peut excéder deux fois la superficie moyenne par bâtiment de la zone considérée lorsque celle-ci se trouve en site urbain constitué ; »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 46 est présenté par MM. Dauge, Mano et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 5, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
« Après les mots : "des terrains", rédiger ainsi la fin du texte proposé par cet article pour le 12° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : "dès lors que celle-ci est justifiée par des objectifs d'urbanisme ou des objectifs techniques ;". »
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 18.
Mme Odette Terrade. Pas plus que les dispositions des six premiers articles de la présente proposition de loi, les quatre articles portant modification du droit de l'urbanisme n'apportent de progrès réels à la législation en vigueur.
La loi sur la solidarité et le renouvellement urbains avait, parmi ses effets attendus, celui de permettre une prise en compte plus globale et plus systémique des problèmes de développement urbain, dépassant la seule vision empirique des élus locaux en relation avec leurs administrés, au travers de la gestion de droits à construire plus ou moins rationnellement distribués.
Or les dispositions qui nous sont proposées ici ne consistent, dans les faits, qu'à opérer un retour aux pratiques anciennes, sans que soit prise en compte l'évaluation de ce que la loi SRU aurait pu ou a déjà permis de mettre en oeuvre.
C'est une sorte de retour à l'urbanisme de circonstance qui nous est proposé avec cet article 7, qui vise en fait à geler toute véritable initiative de développement intégré des centres urbains.
Si l'on suit l'approche défendue par notre rapporteur, on se trouvera très vite dans l'incapacité de mener une politique rationnelle et efficiente de rénovation des centres urbains, enjeu pourtant essentiel de toute politique de la ville et susceptible, dans le cadre d'une programmation équilibrée, de permettre la création d'une offre diversifiée de logements.
L'aspiration de nombre de nos concitoyens à vivre dans les centres-villes anciens, des travaux de remise aux normes actuelles de confort fussent-ils nécessaires, est suffisamment réelle pour motiver le refus du choix opéré à l'article 7.
De la même manière, si l'on suit l'orientation fixée par la proposition de loi, il sera quasiment impossible de réaliser des logements collectifs, même dans des immeubles à dimension humaine, dans les secteurs pavillonnaires relativement denses.
C'est peut-être d'ailleurs l'une des motivations de la proposition de loi, dont l'égoïsme transparaît dans l'exposé des motifs des six premiers articles, que de donner une justification législative à une évolution du droit de l'urbanisme rendant impossible la réalisation de tel ou tel programme locatif ou collectif.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la même logique que celle qui nous a animés lors de la discussion des six premiers articles, nous invitons donc le Sénat à procéder à la suppression pure et simple de l'article 7 de la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter l'amendement n° 46.
M. Yves Dauge. On nous propose à l'article 7 de « fixer une superficie minimale des terrains constructibles qui ne peut excéder deux fois la superficie moyenne par bâtiment de la zone considérée lorsque celle-ci se trouve en site urbain constitué ».
Il faut éviter ce type de formule.
En effet, les efforts faits pour développer les plans locaux d'urbanisme ont justement consisté à tourner la page, à abandonner cette approche à base de chiffres et de coefficients, pour laisser place à une politique de projets construite autour d'une autre vision de l'urbanisme.
Inutile, dès lors, de revenir à l'état antérieur en recourant à un mode de calcul qui, je regrette de le dire, est totalement dépassé.
Par ailleurs, on peut parfaitement régler le problème en utilisant des dispositifs existants, notamment dans le cadre des PLU ou de la loi « paysage ».
Je partage l'analyse quant au contenu, mais la formulation me gêne, étant cependant précisé qu'en matière d'assainissement - c'est une exception - la fixation d'une surface minimale peut s'imposer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Jean-Paul Alduy. Je ne suis pas plus que M. Dauge persuadé de l'utilité des formules mathématiques. Je crois plutôt aux vertus des choses simples. Je vous propose donc, à la fin du texte proposé par l'article 7 pour le 12° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, après les mots : « des terrains », d'ajouter les mots : « dès lors que celle-ci est justifiée par des objectifs d'urbanisme ou des objectifs techniques ; ».
En d'autres termes, laissons les maires choisir leur politique urbaine. Laissons-leur, là la possibilité de réaliser une urbanisation aérée, ici celle de conserver un rythme de façade, celle d'encourager les regroupements...
Les objectifs techniques doivent, certes, être respectés. Ainsi, les règles relatives à la superficie minimale des terrains doivent, depuis l'entrée en vigueur de la loi sur l'eau, être cohérentes avec les zones d'assainissement non collectif.
Faut-il pour autant définir systématiquement une règle de surface minimale ? Je n'en suis pas persuadé. Laissons aux communes la possibilité de déterminer un périmètre, si elles le souhaitent, mais ne les enfermons pas dans des règles mathématiques.
L'urbanisme doit se méfier des règles mathématiques trop complexes !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques n°s 18 et 46.
J'ai entendu, dans l'argumentaire présenté par Mme Terrade, des phrases que j'avais pu lire dans la lettre que j'ai reçue du Syndicat national des aménageurs-lotisseurs, lesquels souhaitent en effet construire partout et toujours : ils sont, c'est vrai, à l'affût de la moindre petite parcelle, du moindre petit bout de terrain.
Il est vrai que cela fait le bonheur de certains. J'ai d'ailleurs reçu un important courrier contre cet amendement de la part de notaires - quoi que ceux-ci soient un peu à part et souhaitent surtout se simplifier la vie - et de tous les « bétonneurs ».
Mais quelle solution Mme Terrade apporte-t-elle aux maires ruraux, qui disent qu'il est possible de densifier ? Je voudrais d'ailleurs la rassurer : dans les centres urbains, nous continuons à densifier. La restructuration urbaine par densification se fait tout à fait normalement. En revanche, j'ai reçu toute une série de lettres, que je ne vous lirai pas, eu égard à l'heure tardive, émanant de maires de village...
MM. Roland Muzeau et Guy Fischer. Mais si !
M. Dominique Braye, rapporteur. Si vous le souhaitez, je vais le faire, d'autant que je sens que votre demande vient du coeur. (Sourires.)
A la question : « Etes-vous favorable à la suppression de la superficie minimale ? », la réponse n'est pas non, c'est non, non, non ! Un véritable cri du coeur...
« Etes-vous favorable à la suppression de la surface minimale des terrains constructibles ? » Non, surtout pas, car on ne peut plus maîtriser l'évolution de l'urbanisation et cela est source, dans nos villages, de conflits de voisinage importants.
« Etes-vous favorable au rétablissement d'une disposition permettant aux communes de fixer une superficie minimale des terrains constructibles ? » Oui, naturellement, c'est une donnée très importante et facilement compréhensible pour le public.
Les directeurs d'agence de l'urbanisme m'ont indiqué que les maires de toutes ces communes leur demandent quel est le moyen d'aboutir aux mêmes résultats qu'en instaurant une surface minimale. Les agences de l'urbanisme s'efforcent de définir quinze ou seize paramètres, entre les prospects, les surfaces, les distances par rapport aux voisins ou par rapport à une ouverture, afin de pouvoir donner aux maires la solution à leurs problèmes.
Soyons donc réalistes : il s'agit ici de répondre à une vraie demande des maires ruraux et non pas de sélectionner ou de faire du « tri social », comme l'a prétendu M. Mano. Je reconnais bien là l'élu parisien que vous êtes, mon cher collègue ! Dans nos communes, sachez-le, c'est le droit à construire que l'on achète, et pour cette raison un terrain de 500 mètres carrés vaut le même prix qu'un terrain de 800 mètres carrés. C'est le droit à construire qui a de la valeur !
La situation est peut-être différente à Paris, j'en conviens, mais la mesure que nous préconisons répond surtout aux voeux des élus du reste de la France, et j'ai la faiblesse de croire que Paris n'est pas la France. La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques n°s 18 et 46.
En revanche, elle est favorable à l'amendement n° 5. Le rapporteur reconnaît que la formulation qu'il avait retenue n'était pas la meilleure. Il faudra cependant vérifier, au cours de la navette, qu'il n'existe aucun risque de contentieux du fait de la rédaction présentée.
Par ailleurs, je souhaiterais, monsieur Alduy, que vous rectifiier votre amendement en ajoutant, après les mots : « des terrains », le mot : « constructibles ».
M. le président. Monsieur Alduy, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur ?
M. Jean-Paul Alduy. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Alduy et ainsi libellé :
« Après les mots : "des terrains constructibles", rédiger ainsi la fin du texte proposé par l'article 7 pour le 12° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : "dès lors que celle-ci est justifiée par des objectifs d'urbanisme ou des objectifs techniques ;". »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. S'agissant des amendements identiques n°s 18 et 46, le Gouvernement est sensible au souhait des auteurs de la proposition de loi et entend donner le maximum de liberté aux élus locaux pour protéger le caractère architectural ou paysager de leur commune.
Cependant, la faculté laissée aux communes de fixer une superficie minimale pour les terrains constructibles a parfois pu donner lieu à des excès et à des dérives, il faut quand même le reconnaître, contre lesquelles il faut se prémunir.
Le Gouvernement estime, à cet égard, que la rédaction de l'article 7 ne présente pas, en l'état, toutes les garanties nécessaires. L'amendement de M. Alduy vise à encadrer la fixation par les communes d'une surface minimale des terrains constructibles et à définir, avec beaucoup de pertinence, des critères afin d'éviter, précisément, les dérives. Le Gouvernement y est favorable. Si le Sénat adopte l'amendement n° 5 rectifié, le Gouvernement s'en remettra, sur l'article 7, à sa sagesse et, bien sûr, à la volonté des élus locaux.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 18 et 46.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8



