SEANCE DU 6 DECEMBRE 2002


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement : I. - Services communs, II. - Urbanisme et logement.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentée ces deux dernières années et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux trois rapporteurs pour avis, et enfin à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Paul Girod, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer est probablement l'un des plus importants. En effet, s'agissant des seules sections que j'ai l'honneur de rapporter devant vous, avec les 4,3 milliards d'euros pour les services communs et les 7,3 milliards d'euros pour le logement, on obtient un total qui représente plus du double du budget de la justice. C'est donc un ministère « lourd » en termes budgétaires.
Les crédits du fascicule « Services communs » s'élèveront à 4,3 milliards d'euros pour 2003, soit une progression modérée de 1 % par rapport à 2002. Les dépenses ordinaires représentent 99 % de ce budget et sont donc presque exclusivement consacrées à des crédits de personnel et de fonctionnement.
Conséquence logique, les dépenses en capital ne représentent que 1,4 % des crédits et sont, en outre, de nouveau en baisse.
J'aurai quelques observations à formuler. Tout d'abord, il faut saluer un premier effort de réduction des emplois pour 2003. En 2002, le budget avait enregistré 241 créations d'emplois. Par ailleurs, la mise en oeuvre de la loi du 12 avril 2000 avait eu pour conséquence la création de 969 emplois d'agent contractuel.
Monsieur le ministre, cette année, et pour la première fois depuis deux ans, vous prévoyez un effort de réduction du nombre de postes budgétaires de 774 emplois. Encore faut-il observer que vous résorberez dans le même temps 750 emplois budgétaires vacants, ce qui réduit un tout petit peu l'effort réel en la matière.
Au total, les mesures relatives à la résorption de vacances de postes budgétaires seront exactement compensées par la réduction du nombre d'emplois budgétaires. Il s'agit donc d'un budget de mise au clair.
Ensuite, s'agissant des dépenses de fonctionnement du ministère de l'équipement, elles font l'objet, depuis plusieurs années déjà, de mesures d'économies. Cependant, pour 2003, les moyens de l'administration centrale enregistrent une hausse de 1,69 million d'euros et ceux des services déconcentrés, de 3 millions d'euros.
Par ailleurs, les moyens en faveur de la sécurité routière sont révisés à la hausse de 4,66 millions d'euros, afin de tenir compte de cette priorité. Cela se situe tout à fait dans la ligne de recommandations de M. le Président de la République.
S'agissant des crédits d'investissement, il faut noter la poursuite des réductions de crédits consacrés aux programmes d'études et de recherche.
L'an dernier, les crédits du PREDIT, le programme de recherche et de développement pour l'innovation et la technologie dans les transports terrestres, étaient réduits de 27 %, et les crédits du FARIT, le fonds d'aide à la recherche et à l'innovation dans les transports, de 28 %.
Pour 2003, les crédits de ces organismes de recherche continuent de se réduire. Cela s'explique avant tout par la transition entre les programmes de recherche. De fait, les crédits d'engagement, qui préparent l'avenir, sont, eux, stabilisés. Il n'en reste pas moins que les besoins de recherche sont importants, particulièrement dans le domaine de la sécurité routière, comme la commission des finances l'a souligné.
Enfin, monsieur le ministre, six mois après votre prise de fonctions, une observation est toujours d'actualité : la nécessité d'améliorer la présentation de ce budget.
La Cour des comptes a réalisé une monographie du budget de l'équipement et des transports. Bien que dotée de moyens efficaces et d'une expertise reconnue, la Cour a peiné à retracer l'évolution des crédits.
Les années passées, la commission des finances avait regretté que le budget soit affecté de nombreux changements de nomenclature, qui rendent l'analyse détaillée des crédits difficile, voire impossible. Ces changements tendent heureusement à devenir moins nombreux. Pour 2003, il faut compter quatorze changements de nomenclature, soit moitié moins qu'en 2000, mais c'est tout de même encore beaucoup.
