SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 4. - Au premier alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale, les mots : "indice faisant présumer" sont remplacés par les mots : "une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner". »
La parole est à Mme Nicole Borvo, sur l'article.
Mme Nicole Borvo. Cet article 4 modifie complètement les critères permettant de procéder à des contrôles d'identité.
Ces contrôles sont actuellement encadrés par l'article 78-2 du code de procédure pénale, qui permet aux officiers de police judiciaire d'inviter à justifier par tout moyen de son identité toute personne à l'encontre de laquelle existe un « indice faisant présumer » qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction.
Il nous est proposé de remplacer cette notion d'« indice faisant présumer » par une notion beaucoup plus vague : « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner ».
Le Gouvernement justifie cette modification par le fait que, pour le placement en garde à vue, la loi du 4 mars 2002, modifiant la loi sur la présomption d'innocence, a retenu comme critère les raisons plausibles, au lieu de l'indice. A l'époque, nous avons eu, ici même, un débat sur ce point, au cours duquel tous les arguments ont bien sûr été évoqués, y compris les problèmes linguistiques, puisque la formulation « raisons plausibles », issue de la Commission européenne des droits de l'homme, est la traduction de l'anglais. Tout compte fait, cela voudrait dire la même chose ! D'ailleurs, Mme Lebranchu avait diffusé une circulaire pour expliquer que par « raison plausible » il fallait entendre « indice » ; difficile explication !
Néanmoins, il convient de rappeler que, à l'époque, la commission des lois s'était opposée à l'entrée dans notre code de procédure pénale de l'expression « raisons plausibles », s'agissant de la garde à vue. Selon les termes mêmes de M. Schosteck, cette modification avait alors suscité « la perplexité de la commission », et lui faisait craindre une moindre sécurité juridique que la notion d'« indice ».
Aujourd'hui - autres temps - ceux-là mêmes qui étaient perplexes et qui s'opposaient à la modification se rangent derrière le Gouvernement et acceptent de remplacer la notion d'indice, utilisée pourtant depuis longtemps dans notre pays et dont la jurisprudence a déjà donné une définition précise. C'est tout à fait regrettable. En effet, s'agissant de contrôles d'identité, il est absolument nécessaire de bien encadrer les conditions dans lesquelles ils peuvent être effectués.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement qui vise à réécrire l'article 78-2 du code de procédure pénale en précisant que l'indice permettant d'effectuer un contrôle d'identité doit être grave et concordant. Il s'agit de renforcer les garanties dans ce domaine et d'éviter les abus que nous connaissons.
J'estime, en effet, qu'il appartient au législateur de concilier les exigences de sécurité et la garantie des libertés constitutionnellement protégées, tel le respect des libertés individuelles.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. L'article 4, que nous proposons de supprimer, tend à modifier l'article 78-2 du code de procédure pénale afin qu'il fasse référence, en matière de contrôles d'identité, aux personnes à l'encontre desquelles existent « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner », et non plus aux personnes à l'encontre desquelles existe « un indice faisant présumer » qu'elles ont commis ou tenté de commettre un crime ou un délit ou sont susceptibles de fournir des renseignements utiles ou font l'objet de recherches.
Cet article reformule la nature du lien qui autorise les forces de police ou de gendarmerie à entreprendre le contrôle d'identité. Ce choix est justifié par le souci d'harmoniser les dispositions du code de procédure pénale relatives au contrôle d'identité avec celles qui sont relatives à la garde à vue et qui se réfèrent elles-mêmes à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Une telle harmonisation n'est pas aussi évidente que l'affirme M. le rapporteur, car elle porte sur des situations clairement distinctes : dans un cas sont visées les conditions dans lesquelles un officier de police judiciaire peut placer une personne en garde à vue ; dans l'autre, il s'agit de contrôler l'identité d'une personne.
Par ailleurs, cette mise en cohérence est superflue. La notion d'indice est déjà entendue dans une acception très large. Aussi, un seul indice suffit à justifier le contrôle de la force publique. Il peut aussi s'agir d'indices matériels ou du comportement anormal de la personne. Enfin, chaque texte de droit, aussi fondamental soit-il, dispose de son autorité sémantique propre et d'une charge contextuelle qui lui est spécifique.
Dans ces conditions, la référence systématique à la notion de « raisons plausibles » telle qu'elle est inscrite dans la convention du 4 novembre 1950 paraît inappropriée.
