SEANCE DU 3 DECEMBRE 2002


PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2003 concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, et le budget annexe des prestations sociales agricoles.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parce qu'elle structure la plupart de nos paysages, parce qu'elle occupe près de 900 000 actifs et tout simplement parce qu'elle nourrit les hommes, l'agriculture est bien sûr un secteur majeur de notre pays.
Par les crises qu'elle traverse, elle mobilise notre attention tant au niveau national que sur la scène internationale.
Après une phase de mutation encouragée par la PAC qui avait tendu à adapter le marché pour répondre à la surproduction, l'agriculture connaît aujourd'hui de nouvelles et graves difficultés touchant l'ensemble de ses filières.
Une crise de confiance sur le plan qualitatif et sanitaire, un accroissement en nombre et en intensité des calamités agricoles, une baisse continue des prix sur le marché, une diminution inéluctable du nombre d'agriculteurs, des revenus dégradés malgré des gains continus de productivité : l'agriculture française - et pas seulement elle, d'ailleurs - souffre de maux qui plongent de nombreux exploitants dans la détresse sociale et dans l'incertitude.
Tous ces problèmes, qu'ils soient conjoncturels ou structurels, nous invitent à demeurer attentifs aux décisions politiques et budgétaires qui seront prises.
Dans ce contexte sensible - c'est le moins que l'on puisse dire -, quels sont vos choix, monsieur le ministre, dans ce projet de loi de finances pour 2003 ?
S'agissant de l'ensemble du budget agricole, si nous nous référons à la loi de finances rectificative, nous constatons une baisse de 3,8 %. Visiblement, le secteur agricole est loin d'être prioritaire. C'est regrettable et grave.
Vous considérez la sécurité sanitaire comme une priorité. Pourtant, vous opérez une restriction brutale des moyens du service public de l'équarrissage. Peut-être nous apporterez-vous des explications pour justifier le désengagement massif de l'Etat dans le domaine de la collecte et de l'élimination des coproduits animaux et des farines animales. Ce sujet est sensible : nous savons que le moindre faux pas peut avoir de graves répercussions sur la filière bovine.
Les intempéries détériorent régulièrement des centaines d'exploitations et remettent en cause, parfois de manière dramatique, toute une vie d'investissements et de sacrifices. Le Fonds national de garantie des calamités agricoles n'est tout simplement pas doté, contrairement au principe de parité posé par l'article 3 de la loi de 1964. Je n'ose imaginer, monsieur le ministre, que vous envisagez que la météo sera suffisamment clémente pour laisser ce fonds à l'abandon.
La diminution du nombre des exploitations et son corollaire, la baisse du nombre d'actifs agricoles, suscitent également de très vives inquiétudes. L'absence de perspectives suffisamment rémunératrices décourage les candidats à l'installation. L'intervention de l'Etat est donc une nécessité. Le présent budget, certes - il faut le reconnaître -, renforce les crédits d'installation. Ils s'élèvent à 68 millions d'euros et permettent d'aider les jeunes agriculteurs qui s'installent et de promouvoir les opérations locales à travers le FICIA.
En revanche, la suppression de la ligne budgétaire relative aux agriculteurs en difficulté dans le projet de budget initial n'est pas de nature à rassurer ceux qui sont déjà installés, même si la bienveillance des députés, lors de l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2003, a permis l'inscription de 10 millions d'euros.
M. Gérard Le Cam. C'est vrai !
M. Jean-Michel Baylet. Mes chers collègues, la dégradation des prix agricoles et des revenus me conduit à aborder le volet économique. Naturellement, sur ce point, le croisement de plusieurs dispositifs budgétaires et la mise en place de politiques d'orientation, sur le plan tant national qu'européen, conditionnent la réussite.
Actuellement, nous le savons, l'agriculture européenne traverse une crise parce qu'elle est soumise à une forte concurrence ainsi qu'à de nouvelles exigences qualitatives et environnementales de la part des consommateurs.
Face à l'inexorable libéralisation des échanges sous la pression des négociations multilatérales et en raison de la perspective de l'élargissement de l'Union, le précédent gouvernement avait choisi de favoriser une approche multifonctionnelle de l'agriculture.
Le passage d'une agriculture essentiellement productiviste à une agriculture multifonctionnelle est un fait acquis, de surcroît cautionné par le deuxième pilier de la PAC.
Dans ce cadre, nous avions adopté les contrats territoriaux d'exploitation. Malgré des débuts difficiles, le dispositif commençait à connaître une montée en puissance que vous avez stoppée en décidant leur abandon au profit des contrats d'agriculture durable, les CAD. Compte tenu de cette nouvelle décision, quel est l'avenir des CTE en cours, monsieur le ministre ? Vous souhaitez créer un dispositif contractuel plus efficace et plus équitable, et nous y sommes tous favorables ; mais selon quelles modalités ? Allez-vous favoriser le volet économique par rapport au volet territorial ? Il y a urgence, et les agriculteurs - vous vous en doutez - attendent autre chose qu'un changement de dénomination.
S'agissant toujours du soutien économique, la réduction drastique de 15,2 % des crédits destinés aux offices mécontente fortement la profession. L'Assemblée nationale s'est d'ailleurs émue - timidement, compte tenu de l'amendement qu'elle a adopté - de ce choix budgétaire. Par leurs actions structurantes et par leurs démarches de qualité, nous savons que les offices sont un outil de soutien et de dynamisation des filières. Ce sont également des instruments de régulation et d'intervention en cas de crise. Compte tenu de la conjoncture, leur remise en cause, même partielle, est particulièrement décevante.
Enfin, mon appréciation sur ce budget ne serait pas complète si je n'abordais pas, rapidement bien sûr, les difficultés qui touchent les non-salariés agricoles. Au sein du BAPSA, je souhaite évoquer exclusivement les retraites agricoles.
L'aboutissement, sous la précédente législature, du plan de revalorisation des retraites a représenté un formidable effort qu'il convient encore de saluer et qui a répondu - au moins dans un premier temps - à l'attente de très nombreux agriculteurs. La richesse de notre agriculture doit en effet beaucoup aux actifs agricoles d'hier, et c'est un soulagement que de voir leur sort enfin amélioré. Toutefois, le projet de budget pour 2003 ignore, de façon tout à fait anormale, la mensualisation des retraites, les minorations pour les monopensionnés en cas de carrière incomplète ou encore l'instauration d'un forfait plutôt que d'un taux pour la majoration attribuée aux pensionnés ayant élevé trois enfants ou plus.
L'inscription de 28 millions d'euros en faveur de la retraite complémentaire dont le dispositif a été adopté au début de l'année installe un nouveau régime. Il faudra cependant que l'Etat s'engage davantage dans les prochaines années, d'une part, pour minorer la cotisation des agriculteurs et, d'autre part, pour étendre le dispositif aux conjoints et aux aides familiaux.
Vous prenez, monsieur le ministre, peu d'engagements sur ce sujet. Nous connaissons les conditions de cotisation des premiers retraités agricoles, mais n'oublions pas non plus les efforts qu'ils ont fournis après la Première Guerre mondiale pour donner aux fruits de nos terroirs des labels d'excellence que nul ne conteste.
Derrière la qualité et la diversité de notre agriculture, ce sont des milliers d'hommes et de femmes qui travaillent pour des « retours » qui ne sont pas toujours à la hauteur de leur investissement et de leurs efforts personnels.
A ceux d'hier, la solidarité nationale doit apporter des conditions de vie décentes. A ceux d'aujourd'hui, les pouvoirs publics doivent offrir des garanties en termes de revenus et de pérennité du métier. Les agriculteurs sont en droit de bénéficier de prix rémunérateurs en contrepartie des efforts qu'ils consentent en matière de productivité, de développement rural et de protection de l'environnement. Pour ma part, c'est à la lumière de ces préoccupations que je juge les politiques agricoles.
C'est pourquoi, n'étant pas convaincu par le présent projet de budget, je n'y apporterai pas mon soutien.
M. Jean-Marc Pastor. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons du budget de l'agriculture à un moment où le contexte national et international est particulièrement difficile.
Sur le plan national, la marge de manoeuvre budgétaire est limitée, puisque le Gouvernement souhaite, de manière responsable, maîtriser la dépense publique et limiter l'endettement de notre pays.
Cette marge est d'autant plus étroite, monsieur le ministre, que vos prédécesseurs vous ont laissé le soin de boucler de nombreux dossiers pour lesquels ils n'avaient prévu aucun financement, en dépit de leurs déclarations de bonnes intentions.
Pour la seule agriculture, je rappellerai pour mémoire le grave déséquilibre du BAPSA, l'insuffisance des crédits des CTE et le blocage d'une partie des fonds européens à la suite de la modulation des aides.
Sur le plan international, les propositions de la Commission européenne sur la PAC, le 10 juillet dernier, ont beaucoup inquiété les agriculteurs. Nous vous savons gré, monsieur le ministre, de votre détermination à défendre une politique agricole européenne forte et solidaire, en respectant le calendrier arrêté à Berlin en 1999.
Malgré cette situation globalement fragile, le budget du ministère de l'agriculture est en légère augmentation - plus 0,9 % par rapport à 2002 - et les priorités sont claires : la qualité et la sécurité alimentaire, l'installation, la préservation de la protection sociale agricole, la multifonctionnalité et la compétitivité des agriculteurs.
Dans ce cadre général, je souhaiterais m'attarder sur un secteur spécifique, celui de l'élevage, dont la situation est préoccupante.
La France détient une place de premier plan dans ce domaine : elle détient le premier troupeau bovin de l'Union européenne et, au niveau mondial, elle appartient au groupe des trois ou quatre premiers pays producteurs de chacun des types de cheptel : bovin, ovin, porcin ou de volaille. Pour autant, notre élevage est nettement moins florissant que ces résultats ne le laissent supposer.
Je ne citerai qu'un chiffre qui traduit à lui seul la gravité de la situation : il y avait 504 000 éleveurs en France en 1988 et 264 000 en 2000, soit une diminution de près de la moitié en douze ans.
M. Alain Vasselle. C'est une véritable hémorragie !
M. Jean-Paul Emorine. Le Sénat a eu l'occasion d'étudier de près ce sujet en mettant en place une mission d'information que j'ai eu l'honneur de présider et dont le rapporteur était notre collègue Gérard Bailly.
Le rapport de cette mission, rendu public le 7 novembre dernier, a d'ailleurs été adopté à l'unanimité par la commission des affaires économiques.
Nos travaux nous ont permis de constater, monsieur le ministre, la fragilisation structurelle de la filière et des éleveurs.
L'élevage constitue un enjeu économique et territorial déterminant pour la cohésion sociale et spatiale de notre pays. Nos collègues maires des communes rurales nous ont fait part de leurs préoccupations.
C'est pourquoi je me permettrai de rappeler plusieurs propositions que la mission d'information a formulées afin de préserver l'avenir du secteur de l'élevage et de dynamiser toujours mieux notre agriculture.
Ces propositions s'organisent autour de trois axes majeurs : des dispositions spécifiques pour l'élevage herbager, l'assouplissement des formalités administratives et l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation.
Une des principales mesures suggérées par notre mission est l'instauration d'une prime destinée spécifiquement à l'élevage lié à l'herbe, indispensable dans les zones menacées de déprise. Cette aide, qui pourrait se baser sur la prime herbagère agri-environnementale que vous avez instituée, devrait prendre en compte le nombre d'unités de travail par exploitation et être financée par le budget communautaire.
De plus, si le dispositif d'intervention publique a récemment disparu, conformément à la dernière réforme de l'OCM viande bovine, on peut se demander quels instruments permettront de gérer une crise de grande ampleur et s'il n'est pas plus raisonnable d'envisager le rétablissement de l'intervention publique.
Troisièmement, la maîtrise de la production bovine est toujours d'actualité, à condition qu'elle ne conduise pas à la réduction de l'espace agricole consacré à cet élevage et que soient maintenus les quotas laitiers.
Pour la production ovine, il serait utile de continuer d'encourager les démarches de qualité et de faire très attention aux importations des pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande. En ce qui concerne la simplification administrative, vous avez récemment installé, monsieur le ministre, le comité de simplification. Permettez-nous de fixer un objectif : réduire le nombre de déclarations exigées des éleveurs.
Pour l'atteindre, trois propositions méritent d'être étudiées. Premièrement, on peut envisager de faire des directions départementales de l'agriculture, les DDA, les interlocuteurs uniques des éleveurs. Pour chaque exploitation, les DDA ont une déclaration PAC et les établissements départementaux de l'élevage, les EDE, sont informés du nombre d'animaux et de chargement à l'hectare. Les deux services ayant donc une connaissance permanente de la situation des exploitations, l'éleveur n'aurait à faire une déclaration qu'en cas d'évolution de son exploitation.
Il faut deuxièmement, accélérer la mise en place du registre parcellaire graphique et, troisièmement, poursuivre la simplification des CTE - mais vous vous êtes engagés - dans d'autres contrats.
Le troisième axe de propositions de notre mission d'information que je retiendrai ici est l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits de l'élevage.
Sur ce plan, nous devons veiller à renforcer l'organisation économique de la filière viande et à lui donner les moyens de peser dans les négociations commerciales, notamment avec la grande distribution.
A ce titre, nous espérons que le récent accord entre les agriculteurs et les distributeurs portera, sous l'égide du Gouvernement, ses fruits grâce à l'application et au renforcement des dispositions de la loi relative aux nouvelles régulations économiques. De façon complémentaire, il serait utile de mettre en place un observatoire des marges.
Pareillement, le code des marchés publics devrait être complété pour retenir comme critère d'achat des collectivités la race des animaux et la proximité des fournisseurs.
Pour terminer, je souhaite aborder une question qui ne concerne non pas uniquement les éleveurs mais tous les agriculteurs : il s'agit de la mensualisation des retraites de base, sachant que vous avez tout fait, monsieur le ministre, pour trouver les financements nécessaires à la mise en place de la retraite complémentaire, qui sera mensualisée.
Cette mesure, très attendue des agriculteurs, est aussi une mesure d'équité par rapport aux autres catégories socio-professionnelles. Pour les agriculteurs, qui ont beaucoup participé à l'évolution de notre société, ce ne serait que justice.
Dans le cadre de ce débat, j'ai choisi d'évoquer principalement les difficultés que rencontrent les éleveurs, non seulement en raison de l'actualité des travaux de notre mission d'information et de la gravité de la crise qu'ils ont traversée ces dernières années, mais aussi en raison du rôle particulier que tient l'élevage dans les zones rurales et du fort impact de cette activité pour l'avenir économique de régions entières et, bien entendu, des communes rurales qui les composent.
Si je n'ai pas décliné tous les aspects du budget de l'agriculture en me reposant sur les travaux du rapporteur spécial, M. Bourdin, je n'en formulerai pas moins, monsieur le ministre, une appréciation globalement positive au nom du groupe des Républicains et Indépendants. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.
Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention, au nom du groupe socialiste, portera uniquement sur la partie pêche du présent projet de loi de finances.
Ce débat intervient à un moment clé pour ce secteur de notre économie. En effet, après le conseil pêche du 27 novembre, celui qui se tiendra le 16 décembre sera déterminant, la réforme de la politique commune des pêches devant être en place à la fin de cette année.
Avant d'en revenir au contexte communautaire, j'évoquerai plusieurs aspects de ce budget, à partir de vos propositions, monsieur le ministre, et à travers les propos tenus par M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Vos premières déclarations, au mois de juillet dernier, devant le conseil national des pêches maritimes sur la politique à courte vue du gouvernement précédent ont été gommées par la réalité des faits.
Depuis le mois de septembre dernier, gels et reports constituent l'essentiel de la politique de l'actuel gouvernement dans le domaine de la pêche. Pendant les mois précédents, nous n'avions noté ni gel ni report...
Comme M. le rapporteur l'a souligné, ce budget est modeste : 26 millions d'euros pour la gestion des pêches maritimes et de l'aquaculture, soit une baisse de 2,2 % par rapport à 2002.
L'an passé, dans l'introduction de son rapport, notre collègue Alain Gérard écrivait ceci : « L'avenir n'est pas dans une politique nationale à courte vue, mais passe par l'accompagnement de la pêche française vers une démarche de qualité pour valoriser ses produits à l'heure où la quantité de ressources est contingentée pour permettre son développement. »
Ces propos sont en totale contradiction avec ce qui me paraît être le point extrêmement négatif de ce projet de loi de finances, à savoir la baisse de 15,88 % des crédits consacrés à l'OFIMER, l'Office interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture, qui passent ainsi de 13,1 millions d'euros à 11 millions d'euros.
Je veux rappeler ici, comme l'a fait le député Aimé Kergueris, rapporteur à l'Assemblée nationale et membre de votre majorité, le rôle majeur donné à cet office dans le dispositif de la loi d'orientation pour la pêche, présenté par l'un de vos prédécesseurs, notre collègue Louis Le Pensec.
L'Office interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture, qui s'est subsitué au FIOM, le fonds d'intervention et d'organisation des marchés, à compte de janvier 1999, a été une innovation essentielle, car il permet une vraie politique de filière et constitue une vraie structure interprofessionnelle pour la pêche maritime et les cultures marines.
Nous sommes attachés à ce véritable office des produits de la mer, qui a su jouer un rôle décisif dans deux crises récentes, le naufrage de l' Erika et les tempêtes de 1999, en assurant la communication et le versement d'aides.
Des actions de promotion des produits de la pêche et de l'aquaculture sont indispensables, et c'est le rôle de l'OFIMER. Donnez-lui les moyens de le jouer !
On nous dit que des ajustements sont possibles en cours d'année, mais quel secteur servira alors de variable d'ajustement ?
Je souhaite vous interroger sur deux autres sujets qui, je le sais, sont très complexes.
Je veux d'abord parler du délicat problème du recrutement des jeunes dans ce secteur. Quelles actions envisagez-vous d'entreprendre pour tenter de mettre fin à la pénurie ?
Ensuite, la qualité des eaux, et notamment la prolifération des algues vertes sur nos côtes, pose un gros problème pour le secteur conchylicole et ostréicole. Avez-vous des projets communs avec votre collègue chargée de l'écologie ? Pour assurer un développement durable, il est essentiel de trouver des solutions.
Au-delà des chiffres, des difficultés, des dures négociations à Bruxelles, il ne faut pas oublier qu'il y a des hommes et des femmes qui vivent de cette activité et qu'il y a des territoires dont l'avenir est en jeu.
C'est, bien sûr, le cas de la Bretagne. Je veux rappeler ici qu'elle est la première région halieutique de France, avec près de 50 % de la production, une flotte de 1 700 navires - soit 40 % du total - des effectifs à la pêche de 16 905 sur les 619 825 que compte la France, mais une flotte vieillissante, 91 % des bateaux bretons ayant plus de dix ans. Il s'agit des chiffres de référence de l'année 2000.
Les premières propositions de la Commission sont dramatiques pour la France, pour ses pêcheurs, et elles représentent un véritable sinistre social pour nos côtes bretonnes.
La gestion durable de la ressource est la préoccupation de tous, des pêcheurs en tout premier lieu.
Ils ont fait la preuve de leur volonté, par les efforts qu'ils font depuis des années, dans les domaines technique et technologique, grâce à leur savoir-faire et à leur expérience. La réussite des expériences menées sur certains stocks, comme la coquille Saint-Jacques ou la lotte, doit d'ailleurs être prise en compte.
Il faut également pouvoir contrôler efficacement les conclusions des scientifiques par des critères clairs d'évaluation, car ceux-ci sont souvent en désaccord avec les professionnels. Il faut aussi appuyer fortement les propositions de ces mêmes professionnels, qui souhaitent dépasser le fatalisme ambiant. Je citerai l'excellent document du comité régional des pêches de Bretagne, dans lequel les pêcheurs montrent leur volonté de prendre en main leur avenir.
Mettre le pêcheur au coeur du dispositif est indispensable.
Les contrats territoriaux d'exploitation de la pêche, à l'image des CTE en agriculture, sont un des éléments qui peuvent contribuer à la préservation de la ressource. Ils peuvent, en effet, inclure des notions de sélectivité des engins de pêche, des propositions sur les conditions de travail et bien d'autres aspects.
Je terminerai sur les négociations en cours dans le cadre de la politique commune de la pêche qui sont déterminantes pour l'avenir.
Dans cette négociation internationale incertaine et à haut risque, vous représentez la France et ses pêcheurs, monsieur le ministre. Nous sommes derrière vous. Il sera temps, une fois la négociation achevée, de faire le bilan sur la politique de gestion de la ressource par le système des totaux admissibles de captures, les TAC, et des quotas, ainsi que sur le refus de la casse des bateaux, qui, à travers les programmes d'orientation pluriannuels successifs, a montré son inefficacité.
La politique « à la hache » du commissaire Fischler pourrait avoir des conséquences dramatiques sur la sécurité en mer et les conditions de travail en empêchant tout renouvellement de navire.
Il y avait d'autres voies pour conduire la réforme de la politique commune des pêches, l'orientation vers des repos biologiques étant l'une d'entre elles.
En conclusion, nous vous soutiendrons donc dans la défense de la France à Bruxelles, mais nous ne pouvons voter le projet de budget relatif à la pêche au vu des éléments d'insatisfaction que j'ai soulignés au cours de mon intervention. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert.
Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le BAPSA comporte, pour la première fois, une ligne budgétaire nouvelle dotée de 28 millions d'euros, représentant la participation financière de l'Etat au financement de la retraite complémentaire obligatoire des exploitants agricoles prévue par la loi du 4 mars 2002.
Compte tenu du considérable déséquilibre démographique de la profession agricole, sans cette aide financière de l'Etat, le nouveau régime ne pourrait pas être équilibré. On ne peut que se féliciter que les engagements antérieurement pris soient tenus et que la solidarité nationale s'exprime en faveur des exploitants agricoles.
Pour autant, malgré cet indéniable progrès, qui s'accompagne de la revalorisation des plus faibles retraites et qui permettra de porter le minimum des pensions pour une carrière complète au niveau du minimum vieillesse, le régime d'assurance vieillesse des agriculteurs mériterait de connaître certaines avancées afin d'aboutir à une véritable égalité sociale en leur faveur.
S'agissant de la retraite de base, le minimum vieillesse ne constitue pas, selon moi, une fin en soi, et il conviendra de réaliser un effort supplémentaire afin que les retraités agricoles puissent vivre décemment.
M. André Lejeune. Très bien !
Mme Brigitte Luypaert. En ce qui concerne la retraite complémentaire obligatoire, un réajustement de la dotation financière de l'Etat sera peut-être nécessaire, d'une part, afin d'équilibrer correctement le nouveau régime et, d'autre part, afin d'éviter que le taux de cotisation prélevé sur les actifs ne devienne prohibitif : rappelons que le seuil de 3 % avait été évoqué et qu'il ne devrait, en tout état de cause, pas être dépassé.
Les retraites agricoles continuent à être versées trimestriellement : monsieur le ministre, quelles sont les perspectives et les échéances d'une mensualisation de ces retraites ?
M. Jean-Marc Pastor. Oui, quand ?
Mme Brigitte Luypaert. Je rappelle, pour mémoire, que les artisans et les commerçants bénéficient de cette réforme respectivement depuis 1999 et 2000.
J'en viens au statut des conjoints collaborateurs d'exploitant agricole. Les épouses d'exploitant qui ont choisi ce statut, qui jouent un rôle essentiel au sein de l'exploitation agricole, ont à faire face à une difficulté totalement imprévue. En effet, la revalorisation des plus faibles retraites n'est possible que sous réserve de pouvoir justifier de quarante années d'activité.
Dans ces conditions, de nombreuses épouses qui avaient opté pour le statut de conjoint-collaborateur et qui ne remplissent pas nécessairement cette condition de durée d'activité se voient privées des revalorisations prévues en faveur des retraites plus faibles.
Je vous serais reconnaissante de bien vouloir préciser les mesures que vous envisagez de mettre en oeuvre pour que ces conjointes ne soient pas lésées.
Sous le bénéfice de ces observations, et confiante de la qualité des réponses que vous ne manquerez pas de m'apporter, je voterai ce projet de budget. (Applaudissements.)
M. le président. Nous pouvons doublement applaudir notre collègue Brigitte Luypaert puisque c'était sa première intervention à la tribune. (Nouveaux applaudissements.)
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avis de tempête sur la pêche française ! C'est la conséquence de la réforme de la politique commune de la pêche dévoilée par le commissaire européen Fischler le 28 mai dernier. C'est dans ce climat que nous débattons du projet de budget de la pêche pour 2003, budget dont les grandes masses financières appellent des commentaires de notre part.
D'une part, l'OFIMER enregistre une diminution de plus de 15 %, l'explication gouvernementale des reliquats non utilisés étant encore une fois avancée. Cette sous-utilisation s'explique cependant par les conditions trop strictes de déclenchement des aides publiques, pourtant nécessaires aux acteurs économiques. Il faut favoriser une complète utilisation de ces crédits par un assouplissement des règles d'intervention financière de l'OFIMER.
D'autre part, l'IFREMER, l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, voit ses crédits multipliés par trois. C'est une bonne chose. Il est cependant nécessaire de faire évoluer l'association entre l'IFREMER et le monde de la pêche, y compris, naturellement, les comités nationaux, régionaux et locaux des pêches maritimes et des élevages marins.
