SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2002


PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la santé, la famille, les personnes handicapées et la solidarité.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Paul Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la solidarité. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Gouvernement a changé, nous en sommes heureux, mais la grille d'analyse de la commission des affaires sociales reste la même, car je crois qu'elle permet de rendre compte de l'ensemble des facettes de la solidarité dans notre pays. Vous n'auriez d'ailleurs certainement pas compris que nous changions les règles d'évaluation en cours de route !
Je rappelais, l'an passé, la question qui devait se poser lors de l'examen de ces crédits : le Gouvernement se donne-t-il les moyens de mieux utiliser les crédits dont il dispose, autrement dit le budget permet-il non pas de « dépenser plus » mais de « dépenser mieux » ? Cette année, la réponse est, selon moi, incontestablement positive.
Le projet de budget de la solidarité pour 2003 constitue, en effet, dans de nombreux domaines - et dans celui du handicap en particulier -, un budget de transition, qui réussit cependant le pari de financer des priorités nouvelles, malgré un contexte budgétaire difficile. C'est pourquoi - cela ne vous étonnera pas - la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité pour 2003.
Tout d'abord, la progression des dépenses afférentes aux minima sociaux n'empêche pas la mise en oeuvre d'un programme important de lutte contre les exclusions.
Il est vrai que les crédits relatifs aux différents minima sociaux représentent toujours plus de 75 % de l'ensemble du budget de la solidarité. Et leur poids pourrait encore s'accentuer avec le ralentissement de la croissance en 2002 et les incertitudes concernant la conjoncture en 2003. Toutefois, d'après les informations qui nous ont été données ce matin, une amélioration semble se dessiner.
L'impact tardif, et de courte durée, de la croissance des années 1997 à 2001 sur les bénéficiaires du RMI conduit toutefois à mettre en doute l'efficacité du volet « insertion » de ce dispositif. Ce matin, monsieur le ministre, vous avez fait allusion aux difficultés rencontrées par les départements en la matière.
C'est pourquoi, alors que le Gouvernement envisage une économie de 150 millions d'euros, justifiée par une « redynamisation de la démarche d'insertion », il me semble important de souligner que cet objectif est indissociable de la réforme du RMI qui doit aboutir - vous l'avez précisé ce matin, monsieur le ministre - au cours de l'année 2003. A défaut, des ouvertures de crédits en lois de finances rectificatives seraient, comme tous les ans, nécessaires.
Mais au-delà du financement des minima sociaux, le présent projet de budget se traduit également par un effort accru en faveur de l'accueil et de l'hébergement des personnes en situation précaire, en particulier des familles et des mineurs isolés.
Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, sont cependant toujours en attente d'une amélioration du décret du 3 juillet 2001 qui fixe leurs règles budgétaires et comptables, amélioration qui leur permettrait de développer davantage leurs activités en faveur de l'insertion par l'activité économique et par le logement.
Aussi ma première question est-elle la suivante : conformément à l'esprit de la loi du 29 juillet 1998, le Gouvernement envisage-t-il d'assouplir ce décret pour ces activités dont l'utilité est par ailleurs reconnue ?
La prise en compte des besoins liés à l'accueil des étrangers en situation précaire est également améliorée dans ce projet de budget. L'augmentation de la capacité d'hébergement des demandeurs d'asile, comme celle, concomitante, du nombre de places en centres d'hébergement « classiques », était en effet indispensable pour éviter la saturation du réseau des CHRS, lesquels sont de plus en plus souvent amenés à prendre en charge une population pour laquelle ils sont dans l'impossibilité de proposer des solutions d'insertion.
Mais cette prise en compte va plus loin que le seul développement, certes indispensable, des capacités d'hébergement : la création d'une taxe au profit de l'Office des migrations internationales, proposée par l'article 76 du projet de loi de finances, permettra la mise en place d'un « contrat d'intégration » pour les primo-arrivants et la généralisation des plates-formes de conseil de l'Office.
Ma deuxième question est la suivante : dans quels délais et selon quelles modalités ce « contrat d'intégration » sera-t-il mis en oeuvre ? Au-delà du produit de la taxe, et compte tenu des flux migratoires importants que connaît notre pays, les moyens, notamment humains, de l'office seront-ils suffisants pour faire face à cette nouvelle mission ?
En ce qui concerne les personnes handicapées, la commission des affaires sociales a été heureuse de constater que le présent projet de budget a pris acte de la priorité donnée, le 14 juillet dernier, par le Président de la République, à leur intégration dans notre société.
Les mesures nouvelles inscrites dans le présent projet de budget répondent à un certain nombre des attentes des personnes handicapées et de leurs familles : le développement de places nouvelles en centres d'aide par le travail, les CAT, l'effort consenti en faveur des services d'auxiliaires de vie, notamment des services dédiés aux personnes les plus lourdement handicapées, la généralisation, tant attendue, des « sites pour la vie autonome » et l'orientation prise en faveur de l'intégration des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire constituent des avancées incontestables. L'effort en faveur du handicap doit donc être apprécié à sa juste valeur, dans un contexte budgétaire contraint.
Il reste que le projet de budget pour 2003 est un budget de transition, dans l'attente de la révision de la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées. Je ne doute pas que le Gouvernement saura répondre aux attentes des personnes handicapées sur ce point, et vous savez combien le Sénat est prêt à travailler sur ce dossier.
Je souhaite cependant revenir sur une question importante, celle de l'adaptation des modes de prises en charge à l'évolution de la population handicapée.
Au-delà de la demande de maintien ou de retour à domicile, à laquelle le présent projet de budget s'attache à répondre davantage, je voudrais en particulier souligner deux aspects.
En premier lieu, l'accompagnement d'une personne handicapée est une responsabilité de tous les instants pour une famille. Notre pays manque cruellement de structures d'accueil de jour et d'accueil temporaire, qui permettent à ces familles de souffler. Favoriser le maintien à domicile ne doit en aucun cas conduire à oublier ces solutions alternatives, qui peuvent également constituer des transitions efficaces entre les différentes modalités de prise en charge.
En second lieu, le vieillissement de la population handicapée est un fait, que notre système de prise en charge a trop peu anticipé. J'estime que les établissements pour personnes âgées dépendantes, qui sont souvent la solution proposée aux familles, ne constituent pas une réponse adaptée au défi du vieillissement des personnes handicapées. Des expériences montrent en effet qu'il est préférable de maintenir ces personnes dans des structures situées à proximité des foyers traditionnels où elles ont vécu.
D'où ma troisième question : quels seront les moyens consacrés à la prise en compte de ces deux évolutions en 2003 ? Plus précisément, le plan triennal 2001-2003 prévoyait 6,8 millions d'euros pour le développement de structures expérimentales pour la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes : à la lumière des résultats de cette expérimentation, quelles sont les pistes envisagées par le Gouvernement pour répondre à leur demande de structures d'accueil adaptées ?
Enfin, comme chaque année, je voudrais dresser un état des lieux de l'évolution des dépenses d'action sociale prises en charge par les départements, car elles constituent le cadre du financement des établissements sociaux et médico-sociaux.
A l'évidence, la dépense sociale départementale est entrée dans un nouveau cycle de hausse : son rythme de progression a été multiplié par quatre entre 2001 et 2002 du fait de deux facteurs : le passage aux 35 heures - qu'on le veuille ou non - et la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie.
L'année 2002 correspond toutefois également à la levée de deux incertitudes concernant, d'une part, les heures d'équivalence en chambre de veille et, d'autre part, la question du maintien du niveau des rémunérations pendant la période transitoire de passage aux 35 heures, lesquelles pesaient sur l'évolution des charges des établissements médico-sociaux et donc, indirectement, sur l'aide sociale départementale.
La levée de ces incertitudes n'écarte toutefois pas la possibilité de nouveaux conflits. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales demande une modernisation de la gestion budgétaire et comptable des établissements sociaux et médico-sociaux, de manière à donner aux associations gestionnaires les moyens d'entreprendre une planification budgétaire à plus long terme. Une clarification des relations financiaires permettrait à ces établissements de responsabiliser les partenaires sociaux sur les conséquences financières des accords collectifs.
Ma dernière question est la suivante : la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale rend nécessaire une révision du décret du 24 mars 1998 relatif à la gestion budgétaire et comptable des établissements médico-sociaux, compte tenu, notamment, des conséquences du passage en dotation globale du financement de ces établissements. Dans quels délais les établissements pourront-ils bénéficier de ce cadre réglementaire rénové ? Est-il envisagé, à cette occasion, de doter les établissements de perspectives pluriannuelles de financement ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la santé. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce budget de la santé se caractérise par un effort très marqué en faveur de la santé publique, notamment en ce qui concerne la lutte contre le cancer, la priorité donnée à la sécurité sanitaire, et la forte progression des moyens affectés à la couverture maladie universelle, la CMU. Ce projet de budget comporte donc des élements très positifs, qui ont conduit la commission des affaires sociales à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la santé pour 2003.
Ma première question portera sur le dispositif de sécurité et de veille sanitaire.
Les crédits consacrés aux agences de sécurité sanitaire diminuent de 6,9 millions d'euros, soit de 11,8 %, pour s'établir à 51,5 millions d'euros.
Cette diminution des dotations budgétaires n'apparaît pas infondée. Dans son rapport de septembre dernier sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes relève, en effet, que « toutes les agences disposent d'une aisance financière certaine. Les ressources ne leur ont pas été comptées, alors que leur montée en charge, trop lente, a limité les dépenses effectives ».
Néanmoins, la commission des affaires sociales, qui a contribué, par ses travaux, à la création de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, se montrera vigilante quant à l'évolution des moyens dont dispose cette agence.
Lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, un certain nombre de nos collègues ont fait part de leur inquiétude quant à la qualité des médicaments génériques fabriqués à bas prix dans les pays en développement. Nous devrons donc veiller à ce que l'AFSSAPS puisse disposer à l'avenir des moyens nécessaires à l'exercice de ses missions, notamment le contrôle des installations de production situées à l'étranger et qui approvisionnent le marché français.
Plus généralement, la Cour des comptes constate, dans son rapport, que les missions confiées aux agences ne sont pas toutes mises en oeuvre avec l'ampleur prévue par les textes initiaux et ultérieurs, en raison notamment de la lenteur de leur montée en charge. Elle souligne également la fragilité des structures administratives en charge des fonctions supports et juge que ces faiblesses communes à l'ensemble de ces structures, si elles devaient persister, pourraient nuire au développement de la politique de veille et de sécurité sanitaires.
La Cour relève également que les recoupements dans les champs de compétences de certains établissements imposent une clarification des rôles et missions de chacun. Les champs de compétences croisés entre agences concernent tant la veille sanitaire que certains produits. Selon les sujets, c'est soit une coordination entre les agences, soit, au contraire, une clarification de leurs compétences respectives qui est nécessaire.
L'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, l'AFSSE, devrait être prochainement installée. Le projet de loi relatif à la bioéthique, qui devrait être examiné par le Sénat en janvier prochain, prévoit, quant à lui, la création d'une agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines.
Au total, pas moins de huit structures différentes pourraient ainsi coexister à terme, avec des champs de compétence qui se recoupent parfois.
M. Jean-François Mattei, ministre. C'est vrai !
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. A l'évidence, une réflexion doit être engagée sur l'évolution des missions de ces structures et sur l'opportunité d'un rapprochement entre certaines d'entre elles.
Je souhaiterais, par conséquent, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez comment vous envisagez de faire évoluer dans les prochaines années l'organisation institutionnelle de la veille et de la sécurité sanitaires dans notre pays.
Ma deuxième question porte sur la couverture maladie universelle complémentaire.
Les crédits de la santé comportent en effet désormais une dotation de 970 millions d'euros destinée à financer la contribution de l'Etat au financement de la protection complémentaire de la couverture maladie universelle.
Près de trois ans après la mise en place de la CMU complémentaire, le bilan apparaît singulièrement contrasté et confirme les craintes qu'avait exprimées le Sénat lors de l'examen du projet de loi.
Les effets de seuil ont obligé à créer une CMU bis, sous la forme d'une aide à la mutualisation.
Le montant de la déduction forfaitaire dont bénéficient les organismes complémentaires s'est révélé rapidement insuffisant, justifiant le départ annoncé de plusieurs mutuelles de la gestion de la CMU complémentaire. Il faut, à cet égard, féliciter le Gouvernement d'avoir fait adopter par l'Assemblée nationale, dans le présent projet de loi, un article 78 qui relève le montant de cette déduction à 283 euros par assuré, un montant plus conforme à la réalité des dépenses qu'entraîne la gestion d'un dossier de CMU.
Enfin, le « panier de soins » de la couverture maladie complémentaire connaît des limites évidentes : les tarifs prévus par les textes sont récusés par les professionnels de santé, qui les considèrent insuffisants ; ces tarifs excluent, de fait, certains biens jugés courants par les professionnels de santé ou limitent drastiquement les choix de produits médicaux disponibles pour les assurés CMU, notamment dans l'optique et la prothèse dentaire.
A bien des égards, la CMU complémentaire demeure donc une couverture complémentaire minimale : elle a amélioré la situation de patients qui ne pouvaient jusque-là accéder à certains soins, sans pour autant leur permettre d'accéder à une situation de droit commun.
Dans son rapport de décembre 2001, relatif à l'évaluation de la CMU, l'Inspection générale des affaires sociales note à ce titre que, « si elle a doté 8 % des Français d'une couverture complémentaire, 30 % de ces derniers indiquent qu'ils ne peuvent toujours pas assumer les dépenses restant à leur charge pour certains soins, essentiellement pour les prothèses dentaires et l'optique ».
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que vous étiez ouvert à l'éventualité d'un dispositif favorisant l'accès à une couverture complémentaire santé.
M. Jean-François Mattei, ministre. En effet !
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. J'aimerais, par conséquent, que vous nous indiquiez quelles sont vos orientations en la matière et quel pourrait être le calendrier d'une telle réforme ; c'est l'objet de ma deuxième question.
Enfin, je voudrais évoquer un dossier qui, s'il ne relève pas, il est vrai, des crédits de la santé, ne peut laisser indifférent le responsable de la santé publique que vous êtes : celui de la médecine scolaire et universitaire.
Lors de l'examen de l'avis sur les crédits de la santé, la commission des affaires sociales a été unanime à déplorer la grande misère de la médecine scolaire et universitaire, qui contraste fortement avec les efforts que vous souhaitez accomplir, monsieur le ministre, en faveur de la prévention.
Nous nous sommes interrogés sur le fait de savoir si les difficultés de la médecine scolaire provenaient de moyens financiers et humains insuffisants ou, éventuellement, de son rattachement au ministère de l'éducation nationale et non à celui de la santé.
La situation actuelle ne peut perdurer, et je souhaiterais vivement que vous nous fassiez part, monsieur le ministre, de votre sentiment sur cette question essentielle, qui, j'en suis sûr, vous préoccupe autant que nous. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre. M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la santé, a évoqué, à plusieurs reprises, les conséquences du développement de l'immigration sur notre territoire.
La question ne peut se limiter à des considérations budgétaires et nous renvoie à notre identité, à nos choix fondamentaux, en particulier au choix que nous avons fait de la République fondée sur une nation unie et solidaire, contrairement à d'autres, qui ont préféré un système fédéral ou communautariste.
La question nous renvoie au déséquilibre dans le monde, à la mondialisation, à la montée des intégrismes et de la violence, qui jettent des centaines de millions d'êtres humains sur les routes de l'exil.
Pour appréhender cette question extraordinairement difficile, le Gouvernement a choisi la voie du réalisme et de l'humanisme : elle exige de faire appliquer les lois pour pouvoir mieux intégrer, mieux accueillir les étrangers qui vivent sur notre territoire et ceux qui, demain, le rejoindront.
C'est dans cet esprit que, à la demande du Président de la République, le Gouvernement prépare pour le milieu de l'année 2003 le contrat individuel d'intégration, qui permettra de symboliser non seulement cette volonté d'accueillir l'étranger dans les meilleures conditions possible en lui offrant, notamment, un soutien personnalisé qu'il s'agisse d'apprentissage linguistique, d'accompagnement social ou d'intégration professionnelle, mais aussi l'obligation faite à celui qui veut vivre sur notre territoire d'accepter les règles de notre contrat républicain.
Ce contrat sera mis en place dans le cadre du développement du service public de l'accueil des étrangers primo-arrivants dont l'animation est confiée à l'OMI, l'Office des migrations internationales. L'établissement sera l'opérateur de référence en matière de promotion du contrat d'intégration, s'agissant notamment de la préparation à la signature du contrat et de la coordination de l'ensemble des prestations dispensées dans ce cadre : détection des besoins, visite médicale, positionnement linguistique, bilan linguistique approfondi, formation à l'apprentissage de la langue française, apprentissage des usages sociaux et des obligations civiques. Le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, sera, quant à lui, l'opérateur de référence en matière de formation, d'apprentissage de la langue et des usages sociaux, par l'organisation et le financement d'une offre de formation et de services.