On aurait pu comprendre ce souci d'harmonisation s'il existait un code de procédure pénale européen. La notion d'indice est propre au droit français, et la jurisprudence en a détaillé la nature et les caractéristiques. Il convient de s'y tenir.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souscris, bien sûr, à ce qui vient d'être dit, mais je voudrais savoir si la majorité sénatoriale va, une fois de plus, et en si peu de temps, se contredire elle-même. (Protestations sur les travées du RPR.)
Tel n'est pas le cas, on le sait, du groupe socialiste, qui, unanime - et M. Badinter s'était fait son porte-parole - estima qu'il fallait s'en tenir aux indices et ne pas accepter la raison plausible. Celle-ci a été proposée et imposée, à l'époque, par un seul homme, en commission mixte paritaire, s'il faut en croire le rapport de notre collègue Schosteck.
M. Pierre Fauchon. Qui était-ce ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'était Julien Dray !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le ministre, au cours du débat, a fait référence à Mme Lebranchu pour indiquer qu'il continuait dans sa voie. En vérité, vous savez parfaitement ce que, tous, autant que nous étions, répondions, à savoir que la convention européenne des droits de l'homme comporte des anglicismes - c'était le cas du délai raisonnable, par exemple, et cela a pu avoir du bon -, de même que vous savez parfaitement que jamais la Cour européenne des droits de l'homme ne nous a reproché d'utiliser une notion différente précisant que ce sont des indices qui sont nécessaires - des indices « laissant présumer » - et non pas des raisons plausibles. Car n'importe quoi peut être une raison plausible, par exemple le « délit de sale gueule », comme on dit,...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ah non ! Ce n'est pas une raison plausible !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Certes, ce n'est pas une raison plausible. Mais justement, on pourrait toujours dire que c'en est une, pourquoi pas, ou en trouver une autre pour masquer celle-là !
Il existe en France une jurisprudence qui sait ce qu'est un indice, et qui l'a toujours dit, et je ne voudrais pas rappeler le nom de tous ceux qui, aussi bien en commission qu'en séance publique, il n'y a pas si longtemps, se sont prononcés à cet égard.
J'ai sous les yeux le compte rendu des débats.
M. Schosteck, qui était rapporteur, s'exprimait ainsi :
« Nous proposons de supprimer cet article 1er. Comme je l'ai exposé dans mon intervention liminaire, cet article tend à remplacer les critères habituels du placement en garde à vue - les "indices faisant présumer" qu'une personne a commis une infraction - par la notion nouvelle d'"une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner" qu'une personne a commis une infraction.
« Cette modification a suscité la perplexité de la commission, d'autant plus, madame la garde des sceaux, que la circulaire que vous avez adressée aux procureurs de la République, au début de l'année, indique que les indices doivent s'entendre comme des raisons plausibles. Encore une fois, mes chers collègues, si c'est la même chose, pourquoi changer ?
« Nous vivons avec la notion d'indices depuis des lustres ; la jurisprudence l'a parfaitement définie ; tout le monde sait à peu près à quoi elle correspond, et le périmètre en est bien défini. Il est donc curieux que l'on commence aujourd'hui seulement à trouver qu'elle n'est pas satisfaisante.
« La notion de "raisons plausibles" ne paraît pas vraiment plus explicite, et nous craignons même qu'elle n'autorise toutes les interprétations et, donc, n'enlève de la sécurité juridique au dispositif. C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article et de revenir à la notion, claire, d'indices. »
Monsieur le ministre, il est tout de même trop facile de critiquer vos prédécesseurs en disant : « Ils n'ont pas fait ceci, nous, nous le faisons ! Ils ont fait cela, ils ont eu tort ! », puis : « Ils ont fait ça », donc nous faisons la même chose » !
M. Jean-Jacques Hyest. C'est le Parlement qui l'a fait !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut choisir : on ne peut pas tout faire !
M. Garrec, président de la commission des lois, avait également pris la parole :
« Si vous vous référez au Harrap's, qui est un excellent dictionnaire anglais, vous trouvez, s'agissant du texte que vous venez d'évoquer, le mot : plausible. Cela peut signifier : qui a toutes les apparences d'une vérité que n'importe qui peut accepter comme telle.
« Tout le monde peut en accepter l'idée parce que la construction est telle qu'on peut se dire que c'est peut-être vrai. Mais, sur le plan pénal, on ne peut accepter que quelque chose de plausible puisse être pris pour du réel. Je crois que la traduction anglaise du Harrap's est très claire. C'est parce que vous avez cité le terme anglais, madame le ministre, que je me permets de faire cette remarque sur le plausible. »
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
Mme Nelly Olin. Oui, c'est bien long !
