SEANCE DU 6 DECEMBRE 2002


M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports et le logement : I. - Services communs, II. - Urbanisme et logement.
La parole est à M. Bernard Piras, rapporteur pour avis.
M. Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'urbanisme. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme toutes les politiques de long terme, la politique de l'urbanisme ne se prête ni à des annonces spectaculaires ni à des « effets de manches ». Elle a cependant une incidence déterminante sur la vie quotidienne de nos concitoyens.
Tout en adoptant les crédits qui y sont consacrés par le projet de loi de finances - contrairement à l'avis défavorable que j'avais émis -, mes collègues de la commission des affaires économiques et du Plan m'ont chargé, dans le cadre de la nouvelle procédure budgétaire, de vous poser, monsieur le ministre, diverses questions et de me faire l'interprète de plusieurs préoccupations.
En ce qui concerne l'évolution des crédits, nous constatons une diminution aussi bien en dépenses ordinaires et autorisations de programme qu'en dépenses ordinaires et crédits de paiement. Cette diminution touche notamment les lignes destinées aux acquisitions foncières. Chacun s'accordant à souligner l'importance d'une politique d'achat de terrains par anticipation, afin de lutter contre la spéculation, je ne peux que m'étonner de cette diminution notable des crédits. Elle porte atteinte à la continuité et à la crédibilité de la politique foncière de notre pays. Comment le Gouvernement la justifie-t-il ?
La deuxième série de questions concerne l'élaboration des documents d'urbanisme.
Commençons par les documents d'urbanisme décentralisés, puisque vous savez que plus des quatre cinquièmes des autorisations de construire sont désormais accordés par les collectivités locales. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains a relancé le mouvement de planification urbaine avec l'élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme. Or, qu'observe-t-on s'agissant des financements ?
Bien que soit posé le principe d'une égalité entre les transferts de ressources et les transferts de charges, les communes se trouvent dans l'obligation d'élaborer des documents coûteux - un plan local d'urbanisme coûte plus de 45 000 euros -, alors même que l'Etat n'accroît pas les aides destinées à leur permettre de réaliser ces documents, notamment dans les petites communes.
Je saisis d'ailleurs cette occasion pour vous demander au nom de tous mes collègues, monsieur le ministre, d'adresser des instructions à vos services, qui semblent parfois considérer que le plan d'aménagement et de développement durable, qui fixe les orientations principales des PLU, doit être aussi détaillé pour les petites communes que pour les grandes agglomérations. Telle n'était pourtant par l'intention du législateur lorsqu'il a établi cette procédure !
J'observe, au surplus, s'agissant du cas particulier des cartes communales, que celles-ci ne permettent toujours pas d'utiliser des procédures telles que le droit de préemption, alors même qu'il serait très utile dans de nombreuses communes rurales. Que comptez-vous faire à ce sujet ?
J'en viens aux documents élaborés par l'Etat. Quel est, monsieur le ministre, le contenu du décret portant application des dispositions de la loi « littoral » aux estuaires ? Quand sera-t-il publié ? Les élus locaux ou leurs représentants ont-ils été consultés dans les principales zones intéressées ? A-t-on une idée de l'incidence, directe ou indirecte, de ce décret sur la possibilité de réaliser des infrastructures ou d'urbaniser ? Sur ce point, il est nécessaire de calmer les inquiétudes qui se font jour.
Les directives territoriales d'aménagement, dont le Sénat a imaginé, en 1995, le régime sur la base d'une proposition du Conseil d'Etat, se font toujours attendre, alors même qu'elles ont toutes été lancées entre 1996 et 1997. Vous comprendrez, même si je ne la partage pas totalement, la surprise manifestée par certains de nos collègues qui constatent que l'Etat, qui veut inciter les communes et leurs établissements publics à élaborer des schémas de cohérence territoriale, s'avère incapable de publier, dans un délai raisonnable, les directives territoriales d'aménagement.
J'en viens enfin à la situation des deux agences des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer et de l'établissement public de l'aménagement de la Guyane. Si j'en crois les informations dont je dispose, les premières ont pris beaucoup de retard et ne disposent guère de moyens. Quant au second, il n'est manifestement pas doté des ressources financières qui lui permettraient de mener à bien sa mission. Quand on sait l'importance des outils d'aménagement foncier dans la gestion de l'espace, on ne peut que s'interroger sur les mesures à prendre pour faciliter l'action de ces institutions.
Je vous remercie, par avance, monsieur le ministre, des réponses que vous voudrez bien me donner.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour le logement. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du logement et de l'urbanisme pour l'année 2003 est en baisse de 3,5 % et s'établit en moyens d'engagement à 7,28 milliards d'euros, même si les moyens de paiement sont stables.
M. Gilles de Robien, ministre. Ah !
M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis. Dès votre premier exercice budgétaire, vous affichez donc, monsieur le ministre, les orientations du Gouvernement en matière de politique du logement pour les cinq prochaines années.
Ce budget n'est pas le budget de reconduction ou de consolidation que certains nous présentent. Il est plutôt un budget de transition vers un début de désengagement de l'Etat des politiques publiques en faveur du logement. Vraisemblablement, ce désengagement a lieu au profit des collectivités locales. Peut-on parler de profit, d'ailleurs ? Nous le saurons bientôt, mais à quels coûts et pour quels objectifs ?
Il existe, certes, ici ou là, je vous l'accorde, des lignes budgétaires pour lesquelles vous jugez malgré tout que l'Etat doit jouer pleinement son rôle.
Pour autant, je rappelle que le logement ne doit pas être oublié, comme le sont l'éducation ou la recherche, alors que nous sommes dans une période d'incertitude économique - il faut en prendre acte - et, surtout, dans une période où vous faites le choix de donner tous les moyens budgétaires et financiers aux forces répressives, alors que vous savez comme moi, monsieur le ministre, que le logement constitue un des principaux éléments d'ancrage d'une vie sociale réussie en même temps qu'il est un formidable outil de développement et d'aménagement pour nos villes.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, les orientations de votre projet de budget pour 2003 sont inquiétantes pour l'ensemble des acteurs du logement et pour les Français les plus défavorisés.
J'évoquerai dans un premier temps la baisse de 50,1 millions d'euros des crédits alloués à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat et ses conséquences.
Croyez-vous, monsieur le ministre, que l'ANAH peut assurer sa mission dans son ensemble alors qu'un million de logements ne présentent pas des conditions de salubrité décentes, 300 000 d'entre eux n'ayant même aucune installation sanitaire ?
Par ailleurs, je tiens à redire ici que nous avons tous dans nos villes des îlots d'insalubrité. Nous devons collectivement en prendre conscience, car cette situation ne devrait plus exister au xxie siècle, et tout mettre en oeuvre pour éradiquer ce fléau. C'est d'ailleurs à ce titre que nous avons favorisé la création de la grande ANAH.
Il s'agit donc ici d'assurer à l'ANAH les moyens de son fonctionnement et de son développement.
Monsieur le ministre, je vous demande officiellement d'abonder la ligne budgétaire de l'ANAH afin de lutter efficacement contre l'insalubrité, qui fragilise une population déjà touchée par d'autres handicaps sociaux.
J'ajoute que, de cette façon, vous redonneriez confiance aux acteurs engagés dans la réhabilitation.
Le second volet de mon intervention concerne les crédits affectés aux aides à la personne, en particulier aux mesures d'économie ciblées sur les jeunes et les étudiants.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je m'étonne que vous n'ayez pas prévu dans ce projet de budget la traditionnelle revalorisation du 1er juillet. Allez-vous, comme cette année, geler l'augmentation, puis revenir sur votre décision en fin d'exercice, par une mesure rétroactive financée sur le budget de l'année suivante ? Est-ce déjà un signe d'incertitude budgétaire ? Ce serait inquiétant...
Je le rappelais précédemment, nous sommes dans une situation économique inconfortable. Le nombre de demandeurs d'emploi stagne, mais il me semble que l'éventuel ralentissement de la conjoncture économique et ses effets sur l'augmentation des besoins financiers n'ont pas été pris en compte dans le projet de budget. Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre, monsieur le ministre, si la situation se détériore ?
Dans le même registre, les mesures d'économie réalisées sur les aides personnelles, soit près de 103 millions d'euros, portent essentiellement sur les jeunes et les étudiants. Je m'interroge donc sur l'utilité d'une telle économie quand on connaît les difficultés rencontrées par ces deux catégories de bénéficiaires.
Est-ce trop demander à ce gouvernement que d'assurer aux étudiants des conditions acceptables d'études, d'aider les jeunes ménages à s'installer et de permettre à tous les jeunes d'être, enfin, autonomes ?
Enfin, monsieur le ministre, le fonds de solidarité pour le logement ne fait pas partie, lui non plus, des instruments que vous jugez utiles dans une politique du logement pour tous, même s'il est vrai qu'une nouvelle fois tous les crédits n'ont pas été consommés, et je le regrette.
Baisser les crédits alloués à ce formidable outil d'accompagnement social, c'est casser ce qui marche, alors que nous savons qu'il suffit de modifier son fonctionnement afin que tous les crédits mobilisés soient consommés.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, j'exprime, à titre personnel, les plus vives craintes quant aux évolutions des crédits alloués aux aides personnelles pour l'année 2003.
Par ailleurs, je salue l'objectif de 54 000 constructions de logements sociaux cette année et l'augmentation de 15 millions d'euros de la ligne fongible, mais je m'interroge sur la baisse de la dotation affectée à la destruction de logements alors que votre collègue, M. Borloo, a annoncé un objectif de 200 000 destructions sur cinq ans. Je souhaiterais donc connaître le véritable projet du Gouvernement en la matière.
J'ajoute qu'en ce qui concerne les financements de l'Etat pour la réalisation des opérations en fin d'année, les crédits sont, semble-t-il, gelés ou reportés.
M. Paul Girod, rapporteur spécial. Vous avez tort !
M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis. Pouvez-vous nous rassurer, monsieur le ministre, sur le soutien de l'Etat dans la réalisation de l'objectif 2002 ?
Enfin, comment ne pas évoquer les récentes annonces portant sur le retour dans le droit commun des logements de la loi de 1948, qui suscite, à juste titre, une vive inquiétude de la part des personnes âgées ?
Comment ne pas évoquer, aussi, la modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains qui casse toute la dynamique de construction de logements sociaux ?
M. Paul Girod, rapporteur spécial. Ce n'est pas l'avis de la commission. C'est le vôtre !
M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis. Après toutes ces attaques portées au logement social et de facto aux populations en attente d'un logement, pouvez-vous au moins, monsieur le ministre, nous rassurer quant au maintien de la taxe sur les logements vacants instaurée par la loi de lutte contre les exclusions ?
Pour conclure, je ne vois donc pas de solution dans ce budget pour les millions de Français qui n'ont pas les moyens de devenir propriétaires ou, tout simplement, qui sont à la recherche d'un logement décent pour vivre.
C'est pourquoi, en tant que rapporteur pour avis, j'ai proposé d'émettre un avis défavorable. Pour autant, je dois le reconnaître, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au logement inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003, et je tenais à vous en rendre compte.
M. Paul Girod, rapporteur spécial. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Paul Girod, rapporteur spécial. Je veux rappeler que les rapporteurs pour avis, comme les rapporteurs au fond, doivent exprimer la position de leur commission : les observations personnelles n'ont pas leur place dans la présentation d'un rapport à la tribune et peuvent être exprimées en d'autres circonstances !
M. Marcel-Pierre Cleach. Absolument !
M. le président. Chacun assume ses responsabilités.
M. Paul Girod, rapporteur spécial. En vingt-cinq ans, je n'avais jamais vu cela !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis.
Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le logement social. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, la crise de la construction accentue la pénurie de logements, laquelle affecte particulièrement les ménages disposant de ressources modestes.
Ainsi, à partir des éléments du recensement de 1999, l'INSEE évalue la demande potentielle à près de 350 000 logements par an.
Ce problème est aggravé par le nombre important de logements vacants dans le parc locatif social, nombre estimé à près de 130 000 au 31 décembre 2000.
Cette année, la conjoncture économique défavorable impose au Gouvernement de sélectionner ses priorités avec une grande rigueur. L'effort budgétaire, les crédits de paiement restant stables à 7,3 milliards d'euros, traduit cette contrainte.
