SEANCE DU 6 DECEMBRE 2002


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports, le logement, le tourisme et la mer : III. - Transports et sécurité routière : aviation et aéronautique civiles, budget annexe de l'aviation civile.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le secteur du transport aérien subit, depuis les attentats du 11 septembre 2001, la plus importante crise de son histoire. Elle se caractérise d'abord par une diminution du trafic aérien et ce, pour la première fois depuis la guerre du Golfe : en 2001, le trafic mondial a diminué de 5,7 % et, pour la France, de 2,2 %.
Les compagnies aériennes ont été fortement affectées par la perte de recette liée à la diminution du trafic aérien. Elles ont également été confrontées à la croissance des coûts liés aux mesures de sûreté et à la hausse des redevances. Cet effet de ciseaux a condamné les compagnies les plus fragiles financièrement, notamment, en Europe, Swissair et Sabena. D'autres compagnies sont dans une situation financière particulièrement précaire. C'est le cas, en France, d'Air Lib et d'Air Littoral, dont l'avenir n'est pas assuré à ce jour.
Parallèlement, les compagnies à bas coûts se développent rapidement sur le continent européen, préfigurant une réorganisation sans doute importante du marché du transport aérien.
C'est dans ce contexte difficile que s'inscrit la construction du budget annexe de l'aviation civile. Les marges de manoeuvres de la direction générale de l'aviation civile, la DGAC, sont très limitées, car le renouvellement des équipes et la mise en oeuvre des mesures de sûreté ne peuvent guère être reportés à des jours meilleurs.
Quant aux dépenses de personnel, elles augmentent de plus de 5 %, ce qui représente les deux tiers de l'accroissement des dépenses du budget annexe. Cette progression est le résultat des mesures indemnitaires et de la création de 393 emplois prévues par le protocole triennal d'accord conclu le 7 décembre 2000 avec des syndicats.
Les durées de formation des personnels de l'aviation civile rendent difficilement envisageable un ajustement conjoncturel des emplois. En revanche, il faut s'interroger sur la croissance des primes et indemnités diverses prévue par les protocoles d'accord successifs. Un récent rapport public de la Cour des comptes sur le contrôle de la navigation aérienne indique que « le levier offert par la possibilité pour les contrôleurs aériens d'empêcher la circulation aérienne au-dessus du pays aura été un formidable accélérateur d'évolutions statutaires et indemnitaires, qui se sont étendues par un phénomène de contagion aux autres personnels de la direction générale de l'aviation civile ». Plus loin, ce rapport note que « les protocoles triennaux ont eu pour vocation implicite essentielle de maintenir la paix sociale ».
A l'évidence, ces dépenses pèsent sur les compagnies aériennes. Dans le contexte actuel, il est indispensable de maîtriser davantage leur progression. Je souhaite donc que, pour les années à venir, on n'achète pas la paix sociale à n'importe quel prix.
Les recettes du budget annexe de l'aviation civile devraient augmenter de 4,4 % en 2003. C'est le résultat de la hausse du montant des emprunts et de l'augmentation des recettes tirées des redevances. Les tarifs de la redevance de route devraient progresser de 7,8 % en 2003, ce qui est nettement inférieur aux augmentations prévues par la plupart des autres pays européens.
La fin du programme d'équipement pour assurer 100 % du contrôle des bagages de soute dans les aéroports permet de réduire la part du produit de la taxe de l'aviation civile affectée au fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, et d'augmenter la part versée au profit du budget annexe, alors que le produit attendu de la taxe est en regression. La diminution globale des crédits du FIATA est liée à la diminution des dépenses d'équipement. En vérité, elle masque une progression de 5 % des crédits consacrés au soutien des dessertes aériennes régionales.
Compte tenu de la situation du transport aérien, la direction générale de l'aviation civile a dû reporter ses ambitions de désendettement à des jours meilleurs, et l'endettement du budget annexe devrait s'accroître de 35,2 millions d'euros en 2003. Elle a également cherché à contenir ses dépenses en 2002 et 2003.
La suppression du subventionnement du budget annexe par le budget général crée une situation où tous les acteurs sont « dans le même avion », si je puis dire. Il s'agit de répartir le poids des charges entre les acteurs privés et la DGAC de manière à préparer au mieux l'avenir. Ce projet de budget montre que chacun prend sa part dans cette situation et que la DGAC joue un rôle d'amortissement de la crise, tout en tenant compte des contraintes d'équilibre financier à long terme du budget annexe.
La mise en oeuvre des mesures de sûreté représente un coût important pour les compagnies aériennes et, surtout, pour les gestionnaires d'aéroports. On peut toujours formuler les doutes sur l'efficacité de ces mesures, mais elles sont indispensables car les risques liés au terrorisme sont toujours, et peut-être aujourd'hui plus que jamais, d'actualité. Elles sont aussi nécessaires pour maintenir la confiance des usagers, ce qui est important.
La France a choisi de confier l'essentiel de la mise en oeuvre des mesures de sûreté aux gestionnaires d'aéroport, qui font appel à des entreprises de sous-traitance. Une part importante de l'augmentation des coûts de sûreté est d'ailleurs liée à la hausse des rémunérations des personnels de ces entreprises, à la suite de la grève du début de l'été.
La rotation importante des effectifs me conduit à exprimer certaines craintes, malgré les importantes précautions qui ont été prises.
Force est de constater que la mise en place des dispositifs de sûreté, pour le contrôle des bagages et pour l'accès des personnels aux zones sensibles, s'est faite un peu dans la précipitation. Il faudra en revoir l'organisation avec un triple souci : l'efficacité des matériels et des dispositifs mis en oeuvre, la qualité du service offert aux passagers et, enfin, la situation financière des acteurs du transport aérien.
Dans le contexte actuel de crise du transport aérien, les compagnies américaines sont contraintes d'engager des programmes de restructuration drastiques, comme c'est le cas, ces derniers jours, d'United Airways, qui est dans une situation critique. Le gouvernement américain était pourtant intervenu massivement pour aider les compagnies aériennes après le 11 septembre 2001, mais le marché intérieur américain reste très déprimé.
La politique de la Commission européenne est davantage orientée vers un libre ajustement du marché, avec un encadrement très strict des aides publiques. Le système de garanties publiques mis en place pour pallier la dénonciation des contrats d'assurance n'a pas été reconduit le 1er novembre de cette année. Il aurait été préférable d'attendre la mise en place des fonds de mutualisation du risque entre compagnies aériennes car la majorité des acteurs considère que le marché de l'assurance ne reviendra pas à une situation normale avant 2004.