M. le président.
« Art. 8. - Après l'article L. 123-1 du même code, il est inséré un article L. 123-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-1-1. - Dans les secteurs où un coefficient d'occupation des sols a été fixé, le plan local d'urbanisme peut prévoir que, lorqu'une construction est établie sur une partie détachée depuis moins de dix ans d'un terrain déjà bâti, le calcul des droits à construire résultant de l'application du coefficient d'occupation des sols prend en compte la surface des constructions existant sur le reste du terrain.
« En cas de division d'une parcelle bâtie située dans un des secteurs mentionnés à l'alinéa précédent, le vendeur indique à l'acheteur la surface hors oeuvre nette des bâtiments existant sur la ou les parcelles concernées.
« Lorsque un plan local d'urbanisme a été approuvé avant l'entrée en vigueur de la loi n°... du... portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la commune peut décider de mettre en oeuvre les dispositions du premier alinéa du présent article par délibération du conseil municipal. Le plan local d'urbanisme est alors mis à jour par arrêté du maire. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 19 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 47 est présenté par MM. Dauge, Mano et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 8. »
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 19.
Mme Odette Terrade. L'article 8 de la présente proposition de loi constitue en quelque sorte la suite logique de l'article 7, dans la mesure où il tend à introduire un nouvel article dans le code de l'urbanisme, destiné apparemment à faire valoir un impératif de non-densification des constructions.
Mais, ainsi que nous l'avons déjà souligné, il s'agit ni plus ni moins de rendre inconcevable toute construction d'un type de logements autre que ceux qui existent déjà dans des espaces urbains constitués.
Dans la pratique, cela reviendra, dans un secteur pavillonnaire, à n'ouvrir de possibilités de réalisation que pour de nouveaux ensembles pavillonnaires, au motif qu'il faut préserver l'environnement, alors qu'il s'agit bien plutôt, dans le droit fil de la philosophie générale de la proposition de loi, de préserver certaines communes de l'arrivée de populations « inhabituelles ».
Si l'on suit d'ailleurs la logique qui sous-tend cet article, il est également quasiment impossible de réaliser sur des parcelles, même relativement étendues, des ensembles locatifs sociaux sous forme de maisons de ville comprenant plusieurs logements, ce qui correspond pourtant à l'une des réponses les plus actuelles, en matière de logements HLM, à la demande sociale.
Décidément, cette proposition de loi présente la double caractéristique de maintenir le statu quo quant à la répartition des logements sociaux sur le territoire national, avec les divergences encore plus marquées que cela peut recouvrir à l'échelon local, et de favoriser un retour en arrière vers des procédures d'urbanisation pour le moins dépassées.
Monsieur le rapporteur, certains maires craindraient, selon vous, des divisions successives et incontrôlées des terrains disponibles sur le territoire de leur commune.
Mais, au fait, dites-nous qui signe les permis de construire,...
Non, vraiment, pas plus que les précédents, l'article 8 n'offre de réponse adaptée à la demande sociale de logement dans notre pays.
Au bénéfice de ces observations, nous invitons donc le Sénat à le supprimer.
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter l'amendement n° 47.
M. Yves Dauge. Outre que la mise en oeuvre des dispositions de cet article posera des problèmes, comme cela a été souligné, sur le plan de l'urbanisme, j'attire l'attention de la commission sur une question juridique.
En effet, un risque juridique existait dans le dispositif antérieur que la loi SRU a supprimé. Or, en l'occurrence, quelle est la sécurité juridique d'un dispositif où l'on impose au vendeur d'indiquer la surface hors oeuvre nette des bâtiments ? Qu'arrive-t-il s'il ne le fait pas ? Qu'arrive-t-il s'il se trompe ? Qui vérifie ? Très franchement, vous prenez le maximum de risques en matière de sécurité juridique, monsieur le rapporteur !
Par ailleurs, il est prévu que l'on modifiera le POS par une simple délibération du conseil municipal, sans qu'il soit procédé à une enquête publique, bien entendu ! Là, je ne comprends plus ! Je crois qu'il faut revoir cette affaire très sérieusement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer la nouvelle réglementation des divisions.
Que l'on me permette de rappeler que les auteurs de la loi SRU ont supprimé l'obligation d'obtenir un certificat d'urbanisme à l'occasion de toute division de terrain, en abrogeant l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme, dont nous avons beaucoup parlé en commission. Celui-ci prévoyait que lorsqu'une partie est détachée d'un terrain dont les droits à construire n'ont été que partiellement utilisés, il ne peut y être construit que dans la limite des droits qui n'ont pas été utilisés avant la division. Il s'agissait d'éviter ainsi que, par des divisions successives, on puisse tourner les règles liées au coefficient d'occupation des sols, précisées par le conseil municipal. Cela permettait de prévenir les densifications extrêmes.
Je tiens à vous faire part, mes chers collègues, de l'avis, sur cette question, de M. Georges Liet-Veaux, agrégé des facultés de droit et professeur honoraire au Conservatoire national des arts et métiers, paru dans La Semaine juridique notariale et immobilière :
« La thèse officielle, ou en tout cas dominante, aboutit évidemment à favoriser une fraude bien connue, consistant, de la part d'un propriétaire, à utiliser sur son terrain une densité maxima, puis à découper ledit terrain en cédant à un tiers une parcelle nue sur laquelle l'acquéreur revendique à son tour une densité constructible "autonome", ne tenant pas compte des constructions réalisées par son vendeur. La loi du 31 décembre 1975 avait été qualifiée à cet égard par tous les commentateurs de "loi antifraude". »
Je ne veux pas insinuer que les collègues auteurs des amendements sont pour les fraudeurs, mais je dois livrer l'analyse de M. Liet-Veaux, qui poursuit en ces termes :
« Avec la thèse officielle analysée ci-dessus, la fraude est ouverte à nouveau. Comme l'écrit très justement M. Pérignon, la division foncière devient "en quelque sorte créatrice de nouveaux droits de construire". Le même COS pourrait être utilisé deux fois. Ce qui fait écrire à Hocreitère : "on peut s'interroger sur le fait de savoir si le juge, par voie prétorienne, ne rétablira pas une règle selon laquelle on ne peut consommer plusieurs fois les mêmes droits de construire". Et Hocreitère renvoie à l'interrogation que se posait M. Pérignon précité. »
Je propose donc que le juge soit amené à se prononcer et que le Parlement dispose et fasse preuve de réalisme, afin d'éviter que l'on puisse tourner les règles posées par le conseil municipal par le biais de l'instauration du coefficient d'occupation des sols.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement estime tout à fait important et judicieux de permettre aux élus de contrôler, s'ils le souhaitent, la densité de l'urbanisation de leur commune.
Par conséquent, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à des amendements de suppression de l'article 8.
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.
M. Yves Dauge. J'aurais souhaité que l'on réponde aux questions relatives à la sécurité juridique du dispositif que j'ai posées : comment compte-t-on garantir cette sécurité juridique et comment pourra-t-on modifier un POS par simple délibération du conseil municipal ?
Il faudra bien clarifier ces points !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 19 et 47.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article additionnel avant l'article 9



M. le président.
L'amendement n° 6, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
« Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 123-19 du code de l'urbanisme est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les plans d'occupation des sols approuvés avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ainsi que les plans d'occupation des sols rendus publics, dont l'approbation est intervenue dans les conditions définies au troisième alinéa du présent article, demeurent en vigueur jusqu'à leur prochaine révision selon le régime juridique des plans locaux d'urbanisme. Les dispositions des articles L. 123-1 et L. 123-2 dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2002-1208 du 13 décembre 2000 ainsi que celles prises pour l'application de ces articles leur demeurent applicables. Ces dispositions leur demeurent également applicables dans le cas où ils font l'objet, selon les modalités définies par le troisième alinéa de l'article L. 123-13, d'une révision d'urgence concernant un projet présentant un caractère d'intérêt général.
« Les plans d'occupation des sols approuvés, tels que définis à l'alinéa précédent, sont soumis au régime juridique des plans locaux d'urbanisme. Toutefois, pendant un délai de quatre ans à compter de la publication de la loi n° ... du ..., leur demeurent également applicables les dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 123-4 dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ainsi que celles mentionnées par cet article ou prises pour leur application. Demeurent également applicables pendant ce même délai, dans les communes disposant d'un plan d'occupation des sols approuvé, les dispositions des articles L. 311-1 à L. 311-7 dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ainsi que celles prévues pour l'application de ces articles. »
La parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Cet amendement relève d'une philosophie simple. Lorsqu'une nouvelle génération de documents d'urbanisme est élaborée, il vaut mieux, en général, laisser un peu de temps s'écouler entre la mise en place de ces documents, qui peut prendre trois ou quatre ans, et l'entrée en application de la loi. Sinon, on risque de bloquer complètement l'évolution du droit des sols.
Mon amendement vise donc essentiellement à avancer une solution en proposant que, pendant quatre ans, les plans d'occupation des sols approuvés - j'insiste : approuvés, et non pas publiés - continuent de s'appliquer suivant les critères et les procédures antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi SRU.
Notamment, les articles L. 311-1 à L. 311-7 du code de l'urbanisme, qui définissent le régime juridique des zones d'aménagement concerté, les ZAC, resteront applicables, ce qui permettra l'aménagement des zones d'urbanisation futures. En effet, à l'heure actuelle, lorsqu'une commune veut modifier 2 000 mètres carrés de terrains situés dans une zone agricole ou naturelle, ou encore réduire de 100 mètres carrés un espace boisé classé afin de permettre l'accueil ou l'extension d'activités économiques ou la réalisation de logements ou d'équipements, elle est tenue d'établir un PLU pour l'ensemble du territoire communal, ce qui peut demander entre deux et quatre ans. Si nous n'adoptons pas des mesures de transition souples, nous risquons de créer une véritable pénurie foncière qui entraînera une spéculation foncière et, par voie de conséquence, une réelle ségrégation sociale dans l'espace.
L'amendement n° 6 vise donc à proroger de quatre ans la validité des plans d'occupation des sols, et je proposerai ultérieurement une disposition analogue pour les plans d'aménagement de zone, les PAZ, qui doivent disparaître au profit des zones d'aménagement concertées et des PLU, afin de leur laisser le délai précisément nécessaire à l'élaboration de la nouvelle génération des documents d'urbanisme conformes à la loi SRU.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Le défaut essentiel de la loi SRU, nous l'avons bien souligné, consistait dans l'absence de mesures de transition entre les anciens et les nouveaux documents. Manifestement, cela crée un véritable problème, puisque l'on rencontre des points de blocage un peu partout.
L'amendement de notre collègue M. Alduy satisfait tout à fait la commission, car les collectivités locales se verront accorder un délai de quatre ans pour préparer sereinement les nouveaux documents.
M. Alduy nous propose la transition que nous souhaitions ; nous sommes donc favorables à son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement estime lui aussi indispensable que les communes puissent faire évoluer leur plan d'occupation des sols en attendant l'adoption d'un plan local d'urbanisme.
Cette disposition, je l'ai souligné pendant la discussion générale, est un élément du projet de loi qu'examine actuellement le Conseil d'Etat et qui sera soumis très prochainement au Parlement.
Le Gouvernement souhaitant recueillir l'avis du Conseil d'Etat sur son projet de loi, et particulièrement sur cette mesure, il demande respectueusement à M. Alduy de bien vouloir retirer son amendement, en l'assurant que cette question reviendra très prochainement en discussion devant le Parlement, et sous une forme très voisine.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Alduy ?
M. Jean-Paul Alduy. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.

Article 9



M. le président.
« Art. 9 - Après le premier alinéa de l'article L. 123-19 du même code, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les zones délimitées par un plan d'occupation des sols, maintenu en vigueur en application de l'alinéa précédent, où existe un coefficient d'occupation des sols, le calcul des droits à construire résultant de ce coefficient d'occupation des sols est de plein droit effectué dans les conditions définies au premier alinéa de l'article L. 123-1-1. Dans ces secteurs, les dispositions du deuxième alinéa du même article s'appliquent.
« Toutefois, la commune peut, par délibération du conseil municipal, décider de ne pas appliquer les dispositions de l'alinéa précédent, dans tout ou partie des zones du plan d'occupation des sols. Le plan d'occupation des sols est alors mis à jour par arrêté du maire. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 20 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 48 est présenté par MM. Dauge, Mano et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Yves Coquelle, pour défendre l'amendement n° 20.
M. Yves Coquelle. L'article 9 de la proposition de loi visant simplement, une fois de plus, à tirer une conséquence quasi mécanique du dispositif arrêté dans les articles précédents, il appelle naturellement de notre part les mêmes observations.
Encore une fois, il s'agit de revenir en arrière et de prendre en compte la rédaction antérieure à la loi SRU en matière d'occupation des sols, ce qui signifie un retour à la règle des POS. Dans les faits, pour des raisons déjà évoquées par ailleurs, nous ne pouvons accepter ce qui est proposé ici, puisque la dimension d'approche globale propre à la détermination des plans locaux d'urbanisme disparaît, une fois de plus, derrière la logique interne de la proposition de loi, qui est plus restrictive.
C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à supprimer l'article 9.
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter l'amendement n° 48.
M. Yves Dauge. Je n'ai rien à ajouter à ce que vient de dire excellemment M. Coquelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. S'agissant d'amendements de suppression, et pour les mêmes raisons que celles qui ont été longuement développées lors de l'examen de l'article 8, votre rapporteur donne un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 20 et 48.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Article 10



