SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 32. - L'article 18 du décret du 18 avril 1939 est ainsi rédigé :
« Art. 18 . - Toute personne physique sollicitant la délivrance ou le renouvellement d'une autorisation d'acquisition ou de détention de matériels, d'armes ou de munitions des 1e et 4e catégories ou faisant une déclaration de détention d'armes ou de munitions des 5e et 7e catégories, doit produire un certificat médical attestant que son état de santé physique et psychique n'est pas incompatible avec la détention de ces matériels, armes ou munitions.
« Dans le cas où la personne mentionnée au précédent alinéa suit ou a suivi un traitement dans un service ou un secteur de psychiatrie d'un établissement de santé, l'autorité administrative peut lui demander de produire également un certificat médical délivré par un médecin psychiatre.
« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil national de l'ordre des médecins, fixe les modalités d'application du présent article. Il prévoit notamment les conditions que doivent remplir la délivrance, le renouvellement ou la validation du permis de chasser ou de la licence de tir pour que la présentation de ces documents, au moment de la demande d'autorisation d'acquisition ou de détention, ou de son renouvellement, ou de la déclaration, supplée l'obligation prévue au premier alinéa du présent article. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si nous avons retiré plusieurs amendements, c'est parce que le problème a déjà été posé et que nous avons été battus. Il n'y a donc pas lieu d'insister et de perdre du temps.
Mme Nelly Olin. Quelle sagesse !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 32 est très intéressant, car il concerne les malades mentaux. Le texte qu'il prévoit pour l'article 18 du décret du 18 avril 1939 compte trois paragraphes.
Le premier dispose que toute personne physique qui sollicite « la délivrance ou le renouvellement d'une autorisation d'acquisition ou de détention de matériels, d'armes ou de munitions des première et quatrième catégories ou faisant une déclaration de détention d'armes ou de munitions des 5e et 7e catégories... » - il n'y en aura plus, nous dit-on ; aussi, je ne comprends pas pour quelle raison on continue à parler de déclaration de détention d'armes ou de munitions des 5e et 7e catégories - « doit produire un certificat médical attestant que son état de santé physique et psychique n'est pas incompatible avec la détention de ces matériels, armes ou munitions ».
Nous avions tendance à penser qu'il était peut-être tout de même ennuyeux de s'en remettre à un simple médecin, au motif que certains médecins pourraient être tentés de délivrer des certificats un peu facilement. Mais, finalement, je veux bien qu'il s'agisse d'un simple médecin car, dans l'alinéa suivant, le deuxième, il est précisé : « Dans le cas où la personne mentionnée au précédent alinéa suit ou a suivi un traitement dans un service ou un secteur de psychiatrie d'un établissement de santé, l'autorité administrative peut lui demander de produire également un certificat médical délivré par un médecin psychiatre. »
Si M. François Autain s'était, dans un premier temps, inscrit sur l'article 32, c'est sans doute parce que, en sa qualité de médecin, il avait des choses à dire,...
M. Robert Bret. Certainement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et peut-être les mêmes que les nôtres, à savoir - et cela vous annonce déjà notre amendement - qu'il existe, en vertu de l'article 493-1 du code civil - j'y reviendrai -...
M. Eric Doligé. Non ! Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... une liste de psychiatres arrêtée par le procureur de la République.
M. Michel Charasse. Agréés !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit donc de psychiatres de confiance. Cette liste existe. Aussi, nous proposons que le certificat médical soit délivré non par n'importe quel médecin psychiatre, mais par un médecin, non pas agréé, mais sélectionné par le procureur de la République.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Ils ne sont pas assez nombreux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par ailleurs, comment le préfet pourra-t-il vérifier quelles personnes auront été traitées pour troubles psychiques ? Nous avons parlé des fichiers des malades mentaux ; on nous a dit qu'il n'y en avait pas. Or les directions départementales des affaires sanitaires et sociales gèrent un fichier relatif aux personnes hospitalisées sans consentement, dans le cadre des mesures de placement d'office ou à la demande de tiers. La CNIL en a autorisé l'informatisation le 19 avril 1994.
Il faudrait également que soient pris en compte les volontaires. Cela est-il possible ? Nous le verrons au cours de l'examen des amendements.
Peut-être, enfin, le décret pourra-t-il préciser la manière de procéder pour que le préfet puisse vérifier qui a été soigné pour des troubles mentaux ?