M. Robert Bret. Mais c'est très intéressant ! C'est très éclairant !
Mme Nicole Borvo. Nous en avons tant entendu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est tout de même un sujet extrêmement important ! (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Gérard Braun. Allez-vous écouter le président et en terminer ?
Mme Nicole Borvo. Nous faisons notre travail de législateur !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour ne pas allonger, je ne citerai pas le président ! En revanche, je donnerai encore lecture d'une phrase du procès-verbal de la réunion de la commission mixte paritaire :
« Au cours de la commission mixte paritaire, il est apparu clairement que le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Julien Dray, défendait seul cette modification. »
MM. Jean-Jacques Hyest et Pierre Fauchon. Elle a été votée par le Parlement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Elle n'a pas été votée par le Sénat unanime !
Nous, socialistes, restons fidèles à notre position ; vous, une fois de plus, et d'une manière spectaculaire, vous vous contredisez.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 166, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes André et Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 131, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Au premier alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale, après le mot : "indice" sont insérés les mots : "grave et concordant". »
L'amendement n° 1, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans cet article, avant le mot : "indice", insérer le mot : "un". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 166.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vais vous apporter la preuve que nous avons travaillé trop vite. Dans l'objet de notre amendement figure la phrase : « Ainsi, un seul indice suffit à justifier le contrôle de la force publique. » Il faudrait la rayer, car ce n'est évidemment pas cela que nous reprochons.
J'en reviens à ce que je n'ai pas eu le temps de vous lire à l'instant pour citer M. Robert Badinter :
« Le problème, ici, n'est pas la référence plus ou moins exacte à la définition anglo-saxonne, il est beaucoup plus important que cela. A cet égard, je suivrai la position du rapporteur de la commission des lois.
« Les indices, vous avez raison, madame la garde des sceaux, peuvent être matériels ou intellectuels, mais ils doivent exister. Ils ont, si je puis me permettre de le dire, un caractère objectif et, s'ils sont objectifs, ils peuvent être contrôlés par ceux qui ont pour mission, comme le rappelait M. Haenel, de veiller au respect des libertés individuelles à propos de la garde à vue, c'est-à-dire les procureurs.
« Mais la raison plausible, qui est en effet mentionnée dans le texte de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, c'est la subjectivité. Comment voulez-vous la contrôler si vous n'avez pas, par ailleurs, les indices qui fondent ces raisons plausibles de soupçonner ?
« C'est donc en partant des indices [...] que l'on peut parler de "raisons plausibles de soupçonner". C'est parce qu'il y a des indices qu'on a des raisons, mais si on fait disparaître les "indices", il ne reste plus que la subjectivité. Donc, je ne vois vraiment pas pourquoi nous devrions changer un concept connu de notre droit.
« La circulaire éclaire parfaitement la pratique qui devra être suivie : le ministère public aura pour mission d'en informer les officiers de police judiciaire dans son ressort et tout cela fonctionnera parfaitement. Sur ce point, nous ne gagnerions rien à aller vers les "raisons plausibles", mais nous devons conserver les "indices", qui seront autant de raisons plausibles au regard de la convention européenne et qui nous mettent à l'abri de toute critique. »

Et on lit au Journal officiel : « M. Alain Gournac : Il n'y a rien à ajouter. »
Et on lit au Journal officiel : « M. Hubert Haenel : Très bien ! »
Et on lit au Journal officiel : « M. le président : Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement. »
Et on lit au Journal officiel : « L'amendement est adopté. »
Il fallait tout de même le rappeler pour que vous preniez vos responsabilités en connaissance de cause, c'est-à-dire au mépris de ce que vous affirmiez il n'y a pas si longtemps (Protestations sur les travées du RPR et de l'Union centriste) , puisque c'était en 2002.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. Robert Bret. Ce n'est pas la première fois qu'ils se déjugent !
M. Pierre Fauchon. On vous expliquera tout à l'heure !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour défendre l'amendement n° 131.
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas perdre son temps que de discuter d'un article tel que celui-là. Nous consacrons beaucoup de temps à renforcer, pour des raisons d'affichage politique, des dispositions qui existent déjà dans le code pénal, alors que notre travail de législateur consiste à réfléchir aux dispositions que nous inscrivons dans la loi. C'est là le plus important !