M. le président.
« Art. 10. - L'article L. 122-2 du code de l'urbanisme est abrogé. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 49 est présenté par MM. Dauge, Mano et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 53 rectifié est présenté par MM. Goulet, de Montesquiou, Türk et Demilly.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 7, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« A la fin du dernier alinéa de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme, les mots : "à compter du 1er juillet 2002", sont remplacés par les mots : "à compter du 1er juillet 2004". »
La parole est à M. Yves Coquelle, pour défendre l'amendement n° 21.
M. Yves Coquelle. Après de longs débats portant sur l'ensemble des problèmes soulevés par le développement urbain, en particulier dans les zones de notre pays où il est relativement récent, l'adoption de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme, lors de l'examen du projet de loi SRU, avait permis de définir de nouvelles règles législatives.
Les principes de cet article visaient notamment, à ce que le développement futur des agglomérations soit en quelque sorte pensé plus collectivement, non seulement en fonction de la volonté politique de tel ou tel élu local, mais également en fonction de la cohérence entre développement des lieux d'habitation, activité économique et infrastructures.
C'est au terme de la discussion que s'était trouvée déterminée cette règle des quinze kilomètres, qui paraît aujourd'hui si contraignante et inadaptée.
Que les choses soient claires : poser de nouvelles règles au développement des agglomérations futures est la moindre des choses si l'on ne souhaite pas voir s'accentuer dans les années à venir, certains des travers dont nous avons hérité avec les ZUP des années soixante.
La pression foncière tend en effet à se renforcer de manière significative dans les espaces péri-urbains, et singulièrement dans des zones de plus en plus éloignées des centres d'agglomération. Il est à craindre que certaines des contraintes déjà observées dans le passé pour les grands ensembles de logement collectif ne commencent à apparaître, y compris dans ces secteurs.
Quant à l'article 10, dont l'adoption rendrait en fait inopérante la procédure du schéma de cohérence territoriale, il ne fait que porter en germe les conditions d'un développement urbain déséquilibré dont les habitants feront les frais dans les années à venir.
Que voulez-vous, monsieur le rapporteur ! Nous ne sommes pas plus partisans des cités HLM dortoirs, sans activités économiques ou commerciales dignes de ce nom, que des lotissements pavillonnaires à architecture répétitive, sans plus de services de proximité disponibles que dans les premières ; c'est pourtant cela que vous voulez permettre en demandant la suppression de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme.
Vous comprendrez donc que nous proposions, là encore, la suppression pure et simple de l'article 10 de la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour défendre l'amendement n° 49.
M. Yves Dauge. L'article 10 tend à supprimer un élément central de la loi SRU dont la disparition porterait un coup fatal à toute la politique de planification que les schémas de cohérence territoriale visaient à relancer.
Il faut bien comprendre l'articulation entre ce dispositif et les SCOT.
Si nous avions, à l'époque, arrêté le chiffre de quinze kilomètres, c'était pour des raisons qui tenaient aux zones de chalandise des équipements commerciaux. Nous étions alors un certain nombre sur ces travées à être soucieux d'éviter que les équipements commerciaux ou les complexes de cinémas ne continuent de s'implanter - comme on constate qu'ils ont actuellement tendance à le faire -, dans une deuxième couronne, sortant des agglomérations, vidant celles-ci de leur substance commerciale et les privant des mètres carrés dont nous avons besoin, monsieur le ministre, pour faire revivre les quartiers.
On ne peut pas jouer deux cartes contraires en même temps !
Vous l'avez dit très justement, monsieur le ministre, nous voulons engager le renouvellement urbain, et vous affirmez être désireux d'accentuer cette politique. Comment y parviendrons-nous ? Grâce au logement, certes, mais aussi grâce aux activités et au commerce. Si vous laissez le commerce s'implanter en pleine zone rurale, là où il n'y a pas de taxe professionnelle, quitte à consommer encore un peu plus d'espace agricole, très bien ! Continuons les errements du passé, laissons ce dispositif se mettre en place, et nous en verrons les conséquences sur la périphérie des villes que nous voulons reconstruire ! Nous sommes sur le point de « faire de la ville » à partir d'une urbanisation qui n'avait pas encore pris en compte ces éléments d'animation : c'est dans ces quartiers-là qu'il nous faut les centres commerciaux !
J'entends beaucoup de sénateurs défendre les petites communes rurales. Je veux bien ! Je comprends que nombre de maires ruraux soient ravis de voir arriver sur leur territoire des équipements commerciaux qui vont se situer entre la ville secondaire et l'agglomération ! Mais ils feront perdre à l'une et à l'autre leurs chances de devenir des villes équilibrées, cohérentes ; et, ce faisant, on aura détruit l'espace rural. Nous avons vécu suffisamment de ces scénarios incohérents !
Je pense très sincèrement que ce que je suis en train de dire là relève du simple bon sens. Ce n'est pas de l'idéologie, comme certains voudraient nous le faire croire !
M. Hilaire Flandre. C'est naturel, l'idéologie !
M. Yves Dauge. C'est du bon sens, c'est de l'observation, et je vous alerte très sérieusement, chers amis, sur cette gravissime question. Je suis tout de même surpris devant l'irresponsabilité d'une commission des affaires économiques qui nous invite à balayer l'existant d'un coup, dans la précipitation, et, je le répète, d'une manière irresponsable, monsieur le rapporteur. Vous nous rétorquez que vous avez écrit aux maires, que les maires vous ont dit... Vous pouvez interroger beaucoup de maires, j'en suis un, moi aussi, et, après tout, je vaux autant que d'autres. Eh bien, moi, je ne suis pas du tout d'accord avec cette attitude !
Les maires de France ne veulent pas que nous adoptions de lois qui, c'est vrai, apportent quelques contraintes. Mais la loi, je le répète, est justement faite pour apporter un certain nombre de contraintes ! Et cette loi, précisément, est nécessaire, pour des questions fondamentales d'équilibre du territoire.
En tant que législateurs, nous n'avons pas à nous retrancher derrière les enquêtes que nous avons pu faire, ni derrière les maires qui veulent ceci ou cela. Tel n'est pas le rôle du Parlement ! Le rôle du Parlement, tel que je le conçois, consiste à prendre en compte l'intérêt général, à faire une analyse objective, à prendre un peu de recul, quitte à se mettre en désaccord avec certains élus locaux. C'est ce qui m'arrive dans mon département, où je tiens le même discours !
Mais nombreux sont aussi les maires qui me soutiennent, y compris des maires de centres-bourgs importants qui, sans que la population de leur commune atteigne 15 000 habitants, s'inquiètent vivement de la déstructuration des villes qu'entraînera la disparition des éléments qui auraient dû nous permettre de reconstituer la vie urbaine, de tenir la ville dans ce qu'elle a d'essentiel, plutôt que de la voir continuer à se détruire.
Je connais bien la politique des promoteurs : ils se placent en terrain rural aux portes des échangeurs autoroutiers. Je peux vous donner le nom des communes d'Indre-et-Loire - j'ai le cas dans ma propre commune - où l'on prépare actuellement les acquisitions foncières à proximité des échangeurs, parfois d'ailleurs payées par le département - il croit que c'est ainsi que nous allons développer notre territoire -, et où les grands centres de services et les supermarché vont venir s'installer.
Le dispositif des quinze kilomètres figurant dans la loi SRU a bloqué ces tentatives. Les schémas de cohérence territoriale sont en train de se mettre en place. C'est très net.
Bien que je sois maire d'une commune de 10 000 habitants et non de 15 000 habitants, j'essaie actuellement d'élaborer un schéma de cohérence territoriale qui va jouxter l'agglomération tourangelle pour qu'il y ait une continuité entre les deux communes, et nous tenterons de gérer cette question grave des opérations pirates que j'évoquais à l'instant et qui nous portent grand tort.
Certes, quelques maires ruraux ne seraient pas mécontents de récupérer des équipements parce que cela leur apporterait de la taxe professionnelle. Mais, pour ma part, je ne suis pas d'accord avec cette consommation excessive de l'espace rural. Soyons économes dans notre consommation de l'espace ! Nous avons assez consommé comme cela ! (M. Hilaire Flandre s'exclame.)
Vous dites que nous voulons densifier. C'est faux ! Le problème n'est pas là. Il s'agit d'un problème d'équilibre, d'harmonie entre les territoires et de cohérence.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Monsieur Dauge, vous souvenez-vous des conditions dans lesquelles le texte concernant la règle des quinze kilomètres est arrivé ? Je voudrais que vous en ayez un souvenir précis.
C'est le 9 mars 2000, quand le secrétaire d'Etat s'est aperçu que l'ensemble du territoire était couvert par des schémas de cohérence territoriale qui paralysaient tout, que cette règle a été inventée.
M. Pierre Hérisson. Exactement !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Vous parlez de nos études. Y a-t-il eu des études à l'origine de l'amendement de M. Rimbert, rapporteur ? Il y a eu le constat que l'on était arrivé à la quintessence de l'aberration dans ce texte en matière d'urbanisme.
M. Bruno Sido. Voilà !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Et, arrivant dans la quintessence de l'aberration, on s'est demandé comment sortir de la paralysie totale. Sur un coin de table, on a donc élaboré la règle des quinze kilomètres.
M. Yves Dauge. Mais non !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Je cite M. Besson : « J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer qu'il n'était pas dans notre intention de couvrir l'ensemble du territoire national de schémas de cohérence territoriale. Il est en effet sage de ne pas soumettre à une règle contraignante des communes éloignées des agglomérations ou de leur imposer de participer à un schéma de cohérence territoriale. » Voilà quelles étaient les conditions de l'élaboration de ce qu'on nous présente comme l'alpha et l'omega !
Moi qui suis un élu et qui ai élaboré depuis longtemps - bien avant tous ces textes - des schémas d'urbanisme dans le sud du département des Yvelines, j'y suis favorable. J'avais d'ailleurs présenté une proposition et fait quelques rapports sur ce sujet. Mais je crois qu'il ne faut pas faire l'alpha et l'omega de cette règle - je rappelle le débat : est-ce circulaire, annulaire ? - et des discussions de mars 2000.
Nous savons que le Gouvernement prépare un texte, et nous souhaitons aller plus loin et envoyer un signal. C'est en effet aussi le rôle du Parlement. Le rôle du Parlement n'est pas seulement de repousser de janvier à juillet, puis de juillet à janvier l'application des dispositions qui présentent des difficultés. Voilà pourquoi nous avons choisi de supprimer l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme, car nous constatons que ce n'est pas un bon texte. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Pierre Hérisson applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet, pour présenter l'amendement n° 53 rectifié.
M. Daniel Goulet. Je voudrais dire d'entrée de jeu à M. le président Larcher, à M. le rapporteur et aux membres de la commission que l'objet de cet amendement n'a rien à voir avec l'objet des deux amendements identiques qui viennent de nous être présentés. En effet, nous sommes parfaitement solidaires des dispositions présentées par le rapporteur, car nous ne sommes pas, nous non plus, favorables au maintien de la règle des quinze kilomètres, qui peut contribuer, nous le savons, à geler dans certains cas les constructions.
Mais nous avons voulu attirer l'attention du Gouvernement, comme l'avait fait fort pertinemment tout à l'heure notre collègue M. Alduy, en évoquant la possibilité de prévoir une période de transition en cas de modifications dans les dispositions d'urbanisme ou autres. Ce serait particulièrement nécessaire quand certaines communes sont englobées malgré elles dans le périmètre.
Que vont devenir ces dernières qui n'ont pas attendu, comme d'autres, que les dispositions au-delà du 31 décembre de l'année en cours tombent dans le domaine public, si je puis dire ?
Monsieur le ministre, les propos que j'ai tenus cet après-midi peuvent-ils constituer un élément de réflexion...
M. Gilles de Robien, ministre. Bien sûr !
M. Daniel Goulet. ... pour que, en décembre, lorsque vous présenterez votre projet de loi, vous puissiez, après y avoir réfléchi, nous dire ce que vous pensez faire ?
En effet, c'est là, je crois, que nous serons utiles.
Le fait d'avoir évoqué ce sujet-là n'est pas du tout en contradiction avec ce que les parlementaires, en contact avec le terrain, doivent vous apporter comme élément de réflexion. Votre réponse sera ce qu'elle sera, monsieur le ministre. Mais, d'entrée de jeu, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 53 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour présenter l'amendement n° 7.
M. Jean-Paul Alduy. Parce qu'elle est brutale et systématique, la règle des quinze kilomètres pose, à l'évidence, sur le terrain, de nombreux problèmes d'application.
Que faut-il en faire, alors ? La supprimer sans rien mettre à la place ? L'adapter ? Personnellement, comme pour l'amendement précédent, je suis plutôt favorable au fait de se donner du temps. Et se donner du temps, c'est tout simplement prolonger encore de deux années l'entrée en vigueur de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme. Je vous signale, d'ailleurs, monsieur le ministre, mes chers collègues, que l'entrée en vigueur de cet article a déjà été repoussée de six mois au 1er juillet 2002.
M. Gérard Larcher, président de la commission. C'est vrai !
M. Jean-Paul Alduy. Je propose donc, par cet amendement, de la repousser jusqu'au 1er juillet 2004. On se donnerait ainsi le temps de bien réfléchir à ce qui remplacera la règle des quinze kilomètres.
Cela permettrait également aux syndicats intercommunaux, qui sont déjà mis en place pour étudier les SCOT, de commencer à se forger une doctrine et, à partir de là, d'être capables d'accorder des dérogations. En effet, les dérogations sont délivrées non plus par les préfets, mais par les syndicats d'élaboration des SCOT, dès lors qu'ils existent.
Par conséquent, au bout de deux ans de réflexion, ces syndicats se seront « fabriqué » une doctrine. Ils auront la capacité d'octroyer des dérogations et donc de permettre d'adapter cette règle de la constructibilité limitée.
Mon amendement vise donc à prolonger ce délai de deux ans. La suppression brutale de la règle des quinze kilomètres risquerait d'être interprétée comme un assouplissement de l'obligation d'élaborer des schémas de cohérence territoriale, comme le signe que l'on peut attendre que la planification spatiale en France reprenne ses droits à un moment où l'on parle de développement durable, où la gestion économe et intelligente de l'espace devient une question essentielle qui suppose un travail de planification à long terme sur de vastes périmètres autour des villes-centres.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur les excellents arguments qu'a développés M. le président de la commission.
Monsieur Dauge, nous ne sommes pas opposés à la planification. Nous pensons au contraire qu'elle est indispensable. Nous ne souhaitons pas laisser chaque maire agir dans son coin, parfois aux dépens des communes voisines. Toutefois, force est de constater que l'application uniforme de la règle des quinze kilomètres sur tout le territoire n'est pas du tout adaptée.
En 2003, M. le ministre l'a confirmé, une réflexion globale sera engagée sur l'ensemble de ces textes. Cette réflexion sera difficile.