La politique de la Commission européenne vise à harmoniser les conditions de la concurrence au sein de l'Union. Le transport aérien devient, de plus en plus, un sujet européen. Cela présente des avantages, notamment pour la sécurité aérienne. Il faudra cependant veiller à ce que la libéralisation du marché ne fragilise pas les compagnies européennes face à leurs concurrents, les compagnies américaines en particulier. De plus, les conséquences de la réalisation du « ciel unique » européen suscitent des inquiétudes qu'il faudra sans doute apaiser.
J'en viens aux crédits consacrés à la construction aéronautique, domaine dans lequel les entreprises américaines disposent d'un avantage concurrentiel visible sur leurs concurrents européens. Le montant des avances remboursables est relativement stable. Elles permettront notamment de poursuivre le développement de l'Airbus A 380.
Les crédits consacrés à la recherche sont, quant à eux, en forte augmentation, après une diminution en loi de finances initiale pour 2002 partiellement compensée par une ouverture de crédits dans le collectif budgétaire d'été.
Les constructeurs aéronautiques français ont assez bien résisté à la crise jusqu'ici. Pourtant, les dépenses qu'ils consacrent à la recherche et au développement sont sensiblement inférieures à celles de leurs concurrents américains qui bénéficient des synergies développées avec les contrats militaires puisque les industries américaines sont plus duales que les industries européennes.
L'industrie aéronautique américaine bénéficie également d'avantages fiscaux importants : la Commission européenne estime que le système des Foreign Sales Corporation, qui fait l'objet d'un contentieux dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, a permis à Boeing d'économiser 540 millions de dollars au cours des quatre dernières années.
Le transport aérien traverse une période d'incertitudes et de mutations. La commission des finances a considéré que les crédits de l'aviation et de l'aéronautique civiles pour 2003 témoignaient, dans un contexte de crise, de la recherche d'un équilibre. Elle a donc proposé au Sénat d'adopter ces crédits.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'aviation civile et le transport aérien. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je serai bref dans la mesure où mon collègue a excellemment présenté le budget de l'aviation et de l'aéronautique civiles.
Je me bornerai à présenter quelques observations sur ce sujet avant d'en venir à l'essentiel, c'est-à-dire à la situation du secteur du transport aérien.
Nous sommes dans un contexte de reprise fragile de l'économie mondiale, caractérisée par trois aspects négatifs et trois aspects positifs.
Le premier aspect négatif, c'est l'augmentation des coûts des procédures de sécurité, qui nuit au développement du transport aérien. Cela ne signifie pas que la sécurité ne soit pas nécessaire, elle est indispensable au contraire, mais elle coûte cher.
Le deuxième aspect négatif, c'est le quasi-doublement des primes d'assurances en matière de transport aérien, à un point tel que la Commission européenne s'est interrogée sur l'existence de pratiques illicites et sur un éventuel abandon de l'assurance vis-à-vis du secteur aérien. La question est posée, il faudra sans doute y revenir.
Le troisième élément très négatif, c'est la défaillance des grandes compagnies. Un certain nombre de grandes compagnies ont progressivement disparu. Je ne vais pas les passer ici en revue. Chacun les connaît et sait très bien ce qu'il est advenu.
Quant aux éléments positifs, ils laissent apparaître des difficultés.
Il s'agit de la restructuration du transport aérien, de l'apparition de nouveaux acteurs sur lesqels il convient d'être vigilants.
Il ne s'agit pas de refuser une nouvelle donne de l'économie du transport aérien, mais il faudra certainement, à un moment ou à un autre, vérifier la pertinence de l'action des compagnies « bas coût », qui peuvent fausser la concurrence.
La redéfinition des politiques aéroportuaires est également un élément positif. La réflexion est lancée sur ce sujet.
Monsieur le ministre, j'en viens aux crédits de votre ministère.
Il y a d'abord le budget annexe de l'aviation civile dont les recettes sont les redevances de la navigation aérienne et la taxe de l'aviation civile, la TAC. Nous étudierons ensuite le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, puis la construction aéronautique.
Le budget annexe de l'aviation civile, qui regroupe l'ensemble des crédits des services de l'aviation civile, est alimenté, par les redevances de la navigation aérienne. Les recettes sont en hausse de 6,7 %, ce qui représente 1,129 milliard d'euros. C'est une progression raisonnable et logique.
La taxe de l'aviation civile s'élève à 294,56 millions d'euros qui seront affectés, d'une part, au budget annexe et, d'autre part, au FIATA.
Les crédits de ce dernier sont en diminution parce que les objectifs de sécurité sont atteints. Cela étant, la part du FIATA qui est affectée au soutien aux dessertes aériennes régionales dites « d'aménagement du territoire » augmente de 5 %.
Cela reste insuffisant pour accompagner l'effort de développement des territoires qui sont enclavés. Je le dis parce qu'un certain nombre de mes collègues ici sont directement intéressés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Conseil supérieur de l'aviation marchande, aux destinées duquel j'ai l'honneur de présider, a fait des propositions sur l'évolution du FIATA. Je souhaite que vous les regardiez et que vous vous en empariez, en quelque sorte, sachant que ce fonds resterait, pour l'essentiel, ciblé vers l'aménagement du territoire. Mais l'aménagement du territoire comprenant aussi le développement économique, certaines lignes pourraient être considérées comme des lignes d'intérêt économique y contribuant, je pense à des plateformes aéroportuaires comme Troyes, Le Havre, Chambéry et quelques autres, qui mériteraient de bénéficier d'une aide spécifique, au moins au démarrage.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. S'agissant de l'accompagnement à la construction aéronautique, les autorisations de programme diminuent, et les crédits de paiement augmentent. C'est une question de bonne gestion, dont on ne peut que prendre acte.
Dans le domaine de la construction aéronautique, deux logiques s'opposent. La logique d'Airbus, avec des gros-porteurs, et celle de Boeing, avec des moyens-porteurs supersoniques de type Sonic Cruiser. Ne convient-il pas de s'interroger sur l'évolution de ce secteur de la construction aéronautique ? Il serait dommage que des logiques aussi opposées se contrecarrent.
J'en viens aux trois acteurs majeurs du transport aérien en dehors de la construction aéronautique, que sont les compagnies, les aéroports et le ciel.