Nous venons de débattre du rôle des préfets et de l'autorité qu'exerce sur eux le ministre de l'intérieur, mais cela n'est pas vraiment le rôle du Parlement ! En revanche, il serait très intéressant que la majorité des parlementaires refuse de modifier notre droit positif en introduisant un vocable anglo-saxon : ce n'est pas parce que celui-ci figure dans la Convention européenne des droits de l'homme qu'il a une valeur sacrée !
Qui plus est, cette même Convention précise que les raisons ne doivent pas se déduire de la personne elle-même. Or le pouvoir de procéder à un contrôle d'identité n'est pas un pouvoir anodin. Il ne doit donc pas se déduire de la personne elle-même : il faut que les indices soient précis. Mais, on le sait bien, le contrôle d'identité est souvent effectué de façon abusive. Il serait donc bon que le législateur fixe des règles précises en la matière.
C'est ce à quoi tend notre amendement n° 131, qui vise à qualifier les indices de « graves et concordants ».
Toutefois, si le Gouvernement revient à la rédaction initiale, c'est-à-dire à la notion d'indice, je reconsidérerai peut-être ma position.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1 et donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 166 et 131.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 1 vise à corriger une erreur matérielle et ne devrait pas soulever de difficultés.
L'amendement n° 166 de M. Dreyfus-Schmidt tend à supprimer l'article 4, dont l'objet est de remplacer la notion d'indice par celle de raison plausible comme critère de contrôle d'identité.
On ne peut que regretter que M. Dreyfus-Schmidt n'ait pas réussi, à l'époque, à convaincre les députés de la majorité, à laquelle il appartenait, en particulier M. Julien Dray, dont un amendement est à l'origine de ce changement de terminologie : si cet amendement a été voté, c'est bien parce que les députés socialistes, alors majoritaires, l'ont voté !
M. Michel Charasse. C'est un ballet infernal !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je ne peux que le déplorer, mais il n'est pas non plus possible de changer de terminologie tous les quatre mois.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous en changez pas mal !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement, en rappelant à M. Dreyfus-Schmidt que ce sont tout de même ses amis qui ont introduit cette disposition dans le code pénal, et non pas nous.
L'amendement n° 131 vise à modifier les critères des contrôles d'identité dans un sens radicalement contraire à celui du projet de loi. Actuellement, les contrôles d'identité sont possibles lorsqu'il existe des indices faisant présumer qu'une personne a commis une infraction. Le projet de loi vise à remplacer la notion d'« indice » par celle de « raison plausible ».
Le présent amendement tend au contraire à exiger l'existence d'« indice grave et concordant », notion utilisée en matière de mise en examen. Or il n'y aurait aucun sens à appliquer un critère identique dans les deux matières. Notre avis est donc défavorable.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable aux amendements n° 166 et 131, favorable à l'amendement n° 1.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 166.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je répondrai tout de même à l'argument qui nous est opposé, selon lequel nous ne pouvons pas changer constamment de terminologie. C'est vraiment se moquer du monde !
Mme Nicole Borvo. Ils vont bien changer la loi SRU !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce texte, qui compte cinquante-sept articles, vise à modifier de nombreuses dispositions existantes, et vous osez affirmer que vous êtes défavorable à mon amendement parce qu'on ne peut pas changer tout le temps de terminologie ! Franchement, croyez-vous que ce soit sérieux, que ce soit crédible ? Evidemment, non !
Fidèles à nous-mêmes, nous voterons bien sûr des deux mains cet amendement, tout en regrettant et en déplorant vivement que vous croyiez devoir vous contredire à si peu de distance.
Mme Nelly Olin. Nous n'avons pas besoin de recevoir de leçon de votre part !
M. Robert Bret. C'est de la lâcheté !
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.
M. Pierre Fauchon. J'interviens maintenant plutôt que sur l'article étant donné la tournure quelque peu piquante que M. Dreyfus-Schmidt a voulu donner à ce débat.
Il a été rappelé que nous avons adopté l'article 78-2 du code de procédure pénale dans une certaine rédaction.
Mme Nicole Borvo. Vous étiez très attaché au mot « indice », monsieur Fauchon !
M. Pierre Fauchon. Cette dernière, c'est vrai, n'était pas heureuse et même critiquable. Les références aux acceptions anglaises - je demande par avance à M. le président de la commission des lois, qui a une culture anglo-saxonne plus développée que la mienne, conséquence de la bataille d'Hastings sans doute (Sourires), de bien vouloir excuser mon propos -, les références aux acceptions anglaises, disais-je, n'étaient pas souhaitables. Le Sénat a donc bien fait de conserver la rédaction traditionnelle faisant référence au mot « indice », qui est beaucoup plus clair. Mais nous avons voté cette rédaction à propos de la garde à vue, circonstance infiniment plus grave que la vérification d'identité. Dans ces affaires, on mélange tout, et on a l'air de traiter de questions aussi graves que celles de la garde à vue et a fortiori de la mise en examen !
