SEANCE DU 9 DECEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° II-97, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans les e et g du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, le taux : "25 %" est remplacé (quatre fois) par le taux : "40 %".
« II. - Les dispositions du I ci-dessus s'appliquent à compter de l'imposition des revenus de l'année 2003.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons déjà eu à plusieurs reprises l'occasion d'évoquer la dissymétrie qui existe entre les deux régimes dits « Besson » - « Besson » qui, au fur et à mesure de nos amendements, devient un « Lambert-Besson » -, celui qui vaut pour le secteur locatif neuf et celui qui vaut pour le secteur locatif ancien.
Dans le secteur locatif ancien, le dispositif ne fonctionne pas de façon satisfaisante ou significative. En effet, compte tenu des contraintes qu'il impose - il encadre en effet le montant des loyers ainsi que les ressources des locataires -, la déduction forfaitaire instaurée par le dispositif Besson, d'un taux de 25 %, n'est pas assez attractive par rapport au régime de droit commun, où la déduction est de 14 %, ou par rapport au régime microfoncier, dans lequel l'abattement est de 40 %.
L'amendement n° II-97 vise donc à relever de 25 % à 40 % le taux de la déduction forfaitaire pour rendre plus efficace le régime Besson et en faire vraiment un« Lambert-Besson », si je puis de nouveau utiliser cette expression.
La commission, soucieuse d'éviter tout effet d'aubaine, propose de n'appliquer la mesure qu'à compter de l'imposition des revenus de l'année 2003. Par ailleurs, je précise que le coût de cette mesure est estimé, pour l'année 2004, à environ 53 millions d'euros.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Tout d'abord, je salue la démarche de M. le rapporteur général, qui perpétue la tradition de la commission des finances du Sénat en cherchant à améliorer le fonctionnement des régimes d'incitation fiscale à l'investissement locatif.
Le dispositif applicable aux logements anciens, c'est vrai, n'est pas très performant. Il est donc nécessaire d'en accroître l'efficacité. A cet égard, deux voies peuvent être empruntées. La première, celle que propose M. le rapporteur général, consiste à relever le taux de la déduction forfaitaire ; la seconde vise à réviser les plafonds des loyers qui, dans certaines zones - je pense à la région parisienne, notamment -, sont trop contraignants.
Dans les semaines qui viennent, je vais procéder, en collaboration avec mon collègue chargé du logement, à une expertise approfondie des niveaux de loyer, puisqu'une telle actualisation peut être réglée par simple arrêté. Dans l'immédiat, je puis d'ores et déjà vous donner l'accord du Gouvernement, monsieur le rapporteur général, pour relever la déduction forfaitaire. Naturellement, je lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-97 rectifié.
Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 54.
L'amendement n° II-59, présenté par MM. Othily, Larifla, Désiré et Joly, est ainsi libellé :
« Après l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est rétabli un article 199 sexies C du code général des impôts rédigé comme suit :
« Art. 199 sexies C. - Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu les dépenses de grosses réparations, d'amélioration ou de ravalement d'immeuble payées entre le 31 décembre 1999 et le 31 décembre 2002 pour lesquelles une facture, autre qu'une facture d'acompte, a été émise avant le 15 septembre 2002, à condition qu'elles soient afférentes à l'habitation principale située en France.
« Dans les départements d'outre-mer et dans les mêmes conditions, ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu les dépenses visées au premier alinéa et payées entre le 31 décembre 2002 et le 31 décembre 2017. »
« II. - Il est rétabli un article 199 sexies D du code général des impôts rédigé comme suit :
« Art. 199 sexies D. - La réduction d'impôt prévue à l'article 199 sexies C ne peut excéder 20 % du montant des dépenses payées au cours de l'année d'imposition dans la limite de 3 049 euros pour une personne célibataire, veuve ou divorcée, et de 6 098 euros pour un couple marié soumis à une imposition commune. Cette somme de 3 049 euros ou de 6 098 euros est majorée de 305 euros pour le premier enfant et chacune des personnes à charge, de 380 euros pour le deuxième enfant et de 457 euros par enfant à partir du troisième. »
« III. - Les pertes de recettes résultant du I et du II sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Cet amendement vise à encourager, par la mise en place d'une réduction de l'impôt sur le revenu, l'activité et la création d'emplois dans les petites et moyennes entreprises des départements d'outre-mer, et je pense en particulier aux très petites entreprises.