La pêche est une activité de cueillette, et non de production. Or le traité instituant la Communauté européenne lui assigne les mêmes objectifs que la politique agricole commune qui gère une activité de production, en particulier l'objectif d'accroissement de la productivité.
Ce vice de fond a conduit aux plans successifs de casse des bateaux et à la perte de 5 300 emplois au cours des dix dernières années en France. Les subventions inéquitables ont encouragé le gigantisme des bateaux au détriment de la pêche artisanale qui représente 50 % des équipages et constitue le tissu économique et social de nos côtes.
Au total, 460 millions d'euros sont prévus par Franz Fischer au profit d'aides au désarmement, aux régimes de préretraite et à la reconversion. L'Europe persiste et signe, elle applique, à l'égard du monde de la pêche, une politique de contrainte, et non de coopération. Force est de constater que cela ne fonctionne pas.
Venons-en à l'argument choc de la Commission européenne : la ressource, la surexploitation des stocks. Il faut rétablir quelques vérités. Selon les rapports du Conseil international pour l'exploration de la mer, le CIEM, cent cinquante stocks de poissons différents sont évalués et suivis sur le plan scientifique dans les eaux communautaires, sur lesquels quinze, soit 10 %, sont aujourd'hui considérés comme étant en situation préoccupante ou dégradée. Parallèlement, la pêche communautaire a augmenté de 1 % en trente ans.
Les pêcheurs sont sensibilisés et déterminés à agir en faveur des espèces menacées. Mais pour que la politique communautaire de la pêche donne des résultats, il est indispensable de les associer aux décisions et d'encourager leurs propositions.
La politique communautaire de la pêche doit être une synthèse équilibrée entre une gestion durable de la ressource et une prise en compte de la dimension sociale, économique et territoriale de l'activité.
A ce titre, la gestion de la coquille Saint-Jacques en baie de Saint-Brieuc et en Bretagne est exemplaire et porte ses fruits. Quotas, recensement, jours et temps de pêche ont permis de maintenir puis d'améliorer la ressource, mais également l'aspect humain de la pêche.
L'idée d'un contrat territorial d'exploitation pour la pêche, avancée par de nombreux professionnels, n'est pas reprise par le Gouvernement. Elle pourrait pourtant assurer une transition en attentant la reconstitution des stocks affaiblis.
Par ailleurs, il faut s'attaquer résolument à la pêche minotière, qui détruit des poissons adultes et jeunes pour fabriquer de la farine. L'Europe consomme 12 millions de tonnes de farine de poissons et en produit seulement 6 millions de tonnes. Cela est particulièrement inquiétant. Destinées à l'aquaculture, ces farines contribuent à vider la mer et à installer des grands groupes à la tête des fermes aquacoles.
L'argent consacré à la casse des bateaux doit, au contraire, servir à les renouveler, à les moderniser, à les sécuriser, afin de rendre plus sûre et plus attractive la profession, qui souffre d'une forte carence de vocation professionnelle.
Le non-renouvellement de la flotte a également eu l'effet pervers d'augmenter de manière importante le prix des bateaux d'occasion, ce qui contraint à un effort de pêche plus soutenu pour faire face aux échéances.
Si nous ne voulons pas voir la pêche de demain uniquement entre les mains de grands groupes qui intègrent la filière, comme l'a fait Intermarché, un certain nombre de mesures urgentes doivent être prises.
Il faut sortir la pêche artisanale, côtière et hauturière des pouvoirs décisionnels de Bruxelles et confier la gestion dans la bande des 12 milles marins à des responsables à l'échelon national, régional et local.
Il faut constituer des outils régionaux et locaux de gestion de la ressource, des financements et des formations.
Il faut installer un organisme permettant l'échange des observations entre professionnels et scientifiques.
Enfin, il faut supprimer l'obligation de diminution de puissance de 30 % pour une remotorisation.
Ce budget pour 2003, bien que n'étant pas le seul acteur agissant sur le monde de la pêche, ne répond pas à la situation critique d'aujourd'hui et à l'inquiétude du monde de la pêche. Aussi, le groupe communiste républicain et citoyen ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. Monsieur le ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les interventions forestières du rapporteur spécial M. Joël Bourdin et de MM. Jean-Marc Pastor et Yann Gaillard. Avec eux, je me réjouis du rétablissement forestier que vous avez opéré à la fois dans la loi de finances rectificative pour 2002 et dans le projet de budget pour 2003. La forêt soumise au régime forestier, communale ou domaniale, comme la forêt privée vont bénéficier de ce retour à la réalité.
Pourtant, après M. Yann Gaillard, je voudrais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le fait que, dans les années 2002-2005, nous aurons affaire à une pointe des besoins forestiers liés à la nécessité de remédier aux dégâts de la tempête de 1999. Entre 2002 et 2005, nous aurons en effet un énorme besoin de réinvestissement forestier. Il s'agit d'une pointe conjoncturelle liée à la nature et que l'on ne peut étaler dans le temps. Techniquement, les forêts nécessitent un investissement à l'heure, sinon les parcelles se détérioreront, les frais deviendront de plus en plus importants et les gens renonceront à les engager. M. Yann Gaillard a souhaité que l'on augmente les crédits budgétaires dès l'année prochaine. Pour ma part, je considère qu'il faut réfléchir à des budgets forestiers exceptionnels pour les quelques années qui viennent. A l'heure actuelle, on constate déjà, en Bourgogne, dans le Limousin, en Aquitaine, en Lorraine, des files d'attente de propriétaires publics ou privés, qui espèrent des incitations de l'Etat pour envisager leurs travaux. Je ne voudrais pas que l'on décourage les énergies.
Tout compte fait, la forêt, qui occupe 25 % du territoire, ne coûte pas cher à la nation. Alors que la forêt assure des fonctions écologique et sociale éminentes, elle finance, pour l'essentiel, ces fonctions collectives avec les recettes de l'économie forestière. Ainsi, le budget de l'Etat au profit de la forêt est relativement limité. Dans le passé, les forêts étaient d'ailleurs jugées si intéressantes qu'elles étaient gérées par le ministre des finances. Et il a fallu de longues bagarres du ministère de l'agriculture pour qu'il récupère la gestion des forêts.
La forêt nécessite donc un effort particulier sur quelques années, et une indication en ce sens serait utile pour mobiliser les énergies. Dans le même temps, on pourrait profiter de l'engouement forestier lié à une catastrophe naturelle pour inciter à quelques politiques territoriales intégrant la restructuration forestière. On compte un grand nombre de propriétaires. Les tempêtes les ont un peu démobilisés et certains d'entre eux sont prêts à échanger des parcelles. Il ne s'agit pas d'effectuer des remembrements, mais on peut probablement simplifier la structure foncière de la forêt. Il faudrait donc, dans les territoires qui s'y prêtent, tenter, avec les collectivités locales, des opérations territoriales.
Pour terminer, monsieur le ministre, je voudrais compléter les propos de M. Yann Gaillard, qui a indiqué tout à l'heure que vous étiez le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. C'est déjà tout un programme !
M. Hervé Gaymard, ministre. Ce n'est pas mal ! (Sourires.)
M. Philippe Leroy. Effectivement ! Les forestiers souhaiteraient que l'on réintroduise la forêt dans l'intitulé de vos fonctions.
M. Gérard César. Et la chasse !
M. Philippe Leroy. Je le répète : elle représente 25 % du territoire : 600 000 emplois. Il pourrait s'agir - et vous en avez la carrure, monsieur le ministre ! - du ministère « de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, des affaires rurales et des forêts ».
M. André Lejeune. Et des bois ! (Sourires.)
M. Philippe Leroy. Ou des bois, si vous voulez.
M. Louis Moinard. Il lui a tendu la perche ! (Nouveaux sourires.)
M. Philippe Leroy. Monsieur le ministre, je vous remercie de l'attention que vous voudrez bien porter à ce projet. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri deMontesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde rural connaît aujourd'hui une crise profonde. Pour envisager son avenir, il a besoin d'une vision claire à long terme, voire à très long terme. Il est urgent de mettre fin à la profonde inquiétude qui paralyse les projets de nombreux agriculteurs. En tant qu'élu du Gers, département le plus rural de notre pays, je puis vous assurer que les agriculteurs attendent beaucoup de vos réformes.
Votre budget, monsieur le ministre, ne représente qu'un sixième des quelque 30 milliards d'euros consacrés à l'agriculture française, mais le rôle de votre ministère est décisif puisqu'il a la responsabilité directe de 61 % des dépenses publiques en faveur du secteur et qu'il est interactif avec le budget communautaire et avec le budget des collectivités territoriales.
Votre budget, « priorité nationale » selon M. le Premier ministre, est tout à la fois un budget d'urgence et de sincérité et un budget de transition et d'espoir. D'urgence et de sincérité, car votre ministère a dû réparer les erreurs manifestes du passé et ouvrir en août dernier 1,45 milliard d'euros de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative. De transition et d'espoir, car nous devons nous préparer aux prochaines échéances des négociations européennes et mondiales qui engagent l'avenir de notre agriculture.
Le renforcement de l'attractivité et de l'image de l'agriculture passe par des campagnes de communication nationales, par le soutien à l'enseignement et à la recherche, et par la promotion de l'installation des jeunes agriculteurs.
Votre ministère a doté de 2 millions d'euros le fonds de valorisation et de communication. Créé il y a trois ans par la loi d'orientation agricole, ce fonds n'avait jamais été approvisionné. Nous devons rétablir au plus vite un climat de confiance entre les producteurs et les consommateurs.
L'augmentation de 1,3 % des crédits destinés à l'enseignement et à la recherche, qui représentent un quart de votre budget, témoigne de votre souci, d'une part, de préserver l'excellence mondialement reconnue de nos organismes de recherche et, d'autre part, de faire face aux engagements de l'Etat pris avec l'enseignement privé.
M. André Lejeune. Cette augmentation est inférieure à l'inflation !
M. Aymeri de Montesquiou. Votre esprit de conciliation permettra d'apaiser le contentieux qui opposait l'Etat à l'enseignement agricole privé, qui regroupe aujourd'hui 60 % des effectifs de l'enseignement agricole et dont les dotations seront revalorisées en 2003.
M. Bernard Piras. Pas tout à fait !
M. Aymeri de Montesquiou. Enfin, l'installation est devenue une des priorités de l'action du ministère, car sa dotation augmente de 1,9 %. Rappelons qu'en quinze ans le nombre d'installations a été divisé par deux, pour s'établir à environ 6 000 en 2001. Dans le Gers, alors que l'on dénombrait deux cent cinquante à trois cents installations voilà vingt ans, on n'en compte plus aujourd'hui qu'un peu plus de soixante-dix.
Les dotations aux jeunes agriculteurs et les prêts à moyen terme spéciaux bonifiés sont indispensables aux jeunes agriculteurs pour créer leur entreprise agricole et pour faciliter la transmission des exploitations. La création du fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, doté de 10 millions d'euros, permettra de prendre la relève du fonds pour l'installation en agriculture, qui a été supprimé en 1999.
Votre ministère a également apporté des réponses précises aux préoccupations quotidiennes des agriculteurs liées au contrat territorial d'exploitation, à la modulation des aides et aux mesures agri-environnementales.
Les CTE ont en effet cristallisé le mécontentement du monde rural. Leur objectif est en lui-même louable, puisqu'il s'agit d'inciter les exploitants agricoles à développer un projet global qui intègre toutes les fonctions liées à l'agriculture. Mais le financement des CTE n'a pas été prévu, leur attribution a été trop arbitraire, et ils ont donc été mal perçus par les agriculteurs. (M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis, fait un signe de dénégation.) Le manque de sérieux de la gestion précédente vous a obligé à multiplier par trois ses crédits, qui atteignent 200 millions d'euros dans votre budget. La suspension de l'examen des demandes de CTE, qui a été décidée le 6 août dernier, et la période de réflexion qui s'ensuit, comme l'a suggéré le rapporteur spécial M. Joël Bourdin, devront permettre de perfectionner cet outil en simplifiant les procédures administratives, en l'inscrivant dans le cadre de la décentralisation, en créditant les dépenses et en l'intégrant à part entière dans le second pilier de la PAC. Dans le Gers, à la mi-septembre, pas moins de 550 dossiers étaient en cours d'instruction, mais non validés par la commission départementale d'orientation de l'agriculture : le monde agricole compte sur vous, monsieur le ministre, pour que le sentiment d'incompréhension des agriculteurs concernés ne se transforme pas en sentiment d'injustice.
M. François Trucy. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Dans le même sens, la suspension de la modulation des aides décidée dès mai 2002 a été accueillie avec soulagement par les agriculteurs.
M. Paul Raoult. Tu parles !
M. Aymeri de Montesquiou. Le transfert du premier au deuxième pilier communautaire des sommes perçues grâce à la modulation avait aggravé encore un peu plus la non-consommation chronique des crédits liés au développement rural. Ainsi, 215 millions d'euros prélevés au titre de la modulation entre 2001 et 2002 sont restés inutilisés. Le Gouvernement doit agir pour qu'ils soient débloqués par la Commission de Bruxelles, car cette somme appartient aux agriculteurs français.
Enfin, les mesures agri-environnementales bénéficient d'une très forte augmentation : 51 %. La prime herbagère agri-environnementale prendra le relais de la prime au maintien des systèmes d'élevage extensif. Toutefois, les règles d'obtention de la prime herbagère doivent être revues au plus vite, puisque les plafonds requis actuellement sont spécifiques aux zones montagneuses et ne prennent pas en compte les zones vallonnées. Ainsi, s'agissant de cette aide, le Gers ne compte que 330 bénéficiaires, sur un total de près de 3 000 éleveurs, soit seulement 10 % des 90 000 hectares de la surface fourragère de mon département. De même, un assouplissement des règles encadrant les aides rotationnelles est fortementsouhaité.
Pour terminer, je voudrais rappeler les trois grands défis que nous devons relever : la réforme de l'Etat, la solidarité nationale et les prochaines négociations internationales.
Le besoin d'une simplification des procédures administratives revient comme un leitmotiv chez les agriculteurs. Les jeunes, en particulier, ont besoin d'un horizon législatif lisible, simple et cohérent. Aujourd'hui, aucun éleveur ne peut monter seul un dossier de demande d'aides européennes, et il a régulièrement pas moins de cinq feuillets différents à remplir. Courteline trouverait là sans doute une nouvelle source d'inspiration...
S'agissant du deuxième défi, la solidarité nationale, je souscris, là encore, à l'analyse du rapporteur spécial M. Joël Bourdin, aux termes de laquelle l'absence de dotation au fonds national de garantie des calamités agricoles ainsi que la baisse de 12,6 % des crédits destinés à aider les agriculteurs en difficulté, bien que justifiées d'un point de vue comptable, risquent d'être très mal perçues par les agriculteurs. Permettez-moi au passage de rappeler que la solidarité nationale concerne tous les citoyens et que les agriculteurs ont déjà le sentiment - justifié - d'être moins égaux que d'autres.
Le troisième défi, enfin, ce sont les négociations dans le cadre de l'OMC et de la PAC. Nul doute que le résultat des négociations dans le cadre de l'OMC déterminera la position française lors des négociations sur la réforme de la PAC. L'avenir de notre agriculture est aujourd'hui incertain. Certes, l'accord franco-allemand du 24 octobre dernier rassure à plus ou moins long terme les agriculteurs français. Mais la concurrence, entre autres produits, des blés ukrainiens ou des vins australiens et sud-africains, placés dans des conditions de production extrêmement avantageuses, démoralisent nos agriculteurs. Plus encore, le Farm bill américain voté le 2 mai dernier et qui s'élève à 175 milliards de dollars constitue une entorse très grave aux règles multilatérales de l'OMC. L'Europe doit à tout prix parler fort et d'une même voix pour défendre ses convictions et les accords signés. Le débat est urgent et mérite d'être lancé dès maintenant. Les agriculteurs comptent sur vous, monsieur le ministre, pour imaginer et construire sereinement l'agriculture de demain.
La majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen voteront les crédits destinés à votre ministère. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. André Lejeune.
M. André Lejeune. Le projet de budget de l'agriculture que vous nous présentez, monsieur le ministre, affiche une faible progression de 0,9 %, hors inflation, par rapport à 2002. Cependant, si l'on tient compte de la loi de finances initiale et de la loi de finances rectificative pour 2002, cette augmentation cache en fait une diminution de 3,5 % des moyens accordés à l'agriculture. Ce secteur n'est donc plus aujourd'hui une priorité pour le Gouvernement.
Certes, tout n'est pas négatif. Ayant moi-même été, avec M. Soisson, qui était alors ministre de l'agriculture, à l'origine de la création de la prime à l'herbe, je ne peux que me réjouir du nouveau dispositif destiné à la remplacer, la prime herbagère agri-environnementale, la PHAE, et de sa revalorisation. C'est là une mesure importante pour les zones d'élevage extensif. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les modalités techniques de son attribution, notamment le plafond, le calendrier de mise en oeuvre et les critères complémentaires d'éligibilité ?
En revanche, je m'interroge sur l'avenir que vous envisagez pour les contrats territoriaux d'exploitation. Décriés lors de leur création - M. de Montesquiou l'a souligné à juste titre - ils ont pourtant été vite reconnus par la profession comme de formidables outils de développement conciliant valorisation économique et protection de l'environnement - et, sur ce point, je ne partage plus l'avis de M. de Montesquiou !
Le CTE est en effet une très bonne disposition de la loi d'orientation agricole de juillet 1999, dont l'objet est de favoriser l'adaptation de l'agriculture aux besoins de la société. La notion de contrat entre l'agriculture et l'Etat, sur la base d'un projet global d'exploitation comportant un volet économique et un volet environnemental convenablement équilibrés, est une solution intelligente et dynamique.
Si la mise en oeuvre des CTE est une réussite, c'est qu'elle a été adoptée par la profession agricole. Elle a en effet provoqué la mobilisation de moyens importants, notamment à l'échelon des équipes techniques des organisations professionnelles, au premier rang desquelles les chambres d'agriculture. Elle a également reçu un très bon accueil de la part des agriculteurs, qui ont fort bien compris les multiples intérêts de la formule.
Si les CTE ont rencontré le succès, c'est aussi parce qu'il s'est avéré qu'ils constituent un facteur de rééquilibrage entre régions. En effet, de nombreux départements défavorisés ont su saisir cette chance : c'est ainsi que, dans mon département, 1 200 CTE étaient établis au début du mois d'août 2002, lorsque vous avez décidé, monsieur le ministre, d'interrompre la procédure. La Creuse se trouve donc, de ce point de vue, dans le peloton de tête des départements français.
Sur ces 1 200 CTE creusois, 150 étaient encore en cours d'instruction sous la responsabilité des services de l'Etat et n'avaient pas été soumis à l'agrément de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, la CDOA. Un nombre de projets au moins aussi important auraient pu être réalisés, ce qui nous aurait permis d'atteindre environ 3 000 CTE à la fin de 2003 ; près de 200 étaient en cours d'élaboration.
C'est dire l'extrême importance que cette disposition pouvait avoir pour le développement d'un département comme le nôtre, dont l'élevage est la principale activité.
Les conditions dans lesquelles les CTE ont été mis en sommeil traduisent un manque de respect envers les agriculteurs : précipitation, absence d'information, consigne donnée, paraît-il, aux directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDAF, de ne pas communiquer sur le sujet.
Chacun sait que le projet global de développement d'une exploitation agricole nécessite souvent une longue réflexion et des moyens financiers importants. Le fait de changer brutalement les règles du jeu dans un tel domaine, sans la moindre précaution et sans délai, est une attitude choquante qui a été ressentie comme telle par les agriculteurs. C'est d'ailleurs sous la pression de la base agricole que vous avez dû, monsieur le ministre, renoncer à votre projet de les supprimer totalement.
M. Jean-Marc Pastor. Très bien !
M. André Lejeune. Toutefois, les crédits du fonds de financement des contrats d'exploitation, le FFCTE, ne seront pas suffisants pour honorer les CTE qui auront été signés, qu'ils relèvent de la procédure transitoire ou qu'ils soient créés dans le cadre du nouveau dispositif que vous envisagez de mettre en place en 2003. Vous nous annoncez que des lois de finances rectificatives viendront compléter ce projet. Ce ne sont pour l'instant que des promesses qui n'offrent aucune garantie, surtout dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons.
J'en veux pour preuve les deux amendements présentés par la majorité du Sénat, qui visent à réduire les crédits de l'agriculture de 1 million d'euros : l'augmentation de 0,9 %, que vous affichez s'en trouvera singulièrement affectée ! (MM. Bernard Piras et Jean-Marc Pastor approuvent.) Je ne comprends pas ! Il aurait fallu garder ce million d'euros de crédits et l'affecter à d'autres secteurs !
M. Jean-Claude Carle. Ne votez pas les amendements !
M. André Lejeune. Soyez tranquille, monsieur le ministre, votre majorité vient à votre secours. Elle l'a dit lors de la réunion de la commission des affaires économiques : elle sera là pour voter votre budget, même s'il n'est pas bon.
M. Jean Bizet. Oh, cela oui !
M. Gérard César. Exactement !
M. Jean-Claude Carle. Elle est faite pour cela ! M. André Lejeune. Nous pouvons donc nourrir de sérieuses inquiétudes sur les moyens réellement accordés à l'agriculture pour 2003.
La politique des CTE ne doit pas être, comme on peut le craindre, vidée de son sens et ramenée à un catalogue d'aides environnementales, sans exigence de projet et sans perspective de développement.
Nous regrettons par ailleurs le traitement inégalitaire dont les CTE font l'objet, pour des raisons qui tiennent non pas à leur qualité, mais à leur seule date d'examen : le simple respect des engagements pris aurait voulu que tous les CTE élaborés avant le 6 août ou en cours d'élaboration à ce moment-là soient financés selon les règles en vigueur à cette date.
En ce qui concerne le plafonnement, nous aurions pu y souscrire si, dans le même temps, vous n'aviez pas supprimé la modulation, ce qui ne sera profitable qu'aux exploitants les plus aisés au détriment de la majorité.
M. Gérard Le Cam. Regrettable décision !
M. André Lejeune. Pensez-vous, monsieur le ministre, réformer le système des aides actuellement en vigueur, dans lequel, vous le savez, 80 % des crédits ne bénéficient qu'à 20 % des agriculteurs ? Pis : 5 % des agriculteurs, les plus aisés, en reçoivent 50 %, et ce ne sont pas des Creusois ! (Sourires.)
M. Jean-Marc Pastor. C'est tout à fait vrai !
M. Hilaire Flandre. C'est n'importe quoi !
M. André Lejeune. Ce sont les statistiques !
Ce sont pourtant les petites exploitations qui en ont le plus grand besoin, car ce sont elles qui assurent le maintien du tissu rural dans les régions défavorisées à faible population.
Aujourd'hui, l'agriculture française mérite une politique beaucoup plus ambitieuse - notamment pour ce qui est de l'installation - que celle que vous nous proposez. ( Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. )
M. Bernard Murat. Vive la Creuse !
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, jeudi prochain, vous serez une nouvelle fois l'invité privilégié des jeunes agriculteurs du Massif central à Clermont-Ferrand. Je ferai tout mon possible pour être à vos côtés.
Agir, prévoir, imaginer : tels sont les mots clés qui fondent l'engagement de ces jeunes agriculteurs, véritables défenseurs de cette agriculture de montagne qui a tant besoin d'être aidée et à laquelle ils sont si attachés !
Comme l'ensemble de mes collègues des zones de montagne, je vous sais gré de votre soutien et de votre implication généreuse pour le maintien d'une identité « montagne » active et opérante.
Agir, prévoir, imaginer : ces opérations correspondent aux ambitions du budget que vous nous présentez aujourd'hui et recouvrent un certain nombre d'initiatives et de moyens mis au service de l'agriculture. Permettez-moi de saluer ici le travail courageux qui fut le vôtre au moment de votre prise de fonctions.
Le précédent gouvernement avait mis en place un certain nombre de réformes - je ne le dis pas dans un esprit polémique - sans en avoir assuré le financement. Par votre pragmatisme et votre sens du terrain, vous avez su répondre aux absences et aux manquements auxquels vous avez été confrontés.
Prévoir : s'il faut chercher une caractéristique essentielle de notre société, aujourd'hui, c'est bien celle-ci. Prévoir, c'est aussi prévenir, anticiper, contrôler, améliorer. Votre souci permanent de transparence permettra au Gouvernement de respecter son obligation de maintenir et de renforcer la sécurité des aliments. Cette ambition est capitale lorsque l'on connaît la manière dont les événements successifs ont conduit à une exploitation médiatique excessive : pêle-mêle, je pourrais citer, comme nombre d'entre nous, la maladie de Creutzfeldt-Jacob, ou maladie de la vache folle, la tremblante ovine et caprine.
Mme Odette Terrade. Etait-ce la faute des seuls médias ?
M. Jean Boyer. En quelques jours, une filière a étécassée.
Force est donc de constater que l'obligation de promouvoir la qualité des produits doit devenir un objectif non seulement à poursuivre, mais à réaliser !
