SEANCE DU 19 NOVEMBRE 2002


M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, auteur de la question n° 72, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le ministre, je vous remercie de me prêter attention sur un sujet préoccupant : les difficultés rencontrées pour transférer à une communauté de communes des compétences en matière de fonctionnement des établissements privés sous contrat.
Ces difficultés résultent de l'absence de clarté des textes législatifs et réglementaires eux-mêmes.
Comme vous le savez, l'article 7 du décret n° 60-389 impose cette participation à la commune siège de l'établissement, tandis qu'elle reste facultative pour les enfants résidant dans d'autres communes.
Dans le même temps, alors que l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales ne requiert, pour le transfert d'une compétence, que l'accord de la majorité qualifiée des communes membres, la prise en charge par la communauté de communes de la participation au fonctionnement de l'école privée à fréquentation intercommunale semble impliquer, quant à elle, un accord unanime des communes membres pour respecter le caractère facultatif de la participation inscrit dans l'article 7 du décret précité.
L'imbrication de ces textes s'avère, en pratique, un casse-tête insurmontable, qui peut même constituer un frein au développement de l'intercommunalité puisque nombre de communautés de communes ont fait le choix d'exercer la compétence scolaire.
Monsieur le ministre, cette difficulté est encore plus aiguë dans les communautés de communes rurales. En effet, la commune centre participe seule, de façon très importante, et reçoit nombre d'enfants des communes avoisinantes ; généralement, elle octroie une subvention à l'école conventionnée. Si, faute de moyens, l'école privée devait ne plus fonctionner, la communauté de communes risquerait d'avoir à construire de nouveaux locaux pour accueillir les enfants qui ne pourraient plus fréquenter l'école privée et suivre ainsi le choix que leurs parents avaient fait pour eux.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, la question que vous posez est effectivement sensible et délicate. L'état du droit est le suivant.
Dans le domaine scolaire, l'alinéa 4° de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales reconnaît à la communauté de communes la capacité de construire, d'entretenir et d'assurer le fonctionnement d'équipements des enseignements élémentaire et préélémentaire publics, au lieu et place des communes membres.
Cependant, la loi relative à l'intercommunalité n'a pas eu pour objet d'organiser le financement intercommunal des écoles primaires et maternelles privées.
L'enseignement privé est soumis à une législation spéciale dont l'état actuel apparaît peu compatible - vous l'avez dit - avec le fonctionnement d'un établissement public de coopération intercommunale.
En matière d'enseignement privé, l'article L. 442-5 du code de l'éducation, issu de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1959, dite loi Debré, dispose que « les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public ».
L'article 7 du décret du 22 avril 1960 relatif au contrat d'association à l'enseignement public passé par les établissements d'enseignement privé précise que « la commune siège est tenue d'assumer, pour les élèves domiciliés dans la commune et dans les mêmes conditions que pour les classes élémentaires publiques, les dépenses de fonctionnement matériel des classes sous contrat, sous réserve des charges afférentes aux personnels enseignants rémunérés directement par l'Etat. Pour les élèves non domiciliés dans la commune siège de l'établissement, leurs communes de résidence peuvent participer, par convention, aux dépenses de fonctionnement de ces classes ».
L'Etat demeure compétent pour la conclusion des contrats d'association et des contrats simples. Il apparaît en conséquence que, dans le domaine de l'enseignement privé, la commune n'a qu'une compétence de financement et non une compétence juridique. La question a ainsi été soulevée de la possibilité de transférer à un EPCI non des compétences mais des charges, sans exercice réel d'activités ou de compétences, qui plus est dans un domaine où la participation des communes non siège de l'établissement n'est pas obligatoire. Or cette obligation de financement ne peut être transférée au groupement de communes par la seule volonté des communes membres. Il conviendrait que le contrat d'association signé entre l'Etat et l'Organisme de gestion de l'enseignement catholique, l'OGEC, mentionne le groupement de communes et que celui-ci soit préalablement consulté pour avis.
Par ailleurs, le transfert de compétences à un EPCI s'impose à toutes les communes sur décision d'une majorité qualifiée d'entre elles, alors que le régime issu de la législation spéciale sur le financement des écoles privées repose, comme je viens de le dire, sur le volontariat.
Différents contacts sur ces questions ont déjà eu lieu entre le ministère de l'intérieur et la Fédération nationale des organismes de gestion des établissements de l'enseignement catholique, la FNOGEC, ainsi qu'entre cette dernière et l'Association des maires de France.
Il semble que, pour permettre une prise en charge de la compétence « enseignement privé » par un établissement public de coopération intercommunale, un certain nombre d'adaptations législatives et réglementaires soient indispensables.
Il conviendrait tout d'abord de prévoir la modification du contrat d'association ou du contrat simple en cas de transfert à un EPCI. L'avis devra être demandé non plus à la commune mais à celui qui prendra alors en charge l'ensemble des dépenses de fonctionnement des classes sous contrat pour l'ensemble des élèves résidant sur le territoire du groupement.
L'article L. 442-8 du code de l'éducation devrait également être modifié afin de prévoir la représentation, aux réunions de l'organe de l'établissement compétent pour délibérer sur le budget des classes sous contrat, non plus d'un représentant de la commune mais d'un représentant de l'EPCI.
Je me suis rapproché de mon collègue Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, pour étudier une modification des textes. Cette question est donc au programme du Gouvernement, car c'est là un vrai problème, monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison.
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir compris le problème qui nous préoccupe. De sa résolution dépend la bonne organisation de la scolarité de nos enfants et une meilleure utilisation des fonds publics, sans lesquelles nous ne pourrions plus continuer à aider les écoles privées.
Enfin, lorsque l'Etat a passé avec l'école privée un contrat d'association, il y aurait une vraie hypocrisie à ne pas reconnaître que la communauté de communes devient la commune centre, puisqu'elle héberge naturellement les enfants de la commune siège, mais aussi les enfants des communes alentour, et que nous avons tous, dans ce cas-là, la volonté de rassembler les enfants et de leur offrir les mêmes possibilités sur le plan scolaire.
Il est urgent de résoudre de façon cohérente et sans passion ce problème qui n'est que purement technique, faute de quoi, privées des moyens de fonctionner, nos écoles seraient vite « asphyxiées ». Monsieur le ministre, je compte vraiment sur vous.

INSÉCURITÉ DANS L'AGGLOMÉRATION NANTAISE