En effet, il me paraît urgent de prendre conscience que le climat, les intempéries, les catastrophes naturelles, les termites, etc., causent des dégâts importants aux matériaux de l'habitat dans les départements d'outre-mer.
Grâce à la disposition que je propose, l'activité du bâtiment serait stimulée et le recours au travail clandestin, véritable fléau économique et social dans les départements d'outre-mer, diminuerait. Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, est d'ailleurs en train de préparer une loi-programme visant à soutenir la création d'emplois. Au demeurant, le budget pour 2003, bien qu'il soit un budget de transition, a pour objet essentiel d'encourager le travail, donc l'emploi, spécialement en ce qui concerne le logement. Or, nombre de propriétaires, dans les départements d'outre-mer, sont dans l'impossibilité d'engager des travaux importants de couverture, de toiture, de ravalement notamment, tous travaux particulièrement susceptibles de procurer du travail aux artisans, et singulièrement aux petits artisans.
C'est la raison pour laquelle je demande à la Haute Assemblée tout son soutien afin que soit remise en vigueur cette disposition, qui existait naguère, avant que le précédent gouvernement ne la supprime.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission comprend bien les objectifs de notre collègue, mais elle reste perplexe sur la formalisation même de son dispositif. En particulier, il lui apparaît que les travaux éligibles seraient ceux qui seraient payés avant le 31 décembre 2002, si bien que la mesure aurait un effet budgétaire en 2003.
La deuxième partie de la loi de finances ne me semble pas appropriée à l'adoption d'une telle mesure, qui aurait sans doute dû être plaidée dans la première partie, dès lors qu'elle a des conséquences, si faibles soient-elles, sur le solde de la loi de finances pour l'année à venir. Telle est l'une des interrogations que suscite la lecture de cet amendement.
La commission, à ce stade de l'examen du projet de loi de finances, ne peut que conseiller le retrait de cet amendement, afin de pouvoir approfondir la réflexion sur ce sujet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. M. Georges Othily propose que soit remis en vigueur un régime de réduction d'impôt qui a été supprimé lorsque le taux réduit de TVA a été appliqué aux travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien des locaux d'habitation.
La baisse de la TVA remplace très avantageusement cette ancienne réduction d'impôt, dans la mesure où elle vaut quel que soit le montant de la dépense concernée, alors que toute réduction d'impôt est plafonnée. Elle constitue donc une mesure dont le champ d'application est plus large que celui de l'ancienne réduction d'impôt.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est très attentif aux préoccupations que vous avez exprimées, ce qui l'a conduit à proroger d'un an l'application du taux réduit de la TVA. Il ne lui semble donc pas opportun de mettre en place un nouveau dispositif de réduction qui s'ajouterait à l'avantage fiscal. La baisse de la TVA était en quelque sorte gagée : la compensation de cette baisse de TVA était précisément la suppression de la réduction d'impôt. Si l'on restaurait cette dernière mesure, on doublerait l'avantage accordé.
Le Gouvernement reste très attentif à la situation particulière des départements d'outre-mer. C'est pourquoi un texte sera proposé au Parlement dans les prochaines semaines.
A ce stade du débat, je suis obligé de demander à M. Othily de bien vouloir retirer son amendement. A défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Othily, accédez-vous à la demande du Gouvernement ?
M. Georges Othily. Je pourrais rectifier cet amendement, et je le ferai peut-être après les explications que je vais donner.
Dans trois départements d'outre-mer - la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion - la TVA s'applique. Les travaux qui y seront réalisés bénéficieront donc de la réduction de la TVA. Pour eux, il n'y a pas de problème.