La commission souhaite que cette réflexion se déroule sans aucune pression. Or, si nous imposons une échéance trop proche, nous ne supprimerons pas l'omniprésence des préfets qui poussent les maires des petites communes à franchir le pas alors que ces derniers ne le veulent pas. Nous éloignerons le pistolet, mais le pistolet restera chargé et toujours braqué sur les maires des petites communes. Or, nous savons comment réagissent ces maires. Il faut donc se donner le temps de la réflexion ; mais, pour avoir une réflexion vraiment sereine et constructive, il faut qu'aucun élu ne soit sous pression, notamment sous celle des préfets ; sinon, ces derniers diront aux maires : « Si vous ne vous dépêchez pas, dans un an, vous serez contraints d'y passer ! »
Quand notre collègue Yves Dauge dit qu'il faut inciter, c'est non pas de l'incitation, mais plutôt de la contrainte. Peut-être faudra-t-il un jour contraindre, mais il faudra alors le faire dans de meilleures conditions, ne pas traiter Cahors et Mazamet de la même façon que Paris, Lyon et Marseille, et peut-être faudra-t-il - en avons-nous la capacité ? - trouver un système intelligent qui corresponde à une bonne planification sur notre territoire.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, la commission souhaite non pas un report de l'application de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme, mais une suppression de ce dernier, étant entendu que cette suppression n'est sûrement pas, dans notre esprit, une suppression de la planification.
Nous souhaitons cette suppression pour réfléchir sans contrainte, mais je garantis, au nom de la commission - nous en avons discuté -, qu'il faudra remettre l'ouvrage sur le métier de façon à trouver un bon système qui s'adapte sur l'ensemble du territoire français et qui ne soit pas, comme l'a rappelé M. le président de la commission, un gosplan urbanistique tel qu'il avait été prévu au départ et dont on a essayé de sortir par la règle des quinze kilomètres élaborée sur le coin d'une table.
La commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s 21, 49 et 7.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement est évidemment tout à fait conscient des problèmes que pose la règle des quinze kilomètres, problèmes qui ont été fort bien rappelés pendant le débat. C'est une règle qui conduit à geler des terrains : on est en manque de terrains, on ne peut pas construire ; c'est une règle qui oppose inutilement le rural et l'urbain ; enfin, c'est une règle qui s'applique de façon uniforme à des situations fort différentes.
Le Gouvernement estime indispensable - je l'ai dit dans mon propos liminaire et je le répète - d'apporter rapidement une solution à ces problèmes. Elle a donc choisi de traiter ce sujet dans le projet de loi examiné par le Conseil d'Etat.
Avant de présenter les dispositions que le Gouvernement soumettra à votre examen d'ici à quelques semaines, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite dire clairement que les problèmes posés par la règle des quinze kilomètres ont été aussi décuplés par une application trop rigide sur le terrain.
Indépendamment du projet de loi qui sera probablement finalement adopté par le Parlement, le Gouvernement entend donner des instructions claires pour une application raisonnable et conforme en cela à la volonté du législateur. Sans anticiper sur le débat - nous aurons l'occasion, lors de l'examen du texte du Gouvernement, d'en débattre longuement - je souhaite vous en présenter les grandes lignes « en primeur », si je puis dire, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur.
La règle des quinze kilomètres, vous le savez, concerne les communes qui sont dotées d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme. Dans ces communes, le POS définit trois types de terrains : les zones urbaines, les zones d'urbanisation future et les zones naturelles et agricoles. Dans sa rédaction actuelle, la règle des quinze kilomètres limite la possibilité pour les communes de modifier ou de réviser leur POS pour rendre constructibles les zones d'urbanisation futures ou les zones naturelles et agricoles.
Le projet du Gouvernement lève, justement, cette contrainte pour les zones d'urbanisation future délimitées par le POS avant l'entrée en vigueur de la mesure du 1er juillet 2002. L'Etat, en effet, en acceptant ce POS, avait, de fait, accepté une urbanisation future de ces terrains. Il n'y a donc pas lieu de l'empêcher. En d'autres termes, tous les terrains dont les élus avaient prévu l'urbanisation dans leur POS, même à moyen terme, échapperont à la règle des quinze kilomètres.
Seuls y resteraient soumis, et cela paraît normal, les terrains agricoles et naturels, ainsi que les équipements commerciaux, qui sont soumis à la commission départementale d'équipement commercial, la CDEC.
Cette évolution permet aux communes de poursuivre le développement planifié. Elle laisse le temps de définir localement les solutions les plus raisonnables.
Telles sont les grandes lignes du projet gouvernemental que nous aurons bientôt l'occasion d'examiner ensemble.
Quant à l'abrogation complète de la règle des quinze kilomètres, elle ne peut qu'être écartée par le Gouvernement. Une telle mesure présenterait le risque de bloquer les démarches d'élaboration du SCOT en cours, en fragilisant les difficiles consensus locaux. Les deux tiers des agglomérations de plus de 50 000 habitants ont engagé la réalisation d'un SCOT. Il ne faut pas leur compliquer la tâche aujourd'hui. Cela irait à l'encontre de la volonté de concertation affichée par le Gouvernement en amont de la mise en cohérence des lois Chevènement, Voynet et SRU.
Dès mardi prochain, avec Nicolas Sarkozy, Jean-Paul Delevoye et Patrick Devedjian, nous recevrons les principales associations d'élus. Bien sûr, rien n'exclut a priori que, dans ce cadre, une réforme plus approfondie soit étudiée.
Enfin, le Gouvernement pense qu'il ne serait pas raisonnable de supprimer la règle des quinze kilomètres sans prévoir de dispositions transitoires incitatives. Sinon, il y aurait, dans une certaine mesure, un vide juridique.
Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut qu'être favorable aux amendements de suppression de l'article 10, qu'il a d'ailleurs eu la surprise de découvrir. J'espère, mesdames, messieurs les sénateurs, que ces précisions sont de nature à vous rassurer sur la volonté du Gouvernement, qui a, en tout cas, bien entendu votre message.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Je fais confiance au Gouvernement, mais je ne suis pas rassuré pour autant. Si l'on accorde au Parlement un aussi large pouvoir d'initiative qu'on ne l'a fait au cours de cette soirée, cela augure mal, me semble-t-il, de l'évolution sensible que nous souhaitons pour une règle qui, je le rappelle, a été inventée pour sortir d'un schéma de paralysie totale. Tel est le premier point que je souhaitais évoquer clairement. Vous nous avez réservé la primeur des grandes lignes de votre texte, monsieur le ministre, je vous donne la primeur de ma réaction qui, naturellement, n'est que personnelle à cet instant.
J'en arrive au second point. Vous me permettrez, à cet égard, de rappeler quelques faits.
En 1995, j'ai eu l'honneur de rapporter ici un texte sur l'aménagement et le développement du territoire. Les services du ministère m'avaient assuré que les directives territoriales d'aménagement seraient prises avant trois ans ou cinq ans au maximum. Or pas une n'a vu le jour, excepté un texte sans importance sur Nice qui était préparé à l'avance. Imaginons qu'on ait limité les possibilités de constructibilité concernant, pour reprendre une observation de M. Dauge, les schémas de sortie d'autoroute. Cela faisait bien partie des réflexions sur les directives territoriales d'aménagement, les DTA ! Mais voilà aujourd'hui sept ans que les services de votre ministère, monsieur le ministre, ont été incapables de diffuser une directive territoriale d'aménagement.
Il nous faut donc envoyer un signal fort pour que, au travers de votre projet de loi, dont nous ne pouvons que nous réjouir mais qui nécessitera, nous le sentons bien, un profond travail d'amendement - je le dis franchement - nos collègues réfléchissent pour savoir, sur un sujet aussi essentiel, quelle devra être la nature du nouveau dispositif. J'ai le souvenir de 1995. Je fais confiance au Gouvernement mais, en même temps, je pense qu'il est du rôle de notre Haute Assemblée d'envoyer ce signal. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 21 et 49.
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, même si le Parlement décidait de suspendre certaines dispositions, rien n'interdirait, me semble-t-il, à des collectivités de s'organiser volontairement.
Je voudrais dire à notre collègue Yves Dauge que j'ai participé, ces quinze derniers jours, à deux réunions importantes, dont l'une, l'assemblée des maires, se tenait dans mon département. M. Charasse y a participé, à l'invitation du président de l'association des maires, et je peux vous assurer qu'il a été applaudi par tous les participants lorsqu'il est intervenu sur le sujet. Je peux comprendre, monsieur Dauge, que vous ne soyez pas nécessairement en phase avec notre collègue Michel Charasse, mais je peux vous assurer qu'il a lui-même reconnu, comme l'ensemble des maires, que ce dispositif était beaucoup trop lourd.
J'ai aussi entendu, avec 1 500 conseillers généraux, le message extrêmement clair qui nous a été adressé par le chef du Gouvernement à Strasbourg, que ce soit au sujet des CRADT ou des PLU.
Monsieur le ministre, pour illustrer mon propos, j'évoquerai la situation qui est celle que connaît mon secteur actuellement.
Un certain nombre de communes de mon canton et des cantons voisins ont voulu modifier leur plan d'occupation des sols. Il se trouve que nous sommes situés dans un rayon de quinze kilomètres de Fécamp, dans une ville de plus de 20 000 habitants, donc avec une obligation de SCOT. Le préfet nous ayant dit que nous ne pouvions pas engager la procédure de modification de notre document d'urbanisme sans qu'un SCOT ait été élaboré, nous avons donc décidé de nous réunir pour faire le SCOT. Or la communauté de communes de Fécamp, pour avoir une dotation plus importante, a pris la compétence de l'urbanisme. « Si l'on se met ensemble pour faire le SCOT, nous a-t-elle dit, je suis obligée de vous redonner ma compétence et je vais perdre une partie de ma dotation. Je ne suis donc pas d'accord. Alors, confiez-moi, à moi, communauté de communes, le soin d'élaborer le SCOT pour l'ensemble du pays des Hautes Falaises », puisque c'est de ce pays qu'il s'agit.
Voilà deux ans, monsieur le ministre, que la situation est bloquée. Rien n'est fait et nous ne pouvons pas modifier nos documents d'urbanisme, alors que la demande existe, que la pression est extrêmement forte sur le foncier. Des familles qui veulent construire ne trouvent pas de terrain car plus aucun n'est disponible, ou alors à des prix dissuasifs. Il me paraît donc tout à fait indispensable de jouer la carte de l'ouverture.
Je crois que les dispositions qui sont préconisées et qui, je l'espère, vont être adoptées devraient permettre de donner un peu de souplesse aux collectivités.
J'ajoute, et vous me pardonnerez de ne pas être tout à fait d'accord avec vous, monsieur le ministre - une fois n'est pas coutume - que les terrains disponibles pour une urbanisation future sont en nombre restreint puisque, depuis déjà de longues années, les directives adressées tendent à limiter les emprises foncières dans le cadre des documents d'urbanisme. L'ouverture qui pourrait être donnée serait, de fait, extrêmement limitée.
Je terminerai par une anecdote. Le chef-lieu du canton dont je suis l'élu avait commencé la révision de son plan d'occupation des sols avant le lancement des SCOT. On a eu beaucoup de difficultés à le faire aboutir. Les services de l'Etat obligeaient le maire à diminuer les emprises foncières en le menaçant de ne pas adopter le document d'urbanisme, c'est-à-dire le plan d'occupation des sols de l'époque, s'il s'y refusait.
Monsieur le ministre, des messages forts ont été adressés : je les rappellerai dans un instant en défendant l'amendement de notre collègue M. Jean François-Poncet. Il nous faut répondre à cette attente, car nous sommes face à un enjeu extrêmement important en termes d'aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. J'ai eu l'impression, pendant un moment, de me retrouver deux ans en arrière, alors même que les débats ont été très longs sur cette question.
En effet, il faut savoir que le Sénat avait proposé une alternative à ce dispositif des quinze kilomètres qui était fondée, non pas sur des mesures coercitives, mais sur des mesures volontaristes ; nous pensions qu'il était important de consulter les communes périphériques, de les associer à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale afin de maîtriser ce qui se fait dans lesdites communes périphériques sans toutefois, bien sûr, en bloquer le développement. Malheureusement, nous n'avons pas été entendus alors. Or je crois que le système qui a été mis en place entraîne de nombreux blocages, de nombreux conflits - on en a parlé tout à l'heure - et est également susceptible de créer dans bien des cas des situations contentieuses.
Quelle est la bonne solution ? Faut-il prévoir quinze, dix-huit, vingt kilomètres ? De toute façon, dès lors que l'on trace un trait au compas, on sait que la situation ne sera pas satisfaisante. Il faut donc envisager autre chose.
Quelquefois, en particulier dans certains secteurs ruraux, nous sommes dans des situations extrêmement difficiles, qui peuvent poser de nombreux problèmes aux communes. Il faut évidemment trouver une solution qui permette la cohérence territoriale d'aménagement. Si nous avons défini ce nouveau document d'urbanisme qu'est le schéma de cohérence territoriale, c'est justement pour assurer un développement harmonieux sur un territoire, mais également pour éviter des micro-concurrences avec des territoires riverains. On sait les conséquences difficiles qu'elles peuvent entraîner, surtout en matière d'équipement commercial, comme on l'a vu trop souvent sur des communes périphériques.
Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à trouver une solution dans un avenir proche. Mais je rejoins quand même la position du président de la commission des affaires économiques lorsqu'il nous dit qu'il faut un signal parce que, aujourd'hui, la situation est bloquée. En votant dans le sens souhaité par la commission des affaires économiques, nous adresserons un signal fort qui sera peut-être assimilé à une suspension plus qu'à une suppression, car, dans quelques jours, nous aurons à rediscuter avec vous de ce dispositif.
C'est la raison pour laquelle, ayant entendu vos propositions, qui me semblent intéressantes, nous pouvons envoyer dans l'immédiat ce message fort en votant le texte tel que la commission des affaires économiques nous le propose.
M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud, pour explication de vote.
M. Philippe Arnaud. Je suis à la fois perplexe et ennuyé, comme un certain nombre d'entre vous peut-être, mes chers collègues. Comme vous, j'ai bien mesuré le problème que pose, sur le terrain, l'application de la règle des quinze kilomètres : blocages, contentieux, conflits en tous genres, paralysie de certains projets.
Cela dit, entre la rigidité du texte, voire la stupidité des quinze kilomètres arbitraires, et l'absence totale de règle, j'ai quelques hésitations.
J'ai entendu M. le président de la commission des affaires économiques plaider pour l'envoi d'un signal fort. Je considère pour ma part que la nature des débats, la vigueur des interventions constituent un signal fort qui a été envoyé au Gouvernement.
Puisque, monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à modifier ce dispositif, à en corriger les effets pervers à travers un texte gouvernemental, je considère que ce signal fort a été envoyé. Je fais, moi, confiance au Gouvernement et je suivrai son avis.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 21 et 49.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe des Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 31:

