SEANCE DU 12 DECEMBRE 2002


Article unique

M. le président. « Article unique. - En application de l'article 11 du règlement du Sénat et de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est créé une commission d'enquête de vingt et un membres sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en établissements et services sociaux et médico-sociaux et les moyens de la prévenir. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, mes chers collègues, la proposition de résolution de notre collègue Henri de Raincourt nous incite à poursuivre les efforts qui ont été réalisés depuis plusieurs années afin de mettre un terme aux actes de maltraitance envers des personnes handicapées.
Comme le rappelle à juste titre Jean-Marc Juilhard, rapporteur, le gouvernement précédent n'est pas resté insensible à ce problème et n'est donc pas demeuré inactif. Un programme pluriannuel d'inspection préventive a été lancé en 2001.
Dans la même perspective, la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale est venue réaffirmer les droits fondamentaux des personnes accueillies. Elle ne s'en est d'ailleurs pas contentée puisqu'elle a aussi élaboré un dispositif de prise en charge et de protection de ces personnes.
Je rappellerai à cet égard le contenu des articles 8 à 13 de cette loi qui prévoit, afin de garantir l'exercice effectif des droits de la personne accueillie et de prévenir tout risque de maltraitance, la remise d'un livret d'accueil.
Outre une charte des droits et des libertés de la personne, ce livret comprend un contrat de séjour élaboré avec la personne ou son représentant légal, qui définit les objectifs et la nature de la prise en charge ou de l'accompagnement.
Sont également rappelés les principes déontologiques et éthiques, ainsi que des recommandations de bonne pratique. Enfin, la liste et la nature des prestations offertes doivent être mentionnées.
Pour faire valoir ses droits en cas de difficulté, toute personne prise en charge ou, le plus souvent, son représentant légal peut faire appel à une personne qualifiée choisie sur une liste établie par l'administration et les services du conseil général. Cette personne rendra compte de ses interventions aux autorités chargées du contrôle des établissement concernés.
Dans chaque établissement, un projet d'établissement ou de service doit fixer les objectifs, les modalités d'organisation, la qualité des prestations et l'évaluation des activités. En outre, un conseil de la vie sociale doit permettre aux personnes accueillies de participer au fonctionnement de l'établissement.
Un règlement de fonctionnement complète ce dispositif. Il définit les droits de la personne accueillie, ainsi que les obligations et les devoirs nécessaires au respect des règles de la vie collective.
Enfin, la protection des médecins et des salariés qui dénoncent des actes de maltraitance a été renforcée.
C'est donc un dispositif juridique complet et équilibré qui a été mis en place à l'occasion du vote de la loi du 2 janvier 2002. Nous ne disposons pas encore aujourd'hui d'une évaluation des résultats obtenus à partir de ce texte.
Les derniers chiffres dont nous avons connaissance sont tout à fait inquiétants, même s'ils datent, comme le souligne notre rapporteur, de 1999, c'est-à-dire d'une période antérieure à la loi et à la mise en oeuvre de la mission d'inspection.
Il est établi que les instruments administratifs de contrôle existent. Cependant, le plus difficile - chacun en est conscient - est de connaître et, surtout, de faire venir au jour les dérives qui risquent de se produire à l'intérieur de certains établissements. Nous sommes en présence d'un continent opaque, où les actes de plus grand dévouement peuvent côtoyer les plus terribles agissements.
Nul ne peut contester la nécessité de faire maintenant le point sur l'efficacité de la loi que nous avons votée.
C'est même l'un de nos premiers et plus impérieux devoirs que d'étudier les conditions de vie des plus fragiles de nos compatriotes.
Nous espérons surtout que nous sortirons de cette commission non pas seulement mieux informés, mais également mieux armés pour prévenir les actes de maltraitance. Il importe, dans l'intérêt des personnes accueillies et des personnels dans leur immense majorité, que nous soyons en mesure de faire des propositions pour améliorer la situation. Nous entendons non seulement renforcer la détection et le contrôle, mais aussi améliorer la formation et la préparation psychologique des personnels. Sans doute cela nécessitera-t-il quelques moyens.
C'est dans cet esprit que les sénateurs du groupe socialiste participeront à la commission d'enquête dont la création nous est proposée aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, pour explication de vote.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, mes chers collègues, naturellement j'apporterai mon total soutien à la création d'une commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en institution ; cela nous fournira l'occasion de faire le point sur la situation.
Monsieur le président de la commission, à l'aube de cette année qui va être consacrée au handicap, il faudrait que nous nous préoccupions - pardonnez-moi ce néologisme - de la « bientraitance » des personnes handicapées.