En revanche, la TVA est provisoirement suspendue en Guyane. Lorsque des travaux et de grosses réparations sont effectués par des citoyens de Guyane, ils ne bénéficient pas de réduction de TVA puisque tous les produits importés qui concourent à l'amélioration de l'habitat ne sont pas soumis à la TVA et ne relèvent que de l'octroi de mer. Par conséquent, les citoyens guyanais ne peuvent profiter d'aucune réduction sur les travaux qu'ils ont engagés. Il serait donc logique qu'ils puissent bénéficier d'une réduction d'impôt pour réparer cette injustice.
Dans le cas où l'on me prouverait le contraire ou si l'on m'assurait qu'une étude plus approfondie sur cette question sera menée, je retirerais mon amendement, mais avec angoisse et sans conviction.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur Othily, je comprends bien les problèmes de votre département, dans lequel le régime de TVA n'est pas le même qu'en métropole. Mais je crois vraiment que ce dossier appelle un examen plus approfondi que celui que j'ai mené jusqu'à présent.
La demande de rejet du Gouvernement en cas de non-retrait est liée à mon souhait d'examiner cette question au regard du cas particulier que vous évoquez. Je souhaite que vous ne le preniez pas en mauvaise part. Nous légiférons pour la France entière et nous devons être attentifs à élaborer une norme qui soit applicable à tous. En l'état actuel des réflexions, je ne suis pas en mesure d'affirmer ce qui serait approprié. C'est ce qui me conduit à maintenir mon avis défavorable.
M. le président. Monsieur Othily, maintenez-vous toujours l'amendement n° II-59 ?
M. Georges Othily. J'ai bien entendu vos propos, monsieur le ministre. Je vous saisirai donc directement afin que nous puissions trouver une solution satisfaisante pour les citoyens de Guyane en matière de réduction d'impôt sur les investissements. Je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° II-59 est retiré. L'amendement n° II-114, présenté par M. Pintat, est ainsi libellé :
« Après l'article 54, insérer une article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La première phrase du a du 2 de l'article 199 decies H du code général des impôts est ainsi rédigée :
« Au prix d'acquisition de terrains en nature bois et forêts ou de terrains nus à boiser lorsque cette acquisition permet de constituer une unité de gestion d'au moins 10 hectares d'un seul tenant ou d'agrandir une unité de gestion au-delà de 10 hectares. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle au titre des articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-78, présenté par M. Foucaud, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 1382 du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art... - A partir du 1er janvier 2004, les constructions nouvelles, reconstructions et additions de reconstruction, affectées à l'habitation principale située dans une commune classée dans les deux premiers déciles selon l'indice synthétique défini à l'article L. 2334-17 du code général des collectivités locales sont exonérées de la taxe foncière sur les propriétés bâties pendant les dix ans qui suivent l'année de leur achèvement. »
« II. - Les pertes de recettes pour les collectivités locales sont compensées par un prélèvement sur les recettes de l'Etat.
« III. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée par le relèvement à due concurrence des deux dernières tranches du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Par cet amendement, nous proposons d'aider les personnes qui participent à la mixité sociale.
La mixité sociale, qui doit conduire à diversifier l'habitat dans les communes ou les logements sociaux, était quasiment inexistante. Elle a fait l'objet de dispositions de la loi Gayssot que vous avez malheureusement modifiées. Or la mixité sociale doit également s'effectuer dans les communes où l'habitat social est important, en favorisant la présence de logements occupés par leurs propriétaires.
Voilà pourquoi nous proposons une exonération de taxe foncière de dix ans en faveur des redevables qui construiraient leur habitation principale dans une commune éligible à la dotation de solidarité urbaine.
Dans ces communes, le poids de la taxe foncière, eu égard aux lourdes charges que doivent supporter de telles collectivités, peut constituer un frein au développement du parc non locatif, alors même que ces communes disposent de terrains adaptés, en principe, à l'accueil de zones pavillonnaires.