Par ailleurs, un effort particulier est porté sur la connaissance des effectifs. Une démarche a été entreprise avec l'Observatoire de l'emploi public pour définir avec exactitude les effectifs, mais elle n'est pas encore tout à fait achevée. De même, un logiciel est seulement maintenant en cours d'élaboration pour recouper les différentes bases de données du ministère. Cette initiative est bienvenue, même si l'on peut s'interroger sur le temps qu'il a fallu pour mettre en place un tel dispositif !
Dans son rapport d'avril 2001, la Cour des comptes notait aussi un écart important entre les emplois budgétaires et les emplois réels du ministère, dont la moitié correspondait à des « emplois sur crédits ».
Si la question des emplois contractuels est en voie de règlement, la question des effectifs des établissements publics nationaux persiste. Ces effectifs ne sont pas comptabilisés au budget de l'Etat. L'augmentation apparente des crédits de fonctionnement masque souvent l'augmentation réelle de ces dépenses de personnel.
Mais j'en viens aux crédits de l'urbanisme et du logement.
Pour 2003, le budget de l'urbanisme et du logement s'élève à 7,3 milliards d'euros en moyens de paiement, soit un budget de reconduction, de transition, si l'on peut dire, et de « mise au net » dans certains domaines. Je pense en particulier au FSL, le fonds de solidarité pour le logement.
Les dépenses ordinaires, qui sont à 97 % des crédits d'aides personnelles au logement, s'élèvent à 5,4 milliards d'euros.
Les dépenses en capital, correspondant essentiellement aux aides à la pierre, sont stables, à 1,9 milliard d'euros en crédits de paiement, mais elles diminuent en autorisations de programme.
Je vous présente tout de suite mes observations.
Ma première observation concerne les aides à la personne, qui représentent 75 % du budget.
Une réforme importante des aides personnelles s'est déroulée ces deux dernières années. La commission des finances du Sénat, par la voix de notre collègue Jacques Pelletier, rapporteur spécial, avait souhaité, l'année dernière, cette réforme et s'était félicité de sa mise en oeuvre, car elle prenait en compte, à égalité, les revenus de transfert et les revenus d'activité. C'était un point qui agitait beaucoup la représentation nationale.
Cette réforme, d'un coût élevé, a pu être financée par la croissance : celle-ci a permis de stabiliser le nombre de bénéficiaires des aides, aujourd'hui de 6,2 millions de ménages, et d'accroître les versements des employeurs. L'Etat, qui ne prend en charge que 40 % des prestations - elles s'élèvent, rappelons-le, à un total de 12,7 milliards d'euros -, a pu faire des économies.
Pour l'avenir, il faudra considérer dans quelle mesure la charge des aides personnelles peut être maîtrisée. Pour 2003, la commission note que des économies sont réalisées, ce qui va dans le sens de nos préconisations. Reste l'inconnue de la croissance qui a influé sur le poids de la charge au cours des dernières années.
Par ailleurs, vous avez décidé de mener une action sur les frais de gestion des aides personnelles, comme la commission des finances du Sénat l'avait souhaité, et nous nous en félicitons.
En aide personnalisée au logement, les frais de gestion étaient égaux à 4 % des prestations jusqu'en 2001. A la suite d'une décision du conseil de gestion du fonds national de l'habitat du 26 novembre 2001, ces frais ont été réduits à 3 % ; ils devraient encore être abaissés à 2 % des prestations, ce qui représente plusieurs dizaines de millions d'euros d'économies.
Au-delà, nous souhaitons que le dispositif de financement des aides personnelles soit considérablement simplifié.
Les dotations budgétaires sont fusionnées pour la première fois cette année, ce qui est une bonne chose. Il serait logique, à terme, d'envisager la mise en place d'un fonds unique de financement des aides personnelles au logement, ce qui faciliterait la tâche tant du Parlement que de la Cour des comptes.
Enfin, une réflexion pourrait s'engager sur une modification de calendrier. Monsieur le ministre, la revalorisation au 1er juillet de chaque année n'est pas prise en compte correctement dans les dotations budgétaires, et ce pour des raisons évidentes. En outre, elle crée d'incroyables complications en termes de gestion. Or la mise à disposition des fichiers fiscaux depuis 2001 permettrait de supprimer les cinq millions de formulaires de demandes d'aides personnelles, ce qui aurait l'avantage de faire coïncider la revalorisation des barèmes avec l'année budgétaire et d'éviter ainsi nombre de travaux inutiles.