Les personnels des services sociaux spécialisés ou de droit commun, le cas échéant, chargés des prestations collectives ou individuelles exerceront aussi une fonction de référent et de « personne ressource » auprès du nouvel arrivant tout au long de son parcours d'intégration pour l'orienter et pour l'accompagner vers les services de droit commun.
Enfin, les services déconcentrés de l'Etat, dont les directions départementales des affaires sanitaires et sociales seront chef de fil, assureront la mise en cohérence et l'organisation des partenariats nécessaires, notamment dans le cadre des programmes départementaux d'accueil et d'intégration, qui seront généralisés à l'ensemble des départements français.
Pour ce qui est du financement de ce contrat, les ressources nécessaires à la promotion des premiers contrats d'intégration seront mobilisées dans le courant du deuxième semestre de l'année 2003, avec la généralisation du service public de l'accueil dont le développement est assuré par le produit de la nouvelle taxe instaurée au profit de l'OMI, taxe assise sur les effectifs de migrants obtenant leur premier titre de séjour.
Ainsi, à l'été 2003, le dispositif d'accueil sera étendu à de nouvelles catégories de publics. Le maillage du territoire sera amélioré grâce à l'ouverture de nouvelles plates-formes d'accueil couvrant alors trente-huit départements, et les prestations dispensées seront enrichies.
Dès 2003, les crédits d'intervention du budget du FASILD seront redéployés pour assurer le financement à un niveau significatif des prestations de bilan, de formation linguistique, d'apprentissage des usages sociaux et des obligations civiques ou encore de certification en faveur des nouveaux arrivants signataires d'un contrat d'intégration. Ainsi, les crédits destinés au financement d'une offre de formation linguistique pour les primo-arrivants seront portés de 5 millions d'euros en 2002 à plus de 20 millions d'euros en 2003.
En ce qui concerne les CHRS, je vous rappelle que le décret du 3 juillet 2001, qui visait à en moderniser les conditions de fonctionnement et de financement, prévoyait de simplifier les conditions d'accueil, de préciser les conditions de participation financière des usagers et de clarifier les conditions de financement et la présentation budgétaire et comparable de leur activité.
Si les deux premiers volets du dispositif ont été accueillis de façon très consensuelle par les associations gestionnaires, en revanche, les dispositions budgétaires et comptables ont nourri - c'est naturel - de fortes inquiétudes. Il s'agissait essentiellement des modalités de financement des activités d'insertion par l'activité économique ainsi que des activités d'insertion dans le logement.
Face à ces inquiétudes, j'ai souhaité approfondir le dialogue et la concertation avec les associations. A cette fin, j'ai décidé de régler cette question dans le cadre du décret d'application de la loi rénovant l'action sociale et médico-sociale relatif aux droits des usagers. La concertation avec les associations, qui se poursuit, doit viser à simplifier et à assouplir l'ensemble des procédures afin de permettre à ces associations de se consacrer pleinement à leurs missions de restauration de l'autonomie sociale et d'insertion dans le logement et par l'activité économique.
La grande qualité de cette concertation montre à quel point l'investissement des associations et celui des services de l'Etat dans ce domaine sont convergents. Enfin, monsieur Blanc, s'agissant des établissements médico-sociaux et de la refonte de la réglementation budgétaire et comptable, je rappelle que ce chantier a été ouvert par la loi du 2 janvier 2002. Ce nouveau texte pose les bases d'une procédure budgétaire et financière rénovée, adaptée aux exigences d'une gestion moderne et dynamique des établissements, compte tenu, notamment, des conséquences de leur passage en dotation globale, et introduit de nouveaux modes de gestion, plus souples, qui comprennent, pour répondre à votre interrogation, un dispositif permettant une allocation pluriannelle de ressources.
Ce projet de décret a fait l'objet d'une concertation très large avec l'ensemble des partenaires du secteur ; elle se poursuit actuellement, sur quelques aspects du texte qui nécessitent encore des ajustements. Mon objectif est que ce décret soit pris dans le courant du premier semestre 2003 afin qu'il puisse être pleinement applicable dans le cadre du budget 2004, pour l'ensemble des établissements qu'il concerne. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, m'a interrogé sur l'accueil temporaire des personnes âgées vieillissantes, puis sur l'accueil de jour des personnes handicapées, et enfin sur les personnes handicapées vieillissantes. Avant de lui répondre, je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous présenter les excuses de Mme Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, qui ne peut pas être présente pour des impératifs personnels.
En préambule, je voudrais saluer la qualité du rapport du Sénat sur le handicap, monsieur Paul Blanc.
En ce qui concerne l'accueil temporaire, la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale a reconnu l'accueil temporaire comme un élément de soutien aux personnes handicapées et à leur famille. Cet accueil ne consiste pas simplement à dispenser les familles d'accompagner à temps plein une personne handicapée. Les solutions possibles vont de l'aide ponctuelle à l'ouverture au milieu ordinaire en passant par le recours à des familles d'accueil temporaire ou à un centre de loisirs. Une mission vient d'être confiée à M. Olivin, président du groupe de réflexion et réseau pour l'accueil temporaire des personnes handicapées, le GRATH. Il remettra son rapport au mois d'avril 2003.
Dès l'année prochaine, néanmoins, le projet de loi de financement de la sécurité sociale permettra de développer l'accueil temporaire à hauteur de 2 millions d'euros environ.
Vous m'avez ensuite interrogé sur l'accueil de jour des personnes handicapées ; il correspond à un véritable besoin d'intégration. L'accueil de jour est maintenant répandu pour les enfants et les adolescents. Il relève, de fait, du projet de loi de financement de la sécurité sociale, au titre de structures d'accueil telles que les instituts médico-éducatifs.
L'accueil de jour des adultes handicapés connaît une évolution plus lente, il faut noter qu'il est du ressort des conseils généraux.
S'agissant des personnes handicapées vieillissantes, il convient d'anticiper les effets du phénomène démographique de proposer les solutions permettant d'éviter toute rupture brutale avec le milieu de vie habituel en offrant aux personnes handicapées vieillissantes, ainsi qu'à leurs parents, eux-mêmes vieillissants, un soutien psychologique et social adapté.
Dans le cadre du plan triennal en faveur des personnes handicapées, 6,8 % millions d'euros de crédits de l'assurance maladie sont affectés, sur la période 2001-2003, à la création de places en établissements spécialisés pour les personnes handicapées vieillissantes. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 permet de financer la dernière annuité de 2,28 millions d'euros.
La suite réservée à ce plan triennal des évolutions et des évaluations prévues courant 2003, dans le cadre de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
M. Barbier m'a d'abord interrogé sur l'évolution de notre organisation institutionnelle de veille et de sécurité sanitaires, qu'il soit remercié de cette question extrêmement pertinente. Je partage sa préoccupation en ce qui concerne l'efficience de notre dispositif institutionnel.
Sur ce sujet majeur, je ne veux pas me précipiter. Au cours des dernières années, nous avons accompli de grands progrès en matière de sécurité sanitaire. Nous le devons à Jacques Barrot, à Hervé Gaymard et, naturellement, à Bernard Kouchner, ainsi qu'à deux de vos anciens collègues sénateurs, MM. Claude Huriet et Charles Descours, qui ont, vous le savez, déposé un rapport à l'origine de la loi sur la sécurité sanitaire présentée lors de la dernière législature.
Des événements qui, il y a encore quelques années, créaient de véritables crises, ont peu à peu suscité un grand professionnalisme. Il n'y a pas si longtemps, je vous le rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, on entendait dire à l'Assemblée nationale ou au Sénat qu'il n'y avait pas un ministère de la santé mais un ministère des crises. Aujourd'hui, nous avons progressé, mais ces progrès restent fragiles. La montée en charge des agences n'est pas achevée, et c'est bien pour cette raison d'ailleurs qu'elles ont des fonds de roulement importants, fonds que nous ne nous sommes pas privés, vous le savez, de solliciter !
En 2003, je mobilise effectivement ces fonds pour poursuivre et consolider le travail des agences. Cependant, il ne faut pas déstabiliser trop vite un système qui n'est pas encore à maturation.
Cela dit, monsieur le sénateur, vous avez raison, il y a des problèmes de frontières et nous percevons bien que le partage des responsabilités est perfectible. Je vais donc engager des réflexions sur la base des critères fondamentaux suivants.
D'abord, je veux des masses critiques de compétences, sans lequelles il n'y a pas de véritable professionnalisme.
Ensuite, je veux respecter une logique des métiers. Si les agences font appel à des métiers communs, il est logique d'envisager leur convergence, ce qui limitera, bien sûr, les conflits de territoire.
Enfin, il existe une logique de missions, et il est vrai que les agences chargées de l'évaluation des risques sanitaires doivent sinon se regrouper, du moins se coordonner. Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que le comité national de sécurité sanitaire que je préside est précisément chargé de la coordination des agences. La situation n'est donc pas incontrôlée. Toutefois, sur la base des critères que je viens d'énoncer, j'entamerai, en 2003, une réflexion d'ensemble sur la performance de notre système. Ce sujet sera probablement évoquée lors de la révision des lois de biothique.
Je voudrais en effet rappeler que sont concernés l'ANAES, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'INPES, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé ; l'Institut de veille sanitaire ; l'AFSSAPS, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, chargée notamment de la sécurité des médicaments, des dispositifs et du sang, l'Etablissement français des greffes ; l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments ; l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, que nous venons d'inaugurer, avec Roselyne Bachelot ; enfin, la fameuse agence encore en gestation sur l'embryologie, la génétique et la reproduction.
Vous m'avez posé une deuxième question, monsieur le rapporteur pour avis, sur la couverture maladie universelle, il joue un rôle essentiel en matière d'accès aux soins. Les personnes dont les revenus sont les plus modestes avaient, avant la mise en place de la CMU, un accès très inégal aux soins et beaucoup y renonçaient, notamment en matière optique ou dentaire.
Ainsi, selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, deux tiers des ménages qui avaient renoncé à des soins avant la mise en place de la CMU ont commencé à se soigner dès lors qu'ils en ont bénéficié. Ce rattrapage de soins concerne en premier lieu les enfants et les femmes.
Je voudrais rappeler l'amélioration de la couverture des soins dentaires pour les bénéficiaires de la CMU complémentaire.
Néanmoins, vous le savez, il existe un effet de seuil contre lequel nous nous étions élevés, qui avait conduit l'opposition d'alors à ne pas voter un dispositif qui recueillait pourtant, sur le fond, un large consensus.
Il faut y remédier et je vous confirme que nous proposerons l'année prochaine une réforme en profondeur du dispositif, de façon à clarifier les rôles et, surtout, à permettre à chacun d'acquérir une couverture complémentaire. Certaines personnes, en effet, ne sont pas couvertes par la CMU et ne peuvent pas non plus se payer une couverture complémentaire.
S'agissant enfin de la médecine scolaire, soyez persuadé que je partage votre préoccupation.
J'ai été satisfait que la médecine carcérale soit confiée au ministère de la santé. C'était un premier pas important. Mais il se trouve que la médecine scolaire est toujours confiée au ministère de l'éducation nationale et la médecine du travail au ministère du travail ou de l'emploi. Je ne saurais prétendre à une quelconque hégémonie, car je sais bien que les médecins scolaires et les médecins du travail souhaitent garder leur statut, leur tutelle.
S'il n'est pas question de revenir sur cette situation dans l'immédiat, une véritable politique de la santé publique est néanmoins impossible sans la participation de la médecine scolaire et de la médecine du travail. Il nous faudra donc, non pas par la contrainte, je vous rassure, mais par une incitation, des contrats d'objectifs et des moyens, tenter d'harmoniser tous ces secteurs médicaux au service de la santé publique. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes au maximum pour sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'interviendrai sur les crédits consacrés à la solidarité.
Comme l'a rappelé M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, dans un contexte de croissance ralentie et de dégradation du marché de l'emploi, les dépenses relatives aux minima sociaux repartent à la hausse. Cette constatation, que nous faisons avec lui, nous inquiète.
M. Eric Doligé. Nous aussi !
M. Gilbert Chabroux. Ainsi, le nombre de bénéficiaires du RMI a sensiblement diminué les années précédentes, comme le soulignait Marie-Thérèse Joint-Lambert, présidente de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, dans son rapport rendu public au mois de février 2002.
Je ne reviens pas sur les dispositions qui ont été prises pour privilégier l'insertion professionnelle des allocataires de minima sociaux ; la croissance a, bien sûr, joué un rôle essentiel.
Ce qui nous intéresse maintenant, c'est l'année 2002 et, plus encore, l'année 2003. Selon le rapporteur pour avis, le nombre de bénéficiaires du RMI pourrait arrêter de baisser en 2002, voire augmenter en 2003. Il exprime une inquiétude relative à l'évolution des crédits consacrés au RMI, qui ne seront majorés que de 0,9 % en 2003. Il souligne que cet objectif est indissociable de la réforme du RMI...
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Oui !
M. Gilbert Chabroux. ... qui doit aboutir au cours de l'année 2003. Une hausse de 0,9 % est effectivement insuffisante dans la mesure où la réforme que vous projetez de réaliser demandera du temps.
Pourquoi, monsieur le ministre, ne prévoyez-vous pas les crédits nécessaires alors que vous cherchez à souligner la transparence et la sincérité de votre budget ? Pouvez-vous accepter que la commission des finances veuille encore réduire vos crédits ?
Des questions se posent.
Tout d'abord, comment justifiez-vous l'économie de 150 millions d'euros que vous prévoyez au titre de la redynamisation de la démarche d'insertion ?
Vous avez dit ce matin qu'il ne devait y avoir qu'un seul pilote, le département ; qu'attendez-vous exactement des départements ?
Vous avez aussi évoqué le projet de loi constitutionnelle relatif à la décentralisation. Qu'en attendez-vous pour le RMI ? Quelle réforme du RMI envisagez-vous ?
Vous avez évoqué la création d'un revenu minimum d'activité. En quoi consisterait-il ? Pouvons-nous avoir quelques précisions ? Vous nous avez indiqué que vous ne reprendriez pas la proposition de loi de MM. Lambert et Marini. S'agirait-il encore et toujours d'exonérer les entreprises de charges sociales ? Quel délai vous fixez-vous ?
Monsieur le ministre, le RMI, créé en 1988, se fixait trois objectifs : réduire la pauvreté par le versement d'une allocation, permettre l'accès aux droits sociaux - à la santé et au logement notamment - et aider à l'insertion professionnelle. Y a-t-il une politique gouvernementale cohérente pour atteindre ces objectifs ? Par ailleurs, toute approche fondée uniquement sur l'activité serait erronée pour un certain nombre de cas.
Vous comprendrez que l'absence d'information sur un sujet aussi important pour nombre de nos concitoyens en situation de précarité ne nous incite pas à avaliser votre démarche ni à voter vos crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre. Monsieur le sénateur, je m'étonne que vous nous donniez des leçons de sincérité budgétaire, alors que nous avons dû inscrire dans la dernière loi de finances rectificative 700 millions d'euros pour financer le RMI en 2002. (Applaudissements sur les travées du RPR.) La vérité, monsieur le sénateur, c'est que vous êtes en train de refuser de voter un dispositif qui est tout à fait similaire à celui que vous avez voté l'an passé.
En outre, le plan de redynamisation est le fruit du travail du gouvernement précédent, et je l'ai intégralement maintenu. Son objectif était de favoriser davantage l'insertion et, par conséquent, d'augmenter les sorties du système du revenu minimum. Ce plan repose sur la diffusion d'indicateurs de résultats en matière de contractualisation, de signature de projets d'action personnalisés, de nombre d'allocataires du RMI qui trouvent un emploi, ainsi que sur la comparaison de ces indicateurs avec des objectifs précis. Il porte enfin sur le recensement et la diffusion des bonnes pratiques en matière d'insertion menés au plan local. Je veillerai à ce que ce plan de redynamisation, tout juste amorcé l'an passé, soit complètement mis en oeuvre.
Pour ce qui concerne l'avenir et le budget pour 2004, j'ai déjà répondu ce matin à M. Gouteyron. Que puis-je dire de plus ? Le Gouvernement réfléchit à une réforme qui fera l'objet d'un grand débat devant le Parlement, dans le cadre à la fois de la décentralisation et de la mise en place du revenu minimum d'activité.
Cette réforme est fondée sur deux idées simples. Premièrement, un seul pilote doit gérer l'ensemble du dispositif du RMI, qu'il s'agisse de l'Etat ou du département. Nous sommes convaincus que les départements, qui le font très bien, vont s'impliquer encore davantage dans l'insertion s'ils sont entièrement responsables du dispositif, en particulier s'ils ont la maîtrise financière de l'ensemble des sommes qui concourent à la mise en oeuvre du RMI.
Nous vous proposerons donc, dans le courant de l'année 2003, une réforme visant à transférer au département la compétence relative au RMI, assortie bien entendu de principes généraux au plan national. J'imagine que cette réforme fera l'objet d'un débat approfondi au sein de cet hémicycle. Deuxièmement, nous vous proposerons de compléter le revenu minimum d'insertion par un revenu minimum d'activité. Le Gouvernement s'oriente plutôt vers un dispositif lié au secteur de l'emploi non marchand. Nous avons en effet affaire à des publics très fragiles qui risquent l'éviction si l'aide et le soutien à l'embauche sont trop ciblés sur le secteur marchand.