Les pertes dues au 11 septembre 2001 sont équivalentes aux profits réalisés au cours des années 1997, 1998, 1999 et 2000. C'est dire la gravité des conséquences de ces attentats sur les compagnies aériennes. Cela a entraîné aussi des restructurations. Les pertes de lignes ont été très lourdes. L'effondrement de Swissair, notamment, a eu des conséquences sur Air Lib et Air Littoral. Il y a lieu de surveiller ce qui va se passer et d'accompagner convenablement ces compagnies, sans pour autant enfreindre les règles sacro-saintes.
S'agissant des aéroports, le facteur qui limite leur développement, ce sont les nuisances sonores. Il faut avoir une approche globale de ce problème, car les restrictions qui sont imposées aux compagnies ne sont pas une bonne solution dans la mesure où elles n'ont pas forcément les effets induits attendus. Le développement du transport aérien passe non seulement par une régulation des nuisances, mais aussi par une politique d'urbanisation faisant fi à la fois des hypocrisies et des non-dits. On ne peut pas continuer à agir comme on le fait.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Sans qu'on fasse le troisième aéroport !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Le meilleur moyen, de protéger les populations du bruit, c'est de ne pas les y exposer.
Alors, seulement, on obtiendra des résultats intéressants. Cela étant, le décret du 26 avril que vous avez pris a été parfait.
Je vous félicite, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir conclu, comme chacun le sait, ici, les accords du conseil européen des transports en protégeant le contrôle aérien, en faisant en sorte qu'il ne soit pas compromis par des incidences financières et en empêchant sa privatisation.
Il faut décongestionner l'espace aérien, en séquençant les routes d'approche des aéroports. Ce jour-là, je crois qu'on y gagnera. (M. Yvon Collin, rapporteur spécial, applaudit.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste : 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues l'examen du budget annexe de l'aviation civile, le BAAC, s'était inscrit l'an dernier dans un contexte de crise, du fait des répercussions sur le transport aérien des actes de terrorisme commis le 11 septembre 2001.
D'autres tentatives de destruction d'appareils ont été menées au cours des douze derniers mois, de celle de Richard Reid contre un vol Paris-Miami le 22 décembre 2001 au tir d'un missile sol-air contre un avion israélien décollant de Mombasa le 28 novembre dernier.
Par ailleurs, la faiblesse de la conjoncture économique générale pèse également sur la demande de transport aérien, de passagers comme de marchandises, ce qui retarde le retour du secteur sur sa courbe tendancielle en hausse sur longue période.
Ainsi, d'ici à 2005, le trafic de passagers augmentera en moyenne annuelle, selon les prévisions de l' International Air Transport Association , de 6,5 % sur l'Atlantique Nord, de 5 % sur les lignes Europe-Asie Pacifique, de 2,5 % sur les liaisons transpacifiques, de 6 % sur l'Asie/Pacifique et de 5,5 % sur l'Europe. Les données disponibles en ce qui concerne le fret permettent d'espérer des progressions au moins aussi fortes dans ce domaine.
C'est en fonction de ces perspectives, somme toute raisonnablement favorables, que nous devons examiner le projet de budget annexe de l'aviation civile qui nous est soumis.
Dans le projet de loi de finances pour 2003, les crédits qui sont alloués s'élèvent à 1 426 500 000 euros si l'on additionne les dépenses ordinaires et les autorisations de programme, mais les crédits de paiement, qui sont légèrement en baisse de 0,2 %, atteignent 286 millions d'euros, ce qui n'augure pas bien d'une reprise de l'investissement dans ce domaine. Cette année encore, le BAAC s'équilibre par ses recettes propres, sans qu'il soit fait appel à une subvention provenant du budget général, ce qui, il est vrai, aurait été bien difficile à trouver. Et pourtant, le taux de la taxe de l'aviation civile est une nouvelle fois demeuré stable.
En fait, comme pour le budget de 2002, c'est en tablant sur l'accroissement du produit des redevances de navigation aérienne, de route et pour services terminaux que ce budget se suffit à lui-même. Ces recettes seront notamment employées pour le financement des emplois créés, soit 393 contre 467 dans le budget 2002.
Sans doute conviendrait-il que l'Etat réfléchisse aux modalités par lesquelles il assume sa responsabilité d'assurer la sécurité du transport, ce qui passerait par un accroissement plus important des dépenses de fonctionnement. S'agissant à présent des dépenses d'investissement, pour lesquelles les autorisations de programme sont privilégiées par rapport aux crédits de paiement, les intentions du Gouvernement sont certainement louables, mais il reste à les concrétiser.
A côté de cet affichage un tant soit peu volontariste, nous assistons à un véritable effondrement des crédits d'investissement du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, en chute libre de 58 %, soit une baisse globale de 31 % puisque ses crédits de fonctionnement baissent de 2 %. Et pour cause, nous est-il expliqué : les travaux d'urgence qui avaient été suscités par les attentats du 11 septembre 2001 ont été menés à bien... Comme s'il n'était pas possible d'essayer d'anticiper un tant soit peu pour améliorer la situation de nos équipements !
Ainsi, la semaine dernière, l'attentat manqué contre le vol Mombasa-Tel Aviv a-t-il mis en lumière l'intérêt que pourrait représenter l'équipement des flottes des compagnies aériennes en dispositifs de détection de missiles et leurres destinés à les contrer. Pourquoi ne pas engager des moyens pour prévenir de telles attaques contre des appareils d'Air France et de ses consoeurs ?
De fait, il nous faut aussi aujourd'hui redéfinir avec force une politique en direction des aéroports régionaux qui ont bien du mal à équilibrer leurs comptes. Un certain nombre de lignes aériennes régionales sont déficitaires : ma collègue de Clermont-Ferrand me signale, pour l'aéroport de cette ville, un certain nombre de lignes aériennes déficitaires et des difficultés financières importantes sur lesquelles il serait bon que le Gouvernement se penche sérieusement.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Il n'y a pas que Clermont-Ferrand !
M. Paul Raoult. Effectivement !
Malgré les incertitudes qui pèsent sur le court terme, trois constats peuvent être dressés aujourd'hui.
D'abord, les aéroports de Roissy et d'Orly accueillent 75 millions de passagers par an, soit les trois cinquièmes du trafic national, et leur part est encore plus importante dans le secteur des marchandises, où ils représentent à eux deux 90 % du fret métropolitain.
Ensuite, avec une grande sagesse, le précédent Gouvernement avait entrepris de conforter les limitations de nuisances subies par les populations vivant à leur voisinage, et il semble que son successeur ne se risquera pas à revenir sur ces mesures qui, de fait, plafonneront leur croissance.