Par ailleurs, les exonérations prévues en matière de taxe foncière sont très peu nombreuses par rapport, notamment, aux exonérations de taxe professionelle prévues dans certaines zones spécifiques. Le fait d'accorder aux ménages de nouvelles exonérations visant à favoriser le développement des communes défavorisées nous semble donc une mesure de justice fiscale.
C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Un amendement identique a été présenté lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances sur lequel, pour des raisons évidentes, la commission a émis un avis défavorable. Elle reste sur la même position.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
En effet, comme vous le savez, monsieur Foucaud, ces constructions nouvelles bénéficient déjà de diverses exonérations significatives en matière de taxe foncière. Ainsi bénéficient-elles d'une exonération de deux ans à compter de l'achèvement. De plus, les logement sociaux sont souvent exonérés pendant quinze ans à compter de l'année qui suit celle de leur achèvement.
Par ailleurs, vous proposez d'introduire un seuil, donc une distorsion, entre les communes de plus de dix mille habitants et les autres, ce qui n'est jamais satisfaisant.
Enfin, dans un souci de clarification des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, le Sénat s'est opposé à ce que la fiscalité locale soit « payée », en quelque sorte, par l'Etat.
Or votre amendement, monsieur le sénateur, aurait pour conséquence de renforcer encore la part de l'Etat dans le produit total de la fiscalité directe locale.
Ces remarques me conduiraient, si l'amendement était maintenu, à émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Foucaud, l'amendement est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Je ne suis pas convaincu par la réponse de M. le ministre au regard notamment de l'exigence de mixité.
Je pense, monsieur le ministre, que vous feriez bien de consulter de nouveau les propositions formulées par le groupe communiste républicain et citoyen à propos des communes défavorisées dans lesquelles il serait possible de construire un certain nombre de petits pavillons pour favoriser la mixité, une meilleure répartition sociologique et donc une meilleure stabilité de la population.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-78.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° II-98, présenté par MM. Marini et Arthuis, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 315-4 du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé :
« Art. L. 315-4. - Les bénéficiaires d'un prêt d'épargne logement reçoivent de l'Etat, lors de la réalisation du prêt, une prime d'épargne dont le montant est fixé compte tenu de leur effort d'épargne. »
« II. - Les dispositions du I s'appliquent aux comptes d'épargne logement ouverts à compter du 5 décembre 2002. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est cosigné par le président de la commission des finances, ce qui montre le degré d'engagement de notre commission.
Comme vous le savez, mes chers collègues, le régime de l'épargne logement est très largement répandu auprès de nos concitoyens et ses enjeux économiques et sociaux sont tout à fait cruciaux.
Or, si l'on examine les chiffres des dernières années, on constate une distorsion croissante entre l'encours des dépôts de l'épargne logement et l'encours des prêts, et ce alors même que l'objectif de l'épargne logement, les raisons de sa spécificité et des avantages qui y sont attachés sont de favoriser la construction, l'acquisition ou l'amélioration de biens immobiliers.
Le coût fiscal et budgétaire de ce dispositif pour l'Etat va croissant, comme le prouve l'évolution des crédits qui y sont consacrés au sein du budget des charges communes, dont le rapporteur est M. Yves Fréville. Le montant total des primes versées s'est élevé en 2001 à 1,48 milliard d'euros, dont 1,47 milliard pour les plans d'épargne logement, qui sont, vous le savez, une variante au sens juridique, des comptes d'épargne logement.
En d'autres termes, l'encours en 2001 des dépôts au titre de l'épargne logement a représenté 227 milliards d'euros, pour seulement 25,4 milliards d'euros de prêts émis.
En fait, nous assistons, mes chers collègues, à une inversion entre le montant de l'aide de l'Etat et son impact sur le marché immobilier alors même que l'aide a connu une explosion depuis quelques années.
Par cet amendement, la commission des finances souhaiterait donc restaurer pour l'avenir un équilibre entre les avantages conférés à l'épargne logement et ses résultats socio-économiques. Son intention est de lier l'octroi de la prime à la concrétisation d'un prêt au logement.