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 320
Majorité absolue des suffrages 161
Pour l'adoption 115
Contre 205

Je mets aux voix l'amendement n° 7.
M. Jean-Paul Alduy. Je le retire, car il n'a plus de signification dès lors que l'on a supprimé la règle de la constructibilité limitée.
M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.
Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 10



M. le président.
L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. François-Poncet, Revet et Darniche, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le début du deuxième alinéa de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :
« Dans les communes de plus de 5 000 habitants, ils présentent... (le reste sans changement) ».
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. On a bien vu, dans les débats que nous vivons actuellement, que, les uns et les autres, nous avons une conception de l'aménagement du territoire différente. Ce n'est pas choquant, c'est la démocratie.
Pour certains, et c'était l'esprit de la loi Voynet et des autres lois corollaires, c'est une concentration vers l'urbain : 80 % de la population sur 20 % du territoire.
D'autres ont une conception de l'aménagement du territoire différente. Pour eux, pour nous, c'est l'objectif : un bon équilibre entre les grandes villes, les villes moyennes, les bourgs, les communes rurales.
Or on s'aperçoit qu'aujourd'hui - je viens de le dire, ce qui m'évitera de prolonger le débat - nous sommes confrontés à des situations de blocage.
Par-delà les délais nécessaires à la mise en place des documents, par-delà les coûts, il faudrait aussi disposer de bureaux d'études en nombre suffisant pour arriver à répondre à toutes les demandes.
Avec l'amendement qui a été déposé par M. Jean François-Poncet, président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire, amendement que nous avons cosigné, mon collègue Darniche et moi-même, il s'agit de dispenser les communes de moins de 5 000 habitants de l'élaboration d'un PADD.
On verra pour le futur. Mais, pour l'instant, puisqu'il n'y a pas tant de permis de construire à accorder, laissons les communes agir d'une manière beaucoup plus souple. C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement qui permettra aux communes et aux bourgs ruraux de respirer et de répondre aux attentes de la population.
Monsieur le ministre, pendant trente-six ans, j'ai été maire d'une commune qui est passée de 284 à 1 500 habitants et où 200 à 300 demandes de logements sont en attente.
Dans le même temps, je sais, puisque je préside l'OPAC de Seine-Maritime, que des logements sont vacants au Havre et à Rouen. Cela prouve que nos populations ont envie de vivre autrement, dans un environnement de qualité, que l'on peut leur fournir grâce à un aménagement du territoire tout à fait différent.
Encore faut-il nous en donner les possibilités. Aujourd'hui, monsieur le ministre, c'est, sinon impossible, du moins très difficile. Voilà pourquoi je propose d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Lorsque la question du plan d'aménagement et de développement durable a été évoquée au Sénat au cours de la discussion de la loi SRU, il était clair - et cela avait été dit - que le contenu du PADD serait modulable en fonction de la taille de la commune.
Or il apparaît que certaines DDE ont une conception extensive, voire inflationniste du contenu de ces plans et qu'elles s'avèrent au demeurant tellement incapables de les élaborer elles-mêmes qu'il faut confier ce soin à des cabinets d'études.
Je comprends parfaitement le point de vue des auteurs de l'amendement. Je souhaiterais cependant obtenir des éclaircissements de la part du Gouvernement sur les obligations des petites communes en matière de PADD. Nous verrons si nos collègues maintiennent leur amendement après ces explications.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le projet d'aménagement et de développement durable des plans locaux d'urbanisme constitue, effectivement, l'une des difficultés qui sont rencontrées par les communes. Nous aussi, monsieur Revet, nous rencontrons beaucoup d'élus locaux ! Ce n'est pas une exclusivité des élus et nous sommes, nous aussi, soumis à la pression des maires.
Ce document inquiète, et le texte de la loi est sans doute insuffisamment clair à son sujet.
L'une des mesures d'urgence que le Gouvernement proposera au Parlement avant la fin de l'année consiste à en limiter la portée. Le Gouvernement pense, en effet, que le projet d'aménagement et de développement durable doit être un document simple et court. Son intérêt est de permettre au conseil municipal de tenir un débat - j'insiste sur cet aspect démocratique - sur les grandes orientations communales, sans tomber dans le jargon technique. C'est un peu le parallèle du débat d'orientation budgétaire dans le domaine de l'urbanisme.
Vous pouvez compter sur moi, mesdames, messieurs les sénateurs, pour donner aux préfets des instructions, afin que le PADD, qui me semble pouvoir être un progrès démocratique, ne constitue en aucun cas une régression technocratique.
Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que les communes ont la possibilité d'élaborer une carte communale, qui représente justement un document « simplifié » et qui ne comporte pas de PADD aujourd'hui.
Dans ces conditions, il semble au Gouvernement que la suppression pure et simple du PADD n'est pas souhaitable. De plus, un article du prochain projet de loi traite de ce sujet. L'examen de cet article pourra être l'occasion d'ouvrir un débat de fond fructueux.
Dans ces conditions, le Gouvernement propose aux auteurs de cet amendement de le retirer.
M. le président. Monsieur Revet, l'amendement est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Monsieur le président, je suis un peu gêné, car c'est le président Jean François-Poncet qui est à l'origine de cet amendement et il y tient beaucoup.
M. Jean Bizet. Nous aussi !
M. Charles Revet. Bien sûr ! Toutefois, vous avez pris l'engagement, monsieur le ministre, de nous présenter, avant la fin de l'année, un texte qui prendra en compte ces dispositions. Dès lors, Jean François-Poncet pourra défendre lui-même les idées qui l'ont conduit à déposer cet amendement. Je pense donc qu'il serait d'accord pour le retirer.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
L'amendement n° 8, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 311-7 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-7. - Dans les communes disposant d'un plan d'occupation des sols approuvé dans les conditions définies au premier alinéa de l'article L. 123-19, les plans d'aménagement de zone approuvés avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 demeurent en vigueur jusqu'à la prochaine révision du plan d'occupation des sols selon le régime juridique des plans locaux d'urbanisme. Il en est de même des plans d'aménagement de zone approuvés conformément au deuxième alinéa de l'article L. 311-7 dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000.
« Les plans d'aménagement de zone approuvés sont soumis au régime juridique des plans locaux d'urbanisme tel qu'il résulte du chapitre III du titre II du livre Ier. Toutefois, pendant un délai de quatre ans à compter de la publication de la loi n° ... du ..., leur demeurent également applicables les dispositions des articles L. 311-1 à L. 311-7 dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, ainsi que celles prévues pour l'application de ces articles. »
La parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Il s'agit un peu de la même démarche que tout à l'heure à propos des plans d'occupation des sols : le présent amendement vise à définir une période transitoire entre l'ancienne génération des documents d'urbanisme - les plans d'occupation des sols et les plans d'aménagement de zone - et la future génération - les plans locaux d'urbanisme.
Il est proposé de clarifier le statut des plans d'aménagement de zone élaborés dans le cadre des ZAC et approuvés antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi SRU ou approuvés conformément aux dispositions transitoires qui figurent à l'article L. 311-7 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de cette loi.
Il vous est également proposé de permettre, durant une période transitoire, une évolution plus rapide et plus souple de ces documents, sans être obligé, ainsi que l'expérience l'a montré, de devoir réviser un POS sur l'intégralité du territoire de la commune pour adapter certaines dispositions de ces documents.
Cet amendement tend à donner de la souplesse, en attendant que la nouvelle génération de documents d'urbanisme vienne couvrir le territoire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Comme l'a dit notre collègue Jean-Paul Alduy, cet amendement relève du même esprit que l'amendement n° 6 relatif aux POS. Il permet de mieux passer cette période de transition qui n'avait pas été prévue par la loi SRU.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. En cohérence avec sa position précédente, le Gouvernement souhaiterait que M. Alduy retire cet amendement. Il est tout à fait pertinent, j'en conviens, et l'essentiel de son dispositif, j'en suis persuadé, se retrouvera dans le texte du Gouvernement.
M. le président. Monsieur Alduy, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Alduy. Je le retire, bien entendu, mais je tiens à préciser que je suis prêt à le redéposer lors de l'examen du prochain projet de loi si, par malheur, cette proposition n'y trouvait pas son expression.
M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 22 rectifié quater est présenté par MM. Arthuis, Alduy, Arnaud et Biwer, Mme Bocandé, MM. Cantegrit, Dériot, Détraigne et Dulait, Mme Férat, M. C. Gaudin, Mmes G. Gautier et Gourault, MM. Grignon, Hyest, Jarlier, Kerguéris et Lesbros, Mme Létard, MM. Lorrain, Mercier, Moinard, Monory, Mortemousque et Nogrix, Mme Papon, MM. Richert, Zocchetto, Poirier, Deneux, Baudot et Virapoullé, Mme Luypaert, MM. Vanlerenberghe et Blin.
L'amendement n° 57 rectifié bis est présenté par MM. de Richemont, P. André, Courtois, César, Leroy, Murat, François, Cornu, Bizet, Vial et Poniatowski.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Après l'article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :
« Le conseil municipal peut instituer une participation pour voirie et réseaux, destinée au financement de tout ou partie des voies nouvelles ou, si nécessaire, de l'aménagement des voies existantes, ainsi que des réseaux qui leur sont associés, réalisés pour permettre l'implantation de nouvelles constructions. »
L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. Goulet, Doublet, de Montesquiou, Türk et Demilly et Mme Henneron, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme est modifié comme suit :
« 1° Dans le premier alinéa, après les mots : "voies nouvelles", le mot : "et" est remplacé par le mot : "ou" ;
« 2° Dans le deuxième alinéa, après les mots : "de la voie", sont insérés les mots : "ou du réseau" ;
« 3° Dans le dernier alinéa, après les mots : "voie nouvelle", le mot : "et" est remplacé par le mot : "ou".
« II. - Dans la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 332-11-2 du même code, après les mots : "la voie", le mot : "et" est remplacé par les mots : "ainsi que".
« III. - Dans le dixième alinéa (2° d) de l'article L. 332-6-1 du même code, après les mots : "voies nouvelles", le mot : "et" est remplacé par le mot : "ou". »
L'amendement n° 54, présenté par MM. Goulet, Doublet, de Montesquiou, Türk et Demilly, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme est modifié comme suit :
« 1° Dans le deuxième alinéa, après les mots : " d'assainissement ", sont insérés les mots : " , qui peuvent donner lieu à des subventions des fonds visés à l'article L. 3232-2 du code général des collectivités territoriales, " ;
« 2° Dans le même alinéa, après les mots : "quatre-vingt mètres ", sont insérés les mots : ", ou cent cinquante mètres en zone rurale, " ;
« 3° Sont ajoutés in fine trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans les communes de moins de 2 500 habitants, les propriétaires peuvent, avant la délivrance d'une autorisation de construire, conclure avec la commune une convention par laquelle ils acceptent de prendre en charge la totalité du coût des travaux mentionnés à l'alinéa précédent, déduction faite des subventions perçues par la commune.
« Lorsque de nouvelles autorisations de construire sont sollicitées à moins de quatre-vingt mètres de la voie ou du réseau financé en application de l'alinéa précédent, ou de cent cinquante mètres en zone rurale, la commune demande aux pétitionnaires une participation destinée aux propriétaires ou à leurs ayants droit, et calculée au prorata de la superficie des terrains nouvellement construits, pondérée des droits à construire lorsqu'un coefficient d'occupation des sols a été institué.
« Lorsque les propriétaires ou leurs ayants droit ne peuvent être identifiés, la participation prévue à l'alinéa précédent est versée aux fonds visés à l'article L. 3232-2 du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à M. Philippe Arnaud, pour présenter l'amendement n° 22 rectifié quater.
M. Philippe Arnaud. Cet amendement tend simplement à mettre en conformité l'application de la loi SRU avec l'esprit de cette loi. Il s'agit aussi de mettre un peu d'intelligence - on peut le dire ainsi - dans l'application de ce texte.
Il faut rappeler que l'article 46 de la loi SRU qui intéresse la PVNR - chacun ici saura ce que cela veut dire sur le terrain : la PVNR, la participation pour voie nouvelle et réseaux, est une préoccupation quotidienne et majeure pour l'ensemble des maires - avait vocation à élargir les possibilités de financement des voies et des réseaux au bénéfice des communes. C'était un objectif clairement affiché. Mais son application sur le terrain a fait apparaître des interprétations différentes, notamment d'un département à l'autre. En outre, l'administration a eu une interprétation abusivement restrictive, laquelle a conduit tout simplement à stériliser l'urbanisme en milieu rural. Il en a résulté une source d'incompréhension et de préoccupation permanente pour les maires.
Trois points de conflit sont identifiés.
Le premier point, c'est la définition précise de la voie nouvelle et de la voie préexistante pouvant être qualifiée de voie nouvelle. C'est un problème que vous connaissez bien : il est nécessaire de faire des aménagements, quels que soient ces aménagements. S'il n'y a pas d'aménagement, il n'y a pas de voie nouvelle ou qualification de voie nouvelle.
Le deuxième point, c'est le lien qui existe entre la voie et les réseaux. Pour pouvoir financer les réseaux par la PVNR, il est impératif qu'un minimum de travaux soient réalisés sur la voie. Ce lien crée un grave problème, car il oblige tout simplement à effectuer des travaux inutiles.
Le troisième point, c'est la distorsion qui existe entre l'assiette qui sert au calcul de la PVNR et le périmètre de recouvrement. Dès lors que sont prises en compte dans l'assiette servant au calcul des superficies non constructibles, alors même que le recouvrement s'opère uniquement sur des terrains constructibles, eh bien ! c'est le budget de la commune qui supporte la différence.