Mais il faudra bien accueillir la différence entre ces plafonds d'activité et celle que vont requérir les 140 millions de passagers attendus en 2020 pour le grand Bassin parisien, sans compter le fret supplémentaire.
Ne revenons pas sur l'emploi, particulièrement choquant, de l'argument selon lequel le trafic aérien baisserait en raison du 11 septembre et de ses suites, et que n'ont pas hésité à employer ceux qui refusent ce troisième aéroport.
Alors, bien entendu, le recours aux aéroports régionaux constitue sans doute une partie de la réponse, et le précédent gouvernement l'avait bien compris, en assurant une première aide de 5 milliards de francs pour leur développement, dans un futur immédiat.
Cet essor pourrait être fondé sur les alternatives au transport aérien classique que représentent les compagnies à bas coût.
Il paraît cependant pour le moins hasardeux d'espérer que plus de 60 millions de passagers supplémentaires viennent fréquenter ces plate-formes régionales, qui répondent imparfaitement aux exigences de la logique de hub .
C'est pourquoi, en parallèle, après avoir mené une concertation, le précédent gouvernement avait eu le courage de se prononcer pour l'implantation d'une troisième plate-forme aussi proche que possible de Paris.
Depuis, votre nouveau gouvernement et le nouveau ministre chargé notamment des transports, qui avait fait connaître son opposition à cette décision, ont brutalement remis en question l'immense travail accompli au cours de trois cents heures de réunions publiques.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Baratin !
M. Paul Raoult. Oui, c'est votre avis, ce n'est pas le mien !
Faisant table rase de cet acquis, ils ont cru bon d'engager une nouvelle procédure d'étude à la fois sur la nécessité de cet équipement et sur son emplacement.
Il ne me semble pas que les pouvoirs publics aient agi de manière très responsable et pour tout dire courageuse.
Mais il est vrai que nous avons pris l'habitude de voir le nouveau gouvernement défaire aussi rapidement qu'il lui est possible ce que son prédécesseur avait construit.
Il faut dire aussi que les pouvoirs publics ne pouvaient peut-être pas se consacrer à la résolution du problème posé par l'accroissement à venir du trafic aérien.
En effet, ils étaient déjà fort occupés à préparer la grande affaire des idéologues libéraux qui nous gouvernent dans ce secteur : la privatisation de la compagnie aérienne nationale française.
Il convient tout de même de rappeler à ceux qui caressent ce projet qu'il leur est permis d'y rêver précisément parce qu'il demeure une compagnie nommée Air France, là où tant de compagnies privées ont soit disparu, comme Midway, soit réduit leur voilure dans des proportions considérables. Je pense aux compagnies United Airlines et American Airlines, qui ont affiché toutes les deux, au terme de ce troisième trimestre 2002, 900 millions de dollars de pertes, et Delta Airlines, qui a enregistré 330 millions de dollars de pertes.
A contrario, le précédent gouvernement avait su fournir à Air France un soutien qui lui a permis de passer le cap des tempêtes, à la différence de Sabena ou de Swissair et de son pôle français AOM-Air Liberté.
Les résultats de la compagnie nationale sont même particulièrement appréciables au regard de ceux de la Lufthansa ou de British Airways, qui subissent de lourdes pertes d'exploitation.
C'est donc là l'opportunité, nous proclamaient les thuriféraires du secteur privé, d'ouvrir le capital d'Air France. Une annonce en ce sens avait été faite par le Gouvernement, dès le 29 juillet dernier.
Puis, soudain, l'effondrement des marchés financiers l'a contraint à remiser cette si noble ambition de dépouiller le secteur public français de l'un de ses plus beaux fleurons. Quoi qu'il en soit, nous attendons toujours de savoir pourquoi il faudrait absolument privatiser Air France, qui s'avère tout à fait compétitive et à même de passer des alliances fructueuses avec des compagnies privées telles que Delta Airlines au sein de Sky Team, qui regroupe aussi Alitalia, CSA, Aeromexico et Korean Airlines.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. C'est encore plus réactif !
M. Paul Raoult. Il ne suffit pas de répéter, comme un bon élève du néolibéralisme, que cette mesure permettrait d'aider Air France à conforter sa position. Encore faut-il nous le démontrer.
A la vérité, le budget annexe de l'aviation civile qui nous est soumis est bien plus préoccupant par ce qu'il ne nous dit pas que par ce qu'il énonce comme priorités.
Souvent reprises des années précédentes, en matière de personnels, d'investissements ou de développement de l'industrie aéronautique civile, ses orientations pour 2003 pourraient se discuter.
Après tout, ce domaine d'intervention des pouvoirs publics est assez technique pour que la polémique politique en soit absente.
D'ailleurs, sur tous les grands dossiers aéronautiques et aériens, y compris l'an dernier malgré une conjoncture mondiale particulièrement délicate, le Gouvernement avait su faire prévaloir l'intérêt général au cours des cinq dernières années hors de tout dogmatisme.
Il avait aussi fait en sorte que se poursuive la mise en oeuvre d'une stratégie industrielle et d'une politique des transports aériens au service de l'emploi et du développement durable.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, quels que soient les crédits mobilisés par le présent projet de loi de finances, il ne nous est pas possible de constater de votre part la même volonté de doter la France des moyens de faire face aux enjeux de l'avenir dans ce domaine.
En effet, bien au contraire, aux incertitudes qui pèsent sur un secteur aussi fragile qu'essentiel, vous avez délibérément ajouté deux inconnues qui obscurcissent tout l'horizon de l'aviation civile française : comment sera réglé le problème des aéroports parisiens, et que deviendra Air France ?
Le groupe socialiste votera donc contre les crédits des transports aériens et du budget annexe de l'aviation civile. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Il a tort !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis les événements tragiques du 11 septembre 2001, le secteur aérien, français et international, traverse une crise qui a mis en grande difficulté de nombreuses compagnies aériennes. Aux Etats-Unis comme en Europe, les compagnies privées ont réduit de manière drastique leurs emplois. Depuis la fin de l'année 2001, American Airlines a ainsi supprimé 27 000 emplois, US Airways, 12 000, British Airways, 7 500, Delta Airlines, 13 000, Air Canada, 9 000. La faillite de Swissair se sera traduite, quant à elle, par la suppression de 9 000 emplois, et celle de United Airlines concernerait 84 000 salariés.
