SEANCE DU 2 DECEMBRE 2002


M. le président. « Art. 66. - L'article L. 412-1 du code des assurances est ainsi rédigé :
« Art. L. 412-1 . - I. - Les frais de toute nature résultant du fonctionnement de l'Ecole nationale d'assurances sont couverts au moyen de versements directs ou indirects, émanant des entreprises d'assurance, de leurs organismes professionnels ainsi que des fédérations et syndicats nationaux groupant les entreprises, les agents et les courtiers d'assurances. Le Conservatoire national des arts et métiers reçoit ces versements pour le compte de l'Ecole nationale d'assurances.
« II. - Ces versements viennent en déduction de ceux qui sont dus au titre de la taxe d'apprentissage ou de la taxe de formation continue, en proportion des parts respectives de la formation initiale, de la formation continue et de l'apprentissage dans les activités de l'Ecole nationale d'assurances que financent ces versements.
« III. - Le présent article entrera en vigueur à compter de la promulgation d'un arrêté ministériel relatif à l'extension d'un avenant à la Convention collective nationale des sociétés d'assurance portant financement de l'Ecole nationale d'assurances, et, à défaut d'un tel avenant, à compter du 1er janvier 2004. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-11 est présenté par M. de Rohan et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
L'amendement n° II-24 est présenté par M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour défendre l'amendement n° II-24.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Les dispositions de l'article 66 du présent projet de loi prévoient la suppression d'une contribution fiscale acquittée par les sociétés d'assurance pour assurer le fonctionnement de l'Ecole nationale d'assurances, l'ENAss, et son remplacement par le principe d'une affectation de la taxe sur la formation professionnelle continue et de la taxe d'apprentissage.
En clair, nous passerions d'une obligation fiscale originale à une forme de banalisation du financement de l'Ecole, alors même qu'il est probable que l'imputation sur les taxes finançant la formation professionnelle risque fort de ne pas suffire à retrouver autant de moyens pour le financement de l'établissement.
Dans ce contexte, les organisations syndicales de la profession nous ont fait part de leur inquiétude quant au devenir de l'ENAss, établissement qui a permis de former nombre de salariés du secteur depuis plus de cinquante ans.
On peut d'ailleurs se demander ce qui motive, aujourd'hui, la discussion sur cet article 66, à moins qu'il ne s'agisse des mêmes orientations que celles qui ont conduit le Sénat à débattre d'une proposition de loi relative à la responsabilité civile médicale ou, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, de l'exonération des contrats complémentaires santé vendus par les compagnies d'assurances.
Dans les faits, tout laisse penser que l'ENAss va progressivement manquer des moyens financiers nécessaires à l'accomplissement de ses missions de formation initiale.
Vous comprendrez donc aisément, monsieur le ministre, que nous ne puissions que proposer à notre assemblée de supprimer cet article 66.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l'amendement n° II-11.
M. Roger Karoutchi. Si cet amendement est identique à celui de Mme Beaudeau, notre argumentation ne porte pas exactement sur les mêmes éléments.
L'ENAss, qui est une vieille école, assure la formation en matière d'assurance depuis 1946 ; elle est reconnue, et dépend aujourd'hui du Conservatoire national des arts et métiers, le CNAM.
Le financement de cette école est un peu compliqué. Il est en réalité calculé par le Trésor public, puisque la fameuse taxe modulaire représente aujourd'hui 80 % de ses ressources.
Cet article 66 a suscité, à l'Assemblée nationale, un vrai débat sur le fait de savoir s'il y avait eu concertation ou non, et accord ou non de la profession. Visiblement, le Conseil national des assurances comme la direction de l'Ecole ne sont pas d'accord sur un certain nombre d'éléments prévus.
Certes, il peut toujours être avancé que, bien entendu, l'appartenance de l'ENAss à l'enseignement supérieur public n'est pas remise en cause, encore que, dans la mesure où cet article 66 ne prévoit pas un financement public pérenne, on peut s'inquiéter de son devenir.
La question, monsieur le ministre, est la suivante : dans le débat à l'Assemblée nationale, vous avez accepté l'idée de reporter, si je puis dire, la réforme au 1er janvier 2004 jusqu'à ce que soit trouvé un accord. En réalité, la concertation n'a pas avancé et nous ne sommes absolument pas certains de parvenir à un accord avant le 1er janvier 2004.