Contrairement à ce qui est écrit dans les documents émanant du ministère, qui sont très bien faits, il apparaît, dans la pratique, que l'application sur le terrain de l'article 46 entraîne une réduction des possibilités de financement et crée des charges nouvelles pour les communes.
En réalité, monsieur le ministre, les problèmes d'application sont dus non pas à l'article 46 de la loi SRU, mais uniquement à la circulaire du 27 juillet 2001, puisque cet article ne précise pas tous ces points.
En conséquence, il convient impérativement, et de façon urgente, de reprendre l'ensemble de ces points : il ne doit plus y avoir d'obligation d'aménager une voirie si cela n'est pas nécessaire, les opérations réalisées sur des voies existantes normalement équipées et nécessitant seulement des extensions de réseau doivent permettre l'éligibilité à la PVNR ; enfin, il faut une concordance entre l'assiette des superficies qui sert au calcul de la PVNR et le périmètre de recouvrement.
Monsieur le ministre, s'agissant, je le repète, de l'application d'une circulaire, peut-être pourriez-vous dans l'immédiat, au moyen d'une circulaire ou d'une directive adressée aux préfets et aux directions départementales de l'équipement, régler l'ensemble de ces problèmes ?
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l'amendement n° 57 rectifié bis .
M. Jean Bizet. Cet amendement a pour objet de clarifier la rédaction de l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme, afin d'éviter toute équivoque.
En effet, le régime de la participation pour voie nouvelle et réseaux a pour effet de geler tout développement nouveau d'urbanisation du fait de l'interprétation qu'en donnent les services déconcentrés de l'Etat. Ce point particulier est au coeur de la problématique de la loi SRU et il a fortement perturbé un certain nombre de maires, notamment ceux des communes rurales, qui sont confrontés à des difficultés d'extension en matière d'urbanisation.
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet, pour présenter les amendements n°s 54 et 55 rectifiés.
M. Daniel Goulet. Je ne vais pas reprendre les excellents propos qui viennent d'être tenus par nos deux collègues, qui ont parfaitement démontré que le problème pourrait être facilement réglé si l'on suivait les conseils éclairés qui m'ont été prodigués par un directeur départemental de l'équipement.
Je ne reviendrai pas sur la démonstration qui vient d'être faite. Il suffirait, me semble-t-il, dans l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme, de remplacer le mot « et » par le mot « ou » dans chacun des alinéas pour résoudre le problème, monsieur le ministre.
La circulaire ainsi corrigée faciliterait d'autant la tâche des directeurs départementaux de l'équipement et, par là même, celle des maires. Jusqu'à présent, ces derniers étaient victimes du caractère cumulatif des critères, qui les empêchait d'avoir la maîtrise de leur plan d'urbanisme.
Par ailleurs, l'amendement n° 54 se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Inutile de vous dire, mes chers collègues, que le rapporteur que vous aviez désigné pour s'occuper du problème de la PVNR l'avait manifestement identifié. Il en avait d'ailleurs fait part au ministre, qui avait souhaité que cette question ne soit pas abordée dans la présente proposition de loi, puisque le Gouvernement, avait-il dit, préparait un projet de loi à cet effet.
Cela a valu à votre rapporteur d'être taxé par un certain nombre de nos collègues d'« urbain » et de se faire reprocher d'avoir ignoré les problèmes des ruraux.
Si, mes chers collègues, votre rapporteur avait bien vu les problèmes urbains et ruraux ! Mais, par correction, il n'avait traité, au titre de l'article 55, qu'un certain nombre de points concernant l'urbanisme. Manifestement, il en avait traité trop, bien qu'il en ait traité très peu !
Reste que le rapporteur avait bien identifié ce problème de la PVNR et est toujours aussi conscient de la nécessité de revoir la question.
Je ne suis pas sûr, d'ailleurs, monsieur Goulet, compte tenu de l'interprétation très éclairée qu'ont manifestée les DDE, que le fait de remplacer « et » par « ou » soit une solution. En effet, quelle que soit la formule que vous adopterez, « voies et réseaux » ou « voies ou réseaux », elle ne leur conviendra pas.
L'amendement présenté par nos collègues ne prévoit pas le financement pour ce qui est de la PVNR, il occulte le problème.
Cela étant, monsieur le président, avant de donner l'avis de la commission sur les autres amendements, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Les amendements n°s 22 rectifié quater et 57 rectifié bis concernent la participation pour voie nouvelle et réseaux. Le Gouvernement est bien conscient de ces problèmes, comme j'ai d'ailleurs eu l'occasion de le dire en réponse à une question de M. Ollier à l'Assemblée nationale ; je crois même avoir été soumis à une deuxième question portant exactement sur le même sujet, également à l'Assemblée nationale. Et j'aurais répondu avec le même entrain au Sénat si la question m'avait été posée. (Sourires.)
Le Gouvernement a bien pris en compte cette préoccupation dans le projet de loi auquel j'ai fait longuement et souvent allusion.
Il ne s'agit, en l'occurence, que de réaffirmer la volonté du législateur en indiquant clairement que cette participation, qui sera nommée, d'ailleurs, « participation pour voirie et réseaux » est applicable quand une voirie préexiste.
Je suis, évidemment, très favorable à ces amendements. Le Gouvernement propose néanmoins à leurs auteurs de les retirer afin de permettre leur examen à l'occasion de la discussion du texte actuellement soumis au Conseil d'Etat. D'ici là, compte tenu des souhaits exprimés, j'adresserai aux préfets une lettre les invitant à eux-mêmes de donner des consignes de souplesse dans l'interprétation des textes existants afin de rompre avec la pratique passée que nous ne pouvons tous que regretter.
M. le président. L'amendement n° 22 rectifié quater est-il maintenu, monsieur Arnaud ?
M. Philippe Arnaud. Compte tenu de l'engagement que vient de prendre M. le ministre, notamment de cette réaction immédiate vis-à-vis des préfets, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 22 rectifié quater est retiré.
L'amendement n° 57 rectifié bis est-il maintenu, monsieur Bizet ?
M. Jean Bizet. J'ai bien entendu l'engagement de M. le ministre. Je suis cependant désolé, mais je maintiens cet amendement, parce que, je le répète, il est véritablement au coeur de la problématique de la loi SRU. En zone rurale, notamment, on ne comprendrait pas le retrait d'un tel amendement !
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Je veux m'adresser à mon collègue et ami Jean Bizet. Compte tenu de l'avis émis par le Gouvernement et compte tenu des discussions qu'avaient eues le rapporteur avec le ministre préalablement, je souhaiterais que notre collègue retire son amendement.
Durant les discussions que j'évoquais à l'instant, les problèmes d'urbanisme ont été abordés et j'ai identifié celui-ci comme étant particulièrement urgent pour le monde rural. J'ai dit au ministre ma volonté de traiter ce dossier dans la proposition de loi, mais, rassuré par M. le ministre, j'ai renoncé.
Pour l'heure, et dans la même logique, il serait peut-être peu convenable de procéder ainsi par amendement ; il aurait fallu que ce dispositif figure d'emblée dans la proposition de loi. Ce problème est trop important.
Donc, je ne donnerai pas d'avis sur cet amendement, persuadé que notre collègue le retirera.
M. le président. Entendez-vous M. le rapporteur, monsieur Bizet ?
M. Jean Bizet. Il faut se méfier des accents convaincants de M. le rapporteur. (Sourires.)
Je ne retirerai pas cet amendement sans avoir réaffirmé l'importance que je continue d'attacher à la rationalité et à la cohérence de la démarche.
J'aurais souhaité maintenir cet amendement, mais, pour faire plaisir à M. le rapporteur, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 57 rectifié bis est retiré.
Monsieur Goulet, l'amendement n° 55 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Goulet. J'allais me rallier à l'amendement de M. Jean Bizet. (Sourires.) Je suis maintenant très gêné parce que je voulais qu'il y ait au moins un amendement sur les trois qui subsiste !
Mais je ne peux pas faire moins que mes deux collègues. Je retire donc également le mien !
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié est retiré.
Et l'amendement n° 54, monsieur Goulet ?
M. Daniel Goulet. Celui-là, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Le rapporteur n'estime pas avoir la science infuse ni être nécessairement omniscient. Il lui semble cependant logique que ce problème de la PVNR, qui est si important pour les communes rurales, soit traité dans sa globalité. Il n'est pas souhaitable de le découper en morceaux, avec, d'un côté, des financements, d'un autre côté, l'institution.
Il me semblerait tout à fait rationnel, ne serait-ce que par respect pour les élus locaux, qui attachent à ce problème une véritable importance, de le traiter dans sa globalité, avec toutes les conséquences que cela implique. C'est pour cela que je demanderai à mon collègue Daniel Goulet de bien vouloir retirer son amendement, en lui disant que le rapporteur attache autant d'importance que lui à ce problème de la PVNR.
M. le président. Maintenez-vous malgré tout l'amendement n° 54, monsieur Goulet ?
M. Daniel Goulet. Je souhaite, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que vous engagiez une communication forte dans les prochains jours de sorte que les maires, qui sauront que nous aurons passé une partie de la nuit à travailler pour eux, reçoivent des signaux au moins aussi forts que ce que nous avons reçus ce soir.
Je retire mon amendement, mais, attention, on ne nous fera plus de cadeaux !
M. le président. L'amendement n° 54 est retiré.
L'amendement n° 25, présenté par MM. de Raincourt, de Rohan, Valade et Richert, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive est ainsi modifiée :
« 1° L'article 5 est ainsi rédigé :
« Art. 5. - Une convention conclue entre la personne projetant d'exécuter les travaux et l'établissement public fixe :
« 1° les délais de réalisation des diagnostics et des travaux de fouilles, ainsi que les conséquences pour les parties du dépassement des délais fixés, qui courent à compter de la mise à disposition des terrains dans des conditions permettant d'effectuer les opérations archéologiques. A défaut d'accord entre les parties, ces délais sont fixés par l'Etat à la demande de la partie la plus diligente ;
« 2° les conditions d'accès aux terrains ;
« 3° le cas échéant, les conditions de la participation aux diagnostics et aux opérations de fouille des services archéologiques des collectivités territoriales ou d'autres personnes morales ;
« 4° le montant de la participation de la personne projetant d'exécuter les travaux au financement des opérations archéologiques. Ce montant tient compte de la fourniture à l'établissement public de matériels, d'équipements et des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre. « Le calcul du montant de cette participation ne prend pas en compte les opérations archéologiques concernant les terrains sur lesquels seront réalisés soit des travaux de construction ou d'amélioration de logements à usage locatif réalisés avec le concours de l'Etat en application des 3° et 5° de l'article L. 351-2 et des articles L. 472-1 et L. 472-1-1 du code de la construction et de l'habitation, soit des constructions de logements réalisées par des personnes physiques pour elles-mêmes.
« Lorsque les travaux d'aménagement sont exécutés pour eux-mêmes par les collectivités territoriales ou leurs groupements dotés d'un service archéologique agréé par l'Etat, les opérations archéologiques réalisées par ce service ne donnent lieu à aucune participation financière.
« Lorsque les travaux projetés ne sont pas réalisés, la participation financière correspondant aux opérations archéologiques qui n'ont pas été engagées est remboursée par l'établissement public. »
« 2° Le deuxième alinéa (1°) de l'article 8 est ainsi rédigé :
« 1° Par la participation au financement des opérations archéologiques des personnes projetant d'exécuter des travaux prévue au 4° de l'article 5 ; » ;
« 3° Les articles 9, 10 et le I de l'article 11 sont abrogés. »
« II. - Sont annulées les décisions portant prescriptions archéologiques prises en application de la loi n° 2001-44 du 17 janvier précitée et notifiées avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi ainsi que les titres de recettes émis sur le fondement de ces décisions par l'Institut national de recherches archéologiques préventives.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'établissement public de recherches archéologiques préventives de la suppression des redevances d'archéologie préventive est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. La loi SRU n'est pas la seule à engendrer un certain nombre de difficultés dans ses modalités d'application ! La loi relative à l'archéologie préventive nous a montré, sur un laps de temps très bref, quels effets elle pouvait elle aussi entraîner.
D'ailleurs, je tiens à rendre hommage à la lucidité du Sénat et à la clairvoyance de son rapporteur, notre collègue Jacques Legendre, qui avait parfaitement décrit les effets pervers du mécanisme mis en place, à l'époque contre l'avis du Sénat.
Quelles sont ces difficultés ?
Tout d'abord, certains textes d'application, en particulier un décret - je ne précise pas pour ne pas allonger les débats compte tenu de l'heure - dont la légalité est douteuse et qui permet à l'autorité administrative d'interdire purement et simplement des opérations d'aménagement.
Cette pratique, qui pénalise paradoxalement les élus les plus soucieux de la protection du patrimoine archéologique, excède, me semble-t-il, les termes de la loi et équivaut, dans les faits, à une expropriation sans indemnisation des terrains concernés par ces opérations. On est bien loin, mes chers collègues, de l'équilibre souhaité à l'époque par le législateur avec l'article 2 de la loi, aux termes duquel l'Etat veille « à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social ». Ce dernier membre de phrase est, le plus souvent, laissé de côté.
Par ailleurs, le barème des redevances aboutit à des situations que l'on peut qualifier d'aberrantes, qui conduisent à imposer aux collectivités territoriales des montants de taxation insupportables, voire, d'ailleurs, surréalistes au regard des capacités contributives des collectivités et sans commune mesure avec le coût des dispositions envisagées.
M. Aillagon a tout à fait conscience de ces difficultés, puisqu'il a déjà diligenté une mission afin de dresser le bilan de l'application de cette loi, bilan prévu, d'ailleurs - c'est l'une des seules choses que nous ayons obtenues - par une disposition introduite sur l'initiative du Sénat.
A la suite de cette mission, M. le ministre souhaite engager une réforme dont pourrait être saisi le Parlement dès le début de l'année 2003. Cette initiative est tout à fait bienvenue, et je la soutiens.
Mais, là encore, et cela nous ramène à une discussion précédente, : peut-on attendre encore quelques mois ?
Je ne le crois pas. Cela reviendrait, en effet, à accepter de voir des aménageurs, notamment des collectivités territoriales, contraints d'abandonner des projets sous l'effet de prescriptions abusives ou de redevances excessives.