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 18 du décret du 18 avril 1939, après les mots : "produire un certificat médical", insérer les mots : "établi par un médecin assermenté". »
« II. - En conséquence, compléter in fine le deuxième alinéa du même texte, par le mot : "assermenté". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Les motivations qui sous-tendent cet amendement sont quasiment les mêmes que celles de l'amendement n° 227, qui sera appelé dans un instant, hormis le fait que je qualifie le médecin d'« assermenté », car je crois qu'il s'appelle ainsi : il figure sur la liste départementale des médecins assermentés.
Mme Nicole Borvo. Effectivement !
M. Michel Charasse. Je ne m'offusquerai pas si on préfère l'amendement n° 227, au contraire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission considère qu'il convient de laisser une souplesse suffisante dans le choix du médecin susceptible de délivrer le certificat médical et de ne pas exiger qu'il soit assermenté. Aussi, elle a émis un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo. Oh non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pourquoi les deux amendements n°s 101 et 227 ne sont-ils pas en discussion commune ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 101 ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il convient d'abord de rappeler, ce que chacun sait, que tous les médecins prêtent le serment d'Hippocrate. Je ne suis donc pas sûr que la notion de « médecins assermentés » soit celle qui convient. Il y a des médecins agréés...
Mme Nelly Olin. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... comme il y a des experts agréés sur des listes d'experts près la cour d'appel.
L'argument suivant permettra peut-être de rapprocher nos positions. Dans l'esprit du Gouvernement, il importe que, comme l'a dit M. le rapporteur, le certificat médical soit établi par un médecin qui connaisse bien le demandeur. En effet, monsieur Dreyfus-Schmidt, je ne voudrais pas laisser à penser que, dans les départements, il y ait une liste de médecins qui auraient le droit de dire : « Attention, celui-là n'est pas capable », et une autre liste de médecins qui diraient : « Attention, celui-là est capable ». Dans notre esprit - mais peut-être nous sommes-nous trompés - c'est plutôt le médecin de proximité, le médecin de famille qui doit établir le certificat. Il ne s'agit pas d'un certificat psychiatrique dans lequel nous demandons, monsieur Mahéas, de garantir ad vitam aeternam que la personne en question ne sera pas atteinte d'une maladie psychiatrique.
L'idée est de nous appuyer sur ce formidable réseau de proximité et de connaissance que sont les médecins de famille, les médecins généralistes, qui sont au contact de la famille, au contact des enfants devenus adultes, pour nous permettre d'anticiper les problèmes psychiatriques auxquels nous sommes confrontés.
Je vais vous citer le cas, dont j'ai eu connaissance dans ma propre commune, d'un enfant qui souffre de quelques faiblesses psychologiques, mais qui est passionné de chasse, et donc d'armes à feu. Un jour, le médecin de la famille est venu en mairie me signaler la situation. Il se trouve que je connaissais la mère de famille.
Il s'agit de mettre à profit le maillage que représentent ces professionnels, pour leur demander non pas de nous garantir que celui qui détient une arme en fera toujours un bon usage, mais de nous signaler, par l'intermédiaire des préfets, les individus qui posent problème. Nous le savons tous, dans nos circonscriptions, des hommes et des femmes posent hélas ! problème et ne doivent pas détenir des armes. C'est la raison pour laquelle nous sommes réservés sur le problème de la liste agréée. Cela ne va pas plus loin.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. J'ai bien écouté M. le ministre : il a raison, mais pas jusqu'au bout. (M. le ministre sourit.)
Le fait que je m'adresse au ministre chargé des collectivités locales va me faciliter la tâche : la liste des médecins assermentés existe dans les départements, mais il est vrai qu'elle n'est pas établie par le procureur ; c'est la liste des médecins auxquels nous sommes, nous, les maires, tenus de faire appel lorsque nous voulons faire subir un contrôle médical à un employé communal.
Mme Nelly Olin. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Choisir le terme « assermenté » ou retenir la formule de Monsieur Dreyfus-Schmidt, la différence n'aurait pas de conséquences dramatiques, les deux solutions relevant du même esprit.
Monsieur le ministre, j'attire cependant votre attention sur un point : ne sera-t-il pas parfois difficile au médecin de famille, qui a l'habitude de la famille, qui la soigne depuis longtemps, qui la connaît, qui est quasiment un ami de la maison, de refuser ce type de certificat ? Ce n'est pas facile !
M. Philippe Nogrix. Certes !
M. Michel Charasse. Je pense en particulier aux médecins de ville, de quartier, aux médecins ruraux, que je connais bien. Dans certains cas, cela peut être assez gênant pour eux !