Dans ces conditions, ne vaudrait-il pas mieux supprimer l'article 66 du projet de loi de finances ; ne pas remettre en cause dans l'immédiat le statut de l'Ecole et ouvrir, avec l'Ecole, le Conseil national des assurances et la Fédération française des sociétés d'assurances, la FFSA, des négociations au terme desquelles, une fois un accord acté entre l'ensemble des partenaires, la réforme de l'école serait menée à bien ?
En clair, nous ne disons pas « non » d'office à une réforme de cette école, au contraire,...
M. Paul Loridant. Il y a eu un manque de dialogue !
M. Roger Karoutchi. ... mais nous nous demandons si les différentes mesures nécessaires ont bien été prises avant que la réforme n'ait lieu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Angels, rapporteur spécial. Ce sujet, qui a été largement débattu au sein de la commission des finances, doit être replacé dans son contexte.
Il s'agit d'une taxe de deux millions d'euros environ. On ne peut pas dire tout et son contraire, c'est-à-dire qu'on ne peut pas vouloir, d'un côté, que l'Etat soit efficace et réduire l'écart entre le coût et la productivité d'une collecte, et, de l'autre, adopter une formule à géométrie variable !
Il faudrait aussi améliorer la collecte de cette taxe qui deviendrait une contribution.
Je regrette que la concertation ait été trop rapide, donc insuffisante. Mais il semble que la solution adoptée à l'Assemblée nationale permette de modifier sensiblement le texte initial et qu'un accord soit intervenu au sein du groupe de travail constitué par nos collègues MM. de Courson et Bertrand.
Si cela est exact, le problème pourrait être réglé - je réponds ainsi à M. Karoutchi et à Mme Beaudeau - et l'école serait désormais financée par le biais de versements directs ou indirects émanant des professionnels des assurances, versements qui viendraient en déduction de ceux qui sont dus par ces professionnels au titre de la taxe d'apprentissage ou de la taxe de formation continue.
Nous avons confirmation de l'appartenance de l'Ecole nationale d'assurances à l'enseignement supérieur public, et de son rattachement au Conservatoire national des arts et métiers, qui perçoit pour elle les versements des professionnels. Mais là aussi, monsieur le ministre, je voudrais avoir confirmation que ce dispositif entrera en vigueur à compter de la promulgation d'un arrêté ministériel portant extension d'un avenant à la convention collective nationale des sociétés d'assurance et donc sous réserve d'un accord entre professionnels de l'assurance qui doit intervenir au plus tard le 1er janvier 2004.
Si notre lecture est la bonne, il est bien évident que la commission des finances demandera le maintien de cet article et le rejet des amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je vais m'efforcer de donner, à la fois aux auteurs des amendements et à M. le rapporteur spécial, Bernard Angels, une explication justifiant le retrait de cet amendement.
Tout d'abord, je vous confirme que le Gouvernement partage, bien entendu, la préoccupation exprimée par Mme Beaudeau, puis par M. Roger Karoutchi au nom de M. Josselin de Rohan.
Lors de l'examen du projet à l'Assemblée nationale, le texte de compromis qui a été adopté, à la suite de très nombreuses concertations menées par le député M. Xavier Bertrand, a permis d'apporter une clarification répondant aux diverses préoccupations exprimées. En effet, il rend la concertation possible et organise les délais nécessaires. Je lui confirme d'ailleurs ceux qu'il a indiqués tout à l'heure. Cela devrait être de nature à apaiser les dernières inquiétudes qui pourraient subsister.
J'ajoute que la réforme du mode de financement de l'école répond à une demande de la profession - j'y insiste - et fait l'objet de nombreux soutiens. Par ailleurs, je tiens à rassurer M. Josselin de Rohan, qui se préoccupe de cette question : l'Ecole nationale d'assurances n'est en rien remise en cause, puisque son existence même est confirmée dans la loi. Son rattachement au Conservatoire national des arts et métiers est également confirmé.
La profession de l'assurance souhaite s'impliquer davantage dans la gestion de l'école, pour renforcer encore son dynamisme et permettre l'adéquation des formations offertes aux attentes des entreprises. Le texte de l'article 66, renvoie à la concertation et à un avenant à la convention collective nationale des sociétés d'assurance la définition des moyens de l'école qui seront, en tout état de cause, pris en charge par la profession, comme elle s'y est engagée.