Pour cette raison, il convient d'aménager le dispositif en vigueur afin de rendre supportable sa mise en oeuvre.
C'est le sens de l'amendement que je présente, qui ne remet pas en cause - j'y insiste - les dispositions permettant à l'Etat de prescrire des opérations archéologiques pas plus que celles qui concernent le rôle de l'établissement public chargé de les réaliser.
Le texte que je vous propose se borne à aménager un régime transitoire qui a vocation à s'appliquer en attendant la réforme d'ensemble annoncée par le Gouvernement.
Ce régime s'articule autour de deux points.
En premier lieu, les dispositions de la loi instituant les redevances d'archéologie préventive seraient suspendues et remplacées par un régime contractuel provisoire inspiré des pratiques antérieures à la loi de 2001 par l'intermédiaire d'une convention passée entre l'Institut national de recherches d'archéologie préventive et l'aménageur, convention qui prévoira le montant de la participation de ce dernier au financement des opérations de diagnostic et de fouilles archéologiques préventives.
En second lieu, les décisions de prescription prises et les titres de recettes émis sur le fondement de ces décisions sont annulés.
Pour les décisions de prescription, celles qui ne sont ni contestables ni contestées pourront être de facto renouvelées. En revanche, pour les autres, leur annulation permettra de les reconsidérer et d'engager le débat, en concertation avec les élus. Aujourd'hui, les élus sont absents de ce dispositif.
Les titres de recettes émis sur leur fondement, qu'ils aient donné lieu ou non à perception, sont annulés. Je veux souligner à ce point de mon propos, que le montant des redevances - parce que c'est ce que l'on avance - perçu par l'INRAP est très faible, puisque aujourd'hui l'essentiel des recettes de cet établissement provient des sommes perçues en application des conventions passées par l'AFAN, l'Association pour les fouilles archéologiques nationales, avant la mise en oeuvre de la loi. Qu'on ne vienne pas me dire que je supprime les ressources de cet établissement !
S'agissant des prescriptions nouvelles, elles ne donneront plus lieu à une taxation automatique et d'un montant insupportable.
Ce dispositif simple nous permettra d'attendre jusqu'à l'adoption d'un texte plus équilibré, sans remettre en cause ni la réalisation des opérations d'archéologie préventive absolument nécessaires à la sauvegarde d'éléments du patrimoine, ni les opérations d'aménagement indispensables au développement économique, local ou national, le tout sans faire peser sur les collectivités territoriales des charges fiscales excessives.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Compte tenu de toutes les garanties que vient de nous apporter M. de Raincourt dans son exposé détaillé, mais également de la qualité des signataires de cet amendement, qu'il s'agisse de Josselin de Rohan, de Jacques Valade ou de Philippe Richert, qui représentent toutes les tendances de la majorité sénatoriale, la commission ne peut que se prononcer favorablement sur l'amendement n° 25.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement est bien conscient des défauts de la loi du 17 janvier 2001 ; votre serviteur en a lui-même souffert. Le Gouvernement a donc l'intention de la réformer, et ce très rapidement, monsieur de Raincourt !
Les premières prescriptions de fouilles établies en application de cette loi sont entrées en vigueur en février 2002 et suscitent de vives réactions de toutes parts. Dès le 9 octobre dernier, le ministre de la culture, Jean-Jacques Aillagon, a chargé une mission d'étude, que vous avez évoquée, d'examiner attentivement les modalités de calcul de la redevance.
Conformément aux souhaits que vous avez exprimés, mesdames, messieurs les sénateurs, des modifications de la loi seront proposées dans un délai de trois mois. Une modification hâtive risquerait, à mon sens, de créer de graves tensions, sans forcément apporter de solutions satisfaisantes aux préoccupations légitimes des collectivités locales.
En outre, la rétroactivité prévue par l'amendement poserait de lourds problèmes.
Pour toutes ces raisons, tout en comprenant et en approuvant parfaitement la démarche qui sous-tend le présent amendement, mais désireux de procéder à la réforme avec vous dans des conditions maîtrisées, le Gouvernement, qui va présenter au Parlement, au début du mois de mars 2003, une disposition législative en ce sens, demande le retrait de l'amendement n° 25.
M. le président. Monsieur de Raincourt, répondez-vous à la sollicitation du Gouvernement ?
M. Henri de Raincourt. J'ai été sollicité, mais pas dans le sens que je souhaitais. En effet, les différentes conversations auxquelles j'ai participé ces derniers jours, notamment avec les membres du cabinet de M. le ministre, n'aboutissaient pas à la même conclusion.
Je maintiens donc mon amendement.
M. Roland Muzeau. La confiance règne !
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.
M. Yves Dauge. Monsieur le président, j'avais également en tête que l'article 14 de la loi faisait état d'un bilan des conditions de son application. Il faut rappeler que celle-ci est très récente, puisqu'elle date du 17 janvier 2001, et que sa mise en place est à peine engagée.
Pour tout ce qui touche au patrimoine, mes chers amis, nous allons retomber dans les mêmes problèmes.
M. Henri de Raincourt. Tout cela, on le sait !
M. Yves Dauge. Nous avons déjà eu des discussions au sujet des architectes des Bâtiments de France. Je m'aperçois que nous refusons toute contrainte imposée par la loi, au nom des maires que nous représentons.
Nous venons déjà de mettre le ministre en difficulté ; vous vous apprêtez à recommencer. Je trouve cette soirée vraiement calamiteuse !
Je me demande à quoi sert l'opération que les sénateurs ont lancée et sur quoi elle va déboucher : probablement sur rien du tout, puisque le ministre nous a expliqué qu'il préparait une loi. Or je crois plutôt à la sienne qu'à la vôtre.
En outre, avouez qu'il est déplorable, à cette heure, de découvrir un texte qui n'a absolument rien à voir avec la proposition de loi dont nous débattons ! Quelle que soit l'honnêté avec laquelle vous défendez ces causes, il faut savoir qu'il y a toujours des problèmes quand il faut payer. On peut naturellement revoir les redevances, mais, quand vous dites qu'il n'y aura pas de conséquence sur l'INRAP, je m'inscrits en faux : il est bien sûr qu'il y en aura !
M. Guy Fischer. C'est un cavalier !
M. Yves Dauge. Ce n'est pas ce matin que nous allons, du revers de la main, balayer une loi qui ne vous plaît pas, ce que nous pouvons comprendre, au motif que certains trouvent qu'elle coûte cher.
J'avoue que je suis très choqué de la manière dont s'achève cette nuit. Je trouve cela très déplacé et je regrette que le Sénat se prête à ce genre d'exercices.
M. Bruno Sido. Oh là là !
M. Georges Gruillot. Et voilà qu'il nous fait la morale...
M. Roland Muzeau. Il a raison !
M. Gilles de Robien, ministre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur de Raincourt, finalement, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 10.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi n° 37, je donne la parole à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de l'examen de la proposition de loi modifiant la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, force est de constater que le texte initial qui nous a été présenté n'est pas sorti amélioré de la discussion.
M. Guy Fischer. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Yves Coquelle. Nous regrettons profondément que vous n'ayez rien retenu de la formidable intervention de Jack Ralite, qui faisait pourtant état d'un vote unanime du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées contre la remise en cause de la loi SRU que vous avez engagée.
Cette proposition de loi est crispée sur une conception profondément inégalitaire du développement urbain à venir, qui oppose artificiellement la construction ou la réalisation de logements sociaux avec l'harmonie et l'équilibre.
Nous avons démontré que la grande réticence manifestée par certains n'avait d'autre origine que le profond mépris dont ils font preuve à l'égard des familles qui demeurent aujourd'hui dans le parc locatif social.
Le reste, mes chers collègues, n'est en quelque sorte que littérature, ou plutôt adaptation de la législation aux seuls impératifs définis par une vision pour le moins étroite de l'urbanisme et, plus largement, de la politique de la ville.
Il s'agit donc de faire en sorte que tout puisse continuer comme avant, comme si de rien n'était, comme si la situation dégradée que connaît le secteur du logement n'existait pas et qu'aucun besoin ne se manifestait en la matière.
Ces choix ne permettront évidemment pas de relancer la construction de logements locatifs sociaux dans les communes qui en sont aujourd'hui largement dépourvues, pas plus qu'ils ne faciliteront, au demeurant, la réalisation de nouveaux programmes là où le patrimoine social est d'ores et déjà significatif.
Les habitants de notre pays ont besoin d'une autre politique du logement que celle qui se dessine au fil des déclarations ministérielles ou à travers le soutien accordé par le Gouvernement à ce type d'initiative parlementaire, qui ne rend pas ses auteurs plus honorables qu'avant.
Ils ont besoin d'autre chose que du choix politique de la liquidation du parc social de fait, de la remise en question du niveau des aides personnelles au logement, de l'absence de financement adapté à l'accession sociale à la propriété.
Ils ont besoin d'autre chose que de propositions de loi de ce genre, qui ne visent qu'à encourager le statu quo.
N'oublions jamais, mes chers collègues, que l'un des plus redoutables moteurs de la violence urbaine est la perception concrète des inégalités sociales ; or c'est bien ce qui se réaliserait si cette loi était promulguée.
Ce sont clairement des choix de classe que vous venez d'exprimer !
Nous ne pouvons évidemment voter que contre la proposition de loi telle qu'elle ressort de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.).
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission. A près de cinq heures du matin, nous pouvons dire que nous avons largement utilisé le temps d'initiative parlementaire !
Vous ne m'en voudrez pas de remercier d'abord M. le rapporteur, qui, depuis le mois de juin dernier, s'efforce d'analyser les causes des blocages issus de la loi SRU, tant en matière de logement que d'urbanisme.
Je voudrais associer à ces remerciements tous les collègues qui, en commission comme en séance publique, se sont associés à cette réflexion et l'ont enrichie.
Les rapports entre la commission et le Gouvernement n'ont pas été faciles ce soir, mais cela fait partie du débat parlementaire. Je tiens donc à remercier aussi M. le ministre et ses collaborateurs.
Le Sénat a préféré le contrat à la contrainte. Il a fait le choix de la confiance aux élus locaux, s'inscrivant ainsi dans la droite ligne du projet de loi constitutionnelle relatif à la décentralisation voulu par M. le Premier ministre, que nous avons adopté la semaine dernière.
Nous avons, il convient de le souligner, rappelé l'importance de la mixité sociale. Ce texte ne l'abroge pas.
M. Roland Muzeau. Si !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Nous avons aussi vécu un moment de libre expression parlementaire. Y compris au sein de la majorité qui soutient le Gouvernement, nous avons parfois entendu des divergences. Peut-être les avons-nous trop montrées, mais il en va ainsi dans le débat d'opinion.
Je voudrais toutefois tirer un enseignement pour l'avenir. J'ai bien entendu M. le ministre avancer la date de la fin de l'année pour l'examen de son projet de loi. Gardons-nous de la précipitation, qui pourrait nous conduire à ne pas préparer suffisamment certains points.
Comme je le disais ce matin devant les membres de la commission, il nous faut être vigilants quand des amendements d'importance sont déposés. Donnons-nous le temps de les analyser, de rapprocher les points de vue. Tel est mon souhait pour l'avenir.
Je tenais également à remercier les collaborateurs de la commission, qui sont fortement sollicités pendant cette période et qui, dans très exactement trois heures trente, seront présents à la réunion du bureau de la commission. Je les félicite de la qualité de leurs travaux ainsi que de leur mobilisation autour des commissaires en cette période de l'année.
Permettez-moi enfin, monsieur le président, tout en remerciant la présidence d'avoir conduit, avec compétence et attention l'ensemble des débats, de remercier l'ensemble des personnels du Sénat, qui n'avaient sans doute pas prévu une nuit aussi longue.
M. le président. L'ensemble du personnel sera sensible à ces compliments !
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur le président, je vous remercie d'avoir assuré la présidence de cette séance publique avec autant de tact, de diplomatie et de courtoisie. Je remercie également le président de la commission et le rapporteur qui, par leur spontanéité et leur franchise, ont permis de vrais échanges, ainsi que l'ensemble des sénateurs qui ont travaillé sur des textes un peu disparates.
S'agissant de l'article 55, je retiendrai surtout l'idée selon laquelle les procès d'intention que l'opposition nous faisait il y a peu n'ont plus lieu d'être, puisque l'affirmation de la mixité sociale a été faite. Les objectifs sont supérieurs à ceux que vous aviez évoqués voilà deux ans !
Au cours de nos débats, nous n'avons exclu aucune commune du dispositif. Par conséquent, nous sommes exempts de reproches de la part de l'opposition. La majorité a donc bien travaillé.
Je voulais enfin vous donner rendez-vous. Nous aurons à connaître des règles d'urbanisme dans le projet de loi portant diverses dispositions dans le domaine de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction, qui sera examiné à l'Assemblée nationale dans trois semaines et au Sénat probablement - l'ordre du jour n'ayant pas encore été fixé - le 20 décembre prochain. En outre, mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons un grand rendez-vous dans trois ans ; nous ferons alors le point sur la récolte de ce que nous avons semé ce soir.
Dépasserons-nous, en termes de mixité sociale, les objectifs de l'opposition ? En ce qui me concerne, compte tenu du travail qui a été fait, j'en suis persuadé. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je souhaite à mon tour remercier M. le ministre et les membres de son cabinet, en espérant qu'à l'avenir nous parviendrons à nouer des contacts plus étroits avant l'examen des textes, de façon à mieux nous comprendre dans le débat. Cela me semble particulièrement important.
Je remercie moi aussi les administrateurs de la commission et, bien sûr, je remercie tous mes collègues de leur soutien, car c'est grâce à leur présence jusqu'à cette heure tardive que nous sommes parvenus à un résultat.
Je termine, mes chers collègues, en remerciant le président de la commission, M. Gérard Larcher, véritable ami depuis fort longtemps : nous n'aurions pas obtenu le résultat que nous avons obtenu s'il n'avait été là à des moments déterminants.
Merci à tous, et bonne nuit ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi n° 37 (2002-2003).