La montagne peut apporter des réponses concrètes à ces exigences, car elle porte en elle les germes d'un environnement de qualité, d'une nature préservée, d'une méthode de travail, et repose sur une agriculture extensive. Donnons-lui les moyens d'apporter sa participation pleine de vérité à cette évolution !
Agir : parmi les nouvelles priorités de votre ministère, vous accordez une large place à l'action, une action précise et essentielle là où les besoins sont importants.
On ne peut que saluer l'initiative que vous avez prise en faveur de l'élevage, monsieur le ministre, notamment la revalorisation importante de la prime herbagère. De même, encourager l'installation des jeunes est une condition essentielle du développement de notre agriculture, de sa pérennisation et de l'aménagement de notre territoire tout entier, y compris dans ses zones les plus fragiles.
Membre de la mission commune d'information sur la montagne, j'ai pu, avec certains de mes collègues présents ce soir, mesurer l'importance de cette activité traditionnelle qui, malheureusement, bénéficie aujourd'hui d'un niveau de soutien public inférieur à la moyenne nationale. Cette réalité est en totale contradiction avec les principes de légitime compensation du « handicap naturel » affirmés depuis plusieurs décennies par la législation française.
Puis-je, monsieur le ministre, vous faire également part de l'inquiétude suscitée par l'absence d'agrément officiel « organisation de producteurs » ? De telles organisations existent dans nombre de départements, et les producteurs de montagne qui y sont regroupés souhaitent bénéficier, eux aussi, des aides tant européennes que nationales ou départementales.
M. Bernard Piras. Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. Le Gouvernement les supprime !
M. Jean Boyer. Le temps de l'action est venu, le temps d'asseoir nos zones de montagne dans les cimes d'une authenticité retrouvée, d'une solidarité amplifiée, d'acteurs valorisés dans leurs missions.
Ainsi, les agriculteurs de montagne sont une nouvelle fois pénalisés, notamment par le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole tel qu'il a été arrêté en 2001 afin d'éliminer les zones les plus polluées. (M. le ministre approuve.) Victimes de leur bonne conduite, d'un espace plus harmonieux et d'une densité plus forte du cheptel, les agriculteurs de montagne ne peuvent bénéficier de ces crédits !
Permettez-moi, monsieur le ministre, de saluer votre décision d'évaluer la pratique contractuelle des contrats territoriaux d'exploitation. Il était nécessaire d'en tirer les enseignements, puis de bien cibler, comme vous le faites, les objectifs recherchés.
Puis-je formuler le souhait - sans vouloir créer de disparités - que la montagne bénéficie d'un traitement spécifique...
M. Gérard Le Cam. Elle va accoucher d'une souris, cette montagne !
M. Jean Boyer. ... et que le volet économique des contrats territoriaux d'exploitation soit déplafonné en zone de montagne afin que soit pris en compte le surcoût des investissements ? Compte tenu de la spécificité des productions et de leur nécessaire limitation, il importe que l'ensemble des éleveurs de montagne, aient la possibilité de contractualiser avec le maximum de souplesse, car, en zone de montagne vous le savez, mes chers collègues - on ne peut pas faire n'importe quoi. Il est impératif que tous ceux qui le souhaitent puissent s'engager dans cette pratique contractuelle.
Monsieur le ministre, il me paraît essentiel de rappeler les conditions dans lesquelles ont été instaurés en avril 1983 les quotas laitiers en zone de montagne. Il est important que les agriculteurs de nos montagnes ne restent ni sur place ni au bord de la route. Cette décision, loin de constituer un privilège, serait de nature à assurer l'amorce d'une véritable compensation de disparité.
En outre, il est souhaitable que l'on puisse cumuler avec la prime à l'herbe un contrat territorial d'exploitation afin que les mêmes surfaces puissent bénéficier d'autres mesures environnementales. (M. Bernard Piras applaudit.)
M. Jean-Marc Pastor. Mais alors, il ne faut pas supprimer les CTE !
M. Jean Boyer. La solidarité et la protection sociale du monde agricole revêtent également une importance toute particulière, cela a déjà été évoqué.
Nous devons nous attacher à la nécessaire évolution de ce régime, en particulier par l'instauration d'une retraite complémentaire obligatoire. Monsieur le ministre, soyez assuré de la reconnaissance des retraités, pour qui l'octroi de l'équivalent de 75 % du SMIC constitue non pas un privilège, mais bel et bien une avancée dans le sens de la parité et de la justice sociale.
S'agissant du budget annexe des prestations sociales agricoles, il est regrettable - car un élu doit parler un langage de vérité - que le prélèvement effectué en 2002 sur les caisses de mutualité sociale agricole soit reconduit en 2003, pour un montant de 28 millions d'euros. Vous le savez, monsieur le ministre, cette démarche risque de décourager les bons gestionnaires, mais également les adhérents des caisses concernées, sachant que l'intérêt du produit avait des retombées sociales importantes.
M. Gérard Le Cam. C'est vrai ! Ce n'est pas beau de puiser dans le budget de la MSA !
M. Jean Boyer. Malgré la grande volonté de votre Gouvernement, bien d'autres améliorations s'imposent. J'évoquerai pour terminer la nécessité d'une actualisation des aides publiques : je pense principalement aux aides à la qualité relatives à la collecte du lait en zone de montagne, à l'aide aux bâtiments d'élevage, à la revalorisation indispensable de l'indemnité compensatrice de handicap naturel, liée au surcoût qu'entraîne l'altitude.
Un seul exemple, monsieur le ministre : aujourd'hui, le montant maximum de l'aide aux bâtiments d'élevage se situe à près de 10 000 euros ; c'est peu lorsque l'on sait que le coût d'un bâtiment est de 250 000 euros. Un accompagnement financier de 4 % est insuffisant !
Imaginer, c'est aussi aspirer à une administration plus simple, plus cohérente, qui nous apporte une plus grande transparence. J'en veux pour preuve le financement du deuxième pilier ou du reste de la politique agricole commune : il est impératif de simplifier les procédures d'obtention des aides. Je sais que cette démarche est placée au coeur de vos priorités, monsieur le ministre, et je m'en réjouis.
Avec mes collègues, je sais par ailleurs que la formation est pour vous un investissement de premier plan, tourné vers l'avenir ; vous avez totalement raison de la concevoir ainsi.
M. Jean-Marc Pastor. Alors, pourquoi les crédits baissent-ils ?
M. Jean Boyer. Il importe d'élaborer une véritable appellation « montagne » réservée à des productions produites et transformées en montagne. Dans le prolongement de cet objectif, une démarche globale doit s'apprécier à l'échelon national, voire européen, et reposer sur une vraie politique européenne de la montagne. Cette condition essentielle est impérative si l'on considère aujourd'hui l'engouement avec lequel les consommateurs et les producteurs s'attachent à rechercher les signes de qualité.
Au coeur de contingences européennes et internationales éminemment difficiles à maîtriser, soumis à des enjeux financiers de taille, votre budget, monsieur le ministre, est volontaire et exemplaire. (M. Bernard Piras s'esclaffe.)
Il n'y a, cher collègue, que la vérité qui offense !
Votre budget, monsieur le ministre, se construit dans un souci de prévention, se dynamise dans l'action et s'ouvre à l'imagination. Merci, monsieur le ministre, de votre attention pour chacun de nos agriculteurs et de votre engagement à porter dans votre action l'attachement de la solidarité nationale aux affaires rurales.
C'est avec confiance dans la richesse de cette profession qui fut la mienne que je soutiendrai énergiquement votre action et vos ambitions pour l'avenir. C'est un sénateur des champs qui l'affirme avec foi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2003 s'équilibre à 14,625 milliards d'euros.
En recettes, les contributions professionnelles s'élèvent à 2 583,9 millions d'euros, soit 17 % du budget. Les taxes, c'est-à-dire la contribution sociale de solidarité des sociétés, la sécurité sociale et le fonds de solidarité vieillesse, ou FSV, représentent 78 % du budget, quand la participation propre de l'Etat est de 587 millions d'euros, correspondant à 4 %.
A cela s'ajoutent 31 millions d'euros prélevés, une fois encore, sur les caisses de la MSA, après la ponction, en juillet dernier, de 456 millions d'euros, sur ces mêmes caisses, ainsi que sur Unigrains et sur le fonds national de garantie des calamités agricoles.
En asséchant ainsi les réserves des caisses, notamment celles de la MSA, vous privez celles-ci de la possibilité de multiples prestations envers le monde agricole, et vous limitez leurs possibilités en matière de mensualisation des pensions. Je ne reviens pas sur le mécontentement qu'a provoqué ce qui a été considéré sur le terrain comme un « racket d'Etat ».
M. Jean-Marc Pastor. Oh oui !
Mme Odette Terrade. En dépenses, les prestations d'assurance vieillesse s'élèvent à 8,024 milliards d'euros, ce qui représente 55 % du total des dépenses ; celles de l'assurance maladie, à 5,75 milliards d'euros, soit 39,4 % ; les prestations familiales, à 581 millions d'euros, soit 4 %.
Quant à l'Etat, sa participation représente 4 % de ce budget, 4 % dont il fait grand bruit : il faut pourtant savoir que cela représente, en tout et pour tout, 290 euros par personne et par an, soit 1 900 francs. Est-ce vraiment le bout du monde pour celles et ceux qui ont contribué à relever la France d'après-guerre ?
Il est par ailleurs surprenant de voir le dispositifAgridif vidé de sa substance dans le projet initial, puis réapprovisionné de 10 millions d'euros par l'Assemblée nationale, dans une période où tant de crises affectent notre agriculture, comme le soulignait mon collègue et ami Gérard Le Cam.
Le Gouvernement et sa majorité qualifient d'irresponsables les mesures prises par le précédent gouvernement : mesures de revalorisation des retraites, que, chers collègues, vous n'aviez pas votées et mesures de retraite complémentaire obligatoire, que, elles, vous aviez pourtant votées. Je dois vous avouer que, sur le terrain, 90 % de ceux qui ont porté M. le Président de la République au pouvoir ne comprennent pas cette attitude.
A propos de la retraite complémentaire obligatoire, dont vous avez retardé l'application au 1er avril, je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur les décrets à venir, qui distingueraient deux catégories de retraités : d'une part, ceux dont la retraite de base a pris effet avant le 1er janvier 1997 et qui justifieraient de 32,5 années d'activité en tant que non-salarié agricole, dont 17,5 années comme chef d'exploitation ; d'autre part, ceux dont la retraite de base a pris effet entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2002, justifiant de 37,5 années d'assurance, tous régimes confondus, dont 17,5 années comme chef d'exploitation.
Ces décrets sont-ils bien de cette teneur ? Dans l'affirmative, monsieur le ministre, la profession souhaite donner aux intéressés le choix entre l'une ou l'autre de ces exigences.
Par ailleurs, le nombre d'exclus du champ d'application de ces décrets a-t-il été chiffré ?
Pour notre part, nous pensons que de nombreuses revendications justifiées en matière de retraite doivent alimenter le débat et les propositions à venir.
Premièrement, les plus faibles retraites doivent être exemptées de minorations et revalorisées plus fortement en pourcentage, afin de réduire les écarts.
Deuxièmement, un nouveau plan gouvernemental doit être mis en place pour relever les retraites de base des conjoints et aides familiaux à concurrence de 75 % du SMIC.
Troisièmement, une majoration forfaitaire pour les enfants doit être appliquée aux retraités.
Quatrièmement, la pension de réversion à hauteur de 54 % de la retraite complémentaire du conjoint décédé doit être rapidement mise en place : dès le 1er janvier 2003.
Cinquièmement, pour les carrières incomplètes, une juste proratisation pour les années passées en agriculture doit être appliquée jusqu'à 75 % du SMIC, tous régimes confondus.
Sixièmement, enfin, il faut mettre en place la mensualisation des pensions, qui est tant attendue.
Monsieur le ministre, l'avenir des retraites agricoles repose sur un engagement fort de la solidarité nationale, exprimée à travers la contribution de l'Etat, mais également sur une population agricole nombreuse et bénéficiant de prix rémunérateurs afin de pouvoir augmenter sa capacité contributive et de rapprocher le régime agricole du régime général.
Le projet de BAPSA pour 2003 ne donne pas de signes patents de l'évolution attendue du régime des retraites agricoles. Aussi le groupe communiste républicain et citoyen ne le votera-t-il pas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Ce projet provoque, chez certains, l'enthousiasme, chez d'autres le doute. Je me permettrai, pour ma part, d'énoncer quelques vérités qui, pour être évidentes, méritent tout de même d'être rappelées de temps en temps.
Notre agriculture est placée sous une double dépendance.
C'est abord la dépendance à l'égard des aides publiques, qu'elles soient nationales ou européennes. Il en résulte des prix à la consommation toujours plus bas, et ce aux dépens des producteurs, la plupart des intermédiaires se servant au passage, en particulier la grande distribution, qui tond les producteurs comme des moutons !
Les agriculteurs, qui vivent cela au quotidien, ont d'ailleurs manifesté voilà peu pour sensibiliser les pouvoirs publics et l'opinion aux difficultés qu'ils rencontrent dans leurs relations avec la grande distribution.
C'est ensuite la dépendance à l'égard du réseau bancaire, en particulier de la caisse de crédit agricole, qui est souvent partenaire de l'agriculture française pour le financement des trésoreries et des investissements.
Mes chers collègues, imaginez un seul instant la fermeture des robinets financiers. Que deviendrait notre agriculture ? Toute l'agriculture française, tout au moins la plus traditionnelle, c'est-à-dire celle qui pratique la production de plein champ et l'élevage, s'effondrerait, et avec elle toute une série d'activités qui y sont liées.
Est-il nécessaire de rappeler que la profession agricole veut vivre de son activité, vivre d'une économie de production et non d'une économie assistée ?
Si l'Europe, en même temps que tous les pays qui la composent, veut privilégier les prix à la consommation aux dépens des prix à la production, il faut qu'elle accepte d'en assumer les conséquences et cesse de transformer notre agriculture en bouc émissaire auprès de l'opinion publique, en l'accusant de tous les maux pour mieux se disculper de son eurocratie rampante, de ses déficiences et de ses échecs lors des négociations dans le cadre de l'OMC.
Monsieur le ministre, redonnez de la dignité à l'agriculture française, défendez la préférence communautaire et permettez à l'économie de prendre le pas sur l'administration.
Sans aucun doute, il faut encourager les producteurs à être de plus en plus soucieux de la protection de notre environnement, de la sécurité alimentaire et de la protection de nos ressources naturelles. Mais ces contraintes nouvelles liées à des normes de plus en plus exigeantes doivent trouver leurs répercussions dans les prix et faire partie intégrante de la politique de marché dont sont censés s'occuper les offices.
A ce propos, nous sommes en droit de nous interroger sur le véritable pouvoir des offices ou sur les moyens dont ils disposent pour agir véritablement sur l'orientation, la valorisation et la régulation des marchés, puisque c'est leur mission principale.
Quelle a été leur action devant le fait que les céréaliers aient aujourd'hui pour seule perspective un prix du quintal de blé à 50, ou 55 francs, soit 8 euros à 9 euros, alors que, dans les années soixante-dix, soit il y a trente ans, celui-ci atteignait 120 francs à 125 francs ?
M. Gérard Le Cam. Plus des primes PAC !
M. Alain Vasselle. Les éleveurs, quant à eux, rencontrent beaucoup de difficultés pour vendre des vaches allaitantes au-delà de 12 à 15 francs le kilo, soit 1,5 à 2 euros, alors qu'ils les vendaient il y a quinze à vingt ans entre 3 et 4 euros le kilo pour des carcasses de classe moyenne.
Cette misérable situation, à qui faut-il en attribuer la responsabilité ? Les offices ? L'Europe ? La grande distribution ? Les Américains ? Le syndicalisme agricole ? Est-ce une responsabilité partagée ? Et dispose-t-on des leviers qui pourraient faire changer le cours des choses ?
Ces questions, je ne doute pas que vous vous les êtes posées, monsieur le ministre, du moins je l'espère.
Avez-vous des réponses ? Que comptez-vous faire ? Rétablir le dialogue avec la profession ? Très bien ! Objectif atteint, me semble-t-il. Faire entendre raison à nos eurocrates ? Vous avez manifesté votre volonté d'y parvenir. Vos premiers résultats dans le cadre de la négociation de la PAC sont riches d'espoir. Je tenais à vous en féliciter et à vous encourager à tenir bon, tant pour le présent que pour l'avenir.
Vous avez, sur le plan national, rétabli le dialogue social avec les représentants des organisations professionnelles et amorcé les réformes nécessaires concernant certains dossiers sensibles. Vous avez levé le voile sur vos intentions, auxquelles nous ne pouvons que souscrire. C'est le cas, notamment, pour les CTE, dont nous pouvions appouver les objectifs mais dont les procédures et les financements devraient être condamés sans appel.
La modulation des aides, qu'a évoquée l'un de nos collègue tout à l'heure à mon sens d'une manière un peu caricaturale et en contournant le problème de fond, devait représenter une part déterminante du financement des CTE. Vous l'avez remise en cause : bravo ! J'espère que vous maintiendrez la suppression de cette disposition et qu'elle ne reviendra pas pénaliser à nouveau les agriculteurs.
Vous êtes également déterminé à mettre un terme à la complexité du dispositif des CTE, aux lourdeurs administratives, à la lenteur de l'instruction des dossiers, aux effets pervers qui se traduisent par des inégalités départementales. Vous avez aussi réexaminé la question de l'alimentation financière du CTE et fait face aux impasses laissées par vos prédécesseurs.
Nous ne pouvons que nous en féliciter et saluer l'arrivée des nouveaux contrats, les CAD, en espérant qu'ils prendront mieux en compte les données économiques de notre agriculture, qu'elles soient conjoncturelles ou structurelles. Ces contrats doivent absolument intégrer les nouvelles contraintes environnementales que l'évolution des normes ne cesse de faire peser sur l'économie agricole.
M. Bernard Piras. On en reparlera dans un an !
M. Alain Vasselle. De même vous vous êtes engagé à porter le fer là où cela fait mal, afin de ramener la grande distribution à la raison, d'agir sur la transparence des pratiques commerciales en sanctionnant les pratiques abusives, d'encourager des politiques contractuelles, de contrôler les pratiques commerciales, de renforcer l'interprofession. Toutes ces actions sont susceptibles de redonner à notre agriculture confiance en son avenir.
Si vous continuez dans cette voie, je ne doute pas que vous allez restaurer un climat serein dans les relations avec l'ensemble de la profession agricole et que celle-ci pourra espérer des jours meilleurs. C'est ce que je souhaite de tout coeur pour la profession, bien sûr, mais également pour notre pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le ministre, je tiens en préambule à saluer les dernières avancées sur le dossier agricole.
S'agissant d'abord des échéances internationales, la révision à mi-parcours de la PAC, annoncée comme imminente par le commissaire européen à l'agriculture, M. Franz Fischler, sera reportée et le calendrier adopté à Berlin en 1999 sera respecté.
Ainsi, le premier pilier de la PAC est conforté et les moyens qui lui sont consacrés seront garantis jusqu'en 2013. Si une évolution de la PAC paraît souhaitable, elle ne doit pas se faire au détriment de nos agriculteurs.
Sur le plan national, il conviendra de débloquer le produit de la modulation : 215 millions d'euros iront ainsi abonder le financement des actions du deuxième pilier, dont il faudrait simplifier le fonctionnement.
Je tiens à rappeler les avancées obtenues lors de l'examen du budget de l'agriculture à l'Assemblée nationale le 5 novembre dernier. Elles sont au nombre de six.
La nouvelle prime herbagère agri-environnementale est revalorisée de 70 % en moyenne, et la gestion du dispositif est distinguée de celle des CTE.
Le fonds de valorisation et de communication, prévu par la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, est doté de 2 millions d'euros.
L'installation des jeunes est favorisée par la création du fonds d'incitation et de communication pour l'installation, doté de 10 millions d'euros, même si un effort reste à faire en retirant la DJA de l'assiette des cotisations sociales des jeunes agriculteurs dans la mesure où elle est variable selon la date d'installation et donc source d'injustice.
La retraite complémentaire obligatoire sera mensualisée et appliquée dès le mois d'avril 2003. Nous pourrions cependant regretter qu'elle ne soit pas applicable dès le 1er janvier 2003. Cela étant, faire voter une loi est une chose ; la financer en est une autre...
La ligne Agridif est dotée de 10 millions d'euros, ce qui permettra d'assurer une transition avec le fonds de solidarité géré par la caisse centrale de la mutualité sociale agricole, la CCMSA. Mais je regrette que le fonds d'allégement des charges des agriculteurs, agrégé à cette ligne Agridif, bénéficie d'une dotation un peu trop réduite.
Les moyens consacrés au CTE, remplacé depuis le 29 novembre dernier par le contrat d'agriculture durable, qui comporte un volet économique et social, d'une part, et un volet territorial et environnemental, d'autre part, augmentent de 163 %.
Dans cette nouvelle démarche caractérisée par la simplification, le recentrage sur l'environnement, l'équité, la déconcentration, l'association plus étroite des collectivités ont été prévus ainsi qu'un encadrement budgétaire à partir d'une moyenne départementale de 27 000 euros par contrat sur cinq ans. L'ancienne formule prévoyait des montants moyens variant de 1 à 4 selon les départements, de 23 000 euros à 93 000 euros par contrat.
Nous adhérons totalement à ces principes, qui permettent d'éviter les dérapages passés et les iniquités territoriales, mais je souhaiterais que la « transparence GAEC » s'applique pour la détermination de la moyenne départementale des CAD.
Pour ce qui est du problème ponctuel de la transition entre les deux régimes et des dossiers en instance, nous comptons sur votre vigilance. Ce sujet est en effet très sensible dans notre département.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, je me permettrai d'attirer votre attention lors de la discussion des crédits sur le fonds national de garantie des calamités agricoles, sur l'assurance grêle ainsi que sur le financement des offices.
En conclusion, à la veille de l'élaboration du projet de loi en faveur de l'espace rural, et après votre communication du 20 novembre dernier, je tiens à vous dire que les thèmes que vous avez présentés ont retenu toute notre attention et que cette future loi est particulièrement importante pour nos territoires ruraux. Si vous étiez amené à mettre en place des groupes de travail, nous serions heureux d'y être associés.
Monsieur le ministre, vous le savez, dans la période que nous vivons, l'agriculture rencontre des problèmes économiques et humains importants.
Je vous remercie de la considération dont vous faites preuve à l'égard de ce secteur économique comme des hommes et des femmes qui pratiquent ce métier. Je vous félicite pour votre action, même si beaucoup reste à faire.
Avec le Président de la République et le Gouvernement, vous avez redonné une lueur d'espoir à notre agriculture et à nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera, d'une part, sur la nécessaire solidarité à l'égard des anciens, notamment, d'autre part, sur le besoin de préparer l'avenir, par le biais de l'enseignement agricole, de la formation professionnelle et de la recherche.
S'agissant du BAPSA, avant d'aborder les mesures proposées, je voudrais, monsieur le ministre, rappeler l'engagement tenu par la majorité précédente, notamment en matière de revalorisation des retraites des agriculteurs et, plus particulièrement, en faveur des plus faibles d'entre elles.
Si, au cours de la dernière décennie, des avancées partielles ont été enregistrées, ce n'est qu'à partir de 1997 que l'on peut parler d'une approche véritablement globale du problème. A cette date, un plan quinquennal a été mis en place et a été scrupuleusement respecté dans les lois de finances qui ont été successivement adoptées de 1998 à 2002.
Cet effort sans précédent des pouvoirs publics - il s'élevait à 3,2 milliards d'euros, je le rappelle - a permis de porter le niveau des retraites à hauteur du minimum vieillesse pour les chefs d'exploitation et les veuves et à hauteur du minimum vieillesse du couple avec la retraite du conjoint.
Ainsi, pendant ces cinq ans, le montant des retraites des chefs d'exploitation a progressé de 29 %, celui des veuves de 45 % et celui des conjoints et aides familiaux de 79 %.
Il faut ajouter que, en février 2002, a été votée à l'unanimité une proposition de loi visant à instaurer un régime de retraite complémentaire obligatoire, lequel devait permettre de porter le montant des retraites à 75 % du SMIC pour les chefs d'exploitation et à 54 % du SMIC pour les veuves, son financement étant assuré par les actifs et par une participation de l'Etat.
Je voudrais tout de suite m'insurger contre l'affirmation selon laquelle la précédente majorité aurait pris cet engagement sans en prévoir le financement. D'une part, n'oublions pas que cette proposition de loi a été votée à l'unanimité, ce qui rend responsable, si responsabilité il y a, le Parlement dans son ensemble. D'autre part, l'adoption de ce texte, presque dans l'urgence, avait pour finalité majeure - les débats l'ont bien montré - d'éviter que l'étude de ce dossier, tant de fois repoussée, ne soit de nouveau remise à plus tard.
M. Hervé Gaymard, ministre. Il y avait aussi les élections !
M. Bernard Piras. J'évoque ce bilan parce qu'il me paraît juste sur le plan de l'histoire de le rappeler, en dépit, notamment, de la volonté de certains de l'oublier, et parce qu'il permet d'établir une comparaison avec le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre.