La France a, jusqu'à maintenant, mieux résisté aux conséquences du ralentissement du trafic aérien. Face à la crise d'AOM-Air Liberté, les soutiens publics ont permis d'éviter d'importantes suppressions d'emplois.
Aujourd'hui, la situation d'Air Lib est pourtant des plus préoccupantes. Le différend qui l'oppose à Swissair depuis sa faillite ne lui a toujours pas permis de recouvrer les 61 millions de créances dont la compagie helvétique est redevable. Reconnaissons que cet apport de liquidités lui permettrait d'apurer sa situation financière et de faire face au remboursement du prêt de 30,5 millions d'euros que lui a accordé l'Etat.
Je sais que M. le rapporteur pour avis pense que les difficultés actuelles d'Air Lib ne résultent pas exclusivement du non-recouvrement de ses créances. Il souligne ainsi que sur « les cinq mois d'exploitation de l'exercice 2001, le taux de remplissage moyen n'aurait été que de 51,3 % ». Or, chacun le sait, le ralentissement actuel du secteur aérien n'a épargné aucune compagnie. Chacun sait aussi - la plupart des experts économiques comme la plupart des rapports sur ce budget le mettent en évidence - que cette crise n'est que conjoncturelle et que, sur le moyen terme, la croissance annuelle du trafic devrait se raffermir, atteignant probablement 5 % sur les vingt prochaines années.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pensez-vous réellement, au vu de tous ces éléments, qu'une compagnie comme Air Lib doive être sacrifiée au gré d'une conjoncture particulièrement déprimée ? J'espère que vous saurez entendre les propositions en préparation.
Nous attendions un soutien public permettant à cette société de traverser cette crise et de perdurer.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Elle l'a eu !
Mme Marie-France Beaufils. Au lieu de cela, un plan de restructuration a été annoncé en octobre dernier qui prévoit non seulement la suppression de 600 emplois, mais aussi le démantèlement de l'entreprise !
Le traitement de ce cas est tout à fait révélateur de la politique libérale du Gouvernement si coûteuse en emplois.
La volonté de privatiser Air France en est un autre aspect. Cette compagnie, réputée mondialement pour la qualité de ses services, résiste incontestablement mieux que beaucoup d'autres compagnies à la crise que traversent actuellement les transports aériens.
Le plan mis en place par le précédent gouvernement, sous l'impulsion du ministre des transports de l'époque, M. Jean-Claude Gayssot, après le 11 septembre et, plus globalement, le développement du hub de Roissy - Charles-de-Gaulle, les différents accords de coopération noués avec d'autres compagnies internationales dans le cadre de l'alliance Sky Team , lui ont permis de dégager un résultat net confortable.
Nous devons, cependant, demeurer prudents et faire preuve de plus de volontarisme politique que ne nous l'autorise votre projet de budget, d'autant plus que les prévisions de recettes sur lesquelles il s'appuie semblent difficilement réalisables dans la conjoncture actuelle.
La crainte d'actes terroristes a provoqué une augmentation brutale et très importante des primes d'assurance. En réponse à cela, les aides qui avaient été octroyées jusqu'en octobre 2002 n'ont pas été reconduites, ce qui ne manquera pas d'accroître encore la fragilité financière des compagnies aériennes, déjà durement touchées.
Je voudrais encore attirer votre attention sur le développement des compagnies « bas coût ». Elles favorisent le développement d'une concurrence déloyale, qui tire les prix vers le bas, ce qui fragilise d'autant la rentabilité du secteur.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Et les consommateurs ?
Mme Marie-France Beaufils. En effet, de telles compagnies bénéficient d'aides souvent non négligeables des collectivités ou encore d'une réduction de la redevance aéroportuaire. Par ailleurs, plusieurs aéroports ont connu des fermetures rapides de lignes dès leur ouverture, ce qui constitue, à n'en pas douter, un gâchis financier considérable.
La Commission européenne, pourtant si hostile aux diverses formes d'aides accordées aux entreprises en réelle difficulté - elle n'hésite pas, par exemple, à remettre en cause les aides accordées dans le cadre de la prime d'aménagement du territoire -, s'est-elle sérieusement penchée sur ce type de pratiques ? Il ne s'agit certes pas d'un abus de position dominante ; cependant, qui nierait que cela induit des distorsions de concurrence ?
Enfin, j'attire votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le processus actuel de déréglementation européenne de notre espace aérien.
Dans le contexte géopolitique actuel particulièrement préoccupant et incertain, la modification des espaces aériens civil et militaire nous paraît également préoccupante. La volonté affichée de certains pays de mettre en concurrence les différentes prestations de services intervenant pour la sécurité des passagers, risque de peser lourdement sur les décisions du Conseil des ministres européens. Votre prédécesseur s'est mobilisé pour faire entendre, au sein de cette instance, la qualité des services publics intervenant dans notre pays, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je vous serais reconnaissante de nous donner des informations sur l'avancée des discussions qui se sont récemment tenues dans le cadre de la procédure européenne de codécision.
Face à toutes nos inquiétudes, vous l'aurez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe CRC ne votera pas les crédits de votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le temps qui m'est imparti, je vais tenter de répondre à M. le rapporteur spécial et à M. le rapporteur pour avis, qui ont présenté les travaux de la commission des finances et de la commission des affaires économiques et du Plan, ainsi qu'aux différents orateurs.
En effet, madame Beaufils, nous sommes au lendemain d'une réunion importante du conseil des ministres européens au cours de laquelle le ciel unique européen a été acté. Chacun aura compris que, pour des raisons de sécurité, il était important que l'espace européen aérien soit géré non plus simplement en fonction des frontières, mais aussi en fonction des espaces géographiques et économiques. Madame Beaufils, je vous rassure, la France a naturellement été fortement partisane du ciel unique européen - alors que le gouvernement précédent ne l'était pas -, tout en réaffirmant les missions régaliennes de l'Etat. Ainsi, le contrôle aérien, pour la sécurité des vols, sera assuré, en tant que mission régalienne, par des fonctionnaires de l'Etat. Il n'est pas question de sortir de ce système.
Le ciel unique européen ne signifie pas une déréglementation ou une libéralisation sur le plan économique. Il s'agit, au contraire, de donner plus de régularité, plus de sécurité à nos vols intérieurs.
Mme Marie-France Beaufils. Pas dans tous les cas !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. De surcroît, avec ce ciel unique européen, les espaces aériens seront moins encombrés.