Cela irait en outre dans le sens de la réforme de l'Etat et d'une amélioration de sa productivité, ce que chacun souhaite.
Ma deuxième observation concerne le parc social.
Pour 2003, la priorité du Gouvernement va au renouvellement urbain ; elle doit cependant être complétée par une gestion plus dynamique du parc social.
De 1997 à 2000, le nombre annuel de logements sociaux n'a cessé de se réduire. En 2001, un plan de relance a donc été lancé et les paramètres du prêt locatif à usage social - PLUS, en langage technocratique - ont été réajustés à la hausse. L'augmentation du taux d'intérêt du livret A et du coût des opérations nécessitait de revoir les conditions d'équilibre financier des opérations de construction.
L'ensemble de ces mesures a eu des effets, puisqu'elles ont permis, pour l'année 2001, le financement de 56 000 logements locatifs sociaux contre 42 000 logements en 2000.
Cependant, la commission pense que la politique du logement social doit s'inscrire dans le cadre plus large de la réhabilitation du parc où les besoins sont très importants. Et je sais que, sur ce projet, monsieur le ministre, vos réflexions rejoignent celles de votre collègue chargé de la ville.
En 2001, seulement 88 000 réhabilitations lourdes ont été financées dans le logement social, contre 123 000 en 2000. Le budget pour 2003 consacre donc un effort particulier en faveur de la réhabilitation du parc social, ce dont nous nous félicitons.
On observera que l'augmentation des crédits devrait contribuer à des opérations de mise en sécurité particulièrement nécessaires. Nous ne pouvons que souscrire aux propos que vous avez tenus, monsieur le ministre, à la suite d'accidents d'ascenseurs récents.
Par ailleurs, pour 2003, la démolition de 12 000 logements est prévue. L'objectif est réduit par rapport à celui de 2002, qui était de l'ordre de l'effet d'annonce, mais il est plus proche de la réalité des contraintes pour ce type d'opérations. La réduction de l'enveloppe de crédits résulte donc d'un souci de transparence ; je parlais de budget de mise au net et de clarification, nous sommes bien sur cette voie.
Par ailleurs, votre collègue M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, a annoncé des objectifs très ambitieux en termes de démolition et de reconstruction dans les quartiers difficiles. Dans un premier temps, la mise en place d'un « guichet unique » devrait constituer un outil de simplification administrative. Dans un second temps, il conviendra d'envisager une vraie politique interministérielle en faveur du renouvellement urbain, dont les moyens restent à préciser. Je pense que nous nous retrouverons en cours d'année, ou lors de l'examen du budget pour 2004, pour en parler.
Enfin, je souhaiterais souligner l'importance d'approfondir la réflexion sur la gestion et les performances du parc locatif social. Les distorsions de statuts, notamment de régimes fiscaux, induisent des distorsions de concurrence entre les opérateurs. La vision du parc est morcelée, ses performances sont mal évaluées. Il est important que les réflexions progressent sur une simplification de la gestion de notre parc social.
En dernière observation, j'évoquerai l'aide à la pierre dans le logement privé.
Une mission a été confiée en 2001 à l'Inspection générale des finances, au Conseil général des Ponts et chaussées et au directeur de l'Agence nationale d'information sur le logement sur le prêt à taux zéro. Les conclusions de cette mission montrent tout l'intérêt du dispositif.
D'un point de vue social, la cible visée a été atteinte : 75 % des bénéficiaires ont des ressources au plus égales à 2,5 fois le SMIC en 2001. D'un point de vue économique, comme la commission des finances l'avait déjà fait valoir, ce prêt a contribué à améliorer la situation du secteur du bâtiment. La création du prêt à taux zéro a évité de passer sous 250 000 mises en chantier en 1996 et 1997, et elle a soutenu par la suite la remontée vers le seuil de 300 000 mises en chantier annuelles.
On peut dès lors regretter que le nombre de prêts à taux zéro se soit fortement réduit depuis 1997, passant de 123 000 prêts émis à 102 000. Pour 2003, une légère remontée est annoncée, mais on ne peut pas vraiment encore parler d'inversion de tendance.