Pour simplifier les débats, je vais retirer l'amendement n° 101, si bien que ne restera plus en discussion que l'amendement n° 227 de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres de mon groupe. Mais je souhaiterais, monsieur le ministre, que, d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire, vous réflechissiez à cette question qui, pour certains médecins, ne sera pas si facile !
M. le président. L'amendement n° 101 est retiré.
L'amendement n° 227, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André et Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 18 du décret du 18 avril 1939 par les mots : "pris sur la liste arrêtée par le procureur de la République prévue par l'article 493-1 du code civil". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement ne traite pas le même sujet.
Je voudrais d'abord savoir, monsieur le ministre, si le décret prévu à l'article 32 pourra dispenser de la déclaration de détention d'armes. Votre intention est-elle de dispenser ceux qui sont d'ores et déjà en possession d'armes de chasse ou de tir ?
M. Michel Charasse. Oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La dispense les concernera-t-elle aussi pour l'avenir ? C'est important !
La commission souhaitait dispenser ceux qui possèdent d'ores et déjà une arme de chasse ou de tir. Vous comprenez la portée de ma question, monsieur le ministre : avez-vous également l'intention de les dispenser de déclaration pour l'avenir ? Dans ce cas, il est certain que l'article dont nous discutons n'aurait plus grand intérêt, puisque il n'y aurait plus de déclaration du tout !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nous maintenons la dispense de déclaration pour l'avenir.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour tout le monde ?
M. Michel Charasse. Pour l'achat des armes qui ne sont pas soumises à déclaration.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Y compris pour ceux qui, demain, achèteront des armes de chasse ?
M. Michel Charasse. Pour ceux qui achèteront des armes qui, jusqu'à présent, n'étaient pas soumises à déclaration, oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Exactement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais alors, à quoi sert-il que nous discutions, à l'article 32, des personnes « sollicitant la délivrance ou le renouvellement d'une autorisation d'acquisition ou faisant une déclaration de détention d'armes ou de munitions des 5e et 7e catégories » s'ils sont ad vitam aeternam dispensés ? Cela ne sert plus à rien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le sénateur ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il y a dans les 5e à 7e catégories des armes qui ne sont pas des armes de chasse et qui seront donc soumises, elles, à un régime de déclaration. Les armes de chasse entre la 5e et la 7e catégories qui ne sont pas soumises à déclaration aujourd'hui continueront d'en être dispensées. Mais, dans les armes de la 5e à la 7e catégorie ne figurent pas seulement des armes de chasse. Donc, certaines armes de 5e à 7e catégories, n'étant pas des armes de chasse, feront l'objet d'une obligation de déclaration.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie de vos précisions, monsieur le ministre.
Je vois que M. le rapporteur approuve, mais je m'étais référé à la page 98 de son rapport, où il écrit : « 5e catégorie : armes de chasse et leurs munitions » ; « 7e catégorie : armes de tir, de foire ou de salon et leurs munitions ».
Je ne vois pas quelles armes il reste dans la 5e catégorie qui ne soient pas les armes de chasse et leurs munitions ! Je l'avais vérifié par ailleurs, et c'est également ce que j'avais trouvé.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les armes de ces catégories qui ne sont pas des armes de chasse sont déclarées !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne vois pas lesquelles !
M. Philippe Nogrix. Cela suffit ! Arrêtez !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous dites, monsieur le rapporteur, que les armes de 5e catégorie, ce sont les « armes de chasse et leurs munitions ».
M. Michel Charasse. Toutes sortes !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Toutes sortes d'armes de chasse ! Vous parlez d'un sujet que vous ne connaissez pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela étant dit, j'en reviens au problème.
L'article 32 impose la production d'un certificat médical pour l'acquisition et la détention d'armes. Soit ! Cela ne pose pas tellement de problèmes, et l'amendement de Michel Charasse visait à préciser quels médecins sont autorisés à établir ce certificat.
Dans le cas où l'administration a vérifié, dans des conditions que nous étudierons plus tard, si l'intéressé « suit ou a suivi un traitement dans un service ou un secteur de psychiatrie d'un établissement de santé », il lui sera demandé de fournir un second certificat. Il faut alors que le certificat soit établi par un médecin psychiatre qualifié. Il n'est pas nécessaire que « le » médecin psychiatre intervienne !
Or, excusez-moi de le dire, nous savons très bien que tous les médecins psychiatres ne sont pas également des médecins de confiance ! (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Eric Doligé. Nous allons écrire aux psychiatres !
M. Philippe Nogrix. Faites attention à ce que vous dites !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vrai de toutes les catégories professionnelles, au demeurant !