Lorsque, l'an passé, la Haute Assemblée a examiné ce projet de budget, les chiffres du transport aérien étaient catastrophiques ; c'était, il est vrai, au lendemain des attentats du 11 septembre. Certes, aujourd'hui, la situation n'est pas brillante, mais, si l'on regarde les chiffres récents, ceux du mois d'octobre, on s'aperçoit que le transport aérien se redresse dans notre pays, et même en Europe.
Il y a de par le vaste monde des bruits de bottes, et la situation peut toujours évoluer dans un sens moins positif, mais le transport aérien semble petit à petit sortir de la crise dans laquelle il était entré. On peut donc s'attendre à ce que la structure du transport aérien évolue.
Parlant de la structure du transport aérien, je voudrais évoquer la situation de la compagnie Air France. Monsieur Raoult, être ou ne pas être libéral, tel n'est pas le sujet ! L'un des premiers hommes d'Etat de qualité à avoir parlé de la privatisation d'Air France, c'était Laurent Fabius, lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale. (Exclamations sur les travées socialistes.) Or, vous reconnaîtrez avec moi qu'il n'est pas, en général, catalogué comme homme politique ou économiste ultra-libéral.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. En effet !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Pourquoi Air France resterait-elle nationalisée ? Aucune raison ne donne une quelconque légitimité à l'Etat pour être l'actionnaire principal d'une compagnie aérienne. A l'Etat de s'occuper de la sécurité des vols, du contrôle aérien et des mesures dans les aéroports, avec la direction générale de l'aviation civile. Mais pourquoi l'Etat, aujourd'hui, serait-il propriétaire d'une compagnie aérienne ?
Mme Marie-France Beaufils. Pourquoi ne le serait-il pas ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Il ne l'est plus de Renault, il ne le sera plus, bientôt, de France Télécom. Rien ne justifie, à part l'idéologie, que l'Etat reste actionnaire majoritaire d'une compagnie aérienne.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Si nous voulons que les salariés d'Air France soient ceux, demain, d'une compagnie qui soit dans les toutes premières mondiales, dans les majors , il faut qu'ils soient comme les autres salariés des autres compagnies, et pas avec un président nommé en conseil des ministres et autres fariboles du même ordre.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Air France gagne de l'argent ; les autres compagnies en perdent !
M. Gérard Le Cam. Là, c'est de l'idéologie !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Ce système-là a fait long feu.
Le Gouvernement vous soumettra, le moment venu, un projet de loi relatif à la privatisation d'Air France.
M. Max Marest. Très bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. L'année 2003 ne s'achèvera pas sans qu'Air France soit privatisée et que nous connaissions une situation normale. Air France pourra ainsi conclure un certain nombre d'alliances, avec ALM, avec Alitalia - c'est en cours - pour devenir une des grandes compagnies mondiales.
Air France, compagnie nationalisée, c'est une affaire du passé. Ne menez pas de combat d'arrière-garde, madame le sénateur, sinon les Français sauraient, le moment venu, vous le reprocher une fois de plus.
M. Jacques Oudin. Bravo !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Rappelons-nous également que, si Air France va bien et qu'elle surmonte la crise du 11 septembre, en revanche, certaines des compagnies régionales qui dépendent d'Air France, par exemple Regional Air Lines , éprouvent des difficultés. Je pense également au hub de Clermont-Ferrand, qui est la plate-forme de correspondances des compagnies régionales, et qui connaît des problèmes. Coexistent donc, au sein d'Air France, des postes de réussite et des secteurs en difficulté.
Le Gouvernement, monsieur Raoult, vous pourrez le dire à vos collègues sénateurs du Puy-de-Dôme, comme nous l'avons déjà dit aux députés du Puy-de-Dôme, est très attentif à l'avenir du hub de Clermont-Ferrand et des compagnies régionales filiales d'Air France organisées autour de cette plate-forme.
M. Paul Raoult. Merci, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je dirai un mot, à présent, des compagnies à bas coût. Mme Beaufils m'a sidéré en prétendant qu'elles cassaient l'emploi.
Ainsi donc, que des compagnies fassent baisser le coût du trafic aérien et permettent de voyager à des gens qui ne prenaient pas l'avion jusqu'à présent, pour des raisons financières, ce serait antidémocratique ? Je m'attendais à un autre jugement de la part d'une formation politique telle que la vôtre, madame le sénateur !
Mme Marie-France Beaufils. J'ai dit anti-économique !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Si le parti communiste avait encore quelques élus en province, ce qui n'est plus le cas, car il n'en a plus qu'en région parisienne et, éventuellement, à Saint-Pierre-des-Corps,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et M. Le Cam ? Et Mme Beaufils ? Ce sont des élus de province !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ... vous sauriez que la majorité des aéroports des régions vivent actuellement grâce aux compagnies à bas coût.
Mme Marie-France Beaufils. Et grâce aux subventions des collectivités territoriales !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. La plupart des aéroports de province sont gérés par les chambres de commerce, certes, avec le soutien des collectivités locales, et ne vivent que grâce aux compagnies bas coût. Ces compagnies permettent de se déplacer par avion à des populations qui n'utilisaient pas auparavant ce mode de transport. Elles permettent également aux touristes européens, notamment britanniques, de venir chaque semaine dans ces régions et de contribuer au développement de leur tourisme.
Par conséquent, s'opposer aujourd'hui aux compagnies bas coût, c'est s'opposer finalement à la démocratisation du transport aérien et à l'aménagement du territoire. Je ne pense pas que, au sein de la Haute Assemblée, il y ait une majorité pour soutenir cette position.
Nous avons une autre difficulté, mais elle n'a pas encore été évoquée ce soir, je veux parler de la desserte aérienne de l'outre-mer. En effet, la situation de monopole qui prévaut dans un certain nombre de départements et de territoires d'outre-mer n'est pas bonne pour nos compatriotes ultramarins, parce qu'elle entraîne un renchérissement du prix des billets et que les dessertes ne sont pas forcément adaptées.
Le Gouvernement a l'intention de prendre prochainement un certain nombre de mesures pour faciliter le trafic aérien entre l'outre-mer et la métropole. Nous voulons que les prix baissent pour nos compatriotes ultramarins. Nous voulons faire en sorte qu'un certain nombre de liaisons nouvelles soient assurées et que de nouvelles compagnies apparaissent sur le marché. D'ailleurs, à ce titre, nous nous réjouissons que Air Austral développe une relation entre la Réunion et Paris d'ici à quelques mois - peut-être bientôt entre Mayotte et Paris - et que Air Tahiti participe désormais, avec d'autres compagnies, à la desserte entre la Polynésie française et la métropole.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous rendre particulièrement attentifs, mais je sais que vous l'êtes déjà, à la desserte de l'outre-mer, car, pour nos compatriotes d'outre-mer, la desserte aérienne n'est pas simplement une question de confort : elle leur permet de maintenir le lien avec la métropole et nous permet de continuer à être à leurs côtés.
