SEANCE DU 5 DECEMBRE 2002


M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Ma question s'adresse à M. Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, 70 milliards d'euros d'endettement font de France Télécom, aujourd'hui, l'entreprise la plus endettée du monde. Triste record !
En 1996, M. Fillon, déjà ministre, faisait le premier pas, transformant l'entreprise publique en société anonyme, avec, pour principal actionnaire, l'Etat, à 54 %. En octobre 1997, l'ouverture du capital au secteur privé et l'entrée en bourse accéléraient la cadence.
En septembre 1997, nous déclarions : « Les solutions autres que la privatisation rampante existent. Ne faut-il pas les explorer maintenant pour éviter de prendre des décisions qui pourraient être graves pour notre avenir ? »
Nous n'avions pas été entendus à cette époque.
La dérive était amorcée.
Les « usagers », en 1996, payaient l'abonnement mensuel 1,79 euro, soit 11,74 francs ; aujourd'hui, devenus « clients », ils le payent 12,55 euros, soit 82,32 francs, c'est-à-dire sept fois plus !
Monsieur le ministre, les seuls bénéficiaires de votre politique, en fait, ce sont les marchés financiers !
Alors que vous affirmez qu'il n'y aura pas de licenciements secs, 25 000 départs en préretraite sont annoncés. Des rumeurs courent, annonçant 45 000 licenciements et plus, et 2000, d'ores et déjà, pour Orange.
Quel avenir réservez-vous aux fonctionnaires de l'entreprise ? Vous voulez faire payer au personnel les conséquences d'une gestion dont le seul objectif est la rentabilité financière.
Pour France Télécom, il faut immédiatement que, contrairement à ce que vous prévoyez, les cessions d'actifs, pour regagner en liquidités, ne mettent pas en cause la cohérence du service public par la privatisation.
La réduction de la dette doit être financée par les banques qui ont profité de bonnes opérations. La consolidation de France Télécom doit être aussi leur affaire, et pas seulement celle de l'Etat et des contribuables.
Les intérêts des salariés actionnaires et des petits porteurs doivent être préservés.
Dans vos cartons, des études de privatisation sont ficelées et prêtes à sortir, qui concernent Air France ou EDF-GDF.
Je vous demande solennellement de faire procéder à un bilan des déréglementations et de suspendre tous les projets en cours.
L'existence de services publics s'appuyant sur un secteur public modernisé est vitale pour notre pays. Plutôt que la domination des marchés financiers, c'est l'intérêt des usagers et des personnels qu'il faut privilégier ! Tirant les leçons de l'expérience, n'est-ce pas plutôt d'un pôle public des télécoms que nous avons besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la sénatrice, France Télécom est et restera une très grande entreprise française. Au cours des dernières années, elle a connu de grands développements internationaux et aujourd'hui, notamment en Grande-Bretagne, elle occupe une position enviable. Elle exerce ses activités dans un secteur en pleine évolution technologique, qui sera, très probablement, à l'origine du succès de toutes les entreprises françaises et européennes, je veux parler de ce que l'on appelle dorénavant l'économie numérique. Il est donc de notre devoir, en tant que collectivité, d'apporter à cette entreprise le maximum d'attention.
Le travail qui a été accompli depuis deux mois par la nouvelle équipe managériale est de nature à nous rassurer. Le potentiel d'amélioration des performances de France Télécom, notamment dans sa capacité à rembourser ses propres dettes, est, en effet, incontestablement plus important que l'on aurait pu l'imaginer. C'est la raison pour laquelle j'ai été amené à indiquer dans certains médias, ce matin, que France Télécom dégagerait 15 milliards d'euros par autofinancement dans les trois prochaines années.
Toutefois, nous avons le devoir, en tant qu'actionnaire, de nous comporter de manière responsable vis-à-vis de notre entreprise, et cela vaut pour l'Etat, qui détient environ 60 % du capital, comme pour tous les autres actionnaires. Si, aujourd'hui, nous n'avons pas procédé à un renforcement du capital, c'est parce que nous avons considéré que cela pouvait attendre des jours meilleurs. D'ailleurs, le redressement de la situation générale des télécommunications en Europe est en cours ; il suffit de voir l'accueil qui a été réservé ce matin par la Bourse à l'annonce du plan de redressement de France Télécom : elle a gagné 10 % à l'ouverture.
Nous attendons donc un moment plus propice pour que les intérêts tout à fait légitimes des salariés,...
Mme Marie-France Beaufils. C'est sûr !
M. Francis Mer, ministre. ... comme, d'ailleurs, des actionnaires, soient mieux protégés à l'occasion d'une opération faite dans des conditions plus maîtrisées, à froid et non pas à chaud.
M. René-Pierre Signé. Attendons le moment propice !
M. Francis Mer, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons devant nous une période d'efforts, fondamentalement pour l'entreprise et ses actionnaires, mais aussi pour ses salariés. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.) Cet effort, pour les salariés, consiste en l'amélioration de leurs performances, comme dans n'importe quelle autre entreprise.
C'est à la fin de ce processus que nous tirerons les conséquences,...
Mme Hélène Luc. Ce sont les salariés qui en supporteront le plus les conséquences !
M. Francis Mer, ministre. ... si nous devons en tirer, et ce dans l'intérêt stratégique de l'entreprise, et donc de ses salariés, mais aussi des consommateurs, en ce qui concerne la position, dans le capital, de l'Etat actionnaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il faut renationaliser, monsieur le ministre ! Il n'y a pas d'autre solution !
M. René-Pierre Signé. Il n'aime pas les nationalisations !

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