Fort de l'idée qu'il est possible de « dépenser moins pour dépenser mieux », le Gouvernement concentre ses moyens sur deux priorités : le développement de l'habitat et le renouvellement urbain.
Ainsi, les crédits en faveur de la construction et de la réhabilitation sont portés à 435 milions d'euros, soit une augmentation de près de 9 %, afin de permettre la réalisation effective de 54 000 logements en 2003, auxquels devraient s'ajouter 100 000 réhabilitations au titre de la PALULOS, de façon à satisfaire les besoins de rénovation du parc HLM, 70 % des logements datant de plus de vingt ans.
L'efficacité de ce projet de budget peut également être jugée à l'aune des acquis consolidés : les aides à la personne et la qualité des services dans les quartiers.
Les aides personnelles en faveur des ménages modestes représentent 73 % du budget du logement, soit 5,2 milliards d'euros, et bénéficient à plus de six millions d'allocataires.
La consolidation des crédits affectés aux fonds de solidarité pour le logement et le triplement des moyens alloués à la qualité des services dans les quartiers sont en outre un gage du renforcement de la solidarité.
La commission des affaires sociales est particulièrement attentive à l'application du principe de solidarité et se félicite à cet égard de ce que le Gouvernement ait choisi de relever le défi de la lutte contre les exclusions dans le domaine du logement.
Au titre de premier effort, l'accent est mis sur la résorption de l'habitat insalubre, notamment par l'amélioration de l'efficacité de la lutte contre le saturnisme.
En effet, la diminution des moyens affichés en 2003 en faveur de la lutte contre le saturnisme ne fait que prendre acte d'un phénomène récurrent : la très faible consommation des crédits du fait de la complexité des procédures.
Il était donc urgent de clarifier les compétences, d'alléger les procédures et, surtout, de définir un acteur unique de la politique de lutte contre l'insalubrité, pour que celle-ci soit enfin efficace.
L'autre grand chantier qui s'ouvre, pour le Gouvernement, est celui du développement d'une politique ambitieuse d'intervention en faveur du parc privé, qui favoriserait l'accession sociale à la propriété et renforcerait les opérations de réhabilitation.
On peut toutefois regretter que le projet de budget pour 2003 n'ait pu prévoir un effort plus important dans ce domaine. En effet, malgré son efficacité, le dispositif du prêt à taux zéro n'est pas suffisamment encouragé, comme nous avons d'ailleurs pu le regretter ces dernières années.
Aussi ma première question portera-t-elle, monsieur le ministre, sur l'avenir du prêt à taux zéro, dont les plafonds, vous le savez, n'ont pas évolué depuis 1997, et, plus largement, sur les mécanismes que vous comptez développer ou mettre en place pour favoriser l'accession des ménages les plus modestes à la propriété.
En revanche, la commission des affaires sociales ne peut que se féliciter de l'initiative que vous avez prise, lors du débat à l'Assemblée nationale, de majorer substantiellement les crédits de paiement et les autorisations de programme de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH.
En effet, à l'heure où les pouvoirs publics cherchent à favoriser le logement locatif et où la fin programmée de l'application de la loi de 1948 pourrait également entraîner des besoins accrus en termes de réhabilitation, le rôle de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat est plus que jamais amené à se développer.
Enfin, ce projet de budget pour 2003 doit être apprécié dans la perspective de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation du renouvellement urbain, qui a fait l'objet, le 30 octobre dernier, d'une communication de M. Jean-Louis Borloo en conseil des ministres.
En outre, le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction revient sur plusieurs dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Dans ce cadre, une réflexion vaut également d'être engagée, plus précisément sur l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000.
Ma seconde question portera sur la prise en compte des différents types de logements sociaux laissés volontairement de côté par le précédent gouvernement pour des raisons idéologiques et qui, de ce fait, n'entrent pas dans le fameux quota de 20 %.
Je sais que vous avez estimé l'opération complexe lors de l'examen de la proposition de loi de mon collègue Dominique Braye, discutée le 12 novembre dernier au Sénat.
Mais le débat au sein de la commission des affaires sociales a fait apparaître la préoccupation de nombre de mes collègues, qui s'inquiètent, avec raison, d'une véritable injustice.
Certaines de nos communes supportent en effet la charge d'un habitat social plus étendu que celui du parc HLM au sens strict, composé de logements sociaux de type PLI - prêt locatif intermédiaire - ou relevant du régime de l'accession sociale à la propriété, qui leur posent les mêmes difficultés économiques et sociales que le parc classique. Mais l'absence de prise en compte de ces logements dans le quota de 20 % pénalise ces communes.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, présente, à bien des égards, les caractéristiques d'un budget de transition. Il ne peut répondre, par conséquent, à toutes les attentes, mais la priorité qu'il donne à l'efficacité est le gage d'une ambition nouvelle et salutaire pour la politique du logement.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur les crédits relatifs au logement social. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier les rapporteurs d'avoir souligné l'importance de l'urbanisme et de la politique du logement dans notre pays pour la vie quotidienne des Français. Certes, s'agissant d'une compétence décentralisée depuis maintenant près de vingt ans, les crédits d'Etat affectés à l'urbanisme sont peut-être modestes, mais le rôle de l'Etat ne se situe pas là : dans ce domaine, le montant des crédits ne reflète pas l'importance des objectifs.
J'indiquerai à M. Piras que la baisse des crédits consacrés à l'aménagement et à l'action foncière s'explique essentiellement par le retour progressif au droit commun des villes nouvelles, et surtout par l'existence de reports importants, dus aux retards de mise en oeuvre des actions foncières inscrites pour la première fois dans les contrats de plan Etat-région.
En ce qui concerne le soutien aux collectivités pour l'élaboration des documents d'urbanisme, les crédits correspondants sont maintenant intégrés à la dotation globale de décentralisation, au sein des crédits du ministère de l'intérieur. Il est donc normal, monsieur Piras, que vous ne les retrouviez pas dans mon projet de budget.
J'évoquerai brièvement le projet d'aménagement et de développement durable, le PADD. Ce document n'a pas vocation à être lourd et coûteux, comme tant d'autres ; il doit être un simple document de présentation et permettre un « débat d'orientation d'urbanisme », un peu comme se tient un débat d'orientation budgétaire avant le vote du budget dans une collectivité locale. En tout cas, le Gouvernement traite de ce sujet dans le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, que le Sénat étudiera prochainement.
Le droit de préemption urbain s'applique, en effet, uniquement dans les zones urbaines ou d'urbanisation future des POS et des PLU. Le droit de préemption constitue une atteinte très forte au droit de propriété, et il ne me semble donc pas excessif de limiter les possibilités de le faire jouer.
Je suis bien sûr conscient des difficultés liées au décret « estuaires ». Le Gouvernement travaille à celui-ci en vue d'une publication qui interviendra dans les prochaines semaines, sinon dans les prochains jours.
S'agissant des établissements fonciers d'outre-mer, je suis ce dossier avec ma collègue Brigitte Girardin, la ministre de l'outre-mer. En particulier, les crédits de l'Etat qui permettent à l'Etablissement public d'aménagement de la Guyane de mener son action sont inscrits à son budget et leur utilisation est placée sous sa responsabilité.
Quant à la durée d'existence des deux agences qui ont été évoquées, je suis ouvert à l'idée de la prolonger jusqu'en 2011. S'agissant de leurs ressources, c'est-à-dire d'un éventuel relèvement du plafond de la taxe spéciale d'équipement, la TSE, il semble opportun d'attendre que des programmes finalisés d'équipement de la zone des cinquante pas géométriques soient définis, afin de pouvoir alors apprécier s'il convient ou non d'accroître cette ressource fiscale.
J'en viens maintenant aux crédits du logement.
Comme vous le savez, monsieur Mano, les marges de manoeuvre qui étaient disponibles cette année, au moment de l'élaboration du projet de loi de finances, n'ont pas permis, comme je l'aurais souhaité, de relancer le dispositif du prêt à taux zéro, qui continue à bien fonctionner. Mme Henneron, dans son rapport établi au nom de la commission des affaires sociales, regrette également qu'un effort supplémentaire n'ait pas été consenti en faveur du prêt à taux zéro.
M. Mano, pour sa part, a insisté sur l'efficacité économique et sociale du prêt à taux zéro. Je suis entièrement d'accord avec lui, et je puis assurer au Sénat que la suppression de ce dispositif n'est absolument pas d'actualité. Les conclusions de l'évaluation conjointe menée en 2001 par l'Inspection générale des finances, le Conseil général des ponts et chaussées et le directeur de l'Agence nationale d'information sur le logement sont d'ailleurs très favorables au maintien de ce produit. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé, dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, de maintenir les moyens d'assurer la distribution d'environ 102 000 prêts en 2003, ce qui n'est pas négligeable. Cela représentera une légère progression par rapport aux années 2001 et 2002.
Si les crédits figurant dans le projet de loi de finances, avec 778 millions d'euros pour le seul prêt à taux zéro, sont en recul, c'est parce que le coût unitaire de chaque prêt a diminué, en raison de la baisse des taux d'intérêt, qui entraîne une moindre compensation de la part de l'Etat. Il s'agit là d'un effet mécanique, cela ne signifie pas que l'on distribuera moins de prêts à taux zéro.
Par ailleurs, il ne suffit pas, monsieur Mano, de prévoir des crédits pour qu'ils soient consommés ; il y faut aussi une volonté politique de tous les instants. Alors que le précédent gouvernement avait affiché un objectif de 30 000 logements démolis par an, leur nombre n'a jamais atteint 10 000, et il ne dépassera pas, selon les prévisions que l'on peut établir en ce mois de décembre, 8 000 en 2002. La politique volontariste élaborée par mon collègue Jean-Louis Borloo commencera à porter ses fruits en 2003, c'est pourquoi le projet de budget prévoit des crédits pour quelque 12 000 démolitions, niveau jamais atteint jusqu'à présent. Bien sûr, ce n'est que les années suivantes que le plan prendra toute son ampleur.
La loi de 1948, qui était indispensable lors de sa promulgation à la Libération, entraîne aujourd'hui, il ne faut pas le cacher, des effets pervers. On a manqué de courage, dans le passé, devant ce qui constitue l'une des dernières survivances de l'économie administrée, puisque l'Etat fixe tous les ans les loyers de façon quasi uniforme sur l'ensemble du territoire.
L'insuffisance de rémunération a inévitablement amené une absence d'entretien et, parfois, le développement d'un habitat insalubre. Le Gouvernement souhaite, par conséquent, un retour au droit commun de ces logements, afin qu'ils puissent être correctement entretenus, pour le plus grand profit des locataires.
Ce mécanisme de retour au droit commun devra être progressif, et sa mise en oeuvre devra donc s'étaler sur plusieurs années. Une remise aux normes du confort des logements concernés devra être assurée par les propriétaires, comme je l'ai bien spécifié. Cela étant, je n'envisage pas que le mécanisme de sortie du dispositif de la loi de 1948 s'applique aux personnes à revenus modestes ou aux personnes âgées qui vivent souvent depuis de nombreuses années dans ces logements.
J'examine avec l'ANAH quelles dispositions pourraient permettre d'attribuer des aides pour les travaux de remise aux normes des logements que je viens d'évoquer. J'organiserai une concertation avec les représentants des locataires et des propriétaires privés pour négocier les modalités techniques et juridiques d'un tel processus.
Mme Françoise Henneron estime que, au-delà des crédits affichés par la loi de finances, il est nécessaire de clarifier les compétences, d'alléger les procédures et surtout de désigner un acteur unique de la politique de lutte contre l'insalubrité, pour que celle-ci soit efficace.
J'ai également relevé l'intérêt porté par M. Jean-Yves Mano à la procédure de résorption de l'habitat insalubre, laquelle, il faut bien le reconnaître, avait été quelque peu négligée ces dernières années.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, a refondu la loi Vivien de 1970, simplifié les procédures et clarifié les responsabilités. Peut-être faut-il aller plus loin, et je souhaiterais vivement que vous me fassiez part de vos suggestions et de vos avis sur ce sujet.