Ce budget pour 2003 ne laisse pas transparaître une volonté farouche de franchir une étape nouvelle, pourtant nécessaire, en matière de solidarité. Ni mesures nouvelles, ni perspectives ne sont annoncées !
M. Gérard Le Cam. C'est vrai !
M. Bernard Piras. Plus grave, les engagemetns pris préalablement ne sont pas respectés.
Il en est ainsi, par exemple, du financement de la retraite complémentaire obligatoire. Alors qu'il était prévu une cotisation de 2,84 % et une participation de l'Etat de 150 millions d'euros, vous avez décidé unilatéralement de relever cette cotisation à 3 % et de diminuer la participation de l'Etat à 28 millions d'euros. Parallèlement, vous opérez un prélèvement de 31 millions d'euros dans les caisses de la MSA, alors même que l'effort de l'Etat s'est élevé, je le rappelle, en 1998, à 150 millions d'euros, en 1999, en 2000 et en 2001, à 240 millions d'euros, et, en 2002, à 340 millions d'euros. Par ailleurs, la mise en place du régime est repoussée au 1er avril 2003, alors qu'elle était prévue au 1er janvier. Un certain flou demeure également sur le financement futur de cette disposition.
Autre fait inquiétant : des problèmes restent en suspens. J'en veux pour preuve la situation inéquitable de certains conjoints collaborateurs ou polypensionnés, l'instauration d'indemnités journalières au chef d'exploitation en cas d'incapacité de travail pour maladie ou accident de la vie privée, la revalorisation du montant des pensions d'invalidité de l'assurance maladie, invalidité et maternité des exploitants agricoles, l'AMEXA, et l'instauration d'un capital décès pour les ayants droit du chef d'exploitation décédé.
La mensualisation des retraites, tant attendue et si légitime, est encore repoussée. Je connais les difficultés, nous les connaissons tous. Il n'empêche qu'il faut maintenant trouver des conclusions favorables sur ce dossier.
Plus préoccupante encore est l'aggravation de certaines situations. Il en est ainsi avec la disparition de la ligne « agriculteur en difficulté » alors même que notre agriculture est confrontée à des crises économiques et à des aléas climatiques importants. Je connais bien le problème dans mon département.
J'aborderai brièvement la question de la prochaine disparition du BAPSA. En application de la loi organique du 1er août 2001, le BAPSA devrait prochainement être intégré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Tout en étant consciente de cette nécessité, la profession tient à rappeler son attachement à un régime susceptible de prendre en compte les spécificités agricoles et la nécessité de disposer de services de proximité fonctionnant avec des représentants de la profession élus. Une telle réforme exigera bien évidemment une réelle concertation.
J'en viens à l'enseignement agricole, à la formation et à la recherche.
Ce sont des domaines pour lesquels un effort particulier doit être réalisé, tant en raison des réussites enregistrées que du fait de la phase transitoire dans laquelle se trouve l'agriculture, et même le monde rural, actuellement.
Le budget qui nous est présenté est marqué par la volonté d'augmenter les dotations accordées en faveur de l'enseignement privé qui reçoit 60 % des élèves de l'enseignement technique agricole. Cet objectif est sans doute louable et justifié.
Je constate néanmoins - sans aucune volonté de réveiller de vieilles querelles désuètes - que l'enseignement public voit pour sa part ses moyens diminuer : quarante-huit suppressions d'emplois d'enseignant dans le technique et huit suppressions d'emploi d'IPAC, ou ingénieurs, professeurs, agrégés, certifiés, dans le supérieur. C'est fort regrettable.
De plus, un amendement tend à diminuer davantage encore les crédits de l'enseignement supérieur agricole public. Je m'y opposerai très énergiquement tout à l'heure.
M. Gérard Le Cam. Nous aussi !
M. Bernard Piras. Si, pour préparer l'avenir, on supprime les crédits et la réflexion sur l'enseignement, il y a quelque chose qui ne va pas !
Supprimer des postes alors que, par exemple, le rapport Moulias soulignait le manque de postes d'enseignant ne va sûrement pas dans le bon sens, monsieur le ministre.
Ajoutons à cela que la résorption de la précarité est réduite au minimum, puisque les déprécarisations ne se feront que sur des postes vacants ou sur des départs en retraite.
A contrario, je vous rappelle que, ces dernières années, de nombreux postes ont été créés et que la loi sur la résorption de la précarité a été respectée.
Je ne pense pas que le budget qui nous est présenté soit adapté aux enjeux annoncés. Il ne répond assurément pas à une politique ambitieuse en matière d'enseignement agricole.
Le problème est là ! Comme l'a indiqué Mme Ferat dans son rapport, il est préjudiciable que l'élaboration du quatrième schéma prévisionnel des formations, qui doit fixer les orientations de l'enseignement agricole pour la période 2003-2008, n'ait pas débuté.
La majorité précédente avait, dans le cadre du projet pour le service public de l'enseignement agricole, le PROSPEA, engagé cette démarche.
Il est indispensable que l'enseignement agricole puisse s'adapter aux nouveaux enjeux de l'agriculture et du monde rural dans sa globalité.
Je souhaite, monsieur le ministre, que ce travail puisse rapidement commencer.
Enfin, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur la situation dramatique des arboriculteurs de la Drôme, en particulier, et de l'arboriculture française en général. J'attends de votre ministère de vraies réponses, un vrai dialogue, parce que je sens qu'il risque d'y avoir des explosions sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de l'agriculture pour 2003 dont nous discutons aujourd'hui est un budget de transition. En effet, une remise à plat des différents engagements pris antérieurement était nécessaire, le budget précédent ayant sous-estimé toute une série de mesures, allant même jusqu'à oublier de les financer !
Il faut ajouter à cela un contexte international particulièrement difficile avec des enjeux très importants pour notre agriculture, tant sur le plan de l'Organisation mondiale de la santé que sur celui de la politique agricole commune.
Il faut d'ailleurs se féliciter de l'accord franco-allemand conclu grâce au Chef de l'Etat et portant sur le principe du maintien des aides directes jusqu'en 2006 avec, en contrepartie, l'engagement de contenir ultérieurement les dépenses de la PAC.
Les inquiétudes du monde agricole français sont grandes tant la réforme de la PAC à mi-parcours reste floue et incertaine, sans parler du fait que l'élargissement à dix autres pays supplémentaires rendra inévitable un redéploiement des dépenses agricoles.
Néanmoins, une des priorités de ce budget est la volonté affichée de voir se développer une agriculture plus compétitive sur le plan économique, tout en se voulant plus respectueuse de l'environnement et dans le cadre du développement rural. Nous devons pour cela encourager nos agriculteurs à adopter une vraie politique de la qualité et favoriser le développement d'un réel esprit d'entreprise. De nouvelles stratégies doivent dès lors être envisagées pour renouveler le développement agricole. Monsieur le ministre, avez-vous quelques pistes à nous soumettre sur ce sujet ?
Un premier pas a été fait avec la mise en place annoncée pour le printemps 2003 d'une nouvelle prime herbagère dans le cadre des mesures agri-environnementales. Elle se substituera à l'actuelle prime qui vient à échéance à la fin de l'année. On peut ici s'interroger sur l'articulation de la prime herbagère avec les CTE. Qu'en est-il exactement, monsieur le ministre ?
Je me réjouis à ce sujet du nouveau dispositif qui va être mis en place concernant les CTE. De très grandes disparités étaient apparues et l'efficacité des mesures contractualisées paraissait bien dérisoire au regard des objectifs environnementaux visés.
J'aimerais à cet égard, monsieur le ministre, avoir des précisions en ce qui concerne les CTE passés en commission départementale d'orientation agricole mais non encore signés et les CTE dont l'instruction est terminée mais qui ne sont pas encore passés en commission. Pouvez-vous m'indiquer également dans quel délai le nouveau dispositif sera effectif ?
Je me permets enfin d'attirer votre attention sur les mesures antérieures OLAE-MAE, les opérations locales agri-environnementales - mesures agri-environnementales -, qui servaient à protéger les prairies humides dans les marais atlantiques. Quatre cents contrats de ce type arrivent à échéance en 2002-2003 et l'incertitude est totale concernant la transformation de ces contrats en CTE. Quelles sont, monsieur le ministre, les dispositions que vous comptez prendre à ce sujet ?
L'une des pistes à suivre en matière de compétitivité est de soumettre les exploitations au droit commun dans le plus grand nombre de domaines possible. L'attente est très forte en termes de prise en compte des investissements, de transmission des exploitations et d'aménagement de la TVA. Bon nombre d'exploitants viticoles de mon département seraient très favorables à ces mesures.
La Charente-Maritime et la Charente connaissent depuis de nombreuses années une crise viticole profonde qui résulte essentiellement d'une superproduction chronique. En effet, malgré la crise asiatique, les ventes de Cognac se sont maintenues à un bon niveau.
Il faut cependant conserver notre capacité d'exportation ainsi que notre potentiel de vente sur le marché intérieur. Cela implique une inévitable restructuration du vignoble charentais.
L'une des solutions pourrait être d'encourager une politique d'arrachage volontaire en faveur des producteurs âgés et sans successeur avec une prime à l'hectare suffisante. Une telle solution compléterait utilement la politique de reconversion et éviterait d'encombrer le marché des vins de consommation courante, lequel doit déjà faire face à une concurrence étrangère de plus en plus vive.
La reconversion de 5 000 hectares de vignes en vin de pays charentais et l'abandon pur et simple de 5 000 autres hectares de vignes sont-ils suffisants ?
Le rééquilibrage du marché de la région délimitée Cognac me semble devoir passer par la suppression de plus d'hectares de vignobles. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire où en est la réflexion sur l'avenir du vignoble charentais ? Qu'en est-il de ces questions au niveau européen ?
Je traiterai enfin du fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, et de son financement.
Nous avons eu un débat sur ce point ici même, lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances - il s'agissait de l'article 23 bis. A cette occasion, le Gouvernement, par la voix d'Alain Lambert, s'est engagé à ce qu'il ne manque pas un euro pour mener à bien les travaux dont nos départements ont tant besoin.
Ma préoccupation est simple : pouvez-vous me confirmer cet engagement ?
En effet, monsieur le ministre, la Charente-Maritime - mais nous ne sommes pas les seuls dans ce cas - a des projets d'aménagements en matière d'adduction d'eau potable qui sont vitaux pour la région. Vous comprendrez qu'il nous semble essentiel que l'engagement pris devant le Sénat soit tenu.
Naturellement, monsieur le ministre, c'est en confiance que je voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Larifla.
M. Dominique Larifla. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget se veut la traduction d'une politique ambitieuse. Aussi, permettez qu'il soit l'occasion, pour moi, d'attirer votre attention sur la situation des deux filières agricoles traditionnelles de la Guadeloupe.
Huit ans après sa mise en place, le bilan du plan de restructuration de la filière canne-sucre-rhum initié en 1994 appelle une relance de la modernisation du secteur.
Elle seule permettra en effet d'en renforcer la compétitivité et l'attractivité pour en faire, s'agissant de la production du rhum par exemple, une filière d'excellence de l'agriculture française.
Le plan de 1994 est venu répondre à l'urgente nécessité d'une stratégie de sauvegarde pour enrayer ce qui apparaissait comme la mort inéluctable de la filière.
Il est apparu à cette période, d'une part, que la filière n'était pas viable en l'état, et que l'on ne pouvait escompter atteindre un équilibre financier global et, d'autre part, qu'il fallait mettre en place les conditions permettant de parvenir à un niveau de production de 800 000 tonnes par an. Cela supposait un outil industriel d'une capacité de broyage de 8 000 tonnes de cannes par jour.
Si on ne peut aujourd'hui parler d'une situation catastrophique, il n'en demeure pas moins que certaines contraintes subsistent, entravant une amélioration des résultats, car - il faut le souligner - les planteurs se sont, globalement, mobilisés massivement afin de réaliser les objectifs fixés.
Tout d'abord, une structuration institutionnelle a permis une meilleure coordination de la filière sur le plan tant des méthodes et des pratiques culturales que de l'organisation de la production et de la récolte ou de l'encadrement technique des planteurs.
Par ailleurs, le niveau et la qualité de la récolte dépendent de facteurs conjoncturels et structurels.
Il faut donc compter avec les variations climatiques. A cet égard, la campagne 2002 s'est caractérisée par sa faiblesse saccharimétrique, en raison d'un fort taux de pluviométrie.
Structurellement, l'une des problématiques de l'économie cannière en Guadeloupe réside dans l'amélioration des conditions de récolte et de transport des cannes aux usines.
Ce qui précède découle, pour une large part, du schéma de restructuration des unités sucrières, qui a conduit à une centralisation autour d'un outil industriel, l'usine de Gardel, sur l'un des sites existant, couplé à une centrale bi-combustible charbon-bagasse.
Dès lors, l'acheminement de la récolte, compte tenu des problèmes de stockage posés par les centres de transferts, génère des surcoûts.
Enfin, si la capacité de broyage de l'usine de Gardel s'est améliorée, à ce jour, elle n'atteint pas l'objectif, arrêté en 1994, de 8 000 tonnes de cannes broyés par jour.
Dans ces conditions, à un niveau de récolte donné, des cannes ne peuvent être récoltées dès lors que l'outil industriel, ajouté aux autres contraintes opérationnelles de récolte, n'est pas en mesure de brasser la totalité de celle-ci.
Toutefois, au-delà de ces aspects locaux, qui dit compétitivité dit contexte international, et j'en arrive, monsieur le ministre, à ce qui constitue ma question.
L'ouverture du marché européen aux pays les moins avancés, les PMA, la libéralisation progressive du marché du sucre, alors même que régressent les quotas attribués à la Guadeloupe, justifient à mon sens d'agir en faveur du renforcement de la compétitivité de la filière canne.
Monsieur le ministre, vous demander de relancer la modernisation et de défendre la position de cette production sur le marché international, c'est vous demander de créer les conditions pour permettre, comme je le disais, l'émergence d'une filière d'excellence. J'écouterai avec attention votre réponse sur ce point.
J'annonçais, en introduction de mon propos, deux secteurs. Comme vous vous en doutez, la banane, est le second.
Je n'ignore pas que vous avez, avec Mme la ministre de l'outre-mer, été interpellé à différentes reprises sur la situation de la banane.
Je n'ignore pas davantage l'annonce de la mise en place d'une étude technique de l'organisation commune de marché. Soyez assuré que je réserverai un examen attentif à ce dossier.
Toutefois, je ne peux m'empêcher de vous rappeler les problématiques de la filière banane en Guadeloupe.
Elles s'articulent autour de trois points.
Tout d'abord, la fragilité financière du groupement des producteurs empêche ce dernier d'assumer seul une nécessaire réorganisation du secteur.
Ensuite, sur un plan strictement cultural, le secteur connaît des handicaps qui sont des freins à l'amélioration des rendements. Il convient ainsi d'agir tant sur les infrastructures, à travers l'extension des réseaux d'irrigation, que sur les coûts des intrants dans le cadre de la lutte contre les infections. En effet, cela représente pour de nombreux producteurs un coût impossible à supporter.
Enfin, il ressort de l'analyse du coût par tonne de banane l'existence d'un manque à gagner. En effet, l'impossibilité de réaliser des économies d'échelle, compte tenu du réseau routier, oblige les producteurs à supporter les charges d'acheminement qui seraient moindres avec un tonnage supérieur. Là encore, cela appelle une action conjointe des pouvoirs publics locaux et nationaux. Votre réponse, monsieur le ministre, déterminera le sens de mon vote. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de l'agriculture pour 2003 s'annonçait a priori comme tout simplement historique.
En effet, ainsi que l'expliquaient au printemps dernier à longueur de discours le Président de la République, candidat à sa réélection, et ses partisans, la mort du monde paysan était toute proche, à moins bien sûr que de nouveaux gouvernements ne viennent à sa rescousse.
Or c'est à présent chose faite, et voilà que le salut est en vue pour l'agriculture française et pour celles et ceux qui en vivent : le 10 septembre dernier, le Premier ministre lui-même n'a-t-il pas proclamé l'agriculture « grande cause nationale » en inaugurant le seizième salon des productions animales, à Rennes ?
La représentation nationale attendait donc avec une sereine impatience la traduction budgétaire de l'affichage de cette priorité gouvernementale, au même titre que la sécurité, la justice ou la défense, pour citer les priorités plus médiatisées.
Or que constatons-nous en définitive ? Le projet de budget de l'agriculture pour 2003 s'établit à 5,154 milliards d'euros, soit une baisse de 0,9 %, contre une augmentation de 2,7 % du budget général.
Il est vrai que le Gouvernement a préféré présenter le projet de loi de finances pour 2003 en se référant à la situation après la loi de finances rectificative votée cet été, et que la hausse du budget général n'est alors que de 0,2 %.
Comparons donc les crédits de l'agriculture à leur niveau après collectif budgétaire : force nous est de constater, et le rapporteur spécial de notre assemblée en convient dans son rapport, que le budget présenté pour 2003 est en diminution de 3,76 % par rapport aux crédits initiaux. Voilà une « grande cause nationale » bien mal partie !
Bien entendu, M. le rapporteur spécial du Sénat, comme celui de l'Assemblée nationale, entonne l'air de l'héritage. Mais dans ce cas, pourquoi d'autres départements ministériels n'ont-ils pas connu le même sort ?
Ainsi, alors que le Gouvernement dépense sans compter pour financer les missions du ministère de l'intérieur, il lésine sur celles du monde agricole.
« La route est droite mais la pente est forte », a déclaré le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, le 3 juillet dernier. En ce qui concerne l'agriculture, la pente sur laquelle le nouveau gouvernement l'a placée est effectivement forte, mais dans le sens de la baisse !
Avec pour donnée de base ces moyens si chichement consentis, il nous reste à examiner si l'action de l'Etat sera mise, comme ces cinq dernières années, au service d'une agriculture multifonctionnelle, diversifiée, dynamique, performante et sûre, au service d'un territoire et des hommes qui y vivent.
Une agriculture du xxie siècle, ce sont tout d'abord des modes de production davantage respectueux de l'environnement et, à cet égard, la nouvelle prime herbagère agri-environnementale prévue pour 2003 apparaît pour l'heure particulièrement floue, alors même que l'idée paraît judicieuse. Il serait souhaitable que le Gouvernement ne s'abrite pas derrière la date du 30 avril prochain pour éluder les questions que les exploitants nourrissent à ce propos.
Un autre dispositif avait été imaginé par le précédent gouvernement afin de promouvoir le développement durable dans le monde agricole : les CTE. Sans revenir sur le procès en sorcellerie qui leur a été fait, et alors que la FNSEA défend aujourd'hui ce projet qu'elle avait combattu, nul ne peut contester qu'après leur blocage les nombreux exploitants désireux d'en signer un auront dû attendre l'achèvement de l'élaboration d'un nouveau dispositif.
Ce dernier a - enfin ! - cessé, en fin de semaine dernière, de jouer les Arlésiennes pour se révéler un véritable lit de Procuste !
En effet, les contrats d'agriculture durable devront respecter une moyenne départementale de 27 000 euros par contrat : il faudra nous expliquer comment l'équité entre les différents dossiers sera assurée !
De toute manière, avec ce montant, leurs signataires sont déjà prévenus : ils percevront moins d'aides de l'Etat pour exercer leurs activités en respectant de bonnes pratiques environnementales ; dans un budget marqué par une austérité autant avérée qu'inavouée, c'est peut-être là l'essentiel !
A ce propos, il nous était annoncé « la relance de l'installation ». Or le nombre d'installations qui sera finançable par les crédits qui nous sont soumis sera stable par rapport à celles du précédent exercice budgétaire. Du reste, les crédits des stages de préparation à l'installation sont tout juste reconduits.
Il est aussi assez étrange de voir incluses dans l'assiette des cotisations sociales agricoles les dotations aux jeunes agriculteurs, comme si l'Etat reprenait d'une main ce qu'il daigne accorder de l'autre. A ce propos, nous souhaitons la mise en place le plus rapidement possible de prêts de carrière à échéance longue et à taux d'intérêt bonifié, pour donner un coup de fouet à l'installation.
D'ailleurs, la préparation de l'avenir de la profession ne semble pas particulièrement prioritaire puisque les crédits consacrés à l'enseignement et à la formation n'augmentent au bénéfice quasi exclusif des établissements privés que de 1,32 % en dépenses ordinaires, contre 2,2 % dans le budget de 2002.
Plus généralement, la préparation de l'avenir de l'agriculture pâtit cruellement du manque d'intérêt du nouveau gouvernement pour la recherche puisque, l'an prochain, l'ensemble des crédits publics de recherche sur les secteurs agricole et agro-industriel baissera de 10 % par rapport à leur niveau de 2002.
Enfin, comment préparer l'avenir et donc attirer des vocations si les jeunes agriculteurs potentiels ont en perspective une fin de vie difficile du fait d'une retraite insuffisante ?
De ce point de vue, sur l'initiative de parlementaires socialistes, un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition pour les non-salariés agricoles a été créé par la loi du 4 mars 2002, et il n'est que justice que l'Etat vienne participer à son lancement et qu'il accorde une enveloppe financière supplémentaire, équivalente à celle des années précédentes.
Reste à nous éclairer sur le calendrier de publication des décrets d'application de cette loi et sur l'éventuelle mensualisation du paiement des retraites agricoles à l'image de ce dont bénéficient les artisans et commerçants depuis respectivement 1999 et 2000.
A cet égard, je souhaite aussi mettre l'accent sur les problèmes de l'élevage aujourd'hui.
On constate d'abord la stagnation de la dotation pour la part nationale de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes qui avait été accrue de 80 % ces trois dernières années.
Permettez-moi d'exprimer trois voeux.
Tout d'abord, dans le deuxième programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA II, n'imposons pas la mise aux normes des exploitations agricoles appelées à disparaître dans les dix ans qui viennent, afin de ne pas condamner les petites exploitations d'élevage, qui disparaîtraient rapidement.
Ensuite, je vous demande expressément de soutenir - je pense que c'est effectivement l'un de vos objectifs - l'élevage lié à l'herbe par une prime spécifique, ce qui évitera la mise en labours intempestive pour cultiver du maïs. Cette évolution conduit - je peux en constater les effets néfastes dans la région de l'Avesnois, dans le département du Nord - à une destruction des bocages dommageable pour l'environnement.
M. Hilaire Flandre. Et aussi pour la chasse !
M. Paul Raoult. Enfin, il serait judicieux de compléter le code des marchés publics afin d'autoriser les gestionnaires publics de restauration collective à retenir les races des animaux et la proximité des fournisseurs comme critères de sélection.
En conclusion, monsieur le ministre, notre groupe a pris la mesure de l'insuffisance des moyens qui nous sont proposés cette année dans le projet de budget pour l'agriculture. Il constate l'écart entre les promesses qui ont été faites aux campagnes pendant la campagne pour l'élection présidentielle et les crédits qu'il nous est proposé de leur attribuer. Il conteste enfin l'emploi prévu de ces crédits. Le groupe socialiste votera donc contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le ministre, je profiterai de l'examen des crédits budgétaires consacrés à l'agriculture pour souligner quelques points et notamment me réjouir des nouvelles orientations que vous souhaitez donner à votre ministère afin de favoriser la modernisation et l'évolution permanente de notre agriculture.
Premièrement, j'apprécie les efforts consacrés à l'installation des jeunes et à l'enseignement agricole. Un tel engagement est une réelle priorité, car il faut bien reconnaître que l'agriculture n'attire plus. La tension perpétuelle sur les prix, dont le mode de fixation traduit une concurrence de plus en plus vive, entraîne une diminution constante du revenu des agriculteurs.
En dix ans, le prix des céréales a baissé de 45 %, le prix de la viande de 35 %. Cette situation n'encourage pas les jeunes à s'installer dans ce métier. On observe ainsi que la majorité des terres constituant les petites ou moyennes exploitations profite à l'élargissement, faute de repreneur potentiel. Cette évolution est très préjudiciable au dynamisme des zones rurales. Les chiffres du dernier recensement ne font en effet que confirmer la tendance au vieillissement de la population et à la désertification de certaines campagnes.
Tout doit donc être mis en oeuvre pour redonner le goût de cette profession à un certain nombre de jeunes, car les perspectives d'installation sont véritablement pessimistes et entraîneront à terme de graves difficultés au regard de l'aménagement et de la gestion de l'espace rural. Cela passe par une revalorisation des revenus et, par conséquent, par un partage plus équitable de la valeur ajoutée, c'est-à-dire une moralisation des rapports avec la grande distribution. J'aurais aimé approfondir cette question fondamentale mais, malheureusement, le temps qui m'est imparti ne me le permet pas.
Deuxièmement, je note avec satisfaction que vous abordez la question du financement du régime de retraite complémentaire agricole. Au cours de la dernière législature, le Parlement s'était exprimé en faveur d'un système pour améliorer les perspectives de retraite des exploitants en activité et pour servir immédiatement un complément de retraite aux actuels retraités, mais le gouvernement précédent n'avait pris aucun engagement financier pour soutenir ce régime, qui présente un important déséquilibre démographique auquel il faut faire face. Les 28 millions d'euros inscrits au budget permettront l'entrée en vigueur de ce dispositif dès 2003.