Nous sommes ouverts au débat.
En tout cas, je ne vois pas dans l'immédiat, monsieur le sénateur, ce qui vous empêcherait de voter des crédits relatifs au RMI qui sont en légère augmentation par rapport à l'an dernier et qui sont au moins aussi sincères que ceux que vous aviez votés l'an passé ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. La question que j'ai posée n'a probablement pas été bien comprise, au moins en partie. Je m'étais interrogé sur la politique globale, cohérente, que le Gouvernement souhaitait mettre en place pour les bénéficiaires du RMI.
J'ai indiqué que toute approche fondée uniquement sur l'activité serait erronée pour un certain nombre de cas. Je précise, puisqu'il le faut, qu'il est nécessaire de conjuguer les politiques de soutien. S'agissant, par exemple, des problèmes de santé, il faudrait prendre en compte le rapport Blanpain-Eneau de 1999 qui établissait que les bénéficiaires du RMI connaissent deux fois plus de problèmes de santé que le reste de la population.
M. Jean-François Mattei a évoqué la réforme qu'il prépare sur la CMU. J'ai voulu savoir ce qu'il serait possible de faire dès cette année, en particulier pour les soins dentaires ou l'optique. Je souhaite que l'on puisse chaque année compléter et améliorer ce dispositif qui a représenté une avancée considérable.
Je voudrais également connaître les dispositions budgétaires qui sont prévues en faveur des équipes hospitalières spécialisées dans la prise en charge des personnes en difficulté.
Nous savons aussi qu'une partie du public particulièrement fragile des bénéficiaires du RMI ne peut mener de front la recherche d'emploi et la garde d'enfant : d'où l'importance des places en accueil collectif. Or la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ne reconduit pas le fonds d'investissement pour la petite enfance. Où est la politique cohérente que j'appelle de mes voeux ?
Nous pourrions citer également le problème du logement, car nous savons qu'un logement décent est l'une des conditions essentielles pour présenter sa candidature à un emploi. Or le Gouvernement laisse remettre en cause la loi SRU, qui imposait aux communes la construction de logements sociaux.
Je repose donc ma question : quelle est la politique globale, cohérente du Gouvernement en faveur des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Guy Fischer au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. La formule des questions-réponses m'amène à limiter mon propos à la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger.
Je vous rappelle que cette caisse, autonome, est issue des lois du 31 décembre 1976, du 17 juin 1980 et du 13 juillet 1984. Elle gère les assurances volontaires maladie, maternité, invalidité, accidents du travail, ainsi que l'adhésion à l'assurance vieillesse pour tous ceux de nos compatriotes expatriés qui désirent continuer à bénéficier du régime français de sécurité sociale.
Je préside cette caisse depuis l'origine, aussi souhaiterais-je aborder avec vous, monsieur le ministre, un certain nombre de points.
Premièrement, aucune obligation d'affiliation à la caisse n'est imposée aux Français de l'étranger ; on ne peut pas légiférer hors de notre territoire.
Deuxièmement, elle ne dispose d'aucun monopole et doit faire face à la concurrence très vive des assurances privées.
Troisièmement, malgré ce contexte concurrentiel et bien qu'elle soit également confrontée au système du détachement, elle est l'une des rares caisses de sécurité sociale à présenter un bilan positif depuis son origine.
Actuellement, cette caisse couvre environ 120 000 Français expatriés. Ses effectifs sont en augmentation modérée mais constante, en raison de son image positive et de son écoute des besoins exprimés par ses adhérents ; elle est, je crois, appréciée.
La caisse rembourse les soins sur la base des prix et barèmes applicables dans le régime général français. Cette règle rigide s'avère de plus en plus inadaptée aux pratiques et aux coûts médicaux de certaines régions du monde.
En particulier pour les soins hospitaliers, ces remboursements ne permettent pas de prendre en compte dans de bonnes conditions la chirurgie ambulatoire ou l'hospitalisation de courte durée, qui sont fréquentes, vous le savez, notamment dans le continent nord-américain.
Il est donc souhaitable d'obtenir, dans certaines hypothèses, une souplesse dans la fixation des bases de remboursement. De tels aménagements auraient, en outre, des conséquences positives pour le développement des conventions de tiers payant, dont les Français de l'étranger sont très demandeurs.
Dans le domaine de la vieillesse, la caisse des Français de l'étranger gère les cotisations des salariés français expatriés pour le compte de la CNAVTS. Cependant, un salarié qui quitte le territoire français sans reprendre d'activité à l'étranger a aussi la possibilité juridique d'adhérer à cette assurance. Dans ce cas, la gestion n'est pas assurée par la caisse des Français de l'étranger.
Pour tous les autres assurés couverts par la CNAVTS, ne serait-il pas possible d'obtenir un guichet unique pour nos compatriotes français expatriés, géré par cette caisse puisqu'elle a été choisie par la caisse nationale d'assurance vieillesse ?
La loi de modernisation sociale, en son article 19 consacré aux Français de l'étranger, a notamment introduit un dispositif d'aide pour faciliter l'adhésion de nos compatriotes dont les revenus sont modestes, sous réserve qu'ils adhèrent à titre individuel.
Or de nombreux salariés aux revenus modestes, rattachés à des petites et moyennes entreprises mandataires de la caisse des Français de l'étranger, en sont exclus.
J'avais souligné cette difficulté lors de la discussion de la loi. Serait-il possible de revenir, d'une manière ou d'une autre, sur cette disposition ? Des représentants des PME ne pourraient-ils pas être couverts par l'article 19 de la loi de modernisation sociale ?
Enfin, la concurrence de plus en plus vive des assurances privées risque sans doute d'éloigner de la caisse des Français de l'étranger de nombreux adhérents potentiels. Les assurances privées peuvent en effet adapter leur tarification, leurs services et se mettre à la disposition des grandes entreprises françaises ou des particuliers, en fonction de leur situation.
Ces constatations, monsieur le ministre, militent pour que la caisse des Français de l'étranger puisse un jour offrir une assurance complémentaire facultative dont l'étude aura été réalisée en liaison avec votre ministère. Le dispositif législatif et réglementaire rend actuellement impossible une telle évolution, pourtant nécessaire à l'avenir de la caisse.
Voilà, monsieur le ministre, quels devraient être les objectifs principaux et prioritaires pour assurer le développement de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger. Je compte sur vos services pour répondre à l'attente de nos compatriotes expatriés, qui sont déjà nombreux à y faire appel.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, vous mettez l'accent sur plusieurs questions importantes auxquelles je vais tenter de répondre.
Le problème du tarif des remboursements de la caisse des Français de l'étranger ne peut être dissocié de la mise en oeuvre de la jurisprudence découlant des arrêts Kohl et Decker et des arrêts suivants de la Cour de justice des Communautés européennes, qui a considérablement étendu les possibilités de remboursement des soins dont bénéficient les assurés français à l'étranger.
Dans ce cas, les soins sont remboursés sur la base d'un remboursement identique à celui de soins qui auraient été dispensés en France. Je sais que, s'agissant de l'hospitalisation, la base de remboursement s'effectue sur le tarif de l'assistance publique-hôpitaux de Paris moins 30 %, tarif qui est généralement suffisant pour la plupart des soins hospitaliers, à l'exception, il est vrai, des soins dispensés aux Etats-Unis, où les coûts sont généralement supérieurs.
Tout autre mode de remboursement serait cependant excessivement coûteux pour la CFE, notamment le remboursement sur facture.
S'agissant de la gestion par la CFE de l'assurance volontaire vieillesse des personnes n'occupant pas un emploi à l'étranger, question qui devrait normalement revenir à M. Fillon, c'est, vous le savez, pour le compte de la CNAV que la CFE opère alors.
Il est vrai que la situation des conjoints non salariés de salariés expatriés pose problème. Ces personnes cessent d'avoir des droits personnels au régime français d'assurance vieillesse et souhaiteraient acquérir des droits à titre volontaire - mais, pour ce faire, la CFE n'est pas compétente -, ce qui faciliterait grandement leurs démarches.
Je comprends donc votre préoccupation, monsieur le sénateur, et la direction de la sécurité sociale examine, à votre demande, si une simple lettre circulaire suffit, comme le pense la CFE, pour l'habiliter à jouer ce rôle ou si une disposition réglementaire ou législative expresse est nécessaire.
S'agissant de la demande d'extension aux salariés d'entreprises mandataires du bénéfice de l'aide à la prise en charge de la cotisation, vous avez vous-même partiellement développé la réponse à partir de l'article 19 de la loi de modernisation sociale.
Cette rédaction exclut, c'est vrai, volontairement les salariés expatriés, d'une part parce qu'il est peu probable qu'ils relèvent de cette catégorie de revenus, d'autre part parce qu'il paraît invraisemblable que l'entreprise ne prenne pas tout ou partie de la cotisation à sa charge.
Je reste cependant ouvert à toute proposition que vous pourriez faire qui serait susceptible d'apporter des améliorations.
La CFE peut-elle offrir un régime complémentaire maladie, même facultatif ?
Le régime général d'assurance maladie auquel se réfère volontiers la caisse ne prévoit évidemment pas de complémentaire ; il appartient aux employeurs de contracter avec des mutuelles, des assurances ou des institutions de prévoyance.
Il paraîtrait encore plus ambigu d'autoriser par la loi la CFE à jouer un tel rôle alors même que l'offre d'assurance privée suffit à répondre à la demande de couverture complémentaire. Cela placerait même la CFE, plus encore qu'elle ne l'est, en contravention aux règles européennes applicables à ce type d'entreprise d'assurances. J'observe au demeurant que - à moins que je ne sois mal renseigné - la CFE n'a formulé aucune demande en ce sens.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je peux porter à votre connaissance, ce qui me donne l'occasion de rappeler à la représentation nationale l'existence de la caisse des Français de l'étranger, qui a vocation à assurer la couverture sociale de 1,9 million de nos compatriotes expatriés et sur laquelle vous veillez avec attention, monsieur Cantegrit. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. J'ai bien compris que j'avais deux tuteurs : M. Jean-François Mattei, qui vient de me répondre - et je l'en remercie -, et M. François Fillon, que j'ai l'honneur de saluer et qui, je le sais, est aussi attentif à nos compatriotes expatriés que peut l'être son collègue.
Vous le savez l'un comme l'autre, messieurs les ministres, nous sommes dans un système dérogatoire au système de la sécurité sociale française, et l'appel que je vous lance, à l'un et à l'autre, à travers mes différentes questions est le suivant : certes, notre conseil d'administration apprécie l'encadrement de vos deux ministères, et notamment les conseils que ceux-ci lui prodiguent, mais, puisque vous avez accepté qu'il y ait une concurrence des compagnies d'assurances privées, vous devez donner à la CFE les moyens d'aller de l'avant et de se défendre. A défaut, les compagnies d'assurances privées l'emporteront un jour ou l'autre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, le budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité pour 2003 affiche une hausse sensible : plus 4,4 % par rapport à 2002, si l'on intégre les crédits de gestion des politiques de santé et de solidarité.
Cette évolution touche principalement les grandes prestations de solidarité : l'allocation aux adultes handicapés, l'allocation de parent isolé et le revenu minimum d'insertion.
Une fois évoquée la part consacrée aux dépenses de solidarité, une fois noté l'effort consenti - plus 1,1 milliard d'euros pour le doublement des places en centre d'aide par le travail - force est de constater que vous ne disposez, monsieur le ministre, pour conduire votre politique de santé, que « d'une marge de manoeuvre limitée » - je reprends vos propres termes - à 400 millions d'euros.
Au regard de vos ambitions, que, dans ces domaines, nous partageons d'ailleurs pleinement, qu'il s'agisse de faire de la santé publique une priorité ou de développer une véritable culture de la prévention, vos moyens réels nous paraissent bien faibles.
Dans les documents transmis par le ministre délégué au budget, il apparaît en outre que le gel de crédits du ministère de la santé en 2002 ou leur report sur 2003 sont déjà envisagés, pour un montant au moins égal à 100 millions d'euros.
Certes, les crédits destinés à la santé publique et à la sécurité sanitaire sont en augmentation de 5,5 % par rapport à 2002.
Certes, le chapitre relatif aux dépenses déconcentrées en matière de promotion, de prévention et de programme de santé publique contient une mesure nouvelle, 35 millions d'euros supplémentaires étant destinés à la lutte contre le cancer.
Toutefois, deux observations doivent être formulées.
En premier lieu, rien ne vient accroître sensiblement les moyens de l'Etat destinés à la lutte contre le sida, même si vous avez fait de nouvelles déclarations à ce sujet.
En second lieu, je ne peux que regretter que vos choix se fassent au détriment d'autres actions, notamment de la lutte contre les pratiques addictives.
Nous nous accordons sur le constat : chaque année, 240 000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués, 140 000 décés enregistrés. Avec le vieillessement de la population, le problème du cancer continuera à se poser avec acuité. Chaque famille est touchée et le cancer est la première cause de mortalité avant soixante ans.
S'appuyant notamment sur la réflexion du cercle des cancérologues français, le précédent gouvernement avait lancé, en février 2000, un plan national sur cinq ans de lutte contre le cancer.
Le professeur Thierry Philip - directeur du centre Léon Bérard à Lyon - considère que « le cancer n'est ni de droite, ni de gauche et que faire de la politique dans le domaine du cancer, c'est se battre pour les dix millions de familles françaises concernées, c'est se battre pour l'esprit pluridisciplinaire ».
Première question, monsieur le ministre : la loi de programmation quinquennale en santé s'inscrira-t-elle dans la continuité des objectifs posés dans ce plan ?
Nous avons tous conscience à la fois de l'enjeu que représentent la prévention, le dépistage massif de qualité, le développement des réseaux, la recherche et de la nécessité de permettre à tous l'accès aux meilleurs soins, aux médicaments innovants, à la radiothérapie moderne.
Pourtant, nous divergeons sur les moyens financiers à engager. Les débats que nous venons d'avoir sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 démontrent une fois de plus que les choix de votre gouvernement demeurent motivés par des exigences purement économiques. Vous délaissez le principe fondateur de la sécurité sociale : la solidarité.
L'enveloppe allouée à l'hôpital public, au sein de l'ONDAM, n'est pas de nature à accroître quantitativement et qualitativement l'offre de soins.
A l'heure actuelle, la cancérologie - de nombreux professeurs le disent - est une spécialité sinistrée, et les médications innovantes pèsent lourdement sur le budget des hôpitaux.
Dans ces conditions, comment comptez-vous remédier aux inégalités de prise en charge selon les régions ?
Comment améliorer les conditions de vie des patients et la qualité de leur prise en charge ?
Quel soutien financier particulier allez-vous apporter au développement des réseaux de cancérologie et au renforcement de l'équipement en radiothérapie ?
Dans le cadre de la régionalisation, quels moyens seront consacrés au rapprochement entre les villes et les hôpitaux ?
Enfin, concernant le dépistage, les mesures nouvelles inscrites en loi de finances serviront-elles de manière effective à généraliser à l'ensemble du territoire le dépistage du cancer du sein, mais également celui du cancer du col de l'utérus ou du côlon ?
Votre stratégie de lutte contre le cancer nous concerne tous. C'est pourquoi nous attendons des précisions quant au montant des crédits qui lui seront consacrés et quant à leur ventilation et à leur destination.
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie de l'excellente critique que vous venez de faire de la politique conduite précédemment ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. C'est facile, monsieur le ministre !
M. Jean-François Mattei, ministre. C'est en effet très exactement cette politique que vous venez de décrire en me demandant instamment de généraliser enfin le dépistage du cancer, notamment du sein, et en posant toute une série de questions parfaitement pertinentes.
Vous avez fait une affirmation que je rejoins : il est vrai que la lutte contre le cancer n'est ni de droite ni de gauche. Dans cet esprit, je m'inscrirai dans la continuation, mais aussi dans la rupture.
Pourquoi dans la continuation ? Parce que je veux lutter contre le cancer et, d'une manière plus générale, lutter contre les fléaux de santé publique.
Pourquoi dans la rupture ? Vous parlez d'inégalités et vous les imputez au manque de crédits, mais dois-je vous rappeler qu'aujourd'hui ce sont les conseils généraux qui sont en charge du dépistage du cancer du sein ? Pourquoi dès lors mettre en cause les crédits de l'Etat ?
C'est là que je veux une rupture !
Oui, la politique de santé publique doit être menée avec les opérateurs que sont les collectivités territoriales, que sont les unions régionales des caisses d'assurance maladie, les URCAM, et, que sont naturellement aussi les associations sur place, mais il faut un chef d'orchestre, et l'essentiel, dans la loi de programmation de santé publique, sera de recentraliser la définition et l'obligation de l'égalité d'accès aux soins et aux dépistages.