D'un point de vue opérationnel, j'ai voulu, dès mon arrivée au ministère, l'ouvrir le chantier de la simplification et de l'amélioration des financements prévus pour les opérations de résorption de l'habitat insalubre. Les mesures correspondantes entreront en vigueur très prochainement, puisque la circulaire devrait être signée au début de l'année 2003.
Par ailleurs, j'ai fait de la lutte contre l'insalubrité l'un des principaux axes du volet relatif au logement du plan de renforcement de la lutte contre les exclusions que j'ai présenté aux associations et à la presse le 5 novembre dernier.
Je voudrais maintenant assurer M. Mano, qui s'est inquiété de l'« évolution négative des aides à la personne ». Le Gouvernement a décidé de revaloriser au 1er juillet 2002, donc avec un effet rétroactif portant sur deux ou trois mois, les barèmes des aides personnelles, pour un coût budgétaire de 145 millions d'euros en 2003, contre 128 millions d'euros en 2002 et 86 millions d'euros en 2001 : vous avez donc eu tort, monsieur Mano, de parler d'une réduction des aides à la personne ; il s'agit, au contraire, d'une très forte augmentation en valeur absolue.
Enfin, la taxe sur les logements vacants, la TLV, créée en 1998, s'applique aux logements laissés volontairement inoccupés depuis au moins deux ans et situés dans des agglomérations où la demande de logements est forte. Il n'est pas, pour l'heure, dans les intentions du Gouvernement de modifier ce dispositif. Le fait que le rendement de cette taxe soit limité montre qu'elle joue un rôle dissuasif - ou incitatif, j'ignore quel est l'adjectif le plus adéquat !
En tout cas, j'ai la volonté de mobiliser toutes les énergies pour remettre sur le marché des logements du parc privé, grâce à cette taxe et aux majorations de subventions accordées par l'ANAH en cas de remise sur le marché de logements vacants.
Mme Henneron et M. Mano ont également évoqué l'article 55 et la mixité sociale. Le Sénat a examiné une proposition de loi de la commission des affaires économiques tendant à modifier la loi SRU, notamment l'article 55 de celle-ci, qui a été transmise à l'Assemblée nationale le 13 novembre dernier. Pour ma part, j'ai toujours indiqué que j'étais favorable à la mixité sociale et à la diversité de l'habitat, qui font, me semble-t-il, l'objet d'un consensus sur les travées de la Haute Assemblée. Je persiste à penser qu'un dispositif fondé sur la confiance que l'on accorderait aux élus locaux serait plus efficace, plus performant et devrait permettre de réaliser au moins autant, sinon davantage, de logements sociaux qu'actuellement dans des quartiers ou des communes qui ont grand besoin d'un certain rééquilibrage.
C'est en ce sens que le Gouvernement entend travailler avec les élus et avec les milieux associatifs, pour que la mixité sociale et la diversité du logement ne soient pas de simples slogans. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du logement est toujours dominé, en termes de masse financière, par les crédits destinés aux aides à la personne. C'est naturellement une bonne chose, car le logement compte parmi les premières priorités de nos concitoyens. A ce titre, il est fondé de favoriser les dispositifs visant à faciliter l'accès au logement.
Sans méconnaître les enjeux relatifs aux aides personnelles, je souhaite en fait vous interroger, monsieur le ministre, sur le rôle des communes dans la production de logements sociaux.
En introduction à ce débat, les rapporteurs ont rappelé que la part des logements sociaux dans la construction neuve s'était réduite au cours de la dernière décennie, en dépit des efforts du gouvernement précédent. En effet, plus qu'une absence de volonté politique, c'est l'augmentation des coûts, la rareté du foncier, l'accroissement de la demande et l'effort porté sur les opérations de réhabilitation qui sont responsables de la pénurie de logements.
Pour faire face aux problèmes que pose ce parc insuffisant et vieillissant, les collectivités locales accompagnent la politique nationale du logement, même si les premières lois de décentralisation ne leur confèrent pas directement cette compétence. Intervenant en matière d'urbanisme réglementaire, d'action foncière et d'urbanisme opérationnel, les communes sont devenues des acteurs incontournables de la politique du logement.
Pour ma part, soucieux, comme de nombreux maires, de satisfaire la demande de logement de mes administrés, c'est avec volontarisme que je remplis cette mission. Cependant, un certain nombre d'obstacles limite l'action des élus.
De plus en plus soumis à des contraintes financières, les organismes d'HLM réalisent leurs programmes en faisant appel aux communes. C'est une nécessité pour aboutir à un loyer d'équilibre conforme à l'objectif fixé en matière de logement social.
La multiplication des normes en termes de sécurité, d'environnement et de cadre de vie engendre d'importants surcoûts, qui sont à la charge des communes.
En outre, ces dernières fournissent le foncier gratuitement, un foncier qu'elles maîtrisent rarement. Faute d'un portefeuille ancien mais renouvelé régulièrement au fil des années, les maires sont dès lors obligés d'acquérir des biens au prix fort, celui du marché. Dans le Sud-Ouest, par exemple, le prix du foncier augmente au minimum de 10 % chaque année, d'où l'intérêt de constituer une réserve foncière.
Monsieur le ministre, parce que la faisabilité d'un grand nombre d'opérations HLM dépend des moyens engagés par les collectivités, je souhaiterais connaître vos intentions à leur égard.
Plus globalement, quels sont, dans le cadre de l'approfondissement de la décentralisation, les moyens qui seront octroyés aux communes ? Leurs compétences et les charges correspondantes seront-elles clairement définies ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur le sénateur, en tant qu'élu local, je suis très sensible à votre question relative au rôle des communes en matière de logement social.
Je commencerai par affirmer qu'il est de la compétence de l'Etat de financer le logement social. Dans la pratique, l'Etat finance le logement social à travers la subvention qu'il verse, l'octroi du taux réduit de TVA et l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, pour ce qui concerne la construction neuve. L'Etat participe aussi au financement du logement social par le biais des prêts à taux privilégié de la Caisse des dépôts et consignations.
Par ailleurs, l'Etat attribue des aides à la personne pour un montant considérable puisqu'il atteint 5,4 milliards d'euros. Elles permettent de couvrir une partie des loyers, grâce auxquels les offices d'HLM peuvent rembourser les annuités des emprunts qu'ils contractent pour construire des logements sociaux.
Cependant, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, cet effort ne suffit pas, et il arrive très fréquemment que des collectivités locales soient contraintes de participer d'une façon ou d'une autre au financement, afin d'équilibrer les opérations.
D'ores et déjà, il sera mis fin à l'obligation d'assurer l'équilibre opération par opération, puisque nous nous orientons vers un conventionnement avec les bailleurs sociaux pour que soit désormais prise en considération la situation financière globale de l'organisme souhaitant réaliser des logements sociaux. Un léger déficit, sur une opération particulière, pourra, le cas échéant, être toléré.
J'observe tout de même que les contributions des collectivités locales, quelle que soit leur utilité, restent globalement limitées.
Un rapport de l'Inspection générale des finances et du Conseil général des ponts et chaussées évalue ainsi ces contributions à 4,7 % du total des financements. Certes, cela n'est pas négligeable et permet de débloquer quelques dossiers, mais l'ampleur de l'effort des collectivités locales demeure relativement modeste.
Si les communes peuvent, dans certains cas, contribuer au plan de financement en fournissant, par exemple, du foncier à un prix privilégié, voire gratuitement, elles n'ont pas, bien entendu, à se substituer à l'Etat.
Quoi qu'il en soit, il faut veiller à ce que l'évolution des coûts des constructions ou des travaux ne remette pas en cause un équilibre qui me paraît relativement satisfaisant aujourd'hui. Si l'on promouvait davantage l'accession sociale à la propriété, cela permettrait aux bailleurs sociaux, qui, à l'heure actuelle, construisent des logements sociaux pour les donner en location, de dégager des fonds propres grâce auxquels ils pourraient peut-être renforcer l'apport des collectivités locales, voire se substituer, dans certains cas, à ces dernières.
M. le président. La parole est à Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. J'ai bien noté que le Gouvernement affiche le logement social comme priorité des priorités ; il est vrai qu'il représente un facteur essentiel de cohésion sociale.
Je formulerai une remarque concernant les mesures relatives à la mise en place, le 7 janvier dernier, d'une action dite « foncière du logement » dans le cadre du 1 %. Les objectifs sont très ambitieux. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il serait souhaitable que le Parlement soit représenté au sein de cette structure pour y faire entendre la voix de la représentation nationale ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Je retiens votre suggestion, monsieur Collin. Je vais la mettre à l'étude car elle me paraît fort intéressante.
M. Yvon Collin. Merci, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Marcel-Pierre Cleach.
M. Marcel-Pierre Cleach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du logement s'élève à 7,3 milliards d'euros. Globalement stable, c'est un budget de transition établi dans un contexte de faible croissance et de maîtrise des dépenses publiques.
Je le comprends bien, monsieur le ministre : il vous était difficile, cette année, de faire autrement que d'en reprendre les mesures traditionnelles. Il m'apparaissait impossible, en tout cas, de préparer rapidement le budget de rupture que je souhaite vous voir défendre, ici même, l'an prochain.
Nos rapporteurs ont largement et excellemment détaillé et expliqué les diverses composantes et mesures de ce budget, apprécié ses « plus » et regretté ses insuffisances.
Pour ma part, je me contenterai d'attirer votre attention sur la situation tendue, gravement tendue, du marché locatif du logement, tant dans le secteur privé que dans le secteur aidé.
Aujourd'hui, en effet, l'équilibre entre l'offre et la demande est rompu, et ce quel que soit le marché, qu'il s'agisse du logement locatif privé ou logement dit social.
Il est donc du devoir des pouvoirs publics de s'en inquiéter afin, d'une part, de soutenir l'activité économique et, d'autre part, bien sûr, de permettre à nos concitoyens de se loger convenablement, notamment dans les grandes villes, et à une distance raisonnable de leur lieu de travail.
L'Etat ne peut, seul, répondre à la demande.
Diffus, bien réparti géographiquement, le parc locatif privé remplit, lui aussi, vous le savez bien, monsieur le ministre, une fonction économique et une fonction sociale indispensables.
Les jeunes, notamment, ne peuvent plus se loger à Paris. Je sais bien qu'il y a Paris, où la situation est carrément critique, et le reste de la France, mais le constat vaut pour toutes les grandes villes.
Il convient donc de se demander à quoi sont dues ces tensions locatives.
La première raison me semble résider dans la pénalisation fiscale de l'épargne immobilière. Son assiette fiscale est large, puisqu'elle concerne toutes les étapes de la vie du bien : acquisition, production, détention et transmission. Sa rentabilité est faible au regard des autres placements possibles, de même que sa liquidité.
A cette charge fiscale excessive s'ajoutent les risques inhérents à la location. Actuellement, le propriétaire est systématiquement placé en état d'infériorité par rapport à son locataire. Cette pente, sans cesse aggravée ces dernières années par les textes et la jurisprudence, dessert tout autant les prétendants à la location que les propriétaires bailleurs. Le développement de l'offre locative dans le parc privé suppose une meilleure sécurisation des bailleurs. De surcroît, l'incessant va-et-vient entre la taxation excessive et la mise en place d'avantages fiscaux très ciblés pour soutenir momentanément certains pans du marché m'apparaît très préjudiciable.
En réalité, la fiscalité appliquée au secteur immobilier a une connotation moralisatrice. Elle interdit de posséder. Elle a, en tout cas, atteint son but en contribuant à éloigner de ce secteur d'activité un très grand nombre de nos concitoyens qui ont juré qu'on ne les y prendrait plus.
On ne peut attendre du parc privé qu'il participe à la lutte contre la pénurie de logements et décourager les propriétaires par une fiscalité excessive et un risque locatif grandissant. On ne peut espérer remédier à cette situation sans doter ce secteur d'un cadre stable et de dispositions juridiques et fiscales aussi attractives que les autres produits d'épargne.
Stimuler l'épargne vers l'investissement locatif, c'est aussi donner à nos concitoyens la possibilité de se construire une épargne retraite diversifiée. Cette approche, qui permettrait une rencontre entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif, ne peut être ignorée au moment même où la réforme des retraites doit être mise en place.