Nous avons donc voté cette rédaction. Or les juristes - et M. Dreyfus-Schmidt en est un, en principe -...
M. Jacques Mahéas. Pas « en principe » ! Réellement !
M. Pierre Fauchon. ... savent que, dès lors qu'une formule empruntée au langage courant passe dans le langage juridique, elle revêt un contenu différent. Les interprétations données par les ministres et les intervenants de l'époque s'imposent.
Et puisque, d'une manière sans doute regrettable - mais c'est à vous de le regretter le plus fortement -, on a fini par accepter de donner ce sens-là aux mots : « raisons plausibles » et par considérer que ces derniers recouvraient la notion d'« indice », il ne faudrait pas que nous prenions aujourd'hui une attitude qui donnerait à penser que, justement, ce n'est pas vrai. Si nous faisions aujourd'hui, à propos de la vérification d'identité, la démonstration que les « raisons plausibles » sont quelque chose de beaucoup plus large et de très différent de l'« indice », on arriverait à détruire l'interprétation qui a pu être élaborée autour de la rédaction adoptée l'année dernière dans le domaine beaucoup plus important de la garde à vue, et on introduirait alors une querelle d'interprétation. « Vous voyez bien que la notion de "raisons plausibles" est tout à fait différente de celle d'"indice" puisque le Parlement a modifié sa rédaction et que, s'agissant de la garde à vue, la rédaction est différente de celle qu'il adopte maintenant ! », pourrait-on entendre !
Mme Nicole Borvo. Corrigeons les deux !
M. Pierre Fauchon. Cher ami Dreyfus-Schmidt, vous savez bien que le praticien que vous êtes mettrait en avant cette différence dans ses plaidoiries : vous diriez, dans telle ou telle circonstance : « Le Parlement a montré clairement qu'il n'entendait pas les choses de la même façon, puisqu'il a fait référence, dans un cas, aux mots : "raisons plausibles" et, dans l'autre, au mot : "indice". » On ouvrirait la voie à une incertitude, et ce à propos de la vérification d'identité qui peut pourtant - il n'est pas gênant de l'admettre - avoir lieu beaucoup plus facilement que la mise en garde à vue, décision d'une tout autre gravité.
Il me paraît donc préférable de consolider le système : l'erreur de rédaction semble désormais dépassée, puisqu'on a construit autour de ce vocable un sens nouveau. Je souhaite que ce sens se confirme, c'est-à-dire que la notion de « raisons plausibles » recouvre bien la même idée que la notion d'« indice ». En effet, une déstabilisation du système présenterait beaucoup plus d'inconvénients que son maintien. C'est la raison pour laquelle je voterai contre cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Nicole Borvo. Quelle gymnastique ! Modifions les deux, monsieur Fauchon !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous êtes juriste, paraît-il !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 131.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes peinés de ne pouvoir voter cet amendement, qui part d'un bon sentiment. En effet, je ne vois pas très bien comment un seul indice pourrait être grave et concordant. Il faut bien évidemment la présence de plusieurs indices pour qu'ils puissent être concordants ! (Mme Borvo acquiesce.)
Il est dommage qu'il n'y ait pas de navette ; peut-être pourrez-vous demander à vos collègues du groupe communiste, à l'Assemblée nationale, de rectifier ce point ? En tout cas, tel qu'il est, nous ne pouvons voter cet amendement !
M. Jean-Jacques Hyest. C'est un excellent conseil !
M. Robert Bret. Pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 131.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'article 4.
M. Michel Charasse. Je voterai contre l'article 4, comme mes amis, je suppose, et ce pour une raison très simple : tous ces changements de qualification que l'on introduit successivement dans le code pénal ou dans le code de procédure pénale ont pour seul objet de « courir » après les magistrats qui, lorsque nous votons un texte, s'ingénient à trouver le mot, la formule ou autre pour ne pas l'appliquer !
M. Jean-Jacques Hyest. Ah !
M. Michel Charasse. Cela peut durer ainsi jusqu'à la saint-glinglin. (Sourires.) Par conséquent, ou nous nous arrangeons pour que les magistrats soient un peu plus attentifs à l'application de la loi, ou alors nous perdons notre temps, ce que, pour ma part, je n'aime pas !
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5