M. Jean-Pierre Fourcade. Bien sûr !
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur Fischer, vous avez dit que les hôpitaux manquaient de scanners, de PETscan et autres appareils de radiothérapie ou d'imagerie médicale. Oui, ce sera un volet essentiel de la loi de santé publique, mais convenez que je ne peux pas d'ores et déjà vous en donner le détail !
Vous avez également regretté que les hôpitaux ne puissent pas accéder aux médicaments innovants. Vous avez dû noter, dans le budget que vous n'avez d'ailleurs pas voté, que j'avais prévu 200 millions d'euros pour lancer un médicament innovant, notamment pour lutter contre le cancer.
Je veux bien que vous posiez la question, car il est normal que vous vous préoccupiez de ce sujet qui nous intéresse tous. Je ne suis pas sûr cependant que votre formule soit la bonne.
Monsieur le sénateur, je vous demande donc instamment d'essayer, lors de la préparation de la loi de programmation de santé publique, de trouver avec nous les voies d'un accord, car nous avons su, nous, lorsque nous étions dans l'opposition voter avec la majorité d'alors, par exemple en matière de sécurité sanitaire et sur bien d'autres sujets.
La santé publique mérite, il me semble, un consensus national. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, vous êtes dans votre rôle, mais je suis très lié avec plusieurs cancérologues, dont le professeur Thierry Philip, qui, depuis plusieurs années, travaille sur ces problèmes, et je sais que nous aurons à faire des choix. C'est indéniable, et vous le savez.
Par exemple, à l'hôpital Léon Bérard à Lyon, il y a aujourd'hui plus de patients suivis dans le cadre de l'hospitalisation à domicile que de malades hospitalisés, si je puis dire, intra-muros. C'est une de ces nouvelles données qui, de toute évidence, méritent d'être étudiées.
S'agissant des URCAM, vous serez d'accord avec moi pour reconnaître qu'encore très peu nombreux sont ceux qui en discernent les véritables pouvoirs et qui ont perçu que, demain, la politique de soins sera peut-être maîtrisée à travers les agences régionales de soins, que vous nous proposerez bientôt de mettre en place et dont il nous faudra définir les pouvoirs.
Vous avez fait allusion aux grands fléaux que sont le tabagisme, l'alcoolisme, certains comportements alimentaires. Soyez persuadé que nous entendons comme vous lutter contre ces fléaux et que nous participerons largement au débat sur le projet de loi de programmation pluriannuelle.
La critique vous était facile dans votre réponse, mais sachez que nous participerons d'une manière constructive tout en ayant l'exigence de l'opposition.
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.
Mme Nelly Olin. Avant tout, messieurs les ministres, je tiens à vous féliciter du projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui, et qui, je le sais, a été préparé dans des conditions difficiles. C'est sans état d'âme que je le voterai.
Je salue bien entendu la hausse des crédits. Mais, si elle est significative, c'est surtout parce qu'elle accompagne une véritable politique de la santé publique. Il était temps d'avoir une ambition que vos prédécesseurs n'ont malheureusement pas eue. Dans ce domaine, beaucoup de temps a été perdu.
Parmi les différentes mesures annoncées - comme la politique, dont je vous félicite, en faveur des handicapés, qui est une des priorités pour le quinquennat du Président de la République -, j'ai noté les moyens alloués à la santé publique.
En ce qui concerne le cancer, vous développez enfin un vrai programme de prévention : 40 millions d'euros seront destinés à accroître la lutte contre le cancer.
Les chiffres sont alarmants. Aujourd'hui, ce sont 700 000 Français qui souffrent d'un cancer, et 250 000 nouveaux cas sont recensés chaque année. Il s'agit bien d'un fléau national, et, monsieur le ministre, vous avez le courage de vous y attaquer avec détermination et volonté, alors que vous disposez de moyens limités du fait de l'« héritage ».
Je tiens à le souligner, le cancer est la première cause de mortalité prématurée en France et la deuxième cause médicale de décès, alors que 70 % des cancers sont attribuables à des facteurs de risques sur lesquels nous pouvons intervenir. A ce sujet, je m'associe à votre combat contre le tabac et l'abus d'alcool, combat qui, je le sais, est sincère et volontariste.
Monsieur le ministre, vous mettez en oeuvre le dépistage intrafamilial pour les personnes présentant un risque génétique pour le cancer du sein et le cancer recto-colique : je tiens à vous féliciter également pour cette excellente mesure.
Il y a dix ans, tout le monde s'était réjoui de la mise en place, dans chaque département, du dépistage systématique du cancer du sein. Aujourd'hui, il faut le dire, les résultats ne sont guère brillants. Seuls trente-deux départements procèdent effectivement à ce dépistage.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé que le dépistage systématique du cancer du sein serait enfin étendu à tout le territoire, ce qui mettra un terme à une inégalité due essentiellement au facteur géographique.
Toutefois, j'aimerais savoir si une vaste campagne d'information sera mise en place à cet égard. La sensibilisation des médecins s'avère essentielle, de même que l'utilisation des médias, qui permettrait une information à plus grande échelle.
A titre d'exemple, dans le département du Val-d'Oise, le dépistage du cancer du sein est mis en oeuvre de façon systématique depuis 1991. Pourtant, seulement la moitié des femmes concernées en ont bénéficié ; celles-ci n'ont pas suffisamment profité de la possibilité qui leur était ouverte parce que la campagne d'information s'est révélée insuffisante. Ce triste constat nous montre la nécessité d'entreprendre une action importante sur ce plan. Les conseils généraux font ce qu'ils peuvent avec leurs moyens, mais l'enjeu est grand et le combat, qui passe d'abord par l'information, doit être mené à l'échelon national.
Nous attendons avec impatience, monsieur le ministre, les conclusions de la commission d'orientation sur le cancer, mais je sais que la future loi de programmation de santé publique devrait permettre de répondre aux nombreuses attentes des professionnels, mais également à celles des malades et de leurs représentants. Je connais votre engagement, je connais votre volonté, au-delà de vos immenses compétences, reconnues et saluées par tous, mais je sais que votre tâche sera rude, car l'héritage, il faut quand même le rappeler, est particulièrement lourd. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. Madame le sénateur, je vous remercie de votre question, qui va me permettre de développer un peu plus dans le détail la question du dépistage du cancer, en particulier du cancer du sein.
Nous sommes en mesure, pour la première fois, de fixer un objectif quantifié en termes de nombre de vies sauvées. En effet, nous savons à présent que, grâce à une politique de prévention et de dépistage, on peut éviter de 5 % à 10 % des décès. Un résultat identique peut être espéré grâce à une coordination des traitements, notamment par le biais des réseaux, ou encore grâce aux nouveaux traitements innovants associés aux adjuvants : par conséquent, en combinant ces trois approches, on peut espérer éviter de 20 % à 30 % des décès. Tel est bien l'objectif que nous cherchons à atteindre avec le plan d'action de lutte contre le cancer.
Vous avez raison de souligner, madame le sénateur, que la prévention et le dépistage commencent par l'information. Nous avons donc décidé, avant même que le chantier présidentiel de lutte contre le cancer n'ait été ouvert, de lancer, en 2003, avec l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, une campagne d'information en direction de la population, qui ignore trop souvent l'intérêt du dépistage. En effet, si celui-ci est aujourd'hui pratiqué dans un peu plus d'un tiers des départements, le pourcentage des femmes concernées qui en bénéficient n'excède généralement pas 50 %, ce qui est notoirement insuffisant.
Je vous indique par ailleurs que, dès le 1er janvier 2003, nous mettrons en place le dépistage systématique intrafamilial du cancer du sein d'origine génétique. Nous avons déjà débloqué 6 millions d'euros à cette fin, car lorsqu'une femme souffre d'un cancer du sein, il faut déterminer s'il est dû à une cause génétique et, s'il en est ainsi, analyser les femmes qui sont apparentées à la malade. Nous appliquerons la même démarche s'agissant des cancers du côlon et du rectum, ainsi que d'un certain nombre de cancers rares. Voilà qui est tangible, il ne s'agit pas d'une simple promesse.
Enfin, avant le 1er janvier 2004, le dépistage du cancer du sein sera mis en oeuvre sur l'ensemble du territoire de la République. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.
Mme Nelly Olin. M. le ministre a répondu parfaitement à nos attentes. Je le remercie de la volonté qu'il manifeste et je l'assure de notre soutien.

(M. Guy Fischer remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le ministre, j'ai pris bonne note des orientations qui seront retenues dans le projet de loi sur la santé publique que vous soumettrez prochainement à la représentation nationale.
Certes, le projet de budget traduit les priorités du Gouvernement et vous vous engagez à mettre en place les moyens nécessaires pour mener à bien les grands chantiers annoncés par le Président de la République le 14 juillet dernier, qui concernent le handicap, l'action contre la violence routière et la lutte contre le cancer.
Les crédits budgétaires alloués à la lutte contre le cancer seront, en 2003, quatre fois supérieurs à ce qu'ils étaient en 2002, et nous vous en félicitons.
Depuis maintenant de nombreuses années, je milite avec la Ligue contre le cancer, en Guyane, pour la mise en place d'une unité de soins se consacrant au traitement des cancers.
De nombreuses réunions se sont déjà tenues en Guyane en vue d'analyser les besoins spécifiques de chaque région et les conditions juridiques qui nous permettront de développer au plus vite un réseau de santé.
Le création d'un pôle diagnostique et thérapeutique a été envisagée par la Ligue contre le cancer de Guyane. La réserve foncière est disponible et les lits de médecine et de soins de suite existent.
Toutefois, la mise en place dans des conditions optimales d'un réseau de santé suppose une bonne gestion de la prévention et du dépistage.
A cet égard, nous avons besoin de votre accord, monsieur le ministre, pour l'installation d'un appareil permettant de réaliser des IRM, d'un mammographe numérisé et d'un scanner à l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni. Sans cet équipement minimal, l'action d'un réseau de prise en charge de la pathologie cancéreuse se bornerait au suivi des patients à leur retour de France hexagonale, sans que des solutions réelles puissent être apportées en ce qui concerne les malades demeurés en Guyane.
Monsieur le ministre, vous n'ignorez pas la catastrophe sanitaire que connaît la Guyane. Cette situation résulte notamment du nombre important d'étrangers en situation irrégulière qui se font hospitaliser.
Ainsi, le département de la Guyane doit, depuis de nombreuses années, supporter des frais disproportionnés par rapport à la dotation qu'il reçoit.
J'ai d'ailleurs, à plusieurs reprises, attiré l'attention de vos prédécesseurs sur la nécessité de verser au conseil général de Guyane la somme qui devrait lui revenir.
A ce propos, le règlement des sommes dues à certains départements était prévu par le collectif budgétaire de 2002. Je souhaiterais que soit abondée la somme de 3,51 millions d'euros revenant à la Guyane afin que diminue le montant de la dette de l'Etat envers mon département au titre de la couverture maladie universelle.
Par ailleurs, les établissements hospitaliers des départements d'outre-mer connaissent des surcoûts de fonctionnement importants, qui sont liés à leur éloignement de la métropole et à des conditions économiques et sociales très différentes de celles que connaît la France hexagonale. Selon une étude qui est actuellement en voie d'achèvement, ce surcoût serait de près de 25 % par rapport à la métropole.
Au cours des années précédentes, les dotations hospitalières des départements d'outre-mer ont connu, en moyenne, des taux d'augmentation supérieurs de 2 % à ceux de la France hexagonale. Pour la Guyane, le différentiel était de 1,45 % en 1999 et de 1,4 % en 2002. Les dotations des hôpitaux des départements d'outre-mer devant connaître, en 2003, une augmentation de plus de 3 % en général et de plus de 6 % pour la Guyane, il faudra, à ce rythme, de huit à dix ans pour combler le décalage.
Quant à la situation de la trésorerie de l'hôpital de Cayenne, bien qu'ayant fait l'objet de mesures exceptionnelles de la part du ministère, elle demeure précaire et délicate.
S'agissant des effectifs, les nombreuses missions menées par une conseillère technique du ministère à la demande de l'agence régionale de l'hospitalisation confirment les besoins pour assurer le fonctionnement courant des établissements hospitaliers.
En dehors du cas de l'hôpital de Cayenne, pour lequel 150 postes sont pris en charge grâce à la dotation de l'agence régionale de l'hospitalisation, les crédits devant permettre de gager les effectifs des hôpitaux de Kourou et de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont pas prévus. Il en va de même pour les crédits destinés à financer le développement des activités nouvelles.
La faiblesse de la densité médicale dans l'ensemble du département et le grand nombre de postes vacants dans les hôpitaux, notamment dans celui de Cayenne, imposent qu'une orientation particulière soit arrêtée.
Monsieur le ministre, telle est la réalité des besoins. Je suis convaincu que le médecin, le ministre, l'homme surtout, a entendu notre message. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, comme vous venez de le souligner, la situation sanitaire de la Guyane demeure préoccupante. C'est un fait. A cet égard, il existe trois grandes causes de surmortalité par rapport à la métropole : les affections cardiovasculaires, les traumatismes et les pathologies infectieuses.
Il convient néanmoins de relever un élément plus favorable : cette situation sanitaire présente des évolutions rassurantes, qui sont, pour partie, le reflet des actions engagées en matière de rattrapage des moyens par rapport à la métropole.
C'est ainsi que l'espérance de vie à la naissance a progressé depuis 1995 de six ans pour les femmes et de cinq ans pour les hommes.
Cependant, afin de répondre aux véritables enjeux sanitaires, l'action entreprise doit être prolongée etrenforcée.
Dans le domaine de la périnatalité, en particulier, le déploiement du dispositif « télé-santé » permettra de relier les centres de santé isolés et les hôpitaux, de manière à mettre à disposition le savoir médical là où il est nécessaire.
La demande de financement présentée à ce titre, à hauteur de 305 000 euros, sera défendue par mon département ministériel, au début du mois de décembre, devant le comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire.
En matière de cancérologie, je suis favorable à la mise en oeuvre du projet élaboré par la Ligue contre le cancer. J'ai donc demandé à l'agence régionale de l'hospitalisation d'entamer le travail de concertation dans les plus brefs délais, non seulement avec les partenaires locaux, mais aussi avec les centres hospitaliers des Antilles.
En ce qui concerne la couverture maladie universelle, Mme Girardin, le ministre de l'outre-mer, m'a parlé des difficultés que vous avez évoquées, monsieur le sénateur. Des solutions sont à l'étude, et nous devons aboutir.
Enfin, monsieur le sénateur, concernant le rattrapage budgétaire que vous appelez de vos voeux, je souhaite que cette évolution se poursuive, et même s'accentue, dans le cadre d'une contractualisation pluriannuelle avec l'ARH à partir de projets concrets et adaptés. Dans cette optique, le taux de progression final de la dotation régionale de la Guyane pourrait refléter cet effort et présenter un différentiel d'à peu près 6 % avec le taux métropolitain. Il s'agit là d'un effort considérable, qui devra, j'en ai conscience, être poursuivi dans l'avenir. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le ministre, vous avez parlé tout à l'heure de rupture : c'en est une ! En effet, j'avais interpellé à plusieurs reprises vos prédécesseurs sur la situation sanitaire en Guyane, mais ils n'avaient pas été en mesure de m'apporter la réponse que vous me faites aujourd'hui. Noël approche ; peut-être nos concitoyens d'outre-mer recevront-ils une hotte bien garnie ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Je souhaite interroger M. Jean-François Mattei sur la situation difficile de nos hôpitaux au regard de leurs équipements et de leur patrimoine.
En effet, la vétusté et le sous-équipement de nos établissements représentent l'un des principaux points noirs de notre système hospitalier.
On peut sans difficulté identifier les deux principales origines de cette situation.
Celle-ci tient tout d'abord à l'insuffisance des crédits consacrés à l'investissement hospitalier depuis plus de vingt ans. Ce manque de ressources découle en premier lieu du désengagement de l'Etat qui, par le tarissement progressif des subventions à l'investissement inscrites au projet de loi de finances, détient une part importante de responsabilité dans la situation présente.
L'insuffisance de financements alloués aux dépenses d'investissement tient également à la diminution constante, depuis de nombreuses années, des capacités d'autofinancement de nos établissements hospitaliers. En effet, les tensions budgétaires croissantes qui affectent les hôpitaux ont progressivement contraint leurs directeurs à comprimer les budgets, et par conséquent à effectuer des arbitrages défavorables aux dépenses de groupe 4 destinées à l'investissement.
La situation tient également aux lourdeurs administratives et bureaucratiques qui s'imposent aux hôpitaux lorsqu'ils se lancent dans des procédures d'achat.
Monsieur le ministre, l'hôpital n'est pas une administration comme les autres, vous le savez. Il s'agit d'une structure « autonome » chargée d'un service public particulier. Elle a besoin, pour accomplir sa mission, de souplesse de gestion et de réactivité dans la prise de décision. Or le code des marchés publics et le poids sans cesse croissant de la réglementation régissant ce secteur entraînent des lourdeurs de procédure qui font obstacle à la mise en oeuvre d'une politique dynamique de gestion des investissements.