Il ne faut pas avoir peur de revenir à une politique volontariste en faveur de l'investissement immobilier. Nous avons besoin de logements de toutes catégories et il faut redonner confiance aux Français qui étaient très attachés à ce type d'investissement et qui, sous les coups de boutoir de la fiscalité et compte tenu de la complexité des textes amplifiée d'année en année, ont quitté ce secteur et n'y reviendront que rassurés par une nouvelle politique, par de nouvelles habitudes de gouvernement et par l'assurance d'une règle du jeu qui ne change pas tous les deux ou trois ans, voire tous les ans !
Pourtant, les règles simples qui s'appliquaient à l'investisseur immobilier locatif, jointes à une fiscalité raisonnable, ont contribué à relancer, à plusieurs reprises, l'activité du bâtiment et de toutes ses professions périphériques !
La situation du logement social n'est pas meilleure. En dépit d'annonces très optimistes de programmations, on n'a jamais construit aussi peu de logements sociaux que ces dernières années.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, permettra de réaliser un nombre d'opérations au moins égal et souvent supérieur aux réalisations de 2002.
Mais il convient de se projeter au-delà de l'année 2003 et de prendre la mesure des entraves existantes et de la tâche à accomplir pour tenter de remédier à cette situation.
La longueur et la complexité du montage des opérations, les modifications de la législation financière expliquent certes, pour partie, cet échec, mais le problème crucial me semble être le coût de la construction et son financement.
La situation du secteur locatif, qu'il soit public ou privé, n'est bien sûr pas la même partout en France, et le constat global doit être corrigé en fonction des différences constatées entre les grandes villes, les banlieues, les villes moyennes et le monde rural.
Il n'en reste pas moins que la situation dans ces deux secteurs s'est dégradée au fil des ans et qu'il convient, aujourd'hui, non plus de travailler en prenant des mesurettes ou en corrigeant de manière homéopathique un système essoufflé, mais de promouvoir une politique que nous ne devons pas craindre de qualifier de « libérale » à l'égard du secteur privé et de « qualitative » s'agissant du secteur locatif aidé.
C'est non pas un problème idéologique, mais une simple question de bon sens : pour répondre aux besoins de nos compatriotes, il faut avoir le courage de renoncer aux programmations irréalistes en matière de construction de logements sociaux, et d'engager une politique décomplexée et pérenne en faveur du secteur locatif privé.
Aussi, ma question est double, monsieur le ministre : envisagez-vous d'engager, d'une part, une politique résolument nouvelle, tant sur le plan fiscal que sur le plan réglementaire, pour favoriser l'investissement immobilier privé et, d'autre part, une politique résolument qualitative à l'égard du secteur locatif aidé ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.) M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur le sénateur, je suis tout à fait d'accord avec vous. La politique du logement, c'est la politique de la chaîne du logement, qui recouvre non seulement le locatif social, c'est-à-dire le locatif aidé, comme vous l'avez appelé, mais également l'accession à la propriété et notamment l'accession sociale. Aux deux bouts de la chaîne, il peut y avoir de l'accession ou de la construction résidentielles et du logement de très grande urgence. Tous ces éléments constituent donc la chaîne du logement.
Je le reconnais, monsieur le sénateur, le projet de budget pour 2003 ne traduit pas une révolution considérable dans la politique du logement ; ce serait mentir que de l'affirmer. Néanmoins, il traduit certaines inflexions qui pourraient être en tout cas des signes importants d'une nouvelle politique du logement qui s'élaborera au cours de l'année 2003.
Pour favoriser l'investissement locatif privé, le Gouvernement s'est déjà montré favorable à la possibilité de location entre ascendant et descendant dans le fameux dispositif de la loi Besson, ce qui était exclu précédemment et mettait dans une situation difficile, voire scabreuse, les propriétaires qui voulaient investir en achetant des logements pour les louer.
Par ailleurs, il est souhaitable que l'on recherche un meilleur équilibre entre la fiscalité de l'immobilier et la fiscalité des valeurs mobilières, sinon les investisseurs placeront leur argent là où la fiscalité est la plus attrayante, ou la moins pénalisante.
Quant au locatif social, les enjeux sont autant qualitatifs que quantitatifs. Comme vous l'avez rappelé, le budget prévoit, en 2003, la construction de 54 000 logements sociaux. C'est insuffisant, mais c'est déjà mieux.
Les organismes sociaux sont encouragés à mener une politique active de gestion de leur patrimoine, grâce au soutien financier que l'Etat leur apporte, par l'élaboration de leur plan stratégique de patrimoine. Tout à l'heure, j'ai parlé du conventionnement, et j'aurais pu évoquer également la fongibilité des crédits d'aide à la pierre, qui apportera un « plus » et, je l'espère, un « mieux » dans la construction de logements aidés. Les actions qui en découlent - l'amélioration de la qualité de service aux usagers, les démolitions et les réhabilitations - sont également financièrement soutenues. C'est, j'en suis convaincu, en utilisant toute la palette des dispositifs existants que la préoccupation que vous exprimez en faveur de la qualité du logement social sera mieux prise en compte.
Pardonnez-moi de faire état d'une comparaison qui n'est pas en notre faveur, mais elle montre l'importance du défi qui nous attend dans les années à venir. Dans un grand pays ami, l'Espagne, sont aujourd'hui construits 500 000 logements par an, pour 41 millions d'habitants. En France, le rythme est, comme vous l'avez rappelé, de 300 000 à 320 000 logements pour 61 millions d'habitants. De plus, les Espagnols sont pratiquement tous propriétaires.
Mme Odette Terrade. Il faut augmenter les salaires !
M. Gilles de Robien, ministre. En termes d'objectifs, de soutien à l'économie et à l'emploi, par ces investissements considérables, si on parvenait à atteindre un tel rythme de construction dans les années à venir, cela permettrait de résorber une grande partie des problèmes du logement dans notre pays. On aurait une France de propriétaires, ce qui améliorerait considérablement notre climat social. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Marcel-Pierre Cleach.
M. Marcel-Pierre Cleach. Monsieur le ministre, il a pu vous sembler paradoxal qu'un président d'OPAC milite pour l'investissement privé. Mais, hormis le logement social, nous ne trouvons plus de logements. Les jeunes rencontrent des difficultés considérables pour se loger, notamment dans les grandes villes. Dans le monde rural, le problème est bien sûr différent.
En tant qu'acteur du logement social, j'ai noté, notamment, la fongibilité, que nous réclamions depuis longtemps, et donc les avancées que contient ce budget sur le plan des principes.
Il vous faudra quelques années, une période de croissance et une situation financière améliorée pour que nous puissions convaincre vos collègues de Bercy de nous aider à mettre sur pied une fiscalité incitative pour l'investissement privé, ce qui ne veut pas dire, d'ailleurs, que, pour les caisses de l'Etat, le résultat net sera déficitaire et moins important que celui que rapporte, aujourd'hui, la fiscalité immobilière.
M. le président. La parole est à M. André Vezinhet.
M. André Vezinhet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 15 août dernier, le journal Le Monde titrait : « La politique du logement est-elle à l'abandon ? » Le projet de budget pour 2003 peut-il nous fournir, à cet égard, une réponse ?
Les dotations pour 2003 se caractérisent par une quasi-stabilité des crédits de paiement, qui s'élèvent à 7,29 milliards d'euros. On note une baisse sensible - 7,6 % - des autorisations de programme.
Pour le logement locatif social, même si la ligne fongible - PLA, PLUS et PALULOS - progresse de 15 millions d'euros, croyez-vous, monsieur le ministre, que l'objectif budgétaire de 54 000 logements réponde à l'exigence nationale, même si on y ajoute les 4 000 logements de la société foncière créée par Mme Lienemann ? Ce nombre correspond à la producton 2001, rehaussée grâce au plan de relance d'avril 2001. On aurait pu espérer qu'il augmente en 2002. Mais les régulations « républicaines » sont passées par là dès juillet, sans compter les amputations du collectif budgétaire de fin d'année.
Cent mille PALULOS suffiront-elles aux besoins de réhabilitation, au financement du plan de sécurisation des ascenseurs, sachant que ces crédits concernent en priorité, dans le cadre de la politique de la ville, des opérations lourdes dans des quartiers difficiles ?
Pourquoi réduire de 76 millions d'euros à 60 millions d'euros la dotation pour les démolitions, alors que 200 000 opérations sont programmées sur cinq ans ? Le gouvernement précédent avait largement amorcé la mesure. On aurait souhaité vous voir poursuivre dans ce sens.
Voilà deux ans à Montpellier, dans le canton de La Paillade dont j'ai l'honneur d'être élu, une cité délabrée a cédé la place à soixante et onze logements, opération lourde en quatre tranches imposant déplacement et relogement. Cette procédure inédite voulue par M. Louis Besson se traduit par une authentique réussite. Il eut fallu persévérer et amplifier de telles actions.
Pourquoi amputer les crédits de l'ANAH de 11 % en autorisations de programme ? Il s'agit-là d'un frein à la mobilisation du parc privé, notamment dans la revitalisation des centres anciens. Cette réponse offre une possibilité de se loger à des familles privées de l'accès au parc HLM, sans oublier le rôle de l'ANAH et des OPAH à l'égard de l'artisanat et du bâtiment.
Pourquoi supprimer, sans évaluation préalable, la prime à l'accession très sociale, expérimentée dans le budget 2002, dans un objectif de mixité sociale ? Alors que, comme vous venez de le rappeler, vous déclarez partager cet objectif, vous cautionnez, par ailleurs, une proposition de loi de la majorité sénatoriale visant à atteindre l'article 55 de la loi SRU. La majorité a procédé ici comme elle l'a fait pour la durée du temps de travail. Elle n'a certes pas supprimé l'article 55, elle l'a rendu inopérant en en faisant une « coquille vide ». Tous les prétextes furent bons pour aller dans le sens de ceux qui rêvent de choisir leurs concitoyens en excluant certaines composantes de l'offre d'habitat.
M. Jean-Pierre Schosteck. Que ne faut-il pas entendre ?
M. André Vezinhet. On parviendra ainsi à un peuplement qui ne sera plus le reflet de la population nationale.
S'agissant des dispositifs d'aide aux ménages en détresse - aide à la médiation locative, aide au logement temporaire ou FSL -, les financements de l'Etat régressent.
La revalorisation - vous l'avez signalé - de 1,2 % des APL, les aides personnalisées au logement, est notoirement insuffisante. Elle ne prend même pas en compte l'évolution de 3,57 % de l'indice de la construction 2001 ni celle de l'indice INSEE, 2,6 %, calculée sur les douze derniers mois en juillet 2002. La solvabilisation des ménages s'en trouve grandement affectée.
Pour évoquer d'autres aspects qui auraient pu donner du souffle et du dynamisme à ce budget du logement, j'aurais aimé trouver des mesures du type de celles que nous essayons de promouvoir dans mon département. Voilà un mois, en effet, en présence de M. Michel Delebarre, une trentaine d'organismes d'habitat social ont signé un projet de charte méditerranéenne de l'habitat. Celle-ci suppose d'intégrer dans l'acte de construire et de réhabiliter les notions de haute qualité environnementale et de développement durable. Avez-vous l'intention, monsieur le ministre, de poursuivre dans cette voie ouverte par le secrétariat d'Etat au logement dans le budget 2002 ?
Pour conclure, monsieur le ministre, le budget serré qui est consenti au logement pour 2003 confirme que celui-ci ne fait pas partie des priorités du Gouvernement. Les annulations de crédits contenues dans le projet de loi de finances rectificative pour 2002 - annulations de 12 % des crédits de paiement et de 6 % des autorisations de programmes aux chapitres 65-48 et 46-50 - ne sont pas de nature à apaiser nos craintes, pas plus que les gels de crédits votés pour 2003 qui seront pratiqués dès janvier prochain. Pouvez-vous nous préciser quelles opérations seront prioritairement visées : les constructions, les réhabilitations ?