Cette réforme va donc dans le sens de la modernisation et de la responsabilisation des acteurs du secteur, tout en allégeant les charges de gestion administrative. La rédaction de l'article 66, issue des travaux de l'Assemblée nationale, permet véritablement d'engager cette réforme de manière progressive. C'est pourquoi je demande aux auteurs de bien vouloir retirer les amendements n°s II-11 et II-24. A défaut, je serais obligé d'en demander le rejet.
M. le président. Monsieur Karoutchi, l'amendement n° II-11 est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Après avoir entendu les explications de M. le ministre, nous retirons notre amendement, mais nous resterons très attentifs aux évolutions de ce dossier.
M. le président. L'amendement n° II-11 est retiré.
Madame Beaudeau, l'amendement n° II-24 est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Malgré les explications de M. le ministre, l'absence de concertation est évidente et je ne suis pas sûre que les délais mentionnés permettront d'engager cette concertation, qui est pourtant réclamée par tout le monde.
Par conséquent, je maintiens cet amendement, monsieur le président.
M le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je veux indiquer que ceux qui voteront pour l'amendement présenté par Mme Beaudeau voteront contre la volonté de l'ensemble de la profession. (Mme Marie-Claude Beaudeau s'exclame.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaite m'exprimer contre cet amendement.
Tout d'abord, le statut de l'Ecole nationale d'assurances n'est aucunement en cause, pas plus que son rattachement au Conservatoire national des arts et métiers.
Ensuite, je rappelle que la solution qui fait l'objet de l'actuel article 66 a été mise au point par nos collègues de l'Assemblée nationale d'une manière qu'il convient de saluer. En effet, nous avons été sollicités, les uns et les autres, par la direction et par le président du conseil d'administration de cette école, ainsi que par divers groupements. Cette question a suscité quelque émoi dans le milieu concerné.
C'est avec beaucoup de rigueur et d'honnêteté, me semble-t-il, qu'en particulier nos collègues Xavier Bertrand et Charles de Courson ont réuni un groupe de travail et ont trouvé un compromis au terme duquel, il convient de le rappeler, aucune mesure ne sera prise avant l'intervention d'un arrêté ministériel. Or, comme M. le ministre vient de nous le confirmer, celui-ci ne sera pris que dès lors que les concertations nécessaires se seront déroulées et que les professionnels de l'assurance seront parvenus à un accord.
Nos collègues de l'Assemblée nationale, saisis du problème, ont donc souhaité engager un processus de négociation « assisté », si j'ose m'exprimer ainsi. Et pour être raisonnablement certains de déboucher sur une solution, ils ont mis en place un cadre de négociation. A présent, il convient que les parties concernées se rapprochent et que la solution adéquate soit trouvée.
Cette solution me paraît raisonnable et progressive et les craintes exprimées par Mme Beaudeau me semblent superfétatoires, en tout cas excessives.
A l'évidence, nous observerons avec grand intérêt l'évolution de ce problème et la commission des finances y sera très attentive. L'Ecole nationale d'assurances est, en effet, une belle institution. C'est un outil qui fonctionne bien et il ne s'agit certainement pas de porter atteinte à ce fonctionnement. Cette école est proche des professionnels, mais elle fait partie de l'enseignement supérieur public. Rattachée au Conservatoire national des arts et métiers, elle a une réputation d'excellence et une fonction économique à remplir.
Nous sommes persuadés que, dans un cadre renouvelé, les bonnes relations contractuelles avec la profession de l'assurance pourront se poursuivre dans l'intérêt à la fois du secteur, des élèves et du rayonnement de notre pays. Car le rôle de l'Ecole nationale d'assurances est loin d'être négligeable, je le répète, par rapport à tout ce qui existe dans les pays européens. Soyons donc fiers de ce patrimoine, qui doit trouver les moyens d'assurer sa pérennité.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le rapporteur général, je trouve que, ce matin, on met la charrue devant les boeufs. Puisqu'il s'agit d'une école qui a fait ses preuves et dont l'autorité est reconnue, vous avez raison, il faut la conserver !
Je propose donc que l'on engage la concertation avant de procéder à une réforme.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le cas !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-24

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 66.

(L'article 66 est adopté.)

Article 67