Cette insuffisance persistante du financement et cette course d'obstacles administrative permanente ont conduit nos établissements à la situation que nous connaissons aujourd'hui, et qui se traduit par une vétusté insupportable de certains hôpitaux et par un sous-équipement notoire, pour de nombreuses régions, en matière d'équipements lourds.
Il est en effet particulièrement choquant de constater que certains de nos voisins européens, qui consacrent une part inférieure de leur richesse nationale aux dépenses de santé, jouissent d'un taux d'équipement bien supérieur.
Monsieur le ministre, cette situation ne peut évidemment plus durer. Il en va de la sécurité des usagers, de la gestion efficace des crédits et, tout simplement, de l'intérêt général. Par conséquent, quelles mesures comptez-vous prendre pour redresser la barre ? Quelle politique comptez-vous mettre en oeuvre pour que l'hôpital français reste une source de fierté nationale ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, la vétusté et le sous-équipement de nos établissements sont en effet préoccupants. La vétusté a ainsi atteint un taux record de 68,6 %, ce qui révèle l'état actuel de la majorité de nos hôpitaux.
Votre question m'amène à revenir sur un certain nombre de mesures que j'ai annoncées dans le cadre du plan « Hôpital 2007 ». Je vous remercie de l'occasion qui m'est ainsi donnée de souligner l'effort exceptionnel d'aide à l'investissement consenti.
En effet, 6 milliards d'euros supplémentaires seront dégagés en cinq ans afin d'améliorer la situation. C'est considérable ! Pour 2003, 300 millions d'euros d'apports sous forme de subventions sont prévus, pour un montant total de crédits supplémentaires de 1 milliard d'euros au minimum. J'ajoute que, les années précédentes, le budget était de l'ordre de 2,7 milliards d'euros : 1,6 milliard d'euros pour l'entretien, 1,1 milliard d'euros pour les nouvelles réalisations. L'ajout d'un milliard d'euros destinés à des investissements exceptionnels va permettre de doubler l'ampleur des réalisations.
Naturellement, cet effort financier sera d'autant plus efficace que nous aurons recours à des procédures innovantes, à la déconcentration des crédits, à l'instauration d'une mission nationale d'appui à l'investissement : vous avez eu raison, monsieur le sénateur, d'insister sur les lourdeurs administratives liées à la commande publique. A cet égard, notre intention est de permettre le recours aux marchés globaux, aux baux emphytéotiques, de manière à alléger considérablement les procédures d'achat.
Mieux encore, s'agissant des achats courants - médicaments, hôtellerie, fournitures, etc. -, nous avons d'ores et déjà engagé une réflexion pour aboutir à des procédures plus simples, plus rapides et respectueuses des principes de transparence et d'équité auxquels nous sommes attachés.
Vous avez évoqué ensuite le problème spécifique des équipements lourds, s'agissant en particulier de l'imagerie. Outre le coût des investissements, deux obstacles importants existent : l'encadrement par la carte sanitaire et les indices d'équipement et la répartition des radiologues, sur le territoire, entre le secteur public et le secteur privé. Dans le cadre du plan « Hôpital 2007 », j'ai souhaité franchir des étapes décisives pour surmonter ces deux obstacles. Ainsi, la carte sanitaire et les indices d'équipement seront supprimés, au profit d'une pleine utilisation des schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale, les SROSS. C'est une évolution considérable en vue de la libération des régions de ces carcans artificiels !
En revanche, la démographie des radiologues représente une contrainte plus délicate, car nous n'avons pas de prise immédiate sur elle.
Néanmoins, je souligne que les trois quarts des radiologues exercent aujourd'hui à titre libéral, dans des cabinets de ville ou dans des cliniques privées. Il serait bon que, par l'incitation à une forte coopération entre secteur public et secteur privé, on puisse répartir le temps médical pour l'utilisation d'équipements lourds. Cela relèvera de la mission des nouveaux groupements sanitaires, qui seront plus souples, plus simples, plus polyvalents. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Je souhaite féliciter et encourager M. le ministre, dont le propos m'est allé droit au coeur ! En effet, il nous a annoncé des crédits d'investissement supplémentaires, qui sont tout à fait nécessaires, et surtout un allégement des procédures, lesquelles sont, il faut bien le reconnaître, particulièrement archaïques.
Je tiens donc à vous remercier de votre réponse, monsieur le ministre. J'attends avec impatience que la situation évolue !
M. le président. La parole est M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Mobiliser toute la société pour lutter contre l'exclusion, tel était le mot d'ordre de la journée nationale organisée récemment, avec le concours de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale, par les quarante fédérations et associations nationales regroupées dans le réseau ALERTE.
Derrière l'effet choc du mot d'ordre, se pose immédiatement la question de la méthode. Elle est essentielle, en effet, car l'objectif ne suffit pas et n'est pas en soi mobilisateur. Il exige effectivement des efforts de tous et ne fait pas automatiquement l'unanimité dans tous les pays, alors que la misère est, hélas ! universelle. Depuis l'Antiquité, le thème na jamais été véritablement mobilisateur, hormis dans des cercles associatifs et militants d'une fraternité librement, volontairement reconnue.
Il faut en rester conscient si l'on veut éviter de graves désenchantements ultérieurs. Un double déboire guetterait en effet les démarches qui n'équilibreraient pas rigueur et générosité : le premier déboire serait, hélas ! l'inefficacité, le second serait pire, puisqu'il pourrait engendrer une hostilité qui se retournerait contre ceux qu'il faut au contraire aider à rejoindre la communauté à part entière.
La seule méthode à la fois efficace et sûre consiste à convaincre, à faire partager la conviction qu'il n'y a pas de civilisation possible à partir de l'exclusion, mais uniquement à partir de la convergence des volontés et de la conscience partagée que tous souffrent quand un seul est blessé.
A ce titre, l'expression et la volonté des pouvoirs publics sont essentielles. Celle du Président de la République et du Premier ministre, en vous confiant, madame la secrétaire d'Etat, le département de la lutte contre la précarité et l'exclusion auprès du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, est fortement symbolique. Cette mission présente à l'évidence une dimension transversale au sein de la société, et pour commencer au sein du Gouvernement.
C'est pourquoi la démarche budgétaire, avec sa procédure législative analytique par ministère, telle que nous la vivons, est loin de rendre compte de la totalité d'un engagement gouvernemental interministériel. Je souhaiterais donc vous interroger, madame la secrétaire d'Etat, pour connaître, à ce sujet, vos intentions, car, depuis le vote de la loi de juillet 1998, je n'ai pas observé, loin de là, un niveau homogène d'implication des différents ministres concernés dans ce combat contre la précarité et l'exclusion. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat, que je suis heureux de saluer.
Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, la lutte contre l'exclusion est un combat qui doit être mené par tous dans notre société, et qui est une priorité pour le Gouvernement.
Le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a souhaité que je présente un programme de renforcement de la lutte contre l'exclusion. Comme vous le savez, la loi de 1998, qui est une bonne loi posant de nombreux principes, a pour seul défaut de ne pas être rendue effective sur le terrain.
Ce programme de renforcement, que je présenterai avec François Fillon avant la fin de l'année, concerne de nombreux ministères, car la lutte contre l'exclusion est effectivement une action transversale et ne relève pas de la responsabilité d'un seul ministère ou secrétariat d'Etat. Ce programme concerne, bien sûr, le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité et le secrétariat d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion, mais également le ministère de la justice et le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, ainsi que le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. En fait, c'est l'ensemble de la politique gouvernementale qui permettra de faire reculer l'exclusion, sachant que cette dernière provoque la rupture des liens, la rencontre de la précarité et de nombreuses difficultés, la société ayant beaucoup changé.
Ce programme de renforcement de la lutte contre l'exclusion comprendra des actions proposées par les différents ministères, afin de limiter les dégâts de l'exclusion. Mais nous irons plus loin dans cette politique d'actions cohérentes du Gouvernement : avec François Fillon, nous proposerons au Premier ministre, dès le début de l'année prochaine, une réunion du comité interministériel de lutte contre l'exclusion, qui a été créé par la loi de lutte contre les exclusions mais qui n'a encore jamais été réuni. Il s'agira donc d'une première, qui est très attendue par les associations. Ainsi, tout le monde se mettra en marche, comme il se doit, pour mener ce combat.
Les crédits inscrits au chapitre 46-81, relatif à la lutte contre l'exclusion, qui augmentent de plus de 7 % et dépassent, pour la première fois, un milliard d'euros, ne reflètent pas, bien sûr, l'ensemble des crédits consacrés à la lutte contre l'exclusion. Ceux-ci sont beaucoup plus importants, car nombre de crédits sont saupoudrés dans les budgets des différents ministères. La mise en oeuvre de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, du 1er août 2001 permettra, puisque nous raisonnerons alors par missions, de percevoir la réalité des fonds consacrés à la lutte contre l'exclusion, qui sont bien supérieurs à un milliard d'euros. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Je voudrais remercier Mme la secrétaire d'Etat de cette réponse qui comporte de nombreuses perspectives encourageantes, ce que je souhaitais, bien sûr.
J'associe à ces remerciements M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je les félicite de l'exemplarité de leur partenariat actif et de la synergie de leurs efforts respectifs. Ils savent s'organiser de manière efficace. C'est un gage de succès dans ce combat essentiel pour l'ensemble du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question s'adressait à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, qui, nous le regrettons, ne peut être présente aujourd'hui ; mais nous l'en excusons.
Le secrétariat d'Etat aux personnes handicapées représente une lourde charge et un redoutable honneur, quels que soient la personne qui y exerce ces responsabilités et le gouvernement. Au moins, ce dossier ne doit-il pas prêter à polémique, et je crois pouvoir dire que chaque ministre a toujours la volonté de développer la meilleure politique possible en faveur des personnes handicapées.
Dans le projet de loi de finances pour 2003, les moyens du secrétariat d'Etat augmentent de 5,6 %, ce qui permettra d'accroître le nombre de places en établissements et le nombre d'auxiliaires de vie. C'est un point positif, en particulier si la formation des auxiliaires de vie continue à être améliorée et complétée, comme Mme Boisseau l'a indiqué à l'Assemblée nationale. Cette dernière a également indiqué, lors du débat, « être intimement persuadée que toutes les personnes accueillies en CAT n'y ont pas forcément leur place et que certaines pourraient fort bien travailler en atelier protégé, voire en milieu ordinaire avec un accompagnement humain ».
Nous aussi, nous en sommes convaincus. Il convient de noter que le nombre de places en centre d'aide par le travail et le nombre de places en atelier protégé croissent de manière continue, d'au moins 500 places par an, pour atteindre bientôt respectivement 95 450 places et 16 600 places, alors que le nombre de places en milieu ordinaire stagne depuis longtemps à 12 800.
Bien sûr, la responsabilité de ce regrettable état de fait n'incombe pas aux seuls pouvoirs publics, qui font de réels efforts, en premier lieu dans la fonction publique, pour intégrer les travailleurs handicapés. Il y a une sorte d'inertie du système, une facilité, un consensus général pour créer des places en milieu protégé.
Il convient pour le moins de faire un gros travail de persuasion auprès des employeurs afin de les convaincre d'embaucher, au lieu de signer un chèque à l'AGEFIPH, l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés. Même avec une trésorerie importante, l'AGEFIPH ne devrait pas avoir à financer la garantie de ressources en milieu ordinaire. En effet, cela symbolise trop la résignation de notre société à maintenir les personnes handicapées dans une sorte de ghetto.
Les employeurs qui ont embauché de telles personnes témoignent pourtant le plus souvent de leur satisfaction, de l'engagement de la personne dans son travail et de l'aspect positif que cela peut entraîner s'agissant des relations humaines au sein de l'entreprise. Ne peut-on envisager, avec l'AGEFIPH, les organismes consulaires et les branches professionnelles, une action d'incitation forte dans les années à venir ? Je vous soumets cette suggestion parce que nous croyons très fortement que la situation ne peut rester en l'état.
Il est vrai que le regard de la société sur les personnes handicapées a changé, mais cela ne se traduit pas toujours de manière concrète lorsqu'il s'agit de passer à l'insertion dans un milieu où l'efficacité et la rapidité sont importantes.
Tel n'est pas tout à fait le cas de l'école. Je ne vous cacherai pas, à cet égard, notre sincère inquiétude sur la poursuite du plan Handiscol. Ce plan a permis la scolarisation de 6 000 enfants et a donné satisfaction, notamment aux associations et aux parents. Or, hier, votre collègue M. Luc Ferry nous a indiqué qu'il y aurait exactement 1 101 auxiliaires à la scolarisation dans les écoles. C'est trop peu, a-t-il dit, et il a raison. Mais la généralisation du plan Handiscol demande à la fois beaucoup de volonté et des crédits. Ma question est simple : par qui allez-vous remplacer les emplois-jeunes qui, souvent, remplissent un rôle d'auxiliaire de vie, et qui vont bientôt prendre fin ?
Même si certains solliciteront une validation de leurs acquis, ce nombre ne sera pas suffisant, et il faudra toujours gérer le basculement. Comment comptez-vous augmenter le nombre de ces auxiliaires ?
Je souhaite évoquer brièvement un autre point : l'accessibilité des lieux publics aux personnes handicapées. Certes, des efforts sont faits et, chaque fois que des travaux sont entrepris, on tient compte - enfin ! cela n'a pas toujours été le cas - de l'exigence légale d'accessibilité. Néanmoins, les choses avancent lentement. Dispose-t-on d'un recensement des lieux non encore accessibles etpeut-on envisager, sur ce point, un rappel aux responsables ?
Enfin, je terminerai par une question sur les COTOREP, les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel. La dernière réforme nous laisse au milieu du gué. Pouvez-vous nous préciser vos intentions et nous dire si vous avez déjà pu engager des consultations auprès des partenaires concernés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie d'avoir compris que, pour des raisons personnelles, Marie-Thérèse Boisseau ne pouvait être présente. C'est avec beaucoup de plaisir que je vais vous répondre.
Vous avez posé de nombreuses questions. Je ne suis pas sûr de pouvoir entrer dans le détail de chacune. En effet, Mme Boisseau et moi-même préparons la révision de la loi-cadre de 1975 et donc, sur de nombreux points que vous avez abordés, aucune solution n'a encore été arrêtée.
Vous avez évoqué l'école. Je vous rassure : le plan Handiscol est poursuivi. En particulier, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit de tripler le nombre des auxiliaires d'intégration scolaire d'ici au mois de septembre 2003, pour atteindre plus de 5 000 postes.
Vous avez évoqué également le problème des emplois-jeunes. Je n'entrerai pas dans le détail, M. François Fillon le ferait beaucoup mieux que moi. Je veux vous dire quelle est notre philosophie et vous expliquer ce qui a pu donner lieu à une interprétation hâtive. Nous n'avons pas supprimé les emplois-jeunes pour les rejeter du monde du travail. Nous avons simplement voulu marquer que nous souhaitions les sortir d'une situation « occupationnelle » pour leur offrir une véritable formation et pour leur permettre de s'engager dans un projet de vie. Il est donc vrai que, dans ce domaine, des emplois leur seront réservés, pour autant qu'ils suivent le parcours.
Vous avez abordé le problème de l'insertion en milieu ordinaire, qui est, bien sûr, aussi une de nos priorités. L'insertion professionnelle est la condition d'une intégration dans la société. On peut toutefois imaginer que le travail en milieu ordinaire ne suffise pas, et qu'il soit nécessaire de trouver une autre solution pour l'insertion professionnelle des persones handicapées. Ne pas le reconnaître, ce serait nier la réalité. Pour autant, il est essentiel de maintenir le travail protégé, certes sous des formes plus souples. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, dans le présent budget, la création de 3 000 places de CAT.
Bien entendu, et vous avez longuement évoqué ce point, le partenariat développé avec l'AGEFIPH se poursuivra, mais il faut peut-être revoir ses modalités, et nous n'y sommes pas opposés. Dans le cadre des simplifications administratives, nous proposerons des mesures permettant aux entreprises de recruter plus facilement un travailleur handicapé. Je suis particulièrement attaché à ce que chacun, au regard des personnes handicapées, assume ses responsabilités.
Vous avez évoqué l'accessibilité. C'est, bien sûr, une autre priorité du chantier « handicap ». Je ne suis pas en mesure de vous donner aujourd'hui les solutions que nous retiendrons. En effet, Mme Boisseau a précisément confié à Mme Geneviève Levy, député du Var, une mission sur les problèmes d'accessibilité. Nous explorons actuellement les moyens qui permettront de résoudre ces problèmes. Mme Boisseau a pris des contacts avec le ministère de la culture et de la communication ; nous avons déjà des projets en commun. J'ajouterai que la nomination d'un délégué interministériel aux personnes handicapées, M. Patrick Gohet, dont chacun connaît l'expérience, sera extrêmement précieuse.
Je terminerai en évoquant les dysfonctionnements des COTOREP, dont vous avez également parlé. Une mission spécifique a été créée en avril 1999 pour proposer des mesures d'amélioration. Nous voulons aller au terme de la démarche, en agissant sur trois axes : améliorer le fonctionnement quotidien des COTOREP en veillant à ce qu'une plus grande attention soit portée aux familles, proposer les conditions d'une évaluation individualisée des potentialités de la personne handicapée et renforcer les systèmes d'information.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Je remercie M. le ministre de ses réponses. S'agissant des emplois-jeunes, nous n'avons pas la même conception.