Il faut noter que le rapport de la mission d'évalution contient des propositions. Malgré les contraintes budgétaires actuelles, ces pistes de travail devraient être explorées tout en tenant compte, en zone urbaine - là où la situation est la plus difficile - de l'action et de l'expérience de certaines grandes villes qui favorisent le prêt à taux zéro. Il semble cependant que, même avec cet appui, les difficultés ne manquent pas.
J'en viens maintenant aux moyens de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, qui, vous vous en doutez, font l'objet de toutes les attentions.
Je crois, d'ailleurs, que vous en avez entendu largement parler à l'Assemblée nationale, au point que vous avez déposé un amendement qui tend à augmenter un peu ses moyens.
Le précédent gouvernement parlait d'un « recentrage » plus affirmé des aides sur les copropriétés dégradées ou le logement insalubre. Ce recentrage s'appuyait notamment sur les observations de la Cour des comptes.
Pour 2003, les dotations de l'ANAH, après le vote de l'Assemblée nationale, s'élèveront, - sur votre initiative, d'ailleurs, puisque l'on ne pouvait pas faire autrement - à 422 millions d'euros en autorisations de programme et à 442 millions d'euros en crédits de paiement.
Ces moyens semblent assez contraints. Or il faut encourager le logement locatif, et la fin programmée du régime de la loi de 1948 devrait également conduire à des besoins accrus en termes de réhabilitation. Un message positif doit être adressé aux bailleurs, qui continuent d'acquitter une fiscalité élevée et dérogatoire au droit commun, sous la forme, notamment, de la contribution annuelle sur les revenus locatifs.
Enfin, je vous rappelle que la commission porte une attention toute particulière à la fiscalité des bailleurs privés, et notamment au régime dit « Besson », en faveur du parc locatif intermédiaire qui, grâce à nos efforts et à ceux de l'Assemblée nationale, devrait être sensiblement revalorisé l'an prochain.
En outre, la commission se réjouit du maintien du taux réduit de TVA à 5,5 % pour les travaux sur les logements, qui a été mis en place à titre transitoire depuis quelques années. Notre souhait, bien entendu, est que cette situation se prolonge dans les années qui viennent. Nous comptons sur le Gouvernement pour plaider avec vigueur à Bruxelles en ce sens.
Je souhaite vous poser quatre questions, monsieur le ministre.
J'évoquerai d'abord le budget des services communs. Comment préparez-vous la mise en oeuvre des dispositions de la loi organique, c'est-à-dire, pour une présentation plus claire de votre budget, la répartition des crédits en programmes et en missions ?
En ce qui concerne le logement, maintenant, comment envisagez-vous la redynamisation du parc social locatif ? Souhaitez-vous, en particulier, une évolution du statut des organismes ?
S'agissant du parc privé, comment voyez-vous l'avenir de l'ANAH, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat ? Nous souhaiterions que ses dotations budgétaires - c'est un problème qui se posera l'année prochaine - s'adaptent à la réalité des besoins et tiennent compte de l'élargissement actuel et annoncé de ses missions, en évitant les à-coup budgétaires, les régulations brutales qui désorganisent tout le secteur, et en laissant une possibilité de dotation budgétaire complémentaire en loi de finances rectificative.
J'en viens à la décentralisation.
La politique du logement est l'une des plus centralisées, alors même qu'elle concerne directement les collectivités locales, qui interviennent souvent en matière de logement social, mais aussi de rénovation urbaine, d'accès au logement, de lutte contre l'insalubrité. Pourriez-vous nous en dire plus sur vos projets, monsieur le ministre ?
En conclusion, mes chers collègues, je rappelle que la commission des finances vous propose d'adopter le budget des services communs, de l'urbanisme et du logement pour 2003. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le rapporteur spécial, je voulais tout d'abord vous remercier et saluer la qualité de votre rapport. Mon cabinet et tous les experts qu'il compte sont très admiratifs devant ce document d'une centaine de pages, de très grande qualité, particulièrement riche en ce qui concerne les aides à la personne. Soyez assuré, monsieur le rapporteur spécial, que nous en ferons le meilleur usage.