Je me félicite également de la nouvelle lisibilité financière pour l'agriculture française dessinée au niveau européen.
Je tiens à saluer votre engagement aux côtés du Président de la République lors du récent Conseil européen, qui aura permis, d'une part, une reconsolidation de l'axe franco-allemand et, d'autre part, le maintien de la politique agricole commune dans sa forme actuelle jusqu'en 2006, afin de préserver les engagements pris en commun à Berlin en 1999. Les conclusions de ce Conseil permettent donc d'obtenir un financement assuré et surtout maîtrisé jusqu'en 2013.
Je note également avec satisfaction votre souci de maintenir un haut niveau de sécurité sanitaire de l'alimentation de nos concitoyens. Si la France a levé l'embargo sur le boeuf britannique, elle aura su le faire en réservant cette importation à partir de quelques abattoirs, objets d'une surveillance particulière, en obligeant un étiquetage des viandes incluant le pays de naissance, d'élevage et d'abattage de l'animal, cet étiquetage s'adressant également - c'est une première - à la restauration hors foyer.
Toutefois, ces aspects très positifs ne doivent pas nous fait perdre de vue d'autres sujets essentiels pour préparer l'avenir.
Tout d'abord, il est indispensable de penser d'ores et déjà, dans la sérénité et loin de toute contrainte, la politique agricole commune de l'après 2006. En effet, j'estime qu'il aurait été de mauvaise stratégie de s'engager dès maintenant dans une renégociation de la PAC peu de temps avant l'élargissement de l'Union européenne et surtout avant les négociations de l'Organisation mondiale du commerce, dont la prochaine étape est fixée au 23 mars 2003 à Genève.
Je ne suis pas de ceux qui pensent que le découplage des aides et de la production, même si l'on doit irrémédiablement, à terme, y tendre, positionnerait favorablement l'Europe dans les négociations internationales, à un moment où nos principaux concurrents, tels les Etats-Unis, renforcent leur propre système d'aides individuelles.
L'examen détaillé du Farm Bill, qui représente 158,1 milliards de dollars d'aides, dont 70 % sont couplés aux volumes de production, est, sur ce point, édifiant. J'aimerais, sur ce sujet particulier, rappeler l'extrême vigilance dont nous devrons faire preuve au sein de l'OMC.
Abordant le délicat problème des biotechnologies, j'attire votre attention sur la transcription prochaine en droit national de la directive 2001/18/CE et d'une partie de la directive 1998/44/CE.
Cette transcription ainsi que le rapport de la commission d'information sénatoriale relative aux enjeux économiques et environnementaux des organismes génétiquement modifiés devraient donner lieu à un débat. Je souhaite que, au sein de cette assemblée, nous ne le fuyions pas. Je n'ignore pas que l'acceptation sociétale sur ce sujet est négative, car elle est influencée par des associations ou coordinations, certes très minoritaires, mais particulièrement agissantes, refusant davantage ce modèle de développement plutôt que les bases scientifiques de cette nouvelle forme de sélection variétale. Ce débat est devenu un débat de société, et le Sénat, qui défend une culture d'avenir, ne peut rester étranger à cette délicate question.
Depuis cinq ans, nous vivons sous « moratoire ». Il faudra bien en sortir, sauf à considérer que la France et l'Europe s'enferment dans un modèle de développement qui entraînera un contentieux avec l'OMC, au travers du refus des échanges internationaux de produits OGM, et un risque de dépendance de notre agriculture.
Après le débat de société, le temps de la décision politique, monsieur le ministre, approche.
Je me réjouis de la décision prise le 28 novembre par les quinze ministres de l'agriculture sur l'étiquetage des produits OGM, même si j'aurais préféré un seuil plus élevé facilitant à terme une meilleure lisibilité.
Président de la mission d'information que j'évoquais, il me semble que la Haute Assemblée est prête à aborder avec rationalité, objectivité et sans passion cette délicate question. Le rapporteur de cette mission, Jean-Marc Pastor, et l'ensemble des membres m'en ont fait, précisément, la confidence.
Ce gouvernement, suivant en cela les recommandations des quatre sages nommés par le précédent gouvernement et réunis au Conseil économique et social les 4 et 5 février 2001, s'honorerait en formalisant une loi fondatrice des biotechnologies dans notre pays, loi s'intégrant dans l'approche, que j'approuve pleinement, et la dimension européenne souhaitée par les commissaires européens de l'agriculture, de la recherche et du commerce.
Sans plus attendre, monsieur le ministre, je vous confirme ma décision de voter votre budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Le projet de budget que vous nous proposez pour 2003, monsieur le ministre, avec une baisse réelle de 3,5 %, de 15 % pour les offices, voire parfois de 33 % sur certaines interventions, ne me semble correspondre ni aux priorités définies par M. le Président de la République au salon de l'agriculture ni à celles de M. le Premier ministre au salon des productions animales, à Rennes, notamment en ce qui concerne la solidarité nationale.
Ce budget - et je le regrette - est à mon avis source d'inégalités pour bon nombre d'exploitants, car il rompt avec le souci de justice sociale qui a animé l'action gouvernementale ces cinq dernières années et qui, contrairement à ce que certains se plaisent à affirmer, a eu sa traduction budgétaire, comme l'a déjà fait remarquer mon collègue Bernard Piras. Cette non-reconnaissance des problèmes sociaux spécifiques du monde agricole et rural, notamment dans certaines régions, a commencé avec votre décision, monsieur le ministre, de supprimer la modulation des aides qui ne touchaient que les exploitations les plus aisées.
Elle se confirme dans votre budget, tout d'abord avec la sous-dotation des mesures en faveur des agriculteurs en difficulté, alors que le nombre de ces derniers ne cesse d'augmenter et que les crises ne sont ni passées ni à venir : elles sont malheureusement et douloureusement d'actualité. Je ne prendrai qu'un seul exemple parmi beaucoup d'autres dans ma région : la crise de la volaille en Bretagne.
Dans mon département du Morbihan, tous les éleveurs sont touchés. Les vides sanitaires pour les poulaillers, par exemple, qui, d'habitude, varient de dix à quinze jours, durent actuellement entre trente-cinq et quarante jours pour les plus chanceux ! La situation est encore pire pour les éleveurs de dindes, car certains ne verront rien venir avant le mois de janvier. Cela se traduit, bien sûr, par un manque à gagner insupportable, à court et à moyen terme, mais le phénomène perdure et se multiplie.
Alors comment accepter la baisse significative des aides en faveur des agriculteurs en difficulté ? En effet, le regroupement des lignes consacrées au fonds d'allégement des charges et aux actions en direction de ces mêmes agriculteurs fait apparaître en réalité une réduction de 14 % de ces crédits.
Comment ne pas s'étonner également de l'absence de dotation au fonds national de garantie des calamités agricoles ? Même si vous évoquez, monsieur le ministre, la possibilité de reporter des crédits supplémentaires en cas de nécessité, on peut s'interroger sur leur possibilité réelle d'existence, alors que des mesures encore plus drastiques d'économie sont demandées, ici même, au Sénat.
Ces reports, je le crains, ne suffiront pas à combler les manques. D'autant que ce même prétexte des reports est avancé pour justifier la baisse de 15 % des crédits de fonctionnement des offices, alors qu'ils demeurent d'une importance vitale pour l'adaptation structurelle des filières.
Cette baisse, qui, pour certaines actions, atteint même 33 %, signifie clairement que la possibilité de soutenir les filières existantes ou à venir et que le souci de restructuration de certaines filières agro-alimentaires sont remis en cause. C'est un choix politique qui me semble inégalitaire et dangereux, à un moment où certaines filières doivent s'organiser pour ne pas disparaître.
Pourtant, ces mêmes offices avaient vu leur rôle accru grâce à la loi d'orientation agricole de 1999, qui permettait des accompagnements facilitant les nécessaires mutations de ce secteur, souvent ressenties douloureusement par les professionnels et par leur environnement.
Sans ces offices, que deviendraient l'organisation des filières, la recherche - développement, la promotion des produits, sans oublier la connaissance des marchés, ainsi que leur régulation en concertation avec les organisations de producteurs et le rôle majeur de relais dans les instances européennes pour le soutien et l'orientation des marchés ?
Surtout, cette baisse obère gravement la gestion conjoncturelle des secteurs en crise. Il suffit de se référer aux dernières années, y compris à l'année 2002, où les offices ont disposé de financements allant au-delà des dotations prévues dans les lois de finances initiales tant les crises ont été nombreuses et profondes.
De plus, si le Gouvernement veut réellement pratiquer la solidarité avec le secteur agricole, comment expliquez-vous la réduction des aides à l'équarrissage ? Cette baisse de 205 millions risque fort - je le crains - de faire supporter aux éleveurs le coût du traitement des déchets et de l'élimination des farines animales.
Enfin, et ce sera mon dernier point, on ne peut évoquer la solidarité dans le monde agricole sans parler du problème des retraites.
De 1998 à 2002, grâce à une réelle volonté politique et à un effort budgétaire sans précédent, la retraite des chefs d'exploitation avait augmenté de 29 %, celle des veuves, de 45 %, celle des conjoints et des aides familiaux, de 79 %.
La création d'un régime complémentaire obligatoire devait satisfaire la revendication d'une retraite à 75 % du SMIC. Cependant, alors que la mise en vigueur de ce dispositif devait intervenir au 1er janvier 2003, le versement des prestations est reporté au 1er avril 2003, alors que les cotisations seront appelées dès le 1er janvier.
Je ne m'étendrai pas plus sur ce sujet, puisque mon collègue Bernard Piras l'a développé précédemment, et je me bornerai à constater que, là non plus, nous ne voyons pas cette solidarité nécessaire envers les plus défavorisés : les plus humbles des travailleurs agricoles, les aides familiaux ou les veuves.
Malgré votre volonté affichée - je le concède, monsieur le ministre - de valoriser l'image de l'agriculture par la création du fonds de communication et de valorisation, les agriculteurs, tout comme nous, sont en droit, face à ce budget, de se demander aujourd'hui quel type d'agriculture vous voulez pour demain.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, même si certains autres volets de votre projet de budget semblent aller dans le bon sens, comme l'ont rappelé certains de mes collègues, son absence d'ambition sociale et de souci de solidarité ne nous permet pas d'accepter vos propositions budgétaires pour 2003. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le ministre de l'agriculture, vous êtes aussi ministre de l'alimentation. Or je préside, vous le savez, la sous-commission de l'alimentation et de la sécurité alimentaire de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Vous ne serez donc pas surpris que mon intervention porte sur les enjeux - je devrais dire les défis - de la sécurité alimentaire au regard de l'alimentation des êtres humains.
Il y a quelques années, à cette même tribune, j'énonçais déjà quelques vérités qui demeurent : on creuse sa tombe avec sa fourchette ; l'alimentation est notre première médecine. Personne aujourd'hui ne conteste les liens indéfectibles entre santé et alimentation.
Faisons un rêve ou, plutôt, imaginons un véritable cauchemar : dans notre assiette, un plat composé de viande provenant d'un animal cloné,...
M. Bernard Piras. Gémellisé !
M. Daniel Goulet. ... nourri avec des farines animales ou des farines de poissons,...
M. Bernard Piras. Gémellisés !
M. Daniel Goulet. ... ayant été au contact d'hydrocarbures, une viande par ailleurs surgelée, ayant connu une certaine rupture de la chaîne du froid et décongelée au four à micro-ondes, le tout accompagné d'une petite salade de maïs transgénique ! (Exclamations amusées.)
Nous sommes en pleine science-fiction,...
M. Bernard Piras. C'est fabuleux !
M. Daniel Goulet. ... ou plutôt dans un système de productivisme effréné dans lequel la réalité dépasse la fiction !
A ces défis s'ajoutent ceux que nous devons à une certaine incurie, incurie sans doute d'origine européenne, mais aussi nationale. Je veux parler des conséquences, sur l'alimentation, des pollutions accidentelles des eaux - mers, fleuves et rivières - par des hydrocarbures ou des produits chimiques dans l'air et dans la terre. L'échouage, après l' Erika, du Prestige nous rappelle douloureusement à l'ordre et à la raison.
Enfin, et ce n'est pas à négliger, il faudra compter aussi, après l'élargissement, avec nos nouveaux partenaires, dont les produits alimentaires sont déjà sur notre marché.
Je voudrais évoquer deux points, parmi beaucoup d'autres, qui me paraissent essentiels et que, en votre qualité d'ancien ministre de la santé, vous connaissez bien. Je ferai part d'une préoccupation constante sur ces sujets.
Le premier point concerne les contrôles. Bien que nous soyons dans une discussion budgétaire, je vous parlerai non pas d'argent mais des principes qui sous-tendent la politique que vous conduisez avec compétence au sein de votre ministère et que vous entendez, sans équivoque, faire partager à vos collègues européens.
Les défis de la sécurité alimentaire ont un lien direct avec la vie et l'activité de nos agriculteurs. Chacun le sait, les mises aux normes qui leur sont imposées obèrent leurs marges, mais garantissent aux consommateurs des produits de qualité à travers une filière de contrôle et de traçabilité qui est, sans doute, l'une des meilleures d'Europe.
Cependant, ces efforts de qualité, monsieur le ministre, ont un coût, qui n'est certainement pas le même que ceux qu'ont à assumer nos concurrents actuels et à venir. Comment tolérer alors, sur notre marché national, nonobstant les règles communautaires, que des animaux traités aux hormones et provenant de pays voisins soient abattus dans des abattoirs français et que leur viande soit introduite dans nos circuits de distribution ?
En ma qualité de rapporteur d'un texte portant sur ce sujet pour l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, je tiens à la disposition de vos services quelques exemples, notamment dans certains départements que je connais bien, monsieur le ministre.
Comment allez-vous former les personnels habilités à contrôler les abattoirs et les transports de produits provenant, notamment, des pays d'Europe centrale et orientale ?
Une agence de sécurité sanitaire européenne - je dois confesser que j'étais hostile à sa constitution - n'y changera rien, sinon qu'elle suscitera des frais de fonctionnement. Or c'est non pas de fonctionnaires statiques et de bureaucrates que nous avons besoin, mais de personnels de terrain. Donc, monsieur le ministre, il nous faut un minimum de frais de fonctionnement, mais, surtout, des investissements humains pour des personnels qui soient compétents et opérationnels.
Il n'est pas possible que le Parlement européen et la Commission régissent la vie de nos producteurs, par exemple de fromage à la louche ou au lait cru - Mme Brigitte Luypaert et moi-même, sénateurs de la commune de Camembert, connaissons ces problèmes - et que ce même Parlement européen se montre si permissif au regard des règles d'étiquetage de produits importés, produits de grande consommation, en général, et viandes, en particulier.
Monsieur le ministre, il nous faut former davantage d'inspecteurs, et ce selon les mêmes normes dans toute l'Europe, car c'est un investissement incontournable et indispensable.
J'avais proposé au Conseil de l'Europe de tenter de former un véritable corps d'inspecteurs « volants » capables d'intervenir dans cette Europe demain élargie, en toute circonstance, en tout lieu, dans le cadre de leurs compétences reconnues. Cette disposition a été adoptée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, mais son application s'est égarée dans les méandres du Comité des ministres. Le dispositif n'a donc pas encore été mis en vigueur.
Monsieur le ministre, ne légiférons plus : appliquons d'abord les textes existants et coordonnons les administrations chargées de leur application.
Je sais que vous partagez cette préoccupation de cohérence avec M. le ministre de la santé et je sais aussi que nous pouvons compter sur votre volonté et sur votre rigueur de réforme au plan communautaire.
Les élus de terrain et nos concitoyens vous font confiance mais, sur ce point également, si nous n'y prenons garde, l'Europe risque d'être encore plus éloignée des eurocitoyens que nous sommes si elle continue de faire l'objet d'autant d'incohérences et donc de susciter autant d'incompréhension.
Le second point que je souhaite évoquer dans la logique de mes préoccupations concerne l'éducation, d'abord de nos jeunes, mais aussi de nos compatriotes dans leur ensemble. Je veux parler de l'éducation sanitaire dans les écoles et de la sécurité alimentaire dans les cantines scolaires. Là encore, il reste beaucoup à faire. Je cite en exemple l'initiative d'une des communes de notre département qui a pris en charge, avec les parents d'élèves, le traitement, le fonctionnement et l'organisation de la cantine scolaire. Je ne dis pas qu'il faut que, dans toutes les communes de France, on mange « bio », mais sachez que la fédération nationale des parents d'élèves de l'enseignement public a engagé un important travail sur la sécurité alimentaire dans les cantines scolaires. Voilà une initiative qui mérite un encouragement. L'avenir de nos enfants, qui seront les adultes de demain, en dépend.
La sécurité alimentaire des humains n'est pas un gadget, c'est un sujet important, fondamental, même. Monsieur le ministre, vous devez donc donner un signe fort en rationalisant, par exemple, les fonctions de vos services d'inspection. A cette condition, nous pourrons gagner une partie importante.
Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris que, comme la majorité de mes collègues, qui ont déjà souligné vos compétences et votre volonté de réussir à la tête d'un ministère qui n'est certes pas des plus faciles, je vous apporte à mon tour mon soutien total. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Rispat.
M. Yves Rispat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en raison de l'heure et du temps qui m'est imparti, je limiterai mon intervention aux problèmes européens.
La réforme de la PAC à mi-parcours inquiétait beaucoup les agriculteurs français. En effet, les interrogations sur l'organisation des marchés et l'abaissement du prix mondial revêtaient pour eux une importance capitale au moment où les revenus agricoles connaissaient une érosion constante depuis plusieurs années.
L'annonce de l'accord franco-allemand tendant à reconduire la PAC actuelle jusqu'en 2006 a été favorablement accueillie par tous les agriculteurs français et par les organisations professionnelles responsables. Oui, le Président de la République, une fois de plus aux côtés du monde rural, a eu raison de refuser de la remettre en cause avant 2006. Oui, monsieur le ministre, vous avez eu raison de ne pas suivre votre prédécesseur, qui voulait dès maintenant engager cette réforme.
Toutefois, une vigilance particulière s'impose au vu des tentatives toujours d'actualité de M. Franz Fischler qui ne désarme pas dans son intention de reconsidérer la PAC, ou encore de M. Pascal Lamy, qui préconise de ne plus soustraire les agriculteurs aux lois du marché, en les assurant toutefois d'un revenu « hypothétique », indépendant de leur production ! En dehors des quelques exploitations les plus performantes capables de produire au prix mondial, que deviendraient la plupart des autres, notamment en zones difficiles ?
Nous souhaitons une fermeté politique à opposer aux commissaires européens pour garantir la bonne fin des engagements pris par le Président de la République. Ces engagements, au-delà de 2006, doivent se concrétiser par un maintien des aides à la Communauté actuelle, sans préjuger des budgets qui seront affectés aux nouveaux candidats, dont la liste sera arrêtée dans quelques jours, lors du sommet de Copenhague.
Faut-il le rappeler, toute réforme sous la pression et l'impatience des « entrants » mettrait fin à la politique agricole commune, qui est au coeur de la construction et de la dynamique européennes.
Nous ne le répéterons jamais assez, cette pérennité est fragilisée par la technostructure européenne, et un défaut de volonté politique entraînerait une inévitable remise en cause, qui serait préjudiciable à l'économie agricole ainsi qu'à l'assurance de l'identité de qualité des produits et de la sécurité alimentaire.
Pour ce qui est des revenus, la France doit se doter d'une politique agricole qui intègre le renouvellement des générations. Je suis élu d'un département où, il y a cinq ans encore, s'installaient deux cents jeunes contre, l'année dernière, cinquante !
Cette politique doit également intégrer l'assurance d'une réelle cohérence dans le développement des entreprises. Le concept de l'initiative privée, familiale, ne peut céder devant une libéralisation outrancière du foncier vers des structures trop importantes où la place de l'homme serait remise en cause. La terre nourrit des familles qui, par leur présence et leurs activités, garantissent le maintien d'une ruralité vivante, harmonieuse, capable de relever des défis sociaux, économiques et culturels.
Cette situation devra être accompagnée d'un certain nombre de mesures connexes, jusqu'à présent pratiquement inutilisées.
Autant le premier pilier de la PAC - les aides à l'hectare - est un volet établi et acquis, autant nous constatons que le deuxième pilier - les mesures connexes - a été insuffisamment exploité et exploré.
Seul le deuxième pilier restera après l'arrivée des pays d'Europe centrale et orientale. Il convient donc de mieux l'utiliser et de concevoir des mesures simples, concrètes, faciles à mettre en oeuvre et administrativement allégées.
N'oublions pas que 70 % des aides européennes destinées à l'aménagement du territoire, par exemple dans le cadre des « pays », sont restées jusqu'ici inemployés. Les critères d'accessibilité sont aujourd'hui trop complexes et n'ont pour effet que de décourager les candidats comme les aides rotationnelles, la prime à l'herbe et le plan de maîtrise des pollutions d'origine animale - un dossier de vingt pages, mes chers collègues !
Il faut, pour cela, une politique agricole qui s'intègre dans des vues et des projets d'avenir.
Les signes que vous avez donnés, monsieur le ministre, en étant attentif dans la concertation, paraissent être d'heureuses prémices. Toutefois, il serait dangereux d'en rester à la seule faculté d'écoute. Les crédits de l'agriculture doivent être à la hauteur des besoins les plus urgents et imposent la recherche de leur utilisation optimale.
De même, si les récents accords signés avec les centrales d'achat des grandes surfaces visent à établir un début d'équité, reste à les faire respecter !
Prenons garde, cependant, que les efforts de qualité sur les produits - signés et labels AOC, IGP - ne soient pas découragés par l'empilement des taxes de type ANDA, l'Association nationale pour le développement agricole, et INAO, l'Institut national des appellations d'origine.
Enfin, l'adaptation des aides agri-environnementales aux grands systèmes de production est une voie à toujours plus développer en tenant compte des réalités économiques.
Il convient de développer des productions déficitaires de notre balance commerciale, d'arrêter les importations d'oléagineux et de tourteaux, qui ont augmenté de 10 % en deux ans, de préserver le revenu par des paliers minimums de production intensive, de réguler le marché, par des prix d'intervention avec majorations mensuelles compensatoires.
Une fois de plus, il est urgent de revenir aux procédures les plus simples pour les interventions et l'éligibilité des aides.
Vous avez dernièrement « remodelé » les procédures des contrats territoriaux d'exploitation. Si cette réforme conduit, et c'est le cas, à une moins grande complexité administrative et à une juste définition des objectifs sous la forme de contrats d'agriculture durable, si ces derniers peuvent être plus facilement complétés par des concours européens et si chacun des agriculteurs contractants peut y trouver une indépendance d'entreprise, une garantie sur l'avenir, alors, un pas important aura été franchi.
Il est beaucoup question des CTE ; on nous en avait promis 200 000 ; à ce jour, à peine 10 % sont conclus.
La baisse des crédits sur les offices tels OFIVAL, l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'agriculture, ou ONIFLHOR, l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture, soulève l'inquiétude de tous les producteurs ; il fautl'éviter.
N'oubliez pas non plus les zones intermédiaires, nombreuses sur le territoire, où la conduite de la polyculture, d'élevage, de diversification, crée des disparités importantes au regard des concours publics.
L'aide à la production ne peut se concevoir équitablement si elle exclut, par des critères sélectifs et des taux de spécialisation, un nombre important de producteurs. Les taux de spécialisation doivent être abaissés pour permettre une aide à tous ceux qui, en raison des disparités dues au climat ou à des spécificités locales, diversifient leur activité.
Nous savons depuis toujours qu'un revenu fondé essentiellement sur des aides est trop incertain pour l'agriculteur. Dès 1992, nous l'avions dénoncé ; aujourd'hui, ces aides sont devenues indispensables. La PAC, les aides diverses constituent une part non négligeable des revenus agricoles ; c'est en les multipliant et en les harmonisant dans un esprit de justice et d'équité que nous pourrons maintenir un équilibre économique sur 80 % de notre territoire et sauvegarder notre agriculture.
Le Gouvernement doit relever une situation qui s'est beaucoup dégradée ces dernières années, et nous lui faisons totalement confiance.
Monsieur le ministre, avec une PAC maintenue au-delà de 2006 et jusqu'en 2013, vous redonnez confiance aux agriculteurs, qui ont besoin, comme les autres acteurs économiques, d'un minimum de perspectives et de stabilité. C'est dans ce sens qu'il nous faut agir si nous voulons conserver le monde paysan, si nous voulons que la France reste un grand pays agricole, et notre agriculture, l'une des meilleures au monde ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons que nous réjouir de l'intérêt porté à l'agriculture par la nouvelle équipe gouvernementale depuis sa mise en place.
Le Président de la République lui-même vient dernièrement de restaurer l'autorité de la France en matière de politique agricole commune puisque, grâce à l'accord qu'il a su trouver avec le chancelier de la République d'Allemagne, la Commission européenne se trouve stoppée dans ses velléités de révision de la PAC à mi-parcours et contrainte de respecter les accords de Berlin jusqu'à leur échéance, en 2006, cela laissant du temps pour l'élaboration de nouvelles propositions.