Mme Nelly Olin. C'est vrai !
Mme Gisèle Printz. Concernant l'embauche des personnes handicapées dans les entreprises, les sanctions - si tant est que l'on puisse les qualifier de sanctions - ne sont pas assez dissuasives. Il faudrait qu'elles soient plus pertinentes. M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le cadre institutionnel nouveau créé par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, l'article 22 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 prévoit le transfert vers l'assurance maladie des dépenses des centres spécialisés de soins aux toxicomanes, les CSST. Ce transfert apparaît tout à fait opportun et cohérent. Les centres de soins en espèrent une stabilité plus grande de leurs ressources, puisque leur financement devrait, à l'avenir, être assuré par une dotation globale de fonctionnement.
Toutefois, quelques incertitudes demeurent quant à la mise en place définitive du dispositif, dans la mesure où, comme pour la lutte contre l'alcoolisme, l'Etat restera le financeur de principe des dépenses de prévention. Cela signifie, pour le budget de ces centres, qu'une distinction sera faite entre les dépenses de soins, qui relèveront de l'assurance maladie, et les dépenses de prévention, qui continueront à dépendre des crédits du ministère de la santé.
Monsieur le ministre, les centres s'inquiètent de savoir comment se fera la ventilation entre ces deux sources de financement. Ils s'inquiètent également de savoir sur quelles bases s'effectuera le transfert vers l'assurance maladie. Y aura-t-il une reprise euro pour euro des versements effectués en 2002 par la direction générale de la santé, ou prendra-t-on en compte la reprise du coût réel de ces structures ?
Cette question est particulièrement importante cette année alors que les associations gestionnaires des centres ont dû appliquer certains avenants aux conventions collectives, ce qui s'est traduit par des coûts supplémentaires, non pris en charge dans les budgets initiaux.
Pour le département du Nord, la dizaine de centres agréés évaluent ainsi à 600 000 euros le déficit entre leur budget initial pour l'année 2002 et le coût effectif des structures, ce qui est loin d'être négligeable. Dans une région qui, malheureusement, est plus la touchée en France par la toxicomanie, on constate, pour l'année 2000, une reprise de l'augmentation du nombre de toxicomanes accueillis par les structures sanitaires et sociales : 3 677 personnes ont été prises en charge, soit 6,8 % de plus qu'en 1999.
Alors que les chiffres rendus publics par la direction régionale des affaires sanitaires et sociales, la DRASS, du Nord - Pas-de-Calais pour les années 1997 à 1999 avaient montré un certain ralentissement, la dernière enquête publiée en juin 2002 semble indiquer que la tendance s'est inversée.
Face à ce constat, vous comprendrez que les incertitudes sur le bouclage définitif des budgets des centres spécialisés prennent, pour notre région, une dimension encore plus préoccupante. Pouvez-vous, monsieur le ministre, me donner l'assurance que la transformation du mode de financement des centres de soins prendra bien en compte une évaluation réaliste de leur fonctionnement ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.) M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. Madame la sénatrice, votre question est importante. Le transfert des dépenses des CCST vers l'assurance maladie ne comporte aucune coupe budgétaire : il est neutre de ce point de vue, je tiens à le souligner.
Cela dit, je ne méconnais pas les difficultés qui résultent du fait que les problèmes - il faut le dire, et je l'indique calmement - n'ont pas été traités par le précédent gouvernement.
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Jean-François Mattei, ministre. Je vous en donnerai quelques exemples irréfutables.
Structurellement, certaines décisions prises ces dernières années ont créé des tensions budgétaires fortes. Je citerai pour commencer, bien sûr, l'application des 35 heures, qui n'a pas été anticipée, y compris pour les CCST : la non-prise en compte de la réduction de temps de travail corresponds à un surcoût, à l'échelon national, de 1,132 million d'euros pour 2002.
De plus, les effets de l'avenant 265 à la convention de 1966 régissant les établissements médico-sociaux, avenant qui permet la revalorisation du salaire des cadres des CCST, n'ont été que partiellement pris en considération : l'étude d'impact initiale ne tenait pas compte de la spécificité de ces centres, où la part des cadres est plus élevée que dans d'autres structures du champ médico-social.
Ce n'est pas tout ! L'augmentation de 12,5 % du prix de la méthadone décidée en 2000 a induit des surcoûts supplémentaires : nous devrions obtenir 2,5 millions d'euros dans la loi de finances rectificative pour combler cette lacune, mais cela non plus n'avait pas été anticipé !
Enfin, le taux d'évolution des structures médico-sociales était en 2002 de 1,779 %, mais il n'a été que de 1 % pour les CCST, soit un déficit de près de 0,8 %. Telle est la situation que nous avons trouvée.
J'ai demandé au nouveau président de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie de me faire dès le début de l'année 2003 des propositions sur l'organisation des centres de prise en charge, en termes à la fois de structures et de modalités de financement. Nous pourrons alors, je l'espère, procéder à des ajustements susceptibles de corriger les facteurs qui n'avaient pas été pris en compte.
Madame la sénatrice, je peux dès à présent vous assurer, et c'est un point essentiel, que, dans l'attente de toutes ces mesures, un décret sera pris qui permettra au financement des CCST de ne pas connaître de hiatus. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Je vous remercie, monsieur le ministre, de l'analyse de la situation que vous venez de présenter, sur laquelle nous vous rejoignons. Vous avez parfaitement bien retracé les problèmes qu'ont rencontrés ces centres, problèmes qui ne datent pas d'hier et qui sont peut-être liés, effectivement, à une absence de prévoyance au sujet de l'évolution de l'organisation du personnel au sein de ces structures.
Je me réjouis également de constater que vous faites en sorte que, à l'avenir, l'ensemble des éléments nécessaires à l'organisation d'un centre de soins soient pris en compte, c'est-à-dire non pas seulement l'aspect purement médical, la prise en charge des soins à proprement parler, mais aussi l'accompagnement éducatif de publics en grande difficulté. On peut saluer la vision globale que vous avez de la prise en charge des toxicomanes et vous en remercier.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Madame la secrétaire d'Etat, ma question portera sur les crédits de votre budget consacré à l'hébergement d'urgence.
En effet, l'annonce de mesures en matière d'hébergement d'urgence a été accueillie avec un certain soulagement par les associations, qui y voient effectivement une première réponse à un besoin immédiat et croissant des populations en situation d'exclusion sociale.
Pour autant, peut-on s'en contenter pour résoudre le problème de la précarité sociale ? A l'heure où la misère s'enracine dans nos rues, où les plans sociaux jettent sur le pavé un nombre toujours plus grand de salariés, où la pauvreté gangrène notre population, peut-on se contenter, madame la secrétaire d'Etat, de gérer l'urgence sans s'attacher avec une plus grande détermination au fond du problème ?
Telle est la question que fait naître la lecture du projet de budget du Gouvernement.
Que penser d'un projet de loi de finances qui affiche des crédits de solidarité en hausse de 5,4 %, mais dans lequel, à périmètre constant, les crédits accordés au travail diminuent de 6 % ; qui limite la politique d'insertion dans l'emploi ; qui restreint les moyens consacrés au logement social et réduit le champ de l'intervention sanitaire ? Quelle réponse globale, en effet, apporte-t-il aux besoins de solidarité qui traversent la société française ?
En aucun cas, me semble-t-il, la réponse contenue dans le projet de budget ne peut être de nature à satisfaire en profondeur les attentes de nos concitoyens.
Les acteurs de terrain de la solidarité signalent très justement que toute réponse, pour être efficace en matière de solidarité, doit combiner deux types de mesures : des mesures d'urgences, opportunes, et des mesures de fond, nécessaires.
La vraie réponse à l'exclusion et à la précarité ne peut se résumer à seule augmentation, certes utile, du nombre des lits d'urgence. Elle réside aussi, et surtout, dans la coordination des politiques de l'emploi, du logement social, de la santé et, bien sûr, dans une politique internationale concertée des flux migratoires. Le budget de la solidarité présenté ici n'en dessine pas vraiment l'épure !
Les mesures que vous annoncez, madame la secrétaire d'Etat, sont destinées à « désengorger les sites d'accueil d'urgence ». Mais les 2 718 places supplémentaires que votre programme prévoit sont largement insuffisantes pour faire face aux besoins. Malgré les doutes que vous émettez à leur égard, les associations de terrain estiment les besoins à 15 000 places supplémentaires pour toute la France ! Dans la seule métropole lilloise, ce sont en moyenne, chaque nuit, 80 personnes qui, repérées par l'observatoire social, ne peuvent être hébergées. En dix mois seulement, les associations lilloises ont recensé 271 familles supplémentaires ayant besoin d'un accueil d'urgence, soit près de 1 000 personnes. La situation, dramatique pour ces personnes, est intenable pour les associations.
Pourtant, des solutions existent pour désengorger réellement les centres et contribuer à une réinsertion sociale effective de ces personnes. La création de logements sociaux supplémentaires en HLM ou dans le parc privé en est une ! Il est vrai que les récentes atteintes portées à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains risquent fort de la compromettre.
Quant aux financements proposés, l'effet d'annonce ne peut suffire. L'augmentation de 4,8 millions d'euros de la dotation destinée aux CHRS polyvalents est insuffisante pour couvrir les besoins des 33 000 places déjà existantes : elle ne représente qu'une hausse de 1,18 %, soit une revalorisation inférieure à l'inflation pour 2002.
De la même façon, madame la secrétaire d'Etat, vous affirmez que les crédits à l'intégration et à la lutte contre les exclusions sont en hausse de 2,6 % par rapport à la loi de finances pour 2002. Mais nous constatons avec regret que cette majoration n'est pas à la hauteur des augmentations des deux années précédentes : le taux de croissance de ces crédits était de 3,3 % dans la loi de finances pour 2001 et atteignait 3,4 % dans le budget pour 2002. Dans le même temps, le taux de croissance des dépenses ordinaires et des crédits de paiement des CHRS n'a cessé d'augmenter. Les CHRS vont donc s'enfoncer dans leurs difficultés et, pour reprendre l'expression de ceux qui les animent, faire plus avec moins de moyens !
Enfin, vos propositions concernant les réfugiés et les demandeurs d'asile sont certes un premier élément de réponse, compte tenu de l'urgence du problème, mais elles ne sont pas, à nos yeux, de nature à y remédier, et ce pour plusieurs raisons.
D'abord, le calcul des provisions pour ce chapitre n'intègre pas dans le projet de loi de finances la réalité du coût de gestion unitaire des centres spécialisés pour les réfugiés.
Ensuite, les prévisions du nombre de demandeurs d'asile ne correspondent pas à la réalité du terrain : on recensait en effet 24 000 demandes d'asile en 1988, ils étaient 48 000 en 2001, et ce chiffre devrait doubler d'ici à 2005.
Enfin, une réforme du droit d'asile, pour être pertinente, doit avant tout se faire, me semble-t-il, dans l'intérêt des personnes concernées, des structures d'accueil et des collectivités territoriales. Or, si votre engagement de réduire à deux mois le délai d'obtention de l'autorisation provisoire de séjour représente une avancée, permettre l'accès immédiat aux prestations sociales minimales et rétablir systématiquement l'autorisation de travail sur le territoire demeure une solution plus sûre et plus immédiate.
Un dernier point nous fait douter de ce projet de budget de la solidarité pour 2003, madame la secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement a affirmé à plusieurs reprises vouloir insérer plutôt qu'assister, volonté à laquelle nous ne pouvons que souscrire. Il a même insisté devant les parlementaires sur le fait qu'il s'agissait non « pas de choisir entre le travail et la solidarité », mais de « restaurer simultanément ces deux valeurs ». Nous ne pouvons que vous encourager dans cette voie !
Mais dites-nous alors en quoi ce projet de budget, qui est consacré essentiellement à la gestion de l'urgence, peut y contribuer ! Dites-nous en quoi ce projet de budget, qui réduit comme peau de chagrin les dispositions financières et techniques en faveur de la réinsertion des personnes exclues ou en situation précaire, peut y contribuer !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat. Madame la sénatrice, votre question est plus qu'une question, elle invite à faire l'état des lieux complet d'une situation. Il m'était difficile de le faire en six mois et de pouvoir y réagir immédiatement, après toutes ces années durant lesquelles, alors que j'étais sur le terrain, j'aurais tant voulu que nous puissions débattre de ces sujets.
Lorsque l'on aborde un problème aussi difficile que celui de l'exclusion, il y a d'abord l'urgence ; ensuite seulement viennent les questions de fond et le long cours.
La réponse à l'urgence comporte deux volets.
C'est d'abord un dispositif d'hébergement d'urgence, d'insertion et d'accueil des demandeurs d'asile représentant tout de même 80 000 places. Ce dispositif est donc important, puisqu'il a quasiment doublé depuis les années quatre-vingt-dix. Cela ne l'empêche pas d'être saturé et « embolisé » en permanence. Pourquoi ?
Depuis trois ans, des flux très importants et imprévisibles, je veux bien l'admettre, de demandeurs d'asile se sont présentés dans notre pays, saturant le dispositif qui leur est destiné. De ce fait, les CHRS, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, ont vu dans certains cas le tiers, voire la moitié de leurs capacités d'accueil requises pour les demandeurs d'asile, alors que leur mission est l'insertion. Le dispositif d'hébergement d'urgence, lui aussi, est « embolisé » par les demandeurs d'asile.
Comme vous le savez, durant ces trois années, aucune position politique n'a été prise. Puisqu'il fallait bien répondre, le Gouvernement a proposé deux mesures : d'une part, la réforme du droit d'asile, qui est extrêmement attendue par tous, notamment par les associations, et qui verra la fusion du dispositif d'asile conventionnel et du dispositif d'asile territorial ; d'autre part, la réduction du délai d'instruction des dossiers à deux mois. Car, mesdames, messieurs les sénateurs, si le dispositif est saturé, c'est que, en l'absence de mesures spécifiques relatives à l'instruction de leurs dossiers, les demandeurs d'asile, au lieu d'attendre deux mois, attendent deux ans !
Comment sortir de cette situation ? Il faut d'abord très rapidement réformer le droit d'asile. C'est pourquoi les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, l'OFPRA, bien que cela n'apparaisse pas à l'examen de la ligne budgétaire correspondante - mais la lutte contre l'exclusion concerne tous les ministères -, ont été renforcés pour accélérer l'instruction des dossiers, pour créer des plates-formes permanentes à Lyon, à Marseille, pour pouvoir instruire en priorité les demandes d'asile du Nord, puisque cette région est extrêmement embolisée. Il s'agit donc là d'une réponse de fond.
Quant à l'action en urgence, nous mobilisons 3 000 places pour faire face à la situation de personnes qui ont besoin d'être hébergées et d'être traitées dignement durant la période où elles sont en France et où l'on instruit leur dossier.
Nous créerons également des centres d'accueil pour demandeurs d'asile, à raison de 1 718 places, dont le financement est inscrit au budget pour 2003, ainsi que 1 500 places pour l'accueil d'urgence des demandeurs d'asile. Enfin, comme l'a annoncé François Fillon, nous aurons créé 17 000 places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile, les CADA, d'ici à 2005, ce qui correspond à la demande des associations.
Nous lançons également un audit du dispositif d'urgence et d'insertion, car aucune de ses mailles ne correspond à sa vocation initiale : nous avons besoin, d'une vision claire de la situation.
Nous allons donc institutionnaliser le dispositif d'urgence, qui, pour l'instant, est précaire et inscrit, vous le savez, sur des lignes budgétaires précaires.
Nous ferons aussi le point sur les CHRS. On me dit qu'il manque 15 000 places de cette catégorie. Mais le dispositif, je le disais à l'instant, est totalement embolisé du fait que ces centres n'accueillent absolument pas la population à laquelle ils étaient destinés ! J'avoue en outre qu'il est un peu difficile de créer rapidement 15 000 places de CHRS !
On a reproché son insuffisance au budget de ces mêmes CHRS. Excusez-moi de devoir vous rappeler que, s'ils ont été fortement pénalisés, c'est par l'application des 35 heures, sans financement ni anticipation ! Depuis, effectivement, ils ont beaucoup de mal à joindre les deux bouts.
Nous pourrions débattre de ces questions durant des jours et des nuits. L'essentiel demeure : il faut, premièrement, répondre à l'urgence ; deuxièmement, faire le point ; troisièmement, mettre en place une politique cohérente, celle du programme national de lutte contre l'exclusion que je présenterai avec François Fillon avant la fin de l'année. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Je reste néanmoins inquiète, car il est nécessaire de disposer immédiatement d'un nombre de places beaucoup plus important, que ce soit dans les CADA ou dans les centres d'hébergement d'urgence.