Dans ce contexte, le groupe socialiste, au nom duquel je m'exprime, déplore que vous ne disposiez d'aucune marge de manoeuvre pour le court terme, dans une situation encore marquée, malgré un léger mieux, par une pénurie d'offre locative et par l'impossibilité, pour nombre de nos concitoyens, de donner un contenu concret au droit au logement. Il votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Vezinhet, c'est avec plaisir que je réponds à vos questions sur le budget pour 2003.
S'agissant de la ligne fongible, l'augmentation est de 15 millions d'euros, ce qui mérite d'être examiné attentivement. En 2002, cette ligne fongible n'a fait l'objet d'aucune annulation d'autorisations de programme. On a même ajouté 20 millions d'euros en région parisienne, pour la surcharge foncière en Ile-de-France, qui, permettez-moi de vous le rappeler, n'avait pas été évaluée à sa juste mesure dans le budget précédent.
M. Jean-Pierre Schosteck. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Les logements à haute qualité environnementale sont une très bonne idée - qu'il faut approfondir -, mais il faut savoir que cela générera un surcoût. Il ne faut pas simplement faire des demandes. Il faut avoir à l'esprit les surcoûts, et il conviendra donc de trouver les ressources correspondantes.
Par ailleurs, certaines idées ne sont pas bonnes à exprimer. Il en est ainsi lorsque vous dites qu'il faut indexer l'APL sur l'indice du coût de la construction, l'ICC, ou sur les loyers. En effet, si nous avions indexé l'APL en 2002 ou en 2001 sur l'augmentation des loyers pour les locataires des offices d'HLM ou des SA d'HLM, cela se serait traduit par une baisse certaines années puisque l'indice du coût de la construction a lui-même baissé. Vous auriez eu - ce que vous auriez alors pu dénoncer - une non-progression, voire une baisse, de l'APL pour des millions de locataires qui sont aujourd'hui en HLM. Par conséquent, il convient plutôt de chercher la manière de mieux indexer les loyers sur un bon indice, car l'ICC est trop erratique, il ne reflète pas vraiment l'évolution du pouvoir d'achat. C'est dans cette direction qu'il faut aller pour aboutir à de véritables réponses en termes d'équité et de solidarité.
S'agissant des régulations 2002, le dispositif, que nous n'avons pas modifié, j'en conviens, avait été mis en place par le gouvernement que vous souteniez à l'époque. Vous ne pouvez donc pas vous en plaindre aujourd'hui, sachant que vous ne vous en êtes pas plaints au début de l'année 2002.
Les opérations de démolition sont financées par des crédits de paiement, et non par des autorisations de programme. Nous disposons aujourd'hui et nous avons disposé en cours d'année 2002 de tous les crédits nécessaires pour répondre aux demandes de démolition. Si des annulations de crédits interviennent parfois dans ce domaine, c'est parce que les projets sont moins en avance ou moins à l'heure que ce qui était prévu. Nous sommes alors bien obligés de restituer les crédits.
Par ailleurs, vous nous faites un procès sur la mixité sociale. Ce n'est pas bien ! Le texte tel qu'il résulte des travaux du Sénat entend assurer cette mixité sociale. Au lieu de recourir à un texte d'affichage dans une loi - celle que vous avez votée -, qui avait pour objectif seulement 18 000 logements sociaux en mixité sociale, les sénateurs ont voté une loi comportant un objectif de mixité sociale de 23 000 logements sociaux.
Mme Odette Terrade. On verra !
M. Gilles de Robien, ministre. Que l'on puisse encore améliorer ce dispositif, certes, mais le Gouvernement n'acceptera jamais que ses objectifs soient revus à la baisse. Ils seront supérieurs à ceux que vous aviez prévus et nous les atteindrons plus aisément puisque nous faisons confiance aux élus locaux, alors que votre démarche consistait à les pénaliser d'emblée. Il s'agit d'une autre démarche, qui consiste à faire confiance. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je voudrais vous répondre sur la prime à l'accession très sociale. La mise en place de cette prime partait d'un constat d'expérience de l'offre de logements neufs en accession à la propriété. L'idée était de verser, sous certaines conditions, une subvention de 10 700 euros aux promoteurs qui s'engageaient à baisser du même montant le prix de vente des logements réalisés. Connaissez-vous le résultat de cette belle mesure, là encore emblématique ? Moins de 400 logements ont été déclarés éligibles à la prime ! C'est un très faible résultat, vous en conviendrez.
Je souhaite aider les ménages modestes à accéder à la propriété, y compris dans les agglomérations où les prix sont plus élevés. Il faut revoir cet objectif, mais aussi les moyens de l'atteindre. Je citerai quelques pistes. Les collectivités territoriales, je l'ai dit tout à l'heure, pourraient compléter et soutenir divers dispositifs d'aide relevant de la compétence de l'Etat ; certaines le font déjà. La location-accession est aussi un bon dispositif, qui s'est un peu « endormi », si je puis dire, et que je souhaite relancer, en concertation notamment avec les organismes d'HLM ; elle peut aussi apporter une bonne réponse à la demande des ménages les plus modestes, qui ont besoin d'être sécurisés et qui rêvent, comme beaucoup de ménages français, de devenir un jour propriétaires.
M. le président. La parole est à M. André Vezinhet.
M. André Vezinhet. Monsieur le ministre, je n'ai aucune raison de douter de votre engagement personnel. Mais vous faites manifestement partie d'une équipe gouvernementale qui ne veut pas faire du logement une de ses priorités, la lecture du projet de budget que vous nous soumettez le montre clairement.
Faute de temps, je ne reviendrai que sur deux des nombreux sujets que vous avez évoqués.
S'agissant de la mixité sociale et de l'article 55 de la loi SRU, personne ne peut être dupe du dispositif que vous proposez. Il vise à établir un droit dérogatoire qui, de toute évidence, deviendra le droit commun. Le dispositif que nous avions élaboré avec M. Besson permettait d'atteindre en vingt ans la mixité telle que nous la souhaitions. Si l'on se fonde strictement sur les données que vous nous proposez, il faudra soixante ans pour y parvenir.
Certes, le droit commun demeurera, mais le droit dérogatoire deviendra la véritable voie, et je sais combien les maires dont la campagne électorale reposait sur la promesse de ne jamais construire de logement social dans leur commune se réjouissent aujourd'hui des dispositions que vous envisagez de prendre.
M. Jean-Pierre Schosteck. Mais non !
M. André Vezinhet. S'agissant de l'aide aux collectivités locales, je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre. Pour ma part, je sais n'être l'objet d'aucun procès dans ce domaine, pas plus pour l'aide foncière que pour l'aide à la construction, ni même pour l'aide directe à la pierre, sur laquelle nous intervenons.
Mais, de grâce ! Puisque vous êtes en bons termes avec le président du conseil régional du Languedoc-Roussillon, dites-lui qu'il est la honte de la France, car sa région est aujourd'hui la seule à ne pas donner un centime au logement social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les moyens d'investissement du ministère de l'équipement pour 2003 sont recentrés sur la réalisation des contrats de plan et des autres engagements de l'Etat jusqu'ici non financés, ainsi que sur l'entretien des routes. Le projet de loi de finances prévoit en outre la poursuite de la rénovation et du développement du parc de logements. Vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le ministre, un double objectif est retenu en 2003 de 12 000 nouvelles démolitions de logements vétustes - soit près du double des réalisations prévues en 2002 -, et de 54 000 constructions nouvelles dans le parc d'HLM.
Tout cela me semble correspondre à la volonté de votre ministère non seulement de concrétiser les projets du Gouvernement, mais également de répondre à ceux des collectivités territoriales, et, sans vouloir « régionaliser » mon intervention, je ne peux pas ne pas rappeler ici notre attachement au début effectif, en 2003, des travaux du carrefour de Verdun, à Blois, point noir de notre belle vallée de la Loire.
En ce qui concerne l'urbanisme, je reconnais que les objectifs de la loi SRU sont louables, puisqu'il s'agit d'améliorer l'urbanisation périphérique, de casser les ghettos urbains en favorisant la mixité par le logement, d'éradiquer l'insalubrité. Dans la pratique, ils se sont montrés très difficiles à mettre en oeuvre, tout particulièrement en ce qui concerne les règles d'urbanisme.
Parfois peu lisibles, donnant lieu à des interprétations très contestables de la part des services déconcentrés de l'Etat, les nouvelles réglementations, notamment celles qui sont relatives au SCOT et au PLU, rencontrent souvent une réelle hostilité de la part de l'ensemble des élus locaux. Les nouvelles procédures et les nouveaux instruments instaurés par cette loi bloquent les initiatives d'urbanisation et d'aménagement des communes, et la grande majorité des élus peinent à concilier les exigences législatives et réglementaires d'urbanisme avec leurs besoins en matière de construction.
Je sais que l'équillibre est difficile à trouver : d'une part, les règles d'urbanisme sont absolument nécessaires pour contrôler les constructions et pour protéger l'environnement de nos belles campagnes et le paysage urbain ; mais, d'autre part, certains territoires ruraux ne peuvent revoir leurs objectifs à la baisse sous peine d'aggraver la désertification des villages.
Les territoires ruraux doivent pouvoir attirer de nouveaux résidents pour demeurer des centres de vie, et vous connaissez aussi bien que moi, monsieur le ministre, les contraintes de la gestion quotidienne d'une petite commune, où les moyens humains et financiers sont limités.
A cet égard, lors de l'examen par le Sénat de la proposition de loi tendant à modifier l'article 55 de la loi SRU, le groupe de l'Union centriste a retiré un amendement qui visait à assouplir les règles relatives à la participation pour voies nouvelles et réseaux associés contre l'assurance que vous aviez donnée, monsieur le ministre, de prévoir de nouvelles règles dans le projet de loi qui sera très prochainement débattu à l'Assemblée nationale. Je me permets de vous demander de nouveau vos intentions sur ce sujet, qui préoccupe tout particulièrement les élus ruraux.
J'aborderai également la question de l'élaboration des documents d'urbanisme. Dans ce domaine également, le manque de moyens financiers et humains est un handicap pour les petites communes. Une partie de la dotation générale de décentralisation compense les dépenses des communes, compétentes en matière d'urbanisme ; en 2002, elle s'élevait à 15,9 millions d'euros. Cependant, ces moyens se révèlent la plupart du temps insuffisants. C'est pourquoi il me semble nécessaire que la contribution de l'Etat soit majorée pour pallier notamment le dysfonctionnement et la carence des directions départementales de l'équipement, les DDE, qui, compte tenu de la politique de réduction des effectifs menée actuellement, peinent à remplir leur rôle de conseil.
M. Gérard Le Cam. Alors, vous voterez contre l'amendement de la commission des finances !
Mme Jacqueline Gourault. Je terminerai en rappelant que les élus, à l'heure actuelle, ont besoin d'encouragements. Il faut leur donner les moyens de mettre en place une politique urbaine cohérente et réaliste ; il faut leur donner des moyens simples et efficaces qui permettent de tenir compte des particularismes locaux, de la spécificité du monde rural et des espaces naturellement difficiles, comme la montagne ou les zones touchées par les plans de prévention des risques, les PPR.
En conséquence, monsieur le ministre, quels sont les moyens que vous comptez mettre en oeuvre pour aider les communes à conduire un développement équilibré en matière d'urbanisme et d'habitat ? (M. Daniel Hoeffel applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Même si ce n'est pas le sujet, j'ai grand plaisir à vous répondre, madame Gourault, à propos du carrefour de Verdun à Blois. Nous sommes évidemment très favorables à la réalisation des travaux. Leur financement, hélas ! n'est pas assuré pour 2003, mais je compte qu'il le sera en 2004. Cependant, les participations locales ne sont pas encore définitivement arrêtées ; dès qu'un consensus aura été trouvé, je pourrai vous donner une réponse beaucoup plus précise.
Je sais que vous êtes très attachée à ces travaux d'aménagement, destinés à améliorer la fluidité de la circulation, certes - ce carrefour très important est souvent engorgé - mais aussi la sécurité. Nous sommes très attentifs à cette question, croyez-le bien.