Pour ce faire, nous devons maintenir le budget de l'aviation civile à un bon niveau, qui nous permette tout à la fois de développer nos infrastructures, de maintenir notre niveau de sûreté et de développer nos aéroports.
M. Le Grand l'a noté dans son rapport écrit, ainsi que M. Collin dans le sien, nous avons prévu des crédits pour les études complémentaires concernant un éventuel troisième aéroport parisien ainsi que pour l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Ce projet intéresse le Gouvernement en ce que Notre-Dame-des-Landes serait le grand aéroport de l'Ouest parisien et, partant, offrirait une possibilité de ne pas construire un troisième aéroport en région parisienne.
Monsieur Raoult, sachez que nous n'avons pas stoppé le projet de troisième aéroport pour des raisons idéologiques. Simplement, ce troisième aéroport était situé à plus de 100 kilomètres de Paris, alors que nos amis canadiens et québécois ont stoppé Mirabel à quelque soixante kilomètres de Montréal. Le secteur choisi se trouvait au beau milieu d'une des plus riches zones agricoles françaises, au même titre que la Brie ou la Beauce. Enfin, il devait traverser le cimetière militaire australien, alors que nous nous devons d'honorer ceux qui sont venus nous aider de l'autre bout du monde à une époque où nous étions bien contents de les avoir à nos côtés. Bref, c'était le type même de la mauvaise décision (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), ...
M. Paul Raoult. Ce n'est pas un argument, c'est insupportable !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Alors, prenez une autre décision !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ... le tout sur fond de communication, de grandes réunions, de papier glacé et d'argent dépensé !
Tout cela n'était qu'une parodie de démocratie, dont le Gouvernement actuel ne voulait pas !
M. Jacques Oudin. Il a raison !
M. Paul Raoult. Pourtant, vos collègues de droite du Nord - Pas-de-Calais étaient d'accord !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Nous avons donc stoppé définitivement le projet de troisième aéroport en Picardie...
M. Paul Raoult. Je le regrette !
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est scandaleux !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ... parce qu'il ne correspondait à aucune réalité. Il faisait plaisir à M. Gayssot et peut-être à M. Gremetz, mais il n'intéressait pas les Français.
Quelle est la démarche du Gouvernement ? Certes, elle est moins « papier glacé », moins « communication ».
M. Paul Raoult. M. Legendre était d'accord avec moi.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Elle consiste à vérifier si nous avons besoin d'un troisième aéroport, car telle est la vraie question !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Bien sûr que nous en avons besoin !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Vous le savez, madame Beaudeau, mais les Français ne le savent pas. Alors, nous allons réfléchir avec eux. Nous avons confié une mission à la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale pour savoir s'il faut un troisième aéroport dans notre pays.
Qu'en est-il du développement d'Orly, qui n'est pas à son plafond de 250 000 mouvements ?
Ne convient-il pas de développer convenablement Roissy ? Sous le gouvernement précédent, n'avait-il pas été décidé de construire une cinquième aérogare avec une capacité maximale...
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est vrai, contre l'avis des habitants !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ... en dépit de la décision annoncée par ailleurs ?
Nous voulons donc vérifier si les aéroports d'Orly, de Roissy, de Vatry, et de Châteauroux-Déols pour le fret, ainsi que les grands aéroports régionaux tels que Lyon-Saint-Exupéry, Lille et, demain, Notre-Dame-des-Landes permettraient d'absorber le trafic dans notre pays ou s'il est nécessaire, une fois de plus avec une vision purement technocratique et parisienne, de décider l'implantation d'un troisième aéroport à 100 kilomètres de la capitale, en oubliant que la grande majorité des Français habitent loin de la capitale et qu'ils ont besoin d'aéroports régionaux et pas d'aéroports parisiens.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je vous invite, monsieur le sécrétaire d'Etat, à tenir une réunion publique dans le Val-d'Oise avec vos collègues !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Madame Beaudeau, nous sommes dans une démarche de concertation et de discussion avec les Français, qui n'est plus celle du carton ou du papier glacé, comme le gouvernement précédent !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Sur ce point, nous n'avons pas d'opposition affirmée.
Nous rouvrons le dialogue et nous faisons exactement l'inverse de M. Gayssot qui avait bloqué les capacités d'accueil de Roissy à 55 millions de passagers alors qu'il aménageait une aérogare qui pouvait accueillir jusqu'à 80 millions de passagers.
M. Paul Raoult. Et les élus de droite du Nord - Pas-de-Calais !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Nous, nous avons une position cohérente !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Un autre domaine dans lequel nous avons une position cohérente, c'est le budget de la sûreté.
Si nous avons réduit les crédits du FIATA, monsieur Raoult, c'est que les investissements programmés en matière de sécurité étaient réalisés. Nous avons dès lors estimé qu'il n'était pas nécessaire de continuer à dépenser l'argent public.
A l'Assemblée nationale, un député s'est d'ailleurs inquiété de savoir s'il ne fallait pas réduire les crédits consacrés à la sûreté et si la France n'en faisait pas trop.
Je pense très légitimement que nous n'en faisons pas trop. Nous devons nous efforcer d'atteindre le plus haut niveau de sécurité et de sûreté possible. On peut se demander - M. Le Grand l'a souligné à juste titre - si les contrôles des bagages et des passagers sont toujours correctement réalisés et si nous n'avons pas besoin, dans ce domaine, de faire des investissements et des réalisations supplémentaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à cet égard, à la demande du ministère des transports, le ministre de l'intérieur va nommer deux sous-préfets chargés de la sécurité, l'un auprès du préfet du Val-de-Marne, l'autre auprès du préfet de Seine-Saint-Denis, afin d'assurer la sécurité des deux aéroports parisiens.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je terminerai en répondant à quelques-unes des questions qui ont été posées par les rapporteurs et par les orateurs du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen.
S'agissant de la construction aéronautique, nous pensons que le projet de budget est à la hauteur des besoins. Les autorisations de programme nous paraissent se situer à un niveau correct puisqu'elles sont fondées sur les demandes de l'industrie aéronautique pour l'an prochain.