Mais j'entre dans le vif du sujet et je vous réponds.
Vous avez raison de poser la question de la préparation de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, à propos des services communs, car la ventilation entre les programmes des moyens retracés sur ce budget sera très délicate en raison de l'importance des effectifs - près de 100 000 emplois - et de la diversité des missions qu'ils assurent sur le terrain.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le constatez dans vos départements, les agents du ministère de l'équipement contribuent à plusieurs politiques, notamment la route, la sécurité routière, les transports et le logement, mais aussi à l'action d'autres administrations, quand ce n'est pas des collectivités locales, y compris, dorénavant, les inspecteurs du permis de conduire. J'ai le plaisir, en effet, de vous annoncer que leur grève est terminée et que nous venons - il y a une heure - de signer un protocole d'accord. Ces inspecteurs seront donc rattachés aux directions départementales de l'équipement.
Des progrès ont été accomplis, mais je suis, comme vous, convaincu qu'il faut continuer à améliorer la lisibilité et la transparence de l'information du Parlement et des citoyens.
Dès à présent, je vous rassure sur l'implication de mon ministère dans la mise en oeuvre de cette réforme, qui vise à mettre en évidence et en relation les objectifs, les coûts et les résultats des politiques publiques.
Un dispositif de travail spécifique a été mis en place sous l'autorité de mon cabinet, avec pour mission prioritaire la structuration des futurs programmes. L'un des enjeux essentiels est de parvenir à des programmes qui reflètent à la fois les finalités des politiques menées et la réalité des responsabilités.
La définition des programmes dépendra également des décisions qui interviendront en matière de décentralisation.
Par ailleurs, ainsi que vous l'avez noté dans votre rapport écrit, le ministère de l'équipement s'engage, dès 2003, dans une expérimentation de dotation globalisée des moyens en personnels et des crédits de fonctionnement dans la région Nord - Pas-de-Calais.
Je vous remercie aussi d'avoir noté, monsieur le rapporteur spécial, les efforts du ministère en faveur de la réduction des frais de gestion. D'autres expérimentations seront proposées dans le budget pour 2004. Je veillerai à associer, évidemment dès que possible, le Parlement à la mise au point des programmes.
J'ai bien noté l'ensemble des remarques très pertinentes que vous avez formulées sur le logement. Je voudrais répondre d'abord sur la gestion du parc HLM, qui constitue un véritable sujet stratégique pour l'ensemble du secteur HLM. Je ne sais si cette gestion doit être redynamisée, mais elle doit en tout cas être modernisée pour apporter un service de qualité aux locataires.
Cela passe par deux grandes orientations. La première consiste à mettre fin à l'excès de centralisation dont souffre le logement social. L'Etat centralisé n'est plus en mesure de répondre aux besoins d'aujourd'hui, en raison de la diversité des situations locales.
La décentralisation de la politique du logement permettra certainement aux collectivités territoriales de mieux répartir et d'adapter, en fonction des besoins locaux, les aides à la construction et à la réhabilitation des logements locatifs sociaux. J'y reviendrai, puisque c'est l'une de vos questions.
La seconde orientation vise à refonder les relations entre les organismes HLM et les collectivités publiques. J'ai indiqué devant le congrès de l'Union sociale de l'habitat que je souscrivais à l'idée d'un conventionnement global, tel qu'il est proposé dans un rapport conjoint du Conseil général des Ponts et chaussées et de l'Inspection générale des finances. Mes interlocuteurs ont eu l'air d'apprécier cette solution.
Cette réforme, qui fait l'objet d'un travail conjoint entre mes services et ceux de l'Union sociale pour l'habitat, doit permettre à chaque organisme de définir contractuellement avec l'autorité locale ses objectifs en matière de qualité de service comme en matière de patrimoine. Construction nouvelle, démolition, vente aux locataires, l'ensemble forme un tout qui doit entraîner une certaine mobilité du patrimoine.
Elle permettrait non seulement de définir une politique de loyer plus adaptée à la réalité du terrain et plus juste, mais aussi de préciser les objectifs d'accueil des populations les plus défavorisées.