Dans ce dossier, monsieur le ministre, nous le savons, vous avez joué un rôle déterminant, et la représentation parlementaire ainsi que le monde agricole vous enremercient.
Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez ce soir ne progresse que de 0,9 %, et nous pouvons, bien sûr, regretter...
M. Jean-Marc Pastor. Il avoue ! (M. Bernard Piras s'esclaffe.)
M. Bernard Murat. ... - attendez, mes chers collègues ! - que de nouvelles marges de manoeuvre significatives n'aient pu être dégagées pour traduire réellement l'engagement du Premier ministre d'ériger l'agriculture au rang de priorité nationale. Il faut dire que vos possibilités d'action ont été réduites - vous l'aurez cherché, chers collègues -, par le poids de l'héritage du gouvernement précédent...
M. Jean-Marc Pastor. Ah, l'héritage !
M. Bernard Piras. Vous n'allez pas pouvoir nous le resservir cent sept ans ! (Rires.)
M. Bernard Murat. ... et par le contexte difficile, sur le plan non seulement budgétaire, mais aussi international.
Nous pouvons tout de même saluer la mise en place de la prime herbagère agro-environnementale destinée à remplacer l'actuelle prime à l'herbe, qui arrive à échéance le 30 avril 2003, la création du fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, celle du fonds de communication et de valorisation - il est peut-être insuffisamment doté, mais il était attendu depuis la loi d'orientation agricole de 1999 - ainsi que la mise en place de la retraite complémentaire au deuxième trimestre de 2003, en attendant que la mensualisation des retraites de base puisse être mise en oeuvre, à compter de 2004.
Il s'agit de quelques réponses concrètes à des attentes fortes de la profession agricole, résultats d'arbitrages difficiles. Il fallait du courage, monsieur le ministre, pour désamorcer une à une les bombes laissées par vos prédécesseurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
En ce qui concerne le nouveau CTE qui doit être prochainement arrêté, vous nous assurez la création d'un instrument simplifié, plafonné financièrement et recentré sur les mesures agro-environnementales utiles. Nous en acceptons l'augure, à condition que le plafonnement, devenu inévitable après les aberrations du précédent dispositif, ne soit pas trop sévère.
M. Bernard Piras. Le terrorisme sénatorial !
M. Bernard Murat. En cette année 2002, année internationale de la montagne, il faut souligner l'importance des handicaps naturels, la nécessité de faire évoluer leur compensation financière et de soutenir l'élevage à l'herbe. Le Sénat s'est d'ailleurs mobilisé. Espérons que ses initiatives contribueront à faire reconnaître les spécificités des zones de montagne et, surtout, à pérenniser la fonction de production de l'agriculture, au détriment de la volonté d'extensification prônée par certains et synonyme de désertification.
Monsieur le ministre, je voudrais, à cette heure tardive, revenir sur un dossier qui, en tant que Corrézien, me tient particulièrement à coeur (Ah ! sur plusieurs travées) :
la défense de l'élevage du veau de lait élevé sous la mère (Rires)...
M. Paul Raoult. Cela va faire plaisir à Chirac !
M. Bernard Murat. Exactement ! J'allais y venir !
... meilleure viande de veau du monde ! (Nouveaux rires.)
M. Jean-Paul Emorine. Absolument !
M. Bernard Piras. De l'univers !
M. Bernard Murat. Je pense que vous n'êtes pas loin de la vérité, monsieur Piras !
Je le sais, monsieur le ministre, vous portez la plus haute attention à ce dossier. Il est clair aujourd'hui que l'application de la directive européenne sur le bien-être animal, qui va dans le bon sens, s'impose à tous les Etats, et nos éleveurs ne pourront s'y soustraire.
Il semblerait judicieux d'adapter quatre mesures. Il conviendrait tout d'abord de reporter à 2007 l'échéance pour la mise en place des cases collectives afin de laisser aux éleveurs le temps de s'organiser sur les plans technique et financier et, ensuite, d'affecter une enveloppe financière spécifique au veau de lait sous la mère pour l'adaptation des bâtiments aux cases collectives. Il faudrait, par ailleurs, dispenser de mise aux normes les éleveurs proches de la retraite et sans succession...
M. Paul Raoult. Très bien !
M. Bernard Murat. ... et surtout, enfin, mettre en place une dérogation pour le port de la muselière.
M. Bernard Piras. Oui !
M. Bernard Murat. En effet, une expérimentation récente sur l'hématocrite d'un veau de lait sans muselière tend à prouver que l'absence de cette protection est préjudiciable à la blancheur de la viande et, de ce fait, pénalise durement l'éleveur et la qualité du produit.
M. Paul Raoult. Très juste !
M. Bernard Murat. En Corrèze, comme dans d'autres bassins de production, le veau de lait est un savoir-faire ancestral. Sa qualité gustative, sa sécurité sanitaire, sa traçabilité font partie de notre patrimoine.
Monsieur le ministre, au nom de nos éleveurs mais aussi des consommateurs qui sont de plus en plus exigeants, ne mettons pas en péril cette production exceptionnelle qui, malgré la dureté de la tâche, permet à nos paysans de vivre sur leur exploitation et de leur exploitation.
A cet égard, je remarque que je n'ai pas entendu parler de paysans dans ce débat. Pourtant, quel plus beau mot pour parler de l'agriculture que celui de paysan ?
M. Bernard Piras. C'est vrai !
M. Bernard Murat. Je sais, monsieur le ministre, que vous saurez plaider ce dossier auprès des instances communautaires compétentes pour que soient trouvées des réponses constructives et pragmatiques, dans le sillage d'un ministre de l'agriculture qui, en son temps, a beaucoup fait pour le développement de la production du veau de lait corrézien et qui continue, en dépit de ses hautes responsabilités, à suivre avec attention ce dossier.
M. Bernard Piras. Ainsi que d'autres dossiers !
M. Paul Raoult. Quelle allégeance !
M. Bernard Murat. En conclusion, monsieur le ministre, je voterai votre projet de budget, qui est certes défensif mais qui montre clairement votre engagement auprès de nos agriculteurs, avec qui vous avez su renouer le dialogue, afin de leur donner un avenir dans la dignité.
Monsieur le président, je profite de cette occasion pour vous inviter, ainsi que tous nos collègues, à rencontrer ces paysans dans le pays de Brive, à l'occasion du congrès de la Fédération nationale bovine, qui sera jumelé avec la première fête nationale de la truffe, le 6 février prochain. (Exclamations amusées.)
M. Jean Bizet. Quelle chance !
M. Bernard Murat. Le veau de lait et la truffe, monsieur le ministre,...
M. Paul Raoult. La France profonde !
M. Bernard Piras. Le veau de lait aux truffes, c'est pas mal !
M. Bernard Murat. ... n'est-ce pas le mariage des savoir-faire de l'agriculture française avec le dynamisme de nos producteurs qui, grâce à vous, ont su retrouver la confiance dans le gouvernement de la France et apporter ce soir à votre projet de budget, monsieur le ministre, les saveurs gourmandes de la Corrèze ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'ai cru déceler une certaine connivence entre M. Bernard Murat et M. Bernard Piras ! (Sourires.)
M. Bernard Piras. Sur les truffes seulement, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Monsieur le ministre, au-delà de votre projet de budget que nos excellents rapporteurs ont disséqué avec talent, vous me permettrez d'insister à nouveau sur ce qui, depuis des mois, focalise l'attention des milieux de la pêche : je veux bien évidemment parler de la réforme de la politique des pêches.
Les propositions drastiques avancées en mai dernier par la Commission étaient assorties de l'engagement de présenter, avant l'échéance fatidique de la fin du mois de décembre, un plan destiné « à en pallier les conséquences sociales, économiques et régionales ».
C'est chose faite depuis le début du mois dernier, dans le desssein, sans nul doute, de se concilier le vote du Parlement européen, appelé à débattre de cette question demain.
La Commission propose de reprogrammer quelque 600 millions d'euros disponibles au sein de l'Instrument financier d'orientation des pêches, l'IFOP. Le programme IFOP pour la période 2000-2006, actuellement en vigueur, prévoit environ 20 % pour le renouvellement et la modernisation de la flotte et 3 % pour les mesures sociales.
La manoeuvre - j'emploie ce mot à dessein - consisterait dès lors à faire riper, pour parler familièrement, les aides qui sont aujourd'hui accordées à la flotte vers un dispositif complexe de préretraites et de primes de reconversion, organisant méthodiquement la mutation d'un secteur économique à part entière en une activité résiduelle à dominante sociale.
Or la suppression des aides est à la fois condamnable et stupide.
M. Hervé Gaymard, ministre. Tout à fait !
M. André Trillard. Elle est condamnable en ce qu'elle fait bon marché de la sécurité de nos marins. A cet égard, je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir prévu dans votre budget l'achat de vêtements à flottabilité intégrée !
Elle est stupide puisque la modernisation ne risque pas de se traduire par un accroissement de captures, celles-ci étant encadrées par des totaux autorisés de captures et des quotas, que la Commission vient d'ailleurs de proposer de réduire brutalement et dans des proportions considérables pour le cabillaud, le merlan, mais aussi la sole.
Le plan de la Commission n'a qu'un aspect positif, à savoir la prise en considération de la situation particulière de la petite pêche côtière qui vient de vivre une année bien morose.
La pêche doit bon nombre d'innovations à son secteur artisanal, et vous me permettrez à cet égard, monsieur le ministre, d'exprimer avec force deux souhaits : d'une part, les mesures de déductions pour aléas, en vigueur désormais pour les agriculteurs, devraient être étendues au secteur de la pêche et, d'autre part, les concours de SOFIPECHE gagneraient à être ouverts à l'accession à la propriété des jeunes patrons pêcheurs.
Mais j'en reviens au plan de la Commission européenne.
Les navires de moins de douze mètres pourraient se voir conférer une exclusivité de la pêche dans la bande de douze milles, facilité qui serait toutefois limitée aux bateaux ne pratiquant ni la drague ni le chalut, ce qui en restreint beaucoup la portée et qui crée la zizanie entre les pêcheurs côtiers, d'autant plus qu'avec des filets atteignant parfois plusieurs kilomètres on ne peut guère parler de « pêche douce ».
Les 16 et 17 décembre prochains, le Conseil va devoir trancher.
En son sein, la plupart des pays de l'Europe du Nord apportent leur appui à la Commission, d'autant qu'une relative discrétion recouvre les ravages causés par la pêche minotière sur les fonds marins, pour laquelle le commissaire Fischler ne propose qu'une diminution modeste de 10 %.
Mais le groupe dit des « Amis de la pêche » dispose d'une minorité de blocage, ce qui pourrait conduire au maintien des aides au prix d'un mécanisme de « déchirage » d'une extrême rigueur, propre à avantager la flotte espagnole, plus ancienne et plus nombreuse que la nôtre.
Evoquant celle-ci, bien que les enseignements qu'il convient de tirer de la catastrophe du Prestige relèvent des attributions de votre collègue M. Dominique Bussereau, nos populations côtières si éprouvées par le précédent de l' Erika ne comprendraient pas que je ne me fasse pas l'interprète de leur émotion, mais aussi de leur colère : colère devant la dilution des responsabilités entre les multiples protagonistes de ce drame, mais aussi devant l'inertie des Etats membres de l'Union face aux mesures dont le principe paraît acquis, mais dont la mise en oeuvre est toujours différée.
A cet égard, je tiens à saluer la détermination de notre Président de la République et du Premier ministre espagnol à Malaga, s'agissant de l'accélération du calendrier de mise en oeuvre des directives comme de la décision d'extension immédiate de la zone d'inspection à 200 milles marins, mesure qu'il sera proposé aux autres membres d'adopter au mois de décembre à Copenhague.
Puisque vous m'avez laissé dériver (Sourires) sur le sujet de la sécurité maritime, permettez, monsieur le ministre, que je vous dise, une ultime fois avant l'échéance du 12 décembre, combien nous comptons sur l'appui du Gouvernement pour que la France, à travers la ville de Nantes, soit retenue comme siège de l'Agence européenne de sécurité maritime, indispensable à la sauvegarde de notre pêche et de nos côtes.
Monsieur le ministre, le succès de votre action dans le domaine de la politique agricole, comme la détermination dont vous témoignez dans la difficile sauvegarde des intérêts de notre pêche me conduisent bien évidemment à traduire la confiance que je vous porte par le vote de votre budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je tiens à remercier l'ensemble des intervenants de la qualité de cette discussion, et je veux souligner, pour m'en réjouir, que chacun a respecté rigoureusement le temps de parole qui lui était imparti.
La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard, ministre. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà quelques mois, entendu pour la première fois par votre commission des affaires économiques, j'avais dit vouloir inscrire mon action sous le triple signe du pragmatisme, de l'humilité et de l'ambition.
Pour ce qui est du pragmatisme, tout d'abord, si nous ne partageons pas une vision idéologique des réalités, nous ne cherchons pas à faire se battre les paysans les uns contre les autres, les petits contre les gros, la plaine contre la montagne, j'en passe et des meilleures. Nous souhaitons tout simplement défendre et promouvoir toutes les agricultures françaises, car nous savons qu'en ce domaine le pluriel s'impose.
L'humilité, ensuite, est assurément de mise à la tête d'un ministère aux compétences variées, qui s'occupe aussi bien des productions, de la politique agricole européenne, de l'aide alimentaire, de l'enseignement et de la pêche que de questions sociales, de la forêt ou du cheval. Elle est de mise aussi devant l'ampleur des crises que traversent la plupart des filières et qui plongent nos paysans dans une inquiétude que je comprends.
Enfin, nous voulons, pour l'Europe et pour la France, une ambition agricole qui n'a de chance de se réaliser que grâce à un contrat de confiance entre les Français et leurs agriculteurs, autour d'une agriculture respectueuse de l'environnement comme du consommateur, aux productions de qualité et au coeur d'un monde rural dynamique.
Dès lors, nous nous sommes mis au travail sur le terrain, dans nos départements, entretenant un dialogue constant avec les paysans et leurs représentants au Parlement et, bien évidemment, à Bruxelles. Nous avons voulu renouer le contrat de confiance et agir avec ambition pour notre agriculture.
Votre rapporteur spécial ainsi que vos rapporteurs pour avis, dans leurs rapports, ont excellemment présenté l'économie générale de ce projet de budget pour l'année prochaine et je voudrais les en remercier. Je souhaite également remercier chacune et chacun d'entre vous pour vos contributions, quel que soit le banc sur lequel vous siégez. En effet, sur un tel sujet, le dialogue républicain doit nous réunir par-delà nos différences pour promouvoir une vision unie de notre agriculture.
S'agissant du volume global du budget, tout a été dit, ou presque ; aussi me limiterai-je à deux observations.
Premièrement, comme l'a souligné votre rapporteur spécial, M. Joël Bourdin, il faut replacer ce budget dans un cadre plus large. L'effort global en faveur de l'agriculture représente approximativement 30 milliards d'euros, dont 15 milliards d'euros environ sont consacrés à la protection sociale agricole. Sur les 15 milliards d'euros restants, 10 milliards d'euros proviennent de Bruxelles et 5,2 milliards d'euros du budget national du ministère de l'agriculture. De surcroît, sur ce dernier budget, 1,2 milliard d'euros est destiné à l'enseignement et à la recherche agricoles.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, cela signifie que, pour défendre mon budget, je dois à la fois me battre à Paris lors des débats interministériels arbitrés par le Premier ministre, qui ne sont pas simples, mais également - au moins autant - à Bruxelles, puisque les deux tiers du budget de l'agriculture proviennent de l'Union européenne. Il faut bien garder en mémoire ces ordres de grandeur.
La seconde observation que je voudrais formuler s'inscrit dans le prolongement des réflexions de MM. Marcel Deneux, Jean-Michel Baylet et Paul Raoult. Evidemment, l'art de la discussion budgétaire conduit facilement à se battre sur des pourcentages. Il faut toutefois relativiser la base sur laquelle les chiffres sont avancés : tient-elle compte de la loi de finances initiale, des abondements de la loi de finances rectificative, des reports, des gels de crédits qu'en général le ministère du budget décide peu après que le budget a définitivement été adopté ?
Aussi, je ne me lancerai pas dans des querelles d'apothicaires. De loi de finances initiale en loi de finances initiale, le budget de mon ministère augmente de 0,9 %, ce pourcentage n'ayant d'ailleurs que peu de signification. Ce qui compte, c'est que nous ayons les moyens de mener notre politique. C'est cette politique que je souhaite vous présenter, en répondant à vos attentes et à vos interrogations.
Avant d'entrer dans le détail des enjeux nationaux, européens et internationaux du budget du ministère de l'agriculture et du budget annexe des prestations sociales agricoles, je voudrais répondre aux questions posées par M. Larifla. En effet, l'économie agricole des départements d'outre-mer est extrêmement caractéristique, parce qu'elle se trouve à l'intersection de politiques nationales, de politiques communautaires et de négociations liées à l'Organisation mondiale du commerce.
M. Larifla a très bien exposé les problèmes auxquels sont confrontés les secteurs du sucre et de la banane en Guadeloupe, même si ce département connaît, comme d'autres, des problèmes structurels de propriété foncière et de crédits en faveur de l'économie, notamment agricole.
En étroite liaison, ma collègue Brigitte Girardin et moi-même nous sommes efforcés au cours des dernières semaines d'obtenir du comité de gestion à Bruxelles des accroissements de crédits pour les producteurs et les coopératives de la filière.
Assurément, cela va dans le bon sens, mais il est clair aussi, comme vous l'avez vous-même dit, monsieur le sénateur, qu'une étude complète est nécessaire pour « remettre à plat » l'ensemble de l'organisation commune de marché de la banane.
Vous pouvez compter sur notre détermination, monsieur le sénateur, pour défendre la filière de la banane dans le cadre des adaptations et des réformes de la politique agricole commune.
L'organisation commune de marché du sucre est un sujet extrêmement important et fort complexe puisque, s'il concerne bien évidemment la Guadeloupe, les Antilles et la Réunion, il concerne également la France métropolitaine, et l'accord préférentiel entre l'Europe et les Etats ACP lui confère une dimension communautaire et impose des négociations à l'échelon de l'Organisation mondiale du commerce.
La filière canne-sucre-rhum comporte des dispositions très importantes pour la Guadeloupe. Le Gouvernement les défend dans le cadre de conventions quinquennales qui comprennent des aides en faveur des producteurs et assurent l'équilibre des outils industriels.
Pour le rhum, nous avons obtenu une dérogation fiscale auprès des autorités communautaires jusqu'en 2013, mais nous savons que, sur l'OCM sucre, un travail extrêmement important reste à accomplir : comme vous le savez, le Brésil et quelques autres Etats ont lancé un « panel » devant l'Organisation mondiale du commerce contestant les accords préférentiels dans le cadre des accords ACP.
Nous avons donc devant nous, monsieur le sénateur, un véritable sujet à traiter.
Vous l'avez qualifié de sujet « emblématique » pour l'économie de la Guadeloupe, mais, bien au-delà de la Guadeloupe, c'est aussi l'avenir des relations commerciales entre la France, l'Europe et de nombreux pays du Sud qui est en cause.
Sur ce point encore, monsieur le sénateur, ne doutez pas de ma détermination, comme de celle de Mme Girardin.
Si j'ai choisi d'évoquer l'outre-mer au début de mon intervention, c'est pour illustrer l'enracinement des sujets agricoles dans notre histoire et dans nos terroirs, sous tous les cieux et sous toutes les latitudes, et leur imbrication non seulement avec la politique agricole européenne, mais également, et de plus en plus, avec les négociations commerciales multilatérales, ce qui me permet d'en venir, mesdames, messieurs les sénateurs, aux échéances européennes et internationales.
Quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous nous sommes trouvés confrontés, vous le savez, à un calendrier comunautaire et international très chargé : tout d'abord, la revue à mi-parcours de la politique agricole commune après la publication du plan Fischler le 10 juillet dernier, ensuite, la négociation pour l'élargissement et, enfin, l'ouverture du cycle agricole post-Doha, qui se conclura provisoirement sans doute à Cancùn en septembre de l'année prochaine.
Souvenez-vous, il y a quelques temps, on prédisait la fin de la politique agricole commune et on disait que la France était isolée et qu'elle ne parviendrait pas à remonter le courant à Bruxelles.
Force est de constater qu'au mois de juillet dernier, lors de la revue à mi-parcours, la France n'était pas isolée puisque dix pays environ sur quinze ont émis d'expresses réserves - et même plus - et je remarque qu'au mois de septembre nous avons pu à sept pays publier le même jour une tribune pour la défense de la politique agricole commune dans vingt quotidiens européens.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Hervé Gaymard, ministre. Enfin, il y a quelques semaines, la France a su faire mouvement, derrière le Président de la République et le Chancelier Schröder, pour tracer à Bruxelles des perspectives pour l'avenir de la politique agricole commune.
Le Président de la République a en effet obtenu que l'élargissement ne bute pas sur les égoïsmes budgétaires et que la politique agricole commune et les agriculteurs ne lui soient pas sacrifiés. Plusieurs d'entre vous - MM. Vasselle, Soulage, Rispat et Murat notamment - l'ont relevé, et je tiens à les en remercier, car ce rendez-vous de Bruxelles était bien d'une extrême importance.
Le calendrier adopté à Berlin en 1999 sera respecté et les crédits en faveur de la politique agricole commune préservés. Sur ce sujet, je vais tenter en quelques minutes de dissiper les craintes qu'ont exprimées aussi bien M. Doublet que M. Le Cam quant au contenu réel de cet accord sur le plan budgétaire.
Comme vous le savez, à Berlin, des enveloppes avec des volumes budgétaires définis ont été établies à la fois pour les quinze Etats membres - c'est un premier « paquet » - et - « deuxième « paquet » - pour les dix pays candidats à l'adhésion. Enfin, un troisième « paquet » d'enveloppes non déterminées budgétairement sont prévues pour la Roumanie et la Bulgarie quand ces deux pays rejoindront l'Union européenne.
A Bruxelles, il a été décidé de reprendre les chiffres, de les «inflater » de 1 % par an pour parvenir à une somme proche des euros constants, puis de « solidifier » cette masse budgétaire de 2003 à 2013.
Dire que nous ferons payer l'élargissement aux seuls Quinze ou, plutôt, dire que l'argent des Quinze devra suffire aux Vingt-cinq n'est donc pas exact, puisqu'une enveloppe spécifique est prévue pour les dix Etats qui nous rejoignent, en plus de l'enveloppe des quinze Etats déjà membres.
J'ajoute que l'accord porte aussi sur les plafonds de dépenses, et non pas sur les dépenses réellement effectuées. Or chacun sait que le niveau réel des dépenses aujourd'hui est bien plus faible que les plafonds, l'écart étant de l'ordre de 2,5 milliards d'euros environ, ce qui n'est pas rien ! C'est autant de marge de manoeuvre pour l'évolution budgétaire future de la politique agricole commune, et je tenais à le dire pour lever toute ambiguïté.
L'accord de Bruxelles clarifie donc le débat sur la revue à mi-parcours. Pour résumer, je dirai qu'il ferme la voie aux solutions aventureuses, mais n'interdit pas les solutions pragmatiques.
Il ferme la voie aux solutions aventureuses, et notamment au découplage total des aides, et il permet de construire dans la durée une politique agricole durable.
Cela ne signifie pas pour autant la fin de la revue à mi-parcours de la politique agricole commune, car, bien évidemment, et je le dis comme je le pense, des adaptations sont nécessaires : certaines organisations communes de marché fonctionne très mal, et le deuxième pilier gagnerait à être simplifié et à être plus efficace afin de financer davantage d'actions.
Lors du Conseil des ministres de l'agriculture qui s'est tenu la semaine dernière, ces sujets ont été évoqués à l'occasion d'un tour de table, et la France a exprimé sa volonté de réformer la politique agricole commune. Nous ne voulons cependant pas faire n'importe quoi sous prétexte de céder à je ne sais quelle mode dans la précipitation, et ce sentiment est, je crois, largement répandu au sein du Conseil des ministres.
Dans le cadre de la réforme, nous devons porter une attention renouvelée à deux questions très importantes. La première, que MM. Deneux et Vasselle ont évoquée, est celle de la préférence communautaire, dans le contexte de la progression considérable des importations de blé des pays de la mer Noire.
La Commission présentera aux Etats membres lors du Conseil de décembre les résultats auxquels elle est parvenue à l'OMC dans le domaine des céréales, afin de permettre une mise en oeuvre du dispositif au 1er janvierprochain.
Le diable se cachant dans les détails, je serai particulièrement attentif à ce que les modalités pratiques de mise en oeuvre de ces mécanismes leur assurent un fonctionnement efficace, permettant de rétablir durablement un équilibre du marché communautaire.
La seconde question très importante est d'éviter que des réformes inutiles et coûteuses pour le budget communautaire ne soient décidées. L'accord des chefs d'Etat stabilise la dépense en euros constants à partir de 2007. Nous devons éviter les gaspillages. Il faut, par exemple, nous battre contre la baisse supplémentaire de 5 % du prix d'intervention des céréales, qui ne se justifie pas dans l'état actuel du marché.
Nous attendons en outre une simplification des dispositifs de développement rural, car le système actuel ne fonctionne pas de façon satisfaisante.
Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que la France a dû payer l'année dernière la modeste somme de 21 millions d'euros de pénalités à Bruxelles au motif qu'une somme de 289 millions d'euros n'avait pas été consommée durant l'exercice budgétaire.
M. Alain Vasselle. Merci, Glavany !
M. Bernard Piras. C'est un peu facile à dire !
M. André Lejeune. Il n'y est pour rien !
M. Hervé Gaymard, ministre. Cela m'amène à la modulation, que plusieurs d'entre vous ont évoquée et qui est présentée comme un mécanisme exemplaire, une sorte de « Robin des bois » qui prendrait aux riches pour donner aux pauvres.
M. Bernard Piras. Ce n'est pas tout à fait ça !
M. Hervé Gaymard, ministre. Bien sûr, ce n'est pas vrai. D'abord, on n'a pas pris aux riches, parce que les riches ne sont pas aussi nombreux qu'on le dit.
M. Alain Vasselle. Exactement !
M. Bernard Piras. Ce n'est en effet pas M. Vasselle qui dira le contraire !
M. Hervé Gaymard, ministre. Ces 215 millions d'euros, il a donc fallu, mesdames, messieurs les sénateurs, les prélever auprès de beaucoup d'exploitations et de régions à revenu intermédiaire. C'est une première chose.
M. Alain Vasselle. Exactement !
M. Bernard Piras. Vous avez 400 hectares, monsieur Vasselle : c'est le grand capital !
M. Hervé Gaymard, ministre. La deuxième chose, c'est que ces 215 millions d'euros ne sont toujours pas revenus en France. Ils n'ont donc pas du tout servi à financer les CTE : ils sont toujours gelés sur un compte du FEOGA, faute de pouvoir être dépensés.
M. Alain Vasselle. Voilà !
M. Hervé Gaymard, ministre. C'est la raison pour laquelle, de manière pragmatique, j'ai suspendu la modulation en prenant mes fonctions de ministre au mois de juin.
Cette décision sera bien évidemment renouvelée l'année prochaine, car je vois mal que l'on prélève de l'argent sur les paysans alors qu'ils sont dans une situation difficile,...
M. Bernard Piras. Pas M. Vasselle !
M. Hervé Gaymard, ministre. ... pour que l'argent reste dans un compte à Bruxelles, inemployé et, à ce jour, inemployable.
M. Bernard Piras. Il faudrait l'utiliser !
M. Hervé Gaymard, ministre. D'ailleurs, les CTE, qui ne sont pas financés par le produit de la modulation puisque cet argent est toujours à Bruxelles, ont profité davantage aux grandes exploitations qu'aux petites.
M. Bernard Piras. A M. Vasselle !
M. Hervé Gaymard, ministre. Il est donc faux de dire que le CTE était un outil exclusivement réservé aux régions ou aux exploitations en difficulté, puisqu'en réalité - et les cartes sont à cet égard très éloquentes - les exploitations modulées se sont « refaites », si j'ose dire, par le biais de CTE non plafonnés beaucoup plus importants que dans les régions pauvres et défavorisées. Je dis donc : avec pragmatisme, regardons les choses telles qu'elles sont et pas telles qu'on voudrait qu'elles soient !
Après l'Union européenne, j'en viens à un autre sujet international de taille, les discussions devant l'Organisation mondiale du commerce. Je ferai deux remarques.
Première remarque, c'est une vraie défaite politique de l'Europe que d'avoir laissé, depuis dix ans et plus, se constituer une alliance contre nature entre ce que l'on appelle les pays du « groupe de Cairns », c'est-à-dire les grands pays exportateurs de produits agricoles, d'une part, et, d'autre part, les pays en voie de développement.
Chacun a en tête les échos de la conférence de Johannesburg qui s'est tenue l'été dernier et tout au long de laquelle procès fut fait à la politique agricole commune européenne d'être responsable du sous-développement agricole du tiers-monde. C'est faux, mais il n'empêche que c'est une véritable défaite de l'Europe d'avoir laissé, année après année, accréditer cette idée.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Hervé Gaymard, ministre. Face à cette situation, que faut-il faire ? Il faut, tout d'abord, dire les choses telles qu'elles sont et rappeler que l'Europe donne, en pourcentage de sa richesse nationale, plus - avec le Japon, je le concède - que tout autre pays pour l'aide au développement, même si cette aide est insuffisante.
De plus, les marchés européens sont les plus ouverts - et de loin - aux produits agricoles du tiers-monde.
Par ailleurs, les pays du tiers-monde exportateurs de produits comme le cacao, le café et le coton souffrent particulièrement des aléas des marchés mondiaux et du système inique des bourses de matières premières à Londres ou à Chicago. Or, Londres ou Chicago, ce n'est pas la politique agricole commune !
Enfin, que penser de cette idéologie « politiquement correcte » du prix mondial artificiellement bas qui détruit les cultures vivrières dans les pays du Sud et gonfle les bidonvilles aux alentours des grandes mégapoles africaines ?
Sur l'ensemble de ces sujets, il faut rétablir la vérité et ne pas se laisser terroriser intellectuellement par toutes les contrevérités qui sont publiées jour après jour dans la presse financière anglosaxonne ou dans les rapports de nombreuses institutions internationales, comme l'OCDE, le FMI ou la Banque mondiale.
Par ailleurs, il faut, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, prendre le taureau par les cornes et voir ce qui ne va pas.
Deux choses ne vont pas.
D'abord, il faut que tous les pays du monde, et pas seulement d'Europe, balaient devant leur porte quant à certaines formes d'aides à l'exportation. Que font les Etats-Unis avec leur marketing loans et leurs fausses aides alimentaires ? Osons enfreindre, là encore, la pensée unique pour mettre en place des systèmes de préférence spécialisés pour les pays du Sud.
En effet, parmi les pays du Sud pris de manière globale, il y a certes des pays émergents qui sont de grands exportateurs, mais il y a aussi des pays réellement pauvres. Si, du jour au lendemain, on passait à la libéralisation absolue des échanges, ce sont les nouveaux pays émergents qui prendraient les marchés dans les autres pays du Sud. C'est pourquoi il faut un système de préférences spécifiques.
Un champ de réflexion immense nous est donc ouvert : la négociation devant l'OMC, le sommet franco-africain au mois de février 2003, le G 8 au début du mois de juin et le rendez-vous de Cancùn au mois de septembre !
Pour l'avenir de l'agriculture française et européenne, ces sujets sont au moins aussi importants que ceux qui relèvent de la politique agricole commune. C'est pourquoi nous ne sommes pas du tout d'accord avec la vision développée par la Commission européenne dans le cadre de cette négociation commerciale multilatérale. La Commission semble avoir trouvé dans le découplage des aides la formule magique, la pierre philosophale, qui réglerait tout. Outre qu'un découplage systématique et généralisé n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact sérieuse sur l'agriculture européenne en général, je crois que, sur le plan de la négociation commerciale multilatérale, c'est une fort mauvaise idée, et ce pour deux raisons. Première raison : je n'ai jamais vu une négociation dans laquelle on désarmait avant de négocier ; je crois que cela n'a jamais existé depuis l'origine du monde. Ce serait faire preuve d'une naïveté et d'un irénisme coupables.
Deuxième raison : pour les pays du groupe de Cairns, ce qui est en cause, c'est la politique agricole commune dans son ensemble, quelle que soit la boîte dans laquelle on la classe à l'OMC, qu'il s'agisse de la « boîte bleue » ou de la « boîte verte ». C'est la raison pour laquelle nous devons, tous ensemble, être très vigilants.
Au-delà de la vigilance - et là, c'est une manière de répondre à M. Pastor, qui m'exhortait à l'imagination et au volontarisme -, je dirai : oui, nous avons eu de l'imagination pour construire cet accord de Bruxelles ; oui, nous aurons de l'imagination sur tout ce qui touche à la négociation devant l'Organisation mondiale du commerce. Nous devons aujourd'hui faire preuve de volontarisme pour une politique agricole ambitieuse.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais maintenant recentrer mon propos sur ce qui nous réunit ce soir, mais, s'agissant des questions agricoles, tout se tient, et c'est pourquoi j'ai évoqué, sans doute un peu trop longuement, l'Europe et le monde.
Le budget pour 2003 se veut à la fois réaliste et ambitieux. Il s'agit de rendre toute sa place à l'agriculture, de soutenir les filières et de contribuer à une meilleure maîtrise des finances publiques et à la réforme de l'Etat.
Les crédits inscrits pour 2003 nous permettront de mettre en place plusieurs priorités. De ce point de vue, et sans intention de polémiquer, je voudrais remercier MM. Serge Mathieu et Jean-Paul Emorine pour les propos qu'ils ont tenus sur le bilan budgétaire difficile que nous ont laissé nos prédécesseurs. Monsieur Pastor, nous avons essayé de construire ce budget de manière sincère, en intégrant à la fois les crédits inscrits dans la loi de finances initiale, mais également des crédits supplémentaires inscrits dans la loi de finances rectificative. J'y reviendrai.
Le premier objectif, c'est une agriculture écologiquement responsable et économiquement forte. A cet effet, nous mettons en place plusieurs mesures importantes.
La première, c'est la prime herbagère agri-environnementale qui a été évoquée par MM. Bernard Joly, Jean-Marc Pastor, André Lejeune et Jean Boyer. Cette prime a constitué, vous le savez, l'une de mes priorités pour ce budget 2003. En effet, quand nous sommes arrivés au ministère, rien n'avait été prévu pour remplacer le dispositif de la prime à l'herbe qui se termine à la fin de cette année. Il fallait non seulement trouver de l'argent, mais, en plus, mener à bien une négociation avec la Commission de Bruxelles, puisque l'ancien système, depuis un règlement de 1999, n'était plus valable. Nous avons donc beaucoup travaillé.
Je peux vous confirmer que nous avons décidé d'autoriser l'accès à cette mesure indépendamment des CTE ou du dispositif contractuel qui lui succédera. Les éleveurs pourront désormais souscrire une mesure agri-environnementale figurant dans les cahiers des charges régionaux, validés par la Commission européenne. A cette occasion, le montant de la prime sera revalorisé de 70 % en moyenne, ce qui constitue la plus importante augmentation depuis de nombreuses années. L'enveloppe qui lui est consacrée est ainsi portée à 132 millions d'euros. Plus de 60 000 exploitants devraient en bénéficier. Compatible avec nos engagements communautaires, ce nouveau dispositif devrait favoriser un mode de production herbager respectueux de l'environnement.
Quant au financement de la prime, sur lequelM. Marcel Deneux s'est interrogé, je confirme qu'il est prévu. En effet, vous aurez l'occasion, dans le collectif budgétaire de fin d'année, de voter un abondement supplémentaire de 30 millions d'euros par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale. S'agissant des critères, nous conserverons 1,4 unité de gros bétail à l'hectare et un taux de spécialisation d'herbe d'au moins 75 %.
Concernant la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, ou PMTVA, la Commission a en 2001 accordé à la France une dérogation pour le complément extensification, compte tenu de la situation particulière de la filière. En 2002, au vu de la moins forte rétention de stockage des animaux, la Commission ne l'a pas reconduit.
S'agissant de la sélection animale, monsieur Marcel Deneux, je comprends les questions que vous vous posez par rapport à la baisse - modique - des crédits. Sachez toutefois qu'il faut juger ces questions dans la durée, et vous le savez mieux que quiconque. Nous serons bien sûr très vigilants s'agissant du maintien d'une sélection animale ambitieuse.
La deuxième mesure, c'est l'augmentation de l'indemnité compensatrice de handicap naturel, l'ICHN. Chacun connaît l'importance de l'ICHN qui succède à l'ISM, l'indemnité spéciale de montagne, laquelle a été créée voilà trente ans, c'est-à-dire en 1972, à l'occasion du sommet de la montagne, à Clermont-Ferrand, pour garantir l'équilibre des territoires et préserver l'activité agricole dans les zones fragiles. Mon antéprédécesseur avait annoncé l'augmentation de l'ICHN. Là encore, cette augmentation annoncée n'était pas financée. Vous l'avez financée à l'occasion de la loi de finances rectificative de l'été dernier, et nous avons consolidé cette augmentation dans le cadre du budget pour 2003.
Mon ambition, sur la législature, c'est d'augmenter progressivement les dotations accordées pour les vingt-cinq premiers hectares. En effet, l'ICHN telle qu'elle fonctionne aujourd'hui a un effet pervers : elle a parfois tendance à « vider » les montagnes.
L'agriculture de montagne, sujet évoqué par M. Delfau, est, vous l'imaginez, chère à l'élu de la montagne que je suis, qui est bien sûr au service de toutes les formes d'agriculture de notre pays et qui est particulièrement vigilant s'agissant de la mise en oeuvre des mesures qui s'imposent. Après-demain, je me rendrai à Clermont-Ferrand pour participer à un grand rassemblement sur ce sujet.
Au cours des derniers mois, nous avons eu de nombreuses contributions très intéressantes, notamment le rapport de la mission d'information du Sénat, que je tiens à saluer ici, et un rapport qui m'a été remis au mois de juillet dernier sur l'avenir du pastoralisme. Bref, l'année prochaine sera un prolongement de l'année de la montagne. En effet, le projet de loi, sur lequel je reviendrai, que j'ai été chargé de préparer pour le développement de nos territoires ruraux comprendra un volet spécifique pour la montagne, qui prendra en compte les attentes des paysans de nos montagnes.
S'agissant des contrats territoriaux d'exploitation, comme je le disais dans mon introduction, j'ai toujours évoqué ce sujet avec beaucoup de pragmatisme. Ils ne méritent ni excès d'honneur ni indignité.
Les CTE procèdent d'une démarche contractuelle, qu'il faut saluer. De ce point de vue, ils n'ont d'ailleurs rien inventé : rappelons-nous les OGAF et les mesures « article 21 ».
D'abord, ceux que j'ai interrogés sur les CTE m'ont répondu que le dispositif était trop compliqué, trop bureaucratique, ce qui est vrai. Ensuite, ces CTE étant tellement foisonnants et brouillons, si j'ose dire, on s'était écarté d'un recentrage sur les mesures agri-environnementales utiles. Enfin, les CTE représentaient, il faut bien le dire, une menace budgétaire dont la sophistication n'avait d'égale que la discrétion.
Quand les CTE ont été lancés, on nous a dit que le montant moyen s'élèverait à 22 000 euros. En fait, il s'élève à 44 000 euros. Si vous multipliez 44 000 euros ne serait-ce que par la moitié des exploitations françaises - je suis gentil -, vous obtenez un total qui représente trois fois le budget actuel du ministère de l'agriculture. En effet, les CTE n'étaient pas plafonnés. Ils étaient conçus comme une quasi-prestation sociale, à laquelle devaient avoir droit tous les exploitants agricoles de notre pays. Or qu'il s'agisse du gouvernement de l'actuelle majorité ou de l'actuelle opposition, personne ne peut soutenir qu'il était possible de continuer sur cette pente budgétaire. C'est si vrai qu'une réunion, présidée le 20 mars dernier par le conseiller agricole du cabinet de M. Jospin, a conclu au plafonnement des CTE. On a le « bleu » de Matignon, que je pourrais nous montrer. Or, comme par hasard, ce bleu n'a été diffusé qu'entre les deux tours de l'élection présidentielle. D'ailleurs, la mesure de plafonnement a déjà été appliquée de manière spontanée dans nombre de départements par les organisations professionnelles agricoles, qui ont une gestion responsable du dossier. Plusieurs organisations professionnelles ou syndicales agricoles, dont la confédération paysanne, je le précise, ont salué la décision que nous avons prise en visant à plafonner ces CTE.
Pour résumer, où en est-on ? Il existe trois catégories de contrats.
D'abord, nous avons les CTE qui étaient signés. Ils seront bien sûr honorés, y compris les plus contestables car, dans certains départements, des CTE très coûteux et très discutables ont été signés. Ils seront donc honorés car l'Etat n'a qu'une parole.
M. Alain Vasselle. C'était de l'électoralisme !
M. Hervé Gaymard, ministre. Ensuite, nous avons les CTE qui n'étaient pas encore signés mais qui étaient déjà passés en commission départementale d'orientation de l'agriculture ou qui étaient prêts à y passer. Voilà déjà trois semaines, j'ai donné instruction aux DDA de les signer après un réexamen au cas par cas sur la base d'une moyenne départementale de 27 000 euros.
Enfin, j'ai annoncé la semaine dernière, et je le confirme ici, la mise en place d'un nouvel outil à partir du début de l'an prochain : le contrat agriculture durable ou CAD, qui se substitue au CTE. Le CAD est simplifié puisqu'il y a une déclaration, un contrôle et une attribution unique. Il est plafonné budgétairement à 27 000 euros en moyenne. Il est resserré sur les mesures agri-environnementales. Il est déconcentré. En effet, nous voulons que ce soit décidé dans les bureaux de la rue de Varenne. Nous souhaitons que, sur le terrain, dans chacun de nos départements, les paysans choisissent les mesures les plus adaptées dans ce nouveau contrat. Une place importante sera donnée aux échelons départementaux et régionaux, et, en tant que de besoin, les collectivités locales pourront contribuer au dispositif.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Hervé Gaymard, ministre. J'ajoute que ce nouveau contrat comportera à la fois un volet économique et social et un volet territorial et environnemental. Je crois que ce contrat donnera satisfaction.
S'agissant du CAD, puisque plusieurs questions m'ont été posées, notamment par M. Pastor, je ferai deux autres remarques pour expliciter l'articulation entre ce contrat et la prime herbagère agri-environnementale.
Les CAD comportant un volet herbager agri-environnemental et, éventuellement, un volet investissement, il est bien évident que le volet investissement peut être cumulé avec la prime à l'herbe.
S'agissant du volet « mesures agri-environnementales », des mesures de nature identique ne peuvent pas être superposées sur les mêmes parcelles. En revanche, sur des parcelles différentes, ou bien s'il s'agit de mesures agri-environnementales différentes, il est possible de concilier les deux intruments.
Monsieur Marcel Deneux, ne soyez pas inquiet, ce nouveau dispositif est financé. En effet, le collectif de fin d'année prévoit 95 millions d'euros au titre de ces nouveaux contrats.
M. Daniel Goulet a évoqué la question de la sécurité sanitaire. Il s'agit, bien sûr, d'un sujet très important, que ce soit sur le plan national ou sur le plan européen. Ayant beaucoup travailllé sur ces questions lorsque j'étais secrétaire d'Etat à la santé, je peux dire que je suis parfois déçu par l'approche un peu réductrice de l'Union européenne en matière de santé publique.
En 1996, en 1997 et en 1998, nous avons réexaminé notre système de sécurité sanitaire et alimentaire. L'année prochaine, nous aurons une revue à mi-parcours, avec un bilan à mi-parcours de l'AFSSA. Ce sera aussi l'occasion de mettre à plat ce qui fonctionne comme ce qui fonctionne moins bien pour améliorer encore notre système de sécurité sanitaire et alimentaire.
En tout cas, pour l'année prochaine, les crédits consacrés à ce dossier augmentent de 2,3 %, pour s'établir à près de 400 millions d'euros. Les effectifs des services vétérinaires baisseront légèrement. En revanche, est prévue une augmentation des effectifs consacrés à la sécurité phytosanitaire, qui est un de mes grands sujets de préoccupation. C'est un domaine dans lequel nous avons beaucoup à faire. Les actions de prévention contre l'introduction d'organismes nuisibles, les actions d'élimination des végétaux contaminés et les contrôles sur l'emploi des pesticides seront ainsi renforcés.
Dans le cadre de la lutte contre l'ESB et la tremblante ovine et caprine, les actions de maîtrise sanitaire des animaux et de leurs produits sont désormais dotées de 109 millions d'euros, soit une augmentation de 3 %. Les crédits destinés à l'identification des espèces ovines et caprines augmentent de 11 %.
L'AFSSA bénéficiera de moyens accrus tant en investissement qu'en fonctionnement.
MM. Bernard Dussaut, Jean-Marc Pastor et Gérard Le Cam ont évoqué le dossier des farines animales. Je voudrais, sur ce point, m'exprimer en totale transparence. On distingue deux types de farines animales : d'une part, les farines à risques et, d'autre part, les farines dites à bas risques. Il est bien évident que, s'agissant des farines à risques, le dispositif d'élimination, d'indemnisation et de soutien perdure. En revanche, pour les farines à bas risques, nous avons décidé, et certains l'ont déploré, une diminution progressive de l'affectation de crédits publics, et ce pour trois raisons.
La première est qu'il a toujours été dit que cette indemnisation serait temporaire et dégressive, et je pourrai, si vous le souhaitez, trouver des déclarations de mon prédécesseur sur ce sujet. La deuxième est que notre niveau d'indemnisation actuel est non communautaire, voire anti-communautaire. Enfin, la troisième, peut-être la plus importante, est que chaque fois que l'on met en place un système d'intervention publique, il a toujours des effets pervers.
Certains contrôles effectués par les chambres régionales des comptes font apparaître des effets de niche ou d'aubaine, qui se traduisent par la captation indue d'une partie de ces crédits. Il était donc indispensable de « moraliser » la filière.
J'entends bien - et je suis entièrement d'accord avec les remarques qui ont été formulées sur ce point - que la modification du dispositif ne doit pas handicaper les producteurs en leur imposant des charges supplémentaires. C'est la raison pour laquelle, avec le ministère chargé de la consommation, mes services travaillent à l'élaboration d'un mécanisme qui permette que le coût soit facturé en pied de facture, c'est-à-dire qu'il n'incombe pas aux producteurs mais soit répercuté sur l'ensemble de la chaîne.
L'attractivité de l'agriculture fait l'objet de ma deuxième priorité. Comme nombre d'entre vous l'ont remarqué, l'installation aidée a beaucoup baissé ces dernières années : nous sommes passés de 10 405 installations en 1987 à 6 000 en 2001. Il nous faut donc inverser la tendance. Comment y parvenir ? Dans ce domaine également, il faut faire preuve à la fois d'humilité et d'ardeur.
Plusieurs causes expliquent la baisse du nombre d'installations aidées.
La première cause est à rechercher dans l'absence de visibilité économique du métier d'agriculteur. Le fait d'avoir consolidé la PAC jusqu'en 2013 peut être un élément important : les agriculteurs ont en quelque sorte un contrat de dix ans, et les conditions ne changeront plus tous les trois ans.
La deuxième cause est - je n'aime pas beaucoup ce néologisme - « sociétale ». Dans une société où le non-travail est devenu une valeur, dans une société des 35 heures, comment voulez-vous que les métiers à vocation, notamment ceux des filières de l'élevage, soient attractifs ? Il s'agit là d'un véritable problème, qu'aucun gouvernement, quel qu'il soit, ne peut résoudre.
M. Alain Vasselle. Cela, vos prédécesseurs n'y ont pas pensé !
M. Hervé Gaymard, ministre. Enfin, la troisième cause est liée aux conditions d'aide à l'installation. Nos dispositifs, c'est vrai, ne fonctionnent pas forcément de manière réellement optimale, et nous travaillons beaucoup en ce moment, en concertation avec les jeunes agriculteurs, à simplifier les procédures d'installation et à les rendre moins bureaucratiques. Sur le plan budgétaire, nous avons mis en place, en créant le FICIA, une nouvelle enveloppe destinée à favoriser l'installation. Dans notre esprit, je veux être clair, cette enveloppe n'est pas limitative : nous serions très heureux d'être amenés à l'abonder, car cela prouverait que le nombre d'installations augmente.
Le troisième volet concerne l'engagement d'une nouvelle politique de l'espace rural et de la forêt. Sur ce point, je peux rassurer Yann Gaillard et Philippe Leroy, car je parle sous le contrôle non seulement du président de séance, M. Fischer, mais également de Jean-Baptiste Colbert. Or Colbert est une personnalité marquante pour l'agriculture, puisque nous lui devons les Eaux et Forêts, les Haras nationaux et l'organisation de notre marine.
Je veux donc rassurer Yann Gaillard et Philippe Leroy quant à notre volonté de prendre en main la politique forestière. Nous savons que la tempête de 1999 a beaucoup affecté la filière, de même que la crise des feuillus. C'est pourquoi le projet de budget qui vous est proposé maintient à un haut niveau les efforts de reconstitution de la forêt, comme l'a souligné votre rapporteur spécial, M. Joël Bourdin.
J'ai veillé, malgré la situation budgétaire tendue, à ce que les dotations budgétaires soient abondées en 2003 : les crédits augmentent de 13,7 % ; les opérations à long terme et les opérations d'investissement, de 36,2 % ; la dotation des prêts bonifiés, de 8 % ; enfin, celle des replantations, de 63,5 %, dans le cadre des contrats de plan Etat-région. Par ailleurs, la mise en place des crédits européens, notamment de ceux qui proviennent du FEOGA, accuse un grand retard. Nous nous employons à en simplifier et à en accélérer le paiement.
S'agissant des prêts bonifiés aux communes forestières - ils posent un réel problème, comme l'a souligné Philippe Leroy -, j'étudie actuellement, avec mon collègue Alain Lambert, la possibilité d'en octroyer de nouveaux, à hauteur des annuités de remboursement qui arrivent à échéance, afin d'alléger les difficultés actuelles des trésoreries des entreprises ou des communes ayant souscrit des emprunts.