Pour ce qui est de l'urbanisme, je suis bien conscient des difficultés, des rigidités, des peurs, des non-décisions que la loi SRU a suscitées, malgré, parfois, de bonnes intentions. De nombreux maires, mais aussi, je dois l'avouer, des agents du ministère dont j'ai la charge, et même certains préfets, ne savent pas toujours interpréter toutes les subtilités de la loi et de ses textes d'application. Le Gouvernement a donc déposé un projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, dit « DDUHC », qui contient des mesures urgentes de simplification. Ce texte n'a pas d'ambition démesurée ; nous déposerons ultérieurement un projet de loi dont l'objet sera d'harmoniser la loi Voynet, la loi Chevènement et la loi SRU.
Cette future grande loi d'harmonisation, annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale, devrait venir en discussion en 2003, alors que le projet de loi DDUHC devrait être examiné en première lecture dans les semaines qui viennent, puisqu'il a déjà été soumis au Conseil d'Etat et présentée en conseil des ministres. Nous n'attendons plus maintenant qu'une date propice à son inscription à l'ordre du jour.
Certaines des mesures contenues dans la DDUHC répondront certainement à vos attentes, madame, en particulier pour ce qui concerne la participation pour voies nouvelles et réseaux. Le projet du Gouvernement est extrêmement simple : désormais, une participation, qui est déjà actée, pourra être mise en place pour le financement des réseaux d'une voie existante - la notion de voie nouvelle disparaissant -, même si la commune n'a prévu aucun aménagement de ladite voie. Nous pensons notamment au milieu rural et au milieu périurbain. Ce dispositif permettra, nous l'espérons, de débloquer un certain nombre de permis de construire, car il apportera une grande simplification.
Comme vous, madame, je suis convaincu qu'il est important pour les communes de raisonner en termes de projet urbain : il n'y aurait aucun sens à laisser les communes totalement libres de leur plan d'occupation des sols ou du futur schéma de cohérence territoriale, le SCOT.
Il faut effectivement agir avec une certaine cohérence si l'on veut éviter un étalement de la ville à l'américaine, ou son développement anarchique. Le projet d'aménagement et de développement durable, le PADD, peut à cet égard constituer un progrès. Il conduira à une régression technocratique s'il n'est qu'un document technique supplémentaire venant compliquer les PLU et les fragiliser sur le plan juridique. Mais il représentera un réel progrès démocratique s'il est l'occasion d'un débat non technique sur l'avenir de la commune.
La question de son opposabilité est donc posée. Tel est en tout cas l'esprit du projet du Gouvernement. Sans entrer dans le détail, on peut dire que le PADD serait au débat d'urbanisme ce qu'est le débat d'orientation budgétaire au vote du budget : un exposé des motifs, en cohérence avec le texte, bien sûr, mais qui ne sera pas opposable. C'est en simplifiant de la sorte que l'on pourra le mieux - et je reprends volontiers votre expression à mon compte, madame - encourager les élus ruraux.
Enfin, vous avez mis l'accent sur une vraie question sur une question importante : celle de l'assistance, du soutien, de l'aide, bref, du conseil aux élus. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui quels moyens financiers y seront consacrés, mais je sais que, dès que la loi DDUHC sera votée et promulguée - les textes d'application sont déjà en préparation -, j'assurerai, pardonnez-moi le terme, le « service après-vente » dans tous les départements, dans toutes les régions. Je ne sais pas sous quelle forme je le ferai, peut-être irai-je dans les régions. Quoi qu'il en soit, je réunirai tous les agents de mon administration, et nous passerons la journée s'il le faut, dans chacune des régions, pour expliquer le mode d'application des nouveaux textes. Car chaque fois qu'une loi un peu complexe est votée, il faut un an, voire un an et demi, avant que ses modalités d'application soient bien comprises, ce qui provoque des blocages durant tout ce temps. Nous ferons donc des allers et retours entre les DDE et le ministère pour assurer ce que j'appellerai la vulgarisation des nouvelles mesures législatives et réglementaires.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Je vous remercie de toutes ces précisions, monsieur le ministre. Je suis particulièrement sensible à la pédagogie que vous allez mettre en oeuvre dans les départements pour expliquer concrètement l'application de la nouvelle loi, qui, j'en suis sûre, soulagera grandement les élus locaux.
J'ose penser que les associations départementales des maires - je m'exprime en présence du premier vice-président de l'Association des maires de France - sont particulièrement bien placées pour relayer cette pédagogie auprès de tous les élus locaux.
M. le président. M. Daniel Hoeffel a trouvé une alliée !
M. Daniel Hoeffel. J'approuve !
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget du logement pour 2003 est tout d'abord marqué par un élément original : il n'y a plus, en effet, dans la répartition des responsabilités gouvernementales, de ministre délégué ou de secrétaire d'Etat au logement, alors même que les dépenses dans ce domaine constituent, de par leur montant - plus de 7 milliards d'euros, dont près de 2 milliards d'euros au titre des dépenses civiles en capital -, un paramètre essentiel de l'action publique en général.
La politique du logement social, et du logement de façon générale, est en effet, à nos yeux, l'un des éléments qui caractérisent avec le plus de précision les orientations politiques d'un gouvernement, quel qu'il soit.
Force est de constater, dans l'exécution du budget pour 2002, que des crédits ont pu être annulés, en particulier sur le chapitre 65-48, qui regroupe des crédits aussi importants que ceux qui sont destinés à la construction de logements sociaux neufs, les crédits de réhabilitation de l'habitat, la subvention à l'ANAH et les opérations de résorption de l'habitat insalubre, notamment.
Ce sont donc au total près de 240 millions d'euros qui, lors de l'exécution budgétaire, auront ainsi été annulés dans les crédits du ministère, en particulier dans les dépenses d'équipement.
Un projet de loi portant diverses dispositions sur l'habitat est également annoncé. Il conduira de fait à la disparition du parc social issu de la loi de 1948, alors que ce patrimoine permet de répondre à une certaine demande sociale.
Dans le même temps, des mesures réglementaires ont été prises pour geler les sommes dévolues au fonds de solidarité, ce qui aura des répercussions, variables selon les capacités d'abondement des départements, et qui conduira inévitablement à une diminution des aides aux ménages frappés par le chômage, la précarité et le surendettement.
L'actualisation des barèmes de l'APL a été repoussée, alors que les loyers, en sortie de gel, ont augmenté de près de 3 %.
De plus, le retour à l'évaluation forfaitaire des revenus pour l'attribution de l'allocation logement et de l'aide personnalisée versées aux jeunes aura pour conséquences la diminution de 5 % à 30 % des aides aux apprentis, aux stagiaires en formation et aux demandeurs d'emplois, qu'ils résident en foyer de jeunes travailleurs ou louent un logement à des bailleurs sociaux ou privés.
Des mesures de ce genre participent d'une conception pour le moins étonnante des économies budgétaires qui ampute en réalité le pouvoir d'achat et le niveau de revenu des familles modestes bénéficiant de l'APL. Je rappelle que les aides personnelles au logement concernent plus de 6 millions de ménages dans notre pays !
Il y a peu, la Haute Assemblée, qui ne s'est pas particulièrement honorée à cette occasion, a examiné dans la précipitation une proposition de loi tendant à la loi SRU sur des points essentiels, notamment sur la nécessité de développer le parc locatif social. Furent également discutées certaines évolutions du droit de l'urbanisme qui, remises en question, conduiront à repousser la mise en oeuvre réelle de la mixité sociale et du droit au logement.
Par ailleurs, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, dans sa rédaction actuelle, risque d'être à l'origine de profondes inégalités territoriales, selon l'engagement des collectivités et des organismes concernés en faveur du logement social.
Tous ces éléments nous conduisent à estimer que le climat qui préside à la discussion du budget du logement pour 2003 est pour le moins inquiétant, et à nous interroger sur le sens que votre gouvernement entend donner à sa politique en la matière.
Nous nous demandons en particulier quel est l'ordre des priorités qui anime le ministère, alors même que nombre des problèmes auxquels nous sommes confrontés attendent une réponse. Comment répondre, en effet, à la demande sociale des jeunes ? Comment répondre à la demande exprimée par les mal-logés, par les familles qui continuent de vivre dans les logements indécents qui sont encore mis en location ? Comment répondre à la demande d'accession sociale à la propriété, alors même que le prêt à taux zéro connaît un relatif essoufflement ? Quelles sont les réponses de votre Gouvernement sur ces questions essentielles ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous-même et votre collègue, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, avez annoncé certains des grands axes de votre démarche : construction de 54 000 logements en 2003, avec, à terme, un objectif de 80 000 ; démolition-reconstruction de 200 000 logements situés dans les quartiers concernés par des grands projets de ville. Tout cela suppose de mettre en oeuvre des moyens qui ne figurent pour l'instant ni dans les lignes budgétaires ouvertes cette année au titre du logement ni dans les crédits affectés à la ville et à la rénovation urbaine.
Il est en revanche évident qu'un effort d'économies sera réalisé sur les dépenses ordinaires, comme en témoignent l'évolution de la contribution de l'Etat au titre des aides à la personne ou le prétendu ajustement aux besoins des crédits du fonds de solidarité pour le logement, le FSL. Chacun le sait, cela ne favorisera guère la mixité sociale !
Cet effort d'économies, nous l'avons souligné, est pour le moins discutable en ce qu'il s'attaque aux droits acquis par certains publics prioritaires, notamment les jeunes, premiers visés dans le dispositif mis en place.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, je vous poserai les questions suivantes. Quelles sont les orientations réelles que le Gouvernement entend mettre en oeuvre en matière de logement social, compte tenu de la réalité des besoins sociaux ?
Quels sont les outils financiers et fiscaux dont il entend se servir pour mettre en oeuvre ces orientations ?
Peut-on affirmer aujourd'hui que le Gouvernement fait de la préservation et du développement du parc locatif social la priorité de son action ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Je vais m'efforcer de répondre aux interrogations de Mme Terrade, mais c'est très difficile, parce que si on peut, en cinq minutes, poser cinquante questions, on ne peut, en trois minutes, répondre à cinquante questions ! (Sourires.)
Je vais quand même essayer de répondre à quelques-unes des questions.
Tout d'abord, je vous dirai, madame, que s'il n'y a plus de secrétariat d'Etat au logement, désormais, c'est un ministre de plein exercice qui a la charge du logement.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Si c'est très bien, il ne fallait pas critiquer dans un premier temps... Vous saviez bien d'ailleurs qu'un ministre s'occupait du logement puisque je suis devant vous et que j'accepte, bien sûr avec plaisir, de répondre à vos questions.
Mme Odette Terrade. Parmi beaucoup d'autres tâches !
M. Gilles de Robien, ministre. Peut-être, mais vous le savez, c'est la passion qui compte et non pas le temps qu'on y passe !
Vous avez fait une description vraiment apocalyptique de la situation du logement en France.
Mais une politique du logement, cela signifie plusieurs mois, sinon un ou deux ans d'efforts ; on en récolte les fruits au bout de trois, quatre ou cinq ans.
La situation d'aujourd'hui - je le dis sans esprit polémique - est le résultat d'une politique qui a été menée depuis deux, trois, quatre ou cinq ans, et ce n'est pas en claquant des doigts, au moment où l'on arrive au ministère, que l'on peut créer 500 000 logements sur-le-champ.
Cela demande du temps. Le logement est comme un grand paquebot dont on parvient à orienter le cours avec le temps, et je me donne l'année 2003 pour ce faire.
En attendant, nous engageons une politique volontariste, qui me semble plus ambitieuse que la précédente, même si je ne dis pas qu'elle soit parfaite.
En tout cas, madame, il n'y aura pas d'annulations sur la ligne fongible en 2002 ; il n'y aura pas d'annulations sur les FSL en 2002. En 2003, les crédits destinés aux aides à la personne ne diminueront pas. En 2002, les aides à la personne seront bien supérieures à ce qu'elles étaient, en valeur absolue, en 2001 ; elles seront deux fois plus importantes qu'en 2000 ; elles s'élevaient à 86 millions d'euros en 2000 et se monteront à 142 millions d'euros en 2003.
Sur le logement social, je peux vous dire que, à la fin de 2003, 42 000 logements PLUS, prêts locatifs à usage social et PLI, prêts locatifs intermédiaires, pourront être financés. Pour les logements PLI, il est prévu de financer 1 000 places en maisons-relais, cette nouvelle catégorie de résidences familiales qui permettent d'accueillir dans un hébergement durable des personnes en difficulté sociale et psychologique. Cela fait partie d'un plan de création de 5 000 places au total qui a été annoncé lors d'une communication au conseil des ministres par Mme Dominique Versini.