Mon inquiétude est renforcée par plusieurs décisions qu'a prises le Gouvernement ces derniers mois et qui inscrivent notre pays dans une logique dont nous connaissons les effets dévastateurs sur les populations laborieuses (Exclamations sur les travées du RPR), encore très nombreuses, ainsi que sur les personnes les plus modestes et les plus fragiles.
Ecoutant le Gouvernement, nous constatons qu'il entend mobiliser des moyens proportionnés pour répondre à ces effets dévastateurs. Précisément, c'est la disproportion entre l'arsenal répressif mis en place et la fragilisation de nos dispositifs de soutien et d'accompagnement social qui est inquiétante.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le ministre, le budget de la santé pour 2003 s'inscrit dans une perspective de clarification des relations entre l'Etat et les régimes d'assurance maladie de la sécurité sociale, et je vous en félicite.
Cet effort, qui était réclamé en vain depuis plusieurs années, prépare également la loi quinquennale de programmation sur la santé publique, qui définira les objectifs prioritaires de santé publique pour les cinq années à venir. Le Parlement sera donc amené, au printemps 2003, à examiner une politique de santé qui, parce qu'elle sera globale et s'inscrira dans la durée, pourra être cohérente et efficace. Ce sont des points extrêmement positifs, et je tenais à les souligner.
Parallèlement, monsieur le ministre, vous avez présenté le mercredi 20 novembre le plan « Hôpital 2007 », qui a pour objet d'alléger les contraintes extérieures qui pèsent sur les établissements et d'assurer la modernisation de la gestion interne des hôpitaux publics. Le volet concernant la modernisation des établissements grâce à une relance sans précédent de l'investissement est certainement l'un des éléments significatifs du changement de politique de santé qu'engage le Gouvernement.
Depuis maintenant plus de quinze ans, de nombreux investissements dans les hôpitaux ont été repoussés d'année en année par souci d'économie et par ignorance de l'impérieuse nécessité de gérer le patrimoine hospitalier de façon prévisionnelle. Les nouvelles exigences en matière de normes de sécurité - sécurité sanitaire, lutte contre les maladies nosocomiales -, mais également la priorité donnée aux nouveaux équipements médicaux - scanner, IRM -, absolument indispensables pour que les établissements puissent prodiguer les meilleurs soins, ont aggravé la situation.
Nous sommes donc confrontés à une dégradation très importante du patrimoine hospitalier, au point que cet état de fait est susceptible d'avoir des retentissements sur la qualité des soins délivrés.
La nouvelle politique, qui correspond aux engagements pris par le Président de la République, permettra ainsi de réaliser dans les cinq années qui viennent des investissements qui n'auraient pu être réalisés dans d'autres circonstances.
Les sommes engagées sont très importantes, puisque l'effort financier supplémentaire par rapport aux capacités d'investissement actuelles, qui sont de 2,7 milliards d'euros par an, représentera 1,2 milliard d'euros par an, soit 6 milliards d'euros sur cinq ans.
Quelques questions demeurent cependant en suspens sur les modalités de répartition de ces investissements entre les différents établissements, et je souhaiterais que vous puissiez apporter des éclaircissements à ce sujet.
Vous connaissez l'importance du secteur hospitalier privé en province. Il prend en charge, dans mon département, plus des deux tiers de l'activité chirurgicale.
J'ai constaté dans votre présentation de votre budget qu'en théorie tous les établissements pourraient être concernés, qu'ils soient publics ou privés.
Je souhaiterais donc que vous puissiez me préciser quels seront les principes de répartition des crédits sur l'ensemble du territoire et de quelle façon vous pourrez vous assurer que ce sont les établissements les moins dotés depuis des années et qui ont les plus grands besoins qui seront aidés en priorité.
Par ailleurs, il me paraît essentiel que les établissements privés soient équitablement dotés en fonction de leurs besoins. Quels seront donc les critères de répartition des fonds entre le secteur public et le secteur privé ?
Comment éviterez-vous, au moment où le paysage hospitalier est progressivement recomposé, que soient rénovées des structures qui n'ont pas vocation a être maintenues ou doivent évoluer différemment ?
Vous avez également évoqué la mission nationale d'appui à l'investissement, qui devra apporter un appui technique et méthodologique aux établissements de santé. Quelles seront les modalités de saisine et de fonctionnement de cette mission sachant que la quarantaine de professionnels et d'experts qui la composeront ne pourront évidemment pas accompagner tous les établissements demandeurs dans les mêmes délais ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, votre question est importante, parce qu'elle me permet, en quelques mots, de définir le cadre de la politique de santé que je souhaite développer dans les années à venir.
Premièrement, s'agissant des professionnels de santé libéraux, la réforme est en route ! Bien entendu, nous attendons le résultat de la convention entre les caisses et les médecins.
Deuxièmement, vous allez être saisi d'un texte sur la nouvelle gouvernance de la sécurité sociale et sur la nouvelle forme d'organisation par paritarisme.
Troisièmement, vous sera soumis le plan « Hôpital 2007 ».
Enfin, quatrièmement, viendra devant vous la loi de programmation de santé publique.
Voilà quatre textes fondateurs qui vont nous permettre de redessiner complètement la politique de santé de notre pays.
Le plan « Hôpital 2007 » comprend trois volets : tout d'abord, un volet investissements, bien sûr, pour l'immobilier, pour les équipements lourds et pour les systèmes d'information ; ensuite, un volet de financement et gestion, qui concerne outre le financement, la tarification, l'activité et les contractualisations internes : il s'agit là d'une profonde mutation ; enfin, un volet relatif aux embauches de personnels, du fait notamment de la difficile gestion de la réduction du temps de travail, non pas que l'on ne veuille pas embaucher puisque nous avons reconduit les postes créés précédemment, mais parce que l'on ne trouve pas nécessairement les personnes compétentes pour occuper les postes.
Vous m'interrogez plus spécifiquement sur le volet investissement. Ce volet est d'autant plus important que la vétusté atteint un niveau record. Deux tiers des équipements et des constructions sont aujourd'hui dépassés. Les normes de sécurité imposent des restructurations auxquelles les établissements ne peuvent plus faire face. Enfin, les conditions d'hébergement ne sont plus à la hauteur de ce que nos concitoyens sont en droit d'attendre.
Face à cette situation, un effort financier exceptionnel de 6 milliards d'euros sur cinq ans a été décidé, ce qui représente un doublement de l'investissement de modernisation de l'hôpital.
Pour 2003, comme je l'ai dit, 300 millions d'euros sont dégagés sous forme de subvention et 700 millions d'euros pour la réalisation, ce qui fait un milliard d'euros.
Naturellement, vous êtres soucieux de savoir comment cet argent va être distribué. Je vous rassure - si tant est que vous ayez été inquiet - les crédits seront déconcentrés auprès des agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, qui sélectionneront les projets au regard de leur compatibilité avec le schéma régional de l'organisation sanitaire et sociale et non en fonction du statut juridique de l'établissment.
Je rappelle que le SROSS est un document de référence pour l'adaptation de l'offre de soins aux besoins, mais c'est de l'adaptation aux besoins de la population qu'il s'agit et non de l'adaptation aux besoins des établissements ! Il est facile de deviner que le poids des investissements va conduire à une réorganisation, à une recomposition ou à une formation de groupements de coopération sanitaire.
Les crédits seront donc alloués directement aux agences en fonction des critères adéquats, et notamment du taux de vétusté des actifs hospitaliers.
Vous avez mentionné la mission nationale d'appui à l'investissement. En effet, les agences régionales d'hospitalisation n'ont pas les forces nécessaires pour conduire les investissements requis. Nous mettrons donc cette mission à leur disposition. Elle formalisera à l'échelon national les relations avec les opérateurs privés afin de pouvoir offrir aux établissements des cadres juridiques stabilisés.
La mission est constituée d'une composante nationale et de relais locaux, qui permettront de tenir compte des besoins de proximité établis par les établissements et les ARH.
Enfin, le recours aux marchés globaux et aux baux emphytéotiques seront rendus possibles dans un véhicule législatif idoine : l'ordonnance de simplification. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Je formulerai simplement deux remarques.
Premièrement, je me réjouis de voir enfin, dans cet hémicycle, un ministre de la santé à part entière. Depuis des années, en effet, les membres de la commission des affaires sociales réclamaient que le ministère de la santé soit un ministère de plein exercice, et, aujourd'hui, nous avons enfin satisfaction !
Deuxièmement, je me félicite que ce poste ministériel soit occupé par une personne particulièrement compétente, qui connaît l'ensemble des problèmes posés par la santé publique. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, l'analyse des crédits demandés pour le budget de la santé en 2003 permet de déceler dans les grandes évolutions de ce budget la priorité accordée aux actions de prévention. Il semble en effet raisonnable de mieux assumer l'aspect préventif, longtemps délaissé au profit du curatif.
Pour autant il faudrait, monsieur le ministre, prendre garde au fait que cette politique consistant à privilégier le préventif ne s'avérera positive que si, dans le même temps, on maintient au dispositif curatif les moyens nécessaires et suffisants pour remplir sa mission.
Je reconnais bien volontiers que votre nouvelle approche quant à la maîtrise des dépenses de santé, qui doit être médicale et non plus comptable, mérite d'être soulignée.
Puissiez-vous, monsieur le ministre, avoir la volonté et l'autorité pour faire passer ce message essentiel à toute une technocratie qui, au sein de votre ministère et à l'extérieur aussi, l'a si souvent invoqué, voir imposé, y compris aux politiques parfois.
J'ai été surpris, monsieur le ministre, de ne pas trouver dans les priorités de la politique de prévention la santé mentale.
Notre pays vient de connaître un certain nombre de faits divers, parfois dramatiques, qui peuvent illustrer mon propos : la tuerie de Nanterre, au cours de laquelle un déséquilibré a exécuté plusieurs élus du conseil municipal ; la tentative d'assassinat du Président de la République le 14 juillet dernier ; la tentative d'assassinat à l'arme blanche du maire de Paris, également oeuvre d'un déséquilibré ; une série de meurtres à l'arme blanche en banlieue parisienne, commis également par un déséquilibré.
Cette liste de faits divers non exhaustive doit nous interpeller. Comment ne pas faire le rapprochement avec la politique menée en matière de santé mentale dans la région parisienne, où l'on a fermé de nombreux lits de psychiatrie ?
Comment ne pas s'inquiéter de voir également paraître des informations sur la présence de plus en plus nombreuse de marginaux confrontés à des problèmes psychiatriques dans le métro (Sourires sur les travées du RPR.) ?
Comment ne pas s'inquiéter quand, dans le même temps, les services de l'Etat publient un rapport où l'on nous précise que 55 % des détenus dans les prisons françaises présentent des troubles psychiatriques ?
Comment, monsieur le ministre, ne pas faire le lien entre ces différents événements et ne pas penser qu'il y a urgence à s'intéresser davantage à ces questions, qui ont aussi trait à la sécurité publique tant réclamée par nos concitoyens, mais aussi à la souffrance de femmes et d'hommes qui, parce qu'ils sont parmi les plus démunis ou parce que c'est une condition de leur réinsertion dans la société, attendent des humanistes que nous devons être une réponse rapide, efficace, déterminée, celle qui sied à l'urgence et à l'appel au secours ?
Cette réponse, monsieur le ministre, devrait être médicale et paramédicale.
Le secteur de la santé mentale, pour être efficace sur le plan curatif comme sur le plan préventif, doit bénéficier d'un nombre de psychiatres suffisant, en tenant surtout compte de celles et de ceux qui exercent dans le service public, sachant que leurs collègues du privé ont beaucoup moins vocation, semble-t-il, à traiter la clientèle du métro ou la population carcérale !
Vous aurez, monsieur le ministre, à revoir le dossier du numerus clausus, à vous interroger sur ce que l'on pourrait faire pour renforcer l'attractivité de cette spécialité et sur la manière de corriger les disparités régionales.
A ce vaste chantier médical, vous aurez à ajouter le chantier paramédical, puisqu'une pénurie d'infirmiers, héritée d'une politique passée de maîtrise comptable des dépenses de santé à courte vue, prive aujourd'hui les hôpitaux d'une partie indispensable de leurs collaborateurs.
Le « papy-boom » d'après-guerre provoquera prochainement de nombreux départs en retraite et compliquera une pénurie renforcée par des disparités régionales liées à l' « héliotropisme », à la mise en oeuvre des 35 heures, à la mise en place d'un diplôme d'Etat d'infirmier qui ne fait pas la part belle à la psychiatrie dans la formation initiale.
Appelée à devenir une spécialisation paramédicale, la psychiatrie deviendra peut-être plus attractive et sera moins délaissée au profit d'autres disciplines.
En conclusion, monsieur le ministre, il résulte de ces quelques considérations que la psychiatrie a besoin de vous, de votre motivation, de votre détermination à prendre en compte sa spécificité et ses difficultés réelles.
Votre volonté de mettre l'accent sur une politique de prévention n'aura de sens, toutefois, pour cette discipline médicale, que si elle s'accompagne du réajustement de ses moyens globaux corrigés des disparités régionales. Y êtes-vous prêt, monsieur le ministre ?
M. le président. Monsieur le ministre de la santé, répondez-vous à l'appel de M. Vantomme ?
Mme Nelly Olin. C'est un appel au secours !
M. Jean-François Mattei, ministre. Je vais le faire avec d'autant plus d'intérêt, monsieur le président, que, dans ce domaine, ma détermination n'a d'égale que mon humilité.
Ma détermination, pourquoi ? Tout le monde le comprend, parce que la psychiatrie est aujourd'hui un secteur en difficulté, je dirais presque sinistré.
Mon humilité, pourquoi ? Parce que l'on passe insensiblement de la psychiatrie à la psychiatrie sociale, à la santé mentale, aux troubles du comportement, et nous connaissons les difficultés qu'il y a parfois à cerner ce qui relève de la psychiatrie et ce qui peut y être rattaché de manière indirecte.
Souvenez-vous des débats que nous avons eus sur les délinquants sexuels ! Nous avons constaté que l'on avait plutôt tendance à considérer le délinquant comme un malade, le jugement comme une ordonnance, la peine comme un traitement et la récidive comme une rechute médicale.
On voit donc combien il est difficile de définir le champ de la psychiatrie et de la santé mentale.
Néanmoins, ce que vous avez dit est vrai : il y a aujourd'hui tant de comportements stupéfiants que l'on ne peut manquer de s'interroger sur la pathologie qu'ils cachent et sur le mode de prise en charge qui s'impose.
Trois axes majeurs sont à suivre dans ce domaine.
Premièrement, il faut rapprocher, progressivement, la discipline psychiatrique des autres disciplines médicales. Nous avons un lourd passé dans ce domaine. Autrefois, on formait des infirmiers psychiatriques, qui n'étaient pas infirmiers diplômés d'Etat. Les internes passaient l'internat des hôpitaux psychiatriques, qui n'était pas l'internat des hôpitaux. Cohabitaient en réalité deux mondes, et l'on éprouve encore quelque difficulté à considérer un psychiatre comme un médecin.
C'est un tort. Il faut faire de la psychiatrie une spécialité médicale à part entière et, surtout, en faire un point essentiel de référence dans l'établissement des SROSS.
Deuxièmement, il faut faire évoluer les pratiques professionnelles dans la clarification. A cet effet, une expertise, menée avec l'appui de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, est en cours. Nous allons tenter d'apporter plus de précision.
Nous demanderons également à l'ANAES, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, de fixer des références pour évaluer les attitudes, les prises en charge thérapeutiques ; tout cela n'est pas très clair.
Enfin, un des grands problèmes de la psychiatrie, c'est la représentation que l'on se fait de la maladie mentale dans notre société. Les modes vont et viennent : tantôt, on enferme parce que c'est gênant - on parle de camisole physique - tantôt on veut libérer, parce que l'on a substitué à la camisole physique la camisole chimique.
En réalité, tous ces excès nous ont conduits dans l'erreur. Il nous faut aujourd'hui retrouver le juste équilibre entre ce qui relève de l'hôpital, de l'hospitalisation fermée quand cela est nécessaire ou des hôpitaux de jour, ce qui relève de ce que l'on appelait autrefois les centres d'hygiène mentale ou de psychiatrie sociale, qui suivent les gens en difficulté, et ce qui relève de la psychiatrie libérale.
Vous avez raison, il y a pénurie de psychiatres aujourd'hui. Le classement de l'internat est à cet égard très significatif : vous avez d'abord la chirurgie, puis la médecine et toutes les spécialités médicales ; vient enfin la psychiatrie avant la biologie, la médecine du travail et, en dernier, la santé publique. Il faut renverser la vapeur pour que les premiers choisissent aussi la psychiatrie ! Il est essentiel que ce soient des praticiens de qualité qui prennent en compte tout l'aspect psychologique de notre vie, laquelle est, par définition, psychosomatique.
Aussi, je peux vous annoncer que le secteur de psychiatrie ne sera pas concerné, en 2003, par la péréquation nationale, afin que les régions qui sont déjà fragilisées ne le soient pas davantage. La recomposition du secteur sera soutenue pendant plusieurs années, parce que la psychiatrie est aujourd'hui un secteur essentiel pour notre société. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Monsieur le ministre, j'ai écouté votre réponse avec beaucoup d'intérêt. Je suis tout à fait d'accord avec vous : si la psychiatrie joue un rôle prépondérant dans notre société, il reste parfois difficile d'en déterminer la place exacte.