En effet, assumant des responsabilités au sein d'une fédération nationale qui accueille 17 000 personnes handicapées chaque jour, je ne peux me satisfaire de la situation de 13 000 autres personnes, handicapées de la vie, qui ont moins de soixante ans et qui ne sont pas accueillies dans des structures adaptées à leur situation. A l'heure actuelle, nous n'avons pas de véritable réponse en termes de soins à l'égard de ces handicapés.
Bien sûr, il ne s'agit pas de maltraitance au sens où la commission d'enquête l'entend.
M. Guy Fischer. C'est de la « non-traitance » !
M. Gérard Larcher. Mais c'est une question de dignité, de qualité de soins. Au moment où nous allons aborder les SROS 3 - les schémas régionaux d'organisation sanitaire -, je souhaite vraiment que nous étudions ce problème.
L'hôpital public accueille ces personnes du mieux qu'il peut, mais dans des établissements qui ne sont adaptés ni à leur situation ni à leur besoin de soins. Je voudrais, notamment, que nous appliquions, comme cela a été fait pour les malades neurovégétatifs - on sait ce que cela signifie ! -, la circulaire récente, afin de pouvoir les accueillir dans des conditions de dignité qui répondent vraiment à la conception que nous avons de l'homme.
Je souhaite répondre à Guy Fischer en lui demandant de faire attention aux chiffres ! De 1988 à 1998, quels que soient les gouvernements, le nombre de places d'accueil pour les adultes handicapés a augmenté de 54 %. Ce n'est sans doute pas suffisant, car nous devons traiter le vieillissement du handicapé, réalité que nous connaissons bien ici : l'espérance de vie, notamment pour les malades trisomiques, qui était de trente ans voilà quelques décennies, est passée à cinquante ans aujourd'hui. Nous avons un devoir de réponse !
Si les crédits et le nombre de places pour les enfants handicapés ont diminué, c'est parce que l'ambulatoire en famille remplace l'accueil en internat. En réduisant de 27 % les places en internat, nous avons offert, en quelque sorte, aux enfants et aux familles une chance de préserver leur dignité et de se réinsérer dans la société.
Par conséquent, dans ce genre de débat, il faut faire très attention à l'aspect humain. Naturellement, des moyens financiers sont nécessaires. Les 13 000 grands handicapés auxquels j'ai fait allusion ont besoin d'une attention particulière. Il faut combatre la maltraitance par tous les moyens. Mais au moment où le Président de la République et le Gouvernement veulent faire de 2003 l'année du handicap, c'est l'occasion de s'intéresser à la bientraitance et à la dignité de nos citoyens handicapés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Plasait, pour explication de vote.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, mes chers collègues, depuis plusieurs années des témoignages effrayants provenant de différents points du territoire révèlent des comportement inadmissibles de certains individus à l'égard de personnes vulnérables : les personnes handicapées placées en établissement.
L'opacité de la gestion de nombreux établissements et l'absence de contrôles fréquents, qui devraient être exercés par l'Etat, alimentent toutes les rumeurs, au détriment des institutions qui, elles, respectent la loi et les droits des personnes qu'elles hébergent.
Qu'en est-il réellement ? Que se passe-t-il dans ces établissements ? La création de cette commission d'enquête a pour objet non seulement de lever le voile sur la vérité, mais également de trouver des solutions pour remédier à cet état de fait.
Il incombe effectivement à l'Etat de comprendre comment de tels actes - coups, viols, maltraitance morale, humiliation, sadisme - peuvent être commis par des personnels soignants ou administratifs.
Comment se fait-il que les personnes ayant particulièrement besoin d'être protégées se retrouvent paradoxalement en position de victimes ?
Selon certains experts, c'est précisément parce que ces personnes sont faibles et sans défense que certains les maltraitent sans grand risque de représailles.
Comment la société peut-elle en arriver à un tel degré d'impunité ? C'est à toutes ces questions qu'il faudra répondre et apporter des solutions.
Depuis quelques années, ce dossier tabou évolue - trop lentement, hélas ! - sous la pression des parents des personnes maltraitées, des associations de personnes handicapées, mais aussi à la demande de certaines directions d'établissement qui remplissent leur devoir de dénonciation, toujours difficile.
Par ailleurs, la loi rénovant l'action sociale et médico-sociale a prévu des mesures en faveur d'un meilleur respect des droits et des libertés des usagers.
De plus, au début de l'année 2002, un vaste programme quinquennal 2002-2005 d'inspection des établissements sociaux et médico-sociaux a été mis en place. Son objet est de visiter pas moins de deux mille structures en cinq ans. Une formation à la prévention des maltraitances devait également être organisée par les inspecteurs, les médecins inspecteurs et les directeurs d'établissement. L'objectif est louable, mais la procédure est longue et sans résultat concret immédiat.
L'actualité sordide exige donc une action plus rapide et plus efficace. C'est la raison pour laquelle le groupe de l'UMP votera la proposition de résolution.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires sociales sur la proposition de résolution n° 315.

(La proposition de résolution est adoptée.)
M. le président. Je constate que le texte a été adopté à l'unanimité des suffrages exprimés.

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