Le nombre de PLS - prêts locatifs sociaux - financés sur les ressources du livret A sans subvention budgétaire sera de 12 000, ce qui fait 54 000 logements nouveaux, auxquels il faut ajouter effectivement les 4 000 logements dont on a évoqué l'existence tout à l'heure.
Vous voyez donc que le logement social est pour le Gouvernement une priorité dans son intervention sur l'ensemble de la chaîne du logement.
Avec Mme Versini, j'ai présenté aux associations les orientations en matière de logement du plan national de lutte contre l'exclusion qui sera présenté par le Gouvernement dans les prochaines semaines. Ces orientations ont été plutôt bien accueillies par lesdites associations ; je pense, notamment, aux actions sur la prévention des expulsions et à la plus grande efficacité qui sera donnée aux divers fonds par leur fusion.
J'ai demandé que les associations départementales d'information sur le logement, les ADIL, se mobilisent pour aider les personnes les plus démunies à connaître mieux leurs droits et à accéder à un logement ou à s'y maintenir.
A cette occasion, je tiens à saluer le rôle très important que jouent les associations qui sont prêtes à se mobiliser si on leur donne, non pas une feuille de route, ce serait prétentieux, mais les indications et les outils nécessaires.
J'en viens aux aides personnalisées au logement. Le mécanisme dit d'évaluation forfaitaire, sur lequel vous m'avez interrogé, vise à donner une appréciation la plus juste possible des ressources réelles de l'allocataire.
Ce dispositif avait été supprimé en avril 2002. Le Gouvernement a décidé de le rétablir, avec une disposition favorable pour les jeunes en contrat à durée déterminée. Pour ces jeunes, l'évaluation forfaitaire est donc faite sur la base de neuf fois leur salaire au lieu de douze. Les intéressés peuvent demander la révision de l'aide tous les quatre mois si leur revenu baisse d'au moins 10 %. Nous avons essayé de « coller » au plus juste aux revenus pour calculer l'aide. Cette mesure est donc vraiment équitable.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. J'ai bien évidemment écouté avec beaucoup d'attention, monsieur le ministre, votre réponse ainsi que celle que vous avez faite à mes collègues. Je suis au regret de vous dire que vous ne m'avez pas vraiment convaincue, pas plus que mes amis du groupe communiste. Nos appréciations divergent sur la conception de ce que vous appelez votre politique volontariste du logement, du logement social en particulier.
Pour nous, il s'agit d'une mission de solidarité nationale de l'Etat, lequel doit garantir à chacun le droit à un toit et la liberté de choix de son habitat !
Assurer cette mission suppose, de notre point de vue, de considérer le logement comme un service public.
Il nous semble, à l'expérience, que toute politique du logement social doit être précédée d'une réflexion sur le cadre fiscal et financier dans lequel elle s'exerce et que des questions doivent être posées quant à la taxe foncière, la taxe sur les salaires, les organismes publics d'HLM ou la préservation du taux réduit de la TVA sur les travaux dans les logements.
De la même manière se pose la question des modalités de financement des opérations de constructions neuves comme des opérations de réhabilitation.
Même si M. Borloo annonce qu'il va consacrer 30 milliards d'euros à la politique de renouvellement urbain dans le courant de la législature, il n'en demeure pas moins que, tant que les niveaux de subvention seront faibles, que ce soit en constructions neuves ou en réhabilitation, nous devrons constater la moindre consommation des crédits et la persistance des tensions en matière de demande sociale.
Comme M. Cleach et un certain nombre de nos collègues l'ont évoqué tout à l'heure, un rapport du Conseil économique et social estime à 300 000, rien que pour l'Ile-de-France, le nombre de personnes ayant formulé une demande de logement HLM. La fondation de l'abbé Pierre, quant à elle, évalue à 3 millions le nombre de personnes sans logement ou mal logées dans notre pays.
En fait, nous ne devons jamais oublier, monsieur le ministre, que derrière le discours budgétaire, derrière la question de savoir si les crédits sont consommés ou non, les chantiers ouverts ou non, il y a des personnes, des jeunes, des familles qui attendent, souvent avec beaucoup de souffrances et de frustrations, que leur demande de logement soit enfin prise en compte et que leur situation évolue.
Comme nous sommes, pour notre part, très attachés à la mixité sociale, nous constatons, à l'examen de vos crédits, que votre projet de budget ne résoudra pas l'insuffisance de l'offre de logements disponibles et ne pourra soutenir, comme il se doit, le secteur du logement, dont la contribution à la croissance économique, chacun le sait, est pourtant déterminante.
Pour toutes ces raisons, je ne peux que confirmer la position de notre groupe : nous voterons contre les crédits de votre ministère, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Sur vos déclarations d'intention, madame le sénateur, bien entendu, je suis d'accord avec vous, cependant, le logement n'est pas un service public ; c'est une mission de service public, ce qui n'est pas la même chose. Nous devons tous nous mobiliser, secteur privé, collectivités locales, services de l'Etat pour assurer ensemble cette mission de service public. C'est par un travail de toute la chaîne du logement que nous obtiendrons des résultats pour remédier à la situation qui a été créée au cours de ces dernières années !
Mme Odette Terrade. C'est facile, mais l'année prochaine, vous ne pourrez pas dire la même chose !
M. Gilles de Robien, ministre. Il faut trois ans, madame le sénateur, pour obtenir des résultats.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Monsieur le président, je vais m'exprimer au nom de mon collègue Jacques Ostermann, qui ne pouvait être parmi nous aujourd'hui, et je m'associe bien volontiers à ses propos.
Monsieur le ministre, je vais vous poser deux questions : l'une a trait au logement privé locatif et l'autre aux conséquences de la loi SRU.
Je ne m'attarderai pas sur ce deuxième point, parce que vous avez déjà abondamment et excellemment répondu à mes collègues Marcel-Pierre Cleach etJacqueline Gourault. J'ai d'ailleurs noté l'effort de pédagogie que vous souhaitiez accomplir pour accompagner l'application de la nouvelle loi.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que le meilleur moyen d'être pédagogue est de présenter un texte simple. A cet égard, je vous ferai part d'une réflexion émanant d'un maire du département de la Manche, département dont je préside le conseil général : lorsque le préfet m'écrit, me confiait-il, je lis son courrier une fois. Si je n'ai pas compris, je lis une deuxième fois. Si, à la deuxième lecture, je n'ai toujours pas compris, c'est que ce n'est pas bon pour la commune. (Sourires.)
S'agissant du logement locatif privé, je veux vous féliciter, vous faire part d'une inquiétude et vous poser une question.
Comme certains de mes collègues l'ont déjà relevé, je tiens à vous féliciter de la fin progressive de la loi de 1948 que vous avez annoncée. Cette décision est excellente.
Je vous félicite également d'avoir proposé l'extension de l'amortissement de la loi Besson aux descendants et aux ascendants, ce qui semble aller dans le bon sens.
Quant à la TVA au taux de 5,5 %, permettez-moi de vous dire que cette mesure est particulièrement positive, puisqu'elle a entraîné une augmentation de volume des travaux de 1,6 milliard d'euros et a permis la création de plus de 50 000 emplois. Je pense qu'il est bon de souligner ce qui va bien ; on intervient suffisamment pour dire ce qui ne va pas !
Mon inquiétude a trait aux crédits de l'ANAH. Je pense que vous en connaissez les raisons. Même si les subventions d'investissement augmentent de 13,2 %, elles ne sont néanmoins pas suffisantes pour compenser la forte baisse de trésorerie de l'agence, notamment la réduction de 11 % des autorisations de programme prévue pour 2003. Or, monsieur le ministre, vous qui êtes élu d'une région à connotation rurale, vous savez combien l'ANAH joue un rôle primordial dans le milieu rural.
La question portera, elle, sur les bailleurs privés.
Ces derniers sont en effet dans l'attente d'un statut qui leur soit adapté. Un certain nombre de mesures ont été prises précédemment, toutes en faveur des locataires mais les bailleurs, eux, se trouvent démunis de moyens, face aux impayés par exemple. Il est nécessaire, monsieur le ministre, que vous puissiez répondre à leur inquiétude.
Voilà ce que M. Ostermann aurait dit, avec beaucoup plus de talent que moi, s'il avait été présent, mais j'ai essayé de le suppléer de mon mieux.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Le Grand, je connais votre grande maîtrise des problèmes du logement et la pertinence de votre propos.
Vous avez salué un certain nombre d'initiatives, de réorientations, d'améliorations, mais, dans un souci d'objectivité, vous vous êtes fait l'écho des attentes qui subsistaient.
Elles se manifesteront encore pendant plusieurs années, hélas, compte tenu du grand retard que nous avons.
En ce qui concerne l'ANAH, je partage votre appréciation. Les procédures de saisine sont assez souples, rapides, relativement simples. Cette agence a un formidable effet de levier sur le bâtiment, en général, et sur la rénovation dans le milieu rural, en particulier. C'est un très bon outil dont il convient de souligner la pertinence.
J'ai déjà indiqué tout à l'heure que je tenais absolument à ce que cet outil persiste. Certes, il y a bien quelques problèmes au niveau budgétaire, mais l'abondement de 30 millions d'euros est venu les atténuer quelque peu. Cet abondement va permettre de renforcer l'intervention de l'agence dans les domaines prioritaires et de maintenir son activité à un haut niveau, notamment dans le secteur diffus. Ce dernier, qui comprend les aides dédiées à l'espace rural, représente encore près de 50 % du total des aides de l'agence aujourd'hui. Il n'y a donc aucun risque qu'il soit marginalisé à la suite de l'élargissement des missions de l'ANAH.
Vous avez parlé des bailleurs.
Il est vrai que, d'une certaine façon, les bailleurs sont de moins en moins nombreux, voire de moins en moins bailleurs, et ce au profit d'autres investissements qui sont quelquefois plus aléatoires sur le court terme. Il faut donc encourager les bailleurs et encourager les capitaux à s'orienter vers l'immobilier ; cela crée du logement. Vous avez raison : il faut relancer l'investissement dans l'immobilier locatif et favoriser la mise sur le marché des logements vacants.
Les bailleurs se sentent aujourd'hui démunis face à des risques d'impayés. Ils sont d'autant plus découragés de conserver dans leur patrimoine des logements locatifs que la fiscalité demeure pénalisante. Il faut donc travailler au rééquilibrage de la fiscalité entre les secteurs immobilier et mobilier, mais il faut aussi prévoir des dispositifs afin de sécuriser le bailleur pour que celui-ci ne se sente pas perpétuellement en situation de fragilité par rapport au preneur.
Ainsi, une partie des Français retrouvera le chemin de l'investissement immobilier, souvent défini comme un investissement de qualité et sans risque, mais dont beaucoup se détournent, hélas, à cause de l'injustice fiscale et de l'insécurité que vous avez soulignées, monsieur le sénateur. (M. Paul Girod applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Je remercie vivement M. le ministre de ses explications.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, j'entends fréquemment mes collègues sénateurs remettre en cause le fonctionnement des services des DDE, les directions départementales de l'équipement. En effet, compte tenu d'une baisse des effectifs, les services déconcentrés ne sont plus à même de répondre aux sollicitations des élus.
L'exemple le plus marquant est le désengagement de leur mission de conseil auprès des collectivités locales pour l'élaboration des documents d'urbanisme.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit que les services extérieurs de l'Etat peuvent être mis gratuitement à la disposition des communes pour les aider à élaborer leurs documents d'urbanisme.
Or, dans les faits, les communes sont contraintes de faire appel à des cabinets privés pour disposer d'une aide technique en substitution des services déconcentrés de l'Etat.
Comptez-vous en conséquence, monsieur le ministre, donner plus de moyens aux DDE, afin qu'elles puissent remplir plus convenablement leurs missions ?
C'est ma première question.
Ma deuxième question a un caractère plus spécifique.