Pour clore cette question de la forêt, j'évoquerai enfin les dotations de l'Office national de la forêt, que nous avons mises à niveau, grâce au nouveau contrat d'objectifs, de façon à diminuer le déficit prévisionnel. Ainsi, un versement de 35 millions d'euros a été voté l'été dernier, lors de l'adoption de la loi de finances rectificative ; une dotation supplémentaire de 25 millions d'euros viendra compenser la baisse des produits de vente ; enfin, la dotation destinée à compenser les frais de gestion des forêts des collectivités par l'ONF est reconduite, pour 145 millions d'euros.
Telles sont donc les grandes priorités du budget stricto sensu .
J'évoquerai encore les offices et les filières.
Leur budget, qui s'établit à 395 millions d'euros, permet de couvrir l'augmentation des dépenses de fonctionnement tout en contribuant à l'effort de maîtrise raisonnée des dépenses publiques.
Nombre d'entre vous, notamment le rapporteur spécial, Joël Bourdin, et Alain Vasselle, se sont émus de la baisse des crédits des offices. Je serai très simple et très franc. Nous avons la chance que chacune de nos filières dispose d'un outil efficace. Vous savez également que, dans les crédits que gèrent les offices, la part des crédits nationaux est marginale par rapport à celle des crédits européens.
M. Alain Vasselle. C'est bien là le problème !
M. Hervé Gaymard, ministre. Vous savez enfin que, en situation de crise, jamais nous n'avons laissé tomber une filière !
Certes, nous enregistrons aujourd'hui une diminution des crédits attribués aux offices, mais je propose que nous nous donnions rendez-vous à la fin de l'année prochaine afin de déterminer si les filières auront été moins bien soutenues, si les réponses d'urgence auront été plus faibles par rapport aux attentes des professions. Je suis persuadé que nous constaterons alors que les choses se seront passées de façon convenable.
Un amendement tendant à ce que le Gouvernement dépose avant le 30 juin 2003 un rapport relatif aux offices a été adopté à l'Assemblée nationale.
M. Bernard Piras. C'est pour nous endormir, monsieur le ministre ?
M. Hervé Gaymard, ministre. Pas du tout ! Vous savez, moi, je ne m'endors pas !
M. André Lejeune. Un rapport, c'est pourtant un bon moyen de faire des économies budgétaires !
M. Hervé Gaymard, ministre. Le 30 juin prochain, un rapport fera le point, car il est extrêmement important, en la matière, que nous puissions avancer dans la bonne direction.
Je rappellerai quelques chiffres concernant le fonds national de garantie des calamités agricoles. Le 31 décembre 2001, sa trésorerie était de 273 millions d'euros. Le 31 décembre 2002, après le prélèvement opéré l'été dernier, et malgré toutes les catastrophes que nous avons vécues, elle s'élèvera encore à 173 millions d'euros. Le 31 décembre 2003 - hors catastrophes, par définition imprévisibles -, en tenant compte de la consommation habituelle, la trésorerie devrait encore atteindre 111 millions d'euros. Il ne semble donc pas utile, dans la situation difficile que nous connaissons, d'augmenter les prélèvements obligatoires pour alimenter ce fonds sur des crédits budgétaires, alors même que sa trésorerie est satisfaisante.
Ce qui est certain - et, sur ce point, je pense que les professionnels ont raison -, c'est que, alors que la loi de 1964 prévoit un financement paritaire du fonds entre la profession et le budget de l'Etat, celui-ci, depuis quelques années, a moins contribué que ce n'était le cas auparavant. Il va de soi que, le moment venu, l'Etat sera là pour faire face à ses responsabilités.
Puisque je parle des calamités, j'évoquerai, pour répondre à MM. Daniel Soulage et Gérard César, un sujet voisin et extrêmement important : celui de l'assurance récolte, longtemps limitée au risque de grêle.
A la suite du rapport Babusiaux et du décret publié au début de l'année, nous nous interrogeons sur une possible extension de ce système. Vous savez que les Espagnols ont un dispositif très en avance sur le nôtre, mais assez coûteux. Par ailleurs se tiennent actuellement, à l'échelon communautaire, des discussions tendant à mettre en place, à l'occasion de la revue à mi-parcours, un système d'assurance récolte plus efficace.
Quoi qu'il en soit, sachez que c'est un sujet sur lequel nous travaillons en concertation avec les professionnels et leurs organisations, ainsi qu'avec les assureurs et l'administration. Nous avons encore beaucoup de progrès à faire pour parvenir à une gestion plus moderne des calamités naturelles, certes, mais également des pertes de recettes économiques, le système espagnol couvrant ces deux types d'aléas.
Pour terminer, je dirai quelques mots des filières.
MM. César et Delfau sont les auteurs d'un excellent rapport qui éclaire bien les enjeux de l'avenir de notre filière viticole. J'ai soumis le rapport Berthomeau Cap 2000 à la profession, qui me remettra ses conclusions dans les semaines qui viennent. A partir de là, nous élaborerons un plan pluriannuel pour la relance de la viticulture française, dont une partie très importante, relative au commerce extérieur, sera préparée en liaison avec mon collègue François Loos.
Un certain nombre de plans spécifiques concernent le vignoble languedocien, et nous avons obtenu de Bruxelles ce que demandaient les professionnels de la région : la reconversion qualitative différée. Comme l'a rappelé Serge Mathieu, des dispositions spécifiques ont été prises pour le Beaujolais. Enfin, s'agissant du vignoble charentais, qui préoccupe M. Doublet, un certain nombre de mesures sont prévues dans le contrat 2001-2006. C'est certainement insuffisant. C'est la raison pour laquelle, lorsque M. Zonta, qui a été chargé d'une mission sur l'adaptation de la viticulture charentaise, m'aura remis son rapport, je pourrai, en liaison avec les professionnels et les élus, prendre les dispositions adéquates.
Mme Herviaux a évoqué l'aviculture. D'une part, du fait de la préférence communautaire, nous sommes confrontés à l'importation de volailles saumurées, notamment en provenance du Brésil ; d'autre part, la filière rencontre un problème de structures. J'ai donc annoncé voilà dix jours un premier plan de restructuration, soutenu par des crédits de l'Etat.
Je remercie également MM. Emorine et Bailly de leur excellent rapport sur l'avenir de l'élevage, qui, tant sur la filière ovine que sur la filière bovine, va inspirer un plan gouvernemental s'inscrivant dans la durée ; j'ai eu l'occasion de le dire, au mois de juillet, lorsque j'étais dans le Mâconnais.
M. Bernard Murat a évoqué le veau sous la mère,...
M. Jean Bizet. Et la truffe ! (Sourires.)
M. Hervé Gaymard, ministre. ... et j'avoue que l'alliance du veau de lait et de la truffe est plus ragoûtante que la description que nous a faite M. Goulet des nourritures que nous pouvons ingurgiter !
Le veau sous la mère fait l'objet d'un texte européen qui a été mal négocié voilà quelques années. Il faut maintenant trouver des adaptations.
Que je n'oublie pas l'intervention de Gérard César sur le vin et la recherche, en liaison avec l'ITVV, l'Institut technique de la vigne et du vin ! Nous allons trouver les moyens de donner sa juste place à cet institut.
M. Piras a évoqué les filières arboricoles, qui rencontrent deux types de difficulté. D'une part, une meilleure organisation de l'interprofession est nécessaire, sur le plan national, ainsi qu'une meilleure organisation commune de marché, sur le plan communautaire. D'autre part, un problème extrêmement important et qui préoccupe fortement les arboriculteurs concerne plus particulièrement votre département et la région Rhône-Alpes, monsieur le sénateur - mais pas seulement - celui de la lutte contre la maladie de Sharka. Une réponse existe, mais chacun sait aujourd'hui qu'elle n'est ni suffisante ni satisfaisante, et il nous faut donc progresser. Je le disais tout à l'heure : nous n'avons pas le même niveau de protection ni d'indemnisation, en cas de maladie virale, pour les productions végétales et pour les filières animales. Nous sommes donc confrontés à une « distorsion » de traitement entre les filières animales et végétales. Nous travaillons avec les professionnels pour y remédier le plus rapidement possible.
Je dirai encore deux mots d'une question que plusieurs d'entre vous, notamment M. Bernard Joly et M. Jean Bizet, ont évoquée : les relations avec la grande distribution.
Chacun sait que, depuis maintenant une vingtaine d'années, la répartition de la marge entre la production et la distribution est déséquilibrée. Voilà dix jours, nous avons connu un conflit ; il s'est bien terminé, mais il faut en tirer les leçons.
Trois décisions ont été prises pour ce qui concerne les relations de l'Etat avec les protagonistes. Tout d'abord, les lois seront appliquées, et Renaud Dutreil a pu prouver que la loi relatives aux nouvelles régulations économiques était effectivement appliquée et des poursuites effectivement diligentées contre la grande distribution lorsque des pratiques illégales étaient mises en évidence.
Ensuite, nous avons accepté que soient étendues à tous les produits frais les dispositions qui existent déjà pour les fruits et légumes, en cas de crise, en matière de prix minimum.
Enfin, il convient, dans nombre de filières, de favoriser la création d'interprofessions fortes, afin que les négociations soient plus équilibrées. Comme vous le savez, un accord a été trouvé et un protocole signé entre la grande distribution et les producteurs. Il faut maintenant veiller à ce que l'accord soit appliqué ; c'est extrêmement important.
Puisque nous en sommes aux questions économiques, je tiens à remercier M. Dussaut, rapporteur pour avis, qui a évoqué les industries agro-alimentaires : il est vrai qu'on en parle trop rarement. Pourtant, elles constituent 70 % des débouchés des paysans de France et contribuent essentiellement à l'excédent du solde du commerce extérieur français. C'est pourquoi, monsieur le rapporteur pour avis, j'ai beaucoup apprécié vos propos, qui rejoignent en grande partie les conclusions auxquelles nous sommes parvenus lors de l'inauguration du salon international de l'alimentation, voilà un mois.
J'en viens aux questions qui touchent à l'enseignement et à la recherche.
Nous sommes fiers de nos 859 établissements d'enseignement secondaire et de nos 26 établissements d'enseignement supérieur, qui assurent la formation de plus de 185 000 élèves et étudiants, de 29 000 apprentis et de 130 000 stagiaires.
Enseignement, formation et recherche représentent ensemble 23 % des crédits et 49 % des personnels du ministère.
Voilà quinze jours, j'ai nommé un nouveau directeur de l'enseignement et de la recherche en la personne de Michel Thibier. Dans le courant du mois de décembre, je présenterai en conseil des ministres une communication sur l'enseignement et la recherche agricoles.
Dans le présent projet de budget, où ces dépenses s'élèvent à 1,2 milliard d'euros, les crédits destinés à l'enseignement technique augmentent de 1,5 %, tandis que ceux qui sont consacrés à l'enseignement supérieur demeurent stables.
Il n'est pas ici question d'opposer public et privé, ni de privilégier l'un ou l'autre. Depuis ma prise de fonctions, j'ai eu à coeur, comme l'a relevé Mme Ferat, d'apaiser le contentieux qui s'était développé entre l'Etat et l'enseignement privé, lequel accueille 60 % des élèves de l'enseignement technique agricole. Le précédent gouvernement n'avait en effet pas appliqué la loi Rocard. Nous avons décidé de l'appliquer l'année prochaine et de vous proposer, dans le prochain collectif, de rattraper une partie du retard accumulé ces dernières années.
Le financement global de l'enseignement privé à temps plein avoisine donc désormais 300 millions d'euros et celui des maisons familiales, 150 millions d'euros. Ainsi pourrons-nous faire face aux montants actualisés des dépenses et opérer certains rattrapages.
Les crédits de l'enseignement privé supérieur augmentent également. C'est ainsi une subvention de 5 000 euros que la puissance publique accorde à chaque étudiant. L'augmentation de cette dotation tient compte, bien sûr, du nombre d'étudiants accueillis par l'enseignement agricole.
A ce sujet, je souhaite que nous puissions préciser clairement les droits et les devoirs de l'administration et des établissements.
S'agissant de l'enseignement agricole public, je voudrais saluer ici le travail de nos 15 000 enseignants et chercheurs. Je souhaite que, au-delà des missions qu'il remplit déjà en matière de formation initiale et continue, cet enseignement renforce son action de développement rural, de coopération internationale, ainsi que d'insertion sociale et professionnelle. Mais j'aurai l'occasion de m'exprimer plus longuement sur ces questions au cours de la concertation qui aura lieu en vue de l'adoption du quatrième schéma national prévisionnel des formations.
Je précise que quarante-huit emplois seront supprimés dans l'enseignement technique et huit dans l'enseignement supérieur, en conséquence du non-remplacement des départs à la retraite.
Par ailleurs, nous poursuivons la résorption de l'emploi précaire. J'ai décidé que nous pouvions porter le chiffre non pas à 300, madame Férat, comme il était imaginé un moment, mais à 450.
Je souhaite, par ailleurs, moderniser la pédagogie et le fonctionnement de notre enseignement supérieur agricole, car nous avons là un joyau à protéger.
Je crois que notre enseignement agricole, qui a un immense potentiel dans toutes ses facettes, est insuffisamment valorisé, et l'une de mes priorités pour l'annéeprochaine est de mettre en place un programmemobilisateur.
J'en arrive au BAPSA, qui s'élèvera l'année prochaine à 14,625 millions d'euros, enregistrant ainsi une hausse de 2,6 %.
La mise en oeuvre de la retraite complémentaire a été largement évoquée, notamment par MM. Joël Bourdin, Nicolas About, Bernard Piras, Mmes Terrade et Luypaert.
M. Jean Bizet a déjà répondu à M. Piras que, si une loi avait certes été votée à l'unanimité, à mon arrivée au ministère, il n'y avait pas le premier euro pour en financer l'application ! (Marques d'approbation sur les travées du RPR. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Nous nous sommes donc concertés avec la mutualité sociale agricole et les organisations professionnelles agricoles. Il a été décidé de financer ce dispositif par une augmentation de la cotisation de 2,98 % et par une contribution de l'Etat pour un montant de 28 millions d'euros.
Or, jusqu'à présent, jamais l'Etat n'était intervenu pour financer un régime complémentaire de quelque profession que ce soit.
M. Bernard Piras. C'est ce que prévoit la loi que nous avons votée !
M. Hervé Gaymard, ministre. Ce régime entrera donc en vigueur à partir du 1er avril de l'année prochaine, avec des droits qui partiront au 1er janvier.
Cette retraite complémentaire sera mensualisée. Beaucoup d'entre vous ont d'ailleurs regretté que l'ensemble des retraites ne soient pas mensualisées.
C'est un sujet dont nous discutons avec les représentants de la mutualité sociale agricole. Nous avons de bonnes raisons de penser que nous pourrons parvenir à une mensualisation l'année prochaine, mais, pour cette année, la priorité a été donnée à la mise en place effective de la retraite complémentaire.
Je voudrais dire aussi à Mme Luypaert que le statut du conjoint collaborateur constitue d'ores et déjà un progrès pour les personnes concernées, avec, d'une manière générale, un doublement de la retraite pour une carrière pleine. Des mesures d'adaptation ont déjà été prises et d'autres doivent sans doute être encore étudiées, au vu de l'application effective du dispositif.
Vous êtes par ailleurs nombreux à avoir abordé la question de la solvabilité de la protection sociale agricole. Nicolas About et Joël Bourdin, en particulier, sont intervenus à sujet.
Le BAPSA, ces dernières années, a été établi sur des bases insincères, notamment du fait d'une surévaluation des recettes et d'une sous-évaluation des dépenses.
Cela nous a contraints, à trouver, au titre de l'exercice 2002, 746 millions d'euros pour financer le régime. Si nous n'avions pas trouvé cette somme, le BAPSA aurait été en cessation de paiement à la fin de l'année.
Nous tenons, pour notre part, à une présentation sincère pour l'année prochaine, avec une subvention d'équilibre fixée à 574 millions d'euros.
Je précise que nous aurons bien une ligne de 10 millions d'euros pour le dispositif Agridif, qui sera abondée en tant que de besoin.
Joël Bourdin a soulevé la question d'une possible sous-évaluation des dépenses d'assurance maladie. A cet égard nous nous sommes calés sur les méthodes de calcul de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Pour ce qui est de l'avenir du régime social agricole, la loi organique relative aux lois de finances prévoit, vous le savez, la suppression des budgets annexes. D'ailleurs, depuis 1960, le BAPSA est un faux budget annexe puisqu'il fait tout sauf retracer des opérations industrielles et commerciales. Toutefois, sa suppression annoncée ne remet pas en cause le régime particulier des agriculteurs, notamment dans sa forme mutualiste, dont chacun se plaît à souligner l'efficacité, notamment en termes de proximité et au titre de l'action sanitaire et sociale, comme l'a relevé Nicolas About.
Nous travaillons actuellement avec la caisse centrale de la mutualité sociale agricole pour pérenniser cette spécificité, à laquelle nous tenons.
Je souhaite maintenant répondre aux interventions qui ont évoqué la question de la pêche, au premier chef celle d'Alain Gérard, rapporteur pour avis, mais aussi celles de Mme Yolande Boyer, de Mme Marie-France Beaufils et d'André Trillard.
J'ai pu constater, par-delà les clivages politiques, une assez grande unité, sinon sur le budget national de la pêche, du moins sur le combat que nous menons actuellement à Bruxelles, dans le cadre de la réforme de la politique commune de la pêche.
Je commencerai par évoquer le sujet le moins consensuel : le projet de budget. Celui-ci s'élève à 27,8 millions d'euros, enregistrant une hausse de 2,7 % par rapport à celui de 2002.
Les crédits destinés aux entreprises de pêche et d'aquaculture progressent, pour leur part, de plus de dix points. Les crédits d'intervention en faveur des caisses de garantie chômage, intempéries et avaries augmentent de 1,5 million d'euros.
Le montant des crédits d'intervention, quasi inchangé par rapport à l'année 2002, est de 23,7 millions d'euros. Ces crédits permettront d'adapter la capacité de capture à l'état de la ressource, de soutenir la campagne de sécurité à bord des navires, comme l'a souligné André Trillard, d'abonder les montants alloués aux caisses chômage-intempéries et de financer les actions inscrites aux contrats de plan Etat-région. Ils permettront aussi de financer l'OFIMER pour l'amélioration de la connaissance et du fonctionnement du marché, la modernisation des outils de commercialisation et la valorisation de la production halieutique et aquacole française, dont Alain Gérard a justement souligné la qualité.
Enfin, comme d'autres établissements publics, l'IFREMER bénéficie d'une forte augmentation de ses moyens, ce qui lui permettra de renforcer ses activités d'analyse et de surveillance sanitaire.
Les crédits d'investissement sont reconduits à l'identique, afin de financer la modernisation et le renouvellement de notre flotte de pêche et, dans le cadre des contrats de plan Etat-région, la modernisation des équipements à terre ainsi que le développement de l'aquaculture.
Les crédits de l'OFIMER permettront de poursuivre toutes les actions engagées, car il existe un certain nombre de reports qui pourront être mobilisés en 2003.
S'agissant du contrôle, je plaide avec insistance à Bruxelles pour qu'il soit renforcé, en mer comme à terre, et que le régime des sanctions soit harmonisé au niveau européen, conformément aux attentes de nos pêcheurs. Il faut tout mettre en oeuvre pour protéger la bande côtière, qui est riche en ressources halieutiques mais qui est particulièrement sensible.
Quant au décret de 1983 qui définit le régime d'exploitation des cultures marines sur le domaine public maritime, je vous confirme que sa refonte est en cours. Notre objectif est de renouveler la population des conchyliculteurs. Nous y travaillons en étroite concertation avec les professionnels.
Alain Gérard aussi bien que Mme Yolande Boyer ont évoqué l'avenir des jeunes dans ce métier extrêmement difficile. Cet avenir est évidemment intimement lié à la réforme de la politique de la pêche, que j'évoquerai dans un instant, mais aussi à la formation.
Cette question relève de Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, mais nous travaillons naturellement ensemble. Nous sommes en train d'établir un diagnostic de notre système de formation initiale et permanente pour les pêcheurs. Il semble que, malgré son excellence, ce système présente quelques lacunes. Mon collègue Dominique Bussereau s'attachera à les combler dans les mois qui viennent grâce à une réforme de l'enseignement aux métiers de la mer.
Quant à la réforme de la politique commune de la pêche, elle va beaucoup nous occuper pendant trois jours et trois nuits, voire davantage, à Bruxelles, au cours de la troisième semaine de décembre. C'est un sujet extrêmement difficile parce qu'il fait l'objet d'une approche irrationnelle.
Si les problèmes étaient abordés de manière pragmatique et sereine, on pourrait escompter tranquillement une réforme positive de la politique commune de la pêche. Hélas ! j'ai pu constater en prenant mes fonctions que, du point de vue de la Commission et de certains Etats membres, ce dossier prenait une dimension complètement irrationnelle.
C'est la raison pour laquelle j'ai veillé à consolider le groupe des « Amis de la pêche », qui comprend la Grèce, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande et la France. Il ne vous a pas échappé que, à nous six, nous formions une minorité de blocage.
Certains pensaient que ce groupe ne passerait pas l'été, puis qu'il ne passerait pas l'automne. Nous sommes au seuil de l'hiver et le groupe tient toujours bon, tout simplement parce que nous avons une vision commune de la réforme de la politique commune de la pêche.
En réalité, le débat se focalise sur deux questions : la gestion de la ressource et la modernisation de la flotte.
S'agissant de la gestion de la ressource, nous affirmons qu'il faut garder le système tel qu'il fonctionne actuellement, avec les TAC et les quotas, avec aussi, quand c'est nécessaire, des plans de restauration pour les espèces menacées, mais qu'il ne faut pas d'un système bureaucratique et « englobant » qui ajouterait la notion d'effort de pêche. Or telle est l'intention de la Commission. C'est donc sur cette ligne-là que nous nous battons.
Je dis tout de suite, pour nos amis de la Méditerranée, que celle-ci est à part puisqu'il n'y existe pas de zone économique exclusive. En Méditerranée, l'effort de pêche est la moins mauvaise solution pour gérer la ressource.
En revanche, pour toutes les autres mers communautaires, il faut garder le système tel qu'il est actuellement, avec un renforcement de l'expertise scientifique. Celle-ci doit être menée en étroite collaboration avec les pêcheurs, car la réforme ne doit pas se faire contre eux, mais avec eux.
Si l'on met en place des méthodes de gestion durable de la ressource, il faut instaurer également des contrôles multinationaux effectifs.
S'agissant de la modernisation de la flotte, on est en plein irréalisme !
Chacun sait que, dans les programmes opérationnels, le nombre de kilowatts est limité. La modernisation d'un bateau se fait donc sous plafond et n'entraîne pas des captures supplémentaires, ne remettant pas en cause le quota ou le TAC qui a été attribué dans le cadre de la gestion de la ressource. Nous nous battons par conséquent pour maintenir les aides à la modernisation de la flotte.
Nous ne pouvons tout de même pas oublier que trente à quarante accidents touchant des bateaux de pêche se produisent en mer chaque année. C'est beaucoup trop ! Il s'agit d'un métier extrêmement difficile. C'est pourquoi nous luttons d'arrache-pied pour maintenir les systèmes d'aide à la modernisation de la flotte, qui sont absolument indispensables.
Nous avons arrêté notre position en étroite liaison avec les professionnels et les élus de la mer. Pour l'instant, la Commission européenne, comme j'ai pu le constater la semaine dernière, est toujours cabrée sur ses positions. Nous allons donc avoir un débat très dur, un « combat d'enfer », comme le disait la semaine dernière le ministre irlandais de la pêche.
Sachez, en tout cas, que nous sommes résolus à faire valoir nos intérêts parce qu'ils sont justes.
Je voudrais, avant de conclure, évoquer d'abord le grand rendez-vous que nous aurons l'année prochaine pour débattre du projet de loi sur les affaires rurales. Je vous en dirai plus dans les semaines qui viennent, mais je peux d'ores et déjà vous assurer que je souhaite travailler avec le Parlement à l'élaboration de ce texte important.
Je voudrais aussi évoquer les simplifications administratives dans le domaine de l'agriculture, qui constituent, soyez-en convaincus, une des nos priorités. Il y a deux mois, j'ai installé un comité chargé de réfléchir à ces questions ; il est présidé par Jean-François Carrez. Ses premières propositions opérationnelles me seront remises au tout début de l'année prochaine. Sur ce sujet, sachez-le, nous sommes décidés à aller vite.
Voilà, mesdames et messieurs les sénateurs, les quelques éléments que je voulais vous livrer. Peut-être ai-je un peu abusé de votre temps, mais la matière est dense et beaucoup de questions ont été soulevées, auxquelles je me suis efforcé de répondre.
Quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, je tiens à vous remercier vivement de vos remarques sur ce budget de l'agriculture, qui demande pragmatisme, humilité et ardeur. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le ministre, le Sénat vous remercie de la précision de vos réponses.

AGRICULTURE, ALIMENTATION, PÊCHE
ET AFFAIRES RURALES