Monsieur Collin, la croissance des primes et indemnités paraît certes exponentielle. Toutefois, ce n'est que par le dialogue social avec les personnels de la DGAC que nous pourrons réfléchir sur la manière d'organiser les relations sociales.
Pour ce qui est du FIATA, ceux qui pensent que ses crédits n'augmentent pas assez ont peut-être raison. En effet, la demande des aéroports de région pour développer des liaisons transversales ou non rentables est importante. L'augmentation de cette demande est la conséquence des besoins des Français en matière de trafic aérien qui souhaitent voyager à bas coût. Il faudra certainement que nous trouvions ultérieurement les moyens d'augmenter les possibilités du FIATA ou de l'associer à d'autres partenaires, en vue d'assurer le financement des liaisons d'aménagement du territoire.
Madame Beaufils, vous avez évoqué l'avenir de la compagnie Air Liberté. Je vous dis simplement, sans polémique, que le gouvernement actuel lui a accordé plus d'argent que le gouvernement précédent. Nous ne l'avons pas fait exprès, nous sommes simplement restés plus longtemps aux affaires sur ce dossier, mais nous n'en retirons aucun honneur ! Nous voulons qu'Air Liberté s'en sorte, à la fois pour ses salariés qui sont nombreux, et pour toutes les villes, en métropole comme outre-mer, qu'elle dessert. En outre, dans un souci de complémentarité et de concurrence, nous souhaitons naturellement qu'il y ait, sur le marché français, des opérateurs autres que les compagnies du groupe Air France, les compagnies « bas coût » ou les compagnies européennes et étrangères.
Or nous avons été confrontés à une situation dans laquelle l'Etat assurait les fins de mois d'Air Liberté. En outre, la compagnie ne pouvait plus payer ni l'URSAFF ni les compagnies consulaires qui gèrent les aéroports. Le Gouvernement a donc été contraint d'examiner avec Air Liberté les solutions qui lui permettraient de s'en sortir, y compris la recherche de nouveaux investisseurs.
Le président d'Air Liberté, M. Corbet, nous a présenté voilà quelques semaines un nouvel investisseur que nous rencontrons régulièrement. Le Gouvernement souhaite ardemment que cet investisseur soit en mesure de faire redémarrer l'entreprise à partir du mois de janvier. Pour l'instant, je ne peux faire aucun pronostic, il est difficile de savoir si les fiançailles entre l'entreprise hollandaise et la compagnie française déboucheront véritablement sur un mariage, mais nous souhaitons, pour les personnels, pour les escales, pour l'avenir du transport aérien français, que la compagnie réussisse des projets d'avenir et qu'elle se développe.
Nous avons la même analyse pour la compagnie Air Littoral, qui se trouve également, avec un millier de salariés, dans une situation difficile du fait du retrait de l'actionnaire principal Swissair. Nous souhaitons qu'Air Littoral se tire de ce mauvais pas, d'autant plus que cette compagnie est basée principalement sur deux grands aéroports français, Montpellier-Méditerranée et Nice-Côte d'Azur, et que sa disparition aurait des répercussions sur l'emploi. Nous avons donc accordé à Air Littoral des délais de paiement ainsi qu'un prêt du FDES assorti d'un prêt des collectivités territoriales. Il faudra cependant que la compagnie trouve des investisseurs, comme je l'ai indiqué à ses dirigeants cette semaine à Montpellier. Aussi attendons-nous qu'Air Littoral nous présente un plan de redéveloppement au début de l'année prochaine.
Je terminerai mon propos en évoquant la question des nuisances sonores, abordée par M. Le Grand. Quelles que soient vos positions sur le développement du trafic aérien, j'ai bien compris qu'une partie de l'hémicycle n'était pas favorable à la privatisation d'Air France ; j'ai cru comprendre également que certains croyaient encore au troisième aéroport, seul l'avenir jugera.
Je ne cherche à imposer le point de vue du Gouvernement à personne, nous sommes dans un débat démocratique et républicain. A terme, selon moi, le développement du trafic aérien est lié à la capacité des aéroports de se développer par rapport aux populations riveraines. Le trafic aérien qui, a priori, est promis à un avenir radieux, pourrait être bloqué dans son développement par le problème des nuisances sonores. Certains exemples, en Europe et dans le reste du monde, l'attestent. Les réactions des riverains de Roissy témoignent également de ces difficultés.
Il faut dire que nous ne sommes pas aidés par les couloirs aériens qui ont été mis en place en région parisienne par le précédent gouvernement. Ils sont le parfait exemple de ce qu'il ne faut pas faire : absence de concertation, mauvaise décision qu'il est difficile d'appliquer sur le terrain. Actuellement, certains de nos concitoyens de l'Essonne et de Seine-et-Marne souffrent des couloirs qui ont été décidés au mois d'avril dernier. Nous devrons donc réétudier cette situation qui n'est pas du tout satisfaisante.
En tout état de cause, nous devrons être raisonnables dans le développement des aéroports. Les mesures que Gilles de Robien annonçait à la fin du mois de juillet doivent donc être mises en application. Cela signifie, monsieur Le Grand, comme vous l'avez justement indiqué, qu'il faudra réfléchir à un nouvel urbanisme et à des règles économiques incitatives autour des aéroports. Il nous faudra veiller à ne pas heurter la sensibilité légitime des populations qui, d'un côté, apprécient l'aéroport parce qu'il crée de l'emploi et qu'il leur permet de voyager et, de l'autre, détestent être réveillés par les avions à toutes les heures du jour et de la nuit !
Telles sont, mesdames et messieurs les sénateurs, les perspectives du transport aérien de notre pays.
Aujourd'hui, plus d'un an après le 11 septembre, nous pouvons être raisonnablement optimistes. Air France s'est bien sortie de la situation et sa privatisation lui permettra de se développer ; de réels soucis subsistent au sujet d'Air Liberté et d'Air Littoral. Le développement des compagnies « bas coût », que je juge favorablement, doit répondre aux règles normales de la concurrence. Il existe également des problèmes environnementaux. Malheureusement, enfin, les récents actes de terrorisme nous montrent que la sûreté dans le domaine aérien n'est jamais facile ni acquise et que les gouvernements doivent poursuivre leurs efforts.
Voilà, monsieur le président, les éléments que je voulais exposer à la Haute Assemblée, en lui demandant, naturellement, d'adopter ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'aviation et l'aéronautique civiles, inscrits à la ligne « Equipement, transports, logement, tourisme et mer » seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de l'examen des crédits affectés au tourisme.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 47 805 492 euros. »