Au même titre que la moitié des départements français, la Réunion a fait le choix de la partition, c'est-à-dire de la gestion autonome de son réseau routier. Cette décision politique, fondée sur la conviction que l'on gouverne mieux de près, correspond à l'esprit de la décentralisation, qui tend à donner plus de liberté d'action et plus d'efficacité aux instances locales.
Toutefois, cette autonomie a engendré de lourdes difficultés concernant la gestion du personnel ; en effet, ce qui devait aboutir à une plus grande homogénéité à l'échelle du département risque d'aboutir à de nouveaux clivages.
A l'heure qu'il est, en effet, les agents de la DDE, agents de l'Etat, sont mis à la disposition des conseils généraux concernés. A la Réunion, ce sont 140 agents qui se trouvent mis à la disposition du conseil général.
Ils agissent actuellement sous le contrôle d'une double autorité : celle de l'administration à laquelle ils sont rattachés, la direction de l'équipement, et celle du président du conseil général.
Cette situation, difficile à gérer pour les services départementaux, doit à tout prix rester provisoire et trouver une solution rapide.
Sans doute le passage de ces agents de la fonction publique d'Etat à la fonction publique territoriale serait-elle la meilleure solution. Mais elle pose à la Réunion de nouveaux problèmes : en effet, la situation de fonctionnaire de l'Etat y présente des avantages que l'on ne retrouve pas dans le statut de fonctionnaire territorial.
Monsieur le ministre, pouvez-vous assurer aux agents confrontés à cette situation qu'ils ne perdront rien à ce passage d'une fonction publique à l'autre ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Madame Payet, vingt ans après la décentralisation de l'urbanisme, il n'est pas anormal que les communes soient amenées effectivement à consacrer des moyens internes ou en sous-traitance aux études d'urbanisme et à l'élaboration des documents d'urbanisme.
Il faut noter que le niveau de l'investissement consacré, en France, aux études d'urbanisme est sensiblement le même que celui de nos principaux voisins. Cela dit, les DDE restent bien entendu à la disposition des communes pour les aider dans ce domaine, à condition que leurs moyens en personnel ne soient pas réduits. Certes, les moyens à la disposition des DDE ne permettent pas toujours de réaliser des études en régie. Mais elles peuvent et doivent développer auprès des communes des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage des études, ainsi que des missions de conduite des procédures.
Bien entendu, ce sont les petites communes qui doivent bénéficier en priorité, me semble-t-il, de cette action des DDE, parce que ce sont elles qui ont, forcément, le moins de personnel, et donc moins de cadres. S'il le faut, madame la sénatrice, j'interviendrai personnellement auprès des DDE concernées.
Vous avez parlé de la loi du 2 décembre 1992, qui a maintenu le principe de mise à disposition des conseils généraux et des directions départementales de l'équipement pour gérer les réseaux routiers.
Cette loi prévoit aussi la possibilité de placer certaines parties de la DDE intervenant dorénavant à titre exclusif pour le compte du département directement sous l'autorité fonctionnelle du président du conseil général. Un tiers seulement des départements ont d'ailleurs eu recours à cette option.

Le droit d'option, habituellement lié à la décentralisation et à la loi relative à la démocratie de proximité, a commencé à s'ouvrir aux agents placés dans ce cas de figure. La loi apporte donc toutes les garanties aux personnels concernés. C'est ainsi qu'en tout état de cause, dans l'hypothèse où la fonction publique territoriale s'avère moins attractive, les agents peuvent demander à être mis en détachement, en conservant tous les atouts de leur statut d'origine.
J'imagine qu'avec le développement de la décentralisation seront mis à l'étude des dispositifs pour instituer le maximum de passerelles entre la fonction publique territoriale et la fonction publique d'Etat, notamment dans le domaine de l'équipement ; ce serait très utile et sécurisant pour tout le monde.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes ces précisions et de la réponse claire que vous m'avez faite. Elle était très attendue dans le département et elle fera donc plaisir aux intéressés. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest. Le budget du logement que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, s'inscrit, nous le savons, dans un contexte marqué par la nécessaire maîtrise des dépenses publiques.
Malgré ce contexte particulièrement difficile, les moyens de paiement pour le logement et l'urbanisme sont globalement stabilisés. Nous nous réjouissons, en outre, que deux mesures primordiales pour le secteur du logement soient prorogées dans le projet de loi de finances pour 2003. Il en est ainsi de la reconduction jusqu'au 31 décembre 2003 de l'application du taux réduit de TVA aux travaux d'amélioration. Il en est également ainsi de la reconduction du crédit d'impôt pour diverses dépenses afférentes à l'habitation principale. M. le rapporteur spécial, ce matin, a souligné que la pérennisation de cette mesure était attendue.
Par ailleurs, la consolidation des efforts de solidarité en faveur des ménages modestes, l'accroissement de l'offre nouvelle de logements sociaux, le développement d'une meilleure gestion patrimoniale du parc existant, le soutien aux ménages souhaitant investir dans l'immobilier ainsi que la poursuite des politiques conduites en partenariat avec les collectivités territoriales dans le domaine de l'urbanisme et de l'aménagement sont autant d'axes prioritaires qui ressortent de votre projet de budget : nous ne pouvons que nous en réjouir.
S'agissant du logement social, la situation est particulièrement préoccupante, et ce à plusieurs égards.
Votre objectif, monsieur le ministre, est d'accroître l'offre nouvelle de logements sociaux et de favoriser l'acquisition.
Les mesures prises en ce sens relèvent, en effet, d'une impérieuse nécessité puisque ce secteur a été particulièrement touché ces dernières années, enregistrant des résultats plus que décevants. Cette évolution inquiétante est le fruit de la politique de recentralisation délibérée menée par le précédent gouvernement, traduite notamment dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Cet excès de centralisme a nui de facto à l'efficacité de la politique du logement social.
Aujourd'hui, il est donc indispensable de conduire une politique sociale qui soit en adéquation avec les besoins locaux. Le dialogue, bien plus que la coercition, favorisera l'élaboration d'une politique du logement social efficace et adaptée aux besoins.
A l'heure actuelle, le parc social ne répond pas à la demande puisque, selon des études récentes, seulement 21 % des ménages à faibles revenus sont logés en locatif social et 31 % en locatif privé. De même, la progression de la vacance de logements sociaux dans certaines zones conduit à penser qu'il est primordial de réfléchir à une réforme en profondeur de la gestion du logement social et de développer une politique plus globale de renouvellement urbain.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il y a lieu de réfléchir aux conditions qui permettraient d' accroître rapidement la mixité sociale, de manière que celle-ci ne soit pas qu'un slogan - je reprends là votre propre remarque - car il convient de réduire effectivement, voire de supprimer les ghettos.
L'augmentation du parc de logements sociaux ne peut-il nous aider à atteindre cet objectif, surtout dans l'optique d'une coordination renforcée avec les collectivités locales ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les actions que vous envisagez pour conforter une politique du logement social qui me paraît aujourd'hui manquer d'efficacité ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien ministre. Monsieur le sénateur, l'application du taux réduit de TVA à 5,5 % pour les travaux de rénovation a été pérennisée jusqu'à la fin de 2003. Je puis vous dire que le Gouvernement a bien l'intention de défendre avec vigueur cet excellent dispositif - je le dis sans arrière-pensée - qui, en permettant la réhabilitation de nombreux logements, soutient les entreprises du bâtiment et donc l'emploi dans ce secteur.
Vous le savez mieux que quiconque, monsieur Marest, le logement social, c'est non seulement le parc HLM public mais c'est aussi, ne l'oublions pas, le parc social privé. D'ailleurs, 60 % des aides à la personne vont au logement social privé contre 40 % au logement social public.
Il faut donc augmenter l'offre à la fois dans le parc public et dans le parc privé.
Au cours des cinq dernières années, on a enregistré en moyenne la construction d'environ 47 000 logements sociaux par an. Nous nous sommes fixé un objectif de 54 000 nouveaux logements. Certes, cela n'a rien d'extraordinaire, mais c'est tout de même un net progrès, qui indique clairement les intentions du Gouvernement.
Nous sommes convaincus que l'on peut stimuler l'offre de logements locatifs privés en réorientant l'épargne vers ce type d'investissement. Pour cela, il convient de le rendre fiscalement attractif, de lui donner de la souplesse, d'éviter de faire peser des contraintes trop lourdes.
Certains s'y sont essayés avec un relatif bonheur, mais en prévoyant trop de restrictions. Je pense notamment au dispositif Besson, que nous avons commencé à dévérouiller avec la mesure concernant les ascendants et les descendants : la levée de cette contrainte représentera problablement quelques milliers de logements supplémentaires.
A terme, nous voulons aller plus loin en instituant un mécanisme du type du dispositif Périssol - celui-ci sera, en quelque sorte, remis au goût du jour -, de façon que des gens qui ont un peu d'argent ou qui peuvent emprunter puissent acheter un logement. Ce nouveau dispositif sera défini en fonction des masses budgétaires dont nous disposerons. En tout cas, il faut que des gens qui veulent se constituer une petite épargne puissent investir dans l'immobilier. Cela permettra à la fois de soutenir le bâtiment et de stimuler l'offre locative.
Mais j'y vois un autre avantage, à l'heure où l'on se préoccupe beaucoup de l'avenir des retraites. En aidant les Français non seulement à acquérir leur propre logement, mais aussi à investir dans un logement destiné à la location, il va de soi que l'on contribue à leur procurer un supplément de revenu pour les années où ils auront cessé de travailler.
Vous le voyez, il existe un gisement de mesures à imaginer : mises bout à bout elles permettront de réactiver toute la chaîne du logement et, par surcroît, dans certains cas, d'améliorer le revenu des futurs retraités.
En ce qui concerne la décentralisation, je souhaite que, d'une logique de guichet et de financement opération par opération, on passe à une logique de contrat d'entreprise, ce que les spécialistes appellent le « conventionnement global ».
Aujourd'hui, lorqu'un organisme d'HLM veut construire un ensemble de dix ou de cent logements, il doit boucler un épais dossier et démontrer par a + b que l'opération est parfaitement équilibrée. Cela nécessite des allers-retours nombreux entre les administrations et l'office public ou la société anonyme d'HLM. Demain, la réforme permettra, notamment grâce à la décentralisation, d'examiner l'équilibre global du maître d'ouvrage. Si cet équilibre global est satisfaisant, le conventionnement permettra de conduire des opérations, quitte à ce qu'elles soient, dans un premier temps, légèrement déséquilibrés. En effet, vous le savez, la construction de logements HLM est principalement financée par les loyers. Dès lors, on conçoit qu'une opération puisse être déséquilibrée pendant trois ou quatre ans, et que l'équilibre ne soit trouvé qu'à partir de la cinquième ou la sixième année.
Ainsi, la mise en oeuvre de cette notion de conventionnement global permettrait à certains organismes de construire beaucoup plus de logements sociaux.
Voilà quelques réponses, monsieur le sénateur, à vos excellentes questions.
M. le président. La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses. Vos convictions et votre engagement nous inspirent, je puis vous l'assurer, une totale confiance.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.
M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis. Monsieur le président, j'ai cru percevoir, lors de mon intervention, une certaine émotion chez M. le rapporteur spécial.
M. Paul Girod, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis. Peut-être cette émotion était-elle prématurée car, en conclusion de mon intervention, j'ai évidemment fait part de l'avis favorable émis par la commission des affaires économiques.
Je pense avoir ainsi respecté l'esprit des règles et des usages sénatoriaux : le rapporteur est libre de ses propos, mais se doit, bien entendu, de rapporter conformément à l'avis de la commission.
Je dois d'ailleurs préciser que, si j'ai effectivement donné mon opinion personnelle, celle-ci est partagée par les représentants des différents professionnels du secteur que j'ai pu rencontrer. Au demeurant, je suis persuadé que M. le ministre, à titre personnel, partage certaines des inquiétudes que j'ai pu exprimer : apès tout, ce sont les inquiétudes que ressentent tous les élus locaux. Tous, nous souhaitons le développement du logement social dans notre pays où l'importance de la demande par rapport à l'offre dans ce domaine crée une réelle difficulté.
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les services communs, l'urbanisme et le logement inscrits à la ligne « Equipement, transports, logement, tourisme et mer » seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de l'examen des crédits affectés au tourisme.

ÉTAT B