Cette politique, fondée sur des objectifs définis conjointement et reposant sur une relation de responsabilité et de confiance, est le complément indispensable de la décentralisation.
La question du statut des organismes doit être replacée dans ce contexte. Une concertation est engagée depuis plusieurs mois sur le statut des offices et des offices publics d'aménagement et de construction, les OPAC. C'est d'abord au mouvement HLM qu'il revient de faire des propositions.
La décentralisation, voulue par le Premier ministre, constituera l'une des réformes majeures des années à venir.
Nous sommes aujourd'hui dans une phase d'écoute des aspirations qui s'expriment à partir du terrain, au sein notamment des assises régionales des libertés locales qui s'achèveront au mois de janvier. Vous y avez participé, comme moi, monsieur le rapporteur spécial. De nombreuses idées fusent de toutes les directions : c'est passionnant !
Je ne souhaite donc pas exprimer aujourd'hui une position qui serait interprétée comme une marque de désinvolture à l'égard de tous ceux qui se sont engagés dans cette démarche de dialogue ou comme une volonté de verrouiller le débat avant même qu'il soit achevé. J'ai cependant, en la matière, quelques convictions dont je tiens à vous faire part et qui sont, du moins je l'espère, partagées par l'ensemble du Gouvernement et de la majorité.
D'abord, il me paraît indispensable que les politiques du logement soient territorialisées - c'est pour moi une évidence - pour mieux prendre en compte la réalité des situations qui varient beaucoup d'un département à l'autre, voire d'un bassin d'habitat à l'autre sur notre territoire.
Une plus grande souplesse est incontestablement nécessaire : il faut rapprocher le niveau de décision et d'arbitrage du terrain.
Ensuite, la décentralisation doit prendre en compte au moins deux principes qui fixent les limites de ce qu'il est possible de faire ou de ne pas faire et sur lesquels le Gouvernement sera intransigeant, car il y va de la cohésion nationale. Je veux parler du droit au logement pour les plus démunis, sur lequel Mme Versini s'est exprimée récemment, et du respect de la mixité sociale.
La décentralisation n'est à mon avis possible que s'il existe des garanties préalables de mise en oeuvre effective de ces deux principes.
Mme Odette Terrade. Avec la révison de la loi SRU, ce sera difficile !
M. Gilles de Robien, ministre. Enfin, sur un plan technique, jusqu'à preuve du contraire, certaines aides au logement ne sont en tout état de cause pas susceptibles d'être décentralisées ; il s'agit des bonifications des prêts à taux zéro, des aides personnelles et des aides fiscales. Si c'est une évidence pour ces dernières, je sais que certains imaginent d'autres solutions concernant les aides personnelles ; la discussion reste ouverte.
J'en viens maintenant à votre question concernant l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH. Son avenir à moyen terme dépend fortement des décisions qui seront prises en matière de décentralisation, car s'il est un régime qui, sur le plan technique, peut facilement être décentralisé, c'est bien celui des aides à l'amélioration de l'habitat privé.
A court terme, pour répondre plus précisément à votre question, je ne suis pas inquiet. Certes, il serait souhaitable que les dotations budgétaires s'ajustent à la réalité des besoins et soient gérées sans à-coups. Je suis conscient de l'effet de levier induit par ces subventions sur l'activité du bâtiment et, par voie de conséquence, sur l'emploi.
Les crédits de l'ANAH ne peuvent échapper aux contraintes budgétaires de l'Etat. Cela étant rappelé, je me félicite de l'abondement de 30 millions d'euros que l'Assemblée nationale a voté. Ces crédits permettront notamment de répondre aux besoins exprimés par les propriétaires bailleurs dans ce que l'on appelle « le secteur diffus », tout en renforçant l'intervention de l'agence dans les domaines que son conseil d'administration a jugés prioritaires.
Il s'agit du traitement des logements insalubres et des copropriétés dégradées, de la remise sur le marché de logements locatifs privés à loyers maîtrisés ou encore des actions en faveur du développement durable ou de l'adaptation des logements aux besoins des personnes âgées et handicapées.
Telles sont, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, les premières réponses que je pouvais vous apporter. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures.)