Toutefois, pour ne pas pénaliser les contrats ou plans en cours, la nouvelle disposition qui vous est soumise ne s'appliquerait qu'aux comptes ou plans ouverts à compter du 5 décembre 2003, date d'examen de la mesure par la commission des finances.
L'initative que nous prenons n'est au demeurant ni nouvelle ni inédite. En recherchant dans les relativement vieux débats, j'ai trouvé une intervention prononcée, le 9 décembre 1996, par M. Alain Lambert, alors rapporteur général du budget, qui avait présenté un amendement visant à ce que la prime d'épargne logement ne soit versée qu'en cas d'affectation de l'épargne préalable aux objets prévus aux articles L. 315-1 et L. 315-2 du code de la construction et de l'habitat, dans une proportion et dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.
Cet amendement ne visait que les plans d'épargne logement conclus à compter du 9 décembre 1996. Il y a une ressemblance assez évidente entre ces deux initiatives prises à six ans d'intervalle !
Qu'avait-on répondu à l'époque à M. le rapporteur général, tout en notant l'intérêt d'une réflexion sur les plans d'épargne logement et en reconnaissant qu'il existait un problème de gonflement très rapide - déjà à l'époque - de l'encours des plans d'épargne logement ?
Le ministre délégué au budget avait alors indiqué que les économies en résultant ne pourraient être engrangées par l'Etat qu'au bout de quatre ans ; il avait raison. Il ne voyait sans doute à l'époque qu'à un horizon plus court.
Or, d'après nos calculs, si la mesure avait été adoptée, les économies eussent été engrangées dès le 9 décembre 2000 et, en 2003, c'est-à-dire dans le contexte budgétaire très difficile que vous connaissez, monsieur le ministre du budget, l'Etat ferait tout simplement l'économie de 1,48 milliard d'euros de primes.
Compte tenu de ces éléments issus de l'expérience du passé, nous considérons que l'aménagement des plans d'épargne logement est un moyen à la fois d'assurer une bonne gestion budgétaire et de réorienter l'épargne vers le marché boursier, qui a fort besoin d'un soutien actuellement.
Notre pays, mes chers collègues, ne manque pas de systèmes d'épargne longue. Celui dont nous parlons continuera de prospérer pour les épargnants qui souhaitent véritablement acquérir un bien immobilier : pour ces derniers, en effet, la prime sera intégralement maintenue, quelle que soit la date d'ouverture de leur plan d'épargne logement.
En revanche, pour les épargnants qui ne visent pas prioritairement un projet immobilier, toute sorte d'autres produits existent sur le marché de l'épargne, plus innovants, plus générateurs de richesse pour l'économie, plus incitatifs à la prise de risque.
Pour l'ensemble de ces raisons, mes chers collègues, la commission vous soumet avec conviction cet amendement n° II-98.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Il est des projets qui font pratiquement l'objet d'un consensus et qui pourtant n'aboutissent pas. En l'occurrence, peut-être est-ce dû au fait que ma prise de fonction est récente. En tout cas, monsieur le rapporteur général, je souhaite ne pas vous décevoir et prendre des décisions sur des sujets qui sont arrivés à maturité.
Votre commission des finances avait en effet déjà souligné la nécessité d'agir en la matière : M. Yves Fréville nous le rappelait il y a quelques jours en présentant son rapport sur les charges communes. J'avais répondu que le Gouvernement était attentif au problème et qu'il prendrait les dispositions nécessaires dès que ce serait possible.
Monsieur le rapporteur général, vous avez raison, il est nécessaire de s'interroger sur l'évolution de ce dispositif, qui visait, à l'origine, à favoriser l'accession à un logement et qui s'est transformé pour partie en dispositif d'épargne de droit commun. Il n'est donc pas illégitime de vouloir, comme vous le faites par cet amendement, recentrer ce produit sur son objectif originel en conditionnant l'attribution de la prime d'Etat à la souscription d'un prêt.