C'est d'ailleurs pour cette raison que le code civil indique : « Le juge ne peut prononcer l'ouverture d'une tutelle que si l'altération des facultés mentales ou corporelles du malade a été constatée par un médecin spécialiste choisi sur une liste établie par le procureur de la République. »
M. Jean-Jacques Hyest. Il y a moins de fous, tout de même !
M. Robert Bret. Il y a moins de cinglés !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est vrai !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Telle est la règle actuelle. Pourquoi figure-t-elle dans le code civil ? Parce que le législateur voulait avoir un médecin psychiatre de confiance quand il s'agit d'évaluer les facultés mentales.
Nous vous proposons donc, par notre amendement - encore une fois, cela n'a rien d'idéologique ! -, de recourir à un médecin choisi sur cette liste, de manière que le préfet puisse être véritablement éclairé par un médecin psychiatre d'une qualité au-dessus de tout soupçon. Cela n'a rien d'extraordinaire !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il ne va pas parler toute la nuit !
M. Jean-Jacques Hyest. Cela va nous rendre fous, cette histoire ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suis sûr que M. le ministre, qui, lui, a ses deux oreilles pour écouter, m'a entendu.
La liste existe donc ! M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je vous en supplie, monsieur le sénateur ! Ne recommencez pas !
M. le président. Monsieur le ministre, n'interrompez pas M. Dreyfus-Schmidt ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je me permets d'insister sur ce point car... (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Philippe Nogrix. Nous avons compris ! Ne vous répétez pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne me répéterai pas, mais je me permets d'insister, monsieur le ministre, pour que vous compreniez l'importance de la précaution que nous vous demandons de prendre quand il s'agit que le préfet soit renseigné sur l'état des facultés mentales d'une personne qui a été déjà soignée.
Mme Nelly Olin. Nous allons finir par succomber ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission considère qu'il ne convient pas de recourir à la procédure utilisée lorsqu'il s'agit d'ouvrir une tutelle. En effet, les enjeux ne sont pas comparables en matière d'ouverture de tutelle et en matière d'acquisition ou de détention d'une arme.
Un psychiatre devrait pouvoir délivrer un certificat sans figurer pour autant sur une liste dressée par le procureur de la République.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commssion.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous qui êtes très attaché à éviter tout amalgame, vous comprendrez que je ne puisse pas accepter que les médecins psychiatres fassent l'objet d'amalgames. Vous estimez que le psychiatre traitant d'une personne ne présente pas suffisamment de garanties pour prendre une telle décision.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous souhaitez donc que l'on se réfère au fichier des psychiatres ayant la responsabilité des mises sous tutelle.
Or le nombre des praticiens figurant dans ce fichier est peu élevé. De plus, comment expliquer à la profession honorable des médecins psychiatres que certains d'entre eux, dont les autorités civiles reconnaissent la capacité de traiter et de soigner, ne seraient pas reconnus par les préfectures comme aptes à dire si leur patient est allé ou non en établissement de santé et s'il est dangereux ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est ce qui se fait au civil !
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas du tout pareil, au civil !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Même si je comprends votre remarque, monsieur Dreyfus-Schmidt, le Gouvernement est, malheureusement, défavorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote. (Exclamations irritées sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jacques Mahéas. Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais le sujet est important. Nous aurons attiré l'attention de M. le ministre sur un certain nombre de questions ; il prendra ensuite ses responsabilités.
Nous sommes favorables à tout ce qui peut limiter l'usage des armes par des personnes inaptes physiquement ou dangereuses pour elles-mêmes et pour la sécurité publique.
C'est la raison pour laquelle, sur le principe, nous approuvons l'exigence que soit produit un certificat médical en cas d'acquisition et de détention d'armes ou pour la pratique d'activités exigeant l'usage d'une arme.
Ainsi en va-t-il de l'article 32 du projet de loi, qui impose la production d'un certificat médical et prévoit en outre qu'un deuxième certificat médical, délivré par un médecin psychiatre, pourra être demandé - ce futur est d'ailleurs contestable - à toute personne suivant ou ayant suivi un traitement psychiatrique dans un établissement de santé.
Nous souhaitons renforcer l'efficacité de cette procédure, dans l'intérêt des personnes concernées et de la sécurité publique. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement n° 227, que nous sommes en train d'examiner, que les médecins psychiatres habilités à procéder à l'examen du demandeur soient inscrits sur une liste arrêtée par le procureur de la République, telle que l'a définie M. Dreyfus-Schmidt en s'appuyant sur le dispositif prévu à l'article 493-1 du code civil.