Vouloir la promouvoir en lui donnant toute sa place, au même titre que les autres spécialités médicales, est essentiel. Trop souvent, dans le passé, elle fut traitée comme la dernière roue du carrosse : dans les hôpitaux généraux, c'était elle qui était servie en dernier.
D'ailleurs, monsieur le ministre, quand vous parlez de rapprochement avec les autres spécialités médicales, j'espère que vous ne pensez pas remettre la psychiatrie dans les hôpitaux généraux, comme on l'a souvent proposé. En effet, si elle doit, bien entendu, avoir des liens avec l'hôpital général, la psychiatrie ne saurait être uniquement considérée comme un secteur de ce dernier. Il faut qu'il y ait des structures extérieures, des structures alternatives.
Je me réjouis, par ailleurs, de votre souci de corriger les disparités régionales. Les réduire est également un objectif majeur. La situation n'est pas la même en Picardie que dans le sud de la France. Et, malheureusement, le soleil n'est pas la seule cause de cette disparité.
J'espère que les mesures qui seront prises iront dans le bon sens. En tout cas, monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées.
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. En écoutant notre collègue, j'avais l'impression que, d'une certaine manière, il nous disait : « Merci, la droite revient ! » (Sourires.) Du moins en ce qui concerne la santé !
En préambule, monsieur le ministre, je voudrais m'associer totalement aux éloges que Mme Nelly Olin ainsi que de certains autres collègues vous ont adressés.
Il n'existe en France, depuis quelques années, aucune réelle politique de santé. En qualité de président d'un CHS et du conseil d'administration d'une maison de retraite médicalisée ou comme patient, je peux en témoigner : « urgence » ne veut plus rien dire ; « égalité » non plus. Pour ce qui est de la qualité et de la sécurité, on est parfois en droit de s'interroger à leur sujet compte tenu des moyens et de l'organisation de notre système de santé.
Permettez-moi d'aborder plus particulièrement un sujet que vous connaissez bien, monsieur le ministre, comme beaucoup d'entre nous, mais qui a été totalement ignoré au cours des cinq dernières années, et peut-être aussi un peu au cours des années précédentes : je veux parler de l'offre de santé dans le monde rural.
A l'Assemblée nationale, j'ai souvent évoqué, à l'Assemblée nationale, outre la montée de la violence dans nos communes rurales, la baisse dramatique de l'offre de soins dans le monde rural et dans les quartiers difficiles. Hélas ! mes interrogations sur ces sujets n'ont jamais suscité que des sourires ironiques de la part de la majorité d'alors. Comme si, en matière de santé, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes !
Comment éviter la pénurie de médecins ? La démographie médicale est, en effet, l'un des problèmes majeurs de notre système de santé. Permettez-moi d'en illustrer la réalité à l'aide d'un exemple que je connais bien.
Voilà trente ans, lorsque je suis arrivé dans ma commune de 4 500 habitants, cinq médecins couvraient un territoire regroupant 7 000 à 8 000 habitants. Ces praticiens disposaient d'un cabinet médical comportant deux secrétaires. Ils étaient de garde un jour sur cinq. Ils s'étaient endettés pour acheter une clientèle, mais avec la certitude de récupérer leur placement lors de leur départ à la retraite. Ils voyaient les patients trois quarts d'heure à une heure chacun, créant ainsi cette relation qui est indispensable entre médecin et malade. Trouver des remplaçants relevait de la routine. Ils étaient respectés. Ils étaient également en sécurité sur leur lieu de travail et lors de leurs visites.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
La population est passée de 8 000 à 12 000 habitants, soit une augmentation de 50 %. Le nombre des personnes en maison de retraite est passé de 120 à 300, et leur dépendance est beaucoup plus importante.
Les médecins ont, évidemment, trente ans de plus. Deux sont partis à la retraite et n'ont pas trouvé de remplaçant. Un autre part dans quelques mois sans espoir de substitution. Il ne reste qu'une secrétaire au cabinet médical et, en raison de la contrainte des 35 heures et des temps de coupure, elle n'est présente que la moitié du temps d'ouverture du cabinet, obligeant ainsi les médecins à assurer le secrétariat et les appels pendant les consultations. Je précise que, s'il n'y a plus qu'une secrétaire, c'est que les médecins ne peuvent plus assumer à trois, et bientôt deux, les charges qui, auparavant, étaient reparties sur cinq.
Ces médecins travaillent de huit heures du matin à dix heures du soir, avec pour unique interruption la « pause sandwich ». Ils voient trente à quarante malades par jour, sont de garde un jour sur trois, voire un jour sur deux. Ils ne trouvent plus de remplaçants, et ne peuvent plus vendre leur clientèle, contrairement à ce qu'ils avaient prévu, je vous le rappelle, afin d'améliorer une retraite très modeste.
Ils sont, de surcroît, agressés de plus en plus souvent et, parfois, dérangés la nuit sans motif sérieux, alors que, soit dit en passant, le coût de leur visite est supporté par la société.
Ne parlons ni des charges et contraintes administratives qu'ils ont à assumer, ni des contrôles, d'un ridicule souvent peu commun, qu'ils doivent supporter.
Bref, les conditions de vie et de travail de ces praticiens deviennent insupportables, voire inhumaines.
Qui accepte aujourd'hui de travailler soixante heures par semaine, pratiquement sans congés ? Qui accepte d'être disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, de vivre dans l'insécurité, et j'en passe ? De ce fait, la continuité des soins dans les zones rurales n'est plus assurée, ce qui concourt à accélérer leur désertification.
Il convient également de signaler que, pour obtenir un rendez-vous avec certains spécialistes, il faut au patient six à huit mois ! Le patient s'entend même de plus en plus répondre que, puisqu'il n'est pas client du cabinet, il ne peut lui être accordé de rendez-vous.
A tout cela s'ajoute le fait que, en raison des 35 heures, il n'est plus possible de trouver d'ambulancier au-delà de certaines heures. Ce sont les pompiers qui assurent alors le transfert du malade, transfert dont le coût est alors supporté par les services départementaux d'incendie et de secours, qui ne sont remboursés ni par les hôpitaux ni par la sécurité sociale.
Cette situation dramatique de la médecine en milieu rural - mon département n'est pas très éloigné de la région parisienne et, sur ses 650 000 habitants, plus de 300 000 résident dans le secteur dit « rural » - me conduit à vous poser les questions qui suivent, monsieur le ministre, tout en étant conscient des incidences financières que ne manquera pas d'avoir, dans l'avenir, la résolution des problèmes que j'évoque.
Comment convaincre les médecins de venir s'installer dans les secteur ruraux et difficiles ? Faut-il mettre en place une incitation particulière, qu'elle soit fiscale ou qu'elle prenne la forme d'une prime à l'installation ?
Comment enrayer le pénurie de médecins ? Faut-il revoir le numerus clausus ?
Comment les convaincre de choisir des spécialités délaissées ?
Comment résoudre le difficile problème de l'assurance des médecins ?
Comment aider les médecins à faire face au temps distrait de leur vraie mission pour l'accomplissement de tâches administratives ?
Toutes ces questions, monsieur le ministre, ne sont pas nouvelles. Je regrette simplement que, depuis des années, on n'ait pas cherché à y apporter une réponse, et qu'on ait ainsi bradé la santé des Français. (Applaudissements sur les travées du RPR.) M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre, Monsieur le sénateur, je comprends votre inquiétude, car la situation de la démographie médicale dans la région Centre est effectivement plus sérieuse que dans beaucoup d'autres régions françaises.
Je rappelle d'abord que la densité de population y est inférieure à la moyenne nationale : 265 contre 330.
Pour ce qui est des médecins libéraux, le déficit par rapport à la situation nationale est particulièrement marqué : pour les généralistes libéraux, la densité moyenne est de 90 pour 100 000 habitants, contre 105 pour la moyenne nationale ; pour les spécialistes libéraux, elle est de 66, contre 90.
Le Loiret est encore moins bien doté, avec une densité moyenne de généralistes libéraux inférieure à 80 habitants et, à l'échelon des cantons, les disparités s'accentuent encore.
Je réponds tout de suite, monsieur Doligé, à votre question touchant à la responsabilité civile médicale : j'espère que, notamment grâce à la proposition de loi du président About, qui a été adoptée par la Haute Assemblée, le problème sera réglé pour le 1er janvier, comme je m'y étais engagé.
Pour en revenir au problème de la pénurie médicale, j'attends la remise, la semaine prochaine, des conclusions du rapport que j'ai commandé voilà quelques mois au doyen Berland sur l'ensemble de la démographie des professionnels de santé.
D'ores et déjà, je peux vous dire qu'il faudra augmenter le numerus clausus de façon significative. Il a déjà été augmenté de 400 cette année. Il faudra faire davantage encore au cours des prochaines années. En fait, le numerus clausus va devoir passer en quelques années de 4 500 à presque 7 000. Naturellement, cette variation importante dans un temps assez court sera peut être difficile à gérer, mais il n'y a pas d'autre solution.
Vous avez, par ailleurs, suggéré d'apporter des aides d'ordre financier ou fiscal. On peut d'abord songer à une majoration de la rémunération par acte ou à une réduction des charges. Je n'ai pas d' a priori et je suis persuadé qu'il n'y a pas de solution unique. Cela dépendra des communes, des départements, des régions, peut-être même des caisses d'assurance maladie. En tout cas, il faut effectivement inciter les médecins à s'installer, notamment dans les zones rurales.
Sur un autre plan, chacun a bien compris que l'ère de l'exercice médical solitaire était révolue et qu'il convenait d'aller vers une coopération entre les différents professionnels, avec éventuellement un partage, voire une substitution des tâches avec des « maisons médicales ». Il faut en effet encourager l'installation de plusieurs professionnels dans ces « maisons médicales », où sera assurée la permanence des soins.
Il faut en outre s'intéresser à nouveau aux hôpitaux locaux, qu'on appelait autrefois les hôpitaux ruraux, car ils assurent une présence médicale de proximité, une permanence de médecins et d'infirmières qui est indispensable. Favoriser les CHU ne signifie pas oublier les simples centres hospitaliers, et encore moins les hôpitaux locaux.
Enfin, il faut avoir recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, car la télé-médecine peut constituer une aide considérable.
Le Sénat a voté, voilà quelques jours, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'autorisation de créer des cabinets secondaires en donnant aux médecins de ville la possibilité d'ouvrir un cabinet dans un village, éventuellement avec d'autres médecins, de façon à assurer une permanence. J'ajoute que nous avons également autorisé le remplacement de médecins par de jeunes retraités qui ne veulent pas se couper de la vie professionnelle ou qui ont besoin d'un complément de revenu.
Telles sont les mesures que nous avons déjà entrepris de mettre en oeuvre ou que nous vous proposerons pour tenter de remédier aux difficultés majeures que vous avez évoquées. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. Monsieur le ministre, voilà des années que j'attendais ces réponses. Elles paraissent d'une telle évidence que je me demande pourquoi on ne les a pas trouvées plus tôt ! Probablement fallait-il attendre d'avoir un ministre qui soit au-dessus et même très au-dessus, de la moyenne ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)
Je vous remercie également, monsieur le ministre, d'avoir reconnu que mon département n'était pas très bien doté. Il n'en est pas moins, au demeurant, un département fort agréable à vivre ! (Sourires.)
Cela dit, dans ce domaine comme dans d'autres, on a toujours eu tendance à considérer qu'il suffisait d'appliquer un pourcentage de progression aux chiffres existants pour résoudre les problèmes. Et puis on s'aperçoit, au fil des années, que les écarts continuent à se creuser, qu'il s'agisse de santé ou, par exemple, de logement social. Aujourd'hui, ces écarts sont devenus insupportables, au point que l'on se demande comment on pourra les combler.
Moi, en tout cas, monsieur le ministre, je suis comblé par votre réponse. (Nouveaux sourires.) Je suis persuadé que les médecins du monde rural, tout comme leurs patients, l'auront entendue avec beaucoup d'intérêt.
M. le président. La parole est à M. Pierre André.
M. Pierre André. Je voudrais d'abord m'associer aux propos élogieux qu'a tenus notre collège Eric Doligé à l'égard de M. le ministre. Je crois que nous pouvons tous nous réjouir de la qualité du dialogue qui s'est instauré cet après-midi dans cet hémicycle et il serait fort utile que les Français aient très largement connaissance des mesures qui ont été évoquées à cette occasion.
Selon l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, l'amélioration de la conjoncture économique et de la situation de l'emploi n'a guère eu d'effets sur les chiffres de la pauvreté.
Si la faiblesse des revenus des personnes est un critère d'évaluation de la pauvreté, celle-ci se mesure aussi à travers les conditions de vie, c'est-à-dire les difficultés d'existence des ménages liées aux contraintes budgétaires qu'ils subissent : restrictions de consommation, retards de paiement, problèmes de logement, etc.
Si l'on se réfère à cet indicateur global, la proportion des ménages concernés a très légèrement diminué entre 1997 et 2001. En revanche, les chiffres relatifs aux difficultés à couvrir certaines dépenses, à l'endettement et aux difficultés de logement, ne se modifient pratiquement pas. Cette stabilité est décevante.
Avec la santé, le logement est un droit essentiel que notre pays doit garantir à nos concitoyens confrontés à la pauvreté et à l'exclusion.
Les études qualitatives, les témoignages directs et la première enquête d'envergure nationale auprès des personnes sans domicile réalisée en 2001 par l'INSEE montrent la très grande diversité de la vie de ces personnes.
S'il s'agit majoritairement d'hommes et, de plus en plus souvent, de jeunes issus de milieux défavorisés, les personnes sans domicile ont connu des parcours très variés. Le rythme, la nature et la gravité des ruptures familiales et sociales sont également très divers.
Au-delà de cette diversité, l'absence de logement, et donc d'intimité, d'espace à soi, ainsi que la dégradation des conditions d'existence rendent la santé des personnes sans domicile particulièrement précaire. Il n'est pas surprenant, dès lors, de retrouver parmi les problèmes qu'elles citent le plus fréquemment un état dépressif, une extrème nervosité et un stress continuel.
Face à ces situations dramatiques et compte tenu de l'urgence, vous avez annoncé, madame la secrétaire d'Etat, l'ouverture des crédits nécessaires au financement d'un programme quinquennal tendant à créer 1 000 places par an en pension de famille.
Pouvez-vous dresser un premier bilan de ce dispositif expérimental encore peu répandu et nous indiquer quelles en sont les perspectives ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, le Gouvernement a annoncé la mise en place d'un programme sur cinq ans tendant à créer un nouveau type d'habitat, les « maisons-relais », anciennement appelées « pensions de famille », qui sont destinées à des personnes sans domicile fixe très désocialisées, ayant longtemps été à la rue, et dont l'état de souffrance psychique consécutif à des ruptures diverses ne permet pas ou permet difficilement une réadaptation immédiate à un logement individuel autonome.
La maison-relais constitue un concept original de résidence sociale qui permet de répondre aux besoins de ces personnes en les réadaptant à la vie sociale.
Il s'agit, en fait, comme leur nom l'indique, de petites maisons destinées à accueillir de vingt à vingt-cinq personnes. Chacune y disposera d'une chambre, mais pourra également participer à une vie collective se rapprochant d'une vie familiale.
Chacune de ces maisons sera animée par une ou deux personnes - on pourrait les appeler « hôtes » ou « pères aubergistes » - qui seront notamment chargées d'intégrer leur maison dans l'environnement social du quartier ou de la commune. Ainsi, nous avons prévu de créer 5 000 places en maison-relais sur cinq ans, soit 1 000 places par an : un crédit est prévu à ce titre dans le présent projet de loi de finances.
Une circulaire signée prochainement par les ministres concernés définira les conditions de financement et de fonctionnement de ces maisons-relais.
L'Etat apportera deux types d'aides.
D'une part, une aide à la gestion locative sociale qui permettra de financer les deux postes d'hôte de chaque maison.
D'autre part, les personnes qui habiteront dans ces maisons bénéficieront de l'aide personnalisée au logement, l'APL. Je tiens à souligner que les personnes hébergées qui ne perçoivent que de très faibles revenus, du type RMI, devront verser une contribution financière, bien sûr en proportion de leurs revenus. Cette participation, si faible soit-elle, est exigée, car le principe est celui d'une insertion par le logement et non pas d'un assistanat.
Ainsi, ces personnes, qui, jusqu'à présent, tournaient en rond dans le dispositif de l'urgence, auront une vraie perspective et une maison. Nous espérons même que certaines d'entre elles auront à l'avenir un projet d'insertion professionnelle.
M. le président. La parole est à M. Pierre André.
M. Pierre André. Mme le secrétaire d'Etat m'a si bien convaincu que je demande le droit à l'expérimentation dans ma commune ! (Sourires.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le travail, la santé et la solidarité : II. - Santé, famille, personnes handicapées et solidarité.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 15 462 779 euros. »