SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° 236, présenté par MM. C. Gautier et Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André et Blandin, MM. Badinter, Frimat, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 13 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les commissaires de police, les officiers de police et les officiers et sous-officiers de la gendarmerie nationale assurant ce contrôle sont soumis, à la cessation de leur activité, par un délai de carence de cinq ans leur interdisant leur reclassement dans un établissement exerçant les activités définies aux 1°, 2° et 3° de l'article 1er de la présente loi. »
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Nous ne sommes pas opposés, étant donné le faible nombre d'inspecteurs du travail en France, à ce que les commissaires et officiers de police, ou les officiers ou sous-officiers de la gendarmerie nationale, exercent, pour le compte de l'autorité administrative, le contrôle des personnels et celui des activités de sécurité privée. Ce contrôle étant quasiment inexistant aujourd'hui, il convient en effet de réviser la loi pour permettre une meilleure efficacité et une plus grande transparence des activités de sécurité privée.
Toutefois, si l'article reste en l'état, cette délégation d'exercice du contrôle ne peut pas recevoir notre aval. En effet, cette assurance d'un contrôle accru de la profession mérite, au vu de l'expérience acquise, quelques aménagements.
Si l'on se réfère à l'article 9 de la loi du 12 juillet 1983, article non modifié à juste titre par le présent projet de loi, on remarque que le législateur de l'époque avait déjà observé, dans l'exercice de l'activité de sécurité privée, une forte concentration d'anciens fonctionnaires de police et d'anciens militaires - notamment ceux de la gendarmerie - exerçant des fonctions de direction ou des fonctions salariées au sein des établissements de sécurité privée.
Sans remettre en cause une pratique courante qui consiste à retrouver un nouvel emploi lorsque l'heure de la retraite a sonné, nous trouvons cependant qu'il existe un risque à faire exercer par la police ou par la gendarmerie un contrôle sur des établissements qui recrutent ces mêmes personnes. D'aucuns pourraient craindre que le contrôle effectué soit partial, complaisant, dans l'espoir d'obtenir une place dans l'établissement contrôlé.
C'est pourquoi, afin d'éviter au maximum les risques d'une quelconque déviance, nous vous proposons d'ajouter à l'article 13 un second alinéa qui oblige au respect d'un délai de carence de cinq ans à compter de la cessation d'activité des agents, délai durant lequel leur reclassement dans un établissement exerçant des activités définies aux paragraphes I, II et III de l'article 1er du présent projet de loi ne sera pas possible. Ce n'est pas tout à fait du pantouflage, mais cela y ressemble.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En application de l'article 72 de la loi du 11 janvier 1984 et du décret du 17 février 1995, les policiers doivent obtenir l'autorisation du ministre de l'intérieur pour exercer une autorité privée dans les cinq ans suivant leur fin d'activité. Il peut en être de même pour les gendarmes, en application du décret du 11 janvier 1996.
Il ne semble pas opportun d'empêcher systématiquement les policiers et les gendarmes d'utiliser leurs compétences au service de la sécurité privée pendant cinq ans après leur retraite.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. Eric Doligé. Bien sûr !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On pourrait admettre, à la rigueur, que M. le ministre de l'intérieur autorise les policiers et les gendarmes à exercer une activité dans d'autres villes et dans d'autres entreprises que celles qu'ils étaient chargés de contrôler. Mais les hommes sont les hommes et il est évident que, lorsqu'on est professionnellement appelé à contrôler les entreprises ou d'autres personnes, il est difficile de devenir leur collègue ensuite.
Je pense donc que cet amendement n° 236 est important, même si vous voulez, encore une fois, le corriger, et, il faut préciser qu'ils ne pourront être engagés par une entreprise que leur profession les amenait à contrôler.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Dreyfus-Schmidt, c'est exactement ce qui se passe, car la commission compétente qui est placée à mes côtés pour la fonction publique de l'Etat et qui a été instituée par l'article 4 de la loi du 28 juin 1994 se prononce sur la compatibilité ou non de l'activité projetée avec les fonctions précédemment exercées par l'intéressé. Il va de soi que nous n'autorisons pas d'activité dans la ville où le fonctionnaire concerné vient d'avoir son poste ! Il s'agit, je vous demande de le noter, messieurs Mahéas et Dreyfus-Schmidt, d'un examen au cas par cas, qui tient compte des situations données.
En outre, l'article 432-13 du code pénal sanctionne la prise illégale d'intérêt. C'est la raison pour laquelle je m'étais permis d'émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 236.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Très sincèrement, je ne comprends pas, et je comprends d'autant moins que nous avons assisté à de nombreux débats au cours desquels il s'agissait de valoriser les acquis professionnels !
Quand les personnes ont acquis, par leur activité, la capacité de fournir un service, pourquoi le leur interdire ? C'est véritablement de la stigmatisation, pour reprendre un terme que j'ai entendu plusieurs fois cet après-midi ! On stigmatise des personnes qui sont de véritables professionnels, qui savent de quoi elles parlent et comment intervenir.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Je crois que notre collègue n'a pas compris notre position. Il est question non pas d'interdire, mais de prendre un certain nombre de précautions.
Si M. le ministre nous affirme que, dans la pratique, les choses se passeront exactement comme nous le souhaitons, bien que nous aurions préféré que cette disposition figure dans la loi, nous sommes prêts à retirer notre amendement.
M. le président. Monsieur Mahéas, maintenez-vous l'amendement n° 236 ?
M. Jacques Mahéas. Si M. le ministre me donne l'assurance que j'attends...
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Mahéas, je vous confirme que je suis prêt à venir devant la commission des lois pour parler de l'action de cette commission, de ses critères et de la politique qu'elle mène en matière d'autorisations sur ces sujets.
M. Jacques Mahéas. Alors je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 236 est retiré. Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 13 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 14 DE LA LOI N° 83-629
DU 12 JUILLET 1983