L'amendement n° 228 rectifié - je fais d'une pierre deux coups, monsieur le président ! - vise en outre à renvoyer au décret d'application l'organisation, lorsque le demandeur a suivi un traitement psychiatrique, des modalités d'information et de contrôle par le préfet, afin d'assurer l'efficacité de cette mesure.
L'adoption de ces amendements apporterait donc une sécurité supplémentaire. Cependant, soyons réalistes : comment déceler avec certitude si l'intéressé simule sa maladie devant son médecin traitant ? Une illustration dramatique de cette impossibilité, que nous avons tous présente à l'esprit, nous a été fournie par l'exemple de Richard Durn, qui doit nous faire réfléchir : huit morts, quatorze blessés, la France complètement traumatisée, le meurtrier qui se suicide quelques heures après au Quai des Orfèvres. Or les psychiatres avaient signalé à plusieurs reprises son caractère potentiellement dangereux, puisque, durant l'été 1998, quatre ans avant la tuerie, celui qui devait devenir le tireur fou de Nanterre avait brandi un pistolet devant la psychothérapeute qui le suivait au bureau d'aide psychologique universitaire. La presse a relaté les déclarations du psychiatre de Richard Durn à la suite d'une demande de signalement et d'une proposition de visite de ce dernier. Tout cela mérite que nous y réfléchissions !
Cet exemple dramatique nous incite à prendre des précautions, et il ne serait pas anormal que nos deux amendements soient adoptés.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote. (Marques d'impatience sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En 1967 (Exclamations sur plusieurs travées) , les dispositions relatives aux incapables majeurs avaient fait l'objet de nombreuses navettes. J'étais alors député, et je me souviens avoir été abordé par un membre du cabinet du garde des sceaux, M. Louis Joxe. Cette personne s'appellait - je ne la connaissais pas, elle s'était présentée à cette occasion - Mme Simone Veil.
Nous demandions que, en la matière, trois experts soient désignés, alors que le projet de loi proposait un simple certificat médical. Mme Veil me dit : « Mais vous défendez les thèses de M. ... ! », et elle a cité le nom d'un professeur de psychiatrie. « On ne peut rien vous cacher ! », lui ai-je répondu. Elle m'a alors averti : « Vous savez qu'il est complètement cinglé ? » Je ne pouvais que lui rétorquer : « Et vous voulez vous contenter du certificat médical d'un gars pareil ? »
Après la réunion, ici même, d'une commission mixte paritaire présidée par M. Jozeau-Marigné, nous sommes parvenus à la solution des trois experts,...
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. A quelle heure ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... solution qui n'a choqué personne, monsieur le ministre, et les psychiatres n'ont pas protesté.
M. Philippe Nogrix. La société a évolué, depuis !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ne faisons pas d'angélisme ! Il existe des psychiatres qui ne sont pas crédibles !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ça va !
M. Philippe Nogrix. Arrêtons !
M. Jean-Jacques Hyest. Les psychiatres ne sont pas les seuls à n'être pas crédibles !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vrai !
Vous nous dites que vous ne voulez pas vexer les médecins. Mais ils n'ont pas été vexés en 1967 ! Pourtant, le texte est toujours là !
Cela étant, si vous êtes prêt à en prendre la responsabilité, soit ! Quand vous aurez le certificat établi par le médecin de famille et indiquant : « Mon client a été soigné, mais il va très bien », vous n'aurez aucune assurance. En revanche, vous aurez une assurance si le certificat est établi par un des médecins figurant sur la liste arrêtée par le procureur.
En tout cas, ne dites pas que vous voulez prendre des précautions, parce que ce n'est pas vrai ! Les précautions que nous vous proposons en toute bonne foi et qui paraissent s'imposer, vous les refusez pour des raisons qui m'échappent complètement, sinon que vous ne voulez pas vexer les médecins. Or, encore une fois, il n'ont pas été vexés par le texte de 1967.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 227.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 228 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André et Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 18 du décret du 18 avril 1939 par la phrase suivante : "Il prévoit également les conditions dans lesquelles le préfet peut vérifier si la personne visée au premier alinéa est ou a été dans l'un des cas visés au deuxième alinéa". »
Cet amendement a déjà été présenté.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il nous paraît en effet utile de préciser les conditions dans lesquelles le préfet peut être amené à connaître le passé psychiatrique d'une personne. Il pourra, par exemple, s'agir de la consultation des fichiers des directions départementales de la santé, des fichiers HOPSY des personnes internées d'office.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Même avis que la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 228 rectifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 32, modifié.

(L'article 32 est adopté.)

Article 33