Je rappelle d'ailleurs que cette condition est d'ores et déjà imposée pour bénéficier d'une prime d'Etat pour les comptes d'épargne logement. Je suis donc favorable à l'amendement d'autant qu'il ne porte pas atteinte aux droits des épargnants actuels. Il s'appliquera en effet aux nouveaux plans d'épargne logement. Nous le soulignons pour qu'il n'y ait pas la moindre ambiguïté à cet égard.
Il faut en effet attirer l'attention de nos concitoyens sur ce point puisqu'ils sont très attachés à ce produit d'épargne : les conditions qui régissent les plans d'épargne logement déjà ouverts resteront inchangées. De manière générale, le plan d'épargne logement reste un produit attractif, ne serait-ce que par sa défiscalisation.
Toutefois, je vous propose, monsieur le rapporteur général, de reporter la date d'application des nouvelles dispositions à la date d'aujourd'hui, et ce afin de ne pas créer de difficultés aux titulaires des plans ouverts avant que cette mesure ne soit connue et pour que les épargnants n'aient pas le sentiment d'avoir été grugés. Je sais bien que le 5 décembre est la date à laquelle la commission des finances a adopté l'amendement, mais qu'il me soit permis de dire que, même si les travaux de la commission des finances sont très connus, ils le sont peut-être un peu moins que les travaux effectués en séance publique. Je pense que nous aurons ainsi fait plus que notre devoir vis-à-vis de tous les épargnants qui ont le sentiment d'avoir contracté avec l'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, ce sujet faisait l'objet d'un consensus depuis longtemps. Il était temps de clarifier les choses. Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur général, cette disposition n'aidera pas l'actuel ministre délégué au budget à résoudre les difficultés qui sont les siennes, mais ses successeurs auront, eux, un avantage que, lui, n'a pas trouvé en arrivant. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je remercie le ministre du budget de l'accueil favorable qu'il vient de réserver à l'amendement de la commission des finances.
Il me semble en effet qu'il y a là un signal à donner aux épargnants.
Je salue la continuité des convictions de celui qui a exercé successivement les fonctions de rapporteur général, puis de président de la commission des finances, et maintenant celles de ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous ne sommes évidemment pas étonnés de la position qu'il a exprimée.
Je voudrais simplement non pas disculper le ministre délégué au budget en exercice à l'automne 1996, mais préciser que le gouvernement de l'époque avait bien l'intention de clarifier le dispositif et qu'il adhérait pleinement à la démonstration qui avait été faite au Sénat. Malheureusement, les circonstances politiques n'ont pas permis de mener à bien ce projet.
Nous proposons donc de réparer une incontestable anomalie.
Cela étant, se trouve ainsi posé le problème de l'épargne administrée. Sans doute faut-il porter une attention particulière à l'épargne qui s'oriente vers la construction, l'accession à la propriété : il y va de l'intérêt des familles comme de l'intérêt d'un secteur économique qui nous est cher et qui est fortement créateur d'emplois. Mais, plus globalement, nous sommes préoccupés par les décisions que prendra le Gouvernement en matière d'épargne administrée, et nous sommes impatients de connaître les conclusions des travaux conduits par M. Christian Noyer, ancien vice-président de la Banque centrale européenne et ancien directeur du Trésor.
En effet, s'il est clair que l'aide associée aux comptes d'épargne logement est coûteuse, il en va de même pour d'autres formes d'épargne administrée, notamment celle qui concerne le secteur de la construction de logements sociaux.
Pour le reste, monsieur le ministre, la commission des finances accepte, bien entendu, de procéder à la rectification que vous avez suggérée.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-98 rectifié, qui est ainsi libellé :
« Après l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 315-4 du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé :
« Art. L. 315-4. - Les bénéficiaires d'un prêt d'épargne logement reçoivent de l'Etat, lors de la réalisation du prêt, une prime d'épargne dont le montant est fixé compte tenu de leur effort d'épargne. »
« II. - Les dispositions du I s'appliquent aux comptes d'épargne logement ouverts à compter du 9 décembre 2002. »
Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 54.

Article 54 bis (réserve)