SEANCE DU 26 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 16. - I. - L'article 302 bis ZA du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. Les titulaires d'ouvrages hydroélectriques concédés d'une puissance électrique totale supérieure à 20 000 kilowatts implantés sur les voies non navigables acquittent une taxe assise sur le nombre de kilowattheures produits. Le tarif de la taxe est de 2,30 euros pour 1 000 kilowattheures produits. » ;
« 2° Le 2 est abrogé.
« II. - La loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d'aménagement du Rhône, de la frontière suisse à la mer, au triple point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles et créant les ressources financières correspondantes est ainsi modifiée :
« 1° Les cinquième, sixième et septième alinéas de l'article 3 sont supprimés ;
« 2° Il est inséré un article 3 bis ainsi rédigé :
« Art. 3 bis. - La redevance acquittée par le concessionnaire comporte :
« a) Une part fixe ;
« b) Une part proportionnelle au nombre de kilowattheures produits ;
« c) Une part proportionnelle aux recettes résultant des ventes d'électricité issues de l'exploitation des ouvrages hydroélectriques concédés.
« III. - Au tableau du III de l'article 43 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999), le montant de l'imposition forfaitaire relative aux réacteurs nucléaires de production d'énergie est fixé à 1 180 000 euros. »
L'amendement n° I-181, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. L'article 16 appelle un certain nombre d'observations dont nous ne pouvons évidemment manquer de vous faire part.
Si l'on en croit l'exposé des motifs de l'article, il s'agirait de mettre en oeuvre un allégement de la fiscalité sur la production hydroélectrique, ce qui pourrait participer d'une conception plus acceptable sur le plan écologique de la fiscalité relative à l'énergie.
Dans les faits, cependant, on peut s'interroger sur un point assez essentiel de l'article qui vise, selon les termes mêmes de l'exposé des motifs, à « adapter » la Compagnie nationale du Rhône, la CNR, dont il est évidemment question quand on parle de production hydroélectrique, à son « environnement concurrentiel ».
On constatera que cet allégement fiscal va de pair avec la négociation d'une nouvelle forme de rémunération de la concession qui est dévolue à la Compagnie, fondée sur une redevance d'utilisation du domaine public, liée à la production hydroélectrique réalisée.
Sur un point strictement économique, ainsi que l'a souligné mon ami Jean-Marc Coppola au nom des élus communistes de la région PACA, ces choix peuvent paraître bienvenus.
Pour autant, le mouvement qui est en train de se mettre en place porte, soulignons-le, sur un montant de 176 millions d'euros, ce qui n'est tout de même pas une petite somme.
Permettez-moi de me demander si la CNR doit être adaptée à son environnement concurrentiel, lequel résulte fondamentalement de l'ouverture des marchés énergétiques à la concurrence, ou si elle doit poursuivre ses missions de service public, à savoir non seulement la production d'hydroélectricité, mais également des actions diverses en matière d'aménagement du territoire ou d'irrigation des terrains agricoles du bassin rhodanien et des affluents du grand fleuve descendu des Alpes.
Cette dimension de service public est pour le moins absente du débat aujourd'hui, puisque la Compagnie nationale du Rhône fait l'objet d'une opération de grande envergure visant à privatiser la détention de son capital social.
En effet, au cours d'une session récente, la majorité de droite du conseil général du Rhône a autorisé la cession des titres qu'il détenait dans la CNR au groupe belge Electrabel, filiale bien connue de Suez, moyennant une confortable plus-value de 61 millions d'euros environ.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tant mieux pour les contribuables du Rhône !
M. Thierry Foucaud. La même démarche est menée par la SNCF en direction du même acheteur, qui pourra ainsi prendre directement pied sur le marché énergétique français.
De là à penser que l'opération liée à la mise en oeuvre des dispositions de l'article 16 serait en quelque sorte la contrepartie obtenue par Electrabel pour faire supporter le coût de la plus-value consentie aux cédants, il n'y a qu'un pas que nous franchissons sans hésitation.
En effet, dans cette affaire, c'est vers EDF, exploitant des installations nucléaires de base, que le surplus de fiscalité sera imputé. Et tout cela se déroule dans un contexte où l'on sait pertinemment que l'énergie hydroélectrique est économiquement peu coûteuse à produire et que l'essentiel des investissements est aujourd'hui largement amorti.
Nous refusons que la représentation nationale soit amenée à valider ce véritable cadeau fiscal accordé à Electrabel, et c'est pourquoi nous vous proposons de rejeter sans ambiguïté cet article 16.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Du point de vue de la commission, l'article 16 va dans le bon sens. En effet, il allège globalement l'imposition de la Compagnie nationale du Rhône en supprimant la taxe à laquelle sont soumis les titulaires d'ouvrages hydroélectriques implantés sur les voies navigables. Il réforme la redevance de concessionnaire due par la Compagnie, en tenant compte un peu mieux du caractère aléatoire de ses recettes. Ainsi est facilitée la transformation de la CNR en producteur indépendant, c'est-à-dire un producteur susceptible de concurrencer EDF, car telle est bien la réalité du marché de l'électricité. Nous devons nous conformer à nos obligations européennes, qui vont dans le sens de l'efficacité économique et de l'ouverture partielle de notre marché de l'électricité.
On peut estimer que le « préjudice » subi par EDF du fait de l'alourdissement compensatoire de l'imposition des installations nucléaires de base est très limité, et qu'il le serait encore plus si ses tarifs pouvaient dans l'avenir évoluer de manière plus proche de la réalité économique.
Par ailleurs, la Compagnie nationale du Rhône continue d'exercer ses missions de service public. Franchement, monsieur Foucaud, cet article 16 ne nous paraît pas devoir susciter d'inquiétude particulière.
La Compagnie nationale du Rhône est une grande entreprise en train de se redéployer et de faire la preuve de son efficacité dans un nouveau contexte. L'article 16 va dans le sens de cette évolution, puisqu'il favorise l'initiative, la responsabilité et le développement de cette société. Il ne faut donc assurément pas le supprimer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. La CNR doit effectivement être adaptée à son nouvel environnement concurrentiel pour la production d'électricité. Naturellement, les missions de service public sont tout à fait préservées, et aucun cadeau n'a été fait, puisqu'une redevance contractuelle sera substituée à la taxe sur les ouvrages qui sont implantés sur les voies navigables.
L'article 16 contribuant à un rééquilibrage de la fiscalité sur l'énergie et à une rémunération convenable de l'Etat concédant, je ne peux donc que demander le retrait de l'amendement de suppression. A défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-181 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-181.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

Article 17