(La proposition de loi est adoptée.)

14

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 13 novembre 2002, à quinze heures et le soir :
Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 30, 2002-2003) pour la sécurité intérieure.
Rapport (n° 36, 2002-2003) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Rapport d'information (n° 34, 2002-2003) de Mme Janine Rozier, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 (n° 47, 2002-2003) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 15 novembre 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat sur l'assurance maladie : lundi 18 novembre 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 18 novembre 2002, à douze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 13 novembre 2002, à cinq heures.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Volet territorial du IV e contrat de plan Etat-région

92. - 9 novembre 2002. - M. Georges Mouly appelle l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur la complexité des procédures qui, liée à l'enchevêtrement des niveaux de compétence, ralentit considérablement la mise en oeuvre de la politique de pays. En Limousin, alors que des politiques territoriales expérimentales ont démontré la réalité des dynamiques locales et fait émerger des projets structurants, quatre ans après l'adoption de la loi n° 95-115 du 4 janvier 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, exception faite des périmètres reconnus, les actions structurantes adoptées conformément aux orientations générales de la démarche « Pays » ne sont pas toujours en phase de réalisation. C'est pourquoi il lui demande quelles dispositions il envisage afin de permettre aux acteurs locaux de s'engager réellement et concrètement dans une démarche de proximité pour le développement harmonieux et durable de leurs territoires.

Revalorisation du minimum contributif

93. - 9 novembre 2002. - M. Yann Gaillard attire l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur la situation du minimum contributif, à propos de laquelle il avait, en novembre 2001, posé une question écrite à laquelle il n'a pas été répondu et qui est devenue caduque. En effet, la différence qui existe entre le minimum vieillesse (minimum social accordé sous conditions de ressources permettant de garantir à une personne qui a peu ou pas cotisé à un régime vieillesse) et le minimum contributif (accordé à tout salarié du secteur privé ou agricole permettant de garantir un minimum de retraite décente en fin de vie professionnelle) est substantielle. Ainsi, au 1er janvier 2002, le montant du minimum contributif est de 525,63 euros par mois pour une personne seule, alors que le minimum vieillesse est de 569,38 euros. A sa création, en 1983, le minimum contributif visait à garantir aux assurés du régime général à bas salaire une pension égale à 95 % du SMIC net avec une retraite complémentaire. Le minimum contributif est revalorisé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale, comme les pensions. De fait, la revalorisation de ce minimum, depuis le 1er janvier 1984, est strictement identique à celle des pensions contributives. En revanche, et contrairement au SMIC, le minimum contributif n'a profité d'aucune revalorisation et a décroché par rapport à celui-ci. Cela n'est absolument pas conforme à la logique et ne tient pas compte des efforts contributifs des intéressés. Les retraités indiquent qu'un tel montant ne leur assure pas une pension convenable pour une qualité de vie décente. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir envisager une revalorisation du minimum contributif d'au moins 152 euros par mois ainsi qu'une indexation de celui-ci sur le SMIC afin que, pour une carrière complète, aucune pension du régime général et complémentaire ne soit inférieure au SMIC. Il le remercie de bien vouloir lui indiquer ses intentions en la matière.



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 12 novembre 2002


SCRUTIN (n° 29)



sur la motion n° 3 présentée par M. Yves Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen tendant à opposer la question préalable aux conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 319
Pour : 113
Contre : 206

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :

Pour : 8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla

Contre : 13.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Contre : 92.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat et M. Serge Vinçon, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (82) :

Pour : 82.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :

Contre : 54.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Contre : 41.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

Contre : 6.

Ont voté pour


Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour


Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk


Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat et Serge Vinçon, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 320
Nombre des suffrages exprimés : 320
Majorité absolue des suffrages exprimés : 161
Pour : 114
Contre : 206

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 30)



sur l'article 1er des conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 319
Pour : 206
Contre : 113

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :

Pour : 13.
Contre : 8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour : 92.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat et M. Serge Vinçon, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (82) :

Contre : 82.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :

Pour : 54.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Pour : 41.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

Pour : 6.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk


Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Ont voté contre


Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour


Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 320
Nombre des suffrages exprimés : 320
Majorité absolue des suffrages exprimés : 161.
Pour : 207
Contre : 113

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 31)



sur l'amendement n° 21 présenté par M. Yves Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à supprimer l'article 10 des conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 319
Pour : 114
Contre : 205

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :

Pour : 8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.

Contre : 13.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Contre : 92.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (82) :

Pour : 82.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :

Pour : 1. _ M. Philippe Arnaud.
Contre : 53.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Contre : 41.

SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (6) :

Contre : 6.

Ont voté pour


Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour


Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk


Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 320
Nombre des suffrages exprimés : 320
Majorité absolue des suffrages exprimés : 161
Pour : 115
Contre : 205

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.